FR07CR23

AS (2007) CR 23

 

Edition DVD

SESSION ORDINAIRE DE 2007

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-troisième séance

Mercredi 27 juin 2007 à 10 heures

 

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2. Les discours prononcés dans une autre langue font l'objet d'un compte rendu analytique.

3. Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4. Les corrections doivent être adressées à la pièce 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 heures, sous la présidence de M. van der Linden, Président de l’Assemblée.

1. Modification dans la composition de commissions

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La délégation de Bosnie–Herzégovine propose des modifications dans la composition des commissions.

Ces propositions et ces désignations ont été publiées dans le document Commissions (2007) 6 Addendum 3.

Il n’y a pas d’opposition aux modifications?…

Les modifications sont adoptées.

2. Organisation des débats

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Mes chers collègues, compte tenu du grand nombre d’orateurs inscrits dans nos trois débats d’aujourd’hui, je vous propose de limiter le temps de parole à quatre minutes pour tous les orateurs.

Il n’y a pas d’opposition?…

Il en est ainsi décidé.

3. Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l'Europe : second rapport

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Marty, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur les détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe: second rapport, contenu dans le document 11302 révisé et addendum.

La liste des orateurs a été close hier à 18 heures. Trente-deux orateurs se sont fait inscrire et vingt-trois amendements ont été déposés. Pour en terminer à 13 heures, il nous faudra interrompre la liste des orateurs vers 12 h 05 afin d’entendre les répliques des commissions et de procéder aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition?…

Il en est ainsi décidé.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) souligne que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été la seule organisation en mesure de présenter un rapport si approfondi sur un sujet si grave. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a bénéficié de la contribution de plusieurs ONG, Human Rights Watch. Son travail illustre le double mandat de l’Assemblée et ses liens avec la société civile.

Le fait que les pays membres du Conseil de l’Europe couvrent l’ensemble du continent européen a par ailleurs facilité l’enquête menée dans le cadre du rapport de M. Marty. Celui-ci a eu accès à des informations sensibles et les faits avancés dans son premier rapport ont été confirmés par le Président américain lui-même, qui a reconnu l’existence de centres de détentions secrets. Malheureusement, certains parlements nationaux persistent à nier la réalité et refusent d’enquêter. Leurs représentants à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doivent savoir que cette position n’est plus acceptable et plaider dans leurs pays pour que leur gouvernement et leur parlement prennent leurs responsabilités. Le Président souhaite que le présent débat contribue à faire avancer la situation.

La parole est à M. Marty, président et rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. MARTY (Suisse), président de la commission et rapporteur. – Monsieur le Président, mesdames, messieurs, chers collègues, tout a commencé au début du mois de novembre 2005, quand des représentants de la société civile américaine ont dénoncé l’existence de prisons secrètes en Europe. Human Rights Watch, dans un rapport circonstancié, mentionnait la Pologne et la Roumanie; le Washington Post désignait des démocraties de l’Europe orientale comme emplacement de centres de détention secrète. Le Washington Post m’a confirmé qu’il avait parfaitement connaissance des endroits où se trouvaient ces prisons mais qu’il renonçait à en citer les noms à la suite d’un accord passé avec la Maison-Blanche.

Tout de suite, grâce au Président de notre Assemblée et à son Secrétaire Général, le Conseil de l’Europe a réagi. Notre commission a été chargée d’établir un rapport et m’a désigné comme rapporteur. Nous ne sommes pas une autorité d’enquête, nous n’en n’avons ni le pouvoir ni les moyens. Nous avons procédé à des recherches –comme tout rapporteur le fait–; et nous nous sommes adressés par le biais des délégations aux différents gouvernements, mais nous avons très vite compris que ces derniers n’avaient nulle intention de répondre. Aujourd’hui encore, les gouvernements de pays parfois importants n’ont toujours pas répondu à nos questions! D’autres ont répondu formellement en évitant de donner de véritables réponses. Nous nous sommes heurtés à un mur du silence de la part de la plupart des exécutifs européens.

Nous savons aujourd’hui que ce silence cache des actes illégaux et des violations des droits de l’homme. Nous savons aujourd’hui, grâce à l’administration américaine, que des centaines de personnes ont été enlevées en dehors de tout contrôle judiciaire, que ces personnes ont été et sont toujours détenues dans des centres de détention échappant à tout contrôle judiciaire, que ce soit à Guantanamo, en Irak, en Afghanistan, en Afrique ou ailleurs. Mais nous savons que tel a aussi été le cas en Europe ! Le Président des Etats-Unis d’Amérique l’a reconnu. Il a expressément parlé de «centres de détention secrète».

A cet égard, je dois dire qu’au fond, l’administration américaine a fait preuve d’une certaine cohérence voire d’une certaine transparence. Elle a déclaré que la justice n’était pas un instrument apte à combattre le terrorisme mais elle a dit aussi que les conventions de Genève n’étaient pas un instrument adéquat. Les Etats-Unis n’ont jamais caché que ces centres de détention devaient se situer en dehors de leur territoire parce que non conformes aux droits et à la Constitution américaine. Ils ont dit aussi que ces dispositions ne s’appliquaient pas aux citoyens américains. Et ils ont reconnu avoir introduit des techniques d’interrogatoire «renforcées», comme ils les définissent. Parmi ces techniques figurent des actes qui, pour nous et pour la communauté internationale, constituent des actes de torture.

Pas de cohérence et pas de transparence de la part de la plupart des gouvernements européens: nous avons même assisté à des faits vraiment troublants. Alors que l’opposition parlementaire critiquait certains gouvernements, il y a quelques années de cela, pour leur collaboration avec la CIA, cette même opposition, venue récemment au gouvernement, fait obstacle à la recherche de la vérité avec encore plus de ténacité que le gouvernement précédent!

Mes chers collègues, pourquoi un tel silence? Pourquoi ce refus systématique de répondre à nos questions? Notre premier rapport avait présenté une description de la «toile d’araignée». Pour la première fois, nous avions pu indiquer les circuits de rendition. Nous avions dit qu’il existait un faisceau d’indices concordants établissant l’existence de centres de détention secrets en Europe. Nous avions dit aussi que ces enlèvements qui avaient eu lieu en Europe pouvaient difficilement avoir eu lieu sans la collaboration des services nationaux. Je pense plus particulièrement au cas Abou Omar en Italie. Nous savons que, dans ce cas, les services de renseignements nationaux, en particulier de renseignements militaires, ont bel et bien collaboré.

Face à ce silence, la commission des questions juridiques m’a autorisé à prendre contact avec des sources confidentielles, ce point est très important, et d’assurer de la confidentialité des personnes disposées à me parler. C’est un acte de la commission, pas un acte du rapporteur. C’est une stratégie choisie par la commission face au silence général des gouvernements. Et c’est une stratégie qui a été payante. Nous avons donc dit publiquement que nous étions à même de garantir la plus totale confidentialité. Nous avons informé de ce fait à M. Frattini, vice-président de la commission européenne. La stratégie a été aussi une épreuve de confiance envers votre rapporteur, et je veux en remercier ma commission.

Je puis vous assurer qu’avec mon team nous avons fait tout notre possible pour réaliser un travail sérieux. Nous ne nous sommes jamais fondés sur une seule source confidentielle. Nous avons toujours procédé à des vérifications des deux côtés de l’Atlantique et nous avons toujours mis en rapport les informations recueillies avec des faits concrets, comme les vols d’avion, ou encore les déclarations des détenus. Ce qui figure aujourd’hui dans le rapport constitue ainsi un ensemble cohérent. Si les contacts que je puis vous assurer sont de haut niveau, des deux côtés de l’Atlantique, je puis vous affirmer, Monsieur le Président, qu’il s’agit surtout d’un acte de confiance envers le Conseil de l’Europe.

Pour l’heure, il ne s’agit de condamner ni la Pologne ni la Roumanie. La classe politique roumaine dans sa presque totalité, pas plus que la classe politique polonaise ne savaient quelque chose, seules quelques personnes savaient. Ce que nous demandons avec force, c’est le droit à la vérité pour les citoyens du continent européen. C’est le devoir de vérité des institutions, des gouvernements et des parlements, afin d’établir la vérité. Il est trop facile de se cacher derrière le secret d’Etat, trop souvent invoqué pour masquer des violations des droits de l’homme. Ce secret d’Etat est inacceptable.

J’aimerais maintenant rendre hommage à la Bosnie-Herzégovine qui a reconnu publiquement son erreur en collaborant avec la CIA, en lui remettant six personnes qui avaient bénéficié d’un acquittement par un tribunal dans leur pays. J’aimerais aussi rendre hommage au Canada qui a suivi dans cette affaire une ligne complètement différente de celle de l’Europe. Le Canada a reconnu sa faute et il a indemnisé les victimes de cette rendition, ce qui n’a toujours pas eu lieu en Europe.

Pour conclure, Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à vous remercier pour la confiance qui m’a été accordée et pour votre participation à ce débat. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) ouvre la discussion générale et donne la parole à M. Omtzigt.

M. OMTZIGT (Pays-Bas) (Interprétation), au nom du Parti populaire européen, salue le courage qu’il a fallu pour mener une enquête sur les centres de détention secrets, en dépit d’adversaires puissants, et pour dénoncer de graves violations à l’encontre de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe. Ces dernières années, la menace du terrorisme n’a cessé de croître. Il faut y répondre tout en respectant le droit et la justice, sur la base de principes légaux. Ne pas respecter ces principes revient à faire le jeu des terroristes, qui ont comme objectif principal de saper les fondements de la démocratie.

Le rapport accuse certains Etats d’avoir profité d’un vide juridique pour mener des actions illégales et formule de nouvelles accusations à l’égard de gouvernements qui ont entravé la justice. Les preuves sont abondantes mais les témoignages recueillis de manière confidentielle ne constituent pas des preuves irréfutables. Aujourd’hui, il est essentiel de répondre aux interrogations qui subsistent. Les pays pour lesquels des doutes existent ne peuvent plus se contenter de dire qu’ils ont cherché et qu’ils n’ont rien trouvé. Des questions très précises doivent être adressées à leur gouvernement. Le Conseil de l’Europe doit préciser les méthodes qu’il doit employer pour poursuivre son enquête. La société civile et les parlements nationaux ont évidemment un rôle important à jouer. Pour conclure, il convient de souligner que ce rapport permet de faire de l’Europe une zone plus démocratique. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Eörsi.

M. EÖRSI (Hongrie) (Interprétation), au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, déclare qu’il n’y a plus lieu de déplorer les insuffisances du Conseil de l’Europe auquel M. Marty fait honneur avec son rapport. Ce travail est jugé gênant par plusieurs pays. En tant que Hongrois, M. Eörsi sait que certains pays estiment ne pas pouvoir compter sur la solidarité européenne. Si ces pays se sentaient mieux protégés par l’Europe, peut-être commettraient-ils moins d’erreurs.

Cela dit, cette explication ne vaut pas excuse. Dans le même temps, les Etats-Unis considèrent pour leur part ne pas pouvoir compter sur leurs alliés européens. On se félicitera donc que Mme Merkel et M. Sarkozy s’attachent désormais à renforcer l’Alliance atlantique. Le Gouvernement américain sera, de ce fait, moins tenté d’agir illégalement. Mais comment ne pas citer Churchill, selon lequel «on peut toujours compter sur l’Amérique pour faire ce qu’il faut, après avoir essayé tout le reste…»? (Sourires) On constate à présent que, s’agissant de Guantanamo, le gouvernement Bush est de plus en plus critiqué, y compris par les Républicains, et l’on peut donc s’attendre à la fermeture de ce centre de détention, ainsi qu’à la cessation des transferts illégaux.

Tout cela est bien. Néanmoins le Conseil de l’Europe se doit de débattre des erreurs commises par ses alliés. Après les attentats du 11 septembre 2001, un vent de panique a soufflé sur l’Amérique, et la réaction du gouvernement a été d’accumuler les renseignements tout en réduisant le contrôle public et la transparence sur les moyens d’y parvenir. On peut le comprendre, mais cela ne dispense pas d’expliquer que la peur est mauvaise conseillère et que les erreurs commises doivent être corrigées. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Greenway.

