FR12CR17

AS (2012) CR 17

 

Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2012

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-septième séance

Jeudi 26 avril 2012 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Kox, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. la situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur « La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région » de M. Nikolaos Dendias au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 12882), qui sera présenté par M. Christopher Chope, président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Mme Marieluise Beck présentera ensuite l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 12899).

Afin de laisser suffisamment de temps pour les deux autres débats de cet après-midi, nous interromprons la liste des orateurs vers 16 h 55 pour pouvoir entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Monsieur le président, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez la parole.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur suppléant* – Monsieur le Président, comme vous l’avez indiqué, il s’agit du rapport de M. Nikolaos Dendias qui, actuellement engagé dans une campagne électorale, ne peut être présent parmi nous.

Il s’est rendu dans le Caucase du Nord durant une semaine en septembre dernier avec la coopération de M. Fedorov et les membres de la délégation russe. Il a donc été en mesure d’effectuer une visite extrêmement intéressante et utile. Si M. Fedorov n’est plus membre de la délégation de la Fédération de Russie de l’Assemblée parlementaire, il reste très présent parmi nous puisqu’il a été détaché au secrétariat de cette délégation.

Plus de 800 000 personnes ont dû s’enfuir de leur foyer du Caucase du Nord depuis le début des années 1990 en raison de conflits en Ossétie du Nord et en Tchétchénie et en raison de violations persistantes et généralisées des droits de l’homme dans la région.

Aujourd’hui, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime qu’il y a encore 28 450 personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI) dans la région. Quelque 350 000 personnes ont pu rentrer, mais cela ne représente qu’un tiers de ceux qui avaient dû prendre la fuite.

Des efforts importants ont été déployés par les autorités russes pour améliorer la situation dans la région, mais il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à des solutions durables pour ces PDI ainsi que pour tous ceux qui souhaiteraient, soit rentrer chez eux, soit s’installer définitivement là ils se trouvent.

Voilà huit ans, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait débattu du rapport de M. Iwiński relatif à la situation humanitaire de la population déplacée de Tchétchénie. Il est juste de reconnaître qu’un progrès remarquable a été accompli durant ces huit années. M. Dendias est d’ailleurs revenu avec un album de photos pour nous montrer ce qu’est la vie à l’heure actuelle dans le Caucase du Nord : contraste frappant avec les ruines calcinées de Grozny qui sont restées dans nos mémoires. On y voit des bâtiments modernes qui ressemblent un peu à ceux de Dubaï.

Derrière ces façades reconstruites et la reprise économique, il convient de reconnaître que retourner dans la plupart des ces pays est encore difficile. Non seulement la situation en matière des droits de l’homme est assez précaire – aucun des conflits de la région n’a réellement été réglé –, mais on y constate l’absence d’accès au logement, aux moyens de subsistance et aux soins pour les personnes déplacées à cause des conflits.

En dépit de l’accent mis dans ce rapport sur les aspects humanitaires, nous avons pris note de l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et nous soutiendrons les amendements qu'elle propose.

Un des principaux défis qui se posent pour résoudre ces problèmes de déplacements internes au Caucase du Nord, c’est l’absence de données fiables quant au nombre de PDI et de critères fiables pour déterminer qui est considéré comme une personne déplacée. Nous avons demandé aux autorités russes de normaliser les modes de calcul afin de disposer de chiffres objectifs et fiables.

Le rapport évoque également la question du logement. En effet, un grand nombre de personnes déplacées vivent dans des logements dont les normes sont inacceptables. Le gouvernement fédéral a consacré quelque 26 milliards de roubles pour détruire les habitations en ruines. Cependant, les indemnités versées pour reconstruire de nouveaux logements ne sont pas suffisantes, car une bonne part de l’argent disparaît pour des problèmes de corruption.

Par ailleurs, les personnes qui souhaiteraient bénéficier de ces indemnités ne sont pas habilitées à présenter de demandes.

Les possibilités de retour offertes aux PDI sont très limitées et c’est ainsi que des milliers d’entre elles continuent de vivre dans des centres d’accueil délabrés en Tchétchénie ou en Ingouchie. S’ajoute le nombre croissant d’expulsions des centres. Derrière tout cela, se cache un chômage pléthorique, si bien que 60 % des migrants forcés dans la région sont actuellement sans emploi avec toutes les conséquences qui en découlent. Et si l’économie ne reprend pas, il sera impossible de proposer des emplois à ces personnes.

Le rapport a fait l’objet de recherches approfondies. J’espère qu’il sera voté à l’unanimité par les membres de notre Assemblée. Ce serait un grand compliment adressé à notre rapporteur au nom duquel je l’ai présenté.

LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur Chope, d’avoir accepté de remplacer M. Dendias. Il vous restera cinq minutes pour répondre aux orateurs.

Madame Beck, vous avez la parole pour présenter l’avis de la commission des questions juridiques.

Mme BECK (Allemagne), rapporteure pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Au nom de la commission, je remercie le rapporteur de la commission des migrations ainsi que les autorités et nos collègues russes qui ont permis l’organisation de la mission sur place. Je suis heureuse de constater que vous avez trouvé un terrain d’entente pour observer sur place le sort des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, M. Dendias ayant rapporté d’assez bonnes nouvelles sur la poursuite de la reconstruction de ces régions.

La commission des questions juridiques préconise de se préoccuper non seulement de la protection sociale de ces personnes, mais aussi de leurs droits. Les gens rentreront chez eux s’ils ont le sentiment d’être en sécurité, d’être protégés contre la corruption et contre toute exaction. Ils rentreront s’ils ont confiance dans les institutions étatiques et s’ils sont persuadés que les éventuels actes de violences seront réprimés et les coupables punis.

Le Conseil de l’Europe et le Commissaire aux droits de l’homme, M. Hammarberg, ont constamment agi en ce sens. Voilà deux ans, notre collègue M. Dick Marty a défendu ici même un rapport dans lequel il exprimait ses préoccupations, l’Etat de droit étant loin de régner dans cette région d’Europe. Un très large sentiment d’impunité prévalait. Il y a un an, le Commissaire Hammarberg s’est rendu à son tour dans cette région pour vérifier si les structures mises en place par la Fédération de Russie se révélaient efficaces, si elles contribuaient à atténuer le fardeau de la Cour européenne des droits de l’homme et à mettre en œuvre ses nombreux arrêts concernant les faits s’étant produits dans la région. Il avait alors regretté la lenteur des avancées.

En fin de compte, les réfugiés ne sont les bienvenus nulle part. Les personnes déplacées, les conationaux ont eux-mêmes du mal à trouver un lieu où s’établir et donc à réorganiser leur vie. Voilà pourquoi les initiatives d’aide prises par les organisations sont accueillies favorablement. Elles sont d’ailleurs indispensables. Dans ce contexte, il est d’autant plus préoccupant d’apprendre que les militants et les défenseurs des droits de l’homme continuent à souffrir d’une situation très précaire dans le Caucase du Nord. Nous avons eu à connaître, parmi d’autres, le cas tragique de Natalia Estemirova.

Quant au retour des réfugiés, les autorités tchétchènes font pression sur les PDI. L’exemple le plus tragique est celui de Umar Israïlov, assassiné à Vienne, parce qu’il refusait de rentrer. Les circonstances de ce meurtre ne sont d’ailleurs pas encore été élucidées. Tout retour, bien évidemment, doit être volontaire.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole est fixé cet après-midi à quatre minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Reps, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. REPS (Estonie)* – M. Dendias s’est penché sur la situation dans le Caucase du Nord, dont la complexité doit être soulignée.

À l’instar du rapporteur, nous félicitons les autorités russes pour certains des progrès réalisés et pour les efforts déployés dans cette région. Malheureusement, pour de nombreuses personnes qui sont rentrées, la situation demeure précaire. Soit elles ne bénéficient d’aucune aide, soit la plupart d’entre elles ne peuvent faire valoir leurs droits sans faire l’objet de discriminations.

Le rapport fait également état du grave problème de logement, les propriétés détruites n’ayant pas été indemnisées, faute de moyens ou parce que l’argent ne parvient pas aux destinataires légitimes du fait de la corruption. L’ensemble de ces raisons expliquent les faibles possibilités pour ces personnes de se réinstaller et d’occuper un emploi légalement ou encore d’obtenir des prestations sociales, et cela dans un contexte de grande insécurité. En effet, des mouvements rebelles continuent de sévir et, sur le plan matériel, il reste des bombes et des mines terrestres qui, éparpillées dans les campagnes, constituent un risque majeur.

Ces personnes sont confrontées en outre à des problèmes de réinsertion professionnelle, car leur formation a été entravée à un moment ou à un autre. Le rapport relève à cet égard un déficit en termes de volonté politique. Même là où le gouvernement fédéral consent des efforts et fait ce qu’il doit, sur le terrain, les relais font preuve de beaucoup de mauvaise volonté.

Certaines catégories de personnes sont particulièrement vulnérables, telles les personnes victimes de viols ou les personnes mutilées ou amputées. Plus généralement, il convient de trouver des solutions durables aux personnes déplacées en interne qui connaissent une situation difficile.

J’en viens aux aspects légaux mis en exergue par Mme Beck.

Certains auteurs d’exactions graves sont toujours en liberté et n’ont pas été poursuivis. Or il est très important que les PDI qui rentrent aient le sentiment qu’il n’y a plus d’impunité pour ces personnes. De plus, les militants des droits de l’homme sont toujours persécutés. Il faut donc que tous les criminels soient dûment poursuivis et condamnés.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Herkel, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. HERKEL (Estonie)* – Je souhaite, au nom de mon groupe, féliciter tous les rapporteurs, y compris bien entendu, M. Dendias, qui ne peut malheureusement être parmi nous aujourd’hui pour des raisons électorales, ce que nous comprenons.

À l’instar de M. Chope, je commencerai en rappelant quelques chiffres. Environ 800 000 personnes ont été contraintes de fuir cette région depuis le début des années 1990. Ce chiffre est énorme. On compte environ 350 000 personnes déplacées qui sont revenues, tandis que 28 000 d’entre elles ne sont toujours pas rentrées. Leur situation est au cœur de ce rapport. Il y a aussi quelque 30 000 réfugiés dans la région. On peut donc facilement déduire de ces chiffres que plus de 400 000 personnes ont dû quitter leur foyer sans que l’on sache exactement où elles se trouvent. Elles vivent très probablement dans d’autres régions de la Fédération de Russie. Certaines sont peut-être réfugiées en Europe.

Quoi qu’il en soit, elles ne sont pas rentrées. La question que l’on peut donc se poser est : pourquoi ? Il n’en va pas seulement de l’indemnisation et du logement car, très souvent, les gens rentrent chez eux, même dans des conditions de vie minimales. Dès lors, on est en droit de se demander si les opposants à M. Kadyrov peuvent vraiment rentrer en Tchétchénie. À mon sens, c’est extrêmement dangereux ! Comme l’a dit Mme Beck, l’un d’entre eux a été abattu à Vienne. Si de telles menaces pèsent sur leur sécurité alors même qu’ils ne sont pas rentrés chez eux, on imagine ce qu’il en serait s’ils l’avaient fait.

Lorsque nous avons débattu des élections russes, on a souvent mentionné les résultats en Tchétchénie, où 99 % des voix ont été accordées au parti au pouvoir et à M. Poutine. Eh bien, c’est un peu la même chose dans l’ensemble des républiques du Caucase du Nord. Cela veut-il dire que les opposants ne sont pas autorisés à retourner dans cette région, ou bien tout simplement que le point de vue de l’opposition n’est même pas accepté ? Les questions fondamentales qui se posent donc, mes chers collègues, sont celles de la liberté, de la démocratisation et de la justice. Les réfugiés ne peuvent évidemment pas rentrer chez eux s’il n’y a aucune évolution dans ces domaines.

En conclusion, le PPE appuie les progrès réalisés – il y en a eu, même s’il faut bien reconnaître qu’ils sont limités – et soutient les amendements proposés par la commission des questions juridiques. En effet, de toute évidence, les défenseurs des droits de l’homme et les réfugiés doivent être protégés, tandis que les auteurs de violations contre ces droits ne devraient pas, quant à eux, bénéficier de l’impunité au seul motif qu’ils sont – par exemple – partisans de M. Kadyrov en Tchétchénie.

LE PRÉSIDENT *– La parole est à M. Schennach, au nom du Groupe socialiste.

M. SCHENNACH (Autriche)* – J’aimerais moi aussi remercier le rapporteur au nom de mon groupe. Ce travail met de mettre en lumière le sort de personnes qui, très généralement, ne bénéficient pas d’une grande attention – en tout cas beaucoup moins que les réfugiés qui traversent des frontières. Le rapport est d’une grande clarté, tout en étant pondéré, ce qui ne fait d’ailleurs qu’en renforcer la valeur.

On voit bien que l’histoire des territoires de l’ancien empire russe et de l’ex-Union soviétique a été marquée par de très nombreux déplacements forcés de populations. Lorsque l’on parle de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, on ne dit qu’à demi-mot qu’il s’agit de mouvements forcés. Nous l’avons vu après la Seconde Guerre mondiale, mais aussi à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie : très souvent, les conflits entraînent pour les populations des pertes de droits. Je pense aux droits civiques et aux droits de l’homme, mais aussi à des pertes de patrimoine. La perte du foyer, de l’environnement familier et de la sécurité personnelle est certainement l’aspect le plus saisissant de cette situation. Pour ceux qui la subissent, cela entraîne une dépendance vis-à-vis de l’administration. On se retrouve entièrement tributaire d’une aide extérieure à la famille ; on est incapable de choisir son propre avenir ; on est exposé à l’arbitraire.

J’ai vu pour ma part des camps de réfugiés en Géorgie, plus précisément en Abkhazie et en Ossétie. On y est confronté à des situations catastrophiques, à des tragédies humaines qui créent des problèmes durables. Autrement dit, il faut étudier de façon pratique la situation à laquelle on est confronté.

Par ailleurs, quand les réfugiés ont la possibilité de rentrer chez eux, il faut veiller à ce qu’ils bénéficient de garanties juridiques et sociales encore plus fortes, ce qui nécessite un accompagnement. Comme l’a dit Mme Beck, les ONG participent à ce système de protection. Les indemnisations sont certes importantes, même si l’on sait bien que, pour quelqu’un qui a dû fuir et se retrouve réfugié, l’indemnisation n’est jamais vraiment une réparation : les aspects émotionnels, l’attachement au foyer ne sont pas monnayables. Cela dit, au-delà de l’aide, le droit à l’indemnisation doit être garanti.

Je viens d’un pays – l’Autriche – où des événements graves se sont déroulés. Des personnes y ont été assassinées. Cependant, les réfugiés de Tchétchénie et du Kazakhstan nous préoccupent tout particulièrement. Du reste, une première condamnation est intervenue. Il n’en demeure pas moins que des réfugiés, même dans notre pays, n’échappent pas à la répression qui les vise.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Knyshov, au nom du Groupe démocrate européen.

M. KNYSCHOV (Fédération de Russie)* – Je souhaite exprimer ma gratitude aux membres de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tout particulièrement à M. Dendias ainsi qu’à Mme Beck pour les rapports très détaillés dont nous sommes saisis.

Ces documents donnent une vision objective de la situation actuelle des personnes déplacées dans le Caucase du Nord. Ils fournissent une évaluation équilibrée des résultats positifs obtenus par la Fédération de Russie pour ces personnes et des tâches encore inachevées. Ce rapport et la résolution seront de bonnes bases pour poursuivre la coopération entre la Russie et l’Assemblée parlementaire dans ce domaine.

