FR12CR33 |
AS (2012) CR 33 |
Edition provisoire |
SESSION ORDINAIRE DE 2012
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(Quatrième partie)
COMPTE RENDU
de la trente-troisième séance
Mercredi 3 octobre 2012 à 15 h 30
Dans ce compte rendu:
1. Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.
2. Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.
3. Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.
4. Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.
Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.
La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.
LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.
1. Discours de M. Nicolae Timofti, Président de la République de Moldova
LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle tout d’abord le discours de M. Timofti, Président de la République de Moldova.
Monsieur le Président, j’ai de nouveau le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à Strasbourg, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Comme je vous l’ai dit ce matin lors de notre entretien et lors du déjeuner que nous avons partagé avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Jagland, que je salue par la même occasion, vous êtes ici chez vous. Je salue les membres de la délégation qui vous accompagnent, et tout particulièrement sa présidente, qui siège à l’Assemblée, mais aussi votre ambassadrice, qui fait un travail remarquable au sein du Comité des Ministres.
Votre élection, au mois de mars dernier, a mis fin à trois années de blocage institutionnel dans votre pays, période pendant laquelle la République de Moldova a connu trois élections parlementaires et un référendum sur l’amendement de la Constitution.
Désormais, les institutions démocratiques de la République de Moldova fonctionnent normalement et, grâce à votre engagement personnel et à celui du gouvernement de M. Filat en faveur de réformes, la République de Moldova peut enfin avancer sur le chemin de l’intégration européenne. Nous sommes donc aujourd’hui très heureux de vous accueillir parmi nous afin d’examiner ensemble les moyens concrets de soutenir votre pays dans cette voie.
Il existe un autre sujet, Monsieur le Président, sur lequel notre Assemblée est prête à vous épauler. Il s’agit de la résolution du conflit dans la région transnistrienne de votre pays, dit « conflit gelé ». Nous avons salué, avec beaucoup d’espoir et d’enthousiasme, la reprise des négociations dans le format « 5+2 », en décembre de l’année dernière, et nous suivons depuis avec beaucoup d’intérêt le développement des discussions.
J’ai eu l’occasion de rencontrer le Président de votre Parlement, M. Lupu, lors de la Conférence européenne des Présidents de parlement à Strasbourg. Je me suis longuement entretenu avec lui de la situation en Transnistrie.
Actuellement, l’atmosphère semble propice au dialogue et la rencontre qui a eu lieu, le 25 septembre dernier, entre le Premier ministre de la République de Moldova, M. Filat, et le leader de la région transnistrienne, M. Chevchuk, en est une excellente preuve. J’ai rencontré M. Chevchuk à Tiraspol et je suis confiant dans la qualité du dialogue qui existe désormais entre les deux parties du conflit.
Je voudrais vous assurer, Monsieur le Président, que tout en soutenant les négociations au sein du format « 5+2 », notre Assemblée est également prête à jouer un rôle actif dans la recherche de la solution au conflit transnistrien, par exemple, en aidant à rétablir la confiance et le dialogue entre les élus des deux rives du Dniestr. Je me suis personnellement engagé à promouvoir ce processus et j’espère que dans les mois à venir nous pourrons avancer dans ce dossier.
Monsieur le Président, je tiens également à vous renouveler mes remerciements pour la qualité de l’accueil que vous m’avez réservé lorsque je suis allé à Chisinau quelques semaines après votre élection. Mes remerciements s’adressent aussi à l’ensemble des autorités de la République de Moldova qui ont facilité les rencontres et les dialogues auxquels j’ai participé. J’ai été particulièrement ému de rencontrer les parents du jeune homme qui, au début du mois de janvier, a trouvé la mort dans les conditions que vous savez.
Nous sommes tous convaincus au sein de cette Assemblée que tout doit être fait pour débloquer cette situation. Il n’y a pas de situations insolubles, il n’y a que des solutions. Le bon sens, la volonté, le sens des responsabilités et le sens politique des uns et des autres devraient nous permettre de débloquer cette situation. C’est un problème qui vous est cher, Monsieur le Président.
Je vous ai dit ce matin que tous les échos reçus à la suite de votre élection sont favorables. Vous passez pour un homme particulièrement sage, ce que vous êtes, - c’est peut-être ce qu’il fallait à la Moldavie -. Je suis intimement convaincu qu’avec l’aide de vos voisins, nous allons pouvoir continuer à faire avancer la Moldavie dans la voie de la démocratie et vous aider à faire respecter les droits de l’homme, afin que tous les standards que vous avez acceptés en intégrant le Conseil de l’Europe puissent devenir réalité le plus rapidement possible.
Monsieur le Président, nous avons toute confiance en vous pour avancer dans cette voie, et c’est avec beaucoup de plaisir que vous cède la parole. Nous allons écouter avec le plus grand intérêt ce que vous avez à déclarer à l’Assemblée parlementaire puis, selon la coutume, des questions vous seront posées auxquelles vous serez invité à répondre.
M. TIMOFTI, Président de la République de Moldova* - Monsieur le Président, monsieur le Secrétaire Général, madame la Secrétaire Générale adjointe, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, c’est un honneur pour moi d’être parmi vous pour prendre la parole au nom du peuple de la République de Moldova. Nous sommes un petit pays aux ressources naturelles limitées, mais notre peuple est déterminé à construire une société prospère, moderne et démocratique.
Les évènements d’avril 2009 ont mis à l’épreuve les capacités nationales et les aspirations européennes de nos citoyens. Aujourd’hui, après trois années de gouvernance démocratique, je suis fermement convaincu que la voie européenne choisie par le peuple de la République de Moldova est irréversible.
C’est pourquoi je souhaite vous exprimer ma sincère gratitude, chers parlementaires, ainsi qu’au Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au Secrétaire Général et à la Commission de Venise pour avoir suivi les évolutions de la République de Moldova. Je vous remercie tout particulièrement pour votre implication et votre contribution personnelle à la résolution de la crise constitutionnelle de mon pays.
La coalition gouvernementale de la République de Moldova, intitulée l’Alliance pour l’intégration européenne, promeut des réformes visant à renforcer l’Etat de droit. Aujourd’hui, après une courte période, les changements dans notre pays sont devenus visibles. Nous nous concentrons sur la réforme du système judiciaire, nous encourageons les entreprises et nous luttons contre la corruption. Ces actions relèvent d’un cadre plus vaste qui requiert des efforts considérables, et parfois des sacrifices, mais nous sommes déterminés à faire aboutir ces réformes importantes pour le bien-être de la République de Moldova.
Les évolutions démocratiques dans mon pays sont rendues possibles par l’appartenance de la République de Moldova au Conseil de l’Europe. Les normes et les exigences de l’Organisation nous ont aidés à mettre en place des réformes institutionnelles modernes. Nous souhaitons également que la République de Moldova devienne membre à part entière de l’Union européenne. Ainsi nos citoyens bénéficieront de conditions de vie meilleures, ce qui renforcera la sécurité au niveau régional et international et jettera les bases de la confiance et de la prospérité.
Mesdames et Messieurs, lors de l’adhésion de mon pays au Conseil de l’Europe, il y a
17 ans, la République de Moldova s’est engagée à respecter un certain nombre d’obligations au regard du renforcement de la démocratie et de la prééminence du droit, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Afin d’assurer la transformation démocratique de la société, nous avons adopté des mesures concrètes et créé un vaste cadre législatif permettant de mettre en œuvre les mécanismes appropriés pour l’application des réformes.
Après avoir identifié les lacunes du système judiciaire, il nous a semblé nécessaire d’adopter une stratégie de réforme du secteur de la justice pour la période 2011-2016, afin d’assurer la viabilité et l’intégrité de ce secteur par le biais d’actions concrètes.
L’objectif global de cette réforme est que la justice devienne accessible, efficace, indépendante, transparente, professionnelle et responsable à l’égard de ses citoyens. Elle doit également satisfaire aux normes européennes, garantir l’Etat de droit et restaurer la confiance de la société dans l’appareil judiciaire.
Depuis le début de l’année, les premières lois mettant en place ces réformes ont été adoptées, y compris des mesures de lutte contre la corruption. Des procédures claires pour la sélection des juges et l’évaluation de leur performance ont été envisagées. La législation a été amendée pour pouvoir lever l’immunité des juges du fait d’actes de corruption et pour rendre l’activité des tribunaux et du Conseil supérieur de la magistrature plus transparente.
Nous œuvrons aussi à la réforme du ministère public et des autres structures chargées des enquêtes pénales, ce qui inclut le ministère de l’intérieur et la police.
Le projet de budget pour 2013 qui a été approuvé par le gouvernement la semaine dernière alloue 55 % de fonds supplémentaires à la justice. Ce sera le plus important budget pour le système judiciaire de toute l’histoire de la République de Moldova.
Sur la question des droits de l’homme, un dialogue structuré a été lancé en 2010 entre la République de Moldova et l’Union européenne. Des experts moldaves et des représentants des principaux acteurs internationaux tels que la Commission européenne, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et les Nations Unies ont apporté une contribution précieuse au développement de ce dialogue. Le soutien offert par le Conseil de l’Europe afin d’améliorer la situation des droits de l’homme a été extrêmement précieux, notamment grâce au processus engagé sur la base des priorités politiques du partenariat oriental. Celui-ci offre une valeur ajoutée et renforce les synergies entre les deux organisations, y compris la pérennité des valeurs européennes.
Nous pensons que les programmes conjoints des deux organisations européennes ne peuvent que renforcer les transformations démocratiques. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont adopté un programme conjoint de soutien à la démocratie pour la République de Moldova, en avril 2009. Les progrès ont été rendus possibles depuis l’établissement, avec le soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, d’un conseil de la presse et l’élaboration d’un code de déontologie pour les journalistes.
Par la même occasion, des lois relatives à la liberté d’expression concernant la dénationalisation des publications périodiques publiques, ont été adoptées en se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elles sont une avancée importante pour les médias nationaux. Visant à obliger les autorités publiques à dénationaliser les journaux financés par les fonds publics, elles encouragent une concurrence équitable au sein de la presse écrite. Au cours des trois dernières années, la liberté d’expression a été un des premiers acquis des citoyens de la République de Moldova.
Notre gouvernement a placé les droits de l’homme au cœur de ses priorités. Nous estimons que les citoyens et leur prospérité sont une priorité. Nous avons bien sûr suivi de très près les événements en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Plus récemment nous avons constaté des actes d’intolérance, d’incitation à la violence, d’homophobie et d’islamophobie. Cela confirme une fois de plus l’importance de maintenir les droits de l’homme comme une de nos toutes premières priorités.
Le Conseil de l’Europe est une organisation très importante qui dispose des outils et des capacités pour agir en ce sens. Nous suivrons de près le premier Forum mondial pour la démocratie qui s’ouvrira dans quelques jours à votre initiative. Il mettra l’accent sur l’importance du dialogue, de la négociation et des compromis à trouver aux niveaux européen et mondial.
Pour le Conseil de l’Europe et ses membres, y compris la République de Moldova, une institution occupe le premier plan pour la défense de la justice et de l’équité : la Cour européenne des droits de l’homme. Des plaintes ont été déposées auprès d’elle par des citoyens moldaves. Elles ont contraint l’Etat à revenir à ses responsabilités premières afin de garantir le respect de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans ce contexte, je souligne que nous soutenons la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que les recommandations des conférences d’Interlaken, d’Izmir et de Brighton. Nous comprenons que la qualité de cette réforme dépend entre autres de l’activité du Conseil de l’Europe et de la volonté de chaque Etat membre d’assurer une protection effective des droits de l’homme au niveau national. Je pense à l’adoption de la loi concernant les normes internationales et européennes mais aussi à leur mise en œuvre et à leur respect.
C’est le cas de la République de Moldova. Je puis vous confirmer, au nom de la classe politique tout entière et des dirigeants, que nous avons cette volonté politique de respecter et d’appliquer les normes pour les droits de l’homme.
Le conflit transnistrien sape notre sécurité nationale, mine notre intégrité territoriale, entrave le développement économique et divise la société. Notre politique vise à promouvoir le dialogue et la confiance entre les deux rives de la rivière Nistru afin de réintégrer la Transnistrie dans la République de Moldova pour qu’elle retrouve son intégrité territoriale dans le cadre d’une perspective européenne claire.
La région de Transnistrie devrait bénéficier d’un statut spécial au sein de la République de Moldova afin d’offrir à la région un niveau confortable d’autogestion. Définir un statut spécial est une des tâches fondamentales des négociations politiques dans le format (5+2) qui devrait permettre de dégager un compromis acceptable en matière de souveraineté et d’intégrité territoriale de la République de Moldova. Le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer par le biais des mesures de confiance pour les deux rives du Nistru. Nous sommes très reconnaissants aux Etats membres du Conseil de l’Europe du soutien accordé. Nous estimons qu’il est fondamental de transformer le mécanisme de maintien de paix militaire en mission civile internationale pour rétablir la confiance, plutôt que de séparer les deux partis. Nous souhaitons que l’OSCE, la Fédération de Russie, l’Ukraine, l’Union européenne, les Etats-Unis combinent leurs efforts afin de trouver une solution définitive au conflit transnistrien pour sa réintégration dans la République de Moldova.
Les forces russes sont présentes sur le territoire de la République de Moldova sans le consentement de la nation hôte. À ce sujet, nous nous félicitons de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adoptée hier avec le rapport relatif au respect des obligations et des engagements de la Fédération de Russie, laquelle affirme la nécessité du retrait des troupes et des munitions russes du territoire de la République de Moldova.
Mesdames, Messieurs, nous avançons sur la voie de l’intégration européenne et nous poursuivons les négociations sur l’accord d’association. Nous avons lancé cette année des négociations visant à créer une zone de libre-échange approfondie et globale. Nous souhaitons respecter le calendrier arrêté et atteindre l’objectif ambitieux défini, à savoir mener à terme les négociations pour le prochain sommet du Partenariat oriental qui se tiendra l’année prochaine.
Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la libéralisation des visas. Nous sommes reconnaissants pour les résultats obtenus dans le cadre du partenariat pour la mobilité entre la République de Moldova et l’Union européenne. Nous invitons tous les Etats membres à rejoindre ce partenariat pour renforcer la coopération dans le domaine de la migration.
Nous sommes tout à fait conscients que nous aurons de meilleures perspectives au niveau européen si la République de Moldova remplit avec succès ses engagements pris lors de son adhésion au Conseil de l’Europe. La priorité de notre pays, en coopération avec vous, est toujours de finaliser le suivi pour arriver à un dialogue de post-suivi. Sur la base de cet objectif et afin de suivre de près la mise en œuvre de chacune de nos obligations, le Parlement de la République de Moldova a adopté le 13 juillet 2012, un plan d’actions sur le respect des engagements pris à l’égard du Conseil de l’Europe.
Ce document est d’abord un message adressé au Conseil de l’Europe : nous respecterons nos engagements et nous mènerons des réformes systémiques en dépit des conséquences de la crise financière mondiale. Cet exercice fournit une plate-forme d’action dans laquelle chaque institution joue son rôle.
Nous comptons également sur le soutien de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à l’avenir, pour nous aider à mener à bien les réformes. Le moment est venu de passer à l’étape du post-suivi. Il s’agit pour nous d’un objectif naturel. La République de Moldova a un véritable potentiel ; elle mérite une approche différenciée, car ses citoyens doivent être assurés d’avoir un avenir et de trouver leur place dans l’espace des valeurs démocratiques européennes.
Personnellement, j’attends avec impatience la visite des corapporteurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en République de Moldova, car je suis convaincu qu’ils se rendront compte sur place des progrès accomplis et du fait que nous respectons nos engagements, comme l’Assemblée l’a d’ailleurs reconnu dans sa Résolution 1895 (2012).
Enfin, je félicite l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et ses parlementaires de leur travail, très apprécié des Etats membres, et je les remercie de promouvoir les valeurs fondamentales de notre Organisation. Nous devons poursuivre la réforme de l’Assemblée parlementaire afin de rendre celle-ci plus efficace et plus visible. Nous devons conjuguer nos efforts pour offrir aux citoyens de nos pays un avenir meilleur.
LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur le Président, pour votre discours très intéressant.
Nous en venons aux questions des parlementaires.
La parole est à M. Vareikis, au nom du Groupe du Parti populaire européen.
M. VAREIKIS (Lituanie)* – Monsieur le Président, j’ai été rapporteur chargé de votre pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur le plan d’action qui doit permettre de passer à la procédure de post-suivi ? Quel en serait le calendrier et quels sont les principaux problèmes à résoudre avant de passer au post-suivi ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Nous avons bien entendu conscience de nos obligations. Nous avons un plan d’action, mais nous déplorons quelques retards, s’agissant notamment de la réforme du parquet. Toutefois, je suis confiant : le temps dont nous disposons sera suffisant pour résoudre les problèmes en souffrance. Réformer le parquet est chose délicate, car cet organe étatique, doté d’une tradition bien établie, appartient, si j’ose dire, à l’ancien régime. Nous sommes en train de trouver des solutions. Il s’agit en fait d’adopter un nouveau train de mesures législatives qui permettra de définir de nouvelles valeurs applicables au parquet. Cet organe étatique participera activement à la sélection et à la promotion des procureurs. Une proposition a été formulée pour désigner le procureur en chef et c’est le conseil des procureurs qui fera des suggestions pour pourvoir les autres postes.
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Durrieu, au nom du Groupe socialiste.
Mme DURRIEU (France) – Monsieur le Président, j’ai été moi aussi bien longtemps rapporteure pour la République de Moldova, petit pays courageux privé de la Transnistrie, totalement dépendant de la Russie pour les ressources énergétiques et pour tous les échanges, confronté depuis trois ans à un problème institutionnel qui aurait pu provoquer une crise profonde dont l’évitement montre combien vous avez assimilé la démarche démocratique : cela vous honore. Mon ancienneté dans cette Assemblée m’autorise à dire que vous êtes peut-être, en effet, à la porte du post-suivi. Vous mériteriez en tout cas que l’on reconnaisse ainsi ce que votre pays est devenu.
Deux questions seulement : qu’attendez-vous de la Russie ? Qu’espérez-vous de l’Europe ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Madame Durrieu, je n’ai pas oublié que nous avons travaillé ensemble dans les années 1990 sur les réformes en République de Moldova, en particulier celle du système judiciaire.
Qu’attendons-nous de la Fédération de Russie ? Les bonnes relations que nous entretenons actuellement avec elle pourraient être encore améliorées. Dès mon élection, j’ai organisé des réunions avec les dirigeants russes et j’ai toujours indiqué que nous étions ouverts à des pourparlers de paix et à des discussions bilatérales en vue de trouver une solution au litige en cours. La Fédération de Russie est pour nous un partenaire économique très important. En outre, de nombreux citoyens russes résident sur notre territoire. Nous en tenons compte. Mais nous n’avons de cesse de demander à la Fédération de Russie l’ouverture de pourparlers de paix afin de résoudre le problème de la Transnistrie. La Fédération de Russie a une influence prédominante et les forces militaires russes qui stationnent sur le territoire de la République de Moldova sans y être autorisées par un accord bilatéral devraient se retirer conformément aux normes et aux valeurs internationales. Nous espérons que cela nous apportera la paix.
Nous continuerons donc à entretenir et à développer de bonnes relations avec les pays de l’Union européenne comme avec la Fédération de Russie.
Quant à nos attentes pour l’Europe, nous comptons sur un soutien accru de celle-ci pour que les programmes en cours et les plans visant à notre intégration et notre adhésion à l’Union européenne puissent avancer. Nous déployons des efforts en ce sens et je suis fier de pouvoir dire que, ces derniers temps, nous avons réussi à instaurer une certaine stabilité malgré la crise prévalant en Europe. Nous avons réussi à surmonter ce moment difficile. Nous espérons vivement que nous continuerons à connaître des temps de paix et de prospérité et que grâce au soutien de l’Union européenne, il nous sera possible de promulguer des lois qui garantiront les droits de l’homme et nous permettront de parachever les réformes à tous les niveaux.
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Guţu, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
Mme GUŢU (République de Moldova)* – Au vu des récents événements, ma question porte sur la résolution du conflit transnistrien. À moyen terme, des droits de douane seront imposés aux marchandises passant de la rive gauche à la rive droite du fleuve et nous avons vu que le drapeau russe a été adopté comme drapeau de la région transnistrienne. Qu’en pensez-vous ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Récemment le gouvernement et le Premier ministre, M. Filat, que je soutiens, ont adopté des mesures visant à améliorer la situation des citoyens qui vivent de part et d’autre de ce fleuve. L’administration de la rive gauche a, malheureusement, adopté des mesures telles que celle que vous citiez, qui sont, à mon grand regret, déjà entrées en vigueur.
Lorsque cette décision fut adoptée, je me trouvais à Washington et je n’ai pas pu en discuter avec les personnes sur place, mais je sais que le Premier ministre, M. Filat, a l’intention d’adopter un train de mesures afin de faire progresser les négociations pour résoudre cette délicate question. La tendance actuelle est au dialogue, car cela servirait les intérêts des habitants des deux côtés du fleuve, et donc de tout le pays.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kalashnikov, au nom du groupe pour la Gauche unitaire européenne.
