FR12CR35

AS (2012) CR 35

 

Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2012

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-cinquième séance

Jeudi 4 octobre 2012 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition de commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition de trois commissions ont été publiées dans le document Commissions (2012) 07 Addendum 3.

Il s’agit de la commission des questions politiques et de la démocratie, de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, ainsi que de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

Il n’y a pas d’opposition à ces modifications ?...

Elles sont adoptées.

2. Déontologie des membres de l’Assemblée parlementaire : bonne pratique ou devoir ?

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Oliver Heald, présenté par M. Robert Walter, au nom de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, sur la « déontologie des membres de l’Assemblée parlementaire, bonne pratique ou devoir ? » (Doc.13000).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 16 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 16 h 20, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Monsieur Walter, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. WALTER (Royaume-Uni) rapporteur suppléant de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Monsieur le Président, mes chers collègues, ce rapport est le fruit du travail de M. Heald, mais ce dernier vient d’être nommé Procureur général par le Premier ministre et ses nouvelles fonctions l’empêchent d’être présent parmi nous.

Monsieur Heald a siégé au Comité des normes de la vie publique de la Chambre des Communes et, depuis 2008, il siège au Comité indépendant pour la protection de la vie privée. Il s’est donc toujours engagé pour la définition des normes les plus élevées en matière de protection de la vie privée.

Il ne saurait y avoir le moindre soupçon de corruption dans les décisions que nous prenons à l’Assemblée parlementaire. En juin 2011, M. Mignon et d’autres collègues ont estimé nécessaire d’élaborer un code de conduite, afin d’offrir aux parlementaires un cadre notamment en ce qui concerne les conflits d’intérêts, les offres de cadeaux ou d’hospitalité.

Les membres actuels se comportent-ils de façon moins éthique que les précédents ? Disposons-nous d’un indicateur fiable pour mesurer l’intégrité d’une personne ?

L’intérêt grandissant pour le sujet est dû au fait que les relations entre la classe politique et la population ont changé. Cette dernière veut en savoir davantage sur ses institutions et la façon dont les décisions sont prises. Certains scandales, ces dix dernières années, ont sapé la confiance dans les élus.

Par ailleurs, l’implication des lobbys dans les travaux de l’Assemblée, ces dernières années, est une réalité. Des gouvernements, des organisations politiques et même des individus engagent des lobbyistes pour promouvoir leurs intérêts.

Il y a une dizaine de jours, les présidents des parlements nationaux se sont réunis ici pour discuter des défis lancés à la démocratie. Ils se sont demandé comment améliorer la confiance dans les institutions parlementaires. En effet, des mécanismes doivent être mis en place pour regagner la confiance de l’opinion publique.

Tout parlementaire qui s’enrichit personnellement doit rendre compte de ses actes.

La rédaction d’un code de déontologie nous conduit à nous interroger sur l’existence ou non, au niveau européen, d’un consensus en la matière. Un pot de confiture ou une bouteille de vin offert à un parlementaire doit-il être considéré comme un cadeau ou un pot-de-vin ? Un parlementaire doit-il quitter son activité professionnelle après avoir été élu ou a-t-il le droit de concilier ses deux activités ? Il n’y a probablement pas de réponse unique à ces questions. Chaque pays dispose de ses propres conceptions. Néanmoins, ce projet de code de conduite vise à regrouper des principes universels, admissibles par chacun quels que soient son appartenance politique et son idéologie.

Ce document doit être une référence au regard du comportement attendu d’un parlementaire. Il traite des conflits d’intérêts, qui doivent être résolus dans l’intérêt des citoyens. Si ce n’est pas possible, alors il convient d’interdire certaines activités rémunérées visant à défendre des intérêts particuliers. Les cadeaux et les avantages en nature doivent par ailleurs être déclarés dès lors que leur valeur excède 200 euros, les parlementaires n’étant pas obligés de déclarer les petits cadeaux. Une disposition particulière prévoit que les anciens membres de groupes de lobbying doivent être traités de la même manière que les représentants d’autres groupes d’intérêts. La commission du Règlement s’est interrogée sur la nécessité d’une période de transition pour les anciens membres de lobbys et a jugé qu’elle n’était pas appropriée. Elle réexaminera la question en cas d’abus.

Le code de conduite donne au Président de l’Assemblée un rôle déterminant puisqu’il lui revient de décider de l’ouverture d’une enquête ou de sanctions éventuelles. Il peut également décider de rendre l’enquête publique ou de la traiter en interne. C’est également lui qui juge de la fiabilité des informations qui lui sont communiquées.

Selon une ONG, des parlementaires auraient reçu des cadeaux d’un Etat membre en échange de certaines faveurs. Le projet de résolution et le code de déontologie prévoient de modifier l’article 12 du Règlement en introduisant l’obligation pour les membres de l’Assemblée de respecter le code de déontologie dans l’exercice de leur fonction. En élaborant ce rapport, nous avons constaté qu’il était nécessaire de modifier les règles d’accès des lobbyistes et des représentants de groupes d’intérêts. Le rapport de la commission du Règlement offre aujourd’hui à l’Assemblée une excellente occasion de participer au travail important du GRECO sur la prévention de la corruption. Les recommandations du GRECO devront donc être examinées de près. En outre, les parlements nationaux sont invités à coopérer pleinement avec le GRECO dans le cadre de son 4e cycle d’évaluation.

Le code de déontologie n’est pas la panacée, mais il constitue un pas important et, pour cela, mérite d’être adopté par l’Assemblée. Je vous invite donc à voter le rapport. Ce serait un bel hommage que nous rendrions au rapporteur que j’ai eu l’honneur de remplacer aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT – Monsieur Walter, il vous restera quatre minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Harutyunyan, au nom du Groupe démocrate européen.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Le Groupe démocrate européen appuie pleinement ce rapport ; nous avons d’ailleurs signé la proposition qui lui est sous-jacente. Un code de conduite pour les membres de l’Assemblée est un instrument nécessaire compte tenu de l’existence de conflits d’intérêts, d’activités de lobbying et de leur impact sur le fonctionnement démocratique et la prise de décision politique.

De toute évidence, de simples déclarations de conflit d’intérêts ne constituent pas un mécanisme suffisant pour garantir à la transparence des activités des membres de l’Assemblée. Il est regrettable que certains d’entre eux dissimulent leur activité de lobbying. Celle-ci n’est révélée qu’une fois qu’ils quittent l’Assemblée. Un certain nombre de nos collègues deviennent alors immédiatement membres de groupes de lobbying. Il serait naïf de penser qu’ils n’étaient pas rémunérés pour servir leur cause lorsqu’ils siégeaient à l’Assemblée.

Tout en reconnaissant que le lobbying est légal et nécessaire au fonctionnement d’une démocratie, nous ne devons pas oublier qu’il s’agit d’une activité rémunérée. L’influence de groupes d’intérêts est compatible avec la démocratie mais elle peut déboucher sur la corruption politique et l’inégalité de la représentation. Nous devons donc nous souvenir que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n’est pas une organisation qui légifère, dans laquelle le lobbying pourrait constituer un instrument nécessaire pour promouvoir certains intérêts. L’Assemblée promeut les valeurs de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l’homme. La transparence est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la confiance dans l’institution. Quiconque se livre à une activité de lobbying ne peut respecter les principes de l’Organisation. En outre, les lobbyistes peuvent abuser des relations qu’ils ont nouées à l’Assemblée afin de s’enrichir.

L’Assemblée doit poursuivre sa réflexion et continuer à élaborer des mécanismes forts pour veiller à la transparence et à l’intégrité de l’Organisation. Le premier pas dans cette direction pourrait être la mise en place d’un registre des membres de lobbys et de mécanismes permettant de les identifier.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Villumsen, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – Je voudrais remercier le rapporteur, ainsi que M. Walter qui a présenté son rapport, pour ce travail très pertinent. Il est essentiel d’adopter un cadre transparent et cohérent pour clarifier les conflits d’intérêts, notamment en ce qui concerne les cadeaux, les gratifications et l’utilisation des bureaux.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne soutiendra ce rapport car nous sommes attachés à l’intégrité de cette assemblée. Nous ferons de notre mieux pour respecter les lignes directrices du rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Wach, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. WACH (Pologne)* - Chers collègues, je soutiens ce rapport, un outil important et nécessaire pour définir clairement le comportement que nous attendons des membres de l’Assemblée. Les premiers paragraphes de ce rapport précisent les raisons qui nous amènent à souhaiter un tel code de déontologie.

Sans entrer dans le détail, des critiques diffusées sur internet et d’autres moyens de communication de masse ont fait état de comportements inacceptables de la part de certains parlementaires. Même si ces informations n’étaient pas prouvées, elles portent atteinte à notre crédibilité. Des mesures pratiques ont d’ores et déjà été prises par la commission de suivi en ce qui concerne la sélection des rapporteurs pour les pays faisant l’objet d’un suivi, ainsi que pour la sélection des observateurs d’élections. Pour la transparence de nos processus décisionnels, il est préférable de disposer d’un code de déontologie indiquant sans ambiguïté où doit se situer la limite entre les intérêts privés et les intérêts des parlementaires.

L’Assemblée parlementaire et ses membres ne peuvent pas être tentés d’accepter des cadeaux de la part de groupes de pression. De plus, nous devons montrer au public que nous disposons de règles claires et une enquête doit être menée dans les cas les plus graves. Ce code de déontologie permet au Président de l’Assemblée de lancer une procédure d’examen et de demander l’aide de la commission du Règlement afin d’examiner les circonstances du mauvais comportement d’un membre et de faire une recommandation au Président de l’Assemblée.

Nous sommes satisfaits de ce rapport, et nous félicitons le rapporteur pour son travail. Nous apportons également notre soutien à l’annexe, à savoir le code de déontologie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gross, au nom du Groupe socialiste.

M. GROSS (Suisse)* - Le Groupe socialiste souhaite remercier M. Heald pour son rapport et par le travail approfondi qu’il a réalisé. Je remercie M. Walter et le prie d’exprimer à M. Heald, nouveau ministre, notre gratitude.

Nous avons besoin de ce code de conduite, et comme l’a dit M. Walter, nous devons tous être à la hauteur de la tâche. Cela est difficile pour certains, car nous n’avons pas toujours un tel code de conduite au sein de nos propres parlements. Nous sommes tous parfaitement honnêtes, mais cette différence peut créer des difficultés. Il faut peut-être envisager la possibilité de mettre en place dans tous nos pays ce dont disposent les Britanniques dans leur propre parlement.

M. Walter ne cesse de me répéter que l’on ne peut pas toujours structurer la réalité en imposant un certain nombre de codes, qu’il faut bien comprendre ce qui sous-tend cette réalité. Si l’on ne comprend pas l’esprit qui règne, il est bien difficile d’aboutir à un succès.

La question est donc très délicate, et il est aussi difficile de déceler les anomalies ou les comportements qui ne sont pas conformes à ce code de conduite. Il sera aussi difficile d’évoquer ces questions, car comment pourrait-on le faire sans porter préjudice à quiconque ?

A la lecture de ce document, je me rappelle de notre débat d’hier sur la définition des prisonniers politiques. Souvent, nous n’avons pas la même interprétation de notre rôle de parlementaires. Certains considèrent qu’ils doivent agir comme des délégués de leur gouvernement. Lorsque je fais circuler une proposition de résolution, certains me disent qu’ils doivent demander l’avis de leur gouvernement avant de la signer ! C’est un autre aspect dont nous devons tenir compte. Nous pourrions commencer par nous entendre sur le fait que les parlementaires sont des personnes autonomes qui ne représentent que leurs électeurs et non pas le pouvoir exécutif. Nous ne sommes pas ici les représentants de nos gouvernements ou des secrétaires d’Etat. Or cela interfère souvent avec notre action.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Christoffersen.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* - La solidité d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible. Dans notre Assemblée, il convient de veiller à ce que tous les maillons soient suffisamment résistants pour empêcher que la chaîne ne se brise. Notre mission consiste à promouvoir et protéger les droits humains. La clef, c’est la confiance du public. Nous dépendons de la confiance à tous les niveaux : des individus, des ONG, des médias, des gouvernements nationaux. Aucun d’entre nous ne devrait être soupçonné d’avoir des intentions cachées ou de promouvoir ses intérêts personnels. Sinon, nous risquons de mettre en jeu la crédibilité de notre travail en faveur des droits humains.

En conséquence, nous saluons ce code de conduite assorti d’exigences de conduite strictes. Il s’agit de bonnes pratiques portant sur notre mission fondamentale, notre cœur de métier. Un code écrit va augmenter notre conscience de l’éthique exigée de chacun d’entre nous, et relever le seuil de la tentation.

La corruption est une des plus grandes menaces pour la démocratie. Malheureusement, la corruption existe dans un nombre trop élevé d’Etats membres du Conseil. Comment veiller à ce que personne n’importe ces mauvaises habitudes dans notre Organisation ? Il est probablement impossible d’endiguer cela, mais à tout le moins, nous devons admettre que ce phénomène puisse se produire et il faut donc en réduire les possibilités de survenance.

Hier, nous avons parlé de diplomatie caviar. L’année dernière, nous avons reçu un mail dans lequel il était écrit qu’un régime autoritaire avait mouché la plus ancienne organisation européenne des droits de l’homme et transformé le suivi international des élections en cirque politique, obtenant le cachet de légitimité du Conseil de l’Europe et son adhésion.

Vrai ou faux, cela risque de mettre à mal l’image de notre Assemblée. Dès lors, des règles très claires sont nécessaires pour restaurer la confiance et nous protéger des accusations parfois non fondées.

Je soutiens le code de conduite pour les anciens membres de l’Assemblée qui font parfois du lobbying. C’est un sujet sensible sur lequel il convient d’être vigilant. Je soutiens ce qui est proposé s’agissant des cadeaux dépassant une certaine valeur.

J’ai une question à poser au rapporteur : est-ce qu’une simple déclaration orale est suffisante ? Ne vaudrait-il pas mieux reconnaître avoir lu et compris ce code, et y apposer notre signature ? La section 25 ne devrait-elle pas être déclarée rétroactive ? Si en signant nous affirmons n’avoir jamais reçu de tels pots-de-vin, alors le code de conduite couvrirait toute la période fonctionnelle de tous les membres actuels de cette Assemblée, et pas uniquement l’avenir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Čigāne.

Mme ČIGĀNE – (Lettonie)* – Il y a deux semaines, le Président, M. Mignon, a organisé une conférence des présidents des parlements du Conseil de l’Europe. De nombreux orateurs sont intervenus pour dire que cette assemblée était le berceau de la démocratie.

Avons-nous le comportement le plus exemplaire ? Dans un article récent, une journaliste de The Economist nous a décrits comme un groupe de réflexion adoptant des résolutions moralisatrices de peu de poids…

Hier nous avons eu un long débat sur la définition du prisonnier politique. Je suis ravie que l’assemblée ait adopté cette résolution. Si elle ne l’avait pas fait, nous serions devenus un simple groupe de réflexion et de discussion.

Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et dans les pays voisins, la société civile est pleine d’attentes à notre égard. A la commission des questions politiques, nous avons rencontré des représentants de la société civile du Bélarus. Nos activités sont très importantes pour eux.

Je rentre d’une mission d’observation des élections en Géorgie. Le parti au pouvoir et l’opposition ont suivi avec la plus grande attention notre façon d’observer leurs élections. Nous devons maintenir les normes les plus élevées dans notre comportement. C’est la raison pour laquelle ce code de déontologie est important.

LE PRÉSIDENT – Mme Pashayeva et M. Mendes Bota inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle. Je donne donc la parole à M. Bugnon.

M. BUGNON (Suisse) – Mes chers collègues pour que la démocratie fonctionne bien il faut un certain nombre de règles écrites et respectées : la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la liberté de parole, le fonctionnement des parlements multipartis.

Pour que la démocratie fonctionne, il faut surtout la confiance des populations, sinon personne n’est conscient du travail accompli. On entend trop souvent cet adage : « Faites comme je dis, mais pas comme je fais. » Il faut des règles de fonctionnement totalement respectées.