J’ai néanmoins quelques doutes quant au bien-fondé de certains éléments contenus dans le rapport et la proposition de résolution. On estime qu’il convient d’accroître le soutien direct de l’Etat aux personnes déplacées. À mon sens, cette affirmation doit être modérée. Je suis persuadé que, dans le Caucase du Nord, la première tâche est de créer les conditions pour que la population de la région, donc les réfugiés, améliorent par eux-mêmes leurs conditions de vie. Compte tenu du taux de chômage, qui frôle les 49 % en Ingouchie et est supérieur à 27 % en Tchétchénie, il paraît impossible d’apporter le bien-être souhaité à la masse de la population des personnes déplacées. Les améliorations fondamentales de la vie des personnes déplacées ne sont possibles qu'à partir d'un développement économique créant de nouveaux emplois et complétant l’aide fournie par l’Etat.

À l’heure actuelle, dans une perspective à moyen terme, l’Etat, pour améliorer la situation dans la région, a élaboré une stratégie de développement socio-économique du district fédéral du Caucase du Nord. Celle-ci devrait être mise en œuvre vers la fin de 2012. Son financement s'élève à 125 milliards d’euros, une somme énorme. Le budget fédéral viendra donc en appui et des soutiens seront apportés aux collectivités territoriales. Des infrastructures seront développées, des routes, des hôtels et des stations de ski construits, grâce auxquels des dizaines de milliers d’emplois devraient être créés.

Mais il va de soi que pour assurer la sécurité de la population dans le Caucase du Nord, l'interruption des activités criminelles terroristes est encore plus indispensable que la volonté du gouvernement et de l’Etat, qui est bel et bien réelle. Il est très difficile d’espérer que les recommandations, même les mieux argumentées du Conseil de l’Europe les convaincront volontairement. Il faut bien recourir à la force, ce qui suscite des protestations de la part des familles, des plaintes et des rumeurs de la part des organisations humanitaires.

Dans le Caucase du Nord, ne se pose pas vraiment un problème de respect des droits de l’homme. Il faut convaincre ceux qui participent aujourd’hui à ce débat du fait que, plus que quiconque, nous souhaitons voir les problèmes résolus, car nous voulons construire une nouvelle Russie et que nos citoyens soient fiers de leur patrie. C’est pourquoi nous sommes prêts à admettre toutes les critiques positives, dès lors qu’elles partent du désir réel de nous aider à résoudre ces difficiles problèmes.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous répondre immédiatement après les porte-parole des groupes ? Tel n'est pas le cas.

La parole est à M. Bockel.

M. BOCKEL (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dont je salue la qualité, démontre clairement qu’il n’y a pas de fatalité dans cette région et qu’il est possible, dès lors qu’une réelle volonté politique se fait jour, d’améliorer la situation de personnes en grande précarité, quand bien même nous sommes loin d’un règlement de tous les problèmes. Et je voudrais dire un mot de celui de l’insécurité.

C’est finalement ce qui me frappe le plus à la lecture de ce rapport : la question de la sécurité des personnes déplacées et plus largement de la région n’y apparaît pas comme la principale priorité. Elle n’est en effet abordée qu’après un point sur la création d’emplois et la construction de logements sociaux – questions très importantes s’il en est – et un autre sur le renforcement de la supervision et de la transparence des dépenses budgétaires dans les Républiques du Caucase du Nord. Mais nous ne pouvons continuer à jeter un voile pudique sur cette région de l’Europe où l’impunité continue à régner et où le mépris des valeurs que nous défendons est presque érigé en norme.

Pour reprendre le mot de Bismarck sur les Balkans, le Caucase produit peut-être plus d’Histoire qu’il n’en peut consommer. De l’extérieur, de telles divisions peuvent apparaître par trop complexes. Ce n’est pas pour autant que nous devons limiter l’intérêt de notre Assemblée pour cette région aux seules difficultés, certes dramatiques, des réfugiés et saluer ainsi « une approche de plus en plus pratique et réaliste de la normalisation des conditions de vie des personnes déplacées », pour reprendre les mots du rapporteur.

La violence demeure un phénomène récurrent dans cette région, en dépit d’un retour du calme en Ingouchie ou en Tchétchénie. Les attaques contre les forces armées dans des lieux souvent symboliques affectent directement la population civile. La réponse des forces de sécurité ne contribue pas efficacement à aplanir ces difficultés. Détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements, enlèvements ou punitions collectives plongent la région dans une réelle insécurité, fragilisant les efforts indéniables en faveur des civils loués par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

J’aurais aimé que le rapport présenté ce jour soit accompagné d’un autre document, venant de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, traçant un bilan des recommandations que notre Assemblée avait formulées voici deux ans afin de mieux encadrer la lutte contre le terrorisme engagée par Moscou dans la région, même si je reconnais que la tâche n’est pas facile.

Une réflexion sur la non-exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant le Caucase du Nord mériterait également d’être lancée, tant l’impunité qui semble y régner ne favorise pas les comportements vertueux qu’appelle de ses vœux la présente proposition de résolution.

Tout en saluant le bon travail des rapporteurs – car un rapport ne peut mettre l’accent sur tous les aspects et mon propos n’est pas d’être critique mais d’apporter un complément –, je souhaite que le débat du jour ne soit qu’une première étape en vue de poser clairement les questions concernant à l’avenir de cette région. Nous parlons aujourd’hui du Caucase du Nord, il ne faudrait pas pour autant que notre Assemblée oublie d’autres conflits, plus au sud, toujours ignorés à ce jour, région où la situation des personnes déplacées internes mériterait notre attention. Je pense notamment à l’Azerbaïdjan et à la Géorgie. Je suis retourné en ce début d’année dans des camps de réfugiés ou dans des villages reconstitués et j’ai pu constater la situation dramatique qui existe dans ces pays et qui touche une part importante de la population. Il en va aussi de la crédibilité de notre Assemblée d’aller plus loin. Se focaliser sur un point, précis, si essentiel soit-il, risquerait de donner le sentiment que nous n’abordons pas les aspects plus généraux qui se posent dans cette région, lesquels sont tout à fait dramatiques et appellent aussi une réponse politique.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Pashayeva.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – J’aimerais féliciter le rapporteur pour ce rapport très détaillé et complet.

Je comprends la souffrance des personnes déplacées dans la région du Caucase du Nord, étant une représentante de l’Azerbaïdjan, pays où une personne sur neuf est réfugiée ou déplacée, seul pays dans le monde où leur nombre est compris par le reste de la population.

Je soutiens toutes les recommandations qui invitent à améliorer la situation des personnes déplacées en Caucase du Nord, mais ces personnes attendent plus de nous. Il ne s’agit pas seulement de mener des débats et d’adopter des résolutions. Ces personnes attendent de nous que nous appliquions des mécanismes plus efficaces pour mettre en œuvre ces recommandations et en vérifier la mise en œuvre.

Vous parlez du Caucase du Nord, mais n’oublions pas non plus le Caucase du Sud où la situation est encore plus grave, où un tiers des réfugiés et des personnes déplacées viennent de mon pays, l’Azerbaïdjan, du fait de l’occupation de son territoire par l’Arménie. Cela fait vingt ans que des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées d’Azerbaïdjan sont empêchées de rentrer chez elles. Dans quelques jours, nous célèbrerons le 20e anniversaire de l’occupation de ces territoires par l’Arménie dans ces deux régions, et depuis vingt ans déjà, les personnes de ces régions ne peuvent rentrer chez elles, ce qui constitue une des violations les plus graves des droits de l’homme aujourd’hui.

Lorsque nous discutons de ces questions, n’oublions pas que beaucoup de temps a passé. Combien de documents ont été adoptés ? Ont-ils été mis en œuvre ? Il n’y a pas de résultat. La résolution 1416 précise que l’Arménie doit se retirer de ces territoires et permettre aux réfugiés d’Azerbaïdjan et aux personnes déplacées à l’intérieur de rentrer chez eux. Neuf années sont passées depuis l’adoption de ce texte mais l’Arménie refuse de l’appliquer.

Chers collègues, je vous transmets l’appel des centaines de milliers d’Azerbaïdjanais. Ils comptent sur vous pour qu’on ne les oublie pas. Il faut renforcer votre activité pour faire respecter la résolution 1416.

J’en appelle à l’assemblée pour qu’elle agisse aussi pour les personnes déplacées dans le Caucase du Sud.

LE PRÉSIDENT* – Mme Papadimitriou, inscrite dans le débat, n’étant pas là, je donne la parole à M. Huseynov.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* — Chaque intervention concernant les réfugiés ou les personnes déplacées exige que nous prenions toute la mesure de la situation. Il ne suffit pas d’apporter une aide matérielle pour aider les réfugiés ou les personnes déplacées. La vraie aide, c’est de leur permettre de rentrer chez eux. Mon pays souffre depuis 24 ans de cette tragédie. L’Arménie, durant un hiver de la fin des années 1980, a déporté de force plus de 300 000 Azéris de territoires qui appartenaient à l’Azerbaïdjan mais qui sur le plan administratif avaient été laissés à l’Arménie durant la période soviétique. Peu à peu, ce nombre a atteint le million.

Pour comprendre la souffrance de ces personnes, il faut se mettre à leur place. Imaginez que la session terminée, chacun décide de rentrer chez soi, mais que certains d’entre nous soient empêchés de retourner sur le lieu où ils ont vécu. On doit alors recommencer sa vie à zéro quel que soit son âge. 300 000 Azerbaïdjanais qui habitaient en Arménie ont laissé leur histoire, leurs monuments y compris les tombes, un patrimoine de 800 à 900 ans. Cette vérité se retrouve dans la géographie avant les changements de la dernière déportation d’Azerbaïdjanais. Mais tout a été officiellement supprimé par l’Etat.

Mais on ne peut effacer l’histoire artificiellement. Les photos et les descriptions des monuments et des pierres tombales ont été actées par beaucoup de chercheurs depuis 50 ans. Des cartes du début du XXe siècle qui figurent encore dans les archives prouvent la réalité. Plus de 300 000 personnes ont été déportées d’Arménie et près de 700 000 Azerbaïdjanais sont devenus des personnes déplacées à cause de l’agression arménienne. La terre n’est plus cultivée et souffre donc d’érosion. La tradition de la transmission des compétences de génération en génération a été perdue dans ces territoires.

L’agression arménienne a détruit l’avenir de ces régions. C’est une bombe à retardement qui finira bien par exploser. Il n’est pas encore trop tard pour prendre des mesures pratiques, trouver des solutions pour sauver les réfugiés, les personnes déplacées et nous-mêmes.

LE PRÉSIDENT* – M. Sidyakin, inscrit dans le débat, n’étant pas là, je donne la parole à Mme Erkal Kara.

Mme ERKAL KARA (Turquie)* – Je remercie M. le rapporteur Nikolaos Dendias pour l’élaboration de ce rapport détaillé sur la situation des personnes déplacées et retournées dans région du Caucase du Nord.

Considérant la présence d’une population nombreuse, politiquement forte et solidaire des personnes d’origine du Caucase en Turquie, il est naturel pour les gouvernements turcs de suivre de près les développements survenant dans cette région.

La situation délicate en termes de politique intérieure et de niveau de vie des peuples dans le Caucase du Nord est directement liée à la sécurité et à la stabilité régionale. Par conséquent, nous attachons une grande importance à la résolution des problèmes des personnes déplacées dans la région du Caucase du Nord.

La tâche à accomplir est difficile et multiforme, exigeant des ressources importantes. Nous apprécions les mesures prises par les autorités de la Fédération de Russie, et prenons en compte les efforts importants déjà réalisés, mais beaucoup reste encore à faire.

À cet égard, nous sommes heureux de constater que le rapport de M. Dendias est constructif et équilibré et nous soutenons le projet de résolution adopté à l’unanimité, le 24 janvier 2012, par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

Finalement, j’appellerai l’attention de l’Assemblée sur la situation inhumaine d’un million d’Azerbaïdjanais déplacés du Haut-Karabagh à cause de l’invasion militaire de l’Arménie. Je souhaite que l’Assemblée reste vigilante par rapport à cette question tragique.

LE PRÉSIDENT* – La parole à Mme Naghdalyan.

Mme NAGHDALYAN (Arménie)* – Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer ma gratitude au rapporteur M. Dendias qui a réalisé un travail très complet pour préparer ce rapport. Je vais modifier mon intervention après ce que je viens d’entendre. Le travail accompli par l’Assemblée parlementaire vise à résoudre les innombrables problèmes qui se posent pour les personnes déplacées de l’intérieur.

À bien des reprises, notre Assemblée a appelé l’attention sur les graves difficultés auxquelles se heurtent encore ces PDI, par suite des conflits internes dans ces différentes régions. L’aide fournie est faible ou absente.

L’auteur insiste sur le fait qu’il convient d’étudier la situation dans le Caucase du Nord. Les autorités de la Fédération de Russie ont consenti des efforts importants pour améliorer la situation depuis l’avant dernier rapport, surtout pour le logement, sans doute la condition essentielle pour permettre le retour à une vie normale. Il y a eu également des emplois en nombre suffisant et des indemnités.

Les PDI sont des citoyens qui restent sur le territoire du pays sous une juridiction particulière. La Fédération de Russie étant un pays riche, elle peut résoudre les problèmes.

Il faut bien entendu affecter des ressources importantes à la résolution des problèmes qui subsistent, mais c’est avant tout une forte volonté politique qui est nécessaire, dans le pays et à l’extérieur. En effet, d’autres pays membres du Conseil de l’Europe, quoique assez richement dotés, ne s’empressent guère de fournir les ressources nécessaires. Je songe notamment à l’Azerbaïdjan, qui joue depuis bien longtemps sur cette question, alors que les experts ont montré que ce sont surtout les indemnisations versées de façon unilatérale qui ont réglé le problème des PDI. Il n’était donc pas nécessaire de recourir à tous ces arguments. Bien souvent, les autorités azerbaïdjanaises ont instrumentalisé la situation, alors que l’Azerbaïdjan dépense chaque année des milliards pour acheter des armements. C’est le seul Etat membre du Conseil de l’Europe qui veut résoudre les problèmes par des moyens militaires et qui continue de renforcer ses capacités militaires dans la région sans mettre en œuvre de programme humanitaire.

Certains disent que la situation est dramatique et que l’Azerbaïdjan n’est pas en mesure de régler cette question, mais nous nous félicitons des recommandations formulées dans le rapport. Nous ne comprenons pas pourquoi certains pays devraient satisfaire à des exigences extrêmement dures, tandis que d’autres ne seraient abordés qu’avec des lunettes roses.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Vareikis.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Nous évoquons aujourd’hui le plus grave problème qui puisse se poser. Il n’est pas de pire problème que celui des personnes déplacées dans le Caucase du Nord.

Allons au fond des choses.

Souvenons-nous de l’ère napoléonienne, de ces armées gigantesques qui s’affrontaient, souvenons-nous de la Seconde Guerre mondiale, avec ses lignes de front et ses villes bombardées. Aujourd’hui, d’autres images nous viennent à l’esprit lorsque nous songeons aux guerres de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, des images non plus tellement de combattants mais surtout de réfugiés. Tel est le visage de ces guerres dites post-modernes.

Le problème est donc, techniquement, de venir en aide à ces personnes qui ont subi la guerre et ont fui. Nous devons prendre les bonnes décisions politiques pour faire face à ces situations.

Il y a quelques mois, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme s’est penchée sur un rapport dont j’étais l’auteur, qui portait sur les transferts forcés de population. Nous avons longuement débattu de savoir qui était réfugié, qui était déplacé de force. Dans le Caucase du Nord, c’est vrai, des communautés entières ont été déplacées. Mon grand-père a été déplacé en Sibérie, où, dans la taïga, il a rencontré beaucoup de Tchétchènes. Telle était à l’époque la politique du pays.