M. Leonid KALASHNIKOV (Fédération de Russie)* – Monsieur le Président, il y a trois jours, une nouvelle loi est entrée en vigueur dans votre pays, visant à éliminer tout symbole associé au parti communiste. Cette loi que vous avez signée va donc entrer en application. Elle ne me paraît pas démocratique. Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous vraiment qu’elle soit de nature à améliorer la confiance de part et d’autre du fleuve Dniestr ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Il est vrai que je pourrais aussi répondre en russe, mais je préfère m’en tenir à ma langue maternelle.
Lorsque l’on m’a demandé de signer cette loi, je me suis interrogé sur la distinction entre les symboles du fascisme et ceux du communisme. Or sous ces emblèmes, qu’il s’agisse du svastika ou du marteau et de la faucille, des millions de personnes ont perdu la vie. Quelle est la différence entre ces millions de morts ? J’ai alors estimé que cette loi était juste et même nécessaire.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Badea.
M. BADEA (Roumanie)* – Quelles mesures sont prises à Chisinau pour protéger les écoles de l’autre côté du fleuve, dans lesquelles l’enseignement se fait en langue roumaine ? Et que devrait faire, selon vous, le Conseil de l’Europe pour soutenir d’avantage votre pays ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Rares sont les écoles à être protégées par les organes étatiques de la République de Moldova. Plusieurs écoles secondaires sont aidées sur le plan logistique et financier par notre pays, mais les autres relèvent de la tutelle de l’administration du côté gauche du fleuve. Je regrette cet état de choses mais, effectivement, la population de langue roumaine, qui est notre langue maternelle, n’est pas aidée comme nous le souhaiterions. Dans ces écoles l’enseignement n’est pas dispensé en roumain mais en russe, à l’exception de sept écoles secondaires où nous sommes présents. Nous sommes réellement désolés de ne pas être en mesure de « contrôler », si je puis dire, davantage d’écoles.
Mais ce n’est pas qu’une question d’école. En fait, on nous refuse l’accès à nombre d’autres institutions qui, elles, sont en charge des droits de citoyens. Nous savons que des infractions sont commises. Les droits de l’homme sont violés de l’autre côté du fleuve, mais c’est ainsi. Comme je vous le disais à l’instant, nous sommes en négociation. Nous nous efforçons d’être convaincants et j’espère voir un jour ces problèmes trouver leur résolution.
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Christoffersen.
Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Monsieur le Président, je vous remercie de votre discours très intéressant. Ma question est la suivante : comment les dirigeants de la Moldova se proposent-ils de lutter contre le harcèlement, la violence, les discours de haine à l’encontre des personnes LGBT ? Comment entendent-ils instaurer le climat de tolérance nécessaire pour accorder aux LGBT la protection de la loi, conformément à vos engagements vis-à-vis des droits de l’homme universels et en votre qualité de membre de notre organisation des droits de l’homme ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Nous regrettons tout acte de violence allant à l’encontre des droits des citoyens et des droits de l’homme en République de Moldova. Lorsque nous adoptons de nouvelles lois, nous envisageons avant tout la question des droits de l’homme, y compris pour ce qui est des minorités nationales ou des minorités sexuelles. Pour répondre spécifiquement à votre question, toutes les lois les plus récentes que nous avons adoptées l’ont été en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme et avec les valeurs et normes européennes.
Lorsqu’une loi est considérée par un parti comme étant anticonstitutionnelle ou comme constituant une violation des normes et valeurs universelles auxquelles nous souscrivons, il lui est tout à fait possible de la contester dans le cadre du droit international. Je sais que certains textes de loi, auxquels certains groupes ne souscrivaient pas, ont été portés devant la Cour européenne des droits de l’homme. Nous attendons maintenant l’arrêt qui sera rendu.
LE PRÉSIDENT – Mme Quintanilla, inscrite dans le débat, étant absente de l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Gaudi Nagy.
M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Monsieur le Président, votre pays offre l’exemple d’une réussite en matière d’autonomie, avec le statut dont bénéficie la Gagaouzie. La manière dont vous avez géré la coexistence de plusieurs nations dans un même pays – avec des négociations et deux référendums ayant évité un conflit sanglant – pourrait d’ailleurs servir d’exemple à tous les pays membres. L’autonomie de la Gagaouzie est garantie par la constitution moldove et régie par une loi d’autonomie assurant un large ensemble de droits collectifs pour des dizaines de milliers de personnes. Quels sont les éléments clés de ce modèle d’autonomie ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Je vous répondrai par mon exemple personnel : je suis né dans un village moldove, ai vécu dans un village où coexistaient des minorités ukrainienne et russe et n’ai jamais eu connaissance de conflits entre les communautés. Même à l’échelle de notre pays, je n’ai jamais connu de réels conflits. Depuis notre indépendance, on a beaucoup parlé, à cet égard, de choses qui sont en réalité des constructions artificielles. Certains hommes politiques ont des obsessions en la matière et ne prêchent que pour leur chapelle.
Le conflit de Transnistrie, par exemple, ne repose sur aucun fondement ethnique. Il participe de motifs politiques. En Gagaouzie, il y a en effet une population particulière vivant sur un territoire particulier. Ces gens doivent pouvoir s’épanouir et se familiariser avec leur histoire, leur langue et leur culture. Nous mettons à leur disposition des fonds pris sur le budget national. Malheureusement, la population de Gagaouzie ne l’utilise pas pour développer l’enseignement dans sa langue. En fait, l’étude de la langue gagaouze n’est pas très répandue ; les habitants préfèrent le russe à leur propre langue. C’est aussi leur droit, et nous le leur garantissons !
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Petrenco.
M. PETRENCO (République de Moldova)* – Monsieur Timofti, vous savez que l’opposition moldove ne reconnaît pas votre légitimité en tant que président, compte tenu des nombreuses violations de la Constitution qui sont intervenues lors de votre élection.
Vous êtes vous êtes rendu à Bruxelles, à New York, à Strasbourg et à Bucarest, mais quand irez-vous dans les villes moldoves ? Quand le régime au pouvoir ira-t-il à la rencontre des citoyens, qui souhaiteraient organiser un référendum pour que la République de Moldova entre dans l’Union, avec, à sa suite, le Kazakhstan, la Russie et l’Ukraine ? Pourquoi ne permettez-vous pas à ces citoyens de décider de leur sort ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Monsieur Petrenco, si vous ne me reconnaissez pas en tant que Président, dois-je donc vous répondre en tant que simple citoyen moldove ?
En tant que Président comme en qualité de citoyen, je vous dirai que je ne vois pas pourquoi vous adoptez une telle position. Prétendez-vous nier l’élection présidentielle, qui s’est tenue dans un cadre constitutionnel ? Le monde entier me reconnaît en tant que président, mais pas vous, et cela parce que vous avez des arrière-pensées politiques. Votre attitude ne peut que nuire aux citoyens de la République de Moldova. Vous défendez d’autres intérêts que les leurs.
Je me suis rendu, non seulement à Bucarest et à Bruxelles, mais aussi à Moscou. Je suis également allé à Kiev, et je continuerai d’agir ainsi. Par ailleurs, je me suis rendu dans bien des villes de Moldova, mais vous deviez sans doute être occupé à autre chose !
Quoi qu’il en soit, je vous invite à la paix et à la compréhension. N’essayez pas d’instiller la désobéissance vis-à-vis des autorités de l’Etat. Cela ne donne pas une bonne image de nous, surtout dans une enceinte internationale. Vous savez comme moi que nous avons une feuille de route pour l’adhésion à l’Union européenne.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kayatürk.
M. KAYATÜRK (Turquie)* – Monsieur le Président, nous sommes attentifs au processus de réforme politique et économique de la République de Moldova et nous savons que les institutions européennes seront sans aucun doute prêtes à aider ce pays à prospérer. Vous avez adopté une politique de rapprochement avec l’Occident. Comment évaluez-vous l’avancement des réformes engagées, qui correspondent à l’aspiration européenne de votre pays ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – J’ai eu la possibilité de me rendre à Istanbul, où j’ai rencontré M. Gül, le président turc. Nous avons discuté de bon nombre de questions bilatérales et j’ai aussi reçu de sa part des paroles d’encouragement à l’adresse de mon pays, qui s’engage dans la voie de la réforme. Nous avons toujours considéré les réformes à l’aune des normes européennes, afin d’être crédibles au regard des autres pays et en vue d’être pleinement acceptés comme membre de l’Union européenne mais aussi, plus largement, de l’Europe.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mogens Jensen.
M. Mogens JENSEN (Danemark)* – Malheureusement, de nombreux discours homophobes ont été tenus au sein du parlement de votre pays. On exclut toute information sur les minorités sociales. Ce sont là des violations patentes de la CEDH. Allez-vous, Monsieur le Président, soutenir des mesures visant à lutter contre les discriminations, particulièrement en ce qui concerne les homosexuels ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA* – Je respecte les avis des gens. J’ai été magistrat pendant 36 ans. Eh bien, j’ai toujours respecté les avis des différentes parties, comme ceux de toutes les personnes avec lesquelles j’ai eu l’occasion de dialoguer.
Des avis différents s’expriment dans notre Parlement, preuve que nous sommes un Etat démocratique et que les gens s’expriment librement. Cela dit, il arrive que des discours restent lettre morte ; c’est pourquoi des paroles il faut maintenant passer aux actes.
La question des minorités sexuelles est un problème pour la nation et pour le parlement. Aussi avons-nous adopté une loi assurant la paix entre toutes les parties concernées. Et nous agirons de même dans des cas de figure semblables.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Schennach.
M. SCHENNACH (Autriche)* – J’aime votre pays que je connais bien. À quand un système de soins médicaux accessible à tous, car les hôpitaux sont actuellement réservés aux nantis ? Payer 2 000 euros pour se faire greffer un rein représente un salaire de dix ans pour un agriculteur. C’est terrible et cela se produit chaque jour.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA – Il est arrivé que des personnes aient été tenues responsables d’actions aussi horribles, mais je puis vous assurer que des sanctions très dures ont été prises. Nous avons toujours fait preuve de cohérence pour éliminer de telles situations sur le territoire de la République de Moldova.
Malheureusement, la situation économique du pays ne nous permet pas de disposer d’un système de soins médicaux à l’image de celui dont vous disposez dans les pays occidentaux. Il n’en reste pas moins que notre programme gouvernemental prévoit un minimum de soins de santé pour les citoyens moldoves. Par ailleurs, avec l’aide d’autres pays, nous avons mis en place des mesures pour améliorer le système de soins. Aussi j’espère que nous parviendrons à pallier dans un proche avenir les difficultés rencontrées. Je suis persuadé que ces questions seraient résolues plus facilement et au niveau le plus élevé si nous devenions membre de l’Union européenne.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox.
M. KOX (Pays-Bas)* – Les rapports antagonistes entre l’opposition et la coalition au pouvoir dans votre pays inquiètent notre Assemblée, car les progrès démocratiques y sont mis à mal. La coalition et l’opposition s’accusent mutuellement des échecs que connaît votre pays. Pouvons-nous attendre de vous en votre qualité de nouveau Président de la République de Moldova que vous tentiez de surmonter ces antagonismes ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA – Monsieur le parlementaire, je suis d’accord avec vous, l’antagonisme qui oppose la coalition et l’opposition ne sert pas notre pays et je puis vous assurer que des mesures seront adoptées pour y remédier, tout d’abord en améliorant le cadre législatif. Une telle initiative permettra de résoudre les questions qui inquiètent l’opposition et assoira ses droits. Un projet de loi fera donc prochainement l’objet d’une consultation publique, qui entrera en vigueur si le Parlement la vote. Je travaille à cette initiative et j’espère que nous mettrons la dernière main à ce projet de loi dans un proche avenir. J’estime, en effet, qu’améliorer l’éducation politique de tous, à tous les échelons de la société, est essentiel, car l’éducation politique est ce qui fait défaut. Il faut toujours se perfectionner quand bien même on est acteur politique. Améliorer le cadre juridique nous permettra d’arriver à nous entendre.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Connarty.
M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – La Fondation sur la traite des êtres humains a publié un rapport selon lequel votre Etat est un pays de transit. Il évoque la mendicité obligatoire et le travail forcé. Votre gouvernement n’a pas de programme à sa disposition pour parer à de tels phénomènes. Que compte faire la République de Moldova ?
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.
M. le PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE MOLDOVA – Monsieur le parlementaire, vous parlez d’une situation passée. Elle a aujourd’hui changé, car des mesures ont été adoptées pour combattre les phénomènes de la traite des êtres humains. En ma qualité de chef d’Etat, je puis vous affirmer que nous mettons les bouchées doubles pour lutter contre un phénomène négatif pour toutes nos démocraties.
Nous regrettons que nombre de nos citoyens soient obligés de travailler, légalement ou illégalement, à l’étranger. C’est pourquoi nous aimerions qu’ils reviennent tous chez nous. Et s’ils vont travailler à l’étranger, ils devraient apporter une valeur ajoutée là où ils sont. Mais je suis sûr que nous arriverons à régler la question.
Lorsque je me rends à l’étranger – je me suis rendu à Bruxelles et aux Etats-Unis – mon message à la diaspora reste le même. Nos ressortissants ont dû quitter notre pays, car ils y ont été obligés pour étudier ou pour travailler. Cela dit, nous avons récemment enregistré une baisse du phénomène de la traite des êtres humains par rapport à la période antérieure. À l’époque, il s’agissait d’un véritable fléau.
LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je suis désolé, mais en raison de l’heure, le temps imparti étant déjà dépassé, je suis malheureusement obligé d’interrompre la liste de celles et ceux qui souhaitaient poser une question à M. le Président.
Monsieur le Président, il nous reste à vous remercier une fois de plus très chaleureusement pour votre présence, pour votre déclaration et pour avoir répondu aux questions qui vous ont été posées.
Monsieur le Président, bonne continuation dans l’exercice de vos fonctions et bonne fin de séjour à Strasbourg.
2. La définition de prisonnier politique
LE PRÉSIDENT - L’ordre du jour appelle maintenant la présentation et la discussion du rapport de M. Christoph Strässer, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur « la définition de prisonnier politique » (Doc. 13011).
Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.
Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 18 h 15. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 heures, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.
Il n’y a pas d’opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.
Vous avez la parole.
M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – J’ai reçu, voilà trois ans, la mission de préparer un rapport sur la définition de prisonnier politique. J’ai accepté ce travail avec d’autant plus de ferveur que j’étais, à l’époque, préoccupé par la situation de prisonniers politiques de l’Azerbaïdjan. J’ai étudié, analysé tous les documents et informations qui existaient déjà.
En 2001, la notion de prisonniers politiques avait déjà été élaborée au sein du Conseil de l'Europe par trois experts indépendants du Secrétariat Général, dans le cadre de l’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à notre Organisation. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme réaffirme son adhésion à ces critères et ne peut accepter les critiques de ceux qui soutiennent, notamment au travers des amendements, que le Conseil de l'Europe n’est pas apte à définir la notion de prisonnier politique et que seule la Cour européenne des droits de l’homme est habilitée à élaborer cette définition. On ne peut pas remettre en cause le travail du Conseil de l'Europe ! Cela serait une trahison pour tous ceux qui ont placé tous leurs espoirs en nous ! Même s’il y a beaucoup moins de prisonniers politiques qu’autrefois, nous devons remplir notre mission et aider ceux qui sont encore injustement enfermés.
Lorsque les droits humains sont mis à mal, que des menaces pèsent sur la liberté, le Conseil de l'Europe doit intervenir. Je ne comprends pas que des parlementaire s’érigent contre cela et ne souhaitent pas voir le Conseil de l'Europe mener une action dans ce domaine ! La commission des questions juridiques n’aurait plus aucune raison d’être si nous rejetions ce projet de résolution.
Cette définition n’est ni trop vague ni trop floue, elle est précise, et elle est d’ailleurs étayée par la Convention européenne des droits de l’homme, et j’en suis très fier. Les deux grandes ONG, Human Rights Watch et Amnesty International, qui normalement ne coopèrent pas, ont même clairement signifié qu’elles approuvaient cette définition.
Si ce projet n’est pas adopté, il sera très difficile de parler de la situation des prisonniers politiques en Azerbaïdjan au mois de janvier prochain !
Cette définition a été élaborée pour tous les prisonniers de tous les pays, je vous demande donc de voter ce projet de résolution.
LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Il vous restera cinq minutes pour répondre aux différents orateurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Conde, au nom du Groupe du Parti populaire européen.
M. CONDE (Espagne)* – Le Groupe du Parti populaire européen n’a pas adopté de position arrêtée sur le rapport. Ses membres voteront selon leur conscience.
LE PRÉSIDENT – Vous en appelez donc à la sagesse des parlementaires de votre groupe et de l’Assemblée parlementaire.
La parole est à M. Marcenaro, au nom du Groupe socialiste.
M. MARCENARO (Italie)* – Notre groupe a décidé à la quasi-unanimité de soutenir avec force le rapport de M. Strässer. La torture ne peut être acceptée dans nos pays civilisée, or elle existe, tout comme les prisonniers politiques. Ces derniers ont le regard tourné vers le Conseil de l’Europe et attendent de nous un soutien dans leur difficile combat.
Nous avons évoqué à maintes reprises, à l’Assemblée, la situation des défenseurs des droits de l’homme en Europe. Ce sont précisément les prisonniers politiques dont nous parlons aujourd’hui. Le rapporteur a rappelé la position d’Amnesty International et de Human Rights Watch. Elle doit nous inciter à réfléchir et à ne pas prendre de décision à la légère. Ces organisations font autorité ; elles sont animées par la sagesse et par l’expérience.
L’amendement évoqué par M. Strässer s’oppose en réalité au fond du rapport. On cherche à hypothéquer le travail futur du Conseil de l’Europe. Je vous le demande : où voulez-vous aller ? Voulez-vous détruire le Conseil de l’Europe ? Allez-vous mettre fin aux espoirs de tous ceux qui regardent vers nous ? La question est fondamentale et chacun ici doit prendre position. Nous devons nous soustraire à l’influence des lobbys qui cherchent à peser sur cette discussion.
LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Monsieur Marcenaro. Pour la clarté du débat, il me semble nécessaire de préciser que, bien entendu, ce n’est pas à moi que vous vous adressez, mais à l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire.
En tant que Président de cette assemblée, je ne peux intervenir dans le débat. Il est vrai que j’aurais pu faire jouer l’article 33-4 du Règlement afin de juger irrecevable l’amendement en question, mais cet amendement a été voté démocratiquement en commission et il n’est pas concevable de passer au-dessus d’un vote réglementaire.
Si j’avais pu m’exprimer dans ce débat, peut-être aurais-je également dénoncer cet amendement. Où veut aller le Président de l’Assemblée ? Dans le même sens que vous, Monsieur Marcenaro !
M. MARCENARO (Italie)* – Permettez-moi en effet de préciser ma pensée. Il ne s’agit aucunement pour moi de contester le volet institutionnel et la procédure, ou de faire un reproche au Président de l’Assemblée. Mon discours est politique et s’adresse aux parlementaires qui cherchent à saper ce rapport.
LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Monsieur Marcenaro, pour cette précision qui me donne quitus.
La parole est à Mme Reps, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
Mme REPS (Estonie)* – Nous abordons aujourd’hui une question extrêmement délicate. Le Conseil de l’Europe est attaché aux valeurs de la démocratie et des droits de l’homme. Nous pensons tous ici que les prisonniers politiques sont inacceptables, quel que soit le pays de leur détention, que celui-ci fasse ou non l’objet d’une procédure de suivi.
Qui sont les prisonniers politiques ? La commission des questions juridiques et des droits de l’homme estime qu’une définition est nécessaire. Il y a quelques années, nous avons décidé à la majorité qu’il était en effet important de se pencher sur la question. Le rapport de M. Strässer propose donc une définition de prisonnier politique et soulève du même coup de nombreuses questions de procédure.
En tout état de cause, si nous ne votions pas aujourd’hui pour le projet de résolution, nous donnerions raison à tous ceux qui estiment que le Conseil de l’Europe n’a pas à traiter de la question des prisonniers politiques et qui font usage du lobbying, de l’intimidation et des menaces pour se faire entendre. J’espère que nous sommes tous d’accord, au sein de cette assemblée, sur le fait que le Conseil de l’Europe est fondé, au même titre que le Conseil des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme, à évaluer les violations des libertés fondamentales. C’est d’ailleurs ce que nous faisons avec chaque rapport, en examinant sans cesse le statut des droits de l’homme dans les Etats et la manière dont ces derniers s’acquittent de leurs obligations en la matière.
L’amendement no 2 revient en réalité à affirmer que la seule autorité habilitée à examiner le respect des droits de l’homme dans les Etats membres est la Cour européenne des droits de l’homme. C’est totalement absurde.
Quant à la définition de prisonnier politique proposée par le rapport, certains l’approuvent, d’autres la trouvent encore trop imprécise. Mais si nous ne votons pas cette résolution, nous enverrons le message selon lequel les prisonniers politiques ne font pas partie des priorités de notre organisation. Ce serait désastreux !
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Nikolaeva, au nom du Groupe démocrate européen.
Mme NIKOLAEVA (Fédération de Russie)* – Le Groupe démocrate européen salue l’important travail de M. Strässer, mené avec les meilleurs intentions du monde, dans le but de veiller au respect des droits de l’homme dans les pays du Conseil de l’Europe.
Toutefois, chacun ici doit savoir qu’une décision est toujours suivie de conséquences. Il existe un risque d’interprétation politisée, voire partiale, du terme de prisonnier politique. Nous l’avons d’ailleurs déjà observé dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe.