Il suffit d’un seul cas d’un politicien qui s’est mal comporté pour que l’opinion publique et les médias se jettent sur l’ensemble des politiciens en les décrivant comme corrompus et ne respectant pas les règles.

Un scandale vient d’éclater dans le sport ces jours derniers et c’est le monde sportif tout entier qui est éclaboussé. C’est terrible pour les jeunes qui croient dans la démocratie et dans le sport et qui découvrent que les règles ne sont pas respectées.

Le Conseil de l’Europe n’a pas attendu aujourd’hui pour se doter de règles déontologiques. Comme dans d’autres domaines, il faut savoir les mettre à jour régulièrement, il faut les adapter à l’évolution de la société et des moyens technologiques qui permettent d’exercer plus de pressions sur tel ou tel parlementaire. D’où le projet de résolution de la commission du Règlement que j’approuve totalement.

Dans mon pays, nous mettons à jour assez régulièrement les conditions de transparence et la déontologie. Il y a quatre ans, après l’adoption de nouvelles règles, certains parlementaires ont dû choisir entre certaines activités privées et leur rôle au parlement. Il y a aussi les déclarations d’intérêts, quand quelqu’un prend la parole sur un dossier dans lequel il est intéressé directement ou indirectement.

Les populations de nos pays doivent savoir que de telles règles existent et surtout qu’elles sont respectées. Ceux qui sont tentés de faire pression sur tel ou tel mandataire doivent savoir qu’ils entendent bien jouer leur rôle.

Je vous demande de suivre ce rapport. Je rappelle une déclaration d’Albert Schweitzer : « Il y a trois règles fondamentales dans la vie : l’exemple, l’exemple, l’exemple. » Montrons l’exemple Mesdames et Messieurs !

LE PRÉSIDENT – Cela pourrait être une belle conclusion !

M. Yatim inscrit dans le débat, n’étant pas présent dans l’hémicycle, je donne maintenant la parole à Mme Fraser.

Mme FRASER (Canada, Observateur) – Je félicite le rapporteur et tous ceux qui ont participé à ce travail qui est vraiment un excellent premier pas. Le code est clair, les principes sont judicieux. Il concerne des besoins très importants, voire essentiels.

Je suis d’autant plus impressionnée par ces propositions, que j’ai participé moi-même au Sénat du Canada à l’élaboration de notre code. Je sais que ce travail est complexe et délicat. A cet égard, même si chaque parlement est différent, j’ai pensé que cela vaudrait la peine de vous livrer quelques éléments de notre expérience. Je parle du Sénat, pas de la Chambre des communes qui a son propre système.

(Poursuivant en anglais) Beaucoup d’éléments de notre code ressemblent à ceux proposés ici. Je vais vous parler de trois critères différents.

D’abord, pour un bon fonctionnement, nous estimons que notre code ne peut être géré par l’administration du Sénat et par les dirigeants politiques. Bien au contraire, nous disposons d’un agent indépendant du Sénat qui vient de l’extérieur. Cela renforce son impartialité. Il conseille les sénateurs, gère le code de conduite et fait rapport au Sénat.

Ensuite, nos règles exigent de façon explicite que les sénateurs concernés par des conflits d’intérêts s’abstiennent de voter.

Enfin, nous exigeons la divulgation confidentielle de la nature mais pas de la valeur en dollars des revenus et du patrimoine, non seulement des sénateurs mais aussi de leurs conjoints. Les informations sont sur un site web. Cette règle a été très controversée. Les sénateurs craignaient que certaines de leurs affaires se retrouvent à la une des journaux. Ce n’est pas le cas. La publication a démontré qu’il n’y avait rien à cacher. Cela fonctionne très bien, accroît la démocratie et la confiance de l’opinion publique dans le Sénat. J’espère que votre code de déontologie aura le même effet.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, puisque nous avons pris un peu d’avance sur l’horaire prévu, je suis prêt à donner la parole à ceux d’entre vous qui souhaiteraient s’exprimer.

La parole à Sir Roger Gale.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Je félicite mes collègues pour ce travail indispensable. Il fera grandement progresser l’intégrité du Conseil de l’Europe. L’article 16-3 indique qu’il faut agir de façon à ne pas jeter le discrédit sur l’Assemblée ou ternir son image.

Le responsable de la prochaine mission d’observation des élections en Ukraine, qui s’est exprimé dans cette enceinte et qui m’entend, a accordé une interview à des journalistes ukrainiens sans le consentement de ses collègues, appelant à une nouvelle révolution et comparant l’Ukraine à la Russie. Cela met en cause notre travail avant même qu’il n’ait commencé, donc la nature même de cette mission si importante, et nous place dans une situation très délicate : il apparaît que l’un des membres au moins de la délégation s’est déjà fait son opinion. J’ai participé à de nombreuses missions d’observation d’élections, notamment en Géorgie, et beaucoup de pays accordent une grande importance à cette démarche.

Voilà qui, sans avoir aucun rapport avec l’argent, la corruption ou les cadeaux, compromet dangereusement la réputation du Conseil de l’Europe. Le Bureau, qui se réunit demain matin, a l’occasion de réagir sans tarder et d’envoyer un signal clair. J’espère qu’il la saisira. Je suis au regret de dire que le chef de la délégation devrait être remplacé.

LE PRÉSIDENT – Je transmettrai votre requête.

Personne d’autre ne demandant la parole, j’appelle la réplique de la commission.

Monsieur Walter, il vous reste quatre minutes. Vous avez la parole.

M. WALTER (Royaume-Uni), rapporteur suppléant* – Je remercie les intervenants. En ce qui concerne les lobbyistes, je mets en garde M. Harutyunyan : la politique est l’art du possible. Or votre proposition est inapplicable, car l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n’est pas une autorité souveraine ayant autorité sur les 47 Etats membres. Lorsque d’anciens membres de notre Assemblée font du lobbying ici, ils sont couverts par les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux lobbyistes extérieurs. Peut-être pourra-t-on revoir ce principe si le problème devient grave.

Je remercie M. Villumsen de son soutien, ainsi que M. Wach. Monsieur Wach, le présent rapport s’inscrit dans le droit-fil de la déclaration de la commission de suivi sur les conflits d’intérêts des rapporteurs.

M. Gross a eu raison d’insister sur la nécessité de respecter l’esprit du code, car en la matière, c’est souvent dans un cadre informel que l’on agit.

Madame Christoffersen a évoqué le pouvoir d’enquête lorsque l’on soupçonne une violation du code et de son esprit, avant d’en venir aux déclarations orales en début d’allocution. Au Parlement britannique, les choses sont claires : on déclare un intérêt, puis celui-ci est inscrit dans un document public auquel il suffit ensuite de renvoyer.

Madame Fraser a mentionné l’administration indépendante chargée de ces questions au Canada. Au Royaume-Uni, nous avons au Parlement une autorité responsable des normes, distincte du Parlement lui-même.

D’autres ont évoqué la confiance qu’inspire cette institution et qui est en effet essentielle.

Sir Roger Gale a passionnément défendu le paragraphe 16.3 du projet de résolution, qui rappelle qu’il faut éviter de jeter le discrédit sur l’Assemblée.

Au total, tous ceux qui se sont exprimés ont pris position en faveur du rapport. Je félicite Oliver Heald de son travail remarquable et je remercie chaleureusement le secrétariat de la commission. J’espère que l’Assemblée l’adoptera, si possible à l’unanimité, et sans amendement, pour les raisons que je viens d’exposer.

LE PRÉSIDENT – Le vice-président de la commission souhaite-t-il prendre la parole ?

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), vice-président de la commission du Règlement* – Volontiers, Monsieur le Président, car ce débat me passionne. Le rapport a suscité un accord très spontané et ses conclusions raisonnables ont été adoptées à l’unanimité, ce qui fondera leur légitimité et nous incitera encore davantage à les mettre en œuvre.

Dans de nombreux pays, la démocratie est en crise. La chasse aux sorcières dont les politiques sont victimes est en partie l’œuvre d’agents malfaisants qui se livrent à des actes de criminalité financière et qui mettent à profit leur carnet d’adresses pour discréditer l’action politique. En mettant en cause le système représentatif lui-même, cette démarche s’apparente au fascisme : c’est le fascisme du xxie siècle. Mais cette crise a aussi des racines parfaitement objectives : nous-mêmes, nous ne faisons pas toujours ce qu’il faut. Nous devons donc mettre la barre plus haut pour rendre son crédit à la politique et son prestige à l’Assemblée parlementaire. Il est essentiel de revaloriser le système parlementaire, sans lequel il ne peut y avoir ni démocratie ni politique digne de ce nom.

Je remercie M. Walter de son travail et je vous remercie tous de votre soutien. J’invite l’Assemblée à adopter ce rapport.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé.

Cet amendement no 1, présenté par M. Harutyunyan, Mmes Postanjyan, Zohrabyan, MM. Vahé, Hovhannisyan, Zourabian, Rustamyan, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 21, à insérer la phrase suivante : « Aucun ancien membre n’agira en tant que promoteur rémunéré d’intérêts pendant au moins cinq ans. »

La parole est à M. Harutyunyan, pour le soutenir.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Nous proposons que les anciens membres de l’Assemblée ne puissent défendre des intérêts contre rémunération pendant une période transitoire de cinq ans. Certaines personnes, notamment des anciens chefs de délégation ou présidents de commission, ont en effet été impliquées dans ce type d’activités. Si nous n’adoptons pas cette règle, nous risquons de mettre en péril l’essence même de cette Assemblée.

Malheureusement, la commission a repoussé cet amendement – par six voix contre cinq. Une période de transition figure pourtant dans notre recommandation de 2010 et, par souci de cohérence, l’Assemblée devrait suivre ses propres recommandations.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Walter, contre l’amendement.

M. WALTER (Royaume-Uni), rapporteur suppléant* – Je suis opposé à cet amendement. Les dispositions qu’il prévoit se retrouvent au paragraphe 37 de l’exposé des motifs. En fait, il serait impossible d’assurer le respect de telles dispositions. Cela aurait pu s’appliquer aux anciens membres lorsqu’ils étaient ici, physiquement, dans ce bâtiment ; nous aurions pu alors les exclure. Mais en ce qui concerne toutes leurs autres activités, cela serait impossible. Nous n’en avons pas la compétence. Il serait malheureux, à mon sens, de faire figurer dans la résolution une disposition que nous ne pouvons appliquer.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), vice-président de la commission* – Défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13000.

Le projet de résolution est adopté (65 voix, 0 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Hägg.

Mme HÄGG (Suède)* – Je voudrais préciser qu’hier, dans la discussion sur les amendements au projet de résolution relatif à la définition du prisonnier politique, j’ai voté par erreur en faveur de l’amendement no 2. Je souhaiterais que cette correction figure au procès-verbal.

LE PRÉSIDENT – Nous prenons acte de votre remarque.

3. Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant la présentation et la discussion du rapport de Mme Carmen Quintanilla, au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, sur « Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe » (Doc. 13010).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 5. Si nécessaire, nous interromprons la liste des orateurs vers 17 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Vous avez la parole.

Mme QUINTANILLA (Espagne), rapporteure de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – Mes chers collègues, le rapport et le projet de résolution que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui devant notre Assemblée ont fait l’objet d’un large débat au sein de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias. Ils sont le fruit d’un vaste travail d’enquête, d’information, d’analyse et de réflexion sur un sujet qui concerne des milliers de familles et de jeunes en Europe. Il s’agit, en fait, de garantir efficacement dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe le droit à choisir l’éducation de nos enfants.

Nous avons débattu de ce rapport qui s’inscrit dans le cadre de la défense des droits fondamentaux, qui est à la base de l’importante tâche entreprise depuis 63 ans par le Conseil de l’Europe. Je tiens à saluer le fait que ce travail a été engagé par une collègue espagnole, Mme Blanca Fernández-Capel Baños qui n’est plus membre de l’Assemblée parlementaire. Je voudrais remercier les collègues des différents groupes parlementaires qui m’ont grandement aidée à l’enrichir. Je salue tout particulièrement Mme Brasseur, que je remercie pour son aide. Je tiens aussi à remercier M. Connarty, qui a beaucoup travaillé sur cette question et m’a apporté son assistance dans l’élaboration du rapport, et M. Sannen qui m’a aidé à parvenir à des accords afin que ce rapport avance et recueille l’unanimité, car il s’agit d’éducation et de liberté, d’éducation pour l’avenir.

Le dialogue a été très fructueux. Un grand nombre des désaccords initiaux se fondaient sans doute sur des malentendus portant sur des points évoqués, comme la portée du droit examiné, l’apparente contradiction entre l’affirmation du droit à la liberté de choix éducatif, la protection d’autres droits fondamentaux et des intérêts publics, ou encore le rôle de l’Etat et sa marge de manœuvre dans la sauvegarde de ce droit.

Il est possible que ces malentendus tiennent au fait que le droit au libre choix éducatif est un droit peu connu et sujet à interprétations diverses. Pour certains, il s’agit d’un droit mineur, subsidiaire au droit à l’éducation. Mais il n’en est rien. La liberté de choix éducatif est intimement liée au droit à l’éducation et à la liberté de conscience et implique, le respect des parents quant à l’éducation et à l’enseignement qu’ils souhaitent pour leurs enfants, conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques ou laïques.

L’important est de leur donner la liberté de choisir.

Le droit à la liberté de choix éducatif s’inscrit dans le cadre du droit à l’éducation. Ce dernier est universellement reconnu puisqu’au travers de l’éducation, les êtres humains commencent à se réaliser, se construire depuis l’enfance pour jouer le rôle qui leur reviendra, demain, dans la société. Nous savons bien que les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain !

De plus, on ne saurait oublier que la Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit dans son article 26 que toute personne a droit à l’éducation, laquelle doit être gratuite, tout au moins s’agissant de l’enseignement élémentaire.

L’éducation doit aussi avoir pour objet le plein épanouissement de la personnalité humaine et le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les parents ont le droit de choisir le type d’éducation qu’ils souhaitent dispenser à leurs enfants. Ce lien entre la liberté de choix éducatif et le droit à l’éducation est également, vous le savez fort bien, repris de façon très claire à l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droit de l’homme. Cet article stipule très clairement : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

Pourtant, on a tendance à penser que ces droits entrent en conflit. Il n’en est rien, bien au contraire : le droit à l’éducation et le droit à la liberté de choix éducatif sont complémentaires. Cette idée est à l’origine de notre volonté de développer la liberté de choix éducatif dans tous nos Etats.

Il est tout à fait évident que, si ce droit à l’éducation n’existe pas, le droit à la liberté de choix n’a plus de sens. Ce document prend dûment en considération cette idée. De même, il vise à reconnaître de façon claire le rôle central et incontournable de l’Etat en la matière – c’est là d’ailleurs, en quelque sorte, la préface des recommandations contenues dans ce rapport.

L’étude comparative, qui se trouve en annexe du rapport et que j’ai réalisée avec la coopération des services des parlements des différents pays membres du Conseil de l’Europe montre que la liberté de choix éducatif est dûment reconnue dans le droit de 34 Etats, soit une grande majorité. Dans 28 d’entre eux, ce droit est inscrit dans la constitution.

Toutefois, il n’est pas encore suffisamment reconnu dans certains pays, d’où notre volonté, formulée dans cette proposition de résolution, d’encourager l’affirmation claire de ce droit, conformément d’ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut également, à cet égard, rappeler les trois principes fondamentaux que sont le fait de garantir le pluralisme dans le système éducatif, de protéger les droits des élèves mineurs et de veiller à la non-discrimination des élèves et de leur famille. La commission de la culture et de l’éducation l’a bien compris ainsi : nous avons approuvé ce texte et nous avons veillé à ce qu’il maintienne l’équilibre entre ces trois principes.