M. GREENWAY (Royaume-Uni) (Interprétation), au nom du Groupe des démocrates européens, félicite M. Marty, dont le rapport aborde, une nouvelle fois, un sujet aussi délicat que controversé. Le rapporteur a révélé certains faits, mais tout porte à croire que l’on ne saura jamais l’entière vérité sur ce qui s’est passé –et qui continue peut-être. Ainsi, chacun aura entendu le Président Bush reconnaître publiquement qu’il y avait bien eu des détentions secrètes sous l’égide de la CIA, alors que Mme Rice affirmait imperturbablement que le gouvernement américain avait toujours respecté les dispositions des Nations Unies relatives à la souveraineté des autres pays et à l’interdiction de la torture. Ces déclarations sont contradictoires. Le monde entier demande qu’un changement s’opère dans la pratique du pouvoir par le Gouvernement américain.

Comme M. Marty, on peut considérer comme inacceptable le fait d’invoquer la raison d’Etat pour faire obstacle à la vérité dans les affaires concernant M. Abou Amar en Italie et Al-Masri en Allemagne. Dans ces deux cas, toute la lumière doit être faite. D’une manière générale, la lutte contre le terrorisme doit avoir lieu dans un cadre légal et dans le respect absolu des droits de l’homme. A cet égard, aussi nerveuse soit l’opinion publique après les attentats commis en différents pays d’Europe, il revient aux femmes et hommes politiques d’expliquer sans relâche que, s’il est important de recueillir des renseignements, tout Etat démocratique doit évidemment s’interdire de recourir à la torture. M. Marty mérite des félicitations et il est à espèrer que le débat réaffirmera clairement la vocation du Conseil de l’Europe à défendre les droits de l’homme et l’Etat de droit. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark) (Interprétation), au nom du Groupe pour la Gauche unitaire européenne, rappelle qu’en décembre 2003, Khaled Al-Masri, citoyen allemand, a été kidnappé en Macédoine, battu, drogué et transporté en Afghanistan où il a été emprisonné au secret et torturé pendant cinq mois. Le cas de M. Al-Masri est loin d’être unique, et le Conseil de l’Europe a joué un rôle crucial dans la mise au jour de ces violations outrageantes du droit international et des droits de l’homme.

Pour se livrer à sa sale besogne, la CIA a utilisé des compagnies aériennes «clandestines» en ce qu’elle les faisait passer pour des compagnies de transport civil. L’année dernière, l’orateur avait souligné devant l’Assemblée que, pour la Gauche unitaire européenne, il n’y avait aucun doute sur la réalité des détentions et des «restitutions» secrètes. C’est ce que prouve aujourd'hui le rapport de M. Marty. Le texte dévoile d’ailleurs une autre information de grande importance, en soulignant, au paragraphe 83, le rôle actif joué par l’Otan dans ces affaires, mais aussi, au paragraphe 39, que se sont tus tous les membres et partenaires de l’Otan, au courant des pratiques de la CIA, et sachant qu’elles ouvraient la voie à des violations du droit. L’orateur présentera, au nom de la Gauche unitaire européenne, plusieurs amendements destinés à mettre l’accent sur le rôle ainsi joué par l’Otan.

Soulignant que plusieurs gouvernements, membres du Conseil de l’Europe –et non, seulement, la Pologne et la Roumanie– se sont montrés très réticents pour coopérer avec le rapporteur, M. Lund insiste sur la nécessité de poursuivre l’enquête jusqu’à ce que toute la vérité soit dévoilée. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à Mme Durrieu.

Mme DURRIEU (France). – Nous sommes tous engagés individuellement et collectivement dans la lutte contre le terrorisme. Mais nous sommes aussi membres du Conseil de l’Europe, temple des droits de l’homme, garant de leur défense en Europe et dans le monde! Je salue t, le courage de Dick Marty. Son action, son combat. Il recherche la vérité, une vérité que nous voulons. Nous défendons ensemble le respect des droits, parce que nous défendons l’homme. Nous défendons le droit –le droit international, les droits des Etats. Nous voulons la vérité, mais il nous faudra l’assumer, car nous risquons d’avoir des surprises, et nous serons tous concernés.

Le Président des Etats-Unis a fait des déclarations honorables lorsqu’il a reconnu l’existence des prisons secrètes et le bien-fondé des allégations de Dick Marty. En 2006, Dick Marty parlait de la «toile d’araignée» des transferts illégaux et des prisons secrètes. En 2007, il veut procéder à des vérifications. Il a raison et nous le lui demandons. Vérifications nombreuses relatives à des personnes, avec des noms cités. Vérifications concernant des détenus de haute valeur sur le sol européen, enfermés, livrés, pieds et poings liés, sur les sites dits «noirs», dans des pays tiers. Il s’agit de terroristes, d’hommes «hors sol», sans visage, sans statut, sans droits, espèce nouvelle ne correspondant à aucune définition des prisonniers de guerre, non identifiés dans le droit international. Pour autant, ils restent des hommes. Que l’on soit en guerre ou enfermé dans une prison, on garde des droits!

En matière de droit international, des accords existent. Vous avez fait référence les uns et les autres au 11 septembre 2001. Dès le 12 septembre, l’Otan a invoqué le principe de la défense collective dans le cadre de l’article V du traité de l’Atlantique Nord. Nous sommes nombreux ici à siéger à l’Union européenne de l’Europe Occidentale, et nous savons ce que cela signifie. On invoque, à juste titre, la défense collective pour mener la lutte contre le terrorisme. Dès le 4 octobre 2001, les alliés de l’Otan ont fait l’objet de propositions, d’où sont issues des mesures qui n’ont donné lieu à aucun publication de texte officiel, mais qui, à l’évidence, ont établi un nouvel ordre. L’Otan est donc devenue une plate-forme pour la lutte contre le terrorisme. Certains pays alliés sont devenus des points d’appui. On cite le nom de quelques-uns, mais il en existe probablement d’autres.

Nous revendiquons tous la vérité, le droit de savoir. Que tombe le mur du silence! Nous défendrons malgré tout et toujours, partout et dans toutes les situations, les droits de l’homme. Pour lutter contre le terrorisme, on ne peut s’affranchir du droit, notamment du droit international, du droit de la guerre. On ne peut lutter contre le terrorisme et les terroristes en utilisant les mêmes armes qu’eux dès lors qu’on prétend défendre la démocratie et les droits de l’homme. Les Européens que nous sommes, représentant ici un vaste espace, seront des alliés certes, mais des alliés exigeants.

Nous remercions collectivement Dick Marty pour son action, son courage qui l’honore et qui nous honore. (Applaudissements.)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Gacek.

Mme GACEK (Pologne) (Interprétation) dit avoir lu les soixante dix pages du rapport de M. Marty d’une seule traite. Si elle avait été chargée d’en rédiger un compte rendu, elle aurait écrit: «Manque de substance, mais la vacuité est largement compensée par l’aspect sensationnel. Bel exemple de théorie du complot assaisonnée d’une généreuse dose d’anti-américanisme».

De fait, c’est une pure fiction qui est présentée à l’Assemblée. Or, le rôle d’un membre de cette Assemblée est de juger non un best-seller potentiel, mais un rapport qui devrait être sérieux, en pesant le bien fondé des arguments sur lequel il repose. Mme Gacek dit avoir confiance en l’Assemblée, instance responsable qui, elle en est certaine, traitera la question avec toute la gravité qui s’impose. Ce n’est pas le sensationnel que l’on doit rechercher mais la vérité. Or, l’Assemblée est requise de voter sur un dossier monté à charge par un rapporteur qui se fait procureur. Mais comment prétendre juger objectivement une affaire instruite par un procureur qui n’apporte aucune preuve concrète, qui ne présente aucun témoin crédible, qui considère les explications écrites de l’accusé comme irrecevables et qui refuse plusieurs invitations d’aller visiter le site du crime supposé? Une instruction ainsi conduite résisterait-elle à l’examen, devant n’importe quel tribunal d’un des pays membres du Conseil de l’Europe?

Peut-on ignorer le fait que le médiateur des droits de l’homme de la Pologne, personnalité indépendante, après avoir conduit une enquête complète, n’ait trouvé aucune preuve de détention secrète en Pologne? Peut-on passer sous silence, à l’instar du rapporteur, que tous les partis politiques polonais, y compris ceux de l’opposition, aient conclu que ses allégations étaient sans fondement? Peut-on accepter l’argument selon lequel il s’est refusé à se rendre en Pologne pour y visiter le lieu du centre de détention supposé par peur de se faire manipuler par les autorités polonaises?

Pourquoi les éléments de preuve apportés par la défense n’ont-ils pas été pris en considération? Parce que la conclusion du rapport était écrite d’avance. C’est aussi qu’il n’y aurait eu aucun intérêt médiatique à présenter un rapport établissant l’absence de centre de détention secrète en Pologne. Que chacun vote donc en conscience. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) souligne que, si l’Assemblée veut «la vérité, toute la vérité», elle doit savoir en tirer les conséquences. Que doit-elle faire lorsque le chef d’un Etat membre, la Roumanie, ment en affirmant devant elle qu’il n’y a pas de preuves et qu’il n’a pas connaissance des agissements dont fait état le rapport Marty? En effet, toute la question est là: a-t-on des preuves ? Des témoignages concrets? Mais n’appartient-il pas aux gouvernements de diligenter des enquêtes pour faire toute la lumière sur ces affaires? Ne faut-il pas, pour présenter toutes les preuves dont on dispose, recueillir aussi le témoignage de ceux qui souhaitent garder l’anonymat?

Outre les deux pays dont on parle beaucoup, plusieurs autres refusent de coopérer et de répondre à l’Assemblée. Il faut qu’ils assument la responsabilité de leurs actes. S’ils ignorent la démarche de l’Assemblée, celle-ci doit en tirer des conséquences. Dans une recommandation, elle a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire au niveau européen : mais avec quelles prérogatives et quels pouvoirs de contrôle? Pour sa part, M. Hancock souhaite que cette commission puisse véritablement collecter les preuves, mais uniquement si tous les Etats membres en tirent ensuite les conséquences.

Les Etats-Unis affirment qu’ils utilisent tous les moyens pour lutter contre le terrorisme, pour le bien de tous et pour rendre le monde plus sûr. Que répondre à cela? L’orateur invite chacun de ses collègues, au moment du vote, à se mettre à la place de ceux qui ont pris les décisions et à se demander ce qu’ils auraient fait à leur place. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Cliveti.

Mme CLIVETI (Roumanie) (Interprétation) rappelle que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen ont décidé de mener des enquêtes et que, dans son rapport, M. Fava est arrivé à la conclusion formelle qu’il n’y avait pas de preuves.

Pour sa part, M. Marty avait souligné la bonne coopération des autorités roumaines et l’attitude parfaite de la délégation de ce pays. En effet, la Roumanie a pris ce rapport très au sérieux, elle a fourni toutes les informations demandées, elle a invité M. Marty à mener sur place toutes les recherches nécessaires. Pourtant, son deuxième rapport demande à l’Assemblée d’accepter, sans doute possible, le fait qu’il y a eu sur le territoire de certains Etats membres des centres de détention secrets et que les droits de l’homme ont été violés. C’est une accusation très grave contre la Roumanie. Plusieurs des personnalités dont le nom a été cité en ont été particulièrement affectées et elles ont demandé à Mme Cliveti, en tant que membre de la délégation roumaine et en tant que juriste, de défendre la réputation de leur pays.

Il est vrai que la Roumanie est membre de l’Otan et qu’un certain nombre de documents de coopération ont été signés à ce titre. Cela ne permet en rien d’affirmer que son adhésion a été négociée contre l’acceptation de centres de détention secrets. C’est une allégation grave et sans fondement. La Roumanie a consenti de grands efforts, non sans provoquer des tensions, pour éliminer les structures de l’ancienne Securitate. Il n’est donc pas acceptable que l’on parle «d’efforts superficiels». La constitution roumaine, modifiée, en particulier en vue de l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe, consacre le respect du droit.