La Cour européenne des droits de l’homme est seule à pouvoir préciser la définition de prisonnier politique. Un militant politique de l’opposition, s’il commet un crime, doit-il être exonéré de toute responsabilité pénale simplement parce qu’il est membre de l’opposition ?
Une question se pose : les citoyens engagés politiquement dans l’opposition doivent-ils être exonérés de toute responsabilité pénale s’ils commettent un crime ? Cela serait contraire au principe d’égalité devant le droit.
Nous sommes tous actifs dans le domaine politique et aucun de nous n’enfreint la loi. Mais je pense qu’il faut agir avec responsabilité et comprendre et respecter ce principe de droit, quelle que soit notre couleur politique. Il me semble que nous pouvons accepter le projet de résolution avec les amendements qui ont été proposés.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.
M. KOX (Pays-Bas)* - Monsieur le Président, il s’agit d’une question complexe. J’ai déclaré lundi devant notre Assemblée que les parlementaires n’avaient pas leur place en prison, mais dans les parlements, car c’est là l’essence même de la prééminence du droit. Malheureusement, trop de parlementaires sont en prison au sein de nos Etats membres. C’est également le cas de nombreux responsables politiques. Ce sont de véritables prisonniers politiques. Nous devons défendre les droits politiques de tous les citoyens de nos Etats membres et condamner les violations de ces droits ainsi que l’arrestation et l’emprisonnement d’opposants politiques. Nous savons que cela se passe en Europe et nous devons absolument faire quelque chose.
Je l’ai dit à notre rapporteur : lorsque nous adoptons une position ferme, les autorités concernées nous répondent qu’il n’y a pas de prisonniers politiques dans leur pays et que les personnes en question ont enfreint le code pénal.
Prenons l’exemple de Leyla Zana, qui a été emprisonnée en Turquie. Elle aurait enfreint le code pénal, mais elle a obtenu gain de cause en appel et s’est vue décerner le prix Sakharov par le Parlement européen en tant que défenseure des droits de l’homme. Faut-il la considérer comme une prisonnière politique ?
C’est pourquoi nous essayons de trouver une définition du prisonnier politique. M. Strässer a déclaré que s’il s’adressait à un Etat membre, il lui était répondu qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques dans le pays en question. Mon groupe n’est donc toujours pas convaincu que ce rapport et ce projet de résolution soient une solution au problème. Nos résolutions ne vont pas libérer les prisonniers politiques.
L’accent doit être mis sur le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme. Conformément à la Convention, elle est l’instance compétente en la matière. Il est étrange de tenter de définir les prisonniers politiques tout en excluant les terroristes au paragraphe 4, sans pour autant avoir défini ce qu’est un terroriste.
Monsieur Strässer, vous avez fait un long travail, mais je ne pense pas que ce projet de résolution puisse être adopté par cette Assemblée. Ce qui a été dit cet après-midi en commission des affaires juridiques le prouve. Par conséquent, mon groupe souhaite que le rapport et la résolution soient à nouveau examinés en profondeur par la commission afin d’obtenir un large soutien de l’Assemblée à cette définition. Nous demandons le renvoi en commission.
LE PRÉSIDENT – Monsieur Kox, souhaitez-vous que le vote sur le renvoi en commission se tienne immédiatement ou au terme du débat ?
M. KOX (Pays-Bas)* - Par courtoisie, je pense qu’il faut écouter le rapporteur et procéder au vote ensuite.
LE PRÉSIDENT – Nous laisserons donc le débat suivre son cours, puis nous voterons sur le renvoi en commission.
Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous répondre immédiatement après avoir entendu les autres orateurs inscrits dans la discussion générale ?
M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur* - Je répondrai après avoir entendu les autres orateurs.
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Postanjyan.
Mme POSTANJYAN (Arménie)* - Chers collègues, la question des prisonniers politiques est traitée au sein du Conseil de l’Europe depuis plusieurs années. Aujourd’hui, il s’agit d’adopter des mesures afin de condamner les régimes autoritaires, les forces politiques et les représentants gouvernementaux qui ont emprisonné des personnes de manière illégale, simplement parce qu’elles avaient osé exprimer un avis différent et qu’elles appartenaient à un autre groupe politique que celui au pouvoir.
Nous déplorons la détention de nombre de journalistes, de militants des droits de l’homme, de politiques et de parlementaires. Si l’on étudie sérieusement la situation dans les prisons, on y trouve des violations des droits de l’homme telles que la torture, des traitements inhumains ou dégradants, et des punitions terribles. Dans certains cas, cela aboutit à des décès.
Nous avons vu des exemples de ces violations dans une vidéo tournée dans une prison de Géorgie, et également dans l’affaire Magnitski. De nombreux prisonniers politiques dans différents Etats membres du Conseil de l’Europe attendent nos actions concrètes. L’un d’entre eux est un militant djavakhk-arménien, il s’appelle Vahagn Chakhalyan et il est devenu prisonnier politique sous le couvert d’une affaire pénale. Son emprisonnement contrevient aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur la privation de liberté, la liberté d’expression et la liberté d’association.
L’adoption du rapport et de la résolution peut véritablement servir à la libération de prisonniers politiques. Je salue donc le travail de M. Strässer.
Beaucoup de prisonniers politiques passés, actuels et futurs nous suivent de près et attendent nos conclusions. Nos devons prendre des mesures réelles et déterminées dans la lutte contre les dictateurs et les régimes autoritaires.
Les amendements présentés ne sont pas acceptables. Les adopter décrédibiliserait le Conseil de l’Europe et ses travaux futurs deviendraient futiles !
M. Walter, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.
LE PRÉSIDENT* - La parole est à M. Rustamyan.
M. RUSTAMYAN (Arménie) – Tout d’abord, je félicite M. Strässer qui a pu accomplir sa tâche en dépit de toutes les pressions qu’il a subies jusqu’ici. Il a travaillé dans une atmosphère très tendue et a su faire preuve d’audace.
Les critères présentés par notre rapporteur pour définir la notion de prisonnier politique sont tout à fait acceptables et il nous reste à les appliquer correctement dans les cas concrets. L’absence des prisonniers politiques et la présence d’un système électoral permettant l’alternance légitime du pouvoir dans le pays sont les attributs obligatoires d’un Etat de droit véritablement démocratique.
Sur ce point, je souhaite m’attarder sur l’attitude de l’Azerbaïdjan. Un pays souhaitant sincèrement développer la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme ne devrait jamais créer d’obstacles au règlement durable de la question des prisonniers politiques. Mais non seulement l’Azerbaïdjan empêche notre rapporteur de se rendre sur son territoire, violant ainsi grossièrement notre Règlement, mais en outre, il fait tout pour que nous empêcher de définir la notion de prisonnier politique, même si elle n’est pas propre à un pays.
La raison est simple : une fois cette notion définie, elle sera applicable par tous les pays, y compris l’Azerbaïdjan. Dans un pays qui veut se présenter comme un Etat démocratique dirigé par un gouvernement légitime, il ne saurait y avoir un seul prisonnier politique. Voilà pourquoi on essaie d’enterrer ce rapport.
Chers collègues, notre Organisation est vraiment mise à l’épreuve d’une façon inacceptable. Etant les vrais adeptes des valeurs européennes, nous devons absolument adopter ce rapport. Et surtout voter contre l’amendement n° 2 qui compromettrait complètement, s’il était adopté, l’autorité de notre Assemblée et réduirait à néant toute l’intérêt de ce rapport.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Çavuşoğlu.
M. ÇAVUŞOĞLU (Turquie) * – Il me semble que dans cet hémicycle, aucun de nous ne veut voir de prisonniers politiques dans aucun Etat membre. C’est certain et c’est pour cela qu’on a voulu une définition appropriée du prisonnier politique. On a mandaté pour cela un rapporteur, qui, nous dit-il, a travaillé trois ans à la rédaction de ce rapport.
Le projet de résolution ne compte que cinq paragraphes. Certains ont été amendés par des collègues, notamment espagnols. Est-ce que vous avez vu une définition des prisonniers politiques dans ce texte ? Nous sommes une instance normative, qui doit s’adresser aux 47 pays membres, pas à un seul d’entre eux. Nous établissons des normes pour les membres de l’Union européenne, les Nations Unies, la Cour, les milieux académiques et toutes sortes d’autres instances ou personnes expertes, universitaires, juges, chercheurs, étudiants.
Si on regarde notre site, on y trouvera un rappel des définitions précédentes. On sait que des critères ont déjà été établis. Pourquoi a-t-on besoin d’une autre définition qui les copie ? On n’est pas stupide ! Le rapporteur n’a pas besoin de nous rappeler la définition précédente. On peut avoir accès à cette information.
En trois ans, qu’a-t-il fait ? A-t-il organisé des auditions en commission ? A-t-il parlé aux juges, aux experts ? A-t-il parlé aux universitaires ? Non. Pourtant, tout le monde accepte. Il était censé réunir les juges de la Cour européenne et d’autres experts pour travailler sur cette définition. Il arrive avec cette chose qui n’est rien ! A mon avis, c’est une ineptie ! On ne peut pas avoir une activité normative à partir de ce genre de critères.
On nous dit que si l’on n’accepte pas le projet de résolution, la crédibilité de l’Assemblée parlementaire sera éternellement perdue. Mais c’est plutôt le contraire : si on accepte ce projet de résolution, on risque de se décrédibiliser. Si on peut accepter les normes et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, il faut toujours demander ensuite aux pays d’exécuter les décisions. Quand on aura une bonne définition, on pourra s’en remettre à ces critères.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Schuster.
Mme SCHUSTER (Allemagne) * – Tout d’abord je remercie le rapporteur, M. Strässer, qui s’est vu confier une tâche bien difficile. Nous avons tout intérêt à trouver une définition, car elle est attendue dans beaucoup d’Etats membres.
Monsieur Çavuşoğlu dit qu’il n’y a pas eu d’audition d’experts. C’est faux. Cette définition n’est pas tombée du ciel. Le 24 juin 2010, il y a eu une audition en commission à laquelle ont participé d’éminents experts : Stefan Trechsel, juge de la Cour pénale internationale et du tribunal pour l’ex-Yougoslavie ; Andrew Grotrian, qui s’est occupé de la Namibie, et Javier Gomez Bermudez, juge espagnol, président de la chambre criminelle de l’Audiencia Nacional en Espagne. Cette audition a confirmé que les critères de 2011 du Conseil de l’Europe continuent de s’appliquer. Cette définition ne s’applique pas à un seul pays mais bien à tous les Etats membres.
Amnesty international et Human Rights Watch nous ont écrit une lettre pour nous demander d’adopter cette définition aujourd’hui. Je cite un extrait : « La définition de prisonniers politiques présentée par le rapporteur est fondée sur un ensemble de critères bien établis élaborés à l’époque conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. »
Il faut absolument adopter cette définition. C’est un appel que je lance à tous. Le lobbying de l’Azerbaïdjan est inacceptable ! Nous ne pouvons pas nous laisser influencer. Nous devons défendre les droits de l’homme au Conseil de l’Europe.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme von Cramon-Taubadel.
Mme von CRAMON-TAUBADEL (Allemagne) * – Monsieur Çavuşoğlu, ce que vous venez de dire est absolument inconcevable. Vous devriez le savoir puisque vous avez été Président de cette Assemblée parlementaire. Vous savez parfaitement le jeu qui est en train de se jouer. Je ne peux pas croire qu’un ex-Président prononce de telles inepties.
Monsieur Kox, chapeau bas… Si vous demandez à votre gouvernement, au gouvernement d’Azerbaïdjan ou à celui de Turquie s’il y a des prisonniers politiques, aucun responsable politique n’admettra que c’est le cas. Il y a pourtant dans tel ou tel pays des arrestations administratives, des détentions provisoires et des personnes marquées comme prisonniers politiques. La question est centrale. C’est à nous de l’examiner.
Avec l’amendement proposé, nous nous priverions de pouvoir intervenir en matière de prisonniers politiques. On ne pourrait plus s’occuper de cette question. Si seule la Cour européenne des droits de l’homme pouvait, comme le demande l’amendement, se prononcer sur les cas de prisonniers politiques et sur les définitions afférentes, on se priverait de toute activité dans ce domaine. Pourtant, les parlementaires vont dans les prisons. Je l’ai fait.
Je vous en conjure, chers collègues, il faut absolument apporter votre soutien à ce rapport, voter pour le projet de résolution et contre l’amendement.
Monsieur Kox, vous avez demandé le renvoi en commission. Qu’est-ce que cela apporterait ? Nous avons déjà eu des auditions, qui ont toutes abouti à la même conclusion.
Comme l’a dit Mme Schuster, un gros travail a été fait. Mais on a aussi beaucoup œuvré contre le rapporteur : il y a eu des manipulations, des rumeurs, des hypothèses erronées – autant de méthodes qui sapent l’action de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Mes chers collègues, n’oubliez pas ce qu’est votre cœur de métier : les droits de l’homme ! Soutenez donc votre rapporteur.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Herkel.
M. HERKEL (Estonie)* – Monsieur Strässer, nous savons l’un comme l’autre ce qu’il en est des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Il y a quelques années, comme rapporteur chargé du suivi de l’Azerbaïdjan, j’ai rencontré sur place beaucoup d’anciens militants politiques qui avaient été emprisonnés. Pour nous, il était clair qu’il s’agissait de prisonniers politiques. Mais M. Aliev et M. Seyidov nous ont assuré qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques chez eux.
Le Conseil de l’Europe ne dispose pas de critères clairs à cet égard. Par la suite, nous avons poursuivi notre dialogue et employé la formule « présumé prisonnier politique ». Mais, pour remédier à cette absence de critères clairs, notre Organisation a cette fois fait appel à des experts de haut niveau, dont M. Trechsel. Plusieurs auditions ont eu lieu à cette fin en commission des questions juridiques à l’époque où j’en faisais partie et où M. Çavuşoğlu présidait notre Assemblée.
Les amendements de M. Moriau n’ont d’autre but que de détruire le rapport. J’apporte tout mon soutien au rapporteur et j’espère que vous ferez tous de même.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Michel.
M. MICHEL (France) – Spécialiste du droit pénal, j’ai conscience de la complexité de la question qui nous occupe. Mais je me dois de reconnaître que notre rapporteur a su résister à toutes les pressions – orientées, disons-le – et nous présenter un rapport équilibré.
Commençons par écarter un faux débat : notre Assemblée est compétente pour adopter une telle résolution, qui s’inscrit très exactement dans le cadre de ses missions.
Ensuite, cette résolution s’appliquera à tous les pays du Conseil de l’Europe, sans exception. Elle s’appliquera donc naturellement à des pays démocratiques – je n’ose dire « en principe ». Or, dans ces pays, personne ne peut évidemment s’opposer à l’Etat par des actes criminels et se voir décerner le statut de prisonnier politique. J’espère rassurer ainsi nos collègues turcs et espagnols inquiets des attentats qui visent leur pays et qui, sous couvert de revendications politiques, ne sont que des actes criminels contre des Etats démocratiques. La situation était très différente pendant la seconde guerre mondiale, lorsque des résistants – des terroristes, disait-on alors – s’opposaient au nazisme et au fascisme.
Naturellement, la définition que nous adopterons ne permettra pas de traiter tous les cas, cher collègue Kox. Mais l’absence de définition, la lâcheté dont ferait preuve notre Assemblée en renvoyant à nouveau la question aux calendes grecques seraient pires que tout. Je m’étonne que vous, en particulier, le demandiez. Ce serait un très mauvais signal adressé à certains membres du Conseil de l’Europe, voire à d’autres pays.
On invoque la Cour européenne des droits de l’homme, mais la Cour juge au cas par cas. Elle s’inspirera certainement de la règle que nous aurons adoptée, mais elle pourra l’adapter au cas de l’espèce.
Tout milite donc en faveur de l’adoption de ce projet de résolution.
Quant à l’amendement no 2, je préfère ne pas en parler. Peut-être le problème se règlera-t-il ailleurs. Mais les conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote de la commission des questions juridiques – des questions juridiques ! – est un déshonneur pour toute notre Assemblée.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Knyshov.
M. KNYSHOV (Fédération de Russie)* – En droit russe, il n’existe pas de concept de prisonnier politique. Néanmoins, nous sommes d’accord pour chercher à en établir la définition, pour deux raisons. D’abord parce que la pratique de la répression politique perdure dans le monde et que la communauté internationale doit soutenir ceux qui sont persécutés pour leurs opinions politiques. Ensuite, parce ce concept est utilisé pour faire pression sur certains régimes en les accusant de répression contre les opposants politiques. C’est le cas de la Fédération de Russie. Si l’on continue ainsi, bientôt, toute personne qui enfreint les lois aura le statut de prisonnier politique et pourra prétendre que l’Etat le persécute pour des motifs politiques ! Il faut donc définir rigoureusement ce concept pour éviter que l’on n’en abuse afin de manipuler l’opinion publique.
Malheureusement, le travail de la commission des questions juridiques n’a pas permis d’améliorer la situation. Le terme « manifestement » utilisé à plusieurs reprises dans la définition proposée laisse trop de place à l’évaluation subjective pour permettre de déterminer avec certitude que telle ou telle personne est un prisonnier politique. Nous n’avons donc pas vraiment progressé et la bonne définition reste à établir.
Cela étant, les deux amendements rendent le texte plus équilibré. S’ils étaient adoptés, nous serions disposés à voter le projet de résolution.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Vejkey.
M. VEJKEY (Hongrie)* – Il n’existe pas à l’heure actuelle de définition juridique du terme de prisonnier politique qui soit acceptée par l’ensemble de la communauté internationale. Voilà pourquoi notre commission des questions juridiques en a débattu en juin et en septembre.
Nous, Hongrois, avons souvent dû nous battre pour notre liberté. Nous savons donc ce que c’est que d’être un prisonnier politique.
Nous avons un drapeau qui est le symbole de la liberté. Il a d’ailleurs été remis au Conseil de l’Europe le 23 juin 1999. C’est le drapeau de 1956, une année où les Hongrois se sont battus durement pour la liberté. Vous pouvez le voir au premier étage de cet immeuble.
La révolution hongroise a été un des moments les plus importants de la guerre froide. Lors de la Révolution de 1956, plusieurs centaines de prisonniers politiques ont été libérés, y compris le cardinal Mindszenty, qui était en prison depuis 1948. Les Hongrois avaient un sentiment de liberté, ils étaient enthousiastes !
Respectons une minute de silence pour les victimes du nazisme et du communisme, pour ces millions de Hongrois, de Finlandais, de Polonais, d’Autrichiens, de Slovaques, de Roumains, de Serbes, de Croates, de nombreux peuples d’Afrique et d’Amérique, qui ont perdu leur vie en se battant pour la liberté.
LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hancock.
M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – Si nous sommes là aujourd’hui et discutons de ce rapport, c’est parce que la définition de prisonnier politique n’est pas claire. Or que dit le rapport ? Il nous demande de réitérer notre soutien en faveur des critères retenus jusqu’à présent. En quoi réitérer des critères qui n’ont débouché que sur la confusion fera-t-il avancer le dossier ?
Pourquoi ce débat tourne-t-il autour de gens prisonniers politiques en Azerbaïdjan ? On sait très bien qu’il existe de nombreux pays qui ont des prisonniers politiques présumés. Je vois le rapporteur hocher de la tête mais, d’emblée, il cite l’Azerbaïdjan à quatre reprises. Certes, il ajoute que d’autres pays sont concernés, mais ces autres pays, il ne les cite pas. Pourquoi ? Pourquoi cette obsession s’agissant de l’Azerbaïdjan ? A mon avis, on a dû lui refuser un visa.
Mais la commission des questions juridiques était très claire, le but était d’arriver à une définition claire et simple du concept de prisonnier politique. M. Kox l’a dit, avec ce texte, des terroristes pourraient bénéficier d’une clause d’exemption.
Au Royaume-Uni, nous avons eu beaucoup de terroristes. Treize d’entre eux ont fait une grève de la faim pour prouver qu’ils n’étaient pas des terroristes, mais bien des prisonniers politiques. Cela ne remonte pas à un siècle, c’était il y a seulement une vingtaine d’années. Et le gouvernement britannique a laissé ces gens se suicider en faisant la grève de la faim parce que, nous, nous ne reconnaissons pas les définitions internationales en matière de prisonniers politiques.
Dans votre rapport, vous dites que ce n’est pas un problème pour l’Espagne, parce qu’on sait ce qu’il en est de l’ETA. Ce n’est pas un problème pour la Turquie, parce que le PKK, on peut s’en occuper. Mais comment ? Il est bien mince, votre rapport, Monsieur Strässer ! Il n’entre pas dans le détail. Je pensais que ce rapport allait ratisser large et couvrir toutes les situations que nous connaissons dans nos différentes organisations internationales, car, en collaboration avec celles-ci et la Cour, il aurait pu être possible de définir à l’unisson ce concept de prisonnier politique.
Vous dites avoir planché trois ans sur le sujet et que, maintenant, l’APCE doit se contenter de réitérer une définition qui est reconnue au plan international comme étant un échec. Ce n’est pas possible ! On aurait dû faire mieux. Les prisonniers politiques détenus dans des Etats membres du Conseil ne tireront aucun bénéfice du fait que l’on réitère des critères que l’on ne peut pas concrétiser. Ils attendaient une définition plus précise et intelligible.
Voilà l’échec de votre rapport, Monsieur Strässer !