Pour la même raison, le projet de résolution recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe de préserver le rôle des autorités publiques dans le domaine de l’éducation et d’assurer la présence d’écoles publiques sur tout le territoire ; de veiller au principe de neutralité de l’Etat et de garantir le pluralisme dans le système national d’enseignement ; d’assurer la viabilité et la qualité des écoles publiques ; de faire en sorte que le droit d’ouvrir des écoles, au moins aux niveaux primaire et secondaire, soit reconnu par la loi ; de veiller à ce que ces établissements fassent partie du service public de l’éducation et de soumettre leur ouverture à des critères objectifs, équitables et non discriminatoires.

J’espère que le débat d’aujourd’hui se situera dans la même ligne que le débat en commission, c’est-à-dire qu’il sera fondé sur la volonté de nouer un dialogue constructif et de parvenir à un accord.

Le secrétariat de la commission a effectué un travail considérable ; je tiens à l’en féliciter aujourd’hui. Nous vivons aujourd’hui un moment très important : nous devons mettre à profit l’occasion d’approuver ce rapport tout en évitant tout conflit idéologique, car les éléments qui nous rassemblent sont plus nombreux que ceux qui nous divisent.

Il faut construire l’avenir de nos enfants. Il faut que, demain, dans les pays qui constituent le Conseil de l’Europe, l’éducation se fonde sur la liberté et sur les grands principes que nous défendons jour après jour, nous parlementaires, afin de construire un avenir de liberté pour nos jeunes. J’espère que c’est bien dans cette perspective que ce rapport sera compris et qu’il sera adopté par notre Assemblée parlementaire.

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, il vous restera trois minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole est Mme Andersen, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

Mme ANDERSEN (Norvège)* – Quel est, sur ce sujet, le besoin le plus important ? C’est sans aucun doute celui de se comprendre mutuellement. Il faut vivre ensemble, malgré nos différences, nos convictions religieuses ou nos origines ethniques.

Nous ne contestons nullement le droit des parents de choisir l’école que vont fréquenter leurs enfants. Cela dit, est-ce la question la plus importante à se poser sur l’éducation ? Nous pensons quant à nous qu’il faut développer de bonnes écoles publiques, pouvant accueillir les enfants de toute origine et quelle que soit leur religion. Voilà ce qui est important pour fonder la société. De ce point de vue, l’école participe de la construction de l’avenir, j’en conviens.

Si l’on souligne uniquement les différences qui existent entre nous, que se passera-t-il ? Vous allez avoir les catholiques dans leurs écoles, les athées dans les leurs et, pourquoi pas, les Pakistanais d’un côté et les Somaliens de l’autre ! Cela ne permet pas de fonder, où que ce soit, une société équilibrée.

Je me suis rendue dans les Balkans il y a quelques semaines avec certains de mes collègues. Malheureusement, en Bosnie et ailleurs, on est en train de faire ce que je dénonçais à l’instant : des écoles parallèles, dont certaines coexistent sous le même toit. On souligne l’ethnicité ou encore la différence de langue au lieu d’insister sur le vivre-ensemble.

Certes, le droit au choix éducatif existe, mais, en tant que parlementaires, nous avons un rôle plus important à jouer. En effet, il faut des écoles publiques de qualité qui puissent accueillir les jeunes de nos pays. C’est comme cela que tous les élèves pourront s’épanouir et qu’ils pourront cohabiter avec tous leurs petits camarades, quelles que soient leur origine, leur religion ou les convictions philosophiques de leurs parents – et ces écoles se doivent d’être laïques.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Ghiletchi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Au nom de mon groupe, je félicite Mme Quintanilla pour son rapport pertinent et sa présentation passionnée.

L’enseignement a pour objectif non seulement la formation intellectuelle, mais aussi la formation du caractère. En effet, une personne bien formée aura davantage de chances de trouver un emploi. De plus, l’avenir de tout Etat est étroitement lié à la qualité de l’enseignement offert à ses citoyens. C’est la raison pour laquelle l’enseignement joue un rôle central dans la promotion, le développement et le maintien d’un Etat démocratique.

L’une des missions fondamentales de la société démocratique est d’accorder la liberté à ses citoyens, ce qui signifie que l’Etat doit aussi octroyer ce droit dans le domaine de l’enseignement, tout en respectant les convictions philosophiques et religieuses des familles.

Je suis ravi que ce rapport reconnaisse des aspects importants comme le droit de choisir librement son école et le droit de créer des écoles publiques. Le libre choix de l’école permettra d’améliorer le système d’enseignement en encourageant la concurrence entre les écoles. Les écoles publiques obtiendront de meilleurs résultats en utilisant les ressources allouées car, pour être concurrentielles avec les écoles privées, elles devront améliorer la qualité de leurs services.

Le libre choix de l’école créera un marché caractérisé par la concurrence, l’esprit d’entreprise et l’innovation. Si nous souhaitons améliorer les normes en matière de formation, il faut rendre possible la concurrence, car l’absence de choix peut générer un manque d’innovation dans les concepts pédagogiques.

Les familles doivent pouvoir choisir une école répondant plus spécifiquement aux besoins de l’élève. Le système d’enseignement doit faire partie de l’économie de marché, mais dans certains pays le système d’enseignement est un monopole. Les systèmes scolaires de plusieurs Etats membres restent fondés sur un modèle centralisé, l’Etat conservant un monopole en matière d’éducation et n’offrant pas de libre choix aux familles. Or les parents doivent pouvoir retenir l’école de leur choix.

Il convient de mettre l’accent sur la participation des parents à la gestion des écoles, ces dernières restant responsables vis-à-vis des parents.

Je conclurai en citant Gustave Flaubert : « La vie doit être une éducation incessante ; il faut tout apprendre depuis parler jusqu’à mourir. »

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Connarty, au nom du Groupe socialiste.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Je me ferai l’écho de tous ceux qui font l’éloge de Mme Quintilla qui s’est révélée une ardente défenseure de son texte, en dépit de quelques désaccords et malgré les va-et-vient effectués par ce texte qui a été révisé à maintes reprises. Quoi qu’il en soit, tous les Etats membres ont apporté de larges contributions au cours des débats.

Il ne s’agit pas tant de savoir comment l’éducation est organisée dans nos pays, dans la mesure où elle est notamment fonction de la tradition et de l’histoire, mais de définir des principes qui nous unissent. A cette occasion, nous avons vu la diversité des solutions et la responsabilité qui pèse sur nos Etats en raison même de la Convention des Nations Unies et de l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

Les réponses des Etats ont souvent été novatrices, dans la limite toutefois des arrêts de 1968 et de 1987 de la Cour, qui disposent que les Etats n’ont pas l’obligation de subventionner une éducation d’un type quelconque. S’agissant d’établir une règle universelle, l’actuel arrêt de la Cour n’est pas acceptable. Des amendements ont donc été présentés quasiment jusqu’à l’ouverture du débat. Il ne faut pas considérer que nous invitons les Etats à soutenir une éducation privilégiée, mais en ces temps de rigueur, il apparaît nécessaire de fixer des dispositions de base et de trouver des moyens novateurs pour financer des écoles. En tout cas, il convient d’élargir l’interprétation de la Cour. C’est pourquoi nous soutenons les amendements nos 3 et 4, visant les alinéas 5-1 et 5-2 portant sur le financement.

Au moment où le gouvernement conservateur du Royaume-Uni s’oppose au subventionnement de certains types d’enseignement par l’Etat, nous pensons nécessaire de ne pas détourner des ressources pour subventionner des domaines privilégiés.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Comte, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. COMTE (Suisse) – Lorsqu’un libéral reçoit un rapport qui contient les termes « liberté de choix », il ne peut qu’avoir un a priori positif. D’une manière générale, l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe soutient le rapport présenté. C’est particulièrement le cas des chapitres 1 à 4 du projet de résolution, qui concernent notamment le droit de gérer des établissements d’enseignement privé et le droit pour ces établissements d’être intégrés dans le système national d’éducation pour autant qu’ils respectent un certain nombre de conditions objectives. C’est aussi l’obligation pour l’Etat de respecter les convictions religieuses des élèves et des parents. Dans toute la mesure du possible, le système national d’éducation doit faire en sorte que l’ensemble des enfants, quelles que soient leurs convictions, se sentent à l’aise dans l’école nationale.

Bien entendu, des limitations viennent contraindre cette liberté, car un système scolaire ne peut pas tenir compte de l’ensemble des souhaits de chaque élève. Il convient également de minimiser les conflits potentiels entre, d’une part, cette liberté de choix et, d’autre part, la conviction religieuse. Pour un grand nombre des enseignements dispensés à l’école, la question ne se pose pas. En mathématiques, un et un font deux, que l’on soit catholique, protestant, musulman, juif ou athée !

Si les chapitres 1 à 4 du projet de résolution n’ont pas soulevé de problèmes au sein de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, il en va un peu différemment du chapitre 5, relatif au financement des écoles privées, qui a suscité des interrogations, voire des inquiétudes.

Le rapport contient un certain nombre d’affirmations et de propositions qui vont à l’encontre de la pratique ou de la tradition de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe, ces traditions étant parfois le fruit de l’histoire. En France, par exemple, l’école républicaine a été mise sur pied à la suite des conflits qui ont opposé l’Etat et l’Eglise. Et il ne faudrait pas que cette liberté de choix soit l’occasion de réveiller de vieux démons ou de susciter de nouveaux débats au sein des Etats membres. Chaque Etat a su promouvoir un système d’éducation qui tienne compte de sa tradition, de son histoire, l’essentiel étant sa qualité.

Soulignons également que le système scolaire ne vise pas uniquement la transmission de savoirs, mais aussi de valeurs, tout en ayant en parallèle une fonction d’intégration. Il serait inquiétant que dans un pays les élèves soient séparés en fonction de leurs convictions religieuses, que toutes les écoles soient des écoles religieuses et que les enfants ne soient pas tous réunis au sein d’une école nationale. D’où la nécessité de préserver cette fonction d’intégration. Certes, dans certains pays, les écoles privées sont extrêmement développées et un tel système fonctionne – et tant mieux ! Mais peut-être ne faut-il pas pousser d’autres pays fondés sur d’autres systèmes à changer leur mode de fonctionnement.

L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe soutient le projet tel qu’il a été présenté par la commission. Nous aurons l’occasion de débattre des amendements nos 3 et 4 au projet de résolution qu’il nous paraît d’adopter.

LE PRÉSIDENT – M. Donaldson, qui devait s’exprimer au nom du Groupe démocrate européen, n’étant pas présent dans l’hémicycle, Madame la rapporteure, souhaitez-vous vous exprimer dès à présent ?

Mme QUINTILLANA (Espagne), rapporteure* - Non, Monsieur le Président, je répondrai globalement à la fin des interventions.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Phelan.

M. PHELAN (Irlande)* – Je me joins aux collègues qui ont félicité le rapporteur pour son travail et ses propositions.

Un collègue britannique socialiste a parlé de différence de terminologie et il est vrai que les écoles privées peuvent être différentes d’un pays à l’autre.

En Irlande, plus de 90% des écoles sont catholiques. Ce n’est pas viable à long terme. Je soutiens donc les efforts de notre ministre de l’Education, M. Quinn, qui mène actuellement une réflexion et une consultation des parents, notamment en vue de créer des écoles sans connotation religieuse.

Je soutiens pleinement les objectifs de ce rapport, les parents, quelle que soit leur religion, doivent pouvoir librement choisir l’école de leurs enfants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Voruz.

M. VORUZ (Suisse) – Le rapport qui nous est présenté est difficile à digérer. Certes, les appréciations peuvent diverger selon le pays d'où nous venons. Cependant, il est écrit dans le rapport : « les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent offrir un système d’éducation qui assure l’égalité des chances et une éducation de qualité pour tous les élèves, pour transmettre à la fois le savoir et les valeurs qui favorisent la promotion des droits fondamentaux et la citoyenneté démocratique ».

Cela veut dire que les constitutions et chartes fondamentales de nos Etats doivent garantir le droit à l’éducation pour toutes et tous, sans distinction sociale.

Pour ce faire, les Etats mettent à disposition des peuples les bases élémentaires, donc leur financement. L’éducation de base, donc la scolarité obligatoire, doit être gratuite et l’Etat, les régions, les communes mettent à disposition les infrastructures scolaires et le personnel qualifié. L’affaire se complique lorsqu’il est dit que les Etats doivent également garantir le droit fondamental à la liberté de choix éducatif. Sur ce point, il ne faut pas mélanger les genres. Je mets au niveau des libertés, la liberté du commerce ou celle de s’établir, tout comme la liberté de religion ou d’autres.

Ainsi, suivant les pays, on parle de ministères ou départements de l’éducation nationale ou de l’instruction publique, ce qui montre bien, qu'il s’agit d'un service public solide au service de tous.

Si nous suivions le rapport de la commission, les Etats seraient obligés de financer les écoles privées, ce qui paraît inacceptable. Les chances doivent être les mêmes pour tous les élèves. Or la gratuité garantit l’égalité des chances. Si des familles veulent mettre leurs enfants dans une école privée, alors qu’il existe des écoles publiques, libre à elles de le faire mais sans subvention de l’Etat !

Enfin il est proposé à notre Assemblée d’adopter une recommandation visant à demander aux Etats membres du Conseil de l'Europe de procéder rapidement aux analyses requises pour identifier les réformes de nature à garantir de manière effective le droit à la liberté du choix éducatif. Cela revient à obliger les Etats, régions et communes à financer les entreprises privées que sont les écoles privées. Je le répète, cela n’est pas acceptable. Je me réserve donc la possibilité de ne pas voter ce rapport, en fonction du sort qui sera réservé aux amendements.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Schou.

Mme SCHOU (Norvège)* – Je voudrais d’abord féliciter la rapporteure pour son examen approfondi de la façon dont les Etats membres offrent aux élèves et aux familles la liberté du choix éducatif en Europe. Sa conclusion est encourageante, puisque cette liberté est généralement reconnue. Cependant, nous devons continuer à veiller au maintien de la pluralité dans le système éducatif et à ce que chaque élève ait bien une possibilité de choix.

Le nombre d’écoles privées en Norvège est faible. Pour obtenir des financements publics, une école privée doit répondre à des critères rigoureux. Il y a surtout deux grandes catégories d’écoles privées : celles qui s’inscrivent dans une perspective religieuse et celles qui sont fondées sur des méthodes pédagogiques différentes.

Dans sa conclusion, la rapporteure précise que les écoles à vocation culturelle ou religieuse spécifique ne doivent pas s’exempter de respecter les valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe.

La liberté des parents de choisir pour leurs enfants une éducation fondée sur leurs convictions ne doit nullement empiéter sur les droits fondamentaux des enfants et sur leur possibilité de recevoir un enseignement dans un environnement objectif, équitable et non discriminatoire.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Pintado.

M. PINTADO (Espagne)* – Je voudrais commencer par féliciter Mme Quintanilla, dont le travail s’inscrit dans la droite ligne de celui de Mme Fernandez-Capel Baños, anciennement membre de l’Assemblée.

Toutes les positions qui se sont exprimées dans ce débat sont légitimes. Pourtant, il me paraît aujourd’hui indispensable de surmonter les vieux préjugés, qu’il s’agisse de l’école publique ou de l’école privée. Le droit des parents à choisir librement l’école de leurs enfants doit être reconnu. A ce titre, la position exprimée par Mme Andersen sur la coexistence de différents systèmes me paraît très importante. L’essentiel, selon moi, c’est la liberté. Les pays membres du Conseil de l’Europe doivent garantir le respect des libertés fondamentales. Dès lors que ces libertés sont garanties, on ne doit craindre ni les écoles publiques, ni les écoles privées.

Chaque pays possède son propre système d’enseignement. L’important est qu’il soit de qualité. L’Assemblée devrait d’ailleurs poursuivre sa réflexion sur le choix éducatif en Europe et examiner les différents systèmes, à la lumière de la question de la non-discrimination. L’enseignement doit être libre et de qualité. C’est absolument fondamental.

Mme de Pourbaix-Lundin, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Rouquet au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Acketoft.