Nous publions un rapport avec des recommandations idoines. C’est important mais cela reste trop peu.

Je suis moins optimiste que vous, Monsieur Chope. Divisez donc 7 milliards d’euros par 300 000 : cela fait à peu près 2 000 euros par personne. Si l’on vous donnait, des années après vous avoir expulsé de chez vous, une somme de 1 500 livres, seriez-vous content ? Non ! Le montant, dont nous ne savons même pas s’il parviendra au bénéficiaire, est trop faible.

Mais, le plus important, ce n’est pas l’argent, c’est le rétablissement du droit et de la justice. Nous parlons aujourd’hui du Caucase du Nord, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, mais aussi des Croates et des Bosniaques, mais sachons que ce n’est pas de l’argent qu’il faudra pour régler le problème des réfugiés et des déplacés, c’est le rétablissement de la justice.

Je vous félicite, certes, pour votre rapport, mais je vous encourage à poursuivre ce travail en mettant l’accent sur les questions les plus importantes : comment rétablir la justice ? comment rétablir la confiance de ces personnes dans la justice ? Voilà qui compte encore plus que de leur rendre leur logement.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de M. Kandelaki, inscrit dans le débat, la parole est à Mme Guţu.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Je veux tout d’abord remercier le Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Jean-Claude Mignon, qui a effectué une visite en République de Moldova. Nous saluons surtout son engagement exceptionnel en faveur d’une solution aux conflits gelés dans les pays membres du Conseil de l’Europe.

Le rapport que nous examinons aujourd’hui, présenté par M. Chope, est assez important. Il vise un sujet plutôt humanitaire, mais, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un conflit gelé, on ne saurait le traiter sans considérer les causes qui ont conduit à un désastre humanitaire, à savoir des agressions militaires de la Fédération de Russie.

Je déplore donc vivement que les avancées sur la voie d’une résolution des conflits gelés, y compris celui de Transnistrie, région sécessionniste en République de Moldova, soient compromises par des actions pas tout à fait correctes venant de la part d’un des acteurs principaux des négociations.

Ainsi, le 28 mars dernier, le président de la Fédération de Russie a nommé par décret présidentiel le Vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, responsable du complexe militaro-industriel et de la défense, représentant spécial du président pour la Transnistrie. Dmitri Rogozine est bien connu pour la part active qu’il a prise à l’agression militaire de la Fédération de Russie contre la République de Moldova en 1992. Ce fut surtout, dans ce conflit, un fervent animateur des « cosaques », mais il s’est aussi distingué par les commentaires péjoratifs qu’il a récemment proférés sur les réseaux sociaux à propos de la République de Moldova qu’il a qualifiée de « basse-cour ».

La nomination par décret d’autres représentants spéciaux pour l’Ossétie du Sud et Abkhazie nous suggère une attitude similaire de la Russie envers ces trois régions sécessionnistes. Ce geste peut être vu comme une ingérence dans les affaires internes de la République de Moldavie et dans celles de la République de Géorgie. En outre, M. Rogozine est désigné en tant que « représentant spécial du Président pour la Transnistrie ». Il serait bon que son mandat soit redéfini et qu’un autre titre lui soit donné, peut-être celui de « représentant spécial pour la solution du conflit gelé de la Transnistrie ».

Le 16 avril, M. Rogozine a visité la République de Moldova. Il a été reçu par le Président et par le Premier ministre et a tenu des propos aimables mais, après son départ de Transnistrie, il a affirmé que celle-ci était une entité politique et économique souveraine qui s’est affirmée en tant que telle au cours des vingt dernières années et que la Fédération de Russie allait ouvrir un consulat à Tiraspol, capitale de la Transnistrie sécessionniste. Il nous a également donné des leçons sur l’histoire et la langue que nous devons apprendre en République de Moldova.

Sa visite était préparée par celle du ministre de la défense de la Fédération de Russie, M. Serdiukov, qui était venu inspecter les 20 000 tonnes d’armement qui se trouvent en Transnistrie, et qui a assuré que cet armement n’était pas dangereux pour la population. Il a assuré les officiels de cette région sécessionniste de Transnistrie que la Russie moderniserait encore ses forces stationnées en Transnistrie.

Mesdames et Messieurs, les tout derniers événements sont très éloquents pour ce qui est de la position officielle de la Fédération de Russie s’agissant de la résolution du conflit gelé de la Transnistrie, et pas seulement. Il serait bon qu’elle cherche effectivement une solution, sans violer la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldova.

Au lieu de manifester une politique expansionniste et militariste, la Russie devrait s’occuper plutôt de la violation des droits de l’homme dans d’autres régions de sa fédération, comme la Tchétchénie.

Je me rallie à l’opinion de M. Vareikis selon laquelle ce rapport permettra de donner une suite favorable à des sujets tout aussi brûlants.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Kalmár.

M. KALMÁR (Hongrie)* – En 1950, évoquant la création du Conseil de l’Europe, Konrad Adenauer avait déclaré : « L’objet de notre travail est de faire disparaître les frontières des Etats nationaux européens. Notre objectif est que l’Europe devienne pour nous tous une maison commune, la maison de la liberté. »

Malheureusement, voici la deuxième fois que je dois, cette semaine, introduire mon intervention par un retour aux racines du Conseil de l’Europe. Au fil des siècles, les questions ethniques ont toujours été très importantes sur le vieux continent, car elles ont été à l’origine de nombreux conflits, parfois terribles. Très souvent, les frontières européennes ont été modifiées. Pourtant, nous savons tous que la diversité ethnique est également au fondement de notre compétitivité, de notre créativité et qu’elle est à la source du succès de l’Europe dans le monde. Toutefois, aujourd’hui encore, les conflits ethniques persistent. Il est regrettable que cette question ne soit pas au centre des préoccupations de l’Europe.

Les propos de Konrad Adenauer de 1950 demeurent d’actualité, car son objectif n’a été atteint qu’en Europe occidentale. Et si, ailleurs, les efforts sont permanents, voire incessants, regrettons qu’ils n’aboutissent pas à des situations plus pacifiques.

Nous connaissons bien la question qui est soulevée puisque les Hongrois ont connu au XXe siècle plusieurs afflux de réfugiés : à la suite du traité de Trianon, puis du traité aboutissant aux échanges de population entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie, à la suite de la guerre de Yougoslavie et enfin de la révolution de 1956. Et ce n’est pas parce que les conflits semblent profondément enracinés dans la région du Caucase qu’il ne faut pas y déployer des efforts accrus visant à renforcer les liens entre les peuples et les cultures et à développer la coopération entre les différentes entités ethniques. À cet égard, l’éducation et le renforcement de la confiance sont d’une importance primordiale. Le rôle des enseignants d’histoire est primordial.

D’ailleurs, la situation des jeunes est un enjeu essentiel pour stabiliser durablement la région. Ils ont besoin d’emplois, car, sans revenus légaux, ils constituent un groupe cible particulièrement vulnérable pour les idéologies extrémistes et un creuset potentiel pour le terrorisme et les organisations criminelles.

La tâche essentielle du Conseil de l’Europe devrait consister à prévenir les conflits. Puisque la plupart de ces derniers reposent sur une base ethnique, nous devrions remettre cette question au cœur de nos préoccupations, même si de grands Etats, comme la Russie, se sentent visés.

Comme les résolutions du Conseil de l’Europe n’ont pas de nature contraignante, nous devons coopérer avec l’Union européenne pour les rendre obligatoires par le biais du Parlement européen, qui est une institution partenaire. Cela pourrait faire l’objet d’un nouveau rapport.

LE PRÉSIDENT* – Il nous restera encore quelques minutes après le prochain orateur, qui est également le dernier inscrit. C’est pourquoi d’autres collègues pourront encore prendre la parole à sa suite.

La parole est à M. Gaudi Nagy.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Je tiens à féliciter M. Dendias, même s’il n’est pas là, pour son excellent rapport.

Je me rappelle un autre excellent rapport, adopté en janvier dernier : c’était celui de M. Vareikis sur les transferts forcés de population. Ces deux rapports illustrent deux aspects d’une même violation des droits de l’homme.

En effet, comme l’affirme la résolution 1863, dans son premier paragraphe, « le transfert de population est une pratique ou une politique qui a pour but ou pour effet de déplacer des personnes à l'intérieur de frontières internationales ou au-delà de ces frontières ou à l'intérieur ou à l'extérieur d'un territoire occupé, sans le libre et plein consentement de la population qui fait l'objet du transfert et de la population d'accueil quelle qu'elle soit. Il s’accompagne d’expulsions ou de déportations collectives et souvent de nettoyage ethnique. » Le deuxième paragraphe ajoute : « Les transferts forcés de population n’ont pas seulement eu lieu au cours de l’histoire ; cette pratique et ses conséquences touchent encore les conflits actuels, comme ceux qui ont déchiré l’ouest des Balkans, Chypre et la région du Caucase. »

Cette résolution constitue une base très forte pour la question soulevée dans le rapport de M. Dendias. Les efforts doivent être accrus pour trouver des solutions durables pour les personnes actuellement déplacées. Ce qui est arrivé dans le Caucase du Nord est similaire aux épurations ethniques du passé. M. Kalmár a rappelé la sympathie que nous éprouvons pour ces peuples ou ces groupes chassés de leurs maisons et de leurs terres par les conflits. Dans le Caucase du Nord, certains ont dû quitter leur région natale depuis plus de vingt ans.

Le Conseil de l’Europe devrait également demander un jour un rapport sur les réfugiés de Voïvodine, dans le nord de la Serbie. De nombreuses personnes appartenant à des peuples différents, notamment des Hongrois, ont été déplacées vers ce territoire, du fait de la guerre civile en ex-Yougoslavie, ce qui a détruit les équilibres en place : de ce fait la cohabitation pacifique est menacée.

Le Conseil de l’Europe pourrait également s’intéresser à la Palestine, qui a vu d’immenses déplacements de populations.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

Nous avons encore quelques minutes : quelqu’un souhaite-t-il demander la parole ?

Si tel n’est pas le cas, j’appelle la réplique des commissions.

Monsieur Chope, il vous reste cinq minutes. Vous avez la parole.

M. CHOPE (Royaume-Uni), rapporteur suppléant* – Ce débat a montré combien la commission avait fait preuve de sagesse en ajoutant à son nom les personnes déplacées

Nous étions censés évoquer la seule situation du Caucase du Nord, mais vous avez fait preuve d’indulgence, Monsieur le Président, et il a été également question du Caucase du Sud ainsi que des Balkans, ce qui témoigne de l’intérêt de ce sujet.

Monsieur Knyshov a indiqué que la Fédération de Russie entendait consacrer 125 milliards de fonds à cette région du globe, somme bien plus considérable que celle dont M. Vareikis a fait état. Si tel est le cas, toute l’économie de cette zone en bénéficiera, les résidents mais également les personnes déplacées.

Monsieur Dendias aurait souhaité que j’attire votre attention sur le fait qu’il a beaucoup bénéficié de l’aide de Mme Odrats, membre du secrétariat de la commission des migrations, pour la rédaction de ce rapport. Je m’associe à son hommage.

Madame Beck a donc défendu le point de vue de la commission des questions juridiques. Elle travaille en ce moment à un autre rapport consacré au Caucase du Nord et aura sans nul doute l’occasion de revenir sur les questions soulevées par M. Marty et notamment, celles des droits de l’homme et de l’impunité qui continue de sévir.

Se pose également la question des ONG. Faute de dégager suffisamment de ressources pour les financer, qui assurera la supervision des opérations ? Ce n’était pas l’objet de ce débat mais il s’agit tout de même d’un volet important parmi les problèmes qui se posent.

Enfin, permettez-moi de revenir tout de même sur les évocations souvent passionnées ou émouvantes – je songe à celles de MM. Bockel et Vareikis – de la situation dans le Caucase du Sud en regrettant toutefois qu’elles aient parasité notre discussion. Je ne ferai donc aucun commentaire à ces propos, étrangers à notre ordre du jour.

Je remercie l’ensemble des participants pour leurs interventions qui ne manqueront pas de réjouir M. Dendias lorsqu’il lira le compte rendu de nos débats.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Santini, président de la commission des migrations.

M. SANTINI (Italie), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – C’est un devoir, en tant que président de la commission des migrations, d’intervenir sur un tel sujet.

Je remercie M. Dendias pour son remarquable travail tout en regrettant qu’il soit hélas empêché ; je remercie également M. Chope, qui l’a remplacé au pied levé et avec brio.

Nous avons entendu des points de vue différents, passionnés et respectueux à la fois, ce dont je me félicite. Il aurait été en effet facile de se laisser aller à des accusations qu’il aurait été délicat de juger. J’apprécie en tout cas que tout le monde se soit mobilisé pour essayer d’améliorer la situation.

La crise est réelle, des progrès ont été accomplis, mais il est possible de faire bien mieux encore. La Fédération de Russie ne ménage donc pas ses efforts pour améliorer les conditions de vie des réfugiés mais c’est encore insuffisant, car tout le monde, tant s’en faut, ne peut encore jouir des droits fondamentaux.

De plus, nombreux sont ceux qui rencontrent de graves difficultés pour trouver un logement décent, un emploi, ou accéder à des documents officiels. L’insécurité, quant à elle, grève encore largement jusqu’aux efforts à venir. Des expropriations ont toujours lieu et il est très difficile, pour les personnes concernées, d’être indemnisées. De nombreuses étapes doivent donc être franchies afin de retrouver une situation acceptable.

Je lance un appel à tous ceux qui sont susceptibles d’améliorer la situation et, en premier lieu, à la Fédération de Russie, pays dont les bases sont désormais solides et qui connaît une réelle croissance économique : espérons qu’elle permettra de dégager de nouvelles ressources pour cette région du monde et en faveur de tous ceux qui veulent recouvrer leur foyer et leur dignité.

LE PRÉSIDENT* – Le débat est clos.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés. Son président demande l’application de l’article 33-11 du Règlement. Les amendements nos 4 à 10 ont été adoptés à l’unanimité par la commission. Est-ce bien le cas, Monsieur Santini ?

M. SANTINI (Italie), président de la commission* – Oui.

LE PRÉSIDENT* – Ils sont ainsi rédigés :

L’amendement no 4, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 1, à remplacer les mots « au moins 19 000 » par « 28 450 ».

L’amendement no 5, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 5, au début de la deuxième phrase, à ajouter les mots suivants : « Bien que 124 700 personnes aient été indemnisées pour un montant de 26,43 milliards de roubles, »

L’amendement no 6, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.1.2, à remplacer les mots « l’effectif et la localisation actuels des personnes » par les mots suivants : « l’effectif, la localisation et les besoins actuels des personnes ».

L’amendement no 7, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.1.2, à remplacer les mots « auxquels elles restent confrontées » par les mots suivants : « qui exigent une action pour parvenir à des solutions durables ».

L’amendement no 8, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.1.3, à remplacer les mots « à prendre des mesures » par les mots suivants : « à préparer et mettre en œuvre un plan d’action avec des ressources financières adéquates ».

L’amendement no 9, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.8, à insérer le paragraphe suivant : « à prendre des mesures adéquates pour garantir l’indépendance des mécanismes nationaux des droits de l’homme dans le Caucase du Nord et à soutenir leur capacité constante à suivre la situation des PDI sur le plan des droits de l’homme ainsi que la mise en œuvre des obligations et engagements du gouvernement vis-à-vis des PDI ; »

L’amendement no 10, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.9, à insérer le paragraphe suivant : « à continuer de s’appuyer sur l’aide des institutions internationales compétentes, en particulier l’Onu, pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le présent rapport, notamment l’étude sur la situation des PDI et le plan d’action ; »

Y a-t-il une objection ?

Tel n’est pas le cas. Les amendements nos 4 à 10 sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des amendements nos 1 à 3.