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Slutsky.
M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Mes chers collègues, le rapport a des enjeux juridiques extrêmement importants. Nous en avons déjà discuté en commission des questions juridiques et, chaque fois, il y avait un désaccord. Aujourd’hui, nous sommes tous rassemblés dans cet hémicycle pour en débattre et une déclaration écrite exprime l’inquiétude des différentes forces en présence au Conseil de l’Europe, car ce rapport est extrêmement dangereux. Les critères qui sous-tendent la définition de prisonnier politique ne sont pas suffisamment précis et ne revêtent pas un caractère indéniable et clair. S’il s’agit toujours de tenir compte de la situation particulière de chaque pays et de la situation des droits de l’homme tels qu’ils sont appliqués, on assiste à une politisation du thème et à des pressions politiques, ce qui ne va pas conduire, en réalité, à un résultat très positif. Pourtant, il nous faut absolument parvenir à une formulation plus précise parce que sinon un trafiquant de drogue, un terroriste ou même M. Breivik pourraient être considérés comme étant des prisonniers politiques. C’est ce que l’on risquerait en acceptant cette résolution.
Il y a eu des précédents dans le recours à ce genre d’arguments dans la société civile. L’étiquette de prisonnier politique peut donner, en fait, la possibilité à des criminels d’être exonérés de leurs crimes par la société. Notre résolution pourrait être utilisée de façon politique, pour s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays. L’enfer est pavé de bonnes intentions…
Nous avons franchi de nombreuses étapes. Malheureusement, cette résolution ne fait que renforcer les lignes de divergence. Il faudrait que la commission des questions juridiques, le Comité des Ministres et la Cour travaillent ensemble sur le sujet et que l’on évite de tirer des conclusions trop hâtives.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Sobolev.
M. SOBOLEV (Ukraine)* – M. Strässer est un homme courageux et je tiens à le remercier pour son excellent rapport. Dans cet hémicycle, voyez le nombre de personnes qui veulent faire pression pour que nous n’adoptions pas cette résolution. Mais n’oubliez pas que les millions de personnes tuées par les fascistes et les communistes, par les régimes de Staline ou autres, étaient des prisonniers politiques.
Quand on prétend que cette définition n’existe pas, c’est un mensonge, car tous les parlements ont une définition de ce que recouvrent les termes de « prisonnier politique ». Si le Conseil de l’Europe n’adopte pas cette définition, nous nous engagerons sur une voie très dangereuse qui a été amorcée dans les années 30 en Union soviétique et en Allemagne, où des millions de personnes ont été tuées pour leurs convictions. En Ukraine – et je ne veux pas parler de M. Lucenko et de Mme Timochenko –, le communisme et son régime ont fait adopter un projet de loi en premier lecture, d’après lequel tout journaliste peut être condamné à sept années de prison s’il diffuse des informations qui ne conviennent pas au régime.
Voilà le texte que ces braves parlementaires ukrainiens ont adopté ! Il a été retoqué seulement hier. Encore est-ce parce que les journalistes ont fait pression sur le parlement. Malgré cela, la proposition sera sans doute présentée de nouveau. Combien de prisonniers politiques nous faut-il donc ? Les méthodes utilisées par le régime actuel en Ukraine – mais c’est aussi vrai ailleurs – amènent à réfléchir à cette question.
Adopter l’amendement no 2 signifierait que des milliers de personnes devraient attendre pendant des années un arrêt éventuel de la Cour européenne des droits de l’homme. Voyez par exemple le cas de Mme Timochenko, qui a déjà fait l’objet de décisions des tribunaux ukrainiens, mais qui doit maintenant attendre des années un arrêt de la Cour. Si l’on vote ce texte et si des cas similaires se présentent, il faudrait au moins prévoir que ceux-ci soient traités par la Cour dans un délai maximum de trois mois. Sinon, les personnes concernées attendront pendant des années, voire mourront en prison sans être considérées comme des prisonniers politiques.
Je considère donc que c’est un rapport courageux, qui vient à point nommé et que tous les éléments qui y figurent devraient nous permettre de mettre un terme au problème des prisonniers politiques. Pourquoi, à cet égard, y a-t-il 47 Etats et non 48 dans notre Organisation ? Parce que le régime de M. Loukachenko est synonyme de prisonniers politiques.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Plotnikov.
M. PLOTNIKOV (Ukraine)* – La question dont nous sommes saisis aujourd’hui est d’importance et l’enjeu va bien au-delà de Strasbourg et du Conseil de l’Europe. La notion de prisonnier politique est interprétée de façon assez libre par beaucoup d’organisations internationales.
Il existe de nombreux méfaits qui ne peuvent en aucune façon être considérés comme relevant de la politique, même si leurs auteurs prétendent ensuite au statut de prisonniers politiques. Je pense aux crimes contre l’humanité, au terrorisme, au trafic d’armes et de stupéfiants, mais aussi à la traite des êtres humains. Tous ces crimes ne relèvent en aucune manière de la politique.
Selon moi, les personnes condamnées soit pour corruption soit pour avoir profité de leurs fonctions pour commettre des crimes économiques devraient être exclues de la catégorie des prisonniers politiques. De même, les dommages infligés à un Etat doivent être considérés comme un acte de trahison et non pas comme un acte politique.
J’insiste, une fois encore, sur l’importance de la question qui nous est soumise, à laquelle il nous faut trouver des solutions adéquates.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Rochebloine.
M. ROCHEBLOINE (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, le débat concernant la définition du prisonnier politique a quelque chose de paradoxal. Comme le rappelle notre rapporteur, il s’agit de consolider une référence commune, dont la nécessité est apparue à l’occasion de l’observation de la situation des droits de l’homme en Arménie et en Azerbaïdjan. Pour autant, c’est bien une définition de caractère général que la commission a cherché à atteindre et à confirmer, et non pas une description d’un compromis spécifiquement lié aux deux pays en cause.
J’approuve totalement cette démarche. En effet, si nous voulons donner une pleine efficacité aux efforts que nous déployons collectivement pour défendre les libertés fondamentales partout où elles nous semblent menacées, il est indispensable que nous sachions de quoi nous parlons et que nous ayons une compréhension commune des concepts que nous utilisons.
Les indications données par le rapport permettent de constater que le travail de définition du prisonnier politique a été accompli avec toutes les garanties nécessaires d’élaboration concertée et de précision, grâce au concours d’experts reconnus. Je ne vois donc que des avantages à ce que les conclusions présentées par la commission des affaires juridiques soient validées par l’Assemblée parlementaire. Tout allongement du débat sur cette question ne peut être qu’une manœuvre de diversion, permettant à ceux qui n’ont pas une pratique claire des libertés fondamentales d’esquiver leur mise en cause sur le fond, sous des prétextes de procédure.
Je ne suis pas étonné, on le comprendra, de voir l’Azerbaïdjan impliqué dans cette diversion. Nous recevons tous les jours des informations qui montrent qu’à défaut d’accepter ce que nous entendons ici par prisonnier politique, les autorités de Bakou s’emploient, malheureusement, à multiplier les cas de personnes qui relèvent à l’évidence de cette catégorie. Le propre du totalitarisme, à Bakou comme ailleurs, est de refuser la vérité commune. Le même phénomène s’observe en Turquie, où de nombreux députés kurdes et élus locaux sont en prison. Il ne faudrait pas faciliter la tâche à ces régimes. Ne laissons pas à la diversion le temps de prendre force. Rejetons l’amendement adopté par la commission, comme nous y invite le rapporteur, et adoptons le projet de résolution.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Xuclà.
M. XUCLÀ (Espagne)* – Monsieur Strässer, vous aviez une mission difficile à accomplir : présenter une définition novatrice de la notion de prisonnier politique. Or je ne crois pas que vous ayez relevé le défi. Cet après-midi, on voit s’établir une polarisation dans cette Assemblée, comme s’il s’agissait là d’une question d’honneur pour un pays ou un groupe politique, ce qui n’est pas le cas.
La question est de savoir si le document qui nous est soumis remplit trois conditions. D’abord, est-il utile ? Ensuite, est-il novateur ? Enfin, est-il suffisamment exigeant ? Eh bien, mes chers collègues, à mon sens, et si on l’examine objectivement, le texte qui nous est proposé ne présente pas d’utilité, puisqu’il n’apporte aucune contribution importante sur le sujet. Il n’est pas non plus novateur, dans la mesure où il reprend la définition qu’un expert avait présentée en 2001, d’ailleurs élaborée à partir du cas de la guerre civile en Namibie de 1989, et qui n’avait été soumise ni au vote ni à l’examen de cette Assemblée. Ce rapport n’est pas non plus, enfin, caractérisé par l’exigence.
En tant que membre de la délégation espagnole, je peux affirmer que mon parti et moi-même sommes tout à fait déterminés à lutter contre le terrorisme, notamment en Espagne. Mais, Monsieur Strässer, je n’arrive pas à comprendre comment, dans un rapport sur la définition du prisonnier politique, vous pouvez vous en remettre à la législation des Etats membres pour ce qui est de définir le terrorisme. Vous savez parfaitement que, dans certains pays, là où la démocratie est assez faible, il est fort dangereux de s’en remettre pour une telle définition à la législation locale.
Cela dit, la référence à la Cour européenne des droits de l’homme est à mon sens pertinente. En effet, le traité fondateur du Conseil de l’Europe mandate également cette Assemblée pour proposer une définition de concepts comme celui-ci et permet de solliciter l’avis de la Cour. C’est d’ailleurs la CEDH qui a fait libérer Öcalan. Elle pourra peut-être faire libérer d’autres prisonniers politiques dans bien d’autres pays membres du Conseil de l’Europe. Malgré cet élément positif, ce rapport me semble trop faible. Il faudrait le reprendre à zéro.
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. Iwiński.
M. IWIŃSKI (Pologne)* – Le rapport dont nous parlons a sa propre genèse. Voilà des années, la question de la définition de prisonnier politique a émergé à l’occasion de l’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe. Nous avons ensuite transformé ce point particulier en question théorique. Je m’exprime en tant qu’expert, non en tant que politique : toutes les définitions en sciences sociales sont difficiles à élaborer dans le consensus. Par exemple, les prisonniers de guerre sont une catégorie qui relève de conventions internationales et qui semble claire. Il n’en reste pas moins que l’on rencontre des interprétations étranges. Les prisonniers de conscience ou les prisonniers politiques relèvent de groupes hétérogènes. Bien des Espagnols analyseront cette question au travers du prisme de l’ETA, les Britanniques de celui de l’IRA, les Turcs de celui du PKK. D’ailleurs, hier, nous avons adopté un rapport très intéressant sur la Russie, à l’occasion duquel nous avons évoqué les membres du groupe de Pussy Riot. On pourrait les assimiler à des prisonnières politiques ; de même pour Mme Ioulia Timochenko.
Au paragraphe 4, il est indiqué que « les personnes privées de liberté pour des crimes terroristes ne seront pas considérées comme des prisonniers politiques si elles ont été poursuivies et condamnées pour de tels crimes en accord avec les législations nationales et la Convention européenne des droits de l’homme. » Mais il n’y a pas de définition agréée du terrorisme par l’ONU en dépit des événements de 2001. Ainsi a-t-on a estimé que les séparatistes tchétchènes étaient des terroristes. Tout cela a des conséquences sur les relations internationales. Les critères retenus dans le rapport sont, c’est vrai, ceux élaborés pour la Namibie en 1989. Pour autant, cela ne met pas à mal leur validité ni celle de la définition. Ils sont utiles pour des cas individuels, mais il convient qu’ils soient conformes à ceux retenus par la CDEH.
Les deux amendements déposés paraissent raisonnables. Dans ce contexte, il faut éviter la situation qui a été dépeinte par un proverbe chinois bien connu : quand bien même deux personnes dorment dans le même lit, elles ne rêvent pas de la même chose.
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. Leonid Kalashnikov.
M. Leonid KALASHNIKOV (Fédération de Russie)* – M. Iwiński a évoqué la définition du terrorisme au cours d’un espace temps assez long. Si nous devions revenir à la définition appliquée par les Etats-Unis, il faudrait revenir aux définitions établies par les autres Etats pour comprendre le concept de terrorisme. D’autres concepts sont élaborés.
Le point 2 du projet de Résolution affirme que le Comité des ministres a donné son accord aux critères généraux retenus par les experts indépendants, approuvés à l’époque par l’ensemble des parties prenantes, ce qui n’est pas exact puisque le point 17 de l’exposé des motifs souligne qu’en 2001, les délégués réunis au Comité des ministres ont accepté le rapport, mais pas les critères.
La dénomination « extrémisme » existe, la loi 282 étant appliquée de façon aléatoire à différentes activités politiques. Il y a un mois et demi, à l’occasion de sa séance plénière, la Commission de Venise n’a-t-elle pas déclaré que la loi sur l’extrémisme était trop vaste et insuffisamment précisée ? Il convient par conséquent de préciser le concept d’extrémisme, d’activités extrémistes, d’organisations extrémistes, de matériaux ou documents extrémistes. Ensuite, il convient de définir la notion d’arbitraire… Il faut respecter les positions de nos propres organes, y compris celles de la Cour européenne des droits de l’homme.
Une question a été posée au Président de la Moldova sur les symboles communistes. Pouvons-nous placer sur un pied d’égalité le communisme et le nazisme ? Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme a porté sur le non-respect des droits de l’homme en Hongrie.
Par les amendements, précisons le texte et mettons-nous d’accord.
LE PRÉSIDENT*– La parole est à Mme Christoffersen.
Mme CHRISTOFFERSEN (Suède)* – Pourquoi le rapport sur la définition des prisonniers politiques semble-t-il controversé ?
Les termes de « prisonnier politique » ne sont pas aisés à définir, non plus que ceux utilisés par Amnesty International de « Prisonnier de conscience ». Cela dit, nous avons une compréhension intuitive du concept. Des personnes sont poursuivies ou mises en prison pour des raisons politiques et ce afin de les réduire au silence ; en violation flagrante des droits humains. Les parlementaires doivent s’engager à faire rejuger, voire à faire libérer ces prisonniers, comme ce fut le cas en 2001 lorsque l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont adhéré au Conseil. Ainsi que le souligne le rapport, le Comité des Ministres de l’époque, conformément à l’avis de trois experts indépendants en matière de droits de l’homme, avait établi une liste de critères à la lumière de la jurisprudence de la Cour. On pouvait alors déterminer qui était susceptible d’être assimilé à un prisonnier politique. Tous les membres du Conseil furent alors à l’unisson.
Le rapport propose de ne pas modifier les critères et invite instamment tous les Etats membres à revoir les cas de prisonniers politiques présumés. Autrement dit, rien à signaler ! Mais alors pourquoi cette controverse et quelles seraient les conséquences d’un rejet du rapport ?
On jette des doutes sur un accord qui remonte à une dizaine d’années et qui porte sur le concept de prisonnier. Qui gagne et qui perd ? La réponse, me semble-t-il, est claire.
Autre question : pourquoi le rapporteur n’a-t-il pas été autorisé à visiter certains pays ? Si le rapport et le projet de Résolution ne sont pas adoptés, les prisonniers politiques et les prisonniers de conscience seront les perdants de notre discussion. Les autorités de certains Etats membres, toujours sous suivi, dans la mesure où ils violent les droits de l’homme, en seront les gagnants. Nous avons reçu une lettre d’Amnesty International ainsi qu’une autre de Human Rights Watch, deux organisations respectées qui nous invitent instamment à approuver le rapport et à pérenniser ces critères. C’est plus que suffisant pour moi !
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. Agramunt.
M. AGRAMUNT (Espagne)* – Je ne suis que membre suppléant de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et je n’ai donc pas pu voter en commission, mais je voterai ce soir en faveur des amendements soutenus notamment par mon collègue M. Conde, qui a très élégamment indiqué que les membres du Groupe PPE avait toute liberté pour voter en leur âme et conscience.
Ce qui me préoccupe ici, c’est la question du terrorisme, et en particulier du terrorisme espagnol. Avant-hier, on pouvait lire dans certains journaux que les membres de l’ETA emprisonnés étaient des prisonniers politiques. Or, le paragraphe 3 de ce projet de Résolution est rédigé de telle façon qu’il risque d’aider à ce que ces gens soient bien considérées comme tels. En effet, les critères qui y sont mentionnés peuvent être parfaitement utilisés en Espagne pour qualifier de prisonniers politiques les personnes qui purgent une peine de prison pour terrorisme ou apologie du terrorisme. D’ailleurs, des personnes appartenant à des organisations terroristes comme l’ETA ont déjà été invitées dans cette Assemblée ! Vous devez donc bien comprendre la préoccupation qui nous anime, mes collègues espagnols et moi.
En Espagne, les critères concernant le terrorisme ont été établis par la Cour constitutionnelle. Les amendements défendus par M. Conde me paraissent tout à fait conformes à la pratique établie dans notre pays.
Enfin, et je rejoins un grand nombre de mes collègues à cet égard, je pense que ce rapport à été élaboré de façon précipitée. Des auditions d’experts auraient dû avoir lieu.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Schennach, dernier orateur inscrit dans le débat.
M. SCHENNACH (Autriche)* – Différents orateurs ont parlé d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Oui, bien sûr ! Il est de notre devoir de nous ingérer quand les droits de l’homme ne sont pas respectés ! C’est bien pour cela que le Conseil de l'Europe a été créé !
Aucun pays n’admettra jamais qu’il compte dans ses prisons des prisonniers politiques ! Quand des journalistes sont emprisonnés, on les accuse de terrorisme et on utilise des arrêts de justice pour mieux les enfermer. Je pense aussi aux jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot : elles sont des prisonnières politiques !
Je peux vous citer de nombreux exemples de prisonniers qui sont accusés de terrorisme sans acte d’accusation précis. Nous avons le devoir de nous mêler de ces choses-là. Nous savons très bien que des pressions politiques ont été exercées dans cette enceinte et ce rapport nous force à réfléchir sur notre activité. Nous nous devons de l’adopter.
LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent déposer leur intervention au service de la séance (bureau 1083) pour publication au compte rendu. Ces interventions doivent être dactylographiées.
J’appelle la réplique de la commission.
Monsieur le rapporteur, il vous reste 5 minutes 30. Vous avez la parole.
M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur* – Je remercie tous les intervenants pour leur intervention constructive, sauf un orateur et vous savez de qui je parle : d’un ancien Président de l’Assemblée. On se rappelle tous l’affaire des visas, il avait voté contre à l’époque, je n’ai donc rien à dire à ce monsieur !
Quelle était ma mission ? On me reproche de ne pas avoir fait du neuf mais pourquoi en aurais-je fait puisqu’une définition existait déjà ! Par ailleurs, des auditions ont eu lieu, un grand nombre d’entre vous étaient d’ailleurs présents et les résultats étaient limpides : cette définition, qui remonte à plus de dix ans, n’a fait l’objet d’aucune critique. Il ne s’agissait donc pas de la modifier.
Et ce qui m’irrite quelque peu, Monsieur Kox, et c’est une litote, c’est d’entendre dire que j’ai fait preuve de précipitation alors que j’ai travaillé trois ans sur ce rapport ! Monsieur Kox, si vous m’aviez fait parvenir des indications qui auraient permis de déboucher sur un consensus, je les aurais prises à bord avec plaisir, mais ce n’est pas le cas !
La difficulté tient au fait que nous avons tous une approche différente sur ce sujet. Si je demande au gouvernement allemand s’il existe des prisonniers politiques en Allemagne, il me répondra non, bien entendu. C’est pour cette raison que ce rapport est important. Je ne suis d’ailleurs pas un émissaire de mon gouvernement ici à l’Assemblée. Je souhaite simplement discuter avec d’autres parlementaires des critères que nous utilisons depuis dix ans pour définir les prisonniers politiques, critères qui n’ont fait l’objet d’aucune critique. Mais, de toute évidence, nous n’obtiendrons pas de consensus sur le sujet.
Monsieur Agramunt, vous avez cité le point 3 de la résolution, mais regardez le point 4, où j’ai repris intégralement la suggestion de M. Conde, dans un esprit de compromis. Et maintenant un amendement est déposé pour supprimer le point 4 en entier. Je peine à comprendre…
Quant à l’amendement no 2, s’il était adopté, il ne servirait plus à rien d’adopter le projet de résolution ! Comme l’a très justement souligné Mme Christoffersen, à l’issue de ce débat, il y aura des gagnants et des perdants. Différer la décision fera, à n’en pas douter, de nombreux perdants. Et ce ne sera pas seulement Amnesty International et Human Rights Watch, mais de nombreux prisonniers politiques toujours en détention et qui attendent beaucoup du Conseil de l’Europe.
Monsieur Hancock, s’agissant de l’Azerbaïdjan, trois grandes organisations ont critiqué le fait que je ne me suis pas suffisamment rendu sur place. L’Assemblée doit défendre les critères qui permettent de protéger ceux qui sont poursuivis et persécutés pour leurs convictions politiques. En réalité, certains auteurs des amendements qui ont été déposés veulent éviter que l’on inscrive l’Azerbaïdjan à l’ordre du jour de la prochaine session. Pour ce qui me concerne, j’ai bien l’intention de poursuivre mon travail sur ce pays.
Si l’amendement no 2 est adopté, c’est tout mon rapport qui sera dénaturé et je recommanderai alors à l’Assemblée de ne pas l’adopter !