Pourquoi le rapporteur ne souligne-t-il pas que des réponses rapides ont été apportées à ses questions, que toutes les institutions roumaines ont coopéré, que même les médias et les ONG ont mené des enquêtes indépendantes qui ont conclu à l’inexistence d’activités illégales ? Et que tout cela montre la volonté générale de transparence? M. Marty a refusé toutes les invitations à se rendre sur place, il a préféré imaginer comment les choses s’étaient passées, comme il le reconnaît lui-même au paragraphe 242 de son rapport.

Comment peut-il affirmer, au paragraphe 255, que «l’air conditionné était délibérément réglé de manière à rendre la situation inconfortable»? Mme Cliveti ne dispose pas de l’air conditionné dans son bureau et elle doute fort qu’il soit installé dans les prisons roumaines… De même, les détails donnés au paragraphe 261 sur la composition du petit déjeuner sont presque amusants. Au paragraphe 225, M. Marty considère qu’un aéroport aurait été en fait une zone de sécurité au motif qu’il est à la fois civil et militaire. Mais dans la circonscription de Mme Cliveti il existe un aéroport qui répond aux mêmes caractéristiques…

Le Conseil de l’Europe attache une grande importance à la vérité. Il s’est toujours montré scrupuleux quand il a eu à traiter d’accusations portées contre les Etats membres. Il faut se souvenir de ces périodes difficiles au cours desquelles la Roumanie a dû accueillir des missions sur les droits des minorités ou sur le sort des enfants atteints du sida. Elle a toujours reconnu les problèmes et modifié sa législation en conséquence. C’est pourquoi, aujourd’hui, elle refuse ce rapport qui ne donne aucune preuve et qui se contente d’évoquer l’expérience imaginaire de personnes qui auraient été détenues dans des centres secrets. L’oratrice conclut en se fiant au bon jugement de ses collègues et en se demandant si toute cette affaire ne peut pas finalement se résumer en cette maxime: «beaucoup de bruit pour rien»… (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Gardetto.

M. GARDETTO (Monaco). – Je tiens d’abord à adresser mes félicitations à M. Marty pour son excellent rapport, pour son courage et pour sa détermination face aux divers obstacles qu’il a rencontrés.

Si la lutte contre le terrorisme ne peut être remise en cause et doit être menée avec vigueur et détermination, elle doit se concevoir dans le respect des droits de l’homme. Je me limiterai à relever deux points qui revêtent une importance particulière en ce qui concerne les droits de l’homme et qui me tiennent particulièrement à cœur, en ma qualité de vice-président de la sous-commission des droits de l’homme.

Le premier point concerne les détentions secrètes et les violations des droits de l’homme commises dans le cadre du programme des «High-Value Detainees», violations précisément décrites par le rapporteur, les informations venant de victimes elles-mêmes. La détention secrète, de durée indéterminée, prolongée, cachée des membres de la famille et des amis du détenu, constitue un traitement inhumain souvent assimilé à la torture par rapport au détenu lui-même et à ses proches. La détention secrète est la première étape de la disparition forcée, contre laquelle notre collègue M. Pourgourides a mobilisé notre Assemblée, ainsi que les instances de l’Onu, l’année dernière. Elle correspond également à une période d’extrême vulnérabilité des détenus aux mauvais traitements, allant jusqu’à différentes formes de tortures destinées à détruire la personnalité. Les détails sur le traitement des détenus dans les prisons secrètes de la CIA présentées dans le rapport se passent de tout commentaire.

Le deuxième point concerne la nécessité de sanctionner les responsables de ces violations des droits de l’homme. Les recherches de M. Marty montrent que, dans de nombreux pays, les enquêtes judiciaires et parlementaires en la matière se heurtent à la notion de secret d’Etat. A ce sujet, je partage l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Il est difficilement acceptable, en effet, tant du point de vue de la démocratie que de celui de la prééminence du droit, que le pouvoir exécutif puisse fixer lui-même les limites du domaine fermé aux enquêtes parlementaires et judiciaires, sous prétexte de « secret d’Etat ». De telles violations des droits de l’homme, et les informations y afférentes, notamment en ce qui concerne leurs auteurs, ne constituent pas des secrets d’Etat dignes de protection. Dans l’hypothèse où de telles informations sont inextricablement liées à des secrets d’Etat légitimes, il conviendrait de mettre en place des procédures qui assurent la protection de ces secrets en même temps que la recherche des responsabilités pour d’éventuelles bavures, et l’indemnisation des victimes.

Je récuse donc l’affirmation implicite des défenseurs des privilèges de l’exécutif selon laquelle nous, les parlementaires, de même que les magistrats et les autres acteurs de la justice, nous serions a priori moins dignes d’être mis dans le secret que les agents de l’exécutif. La manière responsable avec laquelle M. Marty a su traiter les nombreux témoignages confidentiels qu’il a reçus, constitue d’ailleurs une excellente démonstration que le traitement de secrets est bien possible dans un contexte parlementaire. Pour conclure, je salue le travail exceptionnel du personnel du secrétariat de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme qui a su accomplir une tâche extraordinaire avec des moyens très limités. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – La commission des affaires juridiques et des droits de l’homme nous propose aujourd’hui, par l’intermédiaire de son représentant, M. Marty, d’adopter un projet de résolution et un projet de recommandation associés à son rapport. Cette démarche nous donne l’occasion d’examiner une possible violation des droits de l’homme et des législations nationales et européennes dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.

A mon avis, le contenu de l’exposé des motifs assumé par le rapporteur a l’air d’un scénario de film. Je ne crois pas que les membres de l’Assemblée aient eu, jusqu’à ce jour, l’occasion de lire autant de spéculations et de raisonnements aussi peu convaincants. Le projet de résolution, dépourvu d’objectivité et de fondement, présente des conclusions, celles du rapporteur, qui vont à l’encontre des actions et des attitudes d’un Etat membre, en l’occurrence la Roumanie, sujet de droit responsable qui , à mon avis, a la capacité et la volonté de respecter ses engagements internationaux et d’assurer la prééminence du droit et des valeurs démocratiques. Enfin, le projet de recommandation risque de transformer notre Organisation en un instrument d’évaluation de la manière dont les Etats membres, à travers leurs législations nationales, réglementent l’activité du renseignement civil et militaire, ainsi que leurs méthodes de travail.

Selon le rapporteur, les informations fournies par la Roumanie n’ont jamais été suffisantes, mais les données que M. Marty a recueillies afin de clarifier la question de l’existence de centres secrets de détention et de transferts illégaux de prisonniers n’apportent aucune preuve de nature à convaincre que la Roumanie aurait participé à ce type d’activités. Le seul fait certain, dans ce que l’on peut nommer le «rapport Marty», est le fait qu’en Roumanie, il y a eu des vols de la CIA, qui ont atterri ou transité par nos aéroports, ce qui a d’ailleurs été confirmé par les autorités roumaines elles-mêmes. Dans le contexte de la lutte antiterroriste et en vertu des accords conclus entre la Roumanie et les Etats-Unis avant l’adhésion de notre pays à l’Otan, une base militaire, située à Mihail Kogalniceanu, a en effet été utilisée conjointement par les armées roumaine et américaine. Selon les dispositions des conventions internationales relatives au régime de l’aviation, la Roumanie ne pouvait inspecter ce qui se trouvait à bord de ces aéronefs. Aujourd’hui, après tant d’années, il est encore moins possible d’obtenir davantage de détails sur les vols incriminés par le rapporteur.

Permettez-moi de reprendre la position que les officiels roumains ont constamment exprimée pendant toute cette période: c’est une certitude que des personnes légalement ou illégalement privées de liberté, des détenus ou des condamnés ne sont pas restés sur le territoire roumain et n’ont pas non plus été abrités dans des centres de détention. Tous les officiels roumains l’ont déclaré. Le plus surprenant est que le rapporteur sépare les autorités roumaines en deux catégories, les bonnes, celles qui ont collaboré avec la commission, et les mauvaises, celles dont on prétend qu’elles n’ont pas fait la même chose. Une telle évaluation peut avoir des effets négatifs sur la crédibilité des autorités d’un Etat démocratique. Si ces dernières sont aujourd’hui blâmées, au rapporteur de nous dire qui en portera la responsabilité!

On peut également admettre la thèse que le rapporteur aurait pu être manipulé par ceux qui lui ont fourni les informations. Il est d’ailleurs surprenant que personne ne s’interroge sur les moyens ayant permis à certaines ONG de suivre des activités, présumées secrètes, déployées pendant de longues années, et sur des dizaines d’aéroports, en Europe et dans le monde. Enfin, on pourrait même croire que ces informations ont été livrées par des personnes ayant un intérêt à décrédibiliser la campagne des alliés contre le terrorisme.

A mon avis, il est nécessaire de rejeter ce projet de résolution ainsi que le projet de recommandation en décidant qu’on a besoin d’une stratégie commune, européenne, concernant le respect des droits de l’homme dans le contexte de notre combat commun contre le terrorisme. Cette une démarche remettrait le Conseil de l’Europe dans son rôle de gardien des droits de l’homme et de la prééminence du droit. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Berceanu.

M. BERCEANU (Roumanie). – Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation incroyable et j’ai du mal à cacher mon sentiment de consternation, voire de révolte, en lisant le rapport rédigé par notre collègue, Dick Marty. Lorsque les membres de la commission des affaires juridiques l’ont désigné comme rapporteur de ce dossier si sensible, nous avons tous crédité l’expérience, la réputation d’intégrité et l’esprit objectif de notre collègue, des qualités dont il a fait si souvent preuve durant sa présence à l’Assemblée. Aujourd’hui, en lisant son rapport, je pense que nous nous sommes trompés.

En rédigeant le document qu’il soutient, M. Marty semble avoir abdiqué en renonçant aux principes fondamentaux de notre Organisation, des principes qu’il prétend défendre sans réserve et au nom desquels il dit agir. Permettez-moi de m’expliquer sur cette appréciation. Il ne faut pas forcément être juriste pour savoir que l’on ne peut pas prononcer des verdicts avant de juger, preuves à l’appui. L’article 6 paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, notre Bible à tous, précise que «toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie». M. Marty semble occulter à bon escient la présomption d’innocence en lançant des accusations aussi graves que gratuites à l’adresse de deux Etats membres du Conseil de l’Europe, sans pour autant apporter de preuves.

Pour m’en tenir au seul cas de la Roumanie, je constate que sont expressément cités les noms de certains hauts responsables, au mépris de leurs déclarations et en ignorant les conclusions issues des nombreuses enquêtes menées sur le sujet. Sachez, chers collègues, que la Roumanie a fait preuve de toute l’ouverture et de toute la transparence exigées par l’enquête de la commission qui a précédé la rédaction de ce rapport. Toutes les informations demandées par le rapporteur ont été mises à sa disposition. J’invite formellement M. Marty à confirmer devant vous cette conduite des autorités roumaines. Pas moins de dix-huit lettres ont été échangées entre le rapporteur et la délégation roumaine. Bien qu’il ait été officiellement invité, et cela à plusieurs reprises à se rendre en Roumanie, M. Marty a décliné toutes ces invitations en arguant «qu’il est inutile de faire cette visite puisque les sites présumés suspects ont été nettoyés». Cette réponse enferme en elle-même un préjugé inacceptable chez un rapporteur qui se veut objectif.

M. Marty a préféré s’acquitter de l’obligation d’une visite sur le terrain par personne interposée. Son assistant, M. Simpson, est venu deux fois en mission en Roumanie. Pendant ces visites, il a rencontré des responsables gouvernementaux, des représentants du renseignement roumain et la présidente de la commission parlementaire d’enquête sur les vols gérés par la CIA. M. Simpson n’a eu aucune difficulté à obtenir des réponses aux questions qu’il a voulu poser en Roumanie. Il s’est également rendu à l’aéroport Mihail Kogalniceanu où il a eu un entretien substantiel avec des officiers militaires et civils et où il a pu inspecter sans restrictions le périmètre de l’aéroport. Nos autorités lui ont expressément demandé à quels endroits il voulait mener ses enquêtes et M. Simpson a obtenu satisfaction pour toutes ses demandes.