L’amendement no 1, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.8, à insérer le paragraphe suivant : « à mettre un terme à l’impunité des auteurs de graves violations des droits de l’homme, y compris de meurtres, de disparitions forcées et d’actes de torture, notamment en renforçant le contrôle fédéral sur les activités des forces de l’ordre et des services de sécurité régionaux et en exécutant scrupuleusement les nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;»

La parole est à Mme Beck, pour le défendre.

Mme BECK (Allemagne), rapporteure pour avis* – Au-delà des questions sociales, c’est la justice qui est en jeu : l’impunité constituant une entrave à la sécurité des réfugiés, nous demandons l’application de tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Makhmutov, contre l’amendement.

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Voilà moins d’un an, notre collègue Marty et la commission des questions juridiques avaient préparé un remarquable rapport sur la situation des droits de l’homme dans le Caucase du Nord, qui avait été adopté à la quasi-unanimité. Cet amendement en reprend pratiquement toutes les dispositions, pourquoi alors se répéter ?

LE PRÉSIDENT* – Quel est l’avis de la commission ?

M. SANTINI (Italie), président de la commission* – Avis favorable à l’amendement.

LE PRÉSIDENT* – Je le mets aux voix.

L’amendement n1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement n2, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 8.2.5, à ajouter la phrase suivante : « ; à mener une enquête approfondie et diligenter des poursuites contre les auteurs de tous les actes criminels commis à l’encontre de ces défenseurs des droits de l’homme et des personnes retournées chez elles, y compris les anciens hauts représentants des gouvernements précédents ; »

La parole est à Mme Beck, pour le soutenir.

Mme BECK (Allemagne), rapporteure pour avis* – Cet amendement revient sur le souhait exprimé par le Conseil de l'Europe que les délits et les violations des droits de l’homme fassent l’objet de poursuites contre leurs auteurs, notamment lorsqu’ils sont commis à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Makhmutov, contre l’amendement.

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Nous avons les mêmes arguments que précédemment. Là encore, on reprend quelque chose qui figure dans le rapport précédent. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – Quel est l’avis de la commission ?

M. SANTINI (Italie), président de la commission* – Favorable.

LE PRÉSIDENT* – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n° 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement n3, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.2.5, à insérer le paragraphe suivant : « s’abstenir d’intimider ou de faire pression sur les réfugiés tchétchènes qui vivent dans d’autres régions de la Fédération de Russie ou à l’étranger pour qu’ils retournent en République tchétchène et fassent publiquement allégeance aux autorités actuelles ; mener une enquête approfondie sur les circonstances du meurtre d’Umar Israïlov à Vienne et engager également des poursuites à l’encontre des instigateurs et des organisateurs de ce crime. »

La parole est à Mme Beck, pour le soutenir.

Mme BECK (Allemagne), rapporteure pour avis* – Cet amendement fait référence à des réfugiés qui vivent en Fédération de Russie, mais loin de leur région natale ou à l’étranger. Des personnes sur lesquelles on fait très souvent pression afin qu’elles rentrent chez elles. Quand elles résistent, elles font l’objet de menaces.

Par ailleurs, nous sommes inquiets du meurtre d’Umar Israïlov à Vienne.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Makhmutov, contre l’amendement.

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Je vous oppose une fois encore les mêmes arguments : cet amendement n’a pas de lien direct avec le rapport et reprend ce qui a déjà été écrit dans un rapport adopté par l’Assemblée parlementaire. Nous vous proposons donc de rejeter cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – Quel est l’avis de la commission ?

M. Santini (Italie), président de la commission* – Favorable.

LE PRÉSIDENT* – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n° 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 12882, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution est adopté (62 voix pour, 0 voix contre et 7 abstentions)

LE PRÉSIDENT* - La séance est suspendue quelques instants.

(La séance, suspendue à 16 h 55, est reprise à 17 heures, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée)

LE PRÉSIDENT – La séance est reprise.

2. L’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme et la Déclaration de Brighton

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant la tenue de notre débat d’actualité sur « L’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme et la Déclaration de Brighton ».

Je vous rappelle que le débat d’actualité est limité à une heure et demie. Le premier orateur, désigné par le Bureau, sera M. Hans Franken, qui dispose de 10 minutes.

La parole est à M. Franken.

M. FRANKEN (Pays-Bas)* – Le 24 janvier de cette année, notre Assemblée a tenu un débat très intéressant sur l’autorité et l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme. L’Assemblée a adopté à l’unanimité, moins une abstention, une recommandation et une résolution, lesquelles concluent que la Cour européenne des droits de l’homme est un instrument extraordinaire ayant un impact positif sur l’évolution du droit et la pratique judiciaire en Europe, mais qu’en aucun cas, elle ne peut être un ersatz de protection nationale des droits de l’homme.

La Cour a toujours été conçue pour jouer un rôle subsidiaire et pour être un dernier recours. Si le droit au recours individuel doit être préservé et si la Cour doit pouvoir rendre des arrêts de qualité faisant autorité dans un délai raisonnable, la priorité absolue vise à améliorer la situation dans les pays où les normes de la Convention ne sont pas appliquées correctement.

La recommandation et la résolution ajoutent que les parlements nationaux sont susceptibles de jouer un rôle central en prenant trois types de mesures : premièrement, en veillant à la bonne compatibilité des projets de loi avec les exigences de la Convention. Deuxièmement, en pesant sur les gouvernements afin qu’ils exécutent rapidement et intégralement les arrêts de la Cour. Troisièmement, en supervisant les efforts actuels de réforme.

À la suite de la session du mois de janvier de l’Assemblée, la réunion de Brighton s’est tenue la semaine dernière ; elle a été l’occasion d’évoquer deux problèmes rencontrés par la Cour. D’une part, le nombre considérable d’affaires en souffrance, la décision intervenant après un trop long délai. D’autre part, certains gouvernements estiment, que la Cour outrepasse ses compétences dans certaines affaires et s’en prend trop à la marge d’appréciation des différents Etats membres en matière d’interprétation des articles de la Convention.

La Déclaration de Brighton vise donc plusieurs objectifs : tout d’abord, convenir de la mise en œuvre de réformes du système conventionnel sur le rôle des Etats parties et attribuer un certain nombre de tâches au Comité des Ministres ainsi qu’à l’Assemblée parlementaire. Elle prévoit ensuite un amendement à la Convention, afin d’inclure dans son préambule une référence à la subsidiarité et à la marge d’appréciation. Ce dernier point a notamment été mis en avant par le Royaume-Uni.

La subsidiarité comprend un aspect procédural – le requérant doit avoir respecté toutes les étapes de la procédure nationale avant d’ester à Strasbourg – et un aspect substantiel, en vertu duquel les gouvernements nationaux sont les mieux placés pour évaluer la nécessité de certaines situations ou le caractère proportionné des situations. Autrement dit, un partage des responsabilités s’opère entre les Etats membres et la Cour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Cour elle-même a formulé la doctrine de « la marge d’appréciation », qui prévoit que les Etats membres disposent d’un minimum de latitude quant aux modalités à mettre en œuvre pour garantir les droits et libertés prévus par la Convention. Quant à la question de savoir si la marge d’appréciation sera mise en œuvre et dans quelle mesure, seule la Cour peut trancher, puisque le dernier mot lui appartient s’agissant de l’interprétation de la Convention au cas par cas.

Nous savons bien que la Cour essaie de limiter les conflits entre les législations et les pratiques des différents Etats membres. N’oublions pas en effet le Conseil de l’Europe compte 47 Etats membres et que 800 millions d’Européens sont concernés. La Cour cherche ainsi à harmoniser, mais en aucun cas à imposer des normes uniques et générales. La marge est plus ou moins large selon les cas ; dans certains cas, elle est inexistante, par exemple lorsque le droit à la vie ou l’interdiction de la torture sont en cause. Cela dit, si des sujets font l’objet d’un consensus, pour d’autres – l’ordre public, les questions ethniques – il n’y en a pas et la marge d’appréciation peut alors sensiblement varier.

La Cour, me semble-t-il, a évité de tomber dans l’activisme judiciaire ; elle fait preuve d’autodiscipline s’agissant de l’interprétation à donner aux textes. C’est elle, encore une fois, qui est compétente en matière d’interprétation des textes en tant que superviseur de l’action des Etats.

Cela dit, le principal problème réside dans l’accumulation d’affaires en souffrance. Ainsi que l’a dit le Président Mignon lui-même dans un article du Guardian, publié le 19 avril 2012 : « L’accumulation des cas en suspens n’est pas dû tant à l’inefficacité du mécanisme qu’au fait qu’un grand nombre de nouveaux Etats où la protection des droits de l’homme n’est que partielle ou insuffisante ont été placés sous la juridiction de la Cour ces dernières années. » Cette situation avait d’ailleurs été prévue. Malheureusement, un seul Etat membre a pendant longtemps bloqué toute tentative de parvenir à une solution.

À l’heure actuelle, le nombre d’affaires en souffrance tend à diminuer, mais il n’en reste pas moins qu’il faut encore progresser. Dans ce contexte, bien sûr, on peut féliciter la présidence britannique d’avoir organisé la Conférence de Brighton, grâce à laquelle nous sommes dotés aujourd’hui d’un plan d’action fondé sur le consensus de tous les Etats parties afin que le poids du passé soit résorbé. On sait très bien que tout retard dans l’administration de la justice constitue un déni de justice. En fait, dans la mesure où les affaires ne sont pas jugées, de nombreuses requêtes répétitives sont formulées et on demande de plus en plus que des mesures provisoires soient prises, ce qui ipso facto multiplie le nombre des affaires en souffrance.

La Déclaration de Brighton prévoit que la Cour renforce ses mesures de réforme pour une meilleure efficacité, en particulier le traitement des requêtes irrecevables et répétitives. Elle doit privilégier les jugements pilotes et éventuellement avoir recours à des juges additionnels. Je proposerai d’ailleurs que l’Assemblée, utilisant les procédures de sélection habituelles, désigne des juges supplémentaires à titre temporaire.

Les Etats parties, quant à eux, devront faire en sorte que les gouvernements appliquent les jugements rapidement et de façon efficace. Les parlements devront s’assurer que les lois et règlements nationaux sont conformes à la Convention ; ils doivent laisser une chance à la Cour de préserver son autorité. Dans ce contexte, le minimum est bien que chaque Etat membre paye au moins le salaire de son juge national à la Cour.

L’Assemblée, de son côté, devrait jouer un rôle plus important dans la promotion de la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Elle doit peser sur le Comité des Ministres afin qu’il affine ses procédures de suivi de l’exécution effective des arrêts. La mise en place d’un mécanisme d’examen plus structuré et une plus grande publicité en la matière seraient certainement utiles.

En conclusion, chers collègues, dans ce débat, nous devons nous concentrer sur les faits et non pas sur des fictions. Nous sommes tous coresponsables.

LE PRÉSIDENT – Dans la discussion générale, la parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – J’aimerais tout d’abord remercier Hans Franken pour son excellente et fort sage introduction à ce débat. Même si nous appartenons à des groupes différents au Sénat néerlandais, je soutiens pleinement ses remarques introductives sur ce débat d’actualité très important.

Des élus ne doivent jamais espérer des miracles, même si de temps à autre, et fort heureusement, il s’en produit. Selon nous, la création de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Cour en a été un. Cela a commencé par un petit miracle, lorsque le Conseil de l’Europe a commencé ses travaux. Ensuite, le miracle est devenu encore plus grand lorsque tous les Etats européens se sont joints à cet effort et ont adhéré à la Convention, soutenant ainsi, par là même, la Cour et son travail.

Il est bon que, dans ce monde exagérément dominé par les marchés financiers, les multinationales et un capitalisme sauvage, la Convention et la Cour constituent une île de civilisation où peuvent trouver abri ceux qui ont souffert de violations de leurs droits. Nous ne disons pas assez souvent à quel point ce système est unique et très différent de la Déclaration universelle. Tout n’est pas parfait, mais son existence même mérite que nous en soyons fiers et c’est le cas de mon groupe.

Il est donc très important que le Comité des Ministres, lorsqu’il se réunira le 23 mai sur le thème de la Convention et de la Cour, se montre extrêmement prudent. Nous ne pourrions que nous féliciter d’améliorations qui permettraient de réduire les délais. Un certain nombre de propositions ont été esquissées à cet égard par Hans Franken. Voilà d’ailleurs à quoi devrait se limiter le Comité des Ministres. Il ne devrait pas, en tout cas, utiliser ce débat à des fins politiques. Certes, nous faisons tous de la politique, mais la Convention et la Cour sont trop importantes pour être détournées à des fins politiciennes.

Au nom de mon groupe et, j’espère, de l’ensemble de l’Assemblée, j’aimerais adresser le message suivant au Comité des Ministres : soyez prudents, gardez ce qui est bon et ne changez que ce qui doit vraiment être modifié. Alors, nous lui serons reconnaissants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Lībiņa-Egnere, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

Mme LĪBIŅA-EGNERE (Lettonie)* – Avant tout, je remercie la présidence du Royaume-Uni, qui a souhaité aborder la question de l’importance de la Cour. Nous pouvons tous tirer profit de la Déclaration de Brighton.

Depuis 60 ans, la Cour européenne des droits de l'homme est la pierre angulaire du système de protection des droits de l'homme. Elle a été une source d’inspiration pour bien des gouvernements et pour d’autres organisations internationales. À cet égard, le Conseil de l’Europe a accompli bien plus en matière de protection des droits de l'homme que toute autre organisation grâce au système de recours individuel ouvert à tout citoyen. Il s’agit encore aujourd’hui d’un système dont nous pouvons nous enorgueillir.

Comme il est dit dans la Déclaration de Brighton, les Etats membres et la Cour partagent la responsabilité de veiller à la viabilité de la Convention. Les Etats sont donc encouragés à faciliter le contrôle des parlements nationaux en matière de respect des arrêts de la Cour. Les mesures recommandées par la Déclaration de Brighton sont nécessaires pour que la Cour puisse se concentrer sur les violations les plus graves et systématiques des droits de l’homme.

Mais les termes de la Déclaration comportent aussi quelques risques. Je pense notamment à l’idée d’introduire d’autres juges, ce qui risquerait de bouleverser l’équilibre actuel. Nous avons également quelques réserves concernant les limites qui seraient posées au droit de soumettre des requêtes individuelles, mais aussi les critères de recevabilité, dont je considère qu’ils sont déjà suffisamment souples pour couvrir l’ensemble des situations. Le problème réside dans le respect strict de ces critères. D’ailleurs, de nouveaux critères en la matière ne permettraient peut-être d’atteindre les objectifs fixés. Les données les plus récentes démontrent que le Protocole 14 n’a pas toujours été pleinement utilisé pour ce qui est des cas irrecevables ou de la répétition.

Nous pensons donc que ces mesures ne doivent pas viser uniquement à dresser des obstacles aux recours individuels. Il faut plutôt encourager les gouvernements à appliquer vraiment la Convention au niveau national, afin que les individus puissent se satisfaire de l’issue des procédures nationales et qu’ils ne se tournent vers la Cour que dans des cas exceptionnels. Les réformes doivent également viser à améliorer l’application des arrêts de la Cour au niveau national. Telle doit être la priorité absolue à l’avenir.

Au cours du processus de réforme, la situation des Etats membres qui ont le plus fort taux de requêtes classées devant la Cour doit également être traitée en priorité. Nous-mêmes, dans cette Assemblée, devons œuvrer en ce sens. En effet, le but doit être non pas de se limiter à une déclaration, mais de réussir à améliorer l’application des arrêts dans tous les Etats membres. Nous espérons donc que, même si les changements paraissent peu importants à court terme, la Déclaration sera le point de départ de toute une série de réformes importantes.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Michel, au nom du Groupe socialiste.