LE PRÉSIDENT* – Monsieur le président de la commission, vous avez la parole.
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je veux tout d’abord remercier le rapporteur pour le travail qu’il a effectué sur ce sujet très controversé. Je pense sincèrement que cela n’aurait rien changé qu’il dispose de plus de temps.
En principe, nous sommes tous d’accord : nous sommes opposés à l’existence de prisonniers politiques. Pourquoi ne parvenons-nous pas à un consensus sur la définition de ce concept ? Il me semble que de nombreux membres de cette Assemblée craignent que toute définition soit détournée par des organisations ayant des liens avec le terrorisme.
Nos collègues favorables aux amendements qui s’opposent à la résolution utilisent toujours les mêmes arguments. Ils préfèrent l’expression « prisonnier de conscience » plutôt que l’expression « prisonnier politique » qui, je le rappelle, était utilisée bien avant que l’Arménie et l’Azerbaïdjan n’adhèrent au Conseil de l’Europe.
Chacun doit garder son calme et agir en fonction de ce qu’il pense être le mieux au regard de sa conscience. Une chose est sûre, allonger le délai ne changera rien à l’affaire.
LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.
M. Kox demande le renvoi du rapport en commission.
Il y a une objection. S’agissant d’une motion de procédure, seuls peuvent être entendus l’auteur de la motion, un orateur contre et le rapporteur ou le président de la commission intéressée.
M. Kox a déjà présenté sa motion.
La parole est à Mme Reps contre cette motion. Vous disposez, Madame, de 30 secondes.
Mme REPS (Estonie)* – Le président de la commission a souligné qu’après trois années de travail, nous avions abouti à la meilleure définition possible, à partir des avis donnés par plusieurs experts. Un délai supplémentaire ne servirait à rien.
LE PRÉSIDENT* – Quel est l’avis de la commission ?
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Penser qu’un renvoi en commission permettrait d’aboutir à un consensus constitue un vœu pieux.
LE PRÉSIDENT* – L’Assemblée va maintenant se prononcer, à la majorité simple, sur la proposition de renvoi en commission concernant le Doc.13011.
La motion de renvoi n’est pas adoptée (52 voix pour, 112 voix contre, 16 abstentions).
LE PRÉSIDENT * - Nous continuons l’examen du rapport.
La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution sur lequel deux amendements et deux sous-amendements ont été déposés. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le recueil des amendements.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement et sous-amendement est limité à 30 secondes.
L’amendement n° 1 déposé par MM Moriau, Nessa, Loutfi, Conde, Vaksdal, Loukaides, tend dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 2 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée parlementaire note que les critères retenus par les experts susmentionnés étaient fondés sur les circonstances spécifiques de la guerre civile de 1989 en Namibie. Bien qu’ils aient été appliqués à des cas individuels concernant deux pays lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe, ils n’ont jamais fait l’objet ni d’un débat ni d’une approbation à caractère général de la part de l’Assemblée parlementaire. »
La parole est à M. Vitali, pour le défendre.
M. VITALI (Italie)* – Je salue le travail du rapporteur mais je tiens à faire une rectification : nous n’allons pas nous prononcer sur son rapport, mais sur le rapport de l’Assemblée !
Contrairement à ce que certains ont affirmé, je ne suis pas victime des lobbys ou des préjugés parce que je soutiens cet amendement. Je constate simplement, grâce au rappel historique qu’il présente, que le travail du rapporteur était inutile puisqu’il suffisait de reprendre ce qui existait auparavant.
LE PRÉSIDENT* - Le sous-amendement no 1, déposé par MM. Strässer, Montag, McNamara, Mme Strik, MM. Rouquet, Cilevičs, Sasi, tend, dans la proposition d’amendement, à la première phrase, à remplacer les mots « étaient fondés sur les » par les mots suivants : « s’inspiraient, entre autres, des ».
La parole est à M. Strässer, pour le soutenir.
M STRÄSSER (Allemagne), rapporteur* - J’ai été mal compris, il s’agissait d’un complément à cette demande d’amendement, et je m’en tiens à cela. Le cœur du rapport n’a rien à voir avec ce qui s’est passé en Namibie au siècle dernier. Cela figure clairement dans le rapport, il s’agit de puiser dans le fonds d’expérience qui existe déjà. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur des deux sous-amendements.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de l’auteur de l’amendement ?
M. VITALI (Italie)* - J’y suis opposé.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de la commission ?
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* - La commission s’est déclarée favorable au sous-amendement par 27 voix contre 22.
LE PRÉSIDENT* - Je mets aux voix le sous-amendement.
Le sous-amendement no 1 est adopté.
LE PRÉSIDENT* - Le sous-amendement no 2, déposé par MM. Strässer, Montag, McNamara, Mme Strik, MM. Rouquet, Cilevičs, Sasi, tend, dans la proposition d’amendement, à remplacer la seconde phrase par la phrase suivante : « Ils ont été appliqués à des cas concernant deux pays lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe et n’ont pas, à ce jour, fait l’objet d’un débat approfondi ni d’une approbation spécifique de la part de l’Assemblée parlementaire. »
La parole est à M. Strässer pour le soutenir.
M STRÄSSER (Allemagne), rapporteur* - Il s’agit d’une modification afin de rectifier une inexactitude factuelle.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de la commission ?
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* - La commission s’est déclarée favorable au sous-amendement par 28 voix contre 27.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de l’auteur de l’amendement ?
M. VITALI (Italie)* - Je m’en remets à l’hémicycle.
LE PRÉSIDENT* - Je mets aux voix le sous-amendement.
Le sous-amendement no 2 est adopté.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de la commission sur l'amendement no 1 ainsi modifié ?
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* - La commission a accepté cet amendement ainsi modifié par 34 voix contre 8.
LE PRÉSIDENT* - Je mets aux voix l’amendement modifié.
L’amendement no 1, sous amendé, est adopté.
LE PRÉSIDENT* - L’amendement no 2 déposé par MM. Moriau, Nessa, Loutfi, Conde, Vaksdal, Loukaides, tend dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 3 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée parlementaire confirme que l’interprétation et l’application de tout critère permettant de définir la notion de " prisonnier politique " relèvent de la compétence exclusive de la Cour européenne des droits de l'homme, qui est la seule autorité habilitée à évaluer des violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tels qu’ils sont énoncés dans le Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles. »
La parole est à M. Conde, pour le soutenir.
M. CONDE (Espagne)* - Mesdames et Messieurs, pour l’essentiel, je soutiens le rapport de M. Strässer, ma seule divergence, qui est à l’origine de cet amendement, porte sur la nature de l’institution compétente pour définir ce concept de prisonnier politique.
Conformément au texte de la Convention européenne des droits de l’homme, et particulièrement son article 32.1 : « La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses Protocoles (…) » Par conséquent, la définition du concept de prisonnier politique et donc l’interprétation de la Convention relèvent de la compétence de la Cour, qui est hautement qualifiée pour le faire.
Il ne s’agit pas ici de retirer à cette Assemblée les pouvoirs qu’elle détient conformément à l’alinéa 23 de l’article 1 de la Convention de Londres. Il s’agit de dire qu’il n’entre pas dans nos attributions de faire ces définitions générales, mais que cela relève des compétences de la Cour.
LE PRÉSIDENT* - La parole est à M. Strässer, contre l’amendement.
M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur* - J’ai été mandaté pour rédiger ce rapport et cette résolution. Il est bien sûr possible de retirer le mandat qui m’a été donné, comme vous y invite M. Conde, mais je vous demande de repousser son amendement, car c’est bien pour définir ce genre de concepts que vous avez été élus.
LE PRÉSIDENT* - Quel est l’avis de la commission ?
M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* - La commission s’est déclarée favorable à l’amendement par 30 voix contre 28.
LE PRÉSIDENT* - Je mets aux voix l’amendement…
Je constate que le résultat du scrutin est de 89 voix pour l’amendement, 89 voix contre et 5 abstentions. Aux termes du Règlement, l’amendement n’est pas adopté.
Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13011, tel qu’il a été amendé.
Le projet de résolution, amendé, est adopté (100 voix pour, 64 voix contre et 12 abstentions)
M. Kox, Vice-Président, remplace M. Walter au fauteuil présidentiel
3. Les droits de l’homme et la politique étrangère
LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle enfin la présentation et la discussion du rapport de M. Pietro Marcenaro, au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, sur « les droits de l’homme et la politique étrangère » (Doc. 13020).
Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.
Nous devrons en avoir terminé avec l’examen du projet de résolution et du projet de recommandation, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 heures 50, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.
Vous avez la parole.
M. MARCENARO (Italie), rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie.* –Monsieur le Président, mes chers collègues, après le résultat du vote qui vient d’intervenir, nous sommes tous émus.
Mon rapport examine les relations existant entre les droits de l’homme et la politique étrangère. Il tend à trouver un équilibre plus avancé entre principes et réalisme politique. Nous partons d’une prémisse : peut-être assistons-nous à la fin d’une longue phase de politique internationale qui a caractérisé la décennie achevée, après les événements dramatiques du 11-Septembre. Peut-être que l’annonce du retrait des troupes d’Afghanistan signale l’ouverture d’une nouvelle phase pour la communauté internationale. Peut-être n’est-il pas inutile, avec toute la modestie qui convient puisque nous avons conscience de nos forces, d’essayer de contribuer à cette nouvelle phase qui s’ouvre. Nous devons et nous voulons le faire sur la base de nos compétences, l’affirmation des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit.
Au cours de l’année écoulée nous avons constaté que les choses peuvent bouger. Il existe des potentiels, on l’a vu à l’occasion du Printemps arabe. Je sais qu’il existe une lutte ouverte et que l’issue des différents événements en cours n’est guère écrite. Malgré tout, au cours des dernières décennies, la démocratie et les droits de l’homme ont fait des progrès. Cette discussion d’aujourd’hui ne s’inscrit pas dans un désert. Pour cette raison, elle peut être importante et utile. Car elle nous permet de proposer d’autres pas en avant.
Nous connaissons tous les domaines où la situation n’est pas encore satisfaisante. Nous savons aussi que le Conseil de l’Europe a apporté sa contribution aux progrès réalisés. Voilà pourquoi nous pouvons aujourd’hui, selon moi et selon le rapport que nous présentons, essayer de mettre en place un équilibre plus mûr, plus avancé en reconnaissant qu’il existe cette contradiction, ce conflit entre les principes et la politique étrangère. N’essayons pas de gommer la Realpolitik, cela ne reviendrait qu’à créer une véritable distorsion plus grave encore entre les principes et les faits. Nous devons savoir où nous nous situons et essayer de rechercher cet équilibre plus avancé.
Au cours des dernières années, la question des droits de l’homme s’est souvent présentée comme une urgence humanitaire que je résume dans un concept : le dilemme de Srebrenica. Je parle à un président néerlandais, n’est pas Monsieur le Président ? Il faut choisir entre le recours à la force des armes ou l’indignité et le déshonneur. C’était cela le drame de Srebrenica.
Comment peut-on aborder ce problème ? Comment éviter cette situation, en faisant en sorte que la politique des droits de l’homme ne soit pas découverte seulement quand il s’agit d’une urgence humanitaire qui ne laisse pratiquement plus d’espace à l’action politique ? Ce point me semble extrêmement important : faire des droits de l’homme un choix à moyen terme, à long terme, en faire un élément structurel de nos politiques étrangères, un outil permettant de prévenir et de mettre en place les conditions pour aller dans une nouvelle direction.
Je voudrais que les droits de l’homme soient un élément structurel permanent de la politique étrangère, en particulier de l’Europe constituée de 47 pays dont les 27 de l’Union européenne qui doit également jouer son rôle.
Tout cela nécessite une discussion. Si nous voulons que les droits de l’homme soient véritablement universels, nous devons également regarder la partie du monde ne parlant pas le même langage que nous. Doivent être considérés comme universels non seulement les droits politiques mais aussi les droits sociaux ; c’est important si l’on veut défendre le principe de l’universalité mais aussi de l’indivisibilité des droits de l’homme.
Tout cela nous conduit à une réflexion que nous essayons de développer dans le cadre limité du rapport. Nous sommes convaincus que la démocratie, bien pour lequel nous nous battons, n’est pas exportable. Ce bien doit se construire dans les différents pays. Il faut se souvenir que les défenseurs des droits de l’homme ne sont pas simplement des personnes à protéger mais aussi à écouter, à consulter. Notre politique envers l’Iran doit inclure un dialogue avec cette vaste opposition démocratique qui a peut-être quelque chose à dire. Nous devons la consulter, l’entendre, l’écouter, sans quoi les droits de l’homme seraient un simple produit d’exportation alors qu’ils doivent être une aide inscrite dans un cadre structurel pour tous ceux qui se battent.
Il faut dire non au double standard, aux deux poids, deux mesures trop souvent présents dans les droits de l’homme. Il faut appliquer chez nous les principes dont nous parlons, sans quoi nous ne serons plus crédibles. Il est indispensable de coopérer.
Sur un ton un peu léger j’ai déclaré à Helsinki : pour parler avec la Chine il faut avoir du poids. Ni la France, ni l’Italie, ni un autre pays d’Europe ne l’ont. Peut-être que l’Europe, si elle avançait autrement qu’en ordre dispersé, si elle s’efforçait de développer des politiques communes, aurait plus de poids pour discuter avec des grands pays. Sur ce plan le problème est sérieux.
J’ajoute qu’il se passe quelque chose de nouveau dans l’Union européenne. Le nouveau service diplomatique dont l’Union s’est dotée nous adresse des signaux dignes d’attention. La nomination d’un représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme s’est accompagnée de l’établissement d’un document dont le Parlement européen discute et qui concerne une nouvelle stratégie pour la politique étrangère de l’Union. Tout cela est important et prometteur.
Par ce rapport, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit lancer à l’Union européenne un appel à une coopération plus étroite. Nous ne pouvons nous permettre des conflits de compétence purement bureaucratiques. Nous devons saisir la possibilité qui s’offre à nous, car, sur ce terrain, le Conseil de l'Europe dispose d’une compétence et d’une expérience très utiles. L’adoption du rapport nous permettra de poursuivre le dialogue avec les commissions des affaires étrangères et des droits de l’homme du Parlement européen et avec leurs homologues des différents pays afin de mieux coordonner notre action.
LE PRÉSIDENT* – Monsieur Marcenaro, il vous restera trois minutes pour répondre aux orateurs.
Dans la discussion générale, la parole est à Lord Anderson, au nom du Groupe socialiste.
Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je suis très heureux d’être le premier à féliciter le rapporteur. Je lui sais gré de son réalisme : il faut en effet concilier les droits de l’homme et les intérêts nationaux. Notre mandat d’élus inclut le sens du compromis, la capacité à saisir l’occasion de progresser autant que possible lorsqu’elle se présente, la disposition à coopérer avec nos partenaires et l’assurance que nous, membres du Conseil, pouvons faire la différence lorsqu’il s’agit de promouvoir les valeurs universelles, et non simplement européennes.
Notre Assemblée doit avoir conscience du fait que le contexte a changé. Le pouvoir s’est déplacé de l’Ouest vers l’Est et les nouvelles puissances sont meilleures lorsqu’il s’agit de défendre la souveraineté nationale qu’en matière de droits de l’homme. J’en veux pour preuve la manière dont la Chine évite la conditionnalité des échanges commerciaux et les conflits autour du Sri Lanka. En outre, les instruments à notre disposition se raréfient en période d’austérité.
Ensuite, il faut proscrire le « deux poids, deux mesures » : nous devons faire preuve d’une plus grande solidarité. Voyez l’isolement du Danemark au moment de l’affaire des caricatures. Les droits de l’homme doivent être universellement respectés : la torture est la torture, où qu’elle soit pratiquée.
Enfin, le rapporteur le reconnaît par son nouvel amendement, nous devons prendre garde à la poutre qui est dans notre œil avant de montrer la paille dans l’œil de l’autre. Nous avons une sphère d’influence, mais nous devons d’abord penser à notre propre famille et appliquer à nos 47 Etats membres les normes les plus élevées. Nous devons coopérer avec la Cour, le Commissaire aux droits de l’homme, la Commission de Venise, les organisations non gouvernementales. Nous devons apporter notre assistance à l’observation d’élections et raviver le Partenariat pour la démocratie. Surtout, nous devons être crédibles auprès des autres pays. Voilà pourquoi nous devrions commencer par nous sonder nous-mêmes.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Hanson, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
M. HANSON (Estonie)* – Je remercie M. Marcenaro pour son rapport très intéressant. Il aborde des points dont l’Assemblée parlementaire traite depuis longtemps, nous rappelant que les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit méritent que l’on remette sans cesse l’ouvrage sur le métier.
La diplomatie et la politique étrangère ont pour but de protéger les intérêts nationaux. Les relations économiques entre Etats, de plus en plus importantes, surtout en ce qui concerne l’énergie, priment sur la sécurité et sur les droits de l’homme. Comme le rapporteur le dit dans son projet de résolution, il faut néanmoins trouver un compromis satisfaisant entre ces intérêts et les droits de l’homme, ce qui est parfois difficile quand la politique étrangère devient Realpolitik. Ne nous dérobons donc pas au reproche du « deux poids, deux mesures ». Le rapport rappelle aussi le décalage, fréquent dans nos pays, entre les intentions et la réalité, qui compromet notre crédibilité et nos chances d’atteindre notre objectif. Là encore, il faut éviter le « deux poids, deux mesures ».
Je suis d’accord avec le rapporteur pour considérer que la démocratie se nourrit de soutiens internes, venus de la société civile. Par ailleurs, sa proposition sur l’usage de la clause de conditionnalité dans tous les accords bilatéraux pourrait donner naissance à un outil efficace de promotion des droits de l’homme en politique étrangère.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Leigh, au nom du Groupe démocrate européen.
M. LEIGH (Royaume-Uni)* – Si Lord Anderson ne l’avait pas fait avant moi, j’aurais commencé par évoquer la parabole de la paille et de la poutre. Bien que Lord Anderson soit socialiste et que je sois conservateur, je suis en grande partie d’accord avec ce qu’il a dit.
Le rapport de M. Marcenaro est un très bon rapport et aucun de nous ne pourrait véritablement s’y opposer. Toutefois, pour cette raison même, le paragraphe 7.12 me paraît présenter un risque. Il s’agit d’« exercer des pressions politiques » sur les gouvernements dont nous considérons qu’ils violent les droits de l’homme. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Et à quoi bon rédiger ce type de texte si nous ne savons pas exactement ce qu’ils veulent dire ? Quel genre de pression sommes-nous disposés à exercer ? S’agit-il de recourir à la force ?
Nous sommes tous conscients des risques de l’impérialisme libéral et des risques que constitue la tentation de s’ériger en juge absolu du comportement des autres. Nous l’avons vu avec l’invasion de l’Irak, nous l’avons vu en Libye. Ce type d’exigences risque de libérer des forces dangereuses et de déboucher sur des abus des droits de l’homme considérables, qui n’auraient pas existé avant. Alors, soyons conscients de nos propres limites et sachons que ce qui est approprié dans un pays ne l’est peut-être pas dans un autre. Un pays de nord de l’Europe n’est pas comparable à un pays tel que la Fédération de Russie. Ne donnons pas trop de leçons aux autres et soyons plutôt disposés à regarder nos propres défauts.
Le Royaume-Uni est une démocratie établie depuis longtemps, mais certains considèrent que la centralisation du pouvoir est une forme de violation des droits de l’homme. Alors, peut-être devrions-nous tous nous consacrer davantage à ce qui se passe dans nos propres pays.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Werner, au nom du Groupe de la gauche unitaire européenne.
Mme WERNER (Allemagne)* – Au nom de mon groupe, je voudrais remercier le rapporteur pour son travail, et je peux d’ores et déjà vous dire que nous voterons pour ce rapport sur les droits de l’homme et la politique étrangère. La résolution est assez générale, mais permettez-moi de souligner des points qui me semblent découler de son adoption pour notre activité politique.
D’abord, si nous voulons voir mieux défendus les droits de l’homme dans notre politique étrangère, nous ne pouvons pas appliquer le « deux poids, deux mesures », d’un côté, critiquer la situation de pays en matière de droits de l’homme et dire qu’il convient d’engager un dialogue avec ces pays quand, de l’autre, on fait passer les intérêts économiques avant les droits de l’homme. Pour ne donner qu’un exemple, la police allemande a formé les services secrets du Bélarus et fourni des caméras et autres instruments de surveillance et de contrôle, et nous parlons des droits de l’homme là-bas.
Ensuite, les droits de l’homme ne sont pas seulement les droits politiques, mais aussi les droits sociaux et culturels. Ceux-ci doivent être renforcés, à commencer par nos propres pays où l’on gagne beaucoup d’argent en exportant des armements. Le secteur militaro-industriel touche des milliards de subvention, alors que l’on dépense fort peu pour la lutte contre la pauvreté : à l’industrie militaire, le caviar, et aux pauvres, la soupe populaire !
De même, il n’est pas possible de voir de jeunes enfants obligés de travailler dans des champs de coton ou dans des mines d’or, y perdant leur innocence et leur enfance, pour que nous puissions acheter à bas coût des textiles ou autres produits. Il faut fixer des règles précises aux entreprises. Celles-ci doivent indiquer clairement, au regard de droits de l’homme, comment ont été produites les marchandises qu’elles importent et qu’elles vendent. Nous devons agir sur les entreprises pour qu’elles mettent fin à l’exploitation des enfants et à des conditions de production qui ne sont pas dignes. Les produits fabriqués dans ces conditions doivent être interdits de vente et d’importation en Europe.