Mme ACKETOFT (Suède)* – Il semblerait que nous soyons à l’unisson cet après-midi ! Mais comme toujours, le diable se cache dans les détails. Plusieurs intervenants l’ont souligné, l’une des principales missions de l’Etat est l’éducation des jeunes. La démocratie ne peut fonctionner sans étudiants bien éduqués.

Pour de nombreuses raisons, je soutiens le droit à la liberté de choix éducatif en Europe. Il permet à une famille de choisir une petite école rurale, une école à pédagogie particulière ou même une école qu’elle crée elle-même. Le droit à la liberté de choix éducatif conduit les parents à être fortement impliqués dans l’éducation de leurs enfants. Disposer d’une large palette d’établissements scolaires est très positif.

Les écoles libres, financées par l’Etat, doivent s’engager à suivre les programmes de l’éducation nationale, être inspectées régulièrement et faire appel à de véritables professeurs. Par ailleurs, elles ne doivent pas utiliser de critères de sélection discriminatoires. La religion ne doit pas, pour finir, être inscrite dans le cursus.

Il faut assurer la protection des étudiants et garantir le pluralisme. La liberté du choix éducatif est, comme cela a été dit, réservée à l’enfant. Je soutiens donc les amendements qui ont été déposés.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Bilgehan.

Mme BILGEHAN (Turquie) – Je voudrais tout d'abord remercier personnellement Mme Quintanilla pour la patience et la gentillesse dont elle a fait preuve tout au long de l'élaboration de ce rapport. Elle a pris en considération nos préoccupations et tenté, avec le secrétariat, de trouver un compromis sur ce sujet controversé.

Pourquoi avions-nous des réticences ? Nous étions presque unanimes sur les principes de tout système éducatif, énumérés dans les conclusions du rapport : une éducation de qualité pour tous les élèves, l'équité et l'égalité des chances, l'inclusion, la non-discrimination entre élèves, une éducation qui garantit l’accès a la vie professionnelle et qui transmet des valeurs fondamentales, comme la citoyenneté démocratique et responsable, la solidarité et le respect de l'autre, l’esprit critique. En résumé, les valeurs du Conseil de l'Europe...

Mais nous avions des questions concernant le respect des droits des enfants. A quel âge un enfant a-t-il le droit de refuser les choix de ses parents quant à son avenir ? La promotion des écoles libres, religieuses, risque-t-elle de constituer un encouragement au communautarisme, un obstacle à l'intégration, un danger pour le multiculturalisme, une atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes dans certains établissements éducatifs ?

Le rapport final montre que des garde-fous permettant d'éviter les dérives sont possibles, au moyen du contrôle de l'Etat et en fixant des conditions spécifiques. L'obligation de neutralité de l'Etat et le principe de la laïcité sont également soulignés. Le questionnaire rempli par les pays membres montre d'ailleurs que la loi détermine partout les conditions et les modalités de mise en œuvre du droit de créer des établissements d'enseignement privé. Tous les pays reconnaissent d'une manière ou d'une autre le droit à la liberté de choix éducatif.

Le problème vient plutôt des pratiques concernant le financement de ces établissements, qui varient selon les pays. En l'état actuel du droit et de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, les Etats n'ont pas l'obligation juridique de contribuer financièrement au fonctionnement des écoles privées. Seuls dix pays membres du Conseil de l'Europe n’accordent aucune aide financière aux écoles privées. Dans presque tous les autres, l’Etat subventionne l’établissement privés selon des modalités diverses. Il me semble que le rapport concerne plutôt ces pays-là.

Pour conclure, ce rapport est important. Il nous a donné l’occasion de débattre sur un sujet fondamental.

LA PRÉSIDENTE* - La parole est à M. Diaz Tejera.

M. DIAZ TEJERA (Espagne)* - Je soutiens également le rapport de Mme Quintanilla. Ce n’est pas parce qu’elle est espagnole, amie de surcroît, car il m’arrive d’être en désaccord avec elle et je le lui dis toujours, avec affection, mais avec aussi beaucoup de clarté. Si je soutiens son rapport, c’est parce qu’il n’est pas extrémiste, ni dans un sens, ni dans l’autre. S’il l’était, de quelque côté que ce soit, je serais intervenu pour m’y opposer et l’amender, car je n’aime pas le style extrémiste. Son style est marqué par beaucoup de patience, d’écoute et de raison ; elle accepte les différences d’idées sans que cela ne lui fasse perdre sa courtoisie et son respect pour autrui. J’aime le style qui consiste à saluer avec encore plus de courtoisie ceux avec lesquels on n’est pas d’accord. C’est un exemple de démocratie qui doit être valorisé, et plus particulièrement dans cette enceinte.

J’ai étudié grâce à des bourses. Mes parents n’avaient pas d’argent et sans ces bourses, je n’aurais pas pu faire d’études. C’est pourquoi l’égalité en matière d’éducation est pour moi essentielle et constitue le facteur déterminant. Il ne faut pas qu’un seul talent individuel soit gâché parce que les parents n’auraient pas les ressources économiques suffisantes ou parce que l’intéressé vivrait dans un lieu éloigné des centres culturels. Venant des îles Canaries, je sais ce dont je parle !

Il est donc particulièrement important de veiller à l’égalité des chances. L’éducation est la toute première possibilité d’égalité que l’on puisse offrir à un être humain. On ne sait pas exactement comment aboutira le développement, mais il ne faut pas que des possibilités d’épanouissement soient perdues du fait d’un manque d’égalité. Une fois assurée cette égalité des chances, alors il faut parfois recourir à la meilleure technique possible, de la même façon que l’on souhaite bénéficier de la meilleure technique lorsque l’on a besoin d’une opération chirurgicale. Si l’égalité des chances est garantie, je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’il existe des écoles privées. Mais la garantie doit venir de l’Etat, c’est le public qui doit garantir le privé. Le privé ne peut exister sans garantie de l’Etat. Ce sera donc l’école publique qui veillera à ce que les valeurs dispensées soient bien celles de la démocratie et ne ressortissent pas à une manipulation sectaire.

C’est parce que ce rapport n’est pas extrémiste que non seulement je l’approuve, mais qu’en outre je le fais avec enthousiasme !

LA PRÉSIDENTE* - La parole est à M. Renato Farina.

M. Renato FARINA (Italie)* - Comme mon collègue Diaz Tejera, je félicite vivement la rapporteure, Mme Quintanilla, pour son projet de résolution mais aussi pour son rapport. Il aborde en effet le thème décisif de la liberté de choix éducatif. Il s’agit, dans une période de crise et de marasme, de libérer les énergies bloquées dans les poitrines des peuples, car elles recèlent des idéaux et des desideratas. Il y a un patrimoine de tradition vivant, mais il est rendu inutile par le modèle de l’école unique. L’Europe, et en particulier l’Italie, a besoin d’innovation courageuse dans ce domaine. Il est nécessaire d’ouvrir un dialogue tous azimuts, allant au-delà de ces murs, sur ce droit fondamental.

L’Europe doit avoir le courage d’un choix éducatif radical. Il faut emprunter une nouvelle voie dépassant le mythe de l’école unique. L’expression nous vient de l’Américain Charles L. Glenn, qui l’a étudié dans différents pays, notamment en France, aux Pays-Bas et en Italie. Mais ce mythe de l’école unique résiste partout. On pense qu’il existe un modèle unique, pensé et géré par l’Etat. Dans la meilleure des hypothèses, il est dit qu’il doit y avoir égalité entre le public et le privé, mais c’est toujours à l’intérieur d’un modèle unique. En Italie, on parle d’école paritaire, comme si le non-public n’était qu’une bonne ou mauvaise copie.

Dans un contexte comme le nôtre, nous voyons que ce modèle d’école unique limite le degré de liberté. Je pense que l’Etat devrait arrêter de gérer l’école, il devrait se borner à la gouverner. L’Etat doit cesser d’être un acteur faisant des propositions et des projets pédagogiques pour laisser cette tâche à la société civile ainsi qu’à la créativité plurielle des acteurs qui l’animent.

La résolution Quintanilla nous dit qu’au travers d’un processus strict d’accréditation, l’Etat garantirait que l’école soit ouverte à tous, gratuite et de qualité. C’est donc une école libre qui doit être de tous et pour tous. Malheureusement, en Italie, on semble penser que l’école unique de l’Etat serait la seule à être publique. En réalité, ce n’est que de jure qu’elle l’est, car de facto, elle est privée. Tous les acteurs, s’ils répondent aux conditions d’accréditation, doivent avoir le droit d’ouvrir des écoles et des universités et disposer de ressources réelles pour ce faire. Il faut dépasser l’école unique et adapter l’école aux besoins de la société contemporaine. Cela présenterait beaucoup d’avantages : plus de créativité pédagogique, plus de liberté en matière de programmes. Le pluralisme ne consiste pas uniquement à introduire un cours de religion d’un certain type. Nous devons assurer la richesse nécessaire pour dépasser ces temps de crise que nous vivons.

LA PRÉSIDENTE* - La parole est à M. Nicolaides.

M. NICOLAIDES (Chypre)* - Je félicite Mme Quintanilla de ce rapport, fruit d’un long travail de recherche. Elle a cherché à comprendre la diversité des systèmes d’enseignement en Europe et ce qui distingue l’école privée de l’école publique. En Europe, il est essentiel que l’Etat facilite le libre choix en matière d’enseignement pour les parents et les enfants. Il ne doit pas constituer un obstacle. Ce principe est inscrit dans l’article 2 du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme. Les Etats doivent le respecter et garantir le droit à un enseignement libre et non discriminatoire. Très souvent, le choix d’une école dépend des parents. Les convictions des parents ne doivent pas s’opposer aux valeurs du Conseil de l’Europe, et les intérêts de l’enfant doivent être garantis. Par conséquent, l’Etat doit contenir toutes les tentatives d’endoctrinement des enfants. Il faut respecter la dignité des enfants ainsi que leur intégrité physique et psychologique. Par la même occasion, l’Etat doit pleinement respecter le droit des enfants d’orienter leur vie scolaire.

Les établissements privés ont le droit de tenir compte des préférences des familles mais ils doivent opérer conformément aux normes établies par les autorités publiques, qui doivent donc être en mesure de superviser leur bon fonctionnement par le biais de mécanismes de contrôle et d’offrir un soutien financier aux familles, sur la base des mêmes conditions qui gouvernent le soutien financier aux écoles publiques.

Dans le cas d’établissements privés, il est crucial que l’Etat reconnaisse et valide la qualité de l’enseignement dispensé. Ce qui est en jeu ici, c’est la qualité de l’enseignement pour la future génération. Cela peut se faire dans des établissements publics ou privés. Il faut que les enfants deviennent des êtres humains bien formés et indépendants. C’est un défi que nous devons relever si nous voulons que nos sociétés progressent et que nos systèmes démocratiques survivent.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Kalmar.

M. KALMAR (Hongrie)* – Je remercie notre éminente collègue espagnole, Mme Carmen Quintanilla, pour son excellent travail. L’éducation est une question fort importante, puisque c’est la construction même de nos sociétés et leur avenir qu’elle détermine.

Un aspect de l’éducation n’est pas présent dans ce document mais compte tenu de son importance, il faut le mentionner. Les minorités nationales représentent à peu près 20 % de la population européenne : un Européen sur cinq est donc a priori intéressé par la possibilité de donner une éducation à ses enfants dans leur langue maternelle, élément fondamental des droits de l’homme. Dans certains endroits en Europe, la question ne semble pas aussi évidente.

L’un de nos poètes bien connus, Sandor Reményik, qui, après la Première guerre mondiale, devint lui-même membre de la minorité hongroise en Transylvanie, a écrit dans un de ses poèmes : « Il faut sauver les écoles et les églises. » Il avait raison. Ces deux institutions sont l’épine dorsale d’une communauté.

Nous savons tous que la devise de l’Europe à l’heure actuelle est : « Unis dans la diversité. » Si nous perdons une communauté, nous perdons des valeurs humaines et culturelles, des modes de pensée et l’Europe en est appauvrie. Lorsque nous parlons de la liberté de choix éducatif nous devons songer à ce que je viens de dire. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent veiller à ce que leurs citoyens puissent choisir une éducation dans leur langue maternelle.

En Alsace, après la Seconde Guerre mondiale, il n’était pas « chic », comme l’on dit en français, de parler allemand ou alsacien. Aujourd’hui, ainsi que j’ai pu le voir lors d’une présentation pour le Parlement européen, le nombre de classes bilingues est en augmentation constante. En Roumanie, l’année dernière, l’enseignement de l’histoire et de la géographie a été accepté dans la langue maternelle de certaines minorités. C’est très important pour préserver l’identité de celles-ci. Si nous ne parvenons pas à enseigner l’histoire européenne de façon équilibrée, nous aurons peu d’espoir de parvenir à la réconciliation entre les nations européennes.

Pour terminer, je souligne une fois encore que l’éducation se doit de montrer la voie en matière de partenariat et de coopération pour la jeune génération d’Européens. Seuls une coopération et un partenariat réel entre nos nations pourront garantir l’avenir de l’Europe. C’est ce type d’éducation qui doit être dispensé dans toutes les écoles et dans toutes les langues européennes.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Schennach.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je félicite la rapporteure de s’être montrée aussi dynamique et passionnée et de nous permettre un débat de fond.

Ce ne sont pas les parents qui sont à la base de l’affaire mais l’enfant, qui est curieux et qui veut faire ses expériences. Indépendamment du patrimoine de leurs parents, de leur origine et de leur religion, tous les enfants doivent avoir les mêmes chances. L’Etat est tenu de les faire tous bénéficier des mêmes possibilités, quels que soient leur bagage, leur religion, leur origine. Ensuite arrivent les parents, qui ont un certain intérêt pour ceci ou pour cela. La société est diverse et variée... Les parents veulent peut-être un enseignement pédagogique particulier, des méthodes modernes, Waldorf, Steiner, Montessori... Dans mon pays, il y a des lycées féministes, ainsi que des écoles alternatives. A Soweto, en Afrique du Sud, des écoles particulières ont été créées.

L’idée, c’est d’assurer l’égalité des chances en préservant la diversité, ce qui est un grand défi. En Allemagne, en Autriche, les écoles confessionnelles sont couvertes par le Concordat. La Constitution précise qu’il n’y a pas que la religion catholique qui bénéficie des subventions. Toutes les religions sont logées à la même enseigne. On ne veut pas suivre l’exemple américain. Aux Etats-Unis, les écoles privées sont privilégiées et les écoles publiques sont pour le reste de la population.

En Europe, il faut avoir des écoles publiques de qualité, bilingues au sens du Conseil de l’Europe. C’est essentiel et important d’améliorer l’offre. Dans certaines écoles, l’enseignement est dispensé en slovène ou en tchèque et l’Etat participe à leur financement.

Il y a des nouveaux défis à relever à cause des flux migratoires. Il est en effet important que les enfants des migrants puissent bénéficier d’un enseignement dans leur langue. Cela créera beaucoup de possibilités. Nous sommes pour l’égalité des chances pour chaque enfant.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Erkal Kara.

Mme ERKAL KARA (Turquie) – Mes chers collègues, je félicite chaleureusement la rapporteure pour ses efforts, qui ont abouti à la rédaction d’un rapport objectif et précis sur le droit à la liberté de choix éducatif en Europe.

Plusieurs défis attendent les pays membres pour fournir le cadre juridique et institutionnel nécessaire à l’exercice de ce droit. Le rapport débute par une analyse approfondie de la situation actuelle dans les pays membres et des moyens de l’améliorer. Former des générations capables d’apporter une valeur ajoutée à l’ensemble de l’économie mondiale n’est pas une préférence politique mais une obligation.

La Turquie est un pays en plein développement, consciente de l’importance du capital humain pour atteindre un système économique et social dynamique et durable. Toutefois il est évident que le système d’éducation actuel en Turquie n’est pas en mesure de faire face à ces exigences structurelles. Il doit être réformé pour améliorer les services éducatifs fournis aux citoyens.

Contrairement à plusieurs pays européens, la Turquie a une population très jeune, ce qui rend les politiques éducatives plus importantes, puisque ces dernières affectent profondément le tissu social et le marché du travail.