En dépit de tout cela, M. Marty a fait le choix d’ignorer, dans son rapport, la position constamment exprimée par les autorités roumaines et de créditer, en échange, des sources dont il refuse de dévoiler l’identité. Autrement dit, M. Marty n’apporte des preuves pour aucune de ses affirmations graves –je dis bien graves– et il nous invite à le croire tout bonnement sur parole. Quant au Président de la Roumanie, qui était ici il y a peu de temps, il était à l’époque maire de Bucarest. Et M. Marty présume que l’ancien président devrait lui dire des choses qu’il tient secrètes! (Applaudissements)

(M. Aligrudic, vice-président de l’Assemblée, remplace M. van der Linden au fauteuil présidentiel.)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Kaikkonen.

M. KAIKKONEN (Finlande) (Interprétation) remercie M. Marty pour ce rapport sérieux et approfondi, qui présente des arguments convaincants sur le rôle de la CIA entre 2003 et 2005 en Pologne et en Roumanie. Dans ces pays, la lutte contre le terrorisme a donné lieu à bien des actes graves, y compris des actes de torture. Il ne s’agit évidemment pas aujourd’hui d’attaquer la Pologne et la Roumanie, mais de défendre les droits de l’homme contre les violations qu’ils ont subi dans ces pays. M. Marty a eu raison de souligner que la lutte contre le terrorisme ne peut justifier des actes illégaux.

Si les principes de l’Etat de droit étaient systématiquement sapés par les Etats démocratiques, il serait vain de continuer à les défendre dans les grandes enceintes internationales. On ne peut accepter que des informations vitales déclarées «secret d’Etat» soient obtenues sous la torture. Il n’est certes pas facile de trouver un équilibre entre la sécurité des individus et la sécurité collective, mais si le secret devenait la norme, alors les pays démocratiques ne vaudraient pas mieux que les terroristes eux-mêmes! Pour lutter efficacement contre le terrorisme, la confiance et la compréhension entre les pays démocratiques sont essentielles. C’est pourquoi M. Kaikkonen soutient ce rapport. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Strässer.

M. STRÄSSER (Allemagne) (Interprétation) regrette que certains confondent les choses. L’Assemblée parlementaire n’est pas un tribunal, et ce débat n’a pas pour but de clouer au pilori tel ou tel pays. Il désapprouve ce qui a été dit sur son propre pays et regrette que les discussions en commission n’aient pas suffisamment porte sur le fond. Toutefois, il s’élève contre le manque de transparence et appuie ce rapport, qui est fidèle aux missions de l’Assemblée. Les violations des droits de l’homme constatées dans certains pays doivent être dénoncées.

C’est le rôle du Conseil de l’Europe que d’avancervdes propositions en matière de lutte contre le terrorisme, de respect des droits de l’homme et d’application du concept de «secret d’Etat». On ne peut évidemment pas vérifier tout ce que contient ce rapport, dont le principal mérite est d’avoir permis qu’un débat sur la lutte contre le terrorisme s’ouvre dans les pays membres du Conseil de l’Europe et aux Etats-Unis. Par définition, certaines informations sensibles ne peuvent être divulguées. Reste que les violations des droits de l’homme dénoncées par le rapport –l’orateur l’approuve globalement– sont particulièrement graves et inacceptables. Néanmoins, il est à regretter que ce rapport ne présente pas de manière plus nuancée la question du secret d’Etat et de sa violation selon les pays. C’est un détail, car le rapport est bon sur le fond: la lutte contre le terrorisme doit s’effectuer dans le respect des droits de l’homme. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) observe que ce rapport vient achever un travail commencé l’année dernière en apportant des éléments de preuve très importants sur l’existence de centres de détention secrets de la CIA en Pologne et en Roumanie. Il serait illusoire de s’attendre à trouver des preuves évidentes de cette existence dans les deux pays. La CIA et les services secrets polonais et roumains les ont bien sûr effacées. Mais le rapport présente des éléments concordants et convaincants sur les mesures prises pour dissimuler les preuves, en sen s’appuyant sur des documents administratifs et des témoignages confidentiels.

L’orateur a toute confiance dans les compétences de M. Marty qui a derrière lui une longue carrière de magistrat. Il était nécessaire de protéger l’identité des témoins interrogés, c’était la seule manière d’obtenir leur témoignage. A n’en pas douter, ils s’exprimeront au grand jour tôt ou tard, mais on ne peut aujourd’hui leur faire courir ce risque. M. Pourgourides félicite la commission d’avoir pris cette mesure de protection à l’égard des témoins. Le Conseil de l’Europe peut être fier qu’ils aient eu suffisamment confiance en lui pour se confier à ses représentants. Le travail de M. Marty est héroïque et sera reconnu dans quelques années! (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Gross.

M. GROSS (Suisse) (Interprétation) constate que l’on commet la même erreur depuis 2 000 ans: faire taire le messager dont on ne veut pas entendre le message ! L’attitude de Mme Cliveti et de M. Hancock est inacceptable. Ils ont déjà tenté l’année dernière de discréditer M. Marty. Pourtant, deux mois après la présentation de son premier rapport, le Président Bush lui donnait raison ! Sans doute, cela explique-t-il, la vérité étant sur le point d’éclater, que des citoyens polonais et roumains se soient ouverts depuis auprès de M. Marty. Certains hauts responsables de la CIA eux-mêmes semblent s’interroger sur la légitimité des trop grands pouvoirs qu’on leur a confiés.

Aujourd’hui, il faut faire preuve de lucidité et reconnaître les erreurs commises dans la lutte contre le terrorisme. Pour la première fois, l’article 5 de la Charte de l’Otan a été invoqué pour justifier les méthodes utilisées. Cet article n’a pourtant rien à voir… Certains gouvernements européens se sont faits complices de la CIA et comprennent aujourd’hui ce que cela signifiait de lui laisser les mains libres. Le gouvernement américain sait très bien ce qu’il ne peut pas faire et d’ailleurs, il ne commet d’actes illégaux qu’en dehors de son territoire! Toutefois, au-delà des cas de la Pologne et de la Roumanie, les Européens doivent lutter contre la véritable colonisation à laquelle ils sont soumis, et définir clairement ce qu’ils sont prêts à accepter de la part des Etats-Unis. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Jazłowiecka.

Mme JAZŁOWIECKA (Pologne) (Interprétation) dit que sa situation est bien inconfortable qui est de représenter un pays accusé, dans le rapport de M. Marty, de tolérer la violation de dispositions fondamentales de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Mais il se trouve que M. Marty présente comme établis des faits qui ne sont pas prouvés, mais inférés d’es indices obtenus de la part d’informateurs anonymes. Là, est la principale faiblesse de ce texte, qui porte de très graves accusations.

Certes, le Président des Etats-Unis a confirmé l’existence de centres de détention secrets mais il n’a pas dit où ils étaient situés. On peut considérer que de tels centres ont existé, mais pas nécessairement dans les pays pointés du doigt par le rapporteur. Puisqu’il n’existe aucune preuve irréfutable de l’existence de prisons secrètes en Pologne, on ne peut accuser les plus hautes autorités du pays d’avoir consenti à ce que la torture soit pratiquée sur leur sol, en portant ainsi atteinte à la crédibilité d’un pays en se fondant sur des allégations non prouvées. Une affaire aussi grave exige de brosser le tableau de la situation réelle, à partir des faits.

Il y a peu d’années encore, l’image de la Pologne était celle d’un pays ayant su assurer une révolution démocratique pacifique. Aujourd'hui, elle est considérée comme un Etat tolérant les violations des droits de l’homme, un pays où les services secrets américains peuvent agir librement, où le nationalisme domine et, avec lui, l’intimidation politique. L’oratrice ne peut se satisfaire de la présentation ainsi faite de son pays, qui a tant fait pour la lutte en faveur des droits de l’homme. Si l’on souhaite vraiment résoudre la question des centre des détentions secrets et des transferts illégaux, M. Marty doit appuyer ses accusations sur des preuves irréfutables, dans l’intérêt de l’Europe entière. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Leutheusser-Schnarrenberger.

Mme LEUTHEUSSER-SCHNARRENBERGER (Allemagne) (Interprétation) félicite M. Marty d’avoir rédigé un rapport fondé sur une réalité patente. Hommage doit être rendu au rapporteur, qui a subi de violentes attaques personnelles pendant qu’il s’attachait infatigablement à établir les faits, prouvant l’existence de centres de détention secrets sur le sol européen et de transferts illégaux. Si ces faits sont venus au jour, c’est à lui qu’on le doit. Qu’il en soit donc remercié.

L’Assemblée parlementaire n’est pas un tribunal. Son rôle n’est pas d’entendre des témoins et d’examiner des preuves mais, en se fondant sur des faits, de procéder à l’analyse politique de la situation. Or, l’analyse de M. Marty est pertinente. Dans différents pays membres du Conseil de l’Europe, dont l’Allemagne, des commissions d’enquête ont été constituées, chargées d’établir ce qui s’est passé. Grâce à M. Marty, ces commissions d’enquête disposent désormais d’informations supplémentaires précises, tels les numéros des vols. Partout, ces questions font débat, et l’on discute par exemple du bien-fondé de la confidentialité du recueil des témoignages.

En Allemagne, la Cour constitutionnelle a été saisie, pour permettre à la commission d’enquête d’obtenir davantage d’informations. Bien entendu, c’est ainsi qu’il faut procéder! Et comment imaginer que les témoins accepteraient de déposer s’ils n’étaient pas protégés par l’anonymat? Invoquer cet argument pour mettre en doute la véracité du rapport de M. Marty est indigne, puisqu’il a indiqué précisément la manière dont il a vérifié et recoupé les informations dont il fait état. Le rapport pourrait sans doute être complété sur un point ou un autre, mais là n’est pas l’essentiel. Il est remarquable en l’état et, surtout, son examen est de la compétence d’une instance créée pour faire respecter les droits de l’homme. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Kyprianou.

M. KYPRIANOU (Chypre) (Interprétation) a retenu du rapport qu’un programme mis en œuvre par la CIA, en coopération avec des gouvernements européens, a conduit à des violations graves et répétées des droits de l’homme. L’orateur partage les conclusions du rapporteur. Il considère, à l’instard de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, que les détentions secrètes violent le droit international, au mépris des engagements souscrits tant par les Etats-Unis que par les pays membres du Conseil de l’Europe impliqués. Il convient donc de procéder à une autocritique, car la situation que l’on a laissé s’établir met en danger la liberté d’action des gouvernements européens.

Chacun sait qu’après les attentats du 11 septembre 2001, et sous la pression des Etats-Unis, de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté des législations dites «antiterroristes», par exemple, la loi paneuropéenne sur la conservation des données personnelles, qui violent gravement les libertés et les droits politiques. On est malheureusement parvenu à un point où le concept d’«Europe démocratique» tient du mythe. La lutte contre le terrorisme, la légitime défense, ne peuvent justifier le recours à des méthodes qui s’apparentent elles-mêmes au terrorisme.

Les Etats-Unis comme tous les autres Etats doivent, bien sûr, lutter contre le terrorisme, mais dans le cadre du droit international et en respectant le principe de proportionnalité. En participant à des activités illégales, certains gouvernements européens ont pris une responsabilité considérable. Si les mécanismes de l’Etat de droit n’ont pas fonctionné comme ils l’auraient dû dans des pays démocratiques, c’est soit que les services secrets agissent de leur propre chef, et sans contrôle, soit, pire encore, que leurs activités illégales sont couvertes par leurs gouvernement respectifs. Dans tous les cas, il faut agir pour que ces pratiques cessent. Pour conclure, l’orateur félicite chaleureusement M. Marty. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Lalonde, observateur du Canada, autorisée par le Président à prendre la parole conformément à l’article 60.3 du Règlement.