M. MICHEL (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, la Déclaration de Brighton n’a pas donné suite, et il faut s’en réjouir, à la plupart des propositions britanniques, qu’il s’agisse par exemple des critères de recevabilité ou, ce qui est plus symbolique, des sanctions pécuniaires en cas de requête non fondée et de l’obligation de s’assurer des services d’un avocat.

Je m’interroge par ailleurs sur le principe de subsidiarité, qui devrait être réaffirmé dans le préambule révisé de la Constitution. Là aussi on est loin, à mon sens, des ambitions britanniques. Si la Déclaration de Brighton insiste sur la « marge d’appréciation », elle ne fait pas pour autant l’objet d’une « caractérisation précise », pour reprendre les mots du président Bratza. Ainsi, et heureusement, c’est encore la Cour qui évaluera elle-même cette notion et rectifiera ou non l’approche volontariste qu’elle a pu adopter dans certains dossiers.

Comme vous l’avez rappelé vous-même récemment, Monsieur le Président, la Cour n’est pas tant victime de son succès qu’affaiblie par les défaillances au niveau national. C’est donc bien à ce niveau que nous devons nous interroger. La Cour ne peut compenser éternellement la faiblesse de certains systèmes juridiques au sein d’Etats membres et de leur législation en ce qui concerne les droits de l’homme et les libertés.

Si je veux bien admettre la pertinence d’une réforme de la Cour, elle ne doit pas pour autant éluder, au sein de nombreux pays, un débat sur l’efficience du système juridique national. Gardons tout de même en mémoire que dix Etats membres concentrent 80 % des requêtes pendantes. Est-ce le révélateur d’une faille de la Cour ou de ces Etats membres eux-mêmes ?

Soyons clairs, la première des priorités demeure l’amélioration de l’indépendance de la justice dans un certain nombre d’Etats membres, et donc, l’amélioration de la formation des juges, des avocats et des forces de polices – sujet qui fera d’ailleurs l’objet d’un rapport que j’aurais l’honneur de présenter ici au nom de la commission des questions juridiques. Sans cela, le problème de l’engorgement demeurera.

Pour en revenir à la Cour elle-même, la première réforme n’a pas, à mon avis, été abordée lors de la Conférence de Brighton. Il s’agit du processus de sélection des juges. J’insiste bien sur la notion de sélection, et non de désignation. Notre Assemblée s’est dotée, ces dernières années, d’instruments destinés à aider les parlementaires à effectuer leur choix et à le rendre ainsi moins aléatoire. Je m’interroge cependant sur les choix des gouvernements dans les listes qui nous sont proposées. Nous verrons cela au cours des prochaines sessions, mais ces choix ne reflètent pas, me semble-t-il, le choix de la compétence ou de la plus grande objectivité. Il conviendrait sans doute que le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire commencent à réfléchir à un autre système qui pourrait, à n’en pas douter, renforcer l’efficacité de la Cour.

Enfin, Monsieur le Président, j’insiste pour que les instances compétentes du Conseil de l’Europe et, au premier chef, vous-même insistiez auprès de l’Union européenne pour que soient accélérées les négociations de ratification de la Convention européenne des droits de l’homme par l’Union européenne, ce qui accroîtra encore la puissance de la Cour européenne.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Heald, au nom du Groupe démocrate européen.

M. HEALD (Royaume-Uni)* – Le Groupe démocrate européen se félicite de la Déclaration de Brighton, point d’aboutissement d’un processus qui a démarré à Interlaken, et s’est poursuivi à Izmir. Il ne s’agit pas d’une procédure britannique, mais bien d’un processus mis en œuvre par le Conseil de l’Europe.

C’était, il est vrai, un travail indispensable.

Il incombe en effet au Conseil de l’Europe de renforcer les mécanismes de protection des droits de l’homme au bénéfice de 800 millions de personnes. La Cour doit remédier à des situations de violations des droits de l’homme sur un très vaste territoire et faire triompher l’Etat de droit. Comme cela a été dit à Brighton, la Cour a compensé les faiblesses de certains Etats membres. Vous l’avez dit vous-même, me semble-t-il, Monsieur le Président. Toute une série de requêtes sans espoir sont déposées auprès de la Cour ; dans ces conditions, M. Franken a eu raison de féliciter la présidence britannique de son initiative et des mesures préconisées pour évacuer ces affaires sans espoir ou futiles.

Il faut surtout que la Convention soit mieux appliquée au plan national et à cet égard, Mme Lībiņa-Egnere a eu raison de souligner que la plupart des faiblesses résident au niveau des Etats, et non à celui de la Cour. Cela dit, nous sommes favorables à ce que le principe de subsidiarité soit inséré dans le préambule de la Convention. La Cour doit se limiter et n’a pas besoin de s’ingérer dans des traditions bien établies des Etats membres. Là encore, je ne fais que reprendre vos propos, Monsieur le Président. Dans un souci de cohérence, nous voulons que l’évolution de la jurisprudence soit l’apanage de la grande chambre.

La Cour ne devrait pas, selon nous, reconsidérer des affaires qui ont déjà été bien traitées par les tribunaux nationaux, à moins que des arrêts nationaux posent vraiment de graves problèmes d’interprétation. Si elle s’immisce trop dans les affaires nationales, cela ne fait que la décrédibiliser et réduire la confiance du grand public en elle.

Il ne s’agit pas de dire que tout est rose. Certains disent que la Cour s’améliore et, que la Déclaration de Brighton sera sans effet. Ils se trompent. Cette déclaration est un pas dans la bonne direction. Nous l’avons fait, le Conseil de l’Europe et les différents niveaux de l’Organisation l’ont fait. Ce redimensionnement est nécessaire pour les soixante prochaines années. Le Conseil de l’Europe ne peut que s’en enorgueillir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Reps, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe.

Mme REPS (Estonie)* – Au nom de mon groupe, je voudrais dire que nous ne pourrions pas être plus en accord avec les commentaires d’introduction de notre collègue. Nous pouvons accepter quasiment tout ce qui a été dit.

Le débat, qui s’est déroulé assez longuement au sein du groupe, peut se résumer en trois points : nous avons tout d’abord longuement parlé de la question de la subsidiarité, puis, de celle du maintien du droit au recours individuel, et enfin, nous avons parlé de la crédibilité de la Cour et de la qualité des juges.

Concernant le premier point, nous retenons que la subsidiarité doit continuer à exister. Les pays sont différents, et c’est l’obligation de chacun des Etats de respecter tous les engagements acceptés au moment de l’adhésion ainsi que toutes les obligations et les droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme. Mais en même temps, force est de reconnaître que s’il y a des violations répétées des droits de l’homme ou une jurisprudence qui montre des carences dans la législation, la diversité ne peut plus être invoquée. Il faut des mécanismes qui permettent de répondre à ces problèmes au sein des Etats. Autrement dit, il n’y pas de problèmes avec la Cour, il y a en revanche des difficultés sérieuses dans certains pays.

Ensuite, le droit au recours doit être maintenu. Mais s’il faut attendre des années avant de savoir si votre requête sera examinée ou non, et si un délai considéré comme rapide est un délai inférieur à sept ans, on ne peut guère considérer la situation comme satisfaisante. Il faut que la Cour ait la possibilité de choisir les requêtes sur lesquelles elle souhaite se concentrer, ce qui suppose quelques amendements. Il faudra voir aussi quels changements pourraient lui permettre de rationaliser ses méthodes de travail.

Enfin, au bout du compte, la crédibilité de la Cour dépend des juges. Or malheureusement, tous les candidats présentés à l’Assemblée parlementaire ne sont pas du niveau requis. C’est un aspect dont l’Assemblée et les Etats membres doivent se préoccuper parce que cela sape l’ensemble du système. Il est peut-être compréhensible que certains candidats aient plus le soutien des autorités que d’autres, mais nous devons refuser les listes qui ne sont pas acceptables. Il est important que le Comité des Ministres y veille aussi.

Le groupe libéral a également évoqué ce qui se passe au sein de la Cour. Parfois, les arrêts ne sont pas suffisamment clairs ou cohérents. Il faut y remédier afin que l’on garde toute confiance en la jurisprudence de la Cour.

Enfin, nous comprenons tous que si ce grand nombre de requêtes s’est accumulé et, si une nouvelle procédure est proposée, c’est avant tout parce que certains pays n’ont pas tenu les engagements qu’ils avaient pris au moment de leur adhésion à la Convention, c’est parce que des pays n’exécutent pas les arrêts de la leur et ne respectent pas leurs promesses.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Connarty.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Il est très important de séparer la question de l’efficacité de celles de la marge d’appréciation et de la subsidiarité.

La question de l’efficacité ne concerne pas seulement le nombre d’affaires en suspens. Je pense que, par le passé, nous n’avons pas toujours reconnu le degré de gravité de ces affaires, mais il y a des différences de nature entre les affaires qui sont traitées à la Cour.

Pour en venir à la question de la marge d’appréciation, débat qui s’est déroulé au Royaume-Uni, l’idée d’une cour supranationale a été discutée. Il ne s’agit pas de savoir le pouvoir que l’on a, mais la façon de l’utiliser.

Concernant la subsidiarité, il s’agit toujours de la possibilité de sortir du système. Du point de vue du Royaume-Uni, il ne fait aucun doute qu’il faut pleinement appliquer l’ensemble des droits de l’homme contenus dans la Convention, même si certains sujets peuvent poser des problèmes. Cela ne signifie en aucun cas qu’il faut nier la juridiction de la Cour européenne dans quelque pays que ce soit.

Les engagements à l’égard des critères existants manifestés par notre ministre et le traitement des affaires dans les tribunaux nationaux ne remettent pas en cause le fait que les droits des citoyens doivent toujours être défendus jusqu’au bout par les juridictions compétentes.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Sobolev.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Monsieur le Président, la question dont nous discutons est épineuse. Nous savons tous qu’il n’y a pas seulement le problème de la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi et peut-être surtout des problèmes au niveau national dans la législation et l’application des arrêts.

Parlons un peu de l’Ukraine. Nous avons désigné notre juge à la Cour et nous nous retrouvons dans une situation extrêmement compliquée, car chez nous, les juges ne sont pas responsables devant la Constitution ou le système des droits de l’homme mais devant le procureur général et le Président. Ils peuvent être destitués très rapidement, presque d’une minute à l’autre.

La dernière version de notre code de procédure pénale fait du procureur un acteur qui peut contrôler tout le monde, y compris les juges. Nous avons donc un sérieux problème avec notre législation nationale.

L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme concernant Ioulia Timochenko rendu il y a plus d’un mois, au vu de ses graves problèmes de santé qui doivent être soignés non pas en prison mais dans un véritable hôpital, n’a pas eu de suite en Ukraine. Ce n’était pas réaliste. Un médiateur qui est un responsable pour les questions des droits de l’homme à Strasbourg a été désigné. Mais il faut bien voir que depuis des années, seuls 3 % des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont eu une suite en Ukraine. Autrement dit, 97 % des arrêts de la Cour restent sans effet.

Trois agents de la prison où se trouve Mme Timochenko l’ont sortie de sa cellule en pleine nuit et l’ont battue. Un comité international comprenant des professeurs très connus, des médecins allemands, canadiens et même ukrainiens a décidé qu’elle devait être hospitalisée pour recevoir des soins.

Nous sommes donc dans une situation où il n’est pas possible de contrôler la mise en œuvre des arrêts de la Cour en Ukraine. C’est, avec le Bélarus, la dernière dictature sur notre continent. Notre pays a adopté toutes les conventions mais ne les respecte pas…

Je souhaite que l’affaire Timochenko, – contre qui a été utilisée une force brutale, constatée par le médiateur, rapidement démis de ses fonctions après qu’il se fut prononcé sur la situation – nous incite non seulement à réfléchir aux changements à introduire dans la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi à ce qu’il faut absolument faire au niveau national pour que la situation évolue. Sinon des milliers de personnes s’adresseront à la cour suprême de l’Ukraine, après quoi leurs requêtes seront examinées par la Cour européenne des droits de l’homme, qui rendra un arrêt, lequel ne sera pas exécuté.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Loncle.

M. LONCLE (France) – Décidément, la Convention européenne des droits de l’homme et son extension juridique, la Cour européenne, sont mises à rude épreuve.

Il y a quelques mois, dans cette enceinte même, je mettais en garde contre le risque de confusion existant entre la Convention européenne, qui repose sur des fondements légaux solides qu’il serait absurde de remettre en question, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – sans parler de son agence inutile, et coûteuse. En effet, l’expérience a montré qu’il est très difficile d’éviter les contradictions lorsque deux textes distincts sur un même sujet sont interprétés par deux cours différentes, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg et la cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg.

La Convention doit rester le juge ultime. La Charte est, certes, un texte tout à fait indispensable, en raison de sa clarté et de sa précision. Mais elle ne doit pas prévaloir sur la Convention européenne des droits de l’homme.

Or, le Royaume-Uni, qui assume la présidence du Comité des Ministres, vient d’essayer de remettre en cause ce statut. On peut se féliciter que cette tentative ait échoué. Fort heureusement, la Déclaration de Brighton adoptée le 19 avril par les 47 pays du Conseil de l’Europe ne réduit pas radicalement les pouvoirs de la Cour, comme l’espérait Londres. Le Gouvernement britannique a cherché à restreindre l’indépendance de la Cour et à retransférer, presque exclusivement, aux juridictions nationales les violations des droits de l’homme, ce qui aurait virtuellement privé la Cour de Strasbourg de toute finalité.

L’attitude anglaise surprend, car le Royaume-Uni n’a été condamné, en 2011, qu’à huit reprises, soit trois fois moins que la France. Nombre d’Etats, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la Croatie, la Slovénie, le Danemark, se sont investis dans la défense de la Cour et lui ont ainsi épargné un funeste sort.

Pour autant, la Déclaration de Brighton n’est pas un succès, car elle ne règle en aucune manière les problèmes auxquels est confrontée la Cour de Strasbourg. Celle-ci est, en effet, menacée d’asphyxie, à cause de la masse de requêtes. Actuellement, 150 000 dossiers sont en souffrance. Qui plus est, la plupart d’entre eux sont irrecevables. Face à cet afflux, la Cour risque la paralysie. Son fonctionnement, son travail et son efficacité s’en ressentent.

Les trop modestes réformes concoctées à Brighton n’apportent aucune solution, même si la Cour est désormais censée se pencher seulement sur les plus graves atteintes aux droits de l’homme et même si le délai de saisine est ramené à quatre mois. Non seulement sa charge de travail ne sera pas allégée, mais la Cour continue de ne pas disposer des outils nécessaires au plein exercice de ses attributions. Elle n’a toujours pas la possibilité d’appliquer des sanctions réellement dissuasives à l’encontre des Etats qui bafouent les droits de l’homme ou qui ignorent les jugements de la Cour.

C’est là que réside le vrai problème. Les véritables dysfonctionnements de la Cour ne se situent pas à Strasbourg, mais bien plus dans les pays signataires de la Convention qui ne l’appliquant pas convenablement. En ne permettant pas aux plaignants d’obtenir satisfaction sur place, les Etats sont directement responsables de l’engorgement que subit la Cour.

La Déclaration de Brighton a au moins le mérite de clarifier la situation. Ce n’est pas la Convention européenne des droits de l’homme qui pose problème ; c’est sa violation. Ce n’est pas la Cour européenne des droits de l’homme qui pose problème ; c’est le non-respect de ses décisions.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gross.