Le droit à la liberté du choix éducatif apporte de nombreux avantages. La présence d’établissements d’enseignement privé, en plus des établissements publics, augmente l’accessibilité des services éducatifs. Elle assure également un certain pluralisme dans le secteur de l’éducation, qui constitue le fondement des sociétés démocratiques.

Mais cela ne signifie pas que l’éducation privée puisse endoctriner les jeunes en un sens contraire aux valeurs européennes.

Le développement des établissements privés répond à un besoin pressant en Turquie. Selon le ministère turc de l’Education nationale, bien que leur nombre ait déjà augmenté, leur part dans le système d’éducation ne dépasse pas 2 %. Le financement des 98 % qui correspondent au système national absorbe les ressources de l’Etat, lesquelles ne peuvent donc couvrir tous les besoins du secteur. Cette situation a conduit le secteur privé et les ONG à demander une réforme du système éducatif. Les ministères de l’Education nationale, de l’Economie et des Finances ont annoncé des plans d’action visant à subventionner le secteur privé afin de développer les services éducatifs. C’est un pas dans la bonne direction. J’espère que ces plans seront appliqués dans les meilleurs délais.

Les relations entre les secteurs privé et public doivent également être examinées, car leur coopération produit des bénéfices sociaux qu’un seul d’entre eux ne suffirait pas à générer.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Guţu.

Mme GUŢU (République de Moldova)* – Je félicite la rapporteure pour ce travail riche et détaillé, qui souligne l’existence d’inégalités entre les parents lors du choix de l’établissement d’enseignement et soulève surtout le problème du financement des institutions privées.

Ce dernier problème ne se pose pas dans les mêmes termes dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. La législation européenne n’oblige pas l’Etat à financer les établissements privés, non plus que les lois nationales. L’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit des parents à choisir une éducation conforme à leurs convictions philosophiques et religieuses, ne fait pas exception.

En outre, la tradition européenne en la matière se fonde d’abord sur le principe de l’enseignement public, l’enseignement privé faisant l’objet d’un traitement séparé. La question de la reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements privés fait d’ailleurs régulièrement débat. Dès lors, l’attitude des Etats est souvent la même dans les différents pays européens, surtout lorsqu’il s’agit de financer les écoles privées : comment les convaincre de le faire alors qu’ils n’y sont pas tenus, surtout en période de crise économique et financière ?

Il existe toutefois en Espagne, en Finlande, en Suède, des exemples positifs sur lesquels la rapporteure appelle notre attention. Mais l’on peut aussi citer celui des pays ex-soviétiques où, après la déclaration d’indépendance, les établissements d’enseignement privé ont proliféré, moins à des fins éducatives que pour faire des affaires. La République de Moldova compte aujourd’hui 17 universités publiques et 15 universités privées, ce qui fait un peu beaucoup pour un pays de 4 millions d’habitants ! Afin de préserver le système national d’enseignement de ce phénomène de commercialisation, l’Etat doit créer des institutions publiques compétentes chargées d’évaluer la qualité de l’éducation et d’accréditer les établissements privés, ce qui est un bon moyen de garantir le niveau de l’enseignement en général, public comme privé.

Je me réjouis donc, Madame la rapporteure, que vous mentionniez dans le projet de résolution le principe de non-discrimination dans les institutions éducatives. Les questions très sensibles qui touchent aux convictions religieuses et philosophiques continuent de faire débat au sein de la société et il arrive que faute de politiques éducatives adaptées qui garantissent le pluralisme dans les écoles publiques, les représentants de certaines communautés religieuses soient contraints d’ouvrir des écoles privées. Je songe notamment aux pays ex-soviétiques, où la tolérance et le pluralisme philosophique et religieux ne vont pas encore de soi.

Je soutiendrai sans réserve le projet de résolution.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. McNamara.

M. McNAMARA (Irlande)* – Je félicite à mon tour la rapporteure. Toutefois, je soutiendrai les amendements no 3 et 4 qui tendent à supprimer les paragraphes 5.1 et 5.2 du projet de résolution, aux termes desquels les élèves des écoles privées et leurs familles bénéficieraient des mêmes avantages financiers que ceux des écoles publiques.

Selon la rapporteure, en Espagne, ce sont les écoles qui respectent les normes en vigueur et qui fournissent un enseignement gratuit qui peuvent bénéficier de dotations. Mais en Irlande, malheureusement, les dotations vont aux écoles privées payantes. En pratique, des établissements coupables de discriminations fondées sur la religion ou simplement sur les capacités financières des parents ont droit à des subventions publiques, alors que nous sommes en période de crise. Chez nous, 100 millions d’euros servent à financer les écoles privées, ce qui leur permet d’améliorer le taux d’encadrement des élèves, plus satisfaisant que dans le public. Les dotations peuvent être complétées par les droits d’inscription acquittés par les parents et qui atteignent parfois 5 000 euros !

Ne faudrait-il pas utiliser cet argent pour tenter de mettre fin au cycle négatif dont l’Irlande n’est pas sortie depuis 1916 ? Les promesses de la Déclaration d’indépendance ont été oubliées et l’Etat irlandais continue de privilégier certains au détriment des autres. J’invite instamment l’Assemblée à adopter les amendements dont je parlais pour ne pas faire de même.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Gaudi Nagy.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Je remercie moi aussi la rapporteure pour cette excellente synthèse. Je suis tout à fait d’accord avec elle : il faut garantir l’égalité des chances et un enseignement de qualité. Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe est lié à la liberté de conscience et au droit à l’instruction. Les Etats membres doivent respecter ces droits ainsi que le droit à l’enseignement dans la langue maternelle et à l’instruction dispensée par les Eglises.

Pour souligner l’importance de rapport, je vous donnerai un exemple de la façon dont ces principes fondamentaux peuvent être menacés par des Etats membres qui ne respectent pas les normes du Conseil de l’Europe. Voyez la situation des Hongrois en Roumanie. Comme je l’ai déjà dit, la Roumanie a obtenu une grande part du territoire hongrois après la Seconde Guerre mondiale et il existe même une ville dont 50 % de la population est hongroise.

Or la Roumanie ne remplit toujours pas ses obligations, à savoir respecter les droits de la communauté hongroise et assurer l’autonomie du territoire hongrois. Les personnes concernées ont voté en faveur d’un statut d’autonomie, qui leur a été refusé par les deux chambres du Parlement. Pourtant, cela était tout à fait conforme aux règles du Conseil de l’Europe.

La Roumanie devrait garantir le droit à l’enseignement et à l’autodétermination pour les Hongrois de Roumanie.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste trois minutes. Vous avez la parole.

Mme QUINTANILLA (Espagne), rapporteure* – En premier lieu, je voudrais remercier tous les intervenants dans la discussion. Je me suis sentie confortée par vos propos, chers collègues, parce que vous avez bien compris le sens de mon rapport, qui est fondé sur le libre choix de l’éducation. C’est un rapport qui n’est pas idéologique. Il ne se fonde sur rien qui pourrait nous diviser.

C’est un rapport dans lequel nous accordons la priorité à la liberté du choix éducatif. Les parents doivent avoir le droit de choisir l’école de leurs enfants. Dans mon pays, l’école privée coexiste parfaitement avec l’école publique. Les écoles privées espagnoles accueillent des enfants de diverses nationalités et de différentes confessions. Ce sont les parents qui décident de l’école à laquelle iront leurs enfants. Il faut défendre cette liberté de choix en matière d’enseignement pour nos enfants. Ici, en France, à Strasbourg, j’ai eu la possibilité de me rendre dans des écoles privées où des enfants musulmans étaient assis sur les bancs d’école à côté d’enfants juifs. Les écoles doivent être ouvertes à la coexistence.

En aucune façon, ce rapport ne plaide en faveur de l’école privée. Ce n’est pas mon propos. Un parlementaire a parlé du financement de l’école privée et de l’école publique, mais dans certains pays, le financement de l’école privée coûte moins cher que celui de l’école publique. L’objectif de ce rapport est de mettre l’accent sur la coexistence et le libre choix de l’école par les parents.

Il faut écouter la voix du peuple. Ce rapport souhaite rassembler les idéologies et répondre aux citoyens qui regardent le Conseil de l’Europe comme le défenseur des libertés fondamentales. J’espère donc que nous parviendrons à un accord et que je peux compter sur votre soutien.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le vice-président de la commission de la culture désire-t-il répondre ?...

Vous disposez de deux minutes, Monsieur.

M. KAŹMIERCZAK (Pologne), vice-président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – La commission a connu des débats assez vifs sur cette question, qui présente de multiples facettes. L’important à nos yeux était d’approfondir certains aspects plutôt que d’être exhaustifs. Nous avons réussi à les traiter, mais la division au sein de la commission demeure puisque, comme l’a montré le débat, la ligne de division est due notamment à la question du financement.

Madame Quintanilla a travaillé dans un esprit de collaboration avec nos collègues. Certains ont défendu leur position bec et ongles. Et je voudrais ici rendre hommage à Mme la rapporteure : elle a gagné de nombreuses batailles, car elle a montré sa volonté de trouver des solutions plutôt que de se battre, et elle en a perdu d’autres, y compris aujourd’hui, mais n’a cessé de défendre son rapport jusqu’au bout.

Nous avons tous des avis différents sur la façon dont le système éducatif national doit fonctionner et sur la place que doit occuper l’école privée, mais nous devons tous au moins nous en tenir à la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Sur ce rapport, j’espère que chacun s’exprimera librement, puisque nous votons sur la liberté de choix et sur la façon dont celle-ci peut être mise en œuvre dans chacun de nos pays.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a présenté un projet de résolution, contenu dans le Doc. 13010, sur lequel six amendements ont été déposés.

Le président de la commission a demandé l’application de l’article 33-11 du Règlement. L’amendement no 2 sur le projet de résolution a été adopté à l’unanimité par la commission. Est-ce bien cela ?

M. KAŹMIERCZAK (Pologne), vice-président de la commission* – En effet, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Y a-t-il une objection ?... Il n’y en a pas.

L’amendement no 2 est donc déclaré adopté définitivement.

En voici le texte : l’amendement no 2, déposé par Mme Guţu, MM. Xuclà, Díaz Tejera, Corsini, Gianni Farina, Preda, Toshev, tend dans le projet de résolution paragraphe 4.5, après les mots « systèmes de contrôles » à insérer les mots suivants : «, d’accréditations et d’évaluations d'assurance qualité ».

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

L’amendement no 1, déposé par Baroness Eccles, MM. Sannen, Liddell-Grainger, Härstedt, Dobbin, Connarty, tend dans le projet de résolution, avant le paragraphe 5.1, à insérer le paragraphe suivant : « de faire en sorte que des fonds suffisants soient mis à disposition pour permettre à tous les enfants de suivre l’enseignement obligatoire dans des établissements privés si l’offre d’enseignement dans les établissements publics n’est pas suffisante ; »

La parole est à M. Connarty, pour le soutenir.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Je pensais que cet amendement avait été lui aussi adopté à l’unanimité par la commission et que, par conséquent, il serait adopté sans débat, comme l’amendement no 1 ! Il y a là quelque chose qui m’échappe… Cela dit, je suis ravi d’avoir l’occasion de le défendre.

Il s’agit de faire en sorte que des fonds suffisants soient mis à disposition pour permettre à tous les enfants de suivre l’enseignement obligatoire dans des établissements privés si l’offre d’enseignement dans les établissements publics n’est pas suffisante. La question se pose pour les enfants ayant des besoins spécifiques. Le dispositif proposé correspond à ce qui se passe au Royaume-Uni.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur Connarty, je vais vous expliquer ce qui s’est passé. Les seuls amendements que nous puissions adopter sans débat sont ceux qui sont adoptés à l’unanimité par la commission. Visiblement, tel n’a pas été le cas pour celui-ci.

Quel est l’avis de la commission ?

M. KAŹMIERCZAK (Pologne), vice-président de la commission* – Favorable.

LA PRÉSIDENTE* – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n° 1 est adopté.

LA PRÉSIDENTE*– L’amendement no 3, déposé par MM. Michel, Benton, Lord Tomlinson, MM. Binley, Connarty, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 5.1.

La parole est à M. Michel, pour le soutenir.

M. MICHEL (France) – Nous venons d’adopter un amendement qui soumet à certaines conditions, notamment de carence, le fait de financer les écoles privées. Dans ces conditions, il convient de supprimer le paragraphe 5.1, qui ne fixe aucune condition et qui permettrait donc aux pouvoirs publics de financer indifféremment l’école privée et l’école publique. Il faut que les choses soient claires : fonds publics pour l’école publique, fonds privés pour l’école privée.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Volontè, contre l’amendement.

M. VOLONTÈ (Italie)* – Beaucoup de ceux qui sont intervenus dans le débat ont souligné que ce rapport était équilibré, notamment en ce qui concerne les deux paragraphes que cet amendement et le suivant tendent à supprimer. Il s’agit, non pas de donner des privilèges au secteur privé, mais de laisser aux parents une véritable liberté de choix entre le public et le privé.

LA PRÉSIDENTE* – Quel est l’avis de la commission ?

M. KAŹMIERCZAK (Pologne), vice-président de la commission* – Favorable.

LA PRÉSIDENTE* – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 3 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement no 4, déposé par MM. Michel, Benton, Lord Tomlinson, MM. Binley, Connarty, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 5.2.

La parole est à M. Michel, pour le défendre.

M. MICHEL (France) – Dans la mesure où le paragraphe 5.1 vient d’être supprimé, il convient, par cohérence, de supprimer également le paragraphe 5.2. Ainsi, on conserve seulement le texte adopté tout à l’heure par le biais de l’amendement no 2.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Volontè, contre l’amendement.

M. VOLONTÈ (Italie)* – Nous appuyons pour notre part ce qui est écrit dans le rapport, à savoir qu’il faut garantir le financement des établissements privés, qui font partie de l’éducation nationale. Si l’on ne peut pas garantir aux établissements non publics de pouvoir recevoir des financements, il n’y a plus de liberté de choix. Approuver cet amendement, c’est se priver de la possibilité d’une éducation dans des établissements privés sur notre continent !

LA PRÉSIDENTE* – Quel est l’avis de la commission ?

M. KAŹMIERCZAK (Pologne), vice-président de la commission* – Elle s’est prononcée en majorité en faveur de cet amendement.

LA PRÉSIDENTE* – Je le mets aux voix.

L’amendement n° 4 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – En conséquence, les amendements nos 5 et 6 deviennent sans objet.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le document 13010, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (82 voix pour, 6 voix contre, 2 abstentions).

M. Mignon, Président de l’Assemblée, remplace Mme de Pourbaix-Lundin au fauteuil présidentiel.

4. L’affaire Safarov (Débat d’actualité)

LE PRÉSIDENT– L’ordre du jour appelle enfin notre débat d’actualité sur l’affaire Safarov.

Je vous rappelle que le débat d’actualité est d’une durée d’une heure et demie et que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

En revanche, le premier orateur, désigné par le Bureau parmi les initiateurs du débat, dispose, quant à lui, d’un temps de parole de 10 minutes.

La parole est à M. Chope, premier orateur désigné par le Bureau.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – J’ai donc le grand plaisir d’introduire ce débat d’actualité que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a réclamé. La commission a également été chargée par le Bureau de suivre cette affaire, après que nous eûmes appris que M. Safarov avait été transféré de Hongrie en Azerbaïdjan, où il a été amnistié à peine débarqué.

Le 6 septembre, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a débattu de cette affaire et a considéré qu’il s’agissait d’un problème d’une extrême gravité, au regard de la primauté du droit. C’est dans ce contexte que j’inscris mes remarques liminaires.