Mme LALONDE (Observateur du Canada). – Je tiens également à féliciter chaudement M. Marty pour son courage et sa ténacité. Son rapport nous a permis, au Québec et au Canada –je suis parlementaire du Canada– de mieux comprendre ce que l’on a appelé l’affaire Maher Arar. Cela s’inscrit pleinement dans le plan qu’il propose, tendant à demander aux pays de faire ce que la Canada a fait, c’est-à-dire de soumettre la situation à un juge pour enquête.

Selon le rapport publié en 2006 par le juge O’Connor, Maher Arar est un citoyen canadien, marié, père de deux enfants. Il est titulaire d’un baccalauréat en génie informatique de l’Université McGill et d’une maîtrise en télécommunications. Le 26 septembre 2002, alors qu’il transitait par l’aéroport international John F. Kennedy de New York, M. Arar a été arrêté puis détenu par les autorités américaines pendant douze jours. Il a ensuite été renvoyé contre son gré en Syrie, son pays de naissance –mais il voyageait avec son passeport canadien !–, où il a été incarcéré pendant presque un an. Durant son séjour en Syrie, toujours selon le juge, M. Arar a été interrogé, torturé et détenu dans des conditions dégradantes et inhumaines. Après sa libération, le 5 octobre 2003, il est revenu au Canada. Cette épreuve a eu, comme on pouvait s’y attendre, un effet dévastateur sur lui, et les souffrances de M. Arar et de sa famille se prolongent encore. M. Arar est aujourd’hui un homme brisé, même si le gouvernement actuel, contrairement aux conclusions du juge O’Connor, lui a versé une compensation de 10,5 millions de dollars, plus 2 millions de dollars pour les frais juridiques.

J’y insiste, citoyen canadien honorable, propriétaire d’une petite société et père de famille M. Arar a été arrêté aux Etats-Unis, où il a été détenu pendant douze jours, avant d’être transféré en Syrie, via la Jordanie. Dès sa disparition, et parce qu’il n’a pas rejoint sa famille après ses vacances, il est associé à Al-Qaïda etau terrorisme, et j’en passe. La seule façon de connaître la vérité, en dépit des allégations, a été précisément cette enquête. A cet égard, il importe de rappeler les conclusions du juge: «Je suis en mesure d’affirmer catégoriquement qu’aucune preuve n’indique que M. Arar a commis quelque infraction que ce soit ou que ses activités constituent une menace pour la sécurité du Canada».

Le Gouvernement du Canada n’a pas été condamné par le juge. Cependant, celui-ci a mis en cause de façon très claire les renseignements fournis par la GRC, la Gendarmerie royale du Canada, dont vous avez des équivalents dans vos pays. On ignore si c’est ce qui a décidé les Etats-Unis à le déporter : ils n’ont pas voulu participer à l’enquête. Les Etats-Unis n’ont pas non plus voulu le retirer de leurs listes de voyageurs indésirables. Cette histoire a été horrible. La seule façon d’aboutir à une fin heureuse, sinon juste, a été la mobilisation qui a permis d’obtenir ce rapport du juge O’Connor. Nous nous en félicitons et nous remercions les gouvernements (Applaudissements).

LE PRÉSIDENT (Interprétation), constatant que M. MacShane n’est pas présent dans l’hémicycle, donne la parole à M. Sasi.

M. SASI (Finlande) (Interprétation) souligne que la pire des menaces pour les droits de l’homme est le terrorisme. Chaque année, des milliers d’innocents sont tués par des explosions dans des écoles, des trains ou des autobus. Tous les efforts faits pour lutter contre ces actes criminels doivent être soutenus. La première mission des gouvernements n’est-elle pas de protéger la vie des populations? Encore faut-il, comme l’a souligné M. Eörsi, ne pas agir sous l’emprise de la panique.

Le rapport de M. Marty contient des informations très importantes. Il indique en particulier que plusieurs dossiers précis font l’objet d’actions devant des tribunaux. Il faut espérer que justice sera effectivement rendue, et ces investigations démontrent que l’on agit. D’autre part, les faits ne sont pas toujours clairement établis; de nombreuses zones d’ombre subsistent, et le rapporteur se réfère plus souvent à des indices qu’à des preuves, ce qui donne le sentiment que l’on aboutit parfois à des conclusions hâtives en cherchant à démontrer ce que l’on pensait dès l’origine.

Il existe, c’est vrai, un problème de contrôle du fonctionnement des services secrets. Il conviendrait que cette tâche soit dévolue à des commissions incluant des experts des droits de l’homme et responsables devant les parlements. Cette affaire met aussi en relief la nécessité que le droit à un procès équitable devant un tribunal soit un principe intangible. Les personnes dont les droits ont été lésés doivent obtenir réparation. Il apparaît également que la notion de secret d’Etat pose des limites, parfois excessives, à l’exigence de transparence. Enfin, on peut s’interroger sur le fait que le rapport repose en partie sur des sources anonymes: si celles-ci peuvent être utiles pour réaliser une étude, elles ne sauraient fonder un verdict. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Steenblock.

M. STEENBLOCK (Allemagne) (Interprétation) observe que si l’Allemagne est un des pays mis en cause dans ce rapport, le débat ne doit pas servir à défendre les différents Etats. Il est désormais prouvé que c’est à juste titre que le rapport s’intitule: «détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe». Oui, il y a eu des événements incroyables, une coopération entre des gouvernements européens et la CIA, des violations massives des droits de l’homme autorisées par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il appartient donc à l’Assemblée parlementaire d’une institution dont la tâche est de défendre les droits de l’homme de rendre de telles violations beaucoup plus difficiles à l’avenir.

A l’évidence, le rapporteur n’a pas pu, pour recueillir des preuves, user des moyens mis en œuvre habituellement dans une procédure pénale. Pour autant, chacun sait très bien ce qui s’est passé et qu’il faut éviter que cela se renouvelle à l’avenir. Il convient de remercier le rapporteur d’avoir fait preuve d’un tel entêtement dans la recherche de la vérité. S’il ne lui a pas été toujours possible de la trouver, ce n’est certes pas sa faute! Au moins aura-t-il permis que ces faits soient rendus publics. Il appartient maintenant à chaque parlementaire de s’adresser à son tour à l’opinion publique de son pays.

En Allemagne, un débat parlementaire a été organisé et une commission d’enquête a été créée. La Cour constitutionnelle a été saisie car l’opposition considère que le gouvernement fait une interprétation abusive de la notion de secret d’Etat afin de faire obstacle au contrôle parlementaire. Tous les parlements nationaux ont d’ailleurs besoin d’outils plus solides pour contrôler les services secrets et pour veiller au respect des droits de l’homme, y compris dans la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Haibach.

M. HAIBACH (Allemagne) (Interprétation) considère que ce rapport est un des plus importants que l’Assemblée ait eu à examiner depuis plusieurs années. Il a d’ailleurs suscité l’intérêt de l’opinion publique. L’Assemblée parlementaire n’est pas un tribunal et il ne s’agit nullement de mettre ici au pilori tel ou tel Etat. Simplement, il faut s’efforcer de voir ce qui s’est produit.

Sans doute est-il très difficile d’obtenir des preuves absolues mais le faisceau des indices rend désormais les choses quasi certaines et les indications données par le rapport étayent les présomptions, tout comme d’ailleurs les affirmations du président américain. Ce rapport est également très important au titre des enseignements qu’en tireront les parlements nationaux et leurs différentes commissions d’enquête. Les parlementaires seront jugés sur leur capacité à remplir leur mission. Il y aura hélas! toujours des violations des droits de l’homme, mais il faut qu’il existe des enceintes où il soit possible de les dénoncer pour tenter d’y remédier. C’est le rôle de l’Assemblée parlementaire.

En dépit de l’importance de ce débat, l’orateur souhaite insister sur un certain nombre de défauts de la procédure parlementaire. Il regrette en particulier que le rapport n’ait été mis en distribution que tardivement, la veille de la discussion. Il se demande également s’il est normal que les journalistes aient été convoqués avant même que soient connues les décisions de la commission et que cette dernière ait examiné une vingtaine d’amendements très importants en moins de trois quarts d’heure. Est-il vraiment possible de s’acquitter de la mission capitale de défense des droits de l’homme dans de telles conditions? (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à M. Cilevičs

M. CILEVIČS (Lettonie) (Interprétation) estime que M. Marty a fait reculer ce que l’on considérait comme les limites des capacités de cette Assemblée. Pour élaborer son rapport, il lui a fallu une grande compétence et un dévouement total au service de la prééminence du droit. Grâce à lui, l’Assemblée s’est attaquée à un travail qu’aucune autre organisation n’aurait pu accomplir. Il a mené une véritable enquête parlementaire selon une procédure qui, par essence, est différente de celle d’un tribunal.

Les faits sont établis au-delà des doutes raisonnables. Si l’on peut comprendre la réaction des parlementaires polonais et roumains, il ne faut pas qu’ils perçoivent ce rapport comme une attaque contre leur pays. Il s’agit de poser un problème auquel tous les Etats membres doivent faire face en commun. Faute d’avoir eu accès à toutes les informations classées « secret défense », le rapporteur est accusé de ne pas fournir de preuves pour étayer ses conclusions. Mais on en apprend de plus en plus sur cette question et, tôt ou tard, la vérité éclatera au grand jour. Ceux qui attaquent aujourd’hui M. Marty se retrouveront alors dans une position inconfortable.

Si les terroristes poussent les Etats démocratiques à violer les droits de l’homme et à bafouer le principe de la prééminence du droit, alors ils ont remporté la victoire. C’est pour les en empêcher qu’il faut aujourd’hui tirer la leçon de ce qui s’est passé en soutenant sans réserve les projets de résolution et de recommandation. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à M. Zaremba.

M. ZAREMBA (Pologne) (Interprétation) souligne que le président polonais et son prédécesseur ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de détentions secrètes, sans même parler d’éventuelles tortures, et que tout ce qui est dit à ce propos relève de l’imagination. De fait, dans son rapport, M. Marty se contente de spéculer. Il n’a pas répondu à l’invitation qui lui a été lancée à trois reprises par le gouvernement polonais, ni à celle de l’unité de formation des services secrets, qui lui avait ouvert ses portes.

Par ailleurs, Mme Leutheusser-Schnarrenberger a affirmé que le Conseil de l’Europe devait être la conscience du continent. C’est vrai, mais pourquoi dans ce cas ne s’intéresse-t-il pas à l’holocauste perpétré en Tchétchénie? Pourquoi ne dit-il pas que les tortures pratiquées à Grozny sont comparables à celles d’Auschwitz? Bien sûr, les droits de l’homme doivent être protégés quand on lutte contre le terrorisme, mais on ne saurait oublier les milliers de victimes des terroristes. Un Etat membre extermine une nation entière et pendant ce temps, l’Assemblée débat à loisir de simples spéculations. Est-ce cela la conscience de l’Europe? Comment le ferait-on admettre aux nations de l’ancien bloc soviétique, par exemple à la Pologne, qui a perdu six millions de citoyens d’origine polonaise et juive?

C’est de tout cela qu’il faut traiter, c’est le devoir de l’Assemblée, qui ne saurait oublier que dans l’histoire de l’Europe certaines politiques ont entraîné de véritables catastrophes. Il est essentiel que les débats de l’Assemblée apportent en permanence la preuve de l’attachement de tous au respect de certaines valeurs. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à M. Laakso.

M. LAAKSO (Finlande) (Interprétation) souhaite insister plus particulièrement sur le rôle joué par l’Otan, que deux orateurs seulement ont mentionné jusqu’à présent. En effet, une des découvertes les plus importantes de M. Marty a trait au rôle central qu’a joué l’Otan dans l’organisation des vols secrets de la CIA et des centres de détentions américains, en Europe, en cédant à la requête américaine fondée sur un prétendu recours à l’article 5 du traité de Bruxelles, modifié après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

M. Marty est parvenu à collecter des informations qui prouvent la responsabilité de l’Otan dans ces activités illégales, en grave contradiction avec le droit international. Il l’a fait en dépit du refus de collaboration des responsables de l’Otan. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun contrôle parlementaire sur les accords multilatéraux et bilatéraux passés dans le cadre de l’Otan. Il semble que l’Alliance ait conclu avec ses membres des arrangements secrets dont les parlements des Etats membres ignorent tout.