M. GROSS (Suisse)* – Je fais également partie de ceux qui craignaient le pire. Quand on entend les conservateurs, britanniques, mais pas seulement eux, dire sans y réfléchir vraiment, qu’ils envisagent de quitter la Convention et, pourquoi pas, le Conseil de l’Europe, je pense que beaucoup d’entre nous ignorent comment ce miracle dont parlait Tiny Kox a été rendu possible. M. Marty, pour sa part, parlait toujours de la Cour comme de la perle du Conseil de l’Europe.

Des centaines, des milliers de personnes sont mortes pour nous permettre d’apprendre comment s’y prendre pour protéger les citoyens contre leurs Etats. La Cour européenne des droits de l’homme est effectivement un trésor, une perle, et, après toutes les catastrophes que nous avons vécues, soyons conscients du fait que la possibilité offerte à un justiciable d’attaquer son pays devant une cour internationale parce qu’il ne respecte pas les droits de l’homme représente un acquis considérable, mais un acquis qui risque d’être compromis si nous ne parvenons pas à faire fonctionner cette Cour. Des justiciables attendent aujourd’hui des mois et mois, jusqu’à trente mois, un simple accusé de réception de leur requête. Cela ne va pas !

Je m’étonne donc que cinq pays, dont un membre fondateur de l’Union européenne, puissent tenir le langage qu’ils tiennent.

Rapportez le nombre de requêtes à la population, et vous verrez que certains petits pays arrivent en tête. Peut-être avons-nous plus peur de taper sur les doigts de certains grands pays que de taper sur les doigts de petits pays, mais peut-être pourrions-nous améliorer les choses en rappelant que nos acquis en matière de démocratie, de droits de l’homme et de primauté du droit ne tombent pas du ciel. Ils résultent d’un processus d’apprentissage. Or si les processus d’apprentissage demandent du temps, ils en requièrent peut-être un peu moins que celui que l’on a accordé jusqu’à présent.

Nous pouvons agir chez nous, dans nos Parlements nationaux respectifs. Nous devons aussi agir ici, pour mieux analyser ce qui se passe et savoir plus précisément comment faire mieux dans nos pays.

Monsieur Wildhaber a calculé que les plus de 150 000 requêtes en souffrance comptent 16 000 requêtes urgentes et 17 000 requêtes importantes. Or les capacités de la Cour ne permettaient de traiter, l’an dernier, qu’un tiers des cas considérés comme importants. Il y a donc trois fois plus de requêtes pour des violations graves que de requêtes que l’on peut traiter. Une analyse fine de ce genre pourrait nous aider à mieux organiser notre travail. Il est effectivement de notre devoir d’éviter que les lacunes et les difficultés actuelles conduisent à ce que nos concitoyens ne puissent plus être protégés contre l’arbitraire de leurs Etats.

Il faut vraiment analyser la situation de plus près. Je propose d’en charger la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – La Cour européenne des droits de l’homme est le joyau de la couronne du Conseil de l’Europe. Dans beaucoup de pays, la Cour est le seul organe connu du Conseil de l’Europe. En outre, c’est un instrument très important pour la protection et le maintien des droits de l’homme en Europe.

Je me félicite de la Déclaration de Brighton du Comité des Ministres visant à la rendre plus efficace. La Cour et les Etats membres ont une responsabilité partagée pour protéger droits de l’homme et liberté consacrées par la Convention. C’est cependant une responsabilité qui échoit en premier lieu aux Etats. Les arrêts de la Cour sont subsidiaires. Par conséquent, il est essentiel que les législations des Etats membres respectent la Convention et que celle-ci soit mise en œuvre au niveau national, dans tous nos pays.

J’en viens à deux points de la Convention qui peuvent être révisés.

Je suis tout d’abord favorable à ce que l’on supprime la limite d’âge applicable aux juges. Il est suggéré que les juges ne doivent pas être âgés de plus de soixante-cinq ans lorsqu’ils prennent leurs fonctions à la Cour. Je suis favorable à la suppression de la limite d’âge, car on ne devient pas un juge expérimenté avant d’avoir atteint la soixantaine.

Me préoccupe aussi le fait que l’on envisage de permettre la nomination de juges additionnels à la Cour. Je crois que nous devons en rester au système actuel de recrutement. Vous le savez, une sous-commission examine les candidatures ; ensuite, c’est notre Assemblée qui élit les juges à bulletins secrets. Je crains que nous ne nous retrouvions, si le système de nomination est modifié, avec des juges de premier rang et des juges de deuxième zone. Ce ne serait pas une bonne chose.

Enfin, je souhaite bonne chance à tous ceux qui seront chargés de la mise en œuvre de la Déclaration de Brighton afin que la Cour européenne des droits de l’homme continue de jouer un rôle important pour la protection de nos concitoyens des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Cilevičs.

M. CILEVIČS (Lettonie)* – Je ne répèterai pas les arguments des collègues qui se sont exprimés avant moi.

Il va de soi que la Cour européenne est au cœur des activités du Conseil de l’Europe. Notre tâche commune est d’assurer son fonctionnement efficace. À cet égard, la Déclaration de Brighton est un pas modeste dans la bonne direction.

Je veux évoquer deux sujets qui doivent nous préoccuper, et que la conférence de Brighton, me semble-t-il, n’a pas suffisamment abordés.

S’agissant tout d’abord de l’indépendance des juges, certaines dispositions importantes ont été introduites par le Protocole n° 14, avec une durée de mandat plus longue et la disparition de la menace d’éliminer des juges. Une résolution du Comité des Ministres adoptée en 2009 assure également sécurité sociale et retraite aux juges de la Cour. Cependant, il me semble que les gouvernements disposent encore de moyens de pression par lesquels il pourrait exercer une influence sur les juges. Ces derniers sont souvent relativement jeunes et rares sont ceux qui prendront leur retraite définitive au terme de leur mandat de neuf ans à la Cour. Notre assemblée devrait se pencher sur cette question.

Deuxième question importante : l’organisation des activités du greffe de la Cour. Le b) du paragraphe 20 de la Déclaration de Brighton encourage des détachements supplémentaires. Cela nous préoccupe, car des plaintes graves à l’encontre de tel ou tel Etat pourraient être examinées par des juristes rémunérés par l’Etat en cause, des juristes dont la carrière professionnelle ultérieure pourrait dépendre de l’attitude de celui-ci. Voilà qui pourrait créer un conflit d’intérêts et compromettre l’efficacité de la Cour. Notre assemblée devrait également entreprendre une étude détaillée de cette question, et préconiser un certain nombre de mesures de nature à éviter de telles menaces.

J’insiste sur l’importance de la Cour pour nous tous en Europe. Toute tentative de saper l’efficacité de la Cour affaiblirait la protection des droits des personnes. Nous devons donc y résister vigoureusement.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Herkel

M. HERKEL (Estonie) * – Ce débat sur le fonctionnement et l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme est nécessaire.

Comme Mme Pourbaix-Lundin et M. Cilevičs, je considère que la Cour est un des piliers les plus importants du Conseil de l’Europe parce que les droits de l’homme et les intérêts politiques sont parfois en contradiction – nous le constatons au sein même de cette maison. En revanche, les droits de l’homme et une cour indépendante ne sauraient être en contradiction. Nous discutons souvent au sein de la commission de suivi des lacunes et des défaillances des systèmes judiciaires de différents pays – mauvais fonctionnement, corruption, absence d’indépendance, poids du pouvoir politique sur les décisions des tribunaux. Pour beaucoup, la Cour de Strasbourg, c’est la lumière au bout du tunnel.

Un grand nombre de requêtes proviennent du Caucase du Nord, que nous venons d’évoquer. Soyons réalistes : beaucoup de personnes n’ont pas le courage de s’adresser à la Cour de Strasbourg, sinon, il y aurait bien plus que 150 000 requêtes en souffrance – c’est le chiffre actuel –, compte tenu du mauvais fonctionnement d’un grand nombre de systèmes judiciaires.

Il faut donc permettre à la Cour d’être plus efficace.

La marge d’appréciation et la subsidiarité ne sauraient autoriser une quelconque relativisation des droits de l’homme selon les Etats membres. Ils ne sont pas différents d’un pays à l’autre. Je comprends certaines des hésitations relatives à certains aspects de la Déclaration de Brighton. C’est aux hommes politiques de veiller à ce que la Convention soit modifiée pour que le système puisse fonctionner. Il est très important de suivre le processus en cours. Il se pourrait que d’autres éléments de réforme se révèlent nécessaires. L’indépendance de la Cour ne saurait être sacrifiée. Je le répète : les problèmes se situent souvent au sein des systèmes judiciaires nationaux, qui ne fonctionnement pas bien, et il nous appartient, à nous parlementaires du Conseil de l’Europe, de les évoquer.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rogacki.

M. ROGACKI (Pologne)* – Je souhaiterais intervenir dans ce débat par le biais de l’arrêt que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu à propos du meurtre de 22 000 officiers polonais, commis à Katyń par les Russes, en violation de toutes les conventions.

Ces derniers refusent toujours de se reconnaître responsables de ce massacre et les familles des victimes ignorent toujours où se trouvent les corps de leurs maris, frères ou pères, les Russes refusant leurs requêtes.

Or l’arrêt de la CEDH contient un élément très dangereux puisqu’elle a décidé de juger ce cas sans avoir eu accès à des documents fondamentaux, la Russie continuant de dissimuler la vérité sous le couvert du secret soixante-dix ans après les faits. Cette attitude de la Russie, membre du Conseil de l’Europe, est répréhensible. La Cour européenne, en acceptant de telles pratiques, donne le feu vert à leur reproduction. Tous les pays auront désormais le sentiment qu’ils peuvent cacher la vérité lorsque cela leur convient. Ceux qui croient en l’honnêteté de la CEDH ne pourront plus faire reconnaître leurs droits.

Je le répète : je suis surpris que le Conseil de l’Europe accepte, de la part d’un de ses membres, la Russie, une telle attitude, qui remet en cause la démocratie. Les demandes des familles des officiers polonais assassinés à Katyń ont été une fois de plus repoussées.

Puisqu’on parle de droits de l’homme, je tiens également à évoquer les familles de ceux qui, se rendant à Katyń, sont morts dans l’accident d’avion de Smolensk en avril 2010 : le Président polonais, sa femme et 94 personnes de sa délégation. Or nous ignorons toujours ce qui s’est passé puisque la Russie n’a toujours pas transmis à la Pologne, deux ans après la catastrophe aérienne, les documents la concernant, ainsi que la carcasse de l’avion et les boîtes noires.

Ce cas devrait appeler notre attention et intéresser l’opinion publique internationale ainsi que les activistes des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Pozzo di Borgo.

M. POZZO DI BORGO (France) – La Convention européenne des droits de l’homme a représenté un acte de foi dans l’avenir démocratique du continent européen, alors divisé entre le monde libre et la dictature soviétique. Il fut couronné d’un formidable succès avec la chute du mur de Berlin et l’adhésion des Etats redevenus souverains avec, pour revers de la médaille, une explosion des requêtes en provenance désormais de 47 Etats.

Les réformes successives de la Cour, le Protocole no 14, les conférences d’Interlaken et d’Izmir ont visé à rationaliser le fonctionnement de la Cour et à répondre à la paralysie observée. La France les a toutes souhaitées et soutenues. Notre pays a également pris en compte la jurisprudence de la Cour et a réformé, dans le même temps, les procédures de mise en œuvre de ses arrêts.

Nos amis britanniques posent aujourd’hui la question des rapports entre les Etats et la Cour. Je me réjouis que la conférence de Brighton ait décidé l’inscription formelle, dans le préambule de la Convention, à la fois du principe de subsidiarité, bien que cette notion héritée du droit romain prête elle-même à appréciation – il y a une subsidiarité de confiance et une subsidiarité de défiance –, et de la notion de marge d’appréciation des législations des Etats.

En 1950, les Etats d’Europe de l’Ouest avaient des vues à peu près identiques sur la substance des droits et des libertés. Le repoussoir des dictatures communistes rendait évidente la défense de notre brève Convention dotée d’une dizaine d’articles. Les requêtes des minorités politiques, linguistiques ou religieuses ont conduit, après 1989, à des divergences d’appréciation. Devant ces difficultés nouvelles, le Cour a toujours fait preuve d’une grande sagesse, ménageant à la fois les droits des personnes, la liberté d’autrui ainsi que la nécessité, dans un Etat démocratique, de faire respecter l’ordre public.

Je peux comprendre les réserves britanniques sur la jurisprudence récente de la Cour concernant le droit de vote des prisonniers ou l’incrimination de menées terroristes. Nos Etats sont confrontés aux mêmes problèmes. Il ne s’agit nullement de les minimiser. La France a adopté des réformes en la matière.

La Grande-Bretagne, comme d’autres Etats, connaît la Common Law. Ce système ancestral dans un Etat incontestablement démocratique a suffi, jusqu’à aujourd’hui, à garantir les droits et libertés des citoyens.

Peut-on suggérer à nos amis britanniques d’adapter leur propre règlementation et de s’inspirer dans ce cas précis du droit écrit continental ? La Cour ne serait pas tentée, ainsi, de qualifier les décisions britanniques d’arbitraires. Je conçois qu’il s’agit là d’une véritable révolution culturelle au Royaume-Uni, mais elle me semble indispensable car elle devrait permettre de donner du sens à la notion de marge d’appréciation telle que mise en avant à Brighton. Cela n’exonère pas la Cour d’une réforme ni ne l’empêche de faire preuve d’une forme de délicatesse dans l’énoncé de ses jugements. Il s’agit aussi pour elle de ne pas se laisser instrumentaliser par tous ceux qui voudraient remettre en cause le fonctionnement démocratique de nos Etats. Le juge n’est pas non plus appelé à se substituer aux parlementaires, eux-mêmes élus pour organiser nos sociétés ou les réformer dans le cadre du mandat clair que leur ont confié les électeurs.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – Tous les intervenants ont souligné l’importance de la Cour européenne des droits de l’homme et a rappelé qu’elle était le joyau de la couronne du Conseil de l’Europe. Malheureusement, plusieurs problèmes le ternissent : des Etats membres n’appliquent pas des arrêts de la Cour, la lenteur – certaines personnes seront mortes avant que leur affaire ne soit examinée –, des jugements laisse à désirer. Des juges n’inscrivent pas leur jugement dans le cadre de la mission de la Cour et ont parfois tendance à privilégier la quantité sur la qualité, ce qui facilite la tâche des Etats membres qui souhaitent s’opposer à ses arrêts. Il faut donc réagir.

Je félicite le Premier ministre britannique, qui est venu ici évoquer l’engagement de son pays, ainsi que son gouvernement, convaincus qu’ils sont que l’aspect le plus important de la présidence britannique réside dans le traitement des problèmes rencontrés par la Cour, l’amélioration de la qualité des arrêts ainsi que la rapidité de la procédure. Les quatre points qui ont été évoqués en particulier doivent être traités urgemment. Nous manquerions à notre devoir si nous ne faisions pas en sorte, avec la Cour et le Comité des Ministres, que des changements interviennent dans un délai raisonnable. On ne peut pas attendre : le changement, c’est maintenant. Il ne s’agit pas de réduire la charge de travail de la Cour, mais d’agir afin qu’elle travaille plus efficacement. Comment, avec 150 000 arrêts en suspens, pourrait-elle être crédible ? Nous devons tout faire pour que des réformes soient introduites. C’est à ce prix que nous pourrons à nouveau polir ce joyau de la couronne et qu’il retrouvera tout son éclat.

J’ajoute que notre Assemblée parlementaire devrait recevoir tous les six mois ou annuellement un rapport sur les progrès accomplis et organiser des débats sur le fonctionnement de la Commission. C’est ainsi que nous pourrons tous, à juste titre, être fiers de la Cour européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT – Nous en avons terminé avec la liste des orateurs inscrits.

Monsieur Franken, il vous reste quatre minutes et c’est avec grand plaisir que je vous laisse la parole.