Regardons aussi ce qui se passe en Europe où de jeunes filles sont enlevées et livrées à la prostitution. Nous devons nous opposer à ce trafic d’êtres humains par tous les moyens, en améliorant les conditions de vie de tous en Europe et en défendant mieux leurs droits de l’homme et leurs droits sociaux.
Mes chers collègues, l’acceptation de cette résolution doit aller au-delà des mots. Nous devons nous engager activement en faveur de la défense des droits de l’homme. Cela commence dans notre propre pays. Ce n’est qu’en donnant le bon exemple, en ne parlant pas un double langage et en étant critiques vis-à-vis de la situation des droits de l’homme dans nos propres pays que nous pourrons véritablement être pris au sérieux et demander aux autres de respecter, eux aussi, ces droits de l’homme.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Beneyto, au nom du Groupe du Parti populaire européen.
M. BENEYTO (Espagne)* – Je voudrais, comme les collègues qui m’ont précédé, féliciter le rapporteur pour son rapport très positif, qui s’attache à trouver un équilibre entre les principes et les valeurs, les valeurs et les intérêts, même si l’on a parfois l’impression que les droits de l’homme y sont davantage mis en valeur. Mais c’est tout à fait normal pour une assemblée telle que la nôtre.
Depuis 2001 et les événements intervenus ensuite, notamment le Printemps arabe, des progrès ont été réalisés en matière de droits de l’homme, qui sont cependant loin d’être une valeur universelle et doivent devenir un élément fondamental de notre politique étrangère.
Le rapport souligne à juste titre que l’intégration des droits de l’homme dans la politique étrangère peut aider à limiter les problèmes que nous rencontrons dans nos interventions humanitaires. Je pense notamment à la Syrie où l’aide humanitaire fonctionne, et fonctionnait avant que les diplomaties occidentales ne parlent des droits de l’homme. La marge de manœuvre qui se réduit de plus en plus nous oblige à une intervention communautaire. On l’a bien vu en Syrie. Il y a là une dialectique intéressante, qui est très bien abordée dans ce rapport. Nous devons d’abord nous servir de nos atouts auprès les pays qui nous sont proches pour faire progresser la cause des droits de l’homme. Appliquer des mécanismes de suivi à cette intégration majeure dans la politique étrangère est certainement une idée utile qu’il conviendrait de mettre en œuvre au Conseil de l’Europe.
L’appel à la coopération avec l’Union européenne, notamment autour d’un plan stratégique en matière de politique étrangère et de droits de l’homme, est une excellente idée. Notre rapporteur propose que nous nous réunissions avec nos homologues du Parlement européen et avec d’autres acteurs européens pour discuter de ces questions et approfondir le moyen de mieux prendre en compte la dimension de droits de l’homme dans la politique étrangère et dans la diplomatie européenne. Il y aura toujours des problèmes dans nos différents Etats mais, globalement, les droits de l’homme progressent de par le monde et le dialogue avec d’autres institutions que nous propose notre rapporteur me paraît tout à fait judicieux.
LE PRÉSIDENT – M. le rapporteur ne souhaitant pas répondre tout de suite aux porte-parole des groupes, la parole est à M. Fournier.
M. FOURNIER (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues,
Selon le philosophe français Raymond Aron, « la diplomatie d’une grande puissance ne peut être ni machiavélique ni purement angélique et ceci ni en parole ni en action. » Cette ambivalence se retrouve dans la plupart des politiques extérieures de nos Etats. L’avènement aux Etats-Unis d’une diplomatie des droits de l’homme, au milieu des années soixante-dix, sous l’impulsion de Jimmy Carter, venait avant tout masquer l’échec de la Realpolitik prônée au Vietnam. Cette nouvelle manière d’aborder les choses n’effaçait pas pour autant l’ancienne : la préservation des intérêts essentiels du pays guidait toujours l’action des diplomates.
Gardons-nous en effet de toute naïveté. Le diplomate cherche avant tout à gérer, atténuer et rendre supportables des différences entre son pays d’origine et celui dans lequel il exerce ses fonctions. Les droits de l’homme, au contraire, visent à l’universalité et ne peuvent tolérer un quelconque relativisme.
La fin de la guerre froide et l’émergence de nouvelles puissances ont contribué à renforcer cette ambiguïté entre la promotion des valeurs fondamentales, d’un côté, et, de l’autre, la consolidation de la sécurité des pays. La politique extérieure d’un Etat ne se confond plus intégralement avec celle de l’alliance à laquelle il appartient ; elle peut être fonction de ses intérêts immédiats dans telle ou telle partie du monde.
Dans le même temps, les opérations menées au nom des droits de l’homme ont pour la plupart échoué – que l’on songe notamment à l’incapacité de l’Afghanistan à s’affranchir des talibans –, avec en plus cette conséquence terrible que l’on voit la promotion des valeurs fondamentales associées à un messianisme de mauvais aloi. L’Irak est ainsi presque devenu un cas d’école. Mue par un double impératif – renforcer la sécurité mondiale en luttant contre la prolifération des armes de destruction massive et, dans le même temps, renverser une dictature –, l’action militaire a pris le tour d’une opération terrorisant la population, les soldats, hérauts des droits de l’homme, se transformant pour certains en d’horribles tortionnaires.
La promotion d’une diplomatie des droits de l’homme implique, à cet égard, une exemplarité qu’il est parfois difficile de mettre en œuvre. Les débats que nous avons au sein de notre Assemblée sur le respect par tel ou tel Etat membre des obligations induites par l’adhésion au Conseil de l’Europe viennent l’attester. Faute de cette exemplarité, toute politique étrangère des droits de l’homme pourra légitimement être accusée d’incarner une forme de néo-colonialisme, terriblement cynique.
Je comprends les motivations de notre excellent collègue Pietro Marcenaro et j’estime moi aussi qu’il est nécessaire de mettre tout en œuvre pour que la Realpolitik de nos gouvernements soit régulièrement contrebalancée par des actions efficaces en faveur des droits de l’homme.
LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bourzai.
Mme BOURZAI (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, l’intitulé de l’excellent rapport de Pietro Marcenaro pourrait ressembler à un vœu pieux, tant la défense des droits fondamentaux est à géométrie variable ou, passez-moi l’expression, à géographie variable, au sein des politiques extérieures de nos États membres.
Je conçois aisément que notre Organisation entende favoriser une approche conjointe, mais force est de constater, comme le démontre le cas syrien, que le principe d’une diplomatie morale est encore loin d’être effectif et qu’il est par ailleurs très difficile de dénoncer de façon unanime, au sein du Conseil de l’Europe, les exactions que peut subir une population, quand bien même l’évidence des atrocités ne serait plus à démontrer.
L’exemple du Kosovo me semble également pertinent. Notre Organisation, comme l’Union européenne, d’ailleurs, n’a pas de position unique sur le sujet. Le refus de reconnaître ce jeune pays fragilise, me semble-t-il, toute position du Conseil de l’Europe sur la région, un soin particulier étant mis à ne pas froisser les intérêts des uns et des autres.
Les divisions au sein même de notre propre Organisation fragilisent également la mise en œuvre d’une approche conjointe. Il suffit de rappeler un certain nombre de conflits latents sur notre continent – tels ceux existant entre la Russie et la Géorgie, entre Chypre et la Turquie ou encore entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan – pour conclure que toute approche commune pourrait être parasitée par ces oppositions.
Une fois passées ces remarques quelque peu désabusées, je souhaite revenir sur les avancées enregistrées par l’Union européenne en matière d’action extérieure, mais aussi, plus récemment, en ce qui concerne la défense des droits de l’homme. Je ne sais s’il convient de saluer, comme le propose la commission des affaires politiques et de la démocratie, le cadre stratégique et le plan d’action de l’Union européenne sur les droits de l’homme et la démocratie, tant ils semblent aller à rebours des intérêts de notre Organisation, complètement mésestimée par Bruxelles, pour ne pas dire ignorée. Qu’il paraît loin le temps où un mémorandum d’accord était signé entre nos deux organisations ! Il faut se rendre à l’évidence : la Commission et le Conseil européen tendent aujourd’hui à dupliquer tous nos organes.
L’Union européenne a ainsi ouvert une Agence européenne des droits fondamentaux, créé un Institut européen pour l’égalité des sexes, institué une Assemblée parlementaire multilatérale Euronest, qui réunit des pays qui dialoguent déjà au sein de notre Assemblée, et lancé un projet de Fonds européen pour la démocratie. Elle a enfin procédé à la nomination d’un Représentant spécial chargé des droits de l’Homme, dont la mission ressemble comme une sœur à celle du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, lequel, je le rappelle, était au cœur du dispositif de coopération prévu par le Mémorandum. Il serait d’ailleurs bon qu’il vienne nous dire où en est son évaluation.
C’est pourquoi je soutiens pleinement le souhait du rapporteur de mettre à profit le Mémorandum. Je souhaite que l’on aille rapidement plus loin, en faisant travailler ensemble le Commissaire aux droits de l’homme et le Haut représentant et en mutualisant nos moyens respectifs. Faute d’une telle association, et compte tenu de la faiblesse de nos moyens dans le contexte actuel, je ne donne pas cher de l’avenir à long terme de notre Organisation.
LE PRÉSIDENT* – M. Sidyakin, inscrit dans le débat, étant absent de l’hémicycle, la parole est maintenant à Mme Postanjyan.
Mme POSTANJYAN (Arménie)* – L’autocritique et l’innovation sont des approches nécessaires, y compris pour l’Europe, pour parvenir à respecter à la fois la politique étrangère conduite par les Etats et les droits de l’homme.
Je voudrais évoquer dans mon intervention la menace que représente l’Azerbaïdjan, en matière de droits de l’homme et de politique étrangère, pour un autre Etat membre du Conseil de l’Europe. Je me félicite de l’ouverture prochaine de l’aéroport de Stepanakert en République du Haut-Karabakh et j’en appelle à l’Assemblée parlementaire pour qu’elle prenne des mesures vis-à-vis des autorités d’Azerbaïdjan en vue de garantir qu’aucune action violente ne sera entreprise contre les avions qui y atterriront.
Combien de temps encore allons-nous accepter des dictateurs tels qu’Aliyev, dont les activités sont le symbole de l’impunité ? Si nous ne condamnons pas les menaces du gouvernement azerbaïdjanais d’abattre les avions civils passant par l’aéroport du Haut-Karabakh, elles deviendront peut-être une réalité.
Les ministres des affaires étrangères des pays membres du Conseil de l’Europe peuvent jouer un rôle important pour améliorer l’efficacité des efforts internationaux pour la promotion et la protection des droits de l’homme. La stabilité et le développement de la région ont besoin de votre soutien à l’ouverture de cet aéroport, qui sera un lien important avec l’extérieur pour la République du Haut-Karabakh, qui subit depuis 24 ans un blocus de la part de l’Azerbaïdjan. Ce pays, de la même façon, attaque régulièrement l’Arménie. L’aéroport de Stepanakert a été construit en 1974. Il a d’abord accueilli des vols entre Erevan et Bakou. Depuis 1992, il n’est plus utilisé.
Je réitère mon appel à mettre fin à la menace que constitue Aliyev, non seulement pour l’Arménie, mais aussi pour l’Azerbaïdjan, car les Azéris ne veulent pas la guerre. L’ouverture de l’aéroport témoigne d’une volonté de stabilité, de prospérité et de paix. Je félicite la République du Haut-Karabakh pour les travaux impressionnants qui ont été réalisés sur cet aéroport et qui en permettront la réouverture.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Zohrabyan.
Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Monsieur le Président, chers collègues, je considère le rapport de notre collègue M. Marcenaro comme l’un des plus importants de notre session. En effet, les stratégies de politique extérieure de certains pays membres du Conseil de l’Europe sont loin d’être démocratiques.
Je suis tout à fait d’accord avec l’observation du rapporteur selon laquelle, lorsque les stratégies de politique extérieure négligent sans cesse les problèmes des droits de l’homme et de la démocratie, on peut en arriver à une crise sérieuse. Bien sûr, il est difficile de ne pas suivre le rapporteur quand il considère que, souvent, les intérêts économiques sont au-dessus des droits de l’homme et des valeurs fondamentales de la démocratie.
Le rapport de notre collègue semble être la confirmation directe de l’accord conclu entre deux Etats membres du Conseil de l’Europe, la Hongrie et l’Azerbaïdjan, le 31 août. En raison de certains intérêts, que les officiels hongrois ne tiennent même pas secrets, la Hongrie a extradé vers l’Azerbaïdjan un assassin azerbaïdjanais condamné à l’emprisonnement à vie en Hongrie. Par cet accord honteux, l’Azerbaïdjan a prouvé encore une fois que les droits de l’homme ne valent rien dans la stratégie de sa politique extérieure.
Je comprends, bien sûr, qu'il ne soit probablement pas convenable de prononcer le nom de la Hongrie à côté de celui de l'Azerbaïdjan totalitaire, mais quand le Premier ministre de Hongrie, en réponse à la protestation du monde civilisé, y compris aux protestations dans son pays, annonce qu'il a agi correctement, en respectant profondément le peuple hongrois, j'émets de sérieuses réserves sur le système de valeurs qu’applique le pouvoir politique actuel de ce pays.
Oui, le rapporteur a raison de noter que les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent articuler la politique extérieure autour des principes universels des droits de l'homme. Cependant, demandons-nous de quels droits on parle dans un pays où le Président, d'après la Constitution, est un sultan, le héros national un assassin et où même le médiateur déclare que celui qui assassine les Arméniens doit être un exemple de patriotisme pour chaque Azéri.
Le rapporteur souligne que les Etats, dans le cadre de la stratégie de leur politique extérieure, disposent d’instruments importants comme les conventions et les traités internationaux. Je veux vous rappeler que c'est par l'interprétation arbitraire de la Convention de Strasbourg que la Hongrie a extradé l'assassin en Azerbaïdjan. Je partage l'opinion du Président de notre Assemblée, M. Mignon, qui a déclaré que les instruments juridiques du Conseil de l'Europe ne doivent pas être utilisés illicitement, de même que je suis d'accord avec le président du Parlement européen qui a signifié que l’on ne doit pas « recourir de manière abusive, à des fins politiques, aux conventions internationales ».
« Je rejette l'idée d'un monde où la morale se délite », a déclaré le Secrétaire Général de notre Organisation. Réfléchissons-y !
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. Díaz Tejera.
M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – M. Leigh et votre serviteur sont d’accord avec leur ami, M. Anderson, parce qu’il est un être exceptionnel. A cet égard, je voudrais reprendre l’expression qu’il a utilisée, à savoir « être crédible ». Et pour être crédible, le meilleur moyen est, selon moi, de donner l’exemple. Si un parlementaire déclare autre chose que ce que je pense, il n’est pas pour autant mon ennemi ; je ne pense pas qu’il est mal élevé parce qu’il ne partage pas mes idées ! Je ne l’accuserai pas non plus de défendre tel ou tel lobby. Il faut accepter l’autre et l’écouter. Nous ne sommes pas ici dans la dialectique « ami-ennemi » et nous ne nous déterminons pas sur tel ou tel sujet en fonction de ce que cela pourrait nous rapporter.
Si nous voulons être fermes dans notre lutte contre le crime organisé, nous devons l’être également contre le secret bancaire et contre les paradis fiscaux – et il y en a en Europe. M. Anderson a utilisé l’expression de double standard, à rapprocher de l’expression « deux poids deux mesures ». A l’occasion d’un débat récent, nous parlions d’un pays très puissant, nous l’évoquions en termes châtiés et très aimables alors que s’agissant d’un pays moins puissant nous avons utilisé à son encontre des termes bien plus durs. En toute situation, évitons de faire deux poids, deux mesures en traitant de manière différenciée deux pays, l’un puissant, l’autre faible. La meilleure façon de faire progresser nos idées est d’en parler en nous montrant pleinement citoyens. Etre citoyen c’est aussi être fier du travail que l’on mène au Conseil de l’Europe. S’affronter, se confronter ne sert à rien.
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. Nikoloski.
M. NIKOLOSKI (L’ex-République yougoslave de Macédoine)* – Je reprendrai là où M. Díaz Tejera s’est arrêté : le principe du deux poids deux mesures forme le cœur de la réflexion qu’ouvre ce document. Nous devons être très attentifs, car les membres du Conseil de l’Europe devront respecter ce document. Notre obligation vis-à-vis de nos concitoyens dans nos pays est l’un des grands objectifs de la démocratie au XXIe siècle. Il nous faut donc continuer à exhorter les pays membres du Conseil de l’Europe à respecter les textes qu’ils ont votés.
Je m’exprime souvent sur le respect des obligations de la Grèce, non pas seulement en raison de notre relation de voisinage, mais parce que je pense à la population du pays. La Grèce n’a pas ratifié le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme, ni la Charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires, ni la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, ni la Convention du Conseil de l’Europe sur les mesures contre la traite des humains, ni la Charte sociale européenne, ni non plus la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. La Grèce n’a pas davantage encouragé la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est un exemple de la manière dont certains pays membres de cette organisation ne respectent pas ce qu’ils encouragent à l’étranger ou dans le cadre de leur politique étrangère. C’est ce qui fait l’objet du rapport et c’est la raison pour laquelle j’y suis favorable.
Il n’existe pas de mécanismes directs pour garantir la mise en œuvre des documents adoptés au Conseil de l’Europe, mais nous ne devons jamais manquer d’ouvrir le débat sur la création d’un mécanisme qui permettrait d’assurer la mise en œuvre, la ratification et l’exécution de ces documents, sans quoi tout cela se résumera à de belles paroles sans aucune influence sur la vie de nos concitoyens. Si nous voulons faire partie d’une Europe, le lieu sans doute où l’on encourage le plus la démocratie dans le monde, nous devons traduire les paroles en actes, sinon la politique des deux poids, deux mesures continuera de s’appliquer dans nos pays comme à l’étranger.
LE PRÉSIDENT*– La parole est à M. McNamara.
McNAMARA (Irlande)* – Je félicite M. Marcenaro pour son rapport, pour le travail effectué, pour la résolution et l’appel aux Etats membres afin qu’ils fondent leur politique étrangère sur les principes des droits de l’homme, bien nécessaires à nos politiques de développement. Une telle approche, qui s’appuie sur les droits et non sur les besoins, est très souvent utilisée, en tout cas par la majorité des Etats membres. Une approche fondée sur les besoins a pour principal objet la création de services et répond à des besoins précis comme la construction d’hôpitaux, mais cela renforce l’idée selon laquelle les bénéficiaires sont des personnes passives et non pas des acteurs dans leur propre vie, des acteurs de leur communauté et de leur société.
Un groupe des droits de l’homme au Royaume-Uni a mené un certain nombre de projets au Malawi, au Bangladesh et au Pérou et comparé les projets fondés sur les droits de l’homme et ceux fondés sur les besoins. Il est arrivé à des conclusions très intéressantes.
Les études prouvent que les deux approches ont un impact sur la vie des gens, mais celle fondée sur les droits donne plus d’autonomie et est plus durable que l’autre. L’augmentation des connaissances et des compétences est plus importante que dans l’approche fondée sur les besoins.
Lorsqu’on travaille pour les droits des pauvres et les personnes marginalisées, on améliore le sens de la responsabilité de chacun ; la citoyenneté est redéfinie et la cohésion sociale renforcée.
La nécessité d’augmenter le savoir et le transfert des compétences apparaît très clairement dans les données récentes de la Banque de développement africaine qui montre que les exportateurs s’en sortent moins bien que les importateurs – les exportations de ressources naturelles de l’Afrique étant directement liées à l’augmentation de la pauvreté.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Varvitsiotis.
M. VARVITSIOTIS (Grèce)* – Je voudrais tout d’abord féliciter le rapporteur pour son travail et noter que toutes ces politiques individuelles qu’il propose contribuent à l’incorporation de la logique des droits de l’homme dans la politique extérieure. Cependant un danger demeure : celui des doubles mesures dans l’exercice de la politique extérieure. Et je ne partage pas son optimisme.
L’année a débuté par la démonstration de force de la part de la communauté internationale à l’encontre du régime de Kadhafi qui a abouti à la mort du dictateur et à un changement de régime.
Aujourd’hui, la situation est similaire en Syrie, mais ce pays n’est pas producteur de pétrole ! Al-Assad se comporte comme Kadhafi, mais son pays n’entretient pas de relations économiques intenses avec le reste du monde ! Il a créé une immense crise humanitaire et il n’est pas traité de la même manière par tous les pays membres du Conseil de l'Europe et par le Conseil de Sécurité de l’ONU. S’agissant des droits de l’homme, nous devrions lui imposer un cadre plus contraignant.
En général, comme l’a dit M. McNamara, la coordination de l’assistance humanitaire à l’égard des pays tiers doit être développée. Mais si nous ne faisons pas face à la crise humanitaire actuelle en Syrie, nous allons perdre une autre occasion de rendre justice aux citoyens que nous représentons.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Huseynov.
M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Chaque pays définit sa politique étrangère sur la base de ses intérêts. Dans ce cas, respecter le droit international semble une condition fondamentale, mais le droit et l’ordre internationaux exigent aussi le respect des droits de l’homme. Et il y a là parfois un antagonisme.