Pendant la guerre froide, tout était permis au nom de la lutte contre le communisme; aujourd’hui, c’est au nom de la lutte contre le terrorisme. Comment est-il possible de concevoir que des individus soient kidnappés en plein cœur de certaines capitales européennes et transférés dans des centres de détention secrets où ils sont torturés pour des actes qu’ils n’ont pas commis! L’Otan se veut une organisation transparente et démocratique, mais le rapport de M. Marty en donne une tout autre vision: elle n’a pas souhaité répondre à ses demandes et continue de dissimuler certains faits. Elle refuse d’être placée sous contrôle parlementaire et aide même certains de ses membres à enfreindre le droit international. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) constatant que M. Meyer n’est pas dans l’hémicycle, donne la parole à M. Dragassakis.

M. DRAGASSAKIS (Grèce) (Interprétation) félicite M. Marty pour cet excellent rapport dont certains estiment qu’il accuse leur pays sans souligner qu’il adresse également ses critiques à l’Allemagne, à la Grèce, au Royaume-Uni et à Chypre. Mais ce ne sont pas tant des pays que des pratiques, que ce rapport dénonce, en soulevant des questions qui doivent désormais trouver des réponses claires.

Le Gouvernement grec a refusé de répondre aux questions qui portaient sur des vols d’aéronefs au-dessus de son territoire. Y a-t-il des faits avérés justifiant d’approfondir les recherches ou s’agit-il, comme certains le prétendent, d’un complot antiaméricain? Il ne fait pas de doute que le rapport de M. Marty s’appuie sur une réalité incontestable. L’Otan a conclu des accords secrets avec certains pays. Le rapport de M. Marty ne permet pas d’éclairer l’ensemble des points qui restent dans l’ombre, mais les gouvernements des pays interrogés ont-ils répondu en toute transparence à ses demandes? A l’avenir, un autre rapport sur le sujet serait certainement utile. Il faudrait d’ailleurs réfléchir à la possibilité d’assujettir les services secrets nationaux à un contrôle parlementaire. (Applaudissements)

(M. van der Linden, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Sigfússon.

M. SIGFÚSSON (Islande) (Interprétation) félicite M. Marty, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et l’Assemblée parlementaire pour ce rapport qui s’inscrit logiquement dans les missions du Conseil de l’Europe. Le terrorisme doit être réprimé dans le cadre de la loi et rien ne peut justifier la torture. Aucun pays, aussi puissant soit-il, n’est autorisé à ignorer ou à violer la loi. La Convention de Genève doit être respectée en toutes circonstances.

Le rapport de M. Marty dénonce des comportements scandaleux et il paraît impensable de priver quelqu’un de ses droits fondamentaux sur la foi de simples soupçons, en le kidnappant en plein jour, en dehors de tout cadre légal. Peu importe, finalement où sont localisés les centres de détention secrets. On sait de manière sûre qu’ils ont existé et que des personnes y ont été détenues et torturées. Le rapport de M. Marty n’est d’ailleurs pas le seul à en témoigner. Human Rights Watch et Amnesty International le confirment.

S’agissant du rôle de l’Otan, tous les membres de l’Assemblée qui appartiennent à des pays membres de l’Otan doivent interpeller leurs gouvernements sur cette question. M. Sigfússon félicite une nouvelle fois le rapporteur et salue les amendements qui ont été déposés et qui contribuent à améliorer le texte. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) constate que la liste des orateurs est épuisée.

Il appelle la réplique de la commission et donne la parole au rapporteur.

M. MARTY (Suisse). – D’abord, merci pour vos interventions et pour les paroles d’estime que vous avez adressées à mon équipe et à moi-même.

Permettez-moi quelques considérations personnelles. Le travail que nous avons mené a été très difficile, les difficultés étant liése à la solitude dans laquelle nous nous trouvions, mais aussi à la disproportion hors mesure des forces en présence –les gouvernements et l’Otan qui ne daignaient pas répondre à nos questions. Je ressens encore le besoin de remercier ma petite équipe qui a réalisé un travail extraordinaire et qui m’a soutenu touts ces longs mois. J’ai trouvé, non seulement des collaborateurs, mais de véritables amis. Merci, monsieur le Président de l’Assemblée, qui avez toujours encouragé et soutenu mon travail. Merci aussi aux organisations non gouvernementales, à la société civile. Je commencerai par la société civile américaine, qui a accompli un travail remarquable. Merci à Human Rights Watch, à Amnesty International, merci à de nombreuses autres ONG, avec lesquelles nous avons noué une collaboration très fructueuse. Merci encore aux journalistes d’investigation qui ont permis la vérification de certaines informations.

Je vais revenir sur les accusations selon lesquelles mon rapport serait un roman policier, un roman d’espionnage, voire un « complot », a-t-on dit. Eût-ce été un roman ou un complot, que nous le saurions aujourd’hui, presque un mois après la publication! Mes chers collègues, en approchant de la fin de ma carrière politique, croyez-vous vraiment que je jetterais aux orties trente-cinq ans de carrière publique dans le domaine judiciaire, exécutif et législatif? Et cela seulement, comme une personne l’a sous-entendu, pour quelques photos éphémères dans la presse? Ma réputation est –en tout cas pour moi– bien plus importante ! A ces collègues qui ont estimé devoir, non pas attaquer mon rapport, ce qui était légitime, mais aussi ma personne en me traitant quasiment de menteur, je voudrais demander ce qu’ils ont fait en tant que députés de leur parlement, ou en tant que parlementaires du Conseil de l’Europe pour rechercher la vérité dans leur pays? Qu’ont-ils fait personnellement?

La CIA a réagi à notre rapport. Elle n’a pas dit que c’était un roman. Elle a fait une déclaration publique pour dire qu’elle n’avait pas torturé. Point. La CIA a vraisemblablement appliqué le fameux manuel des interrogatoires renforcés. Elle a ajouté récemment que maintenant trop de monde savait trop de choses. C’est, selon moi, le signe d’une révélation prochaine de la vérité par les Etats-Unis, révélation qui serait souhaitable. Auparavant, en tant qu’Européen, je voudrais que la vérité soit faite chez nous.

D’aucuns ont demandé si les éléments présentés étaient des «preuves» qui résisteraient devant un tribunal. Je réponds affirmativement. Dans les pays confrontés à la criminalité organisée, il existe des programmes de protection des témoins, lesquels peuvent déposer anonymement. Si ces témoins que nous avons auditionnés, si ces personnes qui savent parce qu’elles ont participé aux faits reprochés étaient entendues, le tribunal n’aurait aucun doute. Ces personnes doivent aujourd’hui être protégées, car elles risquent dans leur pays des procès pour haute trahison. Nous ne sommes pas un tribunal, mais je constate que différents pays font obstacle au travail des tribunaux. Là, on commence à y invoquer le «secret d’Etat» pour que l’on ne puisse pas accéder à la vérité. Les tribunaux sont empêchés de faire leur travail.

Quant à la crédibilité de nos informations, permettez-moi de vous citer un exemple. Le ministère public de Munich a récemment émis des mandats d’arrêt à l’encontre d’agents de la CIA dans le cadre de l’affaire Al-Masri. Dans un communiqué de presse, le ministère public a écrit qu’il avait pu arriver à ses conclusions grâce aux informations obtenues par le ministère public de Milan, par le ministère public espagnol et par le rapporteur du Conseil de l’Europe. Cela pour dire à quel point nos informations ont été évaluées par des professionnels de l’enquête!

A la fin du présent débat, nous devons décider si nous sommes avocats d’office de nos gouvernements ou si nous représentons des citoyens d’un Etat démocratique qui a droit à la vérité et si nous sommes, oui ou non, représentants des valeurs sur lesquelles nous prononçons toujours de beaux discours!

Il faut aller aux faits. Je ne me suis pas rendu en Pologne ni en Roumanie –je l’explique pourquoi au point n° 13 de l’exposé des motifs– car je voulais auparavant que l’on réponde à mes questions. Aucun des députés polonais qui se sont exprimés n’a parlé des vols que leur Gouvernement a cachés, sujet que je développe aux points 180 et suivants de l’exposé des motifs. Lisez-les, voyez à quel point nous sommes entrés dans le détail, à quel point on a tenté de cacher ces vols. Personne n’en a parlé. Cela fait partie de l’ensemble des éléments qui me permettent d’arriver à la conclusion que je vous propose dans les projets de résolution et de recommandation de la commission.

Le terrorisme doit être combattu et nous devons donner une réponse. Les terroristes, nous devons en faire des criminels, non des belligérants. Mesdames, messieurs, on en a fait des belligérants alors que ce sont des criminels ! Des criminels qui doivent aller devant une Cour. Nous devons montrer à l’opinion publique mondiale quel genre de personnes ils sont, quel mépris ils ont pour la vie. Mais on en a fait des belligérants ! On leur a donné la légitimité de combattre des Etats qui emploient des moyens illégaux! Tel est l’enjeu de ce débat. (Vifs applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. le vice-président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) tient à souligner, à l’intention des détracteurs de M. Marty, que le rapport, ainsi que le projet de résolution et le projet de recommandation soumis à l’Assemblée, sont ceux de la commission. Faut-il le rappeler? L’Assemblée n’est pas un tribunal; il n’y a donc pas lieu de s’interroger pour savoir si les preuves apportées dans le rapport tiendraient devant une Cour. Il est certain en revanche qu’un tribunal serait nécessaire pour rendre justice à tous ceux qui ont été transportés, à leur corps défendant, d’un pays à l’autre! (Applaudissements)

M. Marty s’est livré à une analyse approfondie, appuyée sur des éléments fournis par des gens qui ont fait devant lui des déclarations qu’ils ne peuvent faire publiquement, sonnant ainsi l’alerte. A présent, la charge de la preuve est inversée. Il revenait à la commission de démontrer que quelque chose clochait; elle l’a fait. Il appartient maintenant aux Etats incriminés de démontrer qu’ils ne sont pas coupables.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La discussion générale est close.

La commission a présenté un projet de résolution sur lequel ont été déposés vingt amendements qui seront appelés dans l’ordre auquel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le bulletin de la présente séance ; et un projet de recommandation sur lequel trois amendements ont été déposés a également été présenté par la commission.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est strictement limité à une minute.

Nous commençons par le projet de résolution.

L’amendement n° 21, présenté par MM. Sasi, Zaremba, Lisek, Herkel, Mme Circene, tend, au paragraphe 1, à remplacer les mots «qui révélait l'existence d'une» toile d'araignée «de transferts illégaux de détenus» par les mots: «qui présentait l'existence d'une «toile d'araignée» «de transferts de détenus»».

La parole est à M. Sasi.

M. SASI (Finlande) (Interprétation) dit que la rédaction proposée éviterait que le projet de résolution ne s’expose à la critique de sensationnalisme.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Lund, contre l’amendement.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) se prononce contre l’amendement, car celui-ci sous-entend que détention secrète et transferts illégaux de détenus n’auraient pas eu lieu.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) dit que la commission n’a pas été saisie de la proposition de remplacer le verbe «révéler» par le verbe «présenter», mais qu’elle s’est prononcée contre la suppression du terme «illégaux».

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 21.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 5, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend à remplacer le paragraphe 2 par le paragraphe suivant:

«Selon les recherches effectuées par le rapporteur, l’Assemblée ne peut pas rejeter la possibilité que de tels centres de détention secrets, tenus par la CIA, aient pu exister dans les pays membres du Conseil de l’Europe.»

Si l’amendement n° 5 était adopté, les amendements n°s 22 et 23 tomberaient.