M. FRANKEN (Pays-Bas)* – Je remercie le Bureau de l’Assemblée parlementaire pour m’avoir invité à ouvrir ce débat. Je me félicite du consensus qui règne quant à l’urgence des mesures à prendre. Il ne s’agit pas de nous ingérer dans les compétences de la Cour non plus que de limiter le nombre de requêtes individuelles, mais d’insister sur les problèmes d’organisation de cette institution.

Nous avons fait la liste de ce qui ne convient pas : maintenant, au travail !

LE PRÉSIDENT – Le débat est clos. Mes chers collègues, je vous remercie de votre participation.

3. Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Serhiy Holovaty au nom de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, sur le « Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres » (Doc. 12887).

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Vous avez la parole.

M. HOLOVATY (Ukrainerapporteur de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Monsieur le Président, depuis 2009, il existe un certain nombre de désaccords entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, chaque institution concevant différemment le rôle du Secrétaire Général. De plus, le suivi des recommandations et avis de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres a été jugé insatisfaisant. Depuis lors, de nouveaux développements sont intervenus dans les relations institutionnelles qui ont rendu nécessaire l’examen de plusieurs points, d’où ce rapport.

Je soulignerai tout d’abord la dynamique positive des relations entre les deux organes statutaires, l’amélioration des méthodes de travail ne relevant pas de la seule responsabilité du Comité des Ministres mais, également, de celle de l’Assemblée parlementaire. Le projet de résolution rappelle donc la nécessité d’une plus grande cohérence dans les actions de notre Assemblée. Il faut que l’Assemblée parlementaire examine des sujets importants.

Premier point clé : le suivi des recommandations de l’Assemblée. L’accord de 2009 sur le « Dialogue renforcé entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres », prévoyait que le Comité des Ministres s’efforcerait d’apporter une réponse rapide et approfondie aux recommandations adoptées par l’Assemblée parlementaire.

En 2003 le Comité des Ministres avait décidé qu’une réponse aux recommandations de l’Assemblée devait être en principe rendue dans un délai inférieur à six mois. L’Assemblée devant, elle aussi, faire le ménage chez elle, a décidé de réduire le nombre de recommandations adressées au Comité des Ministres et a rédigé des textes de meilleure qualité.

Elle adoptera des textes qui relèvent de ses compétences et qui intéresseront directement les Européens, continuant à jouer son rôle en alertant le Comité des Ministres sur les nouveaux défis.

Un bon suivi des recommandations de l’Assemblée suppose que le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire engagent un dialogue actif.

Deuxième point clé : le processus de consultation de l’Assemblée par le Comité des Ministres. Ce point comporte trois aspects : la consultation statutaire de l’Assemblée sur les nouveaux instruments juridiques ; la consultation sur les priorités des présidences du Conseil de l'Europe et la consultation sur les questions budgétaires.

La consultation de l’Assemblée sur les nouvelles conventions et les protocoles additionnels se pose régulièrement. Il y a là certainement un moyen de faire quelques progrès sur le plan international.

Les commissions de l’Assemblée se sont parfois montrées critiques, à la fois sur la procédure suivie et sur le contenu des réponses du Comité des Ministres aux propositions de l’Assemblée.

L’accord de 2009 mentionne l’établissement d’un calendrier pour la consultation sur de nouveaux projets de traités du Conseil de l'Europe, en vue de permettre à l’Assemblée de rendre son avis sans précipitation et dans un délai raisonnable.

Nous savons que le Comité des Ministres agit souvent sous la pression du temps. Cependant les avis statutaires de l’Assemblée pourraient avoir davantage de poids si le Comité des Ministres était disposé à impliquer l’Assemblée dans la rédaction des instruments juridiques.

Il serait également très utile qu’un calendrier soit fixé pour donner à l’Assemblée suffisamment de temps pour préparer ses avis et lui permettre de procéder à une nouvelle consultation du comité d’experts intergouvernemental concerné par les propositions contenues dans les avis de l’Assemblée.

Dans son rapport de 2010, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe proposait l’adoption d’un calendrier des travaux préparatoires sur les projets de traités qui donnerait au moins trois mois à l’Assemblée pour procéder aux consultations et permettrait au comité de rédaction de tenir compte de l’avis de l’Assemblée avant l’adoption finale du texte par le Comité des Ministres.

Enfin, il serait utile que l’Assemblée soit informée du suivi donné aux amendements contenus dans ses avis, et il serait bon que l’Assemblée reçoive une réponse écrite du Président du Comité des Ministres sur les actions engagées.

Afin de renforcer la coopération entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres pour la fixation des priorités de l’Organisation dans le cadre de la présidence tournante du Comité des Ministres, l’Assemblée appuie pleinement la proposition faite par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe dans son rapport de 2010. Celui-ci proposait que le gouvernement du pays détenant la présidence consulte la délégation nationale à l’Assemblée parlementaire pour l’associer à l’élaboration des priorités.

Ce dernier point tient à la consultation de l’Assemblée sur les questions budgétaires. La commission du Règlement a été chargée de préparer l’avis de l’Assemblée parlementaire sur les questions budgétaires. Aujourd’hui, nous avons désigné nos rapporteurs généraux sur le budget et les programmes intergouvernementaux. M. Salles, de la délégation française, exprime l’espoir que les relations de travail fructueuses et les échanges d’information avec le groupe des rapporteurs sur le programme du budget et l’administration seront maintenus.

Depuis cette année, le Conseil de l'Europe dispose d’un programme et d’un budget bisannuels. Même si les nouvelles perspectives budgétaires ne seront connues qu’au premier trimestre 2013, la commission du Règlement doit d’ores et déjà s’intéresser aux discussions des délégués des ministres sur le budget qui ont lieu actuellement.

Différentes mesures à l’ordre du jour pourraient, si elles étaient adoptées par le Comité des Ministres, avoir une incidence sur les budgets du Conseil de l'Europe.

En rédigeant ce rapport, j’ai noté que des préoccupations au sujet de la coopération internationale ont été régulièrement exprimées depuis la création du Conseil de l'Europe. Dès 1955, l’Assemblée demandait un meilleur partage d’information et rappelait la nécessité pour les représentants de l’Assemblée de participer régulièrement aux travaux du groupe des rapporteurs du Comité des Ministres.

Il y eut ensuite la recommandation 1212 de 1993 relative à l’adoption d’un statut révisé du Conseil de l'Europe et la recommandation 1763 de 2006 relative à l’équilibre institutionnel au Conseil de l'Europe. Tous ces textes, de même que celui que nous examinons aujourd’hui, ont été rédigés par les commissions s’intéressant au Règlement et visaient des changements dans les procédures et les méthodes de travail.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera quatre minutes pour répondre à la fin de la discussion.

La parole est à M. Agramunt, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Comme il est dit dans cet excellent rapport, les initiatives de l’Assemblée parlementaire sont indispensables pour le Conseil de l'Europe, mais elles ne peuvent être concrétisées sans l’appui du Comité des Ministres. Nous voulons donc renforcer la coopération entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, à la suite des réformes de notre Organisation.

Nous ne pouvons cacher qu’il y a eu des problèmes par le passé ; à l’avenir il pourrait encore y avoir des difficultés de compréhension entre ces deux organes statutaires.

Améliorer les relations entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres doit se faire par le développement d’un contrôle mutuel entre les deux organes, lequel est parfois difficile à réaliser et par un dialogue renforcé.

Le rapport souligne que des mécanismes concrets sont possibles. Le Comité des Ministres peut consulter l’Assemblée parlementaire – il peut mettre en œuvre ses recommandations et résolutions – et l’Assemblée pourrait avoir son mot à dire en matière budgétaire.

Atteindre notre objectif commun suppose une plus grande visibilité externe de l’action du Conseil de l’Europe, donc une coopération entre les deux organes. Donner un élan à une telle relation est précisément ce qui a inspiré la fondation du Conseil de l’Europe en 1949. Certains ont du mal à comprendre que la vie parlementaire puisse se dérouler normalement. C'est pourtant bien l’objectif que doit poursuivre le Conseil de l’Europe. Par conséquent, renforcer la démocratie parlementaire nécessite d’approfondir la collaboration entre les deux organes statutaires de notre Organisation. C’est la raison pour laquelle notre groupe soutient le rapport et félicite son auteur.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. von Sydow, au nom du Groupe socialiste.

M. von SYDOW (Suède)* – M. Holovaty rappelle le conflit qui s’est produit voilà quelques années entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres à l’occasion de l’élection du Secrétaire Général. Cela explique peut-être que le Secrétaire Général ne figure pas au premier plan dans le rapport. Il y a là matière à réflexion, car, à bien des égards, il serait possible pour le Secrétaire général de jouer un rôle actif et de faciliter l’interaction entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des ministres.

Nous sommes une assemblée parlementaire consultative. Quant au Comité des Ministres, composé de dix diplomates, il reflète les vues des 47 capitales. Les ministres se réunissent, discutent officiellement et officieusement mais cet aspect politique des travaux des ministres est parfois trop peu présent dans notre Assemblée.

Notre groupe insiste sur la dimension parlementaire, car nous souhaitons que l’Assemblée joue un rôle d’impulsion de certaines initiatives. Par exemple, cette semaine, nous avons adopté le rapport « Vies perdues en Méditerranée », pointant une lacune très grave en matière de droits de l’homme.

Je comprends fort bien qu’il n’est pas facile quand on est diplomate de recevoir des rapports peu concrets. C’est pourquoi si nos rapports doivent projeter la lumière sur certains problèmes, nous devons aussi comprendre qu'un organe non politique au sens de l’exécutif ne soit pas toujours en mesure de répondre à nos demandes. Le Secrétaire Général, M. Jagland, pourrait sans doute servir d’intermédiaire entre l’Assemblée et le Comité des Ministres pour permettre aux ambassadeurs de transmettre à leurs capitales des instructions plus explicites.

Les éléments de ce rapport peuvent être utilisés, mais n’oublions pas la perspective plus générale : nous sommes des politiques et nous voulons avoir affaire à des hommes politiques. Le Président du Comité des Ministres doit être invité pour nous entendre et répondre à nos questions.

Il convient également de prendre en compte que cette institution des années 1950 est un reflet de l’histoire et que nous devons surmonter l’absence d’un véritable exécutif. C’est au Secrétaire Général de remplir ce rôle.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chope, au nom du Groupe démocrate européen.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – De cet excellent rapport, je voudrais souligner un aspect, à savoir la nécessité d’une coopération entre le Comité des Ministres et notre Assemblée pour exécuter les arrêts. Nous avons réalisé bien des progrès à cet égard. Après une réunion mardi sur les difficultés rencontrées en Italie, la commission des questions juridiques organisait ce matin une deuxième audition au cours de laquelle nous avons évoqué l’Ukraine. Au mois de juin, nous traiterons de la Russie, de la Roumanie et de la Bulgarie.

Un exemple des problèmes que nous rencontrons a été mentionné dans le débat précédent par M. Sobolev, qui indiquait que 97 % des décisions de la Cour sur l’Ukraine n’étaient pas mises en œuvre, ce qui coûte une fortune à notre Organisation comme à la Cour, sans compter que tous les efforts déployés par la Cour pour traiter les problèmes actuels resteront infructueux.

Dans le cas de l’Ukraine, la Cour a adopté à adopté un arrêt pilote en 2009, aux termes duquel l’Ukraine s'est montrée extrêmement réticente à résoudre ses problèmes structurels. La Cour avait fixé des délais, mais l’Ukraine n’en a pas tenu compte. Le 21 février 2012, la Cour a décidé de reprendre l’examen des requêtes provenant de l’Ukraine et d’autres pays. Par voie de conséquence, plus de 1 000 requêtes portaient sur la non-exécution des arrêts de la Cour.

Au mois de mars, le Comité des Ministres s’est penché sur une situation qui créait une menace sérieuse sur l’efficacité du système de la Convention. Il a appelé l’Ukraine à adopter rapidement les mesures nécessaires, notamment la loi qu’elle avait promis de faire adopter. La délégation ukrainienne nous a présenté un document émanant du gouvernement selon lequel tout ce qui devait être fait l’avait été. La loi évoquée n’était plus nécessaire puisque les procédures de mise en œuvre permettaient la bonne exécution des arrêts. Selon le Gouvernement ukrainien, l’ensemble des problèmes en Ukraine sont réglés. Or, rien n'est moins vrai.

J’ai cité cet exemple parce qu’il s’agit d’un cas pilote, pourrait-on dire, que nous pourrions utiliser dans le cadre de notre coopération avec le Comité des Ministres pour envisager la manière d'utiliser notre force de persuasion pour progresser à l’échelon national, ce qui autoriserait des économies substantielles pour la Cour et lui ouvrirait la possibilité de venir à bout de la quantité de requêtes en suspens dont on a parlé. Disposer des moyens pour faire appliquer sur le plan national les arrêts de la Cour est essentiel. Faisons-le sur une base pilote !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Brasseur, au nom de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Ce n’est pas la première fois que nous débattons de ce sujet. Il suffit de se référer à l’excellent rapport de M. Holovaty pour en être persuadé. Le rapport présente l’ensemble des travaux et des débats visant à l’amélioration des relations entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire.

Des moments de tension ont présidé aux relations entre les deux organes du Conseil de l’Europe, ce qui a été mentionné à l’occasion de la nomination du Secrétaire Général.

Je dois dire, en me tournant vers la tribune où sont assis les ambassadeurs – j’en profite d’ailleurs pour remercier ceux qui nous font l’honneur d’être présents aujourd’hui – que l’enthousiasme a tout de même des limites, de leur côté comme du nôtre. Il y a donc vraiment matière à réfléchir.

Nous pouvons certes essayer – nous l’avons déjà fait lors de réunions officielles – de coucher cela dans des textes, mais ce sont les contacts personnels qui sont les plus importants. Depuis quelques années, les rapporteurs sont invités à participer au groupe d’experts du Comité des Ministres. J’en ai d’ailleurs moi-même fait l’expérience s’agissant de deux rapports. Ces contacts informels sont plus personnels et permettent de mieux travailler ensemble. Je vous invite tous, mes chers collègues, à utiliser cette facilité qui nous est offerte. De la même façon, je souhaite dire aux ambassadeurs que l’initiative prise par différentes commissions de les inviter à nos discussions est extrêmement positive. C’est ainsi que nous pourrons renforcer nos contacts, et cela, bien sûr, dans l’intérêt du Conseil de l’Europe et des valeurs que nous défendons ensemble.

Une idée encore à ce propos : si un sujet est traité par le Comité des Ministres lors d’une réunion, pourquoi ne pas inviter le rapporteur compétent de notre Assemblée ainsi que le secrétariat de la commission ?

Mais nous-mêmes, parlementaires, devons travailler davantage sur le suivi. Nous prenons de nombreuses initiatives, mais avons-nous systématiquement le réflexe d’assurer le suivi des décisions prises ? J’en doute – et je m’en prends moi-même à témoin ! Bref, des efforts doivent être faits de part et d’autre. Ce n’est qu’en nous parlant que nous pourrons progresser. A cet égard, le rapport de M. Holovaty, que je soutiens au nom de mon groupe, est important. Je suggère donc que notre collègue soit invité à une prochaine réunion du Comité des Ministres pour échanger et voir comment mettre en pratique les bonnes idées qui ont été présentées par le rapporteur et par la commission.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – Au nom de mon groupe, je félicite M. Holovaty pour son rapport. Il nous a, il est vrai, habitués à nous soumettre d’excellents travaux.