Le 19 février 2004, alors qu’il assistait à un séminaire « Partenariat pour la paix » de l’OTAN, Ramil Safarov, un lieutenant de l’armée de l’Azerbaïdjan, a assassiné le lieutenant arménien Gourguen Markarian avec une hache. Il a été condamné en Hongrie pour assassinat à un minimum de trente ans de prison, mais il a bénéficié de l’article 12 de la Convention de Strasbourg sur le transfèrement des prisonniers. C’est ainsi que le 31 août 2012, il a été rapatrié vers son pays, où il a été amnistié par le Président azerbaïdjanais et promu au rang de commandant. Il a même récupéré l’équivalent de huit années de solde.

Le Président du Conseil de l’Europe, le Secrétaire Général, le Commissaire aux droits de l’homme ont bien sûr condamné cette amnistie, l’esprit de la Convention, qui vise à faciliter la réhabilitation des prisonniers et leur transfert dans leur pays d’origine, ayant de toute évidence été bafoué. Certains semblent considérer que M. Safarov est innocent du crime pour lequel il a été condamné et emprisonné. Pourtant, au mot « Amnistie », mon dictionnaire de droit indique : pardon accordé par le pouvoir législatif, qui décide qu’un individu est exonéré de la peine qui lui a été infligée pour un crime qu’il a commis. Il s’agit donc d’effacer une peine et de pardonner à un criminel. En l’occurrence, M. Safarov a été dûment jugé et condamné à une très lourde peine pour son crime.

Pourquoi donc M. Safarov a-t-il été transféré de sa prison hongroise vers l’Azerbaïdjan ? Parce qu’il a demandé son transfèrement en vertu des dispositions de la Convention précitée, qui a été adoptée en 1983 et qui a été ratifiée par un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que par d’autres pays.

Selon le préambule de la Convention de Strasbourg, le but du Conseil de l’Europe étant de réaliser une union plus étroite entre ses membres pour une bonne exécution de la justice et pour faciliter la réhabilitation des prisonniers, les prisonniers étrangers devraient avoir la possibilité de purger leur peine dans leur Etat d’origine. » Suit une série de dispositions qui organisent concrètement les transfèrements.

Parmi celles-ci, l’article 12 dit que chaque partie peut amnistier le condamné ou commuer sa peine conformément à son droit national, ce qui vient contredire le reste de la Convention. C’est ainsi qu’une fois M. Safarov transféré en Azerbaïdjan, les autorités de ce pays ont décrété avoir le droit de l’amnistier et cela dans le juste respect du droit de l’Azerbaïdjan.

Pour la commission juridique, on ne parle pas ici de la lettre de la loi, mais de l’Etat de droit. Que reste-t-il de la loi et du droit si un criminel, condamné à une peine très lourde, peut, de retour dans son pays, bénéficier du pardon et être traité en héros ? Ne bafoue-t-on pas ainsi tous les principes de la justice ? L’Etat de droit impose pourtant que l’on respecte aussi les principes du droit international vis-à-vis des meurtriers.

Plusieurs résolutions de l’ONU traitent du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et de la question du Haut-Karabakh. Le Conseil de Sécurité de l’ONU se considère d’ailleurs comme saisi en permanence de la question. Mais il est vrai que, malgré toutes ces résolutions, rien n’a avancé. Le processus de Minsk est en cours depuis des années et n’avance pas non plus ! C’est la raison pour laquelle les deux parties en conflit considèrent qu’elles sont libres de bafouer la loi !

Nous devons persuader la communauté internationale de s’atteler sérieusement à la recherche d’une solution au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, car il a des répercussions pour le Conseil de l'Europe et cela pose un problème de prééminence du droit, notamment en ce qui concerne les prisonniers qui devraient purger leur peine et non être traités en héros à leur retour dans leur pays.

Mes chers collègues, une amnistie est un acte de pardon laissé à la discrétion des autorités. Mais dans certains pays, c’est la porte ouverte à toutes les formes d’arbitraire et, de fait, cette disposition s’avère contradictoire avec les principes de prééminence du droit. Nous devons en tout cas condamner ce qui s’est passé, mais, surtout, essayer de lutter contre ces abus si nous voulons que nos pays puissent continuer à cohabiter au sein du Conseil de l'Europe de manière pacifique.

LE PRÉSIDENT – Dans la discussion générale, la parole est à M. Rochebloine, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. ROCHEBLOINE (France) – Les conditions scandaleuses dans lesquelles le criminel Ramil Safarov a été transféré aux autorités de son pays sont trop largement connues pour que je ne les rappelle pas ici longuement.

Mais tout de même, comment ne pas s’indigner lorsqu’un homme, condamné à la réclusion à perpétuité en 2006 pour un assassinat commis en 2004, se retrouve libre à peine six ans après sa condamnation et de plus promu commandant et même fêté en héros national en Azerbaïdjan !

Aussi voudrais-je exprimer ma profonde compassion à la famille de Gourguen Marguarian, à qui on vient d’infliger, huit ans après sa mort, une nouvelle et cruelle douleur.

Je voudrais également m’associer à l’indignation légitime de la nation arménienne et aux nombreuses réactions internationales.

Mais au-delà de sentiments indispensables de solidarité, ce dramatique événement m’amène à exprimer de sérieuses inquiétudes.

D’abord, pour le processus de règlement du conflit dit du Haut-Karabakh. Souvent par le passé, les parlementaires français qui soutiennent la République d’Artsakh ont été accusés de méconnaître les dispositions pacifiques du président Aliev et de l’Azerbaïdjan. Mais enfin, quel crédit peut-on accorder à un homme qui fait d’un lâche et d’un assassin un héros national ? Comment négocier avec un pouvoir qui ne parle pas le langage des gens de bonne foi, qui tord le sens commun des mots au bénéfice de ses mauvaises causes ?

Ensuite, pour les valeurs qui nous sont communes. Le droit à un procès équitable est considéré par la Convention européenne des droits de l’homme comme un droit fondamental de l’homme. Il a pour contrepartie l’obligation de respect des décisions de justice conformes à ce droit. Nul n’a contesté que la condamnation de Ramil Safarov ait été prononcée dans le plus strict respect des principes fondamentaux des nations civilisées. Que le gouvernement hongrois la réduise à néant au mépris de sa propre justice est un échec pour la cause des droits de l’homme, auquel notre Assemblée devrait être particulièrement sensible.

Enfin, pour la cohésion de l’Europe politique. Même si elle est de la responsabilité exclusive de M. Orban, la libération de Safarov crée un trouble qui porte préjudice à toute l’Union européenne. Un gouvernement qui est prêt à vendre la dignité d’une grande nation pour faire éponger ses dettes par un dictateur du pétrole, quelle honte pour son pays, quelle honte pour l’Europe !

Autant d’observations qui me paraissent justifier une enquête approfondie, au sein de notre Assemblée, sur les véritables causes et les conséquences probables de l’affaire Safarov.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Lord Anderson, au nom du Groupe socialiste.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je partage tous les propos de M. Chope, mais j’aimerais ajouter que ce débat ne porte pas sur le Haut-Karabakh et que nous ne prononçons pas un nouveau jugement contre M. Safarov.

Plusieurs questions sont à poser : pourquoi l’Arménie n’a-t-elle pas été consultée ? Pourquoi les Hongrois se sont-ils contentés de manifester leur mécontentement ? Nos collègues hongrois peuvent-ils nous affirmer qu’ils n’avaient aucun intérêt économique ou autre derrière ce transfèrement ? On a entendu parler de 3 milliards, promis en obligations…

Chers collègues azerbaïdjanais, comment réagiriez-vous si c’était l’Arménie qui pardonnait à un assassin, arménien, d’un soldat azerbaïdjanais ?

Est-il vrai que le gouvernement de l’Azerbaïdjan a affirmé à la Hongrie que M. Safarov purgerait une peine d’au moins 25 ans ? Si oui, comment une telle garantie a-t-elle pu être donnée sans qu’ensuite le verdict soit exécuté ? En effet, dès son arrivée, M. Safarov a été gracié, sa solde des huit dernières années lui a été versée et un merveilleux appartement a été mis à sa disposition ! Un tel comportement – qui est un véritable encouragement au meurtre – a un impact le plus négatif possible sur l’ensemble de la région et constitue un obstacle à la réconciliation, ainsi qu’à la solution du problème régional.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Brasseur, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – La communauté internationale et notre Organisation ont été choquées par l'affaire Safarov. Le Groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe partage l'indignation exprimée par le Président de notre Assemblée, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et le Commissaire aux droits de l'homme : l'héroïsation des criminels ne peut tout simplement pas être tolérée.

Nous avons été consternés par les tentatives de blanchir le meurtrier, qui aurait tué pour défendre « l'honneur national et la dignité du peuple » azerbaïdjanais. J’espère que chacun dans cet hémicycle refuse que l'honneur national serve d'excuse à un crime aussi grave que l'atteinte à la vie humaine, protégée par le deuxième article de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, le principal document de notre Organisation.

Cette affaire nous rappelle malheureusement que l'incapacité ou l’absence persistante de volonté de deux Etats membres du Conseil de l’Europe de régler pacifiquement le conflit qui les oppose depuis des années a des conséquences tragiques et cause la perte de vies humaines. L'héroïsation du crime commis par Safarov ne fait que renforcer la haine entre les deux peuples et rend le travail de réconciliation encore plus difficile.

Mais l'affaire Safarov dépasse le cadre des relations déjà tendues entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Nous devons nous demander quel genre de dysfonctionnement ou de mauvaise volonté a pu rendre possible un détournement aussi malhonnête des instruments de coopération internationale dans le domaine pénal ?

Le gouvernement de l'Azerbaïdjan doit comprendre que de tels actes de glorification du crime mettent en question la crédibilité du pays et de ses engagements auprès de ses partenaires internationaux.

Je souhaite, pour finir, exprimer toute ma compassion à la famille de la victime. Monsieur Chope, je crois en effet que la commission des questions juridiques doit se saisir de cette question !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Woldseth, au nom du Groupe démocrate européen.

Mme WOLDSETH (Norvège)* – J’étais très inquiète lorsque j’ai entendu que le transfèrement de Safarov de la Hongrie vers l’Azerbaïdjan avait ravivé les tensions avec l’Arménie. De nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe ont connu l’occupation et des conflits. Nous souhaitons tous, au sein de cette Assemblée, que les conflits entre Etats membres soient résolus le plus rapidement possible. Nous travaillons tous activement en ce sens.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe constitue une enceinte où des représentants de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie peuvent se rencontrer. Ici, nous n’avons pas peur d’aborder les questions difficiles.

L’affaire Safarov a été traitée par le système judiciaire hongrois et nous n’avons pas à intervenir dans ce domaine. En revanche, notre rôle est de formuler des recommandations à destination des Etats membres afin qu’ils respectent leurs engagements vis-à-vis de la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous devons également lutter contre l’impunité. Il est important qu’un pays comprenne comment ses actes peuvent être interprétés par les autres. Au nom de mon groupe, j’aimerais donc souligner qu’il est de la plus haute importance que l’Arménie et l’Azerbaïdjan entament le dialogue.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – Il me semble que nous nous éloignons du sujet dans ce débat ! Il s’agit d’évoquer une affaire précise et non un conflit en général.

A la question de savoir si un prisonnier peut purger une partie de sa peine dans son pays d’origine, la réponse est oui, en vertu de la Convention de Strasbourg du Conseil de l’Europe. Ce droit doit être protégé. L’entrée en vigueur de cette convention a constitué un véritable progrès. C’est l’un des grands succès du Conseil de l’Europe.

Safarov a commis un crime en Hongrie et, en vertu de la Convention de Strasbourg, a été autorisé à purger le restant de sa peine dans son pays d’origine, l’Azerbaïdjan. A son retour dans son pays, il a été immédiatement gracié par le président, qui a prétendu que l’article 12 de la Convention l’y autorisait.

Nous devons être fiers de notre convention et la préserver. Or, dans le cas présent, elle a été bafouée. C’est aussi une violation flagrante de la primauté du droit, comme l’a si éloquemment rappelé M. Chope.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne demande au gouvernement de l’Azerbaïdjan de reconsidérer les derniers événements, qui constituent une véritable violation de la convention.

Il y a à peine une heure, cette Assemblée a adopté à une forte majorité un code de conduite des membres de l’Assemblée. L’article 18 dispose que les parlementaires doivent respecter les valeurs de l’Organisation et ne rien faire qui puisse décrédibiliser l’Assemblée et ses membres. Quiconque refusera de condamner le gouvernement de l’Azerbaïdjan bafouera cet article !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Vejkey.

M. VEJKEY (Hongrie)* - Chers collègues, tous les aspects du transfèrement ont été réalisés conformément à la Convention de Strasbourg de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées. La procédure s’est déroulée de manière transparente. La façon dont M. Safarov a été transféré en Azerbaïdjan correspond bien à la pratique généralement adoptée par la Hongrie en pareil cas. Toutes les déclarations selon lesquelles l’affaire aurait été influencée par les relations énergétiques entre la Hongrie et l’Azerbaïdjan ne correspondent pas aux faits.

Puisque les conditions spécifiées dans la convention sur le transfèrement des personnes condamnées étaient respectées dans l’affaire Safarov, son transfèrement a été autorisé par le ministère de l’Administration publique et de la Justice le 31 août 2012. La Hongrie a agi au mieux, et les aspects humanitaires ont également été pris en compte.

Le Gouvernement hongrois a été atterré d’apprendre que l’Azerbaïdjan avait décidé d’amnistier Ramil Safarov. La Hongrie refuse et condamne cet acte de l’Azerbaïdjan. La grâce présidentielle immédiate viole l’essence même de la Convention de Strasbourg de 1983.

Cet acte présidentiel est en contradiction claire avec les engagements de l’Azerbaïdjan en la matière qui ont été confirmés par le ministre adjoint de la Justice de la République d’Azerbaïdjan dans son courrier du 15 août 2012 adressé au ministère de l’Administration publique et de la Justice de Hongrie.

Le 2 septembre 2012, le secrétaire d’Etat du ministère des Affaires étrangères, M. Zsolt Németh, a convoqué Vilayat Guliyev, ambassadeur d’Azerbaïdjan en Hongrie, afin de l’informer de la position du Gouvernement hongrois, et lui a transmis une note diplomatique.

Le transfèrement de Safarov était une question strictement judicaire qui n’était pas dirigée contre l’Arménie, et ne doit pas être considérée comme une insulte envers le peuple arménien.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rouquet.

M. ROUQUET (France) – Mes chers collègues, l’affaire Safarov touche aux valeurs qui sont au cœur de notre institution. Un homme a tué un autre homme, l’a massacré à coups de hache, pour satisfaire à une pulsion nationaliste d’un autre âge. La victime ne lui avait rien fait, M. Safarov ne la connaissait même pas. Mais M. Margarian avait le tort d’être Arménien. M. Safarov, condamné en Hongrie, à la prison à vie pour ce meurtre odieux a été libéré, extradé vers son pays par les autorités hongroises et promu par le président Aliev dès son retour.

Nous sommes particulièrement préoccupés de voir que le Gouvernement hongrois, en extradant un assassin, a joué avec le feu dans un contexte géopolitique régional où les braises ne sont pas éteintes. Cet acte risque de compromettre la sécurité fragile du sud Caucase, mais aussi la sécurité des Arméniens dans le monde.

Mais ce qui s’est passé au retour de M. Safarov en Azerbaïdjan est encore plus grave. Accueillir M. Safarov en héros, le glorifier pour avoir massacré un Arménien, c’est faire l’apologie de l’intolérance et de la haine nationaliste. « Plus jamais ça », ces mots qui furent à l’origine de la création du Conseil, signifiaient : plus jamais de haine meurtrière en Europe.

Célébrer M. Safarov, sans égard pour la famille de M. Margarian, c’est porter atteinte au respect de la vie. Ce n’est pas digne d’un pays membre du Conseil de l’Europe.

Certains, en Azerbaïdjan, ont cherché à justifier ce geste comme une conséquence logique du conflit du Haut-Karabakh. Mais comme l’a affirmé avec raison le Parlement européen le 14 septembre dernier, la frustration dans l’absence de progrès dans le processus de paix sur le Haut-Karabakh ne saurait justifier des actes de vengeance.