Il n’y a pas de relations diplomatiques entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. L’Azerbaïdjan, dont 20% du territoire est occupé, suit une politique concrète en matière de politique étrangère en ce qui concerne l’Arménie.
Sur le plan économique, l’Azerbaïdjan est l’un des pays importants de la région et il applique une politique d’isolement économique à l’égard de l’Arménie – que nous poursuivrons dans l’avenir. Nous ne souhaitons pas une solution militaire au conflit, alors que l’Arménie s’oppose au règlement de ce dernier par la voie des négociations.
En faisant près d’un million de réfugiés azerbaïdjanais et en niant leurs droits, l’Arménie a, en fait, violé les droits de ses propres citoyens. Elle a fait de toute une région, un territoire qui vit sous blocus depuis plus de vingt ans. L’Arménie devait bien se douter qu’on ne la remercierait pas pour cette situation. Le résultat est que des millions de personnes souffrent des deux côtés de la frontière.
L’Arménie viole les droits de ses propres citoyens, il est donc nécessaire, sur le plan international, de protéger la population arménienne, contre les autorités arméniennes elles-mêmes qui ont finalement occupé la nation arménienne aussi ! C’est un crime commis par ceux qui ne souhaitent pas rétablir l’équilibre entre la politique étrangère et les droits de l’homme en Arménie.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Monsieur Szabó.
M. SZABÓ (Hongrie)* – Je féliciterai tout d’abord le rapporteur pour son excellent travail.
Il est nécessaire que les Etats membres du Conseil de l'Europe appliquent les principes sur lesquels ils se sont engagés. Il est important que, dans la pratique quotidienne, ils prennent davantage en compte les expériences positives. À chaque Etat de respecter les droits de l’homme dans sa politique intérieure, ainsi il sera plus facile, en politique étrangère, de ne pas négliger les droits de l’homme au détriment des intérêts économiques.
La diplomatie parlementaire, les médias et les ONG ont un rôle très important, comme le rappelle le rapport. La Hongrie a beaucoup fait dans ce domaine au cours des dernières décennies. Entre 2009 et 2012, elle a été membre du Conseil des droits de l’homme. Elle continue aujourd’hui de travailler en faveur des droits de l’homme au niveau international et soutient le Forum des minorités des Nations Unies pour la promotion des droits des minorités nationales, religieuses et linguistiques, forum dirigé depuis 2011 par une Hongroise, Rita Izsák.
Malheureusement, depuis 2010, le gouvernement hongrois a limité les droits de l’homme en Hongrie et été critiqué à juste titre par la communauté internationale, ce qui n’a pas eu beaucoup d’influence. Récemment, il a pris une décision irresponsable du point de la politique étrangère. Un Azerbaïdjanais avait tué en 2004 à Budapest un Arménien. Il a été condamné à la prison à vie et emprisonné en Hongrie. Au mois d’août 2012, le gouvernement hongrois a remis ce prisonnier au gouvernement de l’Azerbaïdjan, sans avoir consulté ni l’Arménie, ni le Conseil de l’Europe. Or ce prisonnier s’est vu gracié dès son retour dans son pays.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Huovinen.
Mme HUOVINEN (Finlande)* – Je voudrais tout d’abord remercier M. Marcenaro pour son rapport, dont la commission a débattu lors d’une réunion récente à Helsinki. Je remercie tous les membres de la commission qui se sont rendus en Finlande. La délégation finlandais était honorée de les accueillir.
Ce rapport soulève un grand nombre de questions très importantes. Il est essentiel que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe comprennent la nécessité de placer la défense des droits de l’homme dans leurs priorités de politique étrangère. Certes, des normes et des pratiques communes sont nécessaires pour améliorer le respect des droits de l’homme dans le monde entier. Le rapporteur formule d’ailleurs des suggestions pratiques et concrètes : une plus large information, l’organisation de débats publics, mais aussi un suivi plus cohérent des questions relatives aux droits de l’homme.
En Finlande, notre gouvernement présente régulièrement au parlement un rapport sur la politique finlandaise en matière de droits de l’homme. Le ministère des Affaires étrangères possède un ambassadeur spécial pour les droits de l’homme et organise une fois par an, au mois de novembre, les journées Ahtisaari, qui visent à faire connaître les activités de médiation pour la paix. Ces journées accueillent des experts internationaux et proposent des manifestations grand public dans les écoles.
Les activités de notre organisation, le Conseil de l’Europe, sont essentielles. Dans les pays où la démocratie est respectée, où les citoyens sont libres de se réunir et d’exprimer leurs opinions, les confrontations violentes entre citoyens ou avec les autorités sont plus rares. Le respect de la démocratie est crucial pour préserver la paix et la stabilité sociale.
Malheureusement, la paix mondiale demeure une utopie. Nous devons débattre demain de la situation en Syrie. Les femmes et les enfants de ce pays sont durement éprouvés. Les possibilités d’intervention de la communauté internationale sont limitées, ce qui est difficile à vivre pour un grand nombre d’Européens. Nous devons, au Conseil de l’Europe, réfléchir aux moyens concrets de travailler plus efficacement dans le domaine de la politique étrangère.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Kanelli.
Mme KANELLI (Grèce)* – J’ai parfois l’impression, lorsque l’on évoque les droits de l’homme dans cette assemblée, que mon rôle est celui du contradicteur. Dans le monde actuel, les droits de l’homme ont un prix. Seul le marché est libre aujourd’hui, puisqu’une société comme Pricewaterhouse peut, à elle seule, décider du sort de nations entières ! Sommes-nous sincères lorsque nous parlons de diplomatie, alors que nous savons bien qu’il y a des Etats rapaces et des Etats appauvris ? De quoi parlons-nous quand nous parlons de diplomatie ? Du pétrole et de l’énergie ! Les droits de l’homme ont l’odeur du pétrole.
Nous acceptons l’idée de sociétés européennes off-shore, mais nous ne devrions pas accepter que nos citoyens et nos âmes soient également off-shore. C’est sur ces sujets que nous devons débattre et voter. Nous devons trouver les moyens concrets d’appliquer l’égalité dans le monde. Des millions de personnes se trouvent pris au piège de la guerre entre Apple et Samsung.
En tant que parlementaires, nous sommes payés par nos électeurs. Et pourtant, à la cafétéria du Conseil de l’Europe, nous payons notre café moins cher qu’ils ne le paient eux-mêmes dans le café du coin de la rue. Evitons l’hypocrisie, sauf à faire de l’Assemblée un lieu de débats stériles.
Vivre en direct la pendaison de Saddam Hussein, est-ce cela la démocratie ? Qu’en a tiré la diplomatie internationale ? L’assassinat des dictateurs ne peut excuser l’assassinat des foules. Nous devons être plus fermes et trouver les moyens de faire véritablement respecter les droits de l’homme.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Tilson.
M. TILSON (Canada, observateur)* – Le Canada est depuis longtemps engagé dans la protection des droits de l’homme, depuis qu’il a joué un rôle important dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Aujourd’hui, la promotion de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la prééminence du droit, restent des priorités fondamentales de la politique étrangère du Canada.
Le rapport souligne le défi fondamental de la politique étrangère aujourd’hui : comment réagir à la violation des droits de l’homme dans un pays lorsque d’autres considérations de politique étrangère sont en jeu ? L’une des manières dont le Canada relève ce défi est d’apporter un appui à des projets qui favorisent la démocratie dans certains pays prioritaires. Nous finançons des projets dans certains environnements restrictifs pour soutenir la société civile, l’indépendance des médias, les parlements, les partis politiques et les processus électoraux.
Cela permet de renforcer les capacités des citoyens à s’engager dans la vie publique et d’influer sur le processus de décision.
Le Canada encourage aussi au respect des droits de l’homme dans le cadre de ses relations bilatérales avec certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Par exemple, le Gouvernement canadien a saisi toutes les occasions qui s’offraient pour faire connaître les graves préoccupations suscitées par l’évolution négative de la démocratie en Ukraine. Le Canada est particulièrement préoccupé par l’arrestation et la détention, par le Gouvernement ukrainien, de plusieurs membres de haut rang de l’opposition, et en particulier par l’arrestation et le procès de Ioulia Timochenko, l’ancienne Premier ministre. Le Gouvernement canadien a soulevé cette question en s’adressant directement au Gouvernement ukrainien, en écrivant au Premier ministre et au ministre des affaires étrangères et il a évidemment produit des déclarations officielles à ce sujet.
En juillet 2012, le Secrétaire parlementaire du Canada aux Affaires étrangères s’est rendu en Ukraine pour assister au procès en appel de Mme Timochenko. Je suis heureux de vous faire part de ces initiatives importantes, qui reflètent des valeurs qui sont chères au Canada.
LE PRÉSIDENT* - La parole est à Mme Mogherini Rebesani.
Mme MOGHERINI REBESANI (Italie)* - Inclure les droits de l’homme dans la politique étrangère est dans l’intérêt national de nos pays, dans leur intérêt stratégique, économique et géopolitique. Mettre les droits de l’homme au cœur de la politique étrangère n’est donc pas qu’une question de bonnes intentions.
Comme cela figure dans le rapport, les droits de l’homme ne sont pas uniquement les droits politiques, mais aussi les droits sociaux, économiques, environnementaux. Ils sont aujourd’hui fréquemment menacés, et ce n’est pas bon pour notre politique étrangère, ni pour notre politique de sécurité, qui doit avant tout essayer de prévenir les conflits. Les interventions militaires ne sont pas toujours la seule solution possible, ils doivent constituer un ultime recours, la plus coûteuse en vies et en argent. Regardez ce qui se passe depuis 11 ans en Afghanistan ou ce qui se passe en Syrie. Rien n’est fait pour éviter la mort de femmes, d’enfants ou de bien d’autres personnes. Si défendre les droits de l’homme constitue un devoir moral, comment développer des stratégies à long terme pour protéger notre sécurité ainsi que celle de tous les habitants de la planète ? Je crois que la seule solution est de mettre les droits de l’homme au cœur de nos politiques étrangères.
Les droits de l’homme devraient également être au cœur de notre politique commerciale, en matière de réfugiés, et dans toutes les autres politiques afin d’assurer une véritable cohérence. Il ne suffit pas de placer les droits de l'homme au cœur de la politique étrangère ; même si cela constituerait déjà une avancée, elle ne serait pas suffisante. Il existe un lien étroit entre la politique intérieure et la politique étrangère, et les relations ne sont pas toujours très clairement définies. Nous devons les envisager globalement.
Enfin, je suis sensible à la remarque qui figure dans le rapport selon laquelle la démocratie doit se développer de l’intérieur et que nous devons appuyer les mouvements qui soutiennent les droits de l'homme, les ONG et la société civile. C’est la manière réaliste de procéder.
Ce rapport est extrêmement important. J’ai deux espoirs : que nous parvenions à mettre en œuvre les nombreuses mesures concrètes qu’il propose, cela nous ferait gagner en crédibilité et en cohérence ; et que nous parvenions à inscrire les droits de l'homme dans toutes nos politiques.
LE PRÉSIDENT* - M. Zourabian, inscrit dans le débat, n’étant pas présent dans l’hémicycle, la parole est maintenant à Mme Andersen.
Mme ANDERSEN (Norvège)* - Je suis entièrement d’accord avec notre collègue italienne : les droits de l’homme doivent être au cœur de toutes les politiques. Comme l’a dit mon collègue de la Grèce : « money talks », c’est l’argent qui parle. Si nous voulons protéger les droits de l'homme, il faut les inclure dans toute politique, mais aussi maîtriser les effets de l’économie et de l’argent dans une société. Nous avons entendu ce matin le Secrétaire général de l’OCDE nous dire que si nous avions su, il y a quelques années, sur quelle voie étaient engagées nos économies, nous aurions fait autre chose. Mais nous savions parfaitement que faute de contrôler les agissements des marchés financiers et du secteur bancaire, nous ne pourrions pas protéger les droits de l'homme.
Même avec la meilleure diplomatie du monde, nous ne pourrons pas protéger les droits de l'homme sans maîtriser les circuits de l’argent et la finance. Nous constatons aujourd’hui que beaucoup de gouvernements sont pris à revers par cette crise qui frappe durement les populations et porte atteinte à ses droits. Il faut donc inscrire les droits de l'homme dans les politiques commerciales.
J’ai beaucoup travaillé sur les stratégies de travail digne. Bénéficier de conditions de travail dignes sur le marché de l’emploi constitue un socle pour le développement des droits de l'homme. Mais l’Organisation internationale du travail n’a pas de moyens pour appliquer ce principe. Nous ne pouvons qu’en parler, et discuter des normes que nous souhaiterions, tandis qu’au sein de l’Organisation mondiale du commerce les outils existent, et si quelqu’un perturbe le libre-échange, il peut être sanctionné. Mais si l’on viole les droits des travailleurs, s’ils ne sont pas payés ou si l’on fait travailler des enfants ou commet d’autres actes gravement contraires aux droits de l'homme, nous n’avons pas de pouvoir de sanction. Cette valeur fondamentale doit donc être inscrite dans notre politique commerciale, et il faut chercher des outils au sein d’instruments internationaux.
La Norvège, vous le savez, est un pays capitaliste. Nous avons beaucoup d’argent, que nous investissons. Notre gouvernement s’efforce d’appliquer des règles éthiques pour ces investissements. Cela me semble important. Ces règles ne sont pas parfaites, mais il est indispensable d’essayer d’avoir des règles de ce genre. Tout investisseur se doit d’appliquer des normes éthiques.
LE PRÉSIDENT* - La parole est à Mme Giannakaki.
Mme GIANNAKAKI (Grèce)* - L’essentiel a été dit sur ce bon rapport, équilibré. Je saisis cette occasion pour féliciter le rapporteur, Pietro Marcenaro, qui ambitionne de placer les principes de la démocratie morale au cœur de la politique étrangère, et invite l’Union européenne à collaborer avec le Conseil de l’Europe afin de bénéficier de son expérience en matière de droits de l'homme.
La politique extérieure, en tant qu’art de la négociation et du dialogue, a pour noyau les droits de l'homme, de la vie et de la liberté. La protection et la promotion des droits de l'homme ne doivent jamais céder le pas à l’intérêt national et aux objectifs nationaux. Voilà le grand pari que les Etats membres doivent gagner afin d’apporter un équilibre entre l’intérêt national et le respect des droits de l’homme au niveau international.
Les régimes qui ne sont pas libres ne peuvent pas être nos interlocuteurs, même s’ils sont des partenaires stratégiques. Le danger de l’habitude de l’intolérance et du fascisme existe sur le continent européen. L’Union européenne a fait une priorité de la politique de bon voisinage depuis 2004, afin d’élargir les relations entre les Etats membres et leurs voisins. Le respect des droits de l'homme constitue l’un des critères de Copenhague. Les intérêts géostratégiques et économiques ne peuvent constituer le seul facteur déterminant des décisions en politique étrangère. Bien que les comparaisons soient difficiles, nous ne pouvons accepter de solutions différentes dans des cas similaires.
Le 15 novembre 2011, la commission des questions politiques et de la démocratie a réitéré le caractère universel des droits de l’homme et rappelé que le Conseil de l’Europe est le protecteur et le défenseur de ces droits. Cela doit continuer dans le cadre du dialogue interculturel. Le principe permanent de protection des droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit sont la pierre angulaire de cette organisation.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Lundgren.
Mme LUNDGREN (Suède)* – Nous sommes réunis pour parler d’un rapport très important. Nous savons tous que lorsque les droits de l’homme sont bafoués, ignorés, des soulèvements risquent d’être réprimés dans le sang. Nous savons aussi que des forces préconisent la violence. Au Conseil de l’Europe nous puisons dans notre expérience. Tout ce qui se passe dans le monde, c’est autant de signaux qui nous sont adressés. Si nous restions silencieux les choses empireraient. Nous avons un rôle de donneur d’alerte y compris pour la politique étrangère.
Dans chacun de nos pays nous avons cette responsabilité fondée sur la charte des Nations Unies, sur notre adhésion au Conseil de l’Europe. Nous devons tous défendre les droits de l’homme et non ceux des dirigeants contre leur peuple. Cette organisation est le résultat de nos enseignements. Nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour nous assurer que ça n’arrivera plus, que dans nos politiques étrangères nous tenons compte des droits de l’homme et que nous détectons les violations de ces droits. C’est l’avenir que nous espérons pour tous. J’espère que nous assumerons nos responsabilités où que nous soyons, dans cet hémicycle ou ailleurs, dans l’Union européenne ou aux Nations Unies.
Lorsque les Etats ne peuvent pas protéger les droits de l’homme, c’est à nous de réagir. J’espère que tous nos membres respecteront le droit international et l’Etat de droit.
LE PRÉSIDENT* – M. Yatim inscrit dans le débat n’étant pas présent dans l’hémicycle, je donne maintenant la parole à M. Gaudi Nagy.
M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – J’adore le rapporteur qui croit vraiment que grâce à ce genre de rapport et à son projet de résolution, le système va changer. Faisons de notre mieux pour l’adopter, soulignons la nécessité de faire avancer les droits de l’homme dans la politique étrangère bien qu’elle soit l’œuvre des grands pays des Etats-Unis et d’Europe, mais n’oublions pas que dans la pratique quotidienne dominent les intérêts économiques et les grandes sociétés mondiales qui influencent les prises de décision.
N’oublions pas que tous les Etats membres qui appartiennent à l’Union européenne sont sous l’influence dominante de cette dernière. Nous ne pouvons pas prétendre être indépendants. Ce serait bien que tous les pays du Conseil de l’Europe soient libres de suivre leur propre voie au niveau intergouvernemental et interparlementaire. Malheureusement, il n’en est rien. Il y a un Etat supranational, l’Union européenne.
Je suis d’accord avec un élément très important contenu dans le rapport. Si la politique étrangère néglige trop les droits de l’homme et ne se concentre que sur les intérêts stratégiques et géopolitiques, les interventions humanitaires deviennent de plus en plus urgentes. C’est ce que montre l’histoire récente en Europe centrale, dans les anciens pays communistes où l’héritage est lourd. Nous n’avons pas eu la chance de bien faire face aux nouvelles tâches qui nous attendaient. Voilà pourquoi nos pays ont été en quelque sorte colonisés sous prétexte de défendre les droits de l’homme, la liberté du marché etc.
Nous devons effectivement nous attacher à diffuser les droits de l’homme, mais les sociétés de niveau mondial doivent cesser d’influencer la politique européenne. Nous devons être maîtres de notre destin.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Ameur.
M. AMEUR (Maroc, partenaire pour la démocratie)* – La question des droits de l’homme dans les relations internationales de l’Europe est d’une extrême actualité étant donné les bouleversements qui affectent le monde en général et le voisinage de l’Europe en particulier.
Mon intervention porte sur la question des droits de l’homme dans les relations de l’Europe avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Aujourd’hui toute réflexion sur l’intégration des droits de l’homme dans la politique étrangère, ne doit pas oublier les enseignements de l’histoire récente. Il faut reconnaître que l’action de l’Europe dans ce domaine a été animée par une approche privilégiant les intérêts économiques et financiers au détriment des droits de l’homme avec un soutient très timide des forces qui luttaient contre le despotisme des régimes en place et les violations répétées des droits de l’homme.
Le prétexte avancé à l’époque était que seuls les régimes forts sont capables de contenir la progression de l’islamisme politique et d’assurer la stabilité nécessaire au développement économique.
Compte tenu de ce qui précède, il faut privilégier aujourd’hui une approche centrée sur le besoin de cohérence de la politique étrangère de l’Europe entre les objectifs de développement et des droits de l’homme d’une part, et les relations économiques, commerciales et d’investissement d’autre part. Beaucoup d’observateurs considèrent aujourd’hui que l’approche économique de l’Europe en direction des pays du Printemps arabe n’a pas beaucoup évolué. Alors que tout le monde s’accorde à dire que les principales menaces qui pèsent sur les révolutions arabes ne sont pas seulement la nature politique des régimes et le manque de démocratie, mais aussi et surtout, l’échec des modèles de développement et les politiques économiques et financières adoptées et mises en œuvre depuis plusieurs décennies.
Aujourd’hui ces pays qui ont accompli leur révolution politique, ont besoin d’une véritable révolution économique pour relever les défis liés à la double crise économique et sociale et son corollaire le chômage notamment des jeunes. C’est pourquoi, Monsieur le Président, la révision de l’approche économique dans les relations de l’Europe avec son voisinage me semble une nécessité.
L’approche doit être fondée sur un modèle qui donne la priorité au renforcement des capacités productives et à l’instauration de mécanismes de redistribution équitable.
Il s’agit également de développer la participation de la société civile à l’élaboration et au suivi des politiques ainsi qu’à la mise en œuvre des programmes adoptés par les institutions financières européennes en matière de droits de l’homme.
Enfin, la question des droits des migrants est au cœur de la politique des droits de l’homme en Europe. En la matière, l’Europe doit désormais promouvoir une approche globale et solidaire conciliant les impératifs de sécurité et de liberté de circulation des personnes ainsi que le renforcement de l’intégration et de la cohésion sociales.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme El Ouafi.
Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie)* – J’évoquerai les droits de l’homme et la démocratie dans le monde arabe.