Le Conseil de l’Europe est une organisation unique : le traité fondateur prévoit un volet parlementaire, un Secrétariat Général et la Cour contrôlant le respect de la Convention européenne des droits de l’homme. De plus, cette organisation est paneuropéenne et son système conventionnel couvre diverses questions de coopération. L’Assemblée, pour sa part, possède de véritables pouvoirs, puisque nous élisons le Secrétaire Général, les juges à la Cour et le Commissaire aux droits de l’homme. Les ministres la décrivent d’ailleurs comme le moteur véritable du Conseil de l’Europe.

Le fait que nous rassemblions l’ensemble de l’Europe constitue, selon notre groupe, une occasion d’œuvrer de façon complémentaire par rapport à d’autres organisations comme l’Otan, l’OCDE ou encore l’Union européenne. Cela dit, nous avons quelque chose de plus à offrir, pour le plus grand profit de tous les pays d’Europe. Il nous a d’ailleurs été agréable d’entendre la comparaison favorable qui a été faite au début de la semaine entre notre institution et l’Union européenne. Nous devons saisir cette occasion et, pour ce faire, il nous faut améliorer notre fonctionnement.

Lorsqu’il a été élu, M. Jagland, Secrétaire Général, nous a dit à quel point il était surpris de l’absence de synergie entre les différents organes de notre Organisation. Je regrette qu’il ne soit pas parmi nous cet après-midi, mais je suis sûr qu’il lira avec attention le compte rendu de notre séance. Oui, il faut davantage de synergie entre notre Assemblée, le Comité des Ministres, la Cour et le Secrétaire Général. C’est évident.

Mon groupe approuve toutes les propositions de M. Holovaty. Nous sommes convaincus qu’il faut un meilleur suivi des recommandations par le Comité des Ministres. Pour l’instant, cela prend généralement trop de temps et le résultat manque de substance. Pour tout dire, cela ne sert à rien si le Comité ne nous fournit pas des réponses pertinentes. La participation des rapporteurs de l’Assemblée serait utile, pour l’Assemblée comme pour le Comité. Nous devons aussi poursuivre les relations informelles entre la présidence du Comité des Ministres et la Présidence de notre Assemblée parlementaire. Cette pratique a commencé sous la présidence slovène ; je crois que c’est une bonne chose.

Comme l’a proposé M. Holovaty, il nous faut une formule officielle pour consulter notre Assemblée sur toutes les questions d’ordre juridique. Par ailleurs, il faut davantage d’implication des parlements et des gouvernements nationaux. Si ces propositions sont appliquées, je suis convaincu que nous améliorerons la coopération entre l’Assemblée et le Comité des Ministres.

Je me félicite que l’ambassadeur néerlandais soit parmi nous pour nous écouter. Je suis sûr qu’il transmettra ces idées au Comité des Ministres, qui prendront alors conscience de leur importance.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, nous disposons d’un peu plus de temps que prévu.

Certains des parlementaires présents souhaitent-ils s’exprimer ?...

Ce n’est pas le cas.

Je donne donc de nouveau la parole à M. le rapporteur pour répondre aux orateurs.

M. HOLOVATY (Ukraine), rapporteur* – Je remercie les présidents des groupes politiques ou leurs représentants qui ont approuvé ce rapport et je tiens à dire combien je suis reconnaissant au secrétariat pour le travail qu’il a fourni avec un grand professionnalisme. Le fait qu’aucun amendement n’ait été déposé témoigne de l’excellente qualité du travail non du rapporteur mais du secrétariat. Je tenais donc à le remercier.

Certains intervenants ont regretté que les délégués des Ministres ne soient pas présents à notre débat. C’est une observation que je partage en partie. Ils n’ont pas vraiment besoin, cependant, d’être ici. En janvier, à l’invitation de la représentante permanente des Pays-Bas, nous avons eu un échange de vues avec le groupe des rapporteurs sur ces questions, en présence de Jean-Claude Mignon, rapporteur sur la réforme de l’Assemblée. La majorité des délégués des Ministres étaient alors présents et ils ont clairement indiqué qu’ils étaient favorables aux approches préconisées par l’Assemblée.

Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire sont tous deux responsables du bon fonctionnement du Conseil de l’Europe. Il nous faut donc aussi faire notre autocritique. La question de l’absentéisme a souvent été évoquée, et je me demande où étaient les membres des groupes politiques et des commissions durant le débat.

L’efficacité de la coopération dépendra toujours de la bonne volonté des personnes qui siègent dans les deux organes : Assemblée et Comité des Ministres. Pour bien travailler, il faudra toujours prendre en compte les besoins des différents organes de notre Organisation.

Puisqu’il me reste un peu de temps, j’aborderai un point qui n’a pas été évoqué dans le débat, c’est-à-dire le fonctionnement du Comité mixte. La proposition d’un Comité mixte avait été faite en 1951. Il avait été décidé de modifier la composition du Comité des Ministres et de tenir le nombre de réunions nécessaires pour régler les questions qui se posaient alors, dans les années 50. Le Comité des Ministres s’est réuni bien plus souvent dans ces années-là qu’au cours des années 70. C’est à l’Assemblée parlementaire et au Comité des Ministres de décider si le Comité mixte constitue une bonne plate-forme pour élaborer des positions communes, ou si la composition et les méthodes de travail de ce comité doivent être telles qu’il ne traite que les grandes questions statutaires.

L’organisation et l’architecture du Conseil de l’Europe ont été élaborées en 1949 en fonction d’un modèle de partage de pouvoirs qui reste aujourd’hui le nôtre. D’un côté, l’Assemblée, qui exprime les intérêts et préoccupations des partis politiques, de nos électeurs et des Européens, et, de l’autre, le Comité des Ministres qui dispose des outils nécessaires pour donner un suivi aux préoccupations que nous exprimons. Il faut donc un dialogue véritable entre la branche parlementaire et la branche gouvernementale de notre Organisation pour que les choses fonctionnent bien. Ce partenariat a bien fonctionné. Les conventions du Conseil de l’Europe et les instances telles que la Commission de Venise, proposées à l’origine par l’Assemblée parlementaire, sont des outils précieux qui sont la preuve qu’Assemblée parlementaire et Comité des Ministres ont travaillé en bonne entente.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le président de la commission du Règlement.

M. VAREIKIS, (Lituanie)président de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles – Je n’ai pas grand-chose à ajouter sur le fond. M. Holovaty a indiqué que ce rapport serait adopté sans long débat. Il n’a fait l’objet d’aucun amendement. Il ne nous reste plus qu’à l’adopter et surtout à mettre en œuvre les propositions qu’il contient.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est maintenant close.

La commission du Règlement a présenté un projet de résolution et un projet de recommandation sur lesquels aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc immédiatement procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 12887.

Le projet de résolution est adopté à l’unanimité des 44 votants.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 12887.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 46 votants.

4. Déclarations écrites

LE PRÉSIDENT – Conformément à l’article 53 du Règlement, quatre déclarations écrites ont été déposées :

-n° 512 sur l’exploitation de l’homophobie à des fins politiques par le parti communiste de Moldova (Doc. 12910), actuellement signée par 25 membres de l’Assemblée ;

-n° 517, intitulée « Violation de la liberté de religion dans la partie nord de Chypre » (Doc. 12917), actuellement signée par 26 membres de l’Assemblée ;

-n° 519 intitulée « L’exclusion de l’armée turque imposée aux homosexuels : un traitement dégradant » (Doc. 12918), actuellement signée par 22 membres de l’Assemblée ;

-n° 520 intitulée « Les atteintes des autorités moldaves à l’encontre des médias et de la liberté d’expression en République de Moldova doivent cesser immédiatement » (Doc. 12919), actuellement signée par 20 membres de l’Assemblée.

Les représentants, suppléants et observateurs qui désirent ajouter leur signature au bas de l’une de ces déclarations peuvent le faire au service de la Séance, bureau 1083.

5. Temps de parole

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, compte tenu du nombre d’amendements et d’orateurs prévus pour les débats de demain matin, je vous propose que le temps de parole des orateurs passe de 4 à 3 minutes afin de permettre au plus grand nombre de membres de s’exprimer.

Il n’y a pas d’objection ?…

Il en est ainsi décidé.

6. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à dix heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 18 heures 50.

SOMMAIRE

1.       La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région

Présentation par M. Chope, rapporteur suppléant, du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 12882)

Présentation par Mme Beck du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, saisie pour avis (Doc. 12899)

Orateurs : Mme Reps, MM. Herkel, Schennach, Knyshov, Bockel, Mme Pashayeva, M. Huseynov, Mmes Erkal Kara, Naghdalyan, M. Vareikis, Mme Guţu, MM. Kalmár, Gaudi Nagy

Réponses de M. le rapporteur suppléant et de M. Santini, président de la commission des migrations

Vote sur un projet de résolution amendé

2.       L’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme et la Déclaration de Brighton (débat d’actualité)

Orateurs : MM. Franken, Kox, Mme Lībiņa-Egnere, MM. Michel, Heald, Mme Reps, MM. Connarty, Sobolev, Loncle, Gross, Mme de Pourbaix-Lundin, MM. Cilevičs, Herkel, Rogacki, Pozzo di Borgo, Hancock

3.       Suivi des travaux de l’Assemblée parlementaire par le Comité des Ministres

Présentation par M. Holovaty du rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 12887)

Orateurs : MM. Agramunt, von Sydow, Chope, Mme Brasseur, M. Kox

Réponses de M. le rapporteur et de M. Vareikis, président de la commission du Règlement

Votes sur un projet de résolution et sur un projet de recommandation

4.       Déclarations écrites

5.       Temps de parole

6.       Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Miloš ALIGRUDIĆ*

José Antonio ALONSO*

Karin ANDERSEN

Donald ANDERSON*

Florin Serghei ANGHEL*

Khadija ARIB*

Mörður ÁRNASON*

Francisco ASSIS*

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE/Ludo Sannen

Viorel Riceard BADEA*

Gagik BAGHDASARYAN*

Pelin Gündeş BAKIR

Gerard BARCIA DUEDRA*

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Alexander van der BELLEN

Anna BELOUSOVOVÁ*

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ*

Grzegorz BIERECKI/Marek Borowski

Gülsün BİLGEHAN*

Oksana BILOZIR*

Brian BINLEY*

Roland BLUM*

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET/Yves Pozzo Di Borgo

Olena BONDARENKO*

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO*

Ankie BROEKERS-KNOL

Piet DE BRUYN*

Patrizia BUGNANO*

André BUGNON/ Gerhard Pfister

Natalia BURYKINA*

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU*

Mikael CEDERBRATT*

Otto CHALOUPKA*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE/Aleksandrs Sakovskis

Boriss CILEVIČS

James CLAPPISON*

Ms Deirdre CLUNE*

M. Georges COLOMBIER/André Schneider

Agustín CONDE*

Titus CORLĂŢEAN*

Igor CORMAN

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES*

Cristian DAVID*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO/ Joseph Falzon

Armand De DECKER/Dirk Van Der Maelen

Arcadio DÍAZ TEJERA*

Peter van DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ

Karl DONABAUER*

Daphné DUMERY*

Alexander (The Earl of) DUNDEE*

Josette DURRIEU/Maryvonne Blondin

Baroness Diana ECCLES*

József ÉKES*

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA

Nikolay FEDOROV*

Relu FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Elisabeth Schneider-Schneiter

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO

Paul FLYNN*

Stanislav FOŘT*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON/Jean-Pierre Michel

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC

György FRUNDA*

Giorgi GABASHVILI*

Alena GAJDŮŠKOVÁ*

Sir Roger GALE*

Jean-Charles GARDETTO

Tamás GAUDI NAGY

Valeriu GHILETCHI

Sophia GIANNAKA*

Paolo GIARETTA*

Michael GLOS*

Obrad GOJKOVIĆ*

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Svetlana GORYACHEVA*

Martin GRAF/Martina Schenk

Sylvi GRAHAM*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Adam Rogacki

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN/Hermine Naghdalyan

Håkon HAUGLI*

Norbert HAUPERT

Oliver HEALD

Alfred HEER*

Olha HERASYM'YUK*

Andres HERKEL

Adam HOFMAN

Serhiy HOLOVATY

Jim HOOD/Michael Connarty

Joachim HÖRSTER

Anette HÜBINGER*

Andrej HUNKO*

Susanna HUOVINEN*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV

Stanisław HUSKOWSKI*

Shpëtim IDRIZI*

Željko IVANJI*

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Roman JAKIČ*

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mats JOHANSSON/Jonas Gunnarsson

Birkir Jón JÓNSSON*

Armand JUNG

Antti KAIKKONEN*

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA*

Mariusz KAMIŃSKI

Michail KATRINIS*

Burhan KAYATÜRK

Bogdan KLICH*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Tiny KOX

Marie KRARUP*

Borjana KRIŠTO

Václav KUBATA*

Pavol KUBOVIČ*

Jean-Pierre KUCHEIDA*

Dalia KUODYTĖ/Birutė Vėsaitė

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Henrik Sass LARSEN*

Igor LEBEDEV*

Jean-Paul LECOQ*

Harald LEIBRECHT*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Yuliya LIOVOCHKINA*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE

Jean-Louis LORRAIN

George LOUKAIDES/Stella Kyriakidou

Younal LOUTFI*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI*

Nicole MANZONE-SAQUET/Bernard Marquet

Pietro MARCENARO*

Milica MARKOVIĆ*

Muriel MARLAND-MILITELLO

Meritxell MATEU PI*

Pirkko MATTILA*

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Luc Recordon

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Dragoljub MIĆUNOVIĆ*

Jean-Claude MIGNON/Christine Marin

Dangutė MIKUTIENĖ/Egidijus Vareikis

Akaki MINASHVILI*

Krasimir MINCHEV*

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Patrick MORIAU

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH*

Philippe NACHBAR*

Adrian NĂSTASE*

Mr Gebhard NEGELE*

Pasquale NESSA*

Fritz NEUGEBAUER*

Baroness Emma NICHOLSON*

Elena NIKOLAEVA/Svetlana Zhurova

Tomislav NIKOLIĆ*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Sandra OSBORNE*

Nadia OTTAVIANI

Liliana PALIHOVICI

Vassiliki PAPANDREOU/Elsa Papadimitriou

Eva PARERA

Ganira PASHAYEVA

Peter PELLEGRINI*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG*

Alexander POCHINOK*

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN*

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA*

Lord John PRESCOTT/ Jim Dobbin

Jakob PRESEČNIK*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Valeriy PYSARENKO*

Valentina RADULOVIĆ-ŠĆEPANOVIĆ/Zoran Vukčević

Elżbieta RADZISZEWSKA*

Mailis REPS

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT

lir RUSMALI*

Armen RUSTAMYAN*

Branko RUŽIĆ*

Volodymyr RYBAK/Serhii Kivalov

Rovshan RZAYEV*

Džavid ŠABOVIĆ*

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI*

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER*

Urs SCHWALLER

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Mykola SHERSHUN*

Adalbi SHKHAGOVEV/Alexey Knyshov

Robert SHLEGEL/Anvar Makhmutov

Ladislav SKOPAL*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Roberto SORAVILLA*

Maria STAVROSITU

Arūnė STIRBLYTĖ

Yanaki STOILOV*

Fiorenzo STOLFI

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Giorgi TARGAMADZÉ*

Dragan TODOROVIĆ*

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Petré TSISKARISHVILI*

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV*l

Giuseppe VALENTINO/Renato Farina

Miltiadis VARVITSIOTIS*

Stefaan VERCAMER*

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN*

Tanja VRBAT*

Konstantinos VRETTOS*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Piotr WACH*

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER*

Katrin WERNER*

Renate WOHLWEND*

Karin S. WOLDSETH/Ingjerd Schou

Gisela WURM*

Karl ZELLER*

Kostiantyn ZHEVAHO*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Reinette KLEVER

Observateurs

Ms Rosario GREEN MACÍAS

Hervé Pierre GUILLOT