Cet assassinat, et cela le rend d’autant plus odieux, a eu lieu lors d’une réunion dans le cadre du « partenariat pour la paix » – oui, pour la paix ! Aujourd’hui nous sommes inquiets des conséquences néfastes de cet acte sur le processus de Minsk, dont la France est un acteur important. L’affaire Safarov est un mauvais signe pour la paix et la stabilité dans la région du Caucase.

Monsieur le Président, vous avez fait de la résolution des conflits gelés une priorité de votre présidence, et nous nous en félicitons. L’Assemblée parlementaire ne saurait rester spectatrice face à cette affaire : comme dans l’affaire du bateau errant en Méditerranée, elle doit prendre une initiative forte et jouer son rôle de vigie des droits de l’homme. Il en va de la défense de nos valeurs et du processus de paix dans le Caucase, il en va de l’honneur de notre institution.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Harutyunyan.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* - Chers collègues, les faits sont bien connus. Un individu condamné à la prison à vie par un tribunal hongrois a été transféré en Azerbaïdjan, puis gracié et libéré dès son arrivée dans ce pays. Or, dans la motivation de son arrêt, le juge hongrois avait souligné la préméditation du crime, sa brutalité, et l’absence totale de regrets de la part de M. Safarov.

Ce crime odieux est aujourd’hui glorifié, justifié et même récompensé par un Etat membre de l’Assemblée. Je remercie le Président de l’Assemblée, le Secrétaire Général et le Commissaire aux droits de l'homme d’avoir immédiatement et sans ambiguïté condamné cet acte. Mais aucune autorité officielle d’Azerbaïdjan n’a exprimé de regrets. Au contraire, on ne cesse de propager des discours racistes et xénophobes contre les Arméniens.

Juste après la condamnation unanime de cette grâce par le Président de l’Azerbaïdjan dans l’affaire Safarov, les responsables de ce pays ont commencé à diffuser dans les médias des informations fabriquées sur un prétendu complot arménien en vue de commettre un attentat terroriste. C’est un chemin dangereux, car afin de prouver ses allégations, le régime d’Azerbaïdjan est parfaitement capable de créer des provocations afin d’incriminer l’Arménie et les Arméniens. La communauté internationale devrait être consciente de ces tactiques dignes du KGB. De plus, afin de justifier le meurtre, des officiels de haut rang de la République d’Azerbaïdjan ont trompé la société azerbaïdjannaise en prétendant que Safarov avait commis ce meurtre en défendant l’honneur du drapeau azerbaïdjannais, ou parce qu’il avait été témoin du meurtre de ses proches ou même de sa sœur par des Arméniens. Ces allégations ont été totalement écartées par le tribunal.

Soyons clairs : les tentatives de rattacher cette affaire au contexte régional ne sont que des efforts pour justifier un meurtre, et une marque de dédain pour les décisions de justice. Cette affaire ne concerne pas les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il s’agit d’une question d’exécution des peines et de respect des droits fondamentaux, en l’occurrence du droit à la vie. Une convention du Conseil de l’Europe ne saurait en aucun cas justifier la libération d’un meurtrier.

Dans cette affaire, un Etat membre et ses dirigeants, de manière délibérée et sans le moindre remords, propagent et soutiennent la haine et l’intolérance à l’égard d’une nation et récompensent un meurtrier.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Agramunt.

M. AGRAMUNT (Espagne)* - Tout d’abord, je me félicite que nous puissions avoir ce débat. En tant que rapporteur chargé de l’un des Etats impliqués, il est évident que ce débat est très important pour moi. Il est probable que nous allons entendre des avis très certainement contradictoires de la part des deux parties au conflit.

D’un point de vue personnel, j’éprouve un sentiment de rejet face aux agissements inacceptables du Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan. Mais je veux comprendre les aspects relatifs à l’application de la convention internationale et du droit national, ce qui n’est pas clair jusqu’à présent.

La proposition de M. Chope est parfaitement justifiée. La commission de suivi n’a pas suffisamment étudiée la question. Je le ferai lorsque je me rendrai dans ce pays au mois de novembre. La commission de suivi va participer à cette réflexion. J’espère que la commission des questions juridiques nous aidera à comprendre ce qui s’est passé exactement entre les trois parties, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Hongrie du point de vue juridique.

Nous sommes face à un conflit gelé, redevenu actif. Le Haut-Karabakh, la Transnistrie, le Kosovo, l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie, Chypre etc. il existe de nombreux conflits gelés en Europe que nous n’avons pas été capables de résoudre, j’espère que nous y parviendrons dans un avenir proche.

Je salue l’initiative du Président de l’Assemblée. Il a reçu les présidents des délégations des deux pays pour voir si l’on peut avancer. Ce conflit remonte à plus de 20 ans ! A la commission de suivi, un collègue a reconnu qu’un pays occupe 20 à 30 % du territoire d’un autre. On compte des centaines de milliers de réfugiés. Rien ne justifie l’acte perpétré par Safarov et rien ne justifie l’agissement du gouvernement de l’Azerbaïdjan. Mais je veux examiner toutes les facettes, toutes les vérités que nous pourrons entendre. J’espère que cet après-midi tout sera dit avec élégance, sans se montrer du doigt et sans des accusations trop fortes.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Zohrabyan.

Mme ZOHRABYAN (Arménie)* – Chers collègues, ce qui s'est passé le 31 août, peut être considéré comme l'un des événements les plus honteux de nos jours. La Hongrie, membre de l'Union Européenne, a extradé à Bakou Ramil Safarov qui a assassiné à coups de hache, durant son sommeil, l'officier arménien Gurguen Margaryan. L'assassin a été gracié dès son arrivé à Bakou, car « l'arménophobie » et « l'arménocide » sont les plus grands actes d'héroïsme en Azerbaïdjan. Cet accord honteux a été conclu devant le monde civilisé. Le monstre, qui a tué à la hache l'officier arménien pour des motifs ethniques, a été accueilli en héros national dans son pays natal. Parmi les gens qui l'accueillirent à l'aéroport, se trouvaient aussi des députés de cette organisation. La décision de transfert de Safarov confirme le fiasco absolu de la justice et des valeurs paneuropéennes. Le criminel Safarov est devenu non seulement l'indicateur de la partialité de la justice européenne, mais aussi l'une des plus grandes hontes de l'Europe qui porte pourtant des valeurs universelles.

Chers collègues, ces derniers temps, nous avons été les témoins des agissements de l'Azerbaïdjan qui a acheté avec son caviar et ses pétrodollars des officiels et des députés européens, ce qui est vraiment déshonorant.

La Hongrie a extradé Ramil Safarov. Si l'Europe, les organisations et les autorités européennes et notre Assemblée n'entreprennent pas des démarches concrètes envers l'Azerbaïdjan, la justice et les valeurs européennes seront mises en danger.

Il sera alors clair et compréhensible pour tous, que jamais, jamais, le Haut-Karabakh ne pourra faire partie d'un Etat, où l'assassinat pour motifs ethniques est considéré comme l'héroïsme le plus grand pour un pays.

L'Azerbaïdjan est capable d'acheter des médailles d'or olympiques, de payer une rançon énorme pour un monstre peureux qui ne peut que tuer des gens à la hache durant leur sommeil. Cependant une chose est sûre et certaine, un pays ayant une société dégradée, donnant naissance à des Safarov et les portant au rang de héros national, doit être condamné par le monde civilisé.

Je termine mon intervention avec l'observation du publiciste azerbaïdjanais Yussif Soufin : « Par cette démarche, l'Azerbaïdjan fortifia dans le milieu international son type de pays qui élève les assassins au rang de héros ».

Nous devons évaluer raisonnablement cette situation et nous demander si un pays dont le héros national est un assassin, a le droit d'être membre de notre famille.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Abbasov.

M. ABBASOV (Azerbaïdjan)* – Aujourd’hui nos collègues d’Arménie font tout pour politiser les actes des autorités de l’Azerbaïdjan concernant la grâce accordée à Ramil Safarov. Cet acte est pleinement conforme au droit international et à la loi de l’Azerbaïdjan. Considérant que M. Safarov avait déjà purgé huit ans, le président de l’Azerbaïdjan a pardonné à cet officier d’un pays en conflit, par un acte souverain qu’il pouvait parfaitement effectuer.

Cela fait 20 ans que l’Arménie occupe 20 % de l’Azerbaïdjan. Cela crée des difficultés durables. Ce conflit a provoqué un gros problème de réfugiés, de déplacés intérieurs et a maintenu la tension dans l’ensemble du Caucase du sud. Il faut trouver une solution rapide à la situation du Haut Karabakh ce qui permettra la cohabitation des populations autochtones et créera les conditions favorables à un décollage économique. L’Azerbaïdjan est un partenaire fort, incontournable dans cette région.

Le Conseil de l’Europe doit s’intéresser à la sécurité et à l’intégrité territoriale de tous ses Etats membres et garantir les droits et libertés de toutes les personnes. L’Azerbaïdjan ne peut pas assumer ses responsabilités pour la sécurité des citoyens qui vivent dans les territoires contrôlés par les Arméniens. Nous essayons de trouver des solutions sur la base du droit international. Nous sommes prêts à prendre les mesures nécessaires pour ces citoyens qui vivent dans la région indiquée. Il faudrait que le pouvoir légitime et constitutionnel soit rétabli au Haut-Karabakh. Nous devrions veiller à une solution rapide, dans l’intérêt du Conseil de l’Europe. La solution au conflit garantirait la stabilité et la sécurité au sud de l’Europe.

Il serait bon aussi de se préoccuper au sein du Conseil de l’Europe, des victimes des forces arméniennes au Haut-Karabakh et sur le territoire de l’Azerbaïdjan. Mon pays a du gaz, du pétrole, du caviar, des médailles d’or, mais quel est le rapport avec les valeurs démocratiques ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rzayev.

M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Président, la discussion est très intéressante. J’aimerais souligner plusieurs points.

Il y a eu le meurtre terrible d’un officier arménien par un militaire d’Azerbaïdjan. Pourquoi ? Le sang a coulé à cause de l’occupation par l’Arménie du Haut-Karabakh, où des milliers de personnes ont été déplacées. On n’a pas informé l’opinion publique de la manière dont les populations azéries étaient décimées. Safarov vient d’un district où il a vu abattre sa famille. Je n’essaye pas de justifier les faits qui ont conduit à ce meurtre, mais il faut comprendre aussi pourquoi il a agi ainsi.

Pourquoi les Arméniens font-ils aujourd’hui une telle propagande autour de Safarov ? C’est pour détourner les yeux de l’étranger du vrai problème, l’occupation par l’Arménie de territoires de l’Azerbaïdjan. On parle des droits de l’homme, des droits des peuples. Est-ce qu’on peut interdire à un Azéri de vivre sur sa terre natale ?

A-t-on le droit d’empêcher un Azéri de voyager dans sa région ? Le Haut-Karabakh est ma patrie, et pourtant je ne peux m’y rendre quand je le veux. Le vrai problème, le voilà !

Nous sommes en train de perdre nos jeunes. Ce n’est pas pour cela que l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont élevé leurs enfants. Il est très déplaisant d’entendre ces accusations unilatérales. C’est à l’avenir que nous devons penser, et pour cela, il faut dialoguer. Mais un dialogue entre les communautés azérie et arménienne au Haut-Karabakh est inenvisageable : nous devons faire appel aux instances de Minsk et de l’OSCE pour espérer y parvenir, et cela n’y suffit même pas. Je m’adresse à l’Assemblée, à son Président : aidez-nous à nouer un dialogue bilatéral. Nous ne changerons pas l’histoire, mais si on ne résout pas ce problème, il perdurera et s’étendra à tout le Caucase, ce qui compliquera encore la situation.

Si nous en sommes là, c’est parce que le droit n’a pas été appliqué. Si nous respectons le droit international, nous pourrons résoudre le problème, sur le fondement du droit.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Díaz Tejera.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Le non-respect des résolutions internationales est injustifiable. Mais le crime dont nous parlons est tout simplement horrible. La description qu’en a faite M. Chope donne la chair de poule. C’est un acte de barbarie perpétré par un être humain contre un autre être humain sans défense. L’acte concret nous fait justement horreur, mais le contexte plus général ne doit pas nous rendre plus indulgents. Aucune circonstance atténuante ne saurait être accordée à l’individu qui a commis ce crime.

Jamais M. Chope n’a été aussi pondéré qu’aujourd’hui. Aucun des intervenants qui lui a succédé n’a apporté d’élément nouveau. Après avoir exposé le cas concret et son contexte, il a conclu par une proposition. Voici ce que nous devons en effet nous demander : que pouvons-nous faire, nous, parlementaires, pour que cela ne se reproduise jamais ?

Du point de vue juridique et technique, il y a eu fraude au droit, nous indique le personnel hautement qualifié de l’Assemblée. Il faut donc étudier le moyen juridique d’annuler ou de révoquer cet acte. Mais l’essentiel est d’empêcher que cela ne se reproduise. Car si le texte actuellement en vigueur a rendu cela possible, rien ne garantit que cela n’arrivera pas de nouveau.

Du point de vue politique, je fonde donc de grands espoirs sur l’initiative que vous avez prise, Monsieur le Président, de faire venir les deux représentants dans votre bureau. Nous verrons alors si leur volonté de négociation est réelle, et nous n’aurons plus honte de ne pas avoir fait ce qu’il fallait. Merci d’avoir pris la situation en main.

LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur.

La parole est à M. Seyidov.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Une tragédie est survenue. Cette tragédie vient de faire l’objet d’une manipulation politique de la part de certains cercles. « Que penseraient les Azerbaïdjanais », a demandé l’honorable Lord Anderson, « si des Arméniens faisaient la même chose ? » Je veux lui répondre.

En 1992, trois Arméniens ont tué Salatin Askerova, une journaliste azérie. Deux ans plus tard, le gouvernement d’Azerbaïdjan les a transférés vers l’Arménie. Qu’a fait l’Arménie ? Elle les a immédiatement relâchés.

En 1996, Kamo Saakov, condamné à mort pour un attentat à la bombe dans le métro de Bakou, a été à son tour transféré en Arménie, qui l’a lui aussi relâché.

En 2001, au moment où l’Arménie devenait membre à part entière du Conseil de l’Europe, la France lui a transféré le terroriste Garbidjian, responsable de l’attentat d’Orly, lequel a fait huit morts ; il a été relâché, glorifié, on lui a donné un appartement et il a été reçu par de hauts responsables à Erevan.

Le saviez-vous, mes chers collègues ?

Quand nous parlons de cette tragédie, n’oublions pas qu’il y a une guerre entre deux nations. Nous discutons de l’affaire Safarov, mais Khodjali ? On n’en parle jamais ici ! 716 femmes, enfants et personnes âgées ont été tués par les forces arméniennes au Haut-Karabakh. Alors pourquoi le président arménien s’est-il glorifié d’avoir participé à la guerre du Haut-Karabakh ? Pourquoi l’ancien président Kotcharian a-t-il évoqué une incompatibilité entre les deux nations ? Parlons non seulement de l’affaire Safarov, mais aussi du Haut-Karabakh, de Khodjali, de mon frère, tué par un Arménien. Malgré tout, nous voulons la paix ; voilà pourquoi nous sommes ici.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Renato Farina.

M. Renato FARINA (Italie)* – Prenons garde que la vérité des faits ne devienne pas un moyen de retarder la paix. Pour que la paix triomphe, la botte du plus fort ne doit pas écraser le vaincu. Il faut reconnaître la vérité.

Il ne s’agit pas ici de refaire l’histoire du conflit du Haut-Karabakh, mais de porter un jugement serein sur deux faits. Le premier est cet homicide : un militaire en a tué un autre qui travaillait avec lui. C’est un assassinat sournois et prémédité. C’est d’ailleurs un pur hasard si un autre Arménien n’a pas été tué lui aussi. Dans l’Antiquité, on aurait parlé d’un homicide avec circonstance aggravante, un acte impie car contraire au principe de l’hospitalité et de la trêve sacrée. Tout cela, sous les auspices de l’Otan.