Le Printemps arabe nous a offert un moment de démocratie et a permis la chute des régimes autoritaires, ce qui devrait mettre fin aux rapports inégaux entre l’Europe et le monde arabo-islamique, notamment le Maghreb. On s’est longtemps affronté autour de principes de sécurité géopolitique et d’intérêts économiques sans se soucier de garantir la démocratie, les droits de l’homme et la dignité des citoyens arabes. La démocratie, la liberté, la dignité imposent aux gouvernements européens de réexaminer ces relations conformément aux principes européens, qui ne sauraient être mis de côté dans cette affaire. L’histoire nous a en effet montré que les régimes qui sont tombés n’avaient eu d’autre souci que de défendre leurs intérêts. Or ceux qui interviennent dans cet hémicycle ont pour devoir de protéger les valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’homme. Les femmes, en particulier, doivent s’engager, car elles ont un rôle important à jouer, notamment pour nous mettre au contact de ce riche patrimoine de valeurs universelles, indissociable du patrimoine culturel de l’Europe et du monde entier.
LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Sabella.
M. SABELLA (Conseil national palestinien, partenaire pour la démocratie)* – Dans le monde d’aujourd’hui, les Etats ne peuvent pas prétendre épouser certaines valeurs puis appliquer une politique étrangère à géométrie variable, en fonction de leurs intérêts. Tenir cet engagement n’est pas facile, mais c’est un message adressé à des millions de personnes dans le monde entier, désormais en mesure de vérifier sur Internet la cohérence entre les déclarations des Etats et leurs actes sur la scène internationale.
Le sentiment d’injustice qu’éprouvent les Palestiniens s’explique souvent par la politique d’Etats qui exercent une grande influence, qui invoquent les droits de l’homme mais qui n’appliquent pas leurs principes à notre peuple. On récompense plutôt ceux qui se rendent coupables d’injustices et qui refusent à notre peuple l’application de ses droits. Ces injustices provoquent des émotions souvent destructrices et des actes inexcusables qui polarisent encore davantage les peuples et les Etats.
L’excellent rapport de M. Marcenaro le montre bien : nous devons faire preuve de cohérence et appliquer en matière de droits de l’homme un seul et même étalon où que ce soit, dût-il nous en coûter. Si nous parvenons à défendre inconditionnellement les droits de l’homme, nous parviendrons sans aucun doute à construire un monde plus juste et plus humain pour tous.
LE PRÉSIDENT* – M. Khader, inscrit dans le débat, ayant retiré sa demande d’intervention, la parole est maintenant à M. Ángulo Parra, dernier intervenant.
M. ÁNGULO PARRA (Mexique, observateur)* – Nous nous félicitons de pouvoir participer à ce débat comme membre observateur et d’avoir l’occasion de parler un peu du Mexique.
L’adoption du plan stratégique sur les droits de l’homme a favorisé la promotion des normes les plus élevées au niveau international, ces normes dont le Conseil de l’Europe est un expert mondial.
Lors des récentes élections fédérales au Mexique, le parti qui l’a emporté n’a obtenu de majorité dans aucune des deux chambres. C’est le parti qui avait occupé le pouvoir pendant 71 ans qui a repris les rênes du pays. La situation est très particulière puisque le parti sortant a obtenu un tiers des sièges, de même que le parti adverse, le dernier tiers se répartissant entre différents autres partis. Le Parti action nationale, qui quitte le pouvoir, deviendra la deuxième force politique le 1er décembre et la gauche, qui n’avait pas reconnu les résultats de l’élection présidentielle, devra conclure un arrangement avec le parti arrivé au pouvoir pour obtenir la majorité nécessaire. Tout cela résulte d’une réforme constitutionnelle voulue par le président Calderón. Nous avons 30 jours pour résoudre ces difficultés. Il faut également que les syndicats prennent d’importantes décisions en matière de liberté syndicale et dans le domaine économique.
La liberté syndicale est indispensable pour qu’un pays puisse se développer. Aujourd’hui, cela nous pose un problème que nous sommes en train de résoudre. Nous voulions en informer le Conseil de l’Europe pour le tenir au courant du développement économique de notre pays.
LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.
J’appelle la réplique de la commission.
Monsieur le rapporteur, il vous reste trois minutes. Vous avez la parole.
M. MARCENARO (Italie), rapporteur* – Je me limiterai à remercier tous mes collègues qui sont intervenus dans ce débat.
Je suis suffisamment âgé, Monsieur Gaudi Nagy, pour savoir que, dans la vie politique, il n’est d’accusation plus lourde que celle d’être naïf. Lorsque l’on entre dans une discussion de principe sur les droits de l’homme et la politique étrangère, domaine très chargé de Realpolitik, on encourt le reproche de naïveté, mais je préfère courir ce risque plutôt que de renoncer à m’attaquer au sujet.
Je ne pense pas qu’une résolution va changer le cours de l’histoire. Je ne me fais pas d’illusion et je suis suffisamment modeste quant à mes propres possibilités. Je cherche tout simplement à faire ce qui est mon devoir et à accomplir la tâche qui m’a été confiée lorsque l’on m’a demandé de rédiger un rapport sur ce sujet.
LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.
La commission des questions politiques et de la démocratie a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé et un projet de recommandation sur lequel un amendement et un sous-amendement oral ont également été déposés.
Nous allons tout d’abord examiner le projet de résolution.
Le président de la commission des questions politiques et de la démocratie demande l’application de l’article 33-11 du Règlement. L’amendement no 1 sur le projet de résolution a été adopté à l’unanimité par la commission.
En est-il bien ainsi, Monsieur le président ?
M. MARCENARO (Italie), rapporteur et président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.
LE PRÉSIDENT* – Il est ainsi rédigé :
L’amendement n° 1, déposé par MM. von Sydow, Gunnarsson, Mmes Ohlsson, Huovinen, M. Mogens Jensen, Mme Christoffersen et M. Saar tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 11 par le paragraphe suivant : « Elle prend acte également de l’adoption récente d’un Cadre stratégique et Plan d’action de l’Union européenne sur les droits de l’homme et la démocratie, qui désigne le Conseil de l'Europe comme un partenaire stratégique pour renforcer la cohérence des politiques, et y voit une occasion d’améliorer les synergies entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne ainsi que d’améliorer notablement l’efficacité des actions internationales visant à promouvoir et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier. »
Y a-t-il une objection à son adoption ?... Ce n’est pas le cas.
L’amendement no 1 est déclaré adopté définitivement.
Je mets aux voix le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13020, ainsi modifié.
Le projet de résolution, amendé, est adopté (38 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions).
LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant examiner le projet de recommandation.
L’amendement no 2 déposé par MM. Marcenaro, von Sydow, Gross, Lord Tomlinson et M. Toshev tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 3 par les paragraphes suivants : « L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres du Conseil de l'Europe à :
- s’efforcer d’assurer la cohérence entre les principes en matière de démocratie et de droits de l’homme qu’ils se sont engagés à respecter à l’échelon national et la gestion de leurs relations extérieures ainsi que de leurs stratégies de politique étrangère ;
- mettre en œuvre, s’ils ne l’ont pas encore fait, les recommandations figurant dans la Résolution… (2012), en ce qui concerne notamment les initiatives spécifiques de leurs ministères des Affaires étrangères et de leurs services diplomatiques ;
L’Assemblée souligne que la récente création du Service européen pour l’action extérieure représente une occasion unique, qu’il ne faudrait pas laisser passer, d’améliorer les relations entre les droits de l’homme et la politique étrangère. »
Sur cet amendement, la présidence a été saisie par M. Marcenaro du sous-amendement oral suivant : « A l’amendement no 2, ajouter les mots “plus grande” après les mots “s’efforcer d’assurer la” ».
Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.
Y a-t-il des objections à la prise en compte de ce sous-amendement oral ?... Ce n’est pas le cas.
La parole est à M. Marcenaro, pour le défendre.
M. MARCENARO (Italie), rapporteur et président de la commission* – Il est défendu.
LE PRÉSIDENT* – Personne ne souhaitant s’exprimer contre ce sous-amendement, je le mets aux voix.
Le sous-amendement oral est adopté.
LE PRÉSIDENT* – Nous en revenons à l’amendement no 2, ainsi sous-amendé.
L’avis de la commission est évidemment favorable.
Je le mets aux voix.
L’amendement no 2, modifié, est adopté.
LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13020, tel qu’il a été amendé.
Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.
Le projet de recommandation, amendé, est adopté (38 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).
LE PRÉSIDENT* – Je félicite le rapporteur. Je remercie également nos interprètes qui ont fait preuve de patience.
4. Prochaine séance publique
LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.
La séance est levée.
La séance est levée à 20 h 15.
SOMMAIRE
1. Discours de M. Nicolae Timofti, Président de la République de Moldova
Questions : M. Vareikis, Mmes Durrieu, Guţu, MM. Leonid Kalashnikov, Badea, Mme Christoffersen, MM. Gaudi Nagy, Petrenco, Kayatürk, Mogens Jensen, Schennach, Kox, Connarty
2. La définition de prisonnier politique
Présentation par M. Christoph Strässer du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13011)
Orateurs : MM. Conde, Marcenaro, Mmes Reps, Nikolaeva, M. Kox, Mme Postanjyan, MM. Rustamyan, Çavuşoğlu, Mmes Schuster, von Cramon-Taubadel, MM. Herkel, Michel, Knyshov, Vejkey, Hancock, Slutsky, Sobolev, Plotnikov, Rochebloine, Xuclà, Iwiński, Leonid Kalashnikov, Mme Christoffersen, MM. Agramunt, Schennach
Réponse de M. le rapporteur et de M. Chope, président de la commission des questions juridiques
Vote sur un projet de résolution amendé
3. Les droits de l’homme et la politique étrangère
Présentation par M. Pietro Marcenaro du rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie
Orateurs : Lord Anderson, MM. Hanson, Leigh Mme Werner, MM. Beneyto, Fournier, Mmes Bourzai, Postanjyan, Naira Zohrabyan, MM. Díaz Tejera, Nikoloski, Varvitsiotis, Huseynov, Szabó, Mmes Huovinen, Kanelli, M. Tilson, Mmes Mogherini Rebesani, Andersen, Giannakaki, Lundgren, M. Gaudi Nagy, M. Ameur, Mme El Ouafi, M. Sabella, M. Ángulo Parra
Réponse de M. le rapporteur
Vote sur un projet de résolution amendé
Vote sur un projet de recommandation amendé
4. Prochaine séance publique
ANNEXE
Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque
Francis AGIUS*
Pedro AGRAMUNT
Arben AHMETAJ/Kastriot Islami
Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*
Miloš ALIGRUDIĆ
José Antonio ALONSO*
Karin ANDERSEN
Donald ANDERSON
Florin Serghei ANGHEL*
Khadija ARIB*
Mörður ÁRNASON*
Francisco ASSIS*
Danielle AUROI*
Þuriður BACKMAN
Daniel BACQUELAINE*
Viorel Riceard BADEA
Pelin Gündeş BAKIR
Theodora BAKOYANNIS/Maria Giannakaki
Gérard BAPT/Bernard Fournier
Gerard BARCIA DUEDRA/Sílvia Eloïsa Bonet Perot
Doris BARNETT/Frank Schwabe
José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado
Deniz BAYKAL
Marieluise BECK
José María BENEYTO
Deborah BERGAMINI*
Robert BIEDROŃ
Grzegorz BIERECKI/Marek Borowski
Gülsün BİLGEHAN
Oksana BILOZIR
Brian BINLEY*
Ľuboš BLAHA
Jean-Marie BOCKEL
Eric BOCQUET*
Olena BONDARENKO
Olga BORZOVA
Mladen BOSIĆ/Ismeta Dervoz
António BRAGA
Anne BRASSEUR
Márton BRAUN*
Federico BRICOLO/Rossana Boldi
Ankie BROEKERS-KNOL
Piet DE BRUYN*
Patrizia BUGNANO/Paolo Corsini
André BUGNON/Luc Recordon
Natalia BURYKINA
Sylvia CANEL*
Mevlüt ÇAVUŞOĞLU
Mikael CEDERBRATT/Kerstin Lundgren
Otto CHALOUPKA
Vannino CHITI*
Christopher CHOPE
Lise CHRISTOFFERSEN
Desislav CHUKOLOV*
Lolita ČIGĀNE*
Boriss CILEVIČS
James CLAPPISON*
Deirdre CLUNE
Agustín CONDE
Igor CORMAN*
Telmo CORREIA*
Carlos COSTA NEVES*
Joseph DEBONO GRECH
Giovanna DEBONO*
Armand De DECKER*
Arcadio DÍAZ TEJERA
Peter van DIJK
Klaas DIJKHOFF*
Şaban DİŞLİ
Karl DONABAUER
Ioannis DRAGASAKIS*
Daphné DUMERY*
Alexander [The Earl of] DUNDEE*
Josette DURRIEU
Mikuláš DZURINDA
Diana ECCLES*
József ÉKES/Imre Vejkey
Tülin ERKAL KARA
Gianni FARINA
Relu FENECHIU*
Vyacheslav FETISOV
Doris FIALA/Eric Voruz
Daniela FILIPIOVÁ/Kateřina Konečná
Axel E. FISCHER
Jana FISCHEROVÁ
Gvozden Srećko FLEGO*
Paul FLYNN/Michael Connarty
Hans FRANKEN
Jean-Claude FRÉCON*
Erich Georg FRITZ
György FRUNDA
Giorgi GABASHVILI*
Alena GAJDŮŠKOVÁ/Dana Váhalová
Roger GALE
Jean-Charles GARDETTO*
Tamás GAUDI NAGY
Valeriu GHILETCHI
Paolo GIARETTA
Jean GLAVANY*
Michael GLOS*
Pavol GOGA
Obrad GOJKOVIĆ*
Jarosław GÓRCZYŃSKI
Svetlana GORYACHEVA/Alexey Knyshov
Martin GRAF
Sylvi GRAHAM/Ingjerd Schou
Andreas GROSS
Arlette GROSSKOST*
Dzhema GROZDANOVA
Attila GRUBER*
Antonio GUTIÉRREZ
Ana GUŢU
Carina HÄGG
Sabir HAJIYEV
Andrzej HALICKI
Mike HANCOCK
Margus HANSON
Davit HARUTYUNYAN/Zaruhi Postanjyan
Håkon HAUGLI
Norbert HAUPERT
Oliver HEALD/Edward Leigh
Alfred HEER
Olha HERASYM'YUK*
Andres HERKEL
Adam HOFMAN*
Serhiy HOLOVATY
Jim HOOD/Joe Benton
Joachim HÖRSTER
Arpine HOVHANNISYAN/Armen Rustamyan
Anette HÜBINGER
Andrej HUNKO
Susanna HUOVINEN
Ali HUSEYNLI/Aydin Abbasov
Rafael HUSEYNOV
Stanisław HUSKOWSKI*
Shpëtim IDRIZI
Igor IVANOVSKI
Tadeusz IWIŃSKI
Denis JACQUAT/André Schneider
Roman JAKIČ*
Ramón JÁUREGUI
Michael Aastrup JENSEN*
Mogens JENSEN
Mats JOHANSSON/Jonas Gunnarsson
Birkir Jón JÓNSSON
Čedomir JOVANOVIĆVesna Marjanović
Antti KAIKKONEN*
Ferenc KALMÁR
Božidar KALMETA*
Mariusz KAMIŃSKI*
Marietta KARAMANLI/Jean-Pierre Michel
Burhan KAYATÜRK
Bogdan KLICH*
Haluk KOÇ
Igor KOLMAN*
Alev KORUN/Sonja Ablinger
Tiny KOX
Marie KRARUP*
Borjana KRIŠTO*
Dmitry KRYVITSKY*
Václav KUBATA/Rom Kostřica
Dalia KUODYTĖ
Ertuğrul KÜRKÇÜ
Athina KYRIAKIDOU
Jean-Yves LE DÉAUT*
Igor LEBEDEV*
Harald LEIBRECHT/Viola Von Cramon-Taubadel
Terry LEYDEN
Inese LĪBIŅA-EGNERE*
Lone LOKLINDT*
François LONCLE*
Jean-Louis LORRAIN
George LOUKAIDES
Younal LOUTFI
Yuliya L'OVOCHKINA
Saša MAGAZINOVIĆ*
Philippe MAHOUX*
Gennaro MALGIERI*
Nicole MANZONE-SAQUET/Bernard Marquet
Pietro MARCENARO
Thierry MARIANI
Konstantinos MARKOPOULOS/Liana Kanelli
Milica MARKOVIĆ
Meritxell MATEU PI/ Josep Anton Bardina Pau
Pirkko MATTILA*
Frano MATUŠIĆ
Liliane MAURY PASQUIER
Michael McNAMARA
Sir Alan MEALE
Ermira MEHMETI DEVAJA/Imer Aliu
Ivan MELNIKOV/Leonid Kalashnikov
Nursuna MEMECAN
José MENDES BOTA
Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann
Dangutė MIKUTIENĖ/Egidijus Vareikis
Djordje MILIĆEVIĆ*
Akaki MINASHVILI*
Federica MOGHERINI REBESANI
Andrey MOLCHANOV/Svetlana Zhurova
Jerzy MONTAG
Patrick MORIAU
João Bosco MOTA AMARAL*
Arkadiusz MULARCZYK*
Alejandro MUÑOZ-ALONSO
Lydia MUTSCH
Philippe NACHBAR*
Oľga NACHTMANNOVÁ
Adrian NĂSTASE/Tudor Panţiru
Gebhard NEGELE
Aleksandar NENKOV/Irena Sokolova
Pasquale NESSA
Fritz NEUGEBAUER
Baroness Emma NICHOLSON/Charles Kennedy
Elena NIKOLAEVA
Aleksandar NIKOLOSKI
Carina OHLSSON
Joseph O'REILLY*
Sandra OSBORNE
Nadia OTTAVIANI*
Liliana PALIHOVICI
Dimitrios PAPADIMOULIS*
Eva PARERA
Ganira PASHAYEVA*
Lajla PERNASKA
Johannes PFLUG
Foteini PIPILI*
Alexander POCHINOK/Yury Solonin
Ivan POPESCU
Lisbeth Bech POULSEN/Nikolaj Villumsen
Marietta de POURBAIX-LUNDIN
Cezar Florin PREDA
Lord John PRESCOTT/Jim Dobbin
Jakob PRESEČNIK*
Radoslav PROCHÁZKA/Darina Gabániová
Gabino PUCHE/Jordi Xuclà
Alexey PUSHKOV*
Valeriy PYSARENKO
Valentina RADULOVIĆ-ŠĆEPANOVIĆ
Elżbieta RADZISZEWSKA*
Mailis REPS
Andrea RIGONI
François ROCHEBLOINE
Maria de Belém ROSEIRA/Ana Catarina Mendonça
René ROUQUET
Marlene RUPPRECHT
Ilir RUSMALI/Arenca Trashani
Volodymyr RYBAK/Oleksiy Plotnikov
Rovshan RZAYEV
Džavid ŠABOVIĆ*
Giacomo SANTINI
Giuseppe SARO
Kimmo SASI
Stefan SCHENNACH
Marina SCHUSTER
Urs SCHWALLER
Senad ŠEPIĆ*
Samad SEYIDOV*
Jim SHERIDAN
Mykola SHERSHUN*
Adalbi SHKHAGOVEV/Nadezda Gerasimova
Robert SHLEGEL/Alexander Sidyakin
Ladislav SKOPAL
Leonid SLUTSKY
Serhiy SOBOLEV
Maria STAVROSITU*
Arūnė STIRBLYTĖ
Yanaki STOILOV
Fiorenzo STOLFI
Christoph STRÄSSER
Karin STRENZ
Giacomo STUCCHI*
Valeriy SUDARENKOV
Björn von SYDOW
Petro SYMONENKO/Yevhen Marmazov
Vilmos SZABÓ
Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*
Chiora TAKTAKISHVILI*
Giorgi TARGAMADZÉ*
Romana TOMC*
Lord John E. TOMLINSON
Latchezar TOSHEV
Petré TSISKARISHVILI*
Mihai TUDOSE*
Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ
Tuğrul TÜRKEŞ*
Theodora TZAKRI
Tomáš ÚLEHLA*
Ilyas UMAKHANOV
Giuseppe VALENTINO*
Miltiadis VARVITSIOTIS
Ljubica VASIĆ*
Stefaan VERCAMER*
Anne-Mari VIROLAINEN
Luigi VITALI
Luca VOLONTÈ
Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco
Varujan VOSGANIAN*
Tanja VRBAT*
Klaas de VRIES
Nataša VUČKOVIĆ*
Piotr WACH
Johann WADEPHUL
Robert WALTER
Katrin WERNER
Renate WOHLWEND/Doris Frommelt
Karin S. WOLDSETH/Øyvind Vaksdal
Gisela WURM*
Karl ZELLER
Kostiantyn ZHEVAHO*
Emanuelis ZINGERIS*
Guennady ZIUGANOV/Anvar Makhmutov
Naira ZOHRABYAN
Levon ZOURABIAN
Siège vacant, Chypre*
Siège vacant, Espagne*
Siège vacant, Roumanie*
Siège vacant, Serbie*
Siège vacant, Serbie*
EGALEMENT PRÉSENTS
Représentants et Suppléants non autorisés à voter
Terence FLANAGAN
Eleni RAPTI
Konstantinos TRIANTAFYLLOS
Observateurs
Carlos Fernando ÁNGULO PARRA
Aldo GIORDANO
Hervé Pierre GUILLOT
Héctor LARIOS CÓRDOVA
David TILSON
Partenaires pour la démocratie
Ms Najat ALASTAL