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – En l’absence d’indices factuels, les conclusions du rapporteur ne peuvent être établies incontestablement. L’existence des centres aurait dû être prouvée par le rapporteur. Ses spéculations, qui ne sont pas des preuves, ne sauraient constituer une base sérieuse pour en tirer des conclusions. L’ensemble n’apporte pas les prétendues preuves auxquelles le rapporteur fait référence. Tel est le sens de l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides, contre l’amendement.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) souligne que la commission, à une très forte majorité, a considéré comme établie l’existence des centres de détention: le rapport est probant et seuls ceux qui ne veulent pas comprendre peuvent le nier. L’amendement doit donc être rejeté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) indique que la commission a rejeté les amendements nos 5 et 22 et adopté l’amendement n° 23.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 5.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 22, présenté par MM. Sasi, Zaremba, Lisek, Herkel, Mme Circene, tend, au paragraphe 2, à remplacer les mots «comme établie dans les faits l'existence» par les mots: «qu'il existe des éléments permettant de penser qu'il y a eu».

La parole est à M. Sasi.

M. SASI (Finlande) (Interprétation) retire l’amendement n°22 au profit de l’amendement n° 23.

LE PRÉSIDENT (Interprétation), après avoir constaté le retrait de l’amendement n°22, appelle donc l’amendement n° 23 qui, présenté par M. Omtzigt, Mme W.A. Jonker, MM. Azzolini, Mota Amaral, Mme Wohlwend, M. Jurgens, Mme Circene, MM. Lindblad, Van den Brande, tend, dans le paragraphe 2, à remplacer les mots «établie dans les faits» par les mots: «établie avec un haut degré de probabilité».

La parole est à M. Omtzigt.

M. OMTZIGT (Pays-Bas) (Interprétation) dit que l’on ne peut définir comme «établi dans les faits» ce qui n’a qu’un haut degré de probabilité. Tel est le sens de l’amendement, accepté par la commission.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Lund, contre l’amendement.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) se prononce contre l’amendement. Les éléments réunis par le rapporteur pèsent très lourd et M. Marty a eu des entretiens avec des gens qui, un jour peut-être, oseront répéter publiquement ce qu’ils lui ont confié sous couvert d’anonymat. Mieux vaut donc conserver le texte initial.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 23.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 6, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend à remplacer le paragraphe 3 par le paragraphe suivant:

«L’analyse des données concernant les mouvements de certains avions, obtenue de différentes sources, notamment les autorités du contrôle aérien international, a été menée afin d’identifier les possibles routes utilisées dans le «Spider web».

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Nous proposons une nouvelle rédaction du paragraphe 3 parce que l’analyse des données concernant le trafic aérien ne peut pas conduire à la conclusion que des centres de détention secrets auraient existé en Europe. S’agissant des témoignages émanant de sources anonymes, leur existence, leur crédibilité et leur concordance mutuelle ne peuvent être évaluées par l’Assemblée.

Dans le rapport, il est écrit: «Notre source a tracé avec l’index de la main droite les contours d’une zone non marquée sur la carte. Notre source a déclaré: «Nous devons isoler [cette] zone entière et y limiter l’accès.» C’est loin d’être convaincant!

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides, contre l’amendement.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) se prononce contre l’amendement, car les lieux ont été clairement définis.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) donne un avis défavorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 6.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 7, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend à remplacer le paragraphe 4 par le paragraphe suivant:

«Le Président des Etats-Unis a évoqué publiquement, le 6 septembre 2006, «qu’à part les terroristes détenus à Guantanamo, un petit nombre de chefs de terroristes présumés et d’agents opérationnels capturés pendant la guerre ont été détenus et interrogés à l’extérieur des Etats-Unis, dans un programme séparé, mené par la Central Intelligence Agency».

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Ni le Président des Etats-Unis, ni d’autres officiels américains n’ont mentionné l’existence de «lieux de détention secrets» en Roumanie ou en Pologne. Comme nous l’avons déjà souligné, le rapport ne contient aucune preuve à l’appui d’une telle hypothèse.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides, contre l’amendement.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) se prononce contre, en effet, car une fois de plus, par cet amendement, on cherche à mettre en doute les constatations faites par le rapporteur, sans apporter la preuve qu’elles seraient erronées.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) s’oppose à l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 7.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 8, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend à remplacer le paragraphe 5 par le paragraphe suivant:

«l’évaluation du programme présumé de la CIA est difficile à faire, en l’absence de toute information rendue publique par les Etats-Unis.»

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Aucune des nombreuses sources n’est mentionnée explicitement dans le rapport. Le paragraphe 130 du document contient seulement une “conclusion”, qui n’est étayée par aucune preuve tangible.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Laakso, contre l’amendement.

M. LAKSO (Finlande) (Interprétation) constate que, pour certains, les faits ne sont avérés que si leur véracité a été reconnue par le Président Bush ou la CIA… L’Assemblée doit rejeter l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) donne un avis défavorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 8.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 9, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend à supprimer le paragraphe 6.

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Nous considérons qu’il n’y a aucune preuve de la coopération entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et les Etats-Unis dans le cadre programme HVD. Cependant les règles de confidentialité de l’Otan sont publiques et s’inscrivent dans la spécificité de l’Organisation.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides, contre l’amendement.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) souligne que le paragraphe ne mentionne pas de coopération entre gouvernements, mais dénonce une collusion, incontestable, entre services secrets. Le texte initial doit demeurer.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) est contre l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 9.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 18, présenté par MM. Haibach, Hörster, Wodarg, Mmes Graf, Barnett, MM. Pflug, Steenblock, Pourgourides, Keskin, Deittert, Lintner, Glesener, Omtzigt, Strässer, Schmitt, tend, dans le paragraphe 8, à remplacer les mots «déplore vivement que», par les mots: «note que».

La parole est à M. Haibach.

M. HAIBACH (Allemagne) (Interprétation) dit que l’amendement propose une rédaction neutre. Il ne revient pas à l’Assemblée de porter un jugement de valeur.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Lund, contre l’amendement.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) se prononce contre car onne peut donner l’impression de considérer comme insignifiant le fait que des gouvernements refusent de coopérer avec le rapporteur, donc avec le Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) dit que, par souci de compromis, la commission propose, par un amendement oral, de supprimer, au paragraphe n° 8, l’adverbe «vivement».

LE PRÉSIDENT (Interprétation) invite l’Assemblée à se prononcer sur l’amendement n° 18.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) constate que l’amendement n° 18 ayant été adopté en l’état, l’amendement oral tombe. Il appelle donc l’amendement n° 19 qui, présenté par MM. Haibach, Hörster, Wodarg, Mmes Graf, Barnett, MM. Pflug, Steenblock, Pourgourides, Keskin, Deittert, Lintner, Glesener, Omtzigt, Strässer, Schmitt, tend, dans le paragraphe 8, à remplacer les mots

«soient invoqués par de nombreux Gouvernements (Etats-Unis, Pologne, Roumanie, «l'ex-République yougoslave de Macédoine», Italie, Allemagne, ainsi que la Fédération de Russie dans le Caucase du Nord) pour faire obstacle aux procédures judiciaires et/ou parlementaires visant à établir les responsabilités de l’exécutif et de ses agents par rapport à des allégations graves de violations des droits de l’homme, et à réhabiliter et dédommager les victimes présumées de telles violations

par les mots:

«invoqués sous différentes formes et avec différentes conséquences par de nombreux Gouvernements (Allemagne, Italie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Pologne, Roumanie, Fédération de Russie dans le Caucase du Nord, Etats-Unis) rendent plus difficile de faire aboutir les procédures judiciaires et/ou parlementaires visant à établir les responsabilités en ce qui concerne la réhabilitation et le dédommagement des victimes présumées des violations. Dans plusieurs pays (Allemagne, Italie, Etats-Unis), des questions juridiques concernant les limites du secret d'Etat et de l'immunité de l'exécutif sont toujours pendantes devant les plus hautes juridictions nationales.»

Si cet amendement était adopté, l’amendement n° 10 tomberait.

La parole est à M. Haibach.

M. HAIBACH (Allemagne) (Interprétation) dit que la nouvelle rédaction proposée pour le paragraphe 8 est plus nuancée que la rédaction initiale car elle tient compte de la diversité des situations dans les différents pays membres.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 19.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) déclare que, en conséquence, l’amendement n° 10 tombe, et il en vient donc à l’amendement n° 11 qui, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, Mme Tomaszewska, M. Wach, tend, dans le paragraphe 11, à supprimer la première phrase.

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Le rapporteur ne présente pas de preuves pour soutenir ses allégations concernant l’usage du secret d’Etat pour encombrer les investigations parlementaires ou judiciaires en Roumanie. Le rapporteur lui-même reconnaît que les services de renseignements doivent répondre devant les membres du Parlement qui ont accès aux documents classifiés.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) s’oppose à l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 11.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 12, présenté par MM. Ungureanu, Berceanu, Mme Cliveti, MM. Mereuţă, Ilaşcu, Cosarciuc, Bartoš, Iwiński, Lisek, Libicki, Mme Jazłowiecka, MM. Popescu, Gadzinowski, Karski, Kawa, Rau, MmeTomaszewska, M. Wach, tend, dans le paragraphe 13, à supprimer les mots «mais elle s’est heurtée elle-même à la réticence des autorités gouvernementales de faire toute la lumière sur les agissements de la CIA sur le territoire roumain».

La parole est à M. Ungureanu.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Cette conclusion n’est pas soutenue par les documents présentés et, d’ailleurs, n’a aucun sens. Tant que le rapport ne fournit aucune preuve de «l’implication secrète» de la CIA dans des activités illégales présumées, la phrase constitue un procès d’intention et une menace à peine voilée contre les gouvernements européens qui coopèrent avec les autorités américaines. L’assemblée parlementaire d’une institution issue de la Seconde guerre mondiale ne peut pas s’associer à une telle position, lourde d’implications et profondément injuste.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) signale à M. Ungureanu qu’il a l’impression d’entendre une défense de l’amendement n° 11, alors c’est l’amendement n° 12 qui a été appelé.

M. UNGUREANU (Roumanie). – Vous avez raison, monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je vous donne donc une seconde chance !(Sourires)

M. UNGUREANU (Roumanie). – Le Gouvernement roumain a démontré constamment sa bonne volonté de découvrir toute la vérité.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Pourgourides, contre l’amendement.

M. POURGOURIDES (Chypre) (Interprétation) s’oppose à l’amendement car il a été prouvé que le Gouvernement roumain n’avait pas vraiment voulu coopérer.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) donne un avis défavorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 12.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 14, présenté par MM. Lund, Kox, J. Sigfússon, Dragassakis, Kyprianou, tend, après le paragraphe 16, à insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée regrette que l’Otan n’ait pas accepté de coopérer avec le rapporteur et demande aux parlements et aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont aussi membres de l’Otan de coopérer à l’avenir avec le rapporteur afin que toute la lumière soit faite sur l’ampleur de la pratique des vols secrets de la CIA et des détentions secrètes en Europe.»

La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) souligne que l’amendement, outre qu’il marque le regret de l’Assemblée que l’Otan n’ait pas accepté de coopérer avec le rapporteur, invite les parlements et les gouvernements des Etats membres du Conseil à se mobiliser pour que toute la lumière soit faite.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) signale que la commission des questions juridiques a présenté un sous-amendement oral qui tend à remplacer les mots «de coopérer à l’avenir avec le rapporteur afin que toute la lumière soit faite» par «de faire toute la lumière sur».

Ce sous-amendement oral ne peut être pris en considération que si dix représentants ou suppléants dûment désignés au moins ne s’y opposent pas. Après avoir constaté que les objections sont en nombre insuffisant ; il donne la parole au rapporteur, pour soutenir le sous-amendement oral.

M. MARTY (Suisse). – Les mots que je propose de modifier supposent qu’il y ait un mandat pour un troisième rapport. Or ce mandat n’a pas été donné.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) demande à l’auteur de l’amendement s’il est prêt à se rallier au sous-amendement de la commission.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) accepte le sous-amendement oral.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement oral?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) fait part de son accord.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix le sous-amendement oral.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Hancock, contre l’amendement ainsi sous-amendé.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) s’oppose à l’amendement n° 14 car les critiques à l’encontre de l’Otan ne sont fondées que sur un sentiment hostile et non sur des preuves, le rapport ne faisant état que de vols militaires, rien ne prouvant que cette organisation ait été complice d’agissements illégaux, en particulier de l’organisation de prétendus vols civils.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 14, sous-amendé.

L’amendement, ainsi modifié, est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 15, présenté par MM. Lund, Kox, J. Sigfússon, Dragassakis, Kyprianou tend, après le paragraphe 16, insérer le paragraphe suivant:

«Le Conseil de l'Europe critique vivement l'Otan pour avoir offert la plate-forme à partir de laquelle les Etats-Unis ont obtenu les autorisations et les protections indispensables dont ils avaient besoin pour lancer des actions secrètes de la CIA dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme».»

La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) s’étonne que M. Hancock n’ait pas lu le rapport qui précise clairement un certain nombre de choses à propos de l’Otan et qui montre que des éléments sont restés secrets dans la décision du 4 octobre 2001. Il conviendrait qu’ils soient rendus publics pour que l’enquête soit menée dans de bonnes conditions. Pour toutes ces raisons, l’Assemblée est fondée à critiquer l’Otan, c’est ce que rappelle cet amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Hancock, contre l’amendement.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) s’oppose à l’amendement. Ayant lu le rapport, il affirme que celui-ci ne contient aucune preuve, qu’il se contente de faire référence à la seule décision effectivement prise par l’Otan, celle d’accepter des vols militaires. Si des preuves contraires existent, comment se fait-il qu’elles ne soient pas données?

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis défavorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 15.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 1, présenté par MM. Hancock, Kox, Mignon, Pflug, Mme Oskina, tend, avant le paragraphe 17.1, à insérer l'alinéa suivant:

«les gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à s'engager sans réserve à ne plus jouer à l'avenir aucun rôle dans l'autorisation du transport via leur territoire de personnes actuellement encore détenues à Guantanamo ni dans la détention de telles personnes pour quelque durée que ce soit»

La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) rappelle que la décision américaine de fermer Guantanamo pose le problème du sort des trois cents détenus de ce centre. L’amendement tend donc à souligner que les gouvernements des Etats membres du Conseil ne doivent intervenir en aucune façon dans le transfert vers d’autres lieux de détention, car il ne serait de l’intérêt de personne qu’une autre prison de ce titre soit créée ailleurs dans le monde.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) est pour.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 1.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 2, présenté par MM. Hancock, Kox, Mignon, Pflug et Mme Oskina, tend, avant le paragraphe 17.1, à insérer l'alinéa suivant:

«les gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre à la disposition de leur parlement national, si celui-ci juge bon de procéder à une enquête, toutes les informations pertinentes qu'ils détiennent, y compris les témoignages relatifs au rôle joué par l'Etat concerné dans la pratique des restitutions extraordinaires ou dans l’incarcération de détenus américains dans des centres secrets situés sur leur territoire.»

La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) rappelle que le débat a largement porté sur le déplacement de la charge de la preuve. Dans ces conditions, cet amendement insiste sur la nécessité que les gouvernements de tous les Etats membres fournissent à leur parlement national, s’il décidait à ouvrir une enquête, toutes les informations qui leur seraient demandées. Cela permettrait d’éviter la création de nouveaux centres secrets.

LE PRÉSIDENT (Interprétation) informe l’Assemblée que la commission des questions juridiques a présenté un sous-amendement oral qui propose de supprimer le mot: «américains». Ce sous-amendement sera soumis à l’examen de l’Assemblée, sauf si dix représentants ou suppléants s’y opposent.

Après avoir constaté que tel n’était pas le cas, la parole est donnée au rapporteur pour défendre ce sous-amendement oral.

M. MARTY (Suisse). – En effet, il s’agit d’un problème complètement différent. Parler de “détenus américains”, c’est désigner des détenus de nationalité américaine. Vous auriez éventuellement dû parler de détenus dans des prisons gardées par des services américains. Des détenus «américains», je n’en ai connu ni à Guantanamo, ni à Abou Grahib!

LE PRÉSIDENT (Interprétation) demande ce qu’en pense l’auteur de l’amendement.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) s’oppose au sous-amendement car, en supprimant la référence aux détenus américains, on ouvrirait la possibilité de créer de nouveaux Guantanamo dans d’autres pays.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) soutient le sous-amendement oral car, comme l’a souligné M. Marty, pour produire les effets escomptés, il conviendrait que l’amendement de M. Hancock fasse référence non pas aux «détenus américains», mais aux «détenus par les services américains».

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix le sous-amendement oral.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est avis de la commission sur l’amendement n° 2, ainsi modifié.

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) est pour.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 2, sous-amendé.

L’amendement, ainsi modifié, est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 3, présenté par MM. Hancock, Kox, Mignon, Pflug et Mme Oskina, tend, avant le paragraphe 17.1, à insérer l'alinéa suivant:

«les gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas répondu à la demande du rapporteur et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à expliquer en détail les raisons de leur manque de coopération.»

La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) indique que l’amendement demande à tous les gouvernements des Etats membres qui refuseraient de coopérer avec le rapporteur de justifier leur réticence. Tous les rapporteurs qui ont un jour été confrontés à de telles difficultés mesurent sans doute la portée d’un tel amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 3.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 16, présenté par MM. Lund, Kox, J. Sigfússon, Dragassakis, Kyprianou, tend, avant le paragraphe 17.2, à insérer l'alinéa suivant:

«l'Otan à rendre public les éléments supplémentaires de son autorisation du 4 octobre 2001 qui sont jusqu'à présent restés secrets.»

La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) donne lecture de l’amendement qui invite l’Otan à rendre public les éléments supplémentaires de l’autorisation du 4 octobre 2001 auxquels il est fait référence au paragraphe 97 du rapport.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) fait part de son accord.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 16.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 4, présenté par MM. Hancock, Kox, Mignon, Pflug, Mme Oskina, tend, après le paragraphe 17.3, à ajouter le paragraphe suivant:

«L'Assemblée s'engage à communiquer toutes les informations pertinentes qu'elle détient sur cette question à tous les parlements des Etats membres qui auront engagé leur propre enquête en application du paragraphe 17.1.»

La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) signale que, si l’Assemblée communique tous les éléments en sa possession aux commissions d’enquête qui seraient créées dans les Etats membres, cela permettrait, en particulier au Parlement britannique, de répondre à la proposition de M. Blair de lancer une enquête publique à condition que des preuves soient fournies.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Omtzigt, contre l’amendement.

M. OMTZIGT (Pays-Bas) (Interprétation) juge l’amendement inutile dans la mesure où tous les documents qui pouvaient être rendus publics l’ont déjà été, l’Assemblée étant dans l’obligation de garder secrets les témoignages confidentiels qu’elle a reçus.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) s’oppose à l’amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 4.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Nous allons procéder au vote sur l’ensemble du projet de résolution, contenu dans le document 11302 révisé, ainsi amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté par 124 voix pour, 37 voix contre et 8 abstentions. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) en vient aux amendements déposés sur le projet de recommandation. Ils seront examinés dans l’ordre suivant: nos 17, 20 et 13.

L’amendement n° 17, présenté par MM. Lund, Kox, J. Sigfússon, Dragassakis, Kyprianou, Lotman, tend, après le paragraphe 2, à insérer le paragraphe suivant:

«L'Assemblée invite instamment le Comité des Ministres à suivre attentivement les activités des Etats membres du Conseil de l'Europe dans la mission FIAS menée en Afghanistan sous la direction de l'Otan afin d'éviter que des détenus ne soient transférés illégalement sous prétexte de lutter contre le terrorisme.»

La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark) (Interprétation) déclare que cet amendement invite le Comité des Ministres à suivre attentivement les activités des Etats membres du Conseil de l’Europe dans la mission menée par l’Otan en Afghanistan afin d’éviter que des détenus ne soient transférés illégalement sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Hancock, contre l’amendement.

M. HANCOCK (Royaume-Uni) (Interprétation) rappelle que le mandat des troupes de l’Otan est clair et qu’il ne fait aucun doute pour les soldats britanniques que toute personne arrêtée doit être remise aux autorités afghanes. Il est donc opposé à cet amendement.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) précise que la commission est contre cet amendement, dans la mesure où le Comité des Ministres n’a aucune compétence en la matière.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 17.

L’amendement n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 20, présenté par MM. Haibach, Hörster, Wodarg, Mmes Graf, Barnett, MM. Pflug, Steenblock, Pourgourides, Jurgens, Keskin, Deittert, Lintner, Omtzigt, Strässer, Schmitt, tend, au paragraphe 3, à remplacer les mots «étant invoqués par de nombreux gouvernements pour faire obstacle aux» par les mots: «invoqués par de nombreux gouvernements rendant plus difficiles les»

La parole est à M. Haibach.

M. HAIBACH (Allemagne) (Interprétation) indique que cet amendement vise à harmoniser le projet de résolution et le projet de recommandation.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) émet un avis favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 20.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – L’amendement n° 13, présenté par MM. Jurgens, Bartumeu Cassany, Cilevičs, Mmes Wohlwend, Circene, M. Holovaty, tend, après le paragraphe 4, à ajouter le paragraphe suivant:

«Concernant l’amélioration du contrôle démocratique des activités des services de renseignement nationaux, le Comité des Ministres est invité à se pencher sur la nécessité pour les Etats membres d’assurer ce contrôle à l’égard, en particulier, des services de renseignement militaires ainsi que des services de renseignement étrangers opérant sur leur territoire.»

La parole est à M. Jurgens.

M. JURGENS (Pays-Bas) (Interprétation) déclare qu’un contrôle démocratique des services secrets, en particulier militaires, apparaît indispensable pour favoriser la transparence.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Quel est l’avis de la commission?

M. MARTY (Suisse). – Favorable.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je mets aux voix l’amendement n° 13.

L’amendement est adopté.

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Nous allons procéder au vote sur l’ensemble du projet de recommandation, contenu dans le document 11302 révisé, ainsi amendé.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté par 122 voix pour, 30 voix contre et 7 abstentions. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) félicite le rapporteur pour son travail, sérieux, prudent et honnête, et remercie tous les participants.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT (Traduction). – Je propose à l’Assemblée de tenir sa prochaine séance cet après-midi à 15 heures avec un ordre du jour conforme au calendrier adopté.

Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 13 h 05.

S O M M A I R E

1.       Modifications dans la composition de commissions

2.       Organisation des débats

3.       Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe : second rapport

Interviennent : le président, MM. Marty (président et rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme), Omtzigt, Eörsi, Greenway, Lund, Mmes Durrieu, Gacek M. Hancock, Mme Cliveti, MM. Gardetto, Ungureanu, Berceanu, Kaikkonen, Strässer, Pourgourides, Gross, Mmes Jazłowiecka, Leutheusser-Schnarrenberger, M. Kyprianou, Mme Lalonde (observateur du Canada), MM. Sasi, Steenblock, Haibach, Cilevics, Zaremba, Laakso, Dragassakis, Sigfusson, Jurgens (vice-président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme)

Projet de résolution

Rejet des amendements nos 21, 5

Retrait de l’amendement n° 22

Adoption de l’amendement n° 23

Rejet des amendements nos 6, 7, 8, 9

Adoption des amendements nos 18, 19

Rejet des amendements nos 11, 12

Adoption de l’amendement n° 14 sous-amendé

Rejet de l’amendement n° 15

Adoption des amendements nos 1, 2 sous-amendé, 3, 16

Rejet de l’amendement n° 4

Adoption du projet de résolution amendé

Projet de recommandation

Rejet de l’amendement n° 17

Adoption des amendements nos 20, 13

Adoption du projet de recommandation

4.       Prochaine séance publique