Voilà pourquoi j’ai éprouvé un grand malaise à Paris lorsque j’ai entendu un collègue d’Azerbaïdjan en commission des droits de l’homme justifier cet homicide en affirmant qu’il y avait toute une série de circonstances atténuantes.

En l’occurrence, l’homicide a été récompensé. Après tout, pourquoi, sous le couvert de notre drapeau étoilé, un parlementaire n’en tuerait-il pas un autre ? C’est inconcevable, on ne peut justifier un tel acte !

L’autre aspect de la question est le fait qu’un assassin qui reconnaît ses crimes a été mis sur un piédestal dans son pays. Ce n’est plus une grâce ou un pardon, c’est une exaltation, une glorification – et tout cela en profitant d’une convention du Conseil de l’Europe destinée à protéger la dignité humaine, et non les meurtriers. C’est comme si l’on tuait quelqu’un avec les Tables de la loi sur lesquelles est inscrit « Tu ne tueras point ».

Il faut vraiment que le Groupe de Minsk se mobilise. Il faut mettre un terme à cette inertie inacceptable, en évitant toutefois que cet acte gravissime puisse être le motif de souffrances supplémentaires. Comme le disait aussi M. Díaz Tejera, il faut absolument se mobiliser pour arriver à un accord, aussi improbable soit-il.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Huseynov.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Tout d’abord, l’incident Safarov est lié à l’agression arménienne et à l’occupation du territoire d’Azerbaïdjan. Ces deux faits ne peuvent être séparés.

Chers collègues, le souci de l’autre est une qualité qui devrait toujours caractériser les organisations internationales ainsi que les personnes ayant des positions politiques de haut niveau. Cette absence de souci de l’autre génère l’indifférence et un grand nombre de problèmes restent sans solution pendant des années, ce qui soumet des millions d’êtres humains à des souffrances terribles.

Or les récents développements m’amènent à penser que la plupart des gens, y compris au Conseil de l’Europe, perdent ce souci de l’autre, car l’occupation de 20 % du territoire azerbaïdjanais par l’Arménie ne suscite que l’indifférence. Néanmoins, les récentes déclarations du Président de l’Assemblée et d’autres organisations internationales qui reflètent leur préoccupation face à l’affaire Safarov m’étonnent, et me réjouissent, car elles montrent que ces personnes qui font ces déclarations n’ont pas perdu le souci d’autrui. Même s’il peut être assez surprenant d’entendre des déclarations aussi précipitées alors que nous savons que le fait de relâcher Safarov est tout à fait juste du point de vue juridique et que les organisations internationales n’ont pas réagi face à l’occupation du territoire azerbaïdjanais et aux milliers de personnes déplacées.

J’aimerais donc poser quelques questions.

Comment peut-on justifier que les tribunaux allemands aient relâché un meurtrier arménien qui avait assassiné un Turc à Berlin ? Comment expliquer que les autorités françaises aient gracié deux terroristes arméniens qui avaient été condamnés, l’un pour attentat à Orly, l’autre pour avoir tué des diplomates turcs ? Aujourd’hui, ils sont considérés comme des héros en Arménie.

En graciant Safarov, le président d’Azerbaïdjan était tout à fait dans son droit et il exprimait la volonté du million d’Azerbaïdjanais réfugiés et déplacés. Notre préoccupation porte plutôt sur la non- application de la Résolution 1416 relative à l’occupation par l’Arménie du territoire de l’Azerbaïdjan.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rustamyan.

M. RUSTAMYAN (Arménie)* – Malheureusement, nos collègues azéris continuent à falsifier la réalité et nous sommes témoins d’une nouvelle étape dans cette falsification. Tous les exemples cités n’ont rien à voir avec la réalité actuelle.

En effet, l’affaire Safarov n’est pas simplement un problème qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan. Pas du tout ! L’affaire Safarov représente un vrai défi pour les valeurs que nous défendons partout en Europe. Surtout, quand un instrument juridique du Conseil de l’Europe développé à des fins humanistes est utilisé pour gracier un criminel, qui a sauvagement assassiné un collègue pour la seule raison qu’il était arménien. Cette grâce présidentielle scandaleuse est complètement contraire à l’esprit de l’accord international négocié pour permettre aux personnes qui ont été condamnées sur le territoire d’un Etat d’être transférées pour purger le restant de leur peine sur le territoire d’un autre Etat.

Il est tout à fait évident que la punition d’un assassin doit être inéluctable et, en permettant qu’un tel assassin soit libéré, on piétine la justice. Donc, le vrai défi pour nous aujourd’hui est de voir comment on peut rétablir la justice et prévenir la récidive d’une telle violation de nos principes et valeurs communes. Les Azéris et tous les promoteurs des intérêts de l’Azerbaïdjan font tout pour transformer le vrai problème et justifier la position de ce pays. On ne peut tolérer que l’atmosphère de glorification régnant autour d’un assassin en Azerbaïdjan soit justifiée au sein de notre Organisation.

Visant cet objectif, la position de l’Azerbaïdjan se fonde principalement sur les deux thèses suivantes : le verdict n’était pas juste et le dossier doit être examiné dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh.

L’absence de progrès notable dans le processus de paix au Haut-Karabakh ne peut en aucun cas justifier des actes de vengeance ou de provocation qui aggravent une situation déjà tendue et précaire.

La cour pénale de Budapest a examiné de façon approfondie toutes les versions possibles, tous les aspects et les circonstances de ce crime odieux. Le verdict a été rendu par le tribunal d’un Etat membre de l’Union européenne. J’espère donc qu’à part les Azéris, personne n’a le moindre doute sur le fait que ce verdict soit objectif ou que le tribunal hongrois soit compétent.

Chers collègues, il faut absolument que notre Assemblée réagisse vite, car le scénario proposé par l’Azerbaïdjan ne cherche qu’à encourager et propager l’impunité, la vengeance, l’hostilité et le racisme.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de M. Nessa, inscrit dans le débat, la parole est maintenant à M. Szabó.

M. SZABÓ (Hongrie)* - La raison de notre débat est le crime commis à Budapest en 2004 : un Azerbaïdjanais a assassiné un Arménien. A l’époque déjà, il était clair qu’il ne s’agissait pas seulement d’un crime grave, compte tenu du fait que c’était pour la raison de sa nationalité que la victime avait été assassinée. On savait aussi à l’époque que ce crime ne serait pas puni par la loi en Azerbaïdjan et qu’en Arménie la peine de mort serait appliquée. A l’époque, le gouvernement socio-libéral a mené des consultations tripartites, négociant tant avec la partie azerbaïdjanaise qu’avec le gouvernement arménien.

Les négociations ont abouti à un compromis accepté par toutes les parties : l’assassin serait traduit en justice en Hongrie et il y purgerait également sa peine. Il a été condamné à la perpétuité. Le gouvernement actuel de la Hongrie a rouvert le dossier cette année et a transféré Ramil Safarov fin août en Azerbaïdjan, où il a été immédiatement gracié par le président azerbaïdjanais et accueilli en héros.

Le traitement réservé à ce dossier par le nouveau gouvernement est tout à fait différent de celui du gouvernement précédent. Les négociations ont été, non pas tripartites, mais bipartites. La partie arménienne n’a été ni contactée ni informée, pas plus d’ailleurs que le Conseil de l’Europe. Le gouvernement hongrois n’a demandé à l’Azerbaïdjan aucune garantie sur la question de savoir si Safarov purgerait effectivement sa peine.

La question est de savoir pourquoi les choses se sont déroulées ainsi. Or nous n’avons toujours pas de réponse. On entend souvent dire que l’accord bilatéral sur le transfèrement des condamnés et le pardon présidentiel sont tout à fait conformes au droit international. C’est peut-être vrai quant à la lettre, mais certainement pas quant à l’esprit !

Les sociaux-démocrates hongrois ne sont pas d’accord avec la décision prise par le gouvernement actuel, ni avec le pardon accordé. Nous considérons que son attitude est irresponsable. Nous souhaitons de bonnes relations entre la Hongrie et l’Azerbaïdjan, mais à la différence du gouvernement actuel, c’est nous, l’opposition, qui avons demandé pardon au peuple arménien.

Ici, au Conseil de l’Europe, nous devons approfondir la réflexion et chercher à savoir si les règles internationales en matière de transfèrement s’appliquent lorsque la condamnation est liée à un crime commis en raison de la nationalité, de la religion, de l’appartenance politique ou de la couleur de la peau. A mon avis, ce n’est pas le cas. Nous avons donc déposé une proposition que nous vous demandons de soutenir, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Ahmet Kutalmiş Türkeş.

M. Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ (Turquie)* – Les relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie sont troublées depuis des décennies par le conflit au Haut-Karabakh et l’escalade vers une véritable guerre reste possible. Malgré la gravité de la situation, on n’a pas encore trouvé de solution pacifique.

L’affaire Safarov a remis la région sous les feux de l’actualité. Les menaces des officiels arméniens et la question de la reconnaissance de la souveraineté de la région sont des éléments essentiels. Malgré la légalité de l’extradition de Safarov par la Hongrie, il ne faut ni minimiser ni exagérer les répercussions politiques de cet événement.

L’impossibilité de parvenir à une solution pacifique du conflit est en grande partie liée à l’attitude des Arméniens, qui se considèrent comme les vainqueurs et continuent à menacer d’une agression. Cela entretient la haine, avec pour seul résultat d’allonger la liste des victimes et des personnes déplacées, d’un côté comme de l’autre.

Le meurtre commis par Ramil Safarov ne doit pas détourner l’attention de la tragédie humaine que connaît toujours la région. Or il est évident ce conflit ne profite à personne, et certainement pas, en tout cas, aux Arméniens et aux Azéris. La communauté internationale doit aider les deux parties à résoudre le conflit.

De 1973 à 1987, des organisations terroristes arméniennes ont commis – y compris en France – 170 attentats, qui ont tué 31 diplomates turcs, causé la mort de 39 civils et fait plus de 500 blessés. Or nous n’avons jamais entendu le moindre Arménien – officiel, parlementaire ou citoyen – condamner ces assassinats de diplomates turcs. Au contraire, ces terroristes ont été glorifiés et récompensés. Voici maintenant que nos collègues arméniens sont blessés à leur tour ; maintenant, ils comprennent à quel point cela fait mal. Je leur demande donc de ne plus instrumentaliser cette affaire et de s’asseoir autour d’une table avec leurs collègues azéris pour résoudre leurs différends.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Toshev.

M. TOSHEV (Bulgarie)* – Le 28 juin 2000, nous étions tous en fête quand notre Assemblée donna le feu vert à l’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe. Les représentants des deux pays s’embrassèrent même lors de la proclamation de notre décision. Nous croyions alors que le conflit du Haut-Karabakh serait résolu et qu’il y aurait désormais une vraie volonté de coopération sur cette question. Nous avions d’ailleurs explicitement écrit que cette double adhésion donnerait un nouvel élan à la coopération au Sud Caucase, conformément d’ailleurs à l’article 3 su Statut du Conseil.

Entre-temps, nous avons adopté la Résolution 1525/2006 et la Recommandation 1771/2006. Malheureusement, le Comité des Ministres n’a pas soutenu les idées que nous y développions. Depuis, nous avons produit un nouveau rapport sur la coopération au Sud Caucase. L’affaire Safarov a engendré une nouvelle flambée de haine entre les deux pays. Safarov a été condamné à perpétuité pour l’assassinat de Gurgen Markarian à l’Académie militaire de Budapest en 2004. Je rappelle à cet égard que nous avons abordé la question des crimes d’honneur à travers la recommandation 1881/2009 et la résolution 1681/2009.

Les agissements de l’Azerbaïdjan justifient de tels crimes. Le comportement inacceptable de ce pays a des répercussions sur l’ensemble de la région. De son côté, l’Arménie a déclaré qu’elle ne souhaitait pas la guerre, mais qu’elle était prête à se battre si nécessaire et à remporter le combat.

J’espère pour ma part que la réconciliation est possible. J’admire le geste de notre Président, qui a invité les deux délégations pour faire avancer les choses ; mais cela ne suffit pas. Je demande donc que l’on organise une réunion de haut niveau sur ce conflit pour essayer d’avancer vers une solution. Seuls, ces deux pays n’y parviendront pas. Le Conseil de l’Europe devrait donc assumer ses responsabilités.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Zourabian.

M. ZOURABIAN (Arménie)* – Même si j’appartiens à la délégation arménienne, j’aimerais que la question que nous examinons soit extraite des discussions brûlantes entre mon pays et l’Azerbaïdjan sur les responsabilités morales et historiques des uns et des autres dans le conflit du Haut-Karabakh. Je ne souhaite pas non plus examiner ici la question de savoir si la glorification d’un assassin, quelle que soit la nation par laquelle il a été condamné, peut être considérée comme un comportement acceptable. Je ne me demanderai pas davantage si le fait que des négociations soient au point mort puisse justifier des violences brutales. En effet, toutes les réponses à ces questions vont de soi pour la majorité de ceux qui nous écoutent.

En revanche, ce qui est en jeu à l’heure actuelle, c’est la destinée de nos deux peuples et celle du Haut-Karabakh ; c’est l’avenir de la paix dans le Sud Caucase et la stabilité de l’ensemble de la région.

En mai 1994, un cessez-le-feu a été instauré entre les parties au conflit du Haut-Karabakh. Depuis, les négociations dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE ont tenté de trouver une solution durable au conflit pour apporter la paix aux Arméniens et aux Azerbaïdjanais. Ces négociations sont difficiles, parfois frustrantes. Néanmoins, c’est la seule solution à une guerre régionale destructrice à grande échelle.

Soyons réalistes, l’acte de l’Azerbaïdjan et, dans une moindre mesure, de la Hongrie était en somme une extradition, une libération, une glorification d’un meurtre, qui a porté un coup sérieux au processus de négociations, sapant la perspective de renforcement de la confiance entre les parties dans un proche avenir. Il y a trop de crises, de tensions dans cette région : la Syrie, l’Irak, les positions prises par l’Iran. Dans un tel contexte, il convient de tout faire pour préserver un processus de négociation fragile et cela afin de résoudre le problème du Haut-Karabakh. Voilà la priorité de la communauté internationale !

En tant que principale opposition dans le pays, nous avons demandé devant l’Assemblée nationale arménienne que le gouvernement arménien n’apporte pas une réponse destructrice aux actions agressives de l’Azerbaïdjan, c’est à la communauté internationale de réagir fortement. Elle doit envoyer un message clair aux leaders de la région : les responsables ne peuvent pas obtenir ce qu’ils cherchent en attisant le sentiment nationaliste ; au contraire, ils doivent contribuer à la résolution du conflit sur un mode pacifique. Toute action en sens contraire ne ferait qu’alimenter les tensions dans le Sud Caucase et saper un cessez-le-feu fragile et des négociations de paix difficiles.

LE PRÉSIDENT – M. Beneyto, inscrit, dans le débat, étant absent de l’hémicycle, la parole est maintenant à Mme Gafarova.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Nous parlons du transfèrement de Ramil Safarov. Il s’agit d’une procédure judiciaire. A aucun moment, les règles juridiques n’ont été violées. Ces mécanismes juridiques existent et le transfèrement ne constitue pas une violation du droit.

Je reviens sur certains événements évoqués par mes collègues. En avril 2001, un terroriste arménien, qui avait été condamné à la prison pour avoir commis un attentat à Orly, a été transféré en Arménie alors même qu’il n’était pas citoyen arménien. De hauts responsables arméniens l’ont accueilli à l’aéroport en héros. L’Arménie était alors membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et pourtant personne dans notre Assemblée n’a réagi ni n’en a débattu ici. On critique l’Azerbaïdjan aujourd’hui, pourquoi est-on resté muet à cette époque ?

Nous discutons aujourd’hui du cas d’un citoyen azerbaïdjanais qui a déjà purgé huit ans de prison et qui a été gracié, certes, mais non innocenté. Si nous évoquons l’affaire Safarov, il convient également d’évoquer les raisons tues, mais réelles de ce crime qui trouve son origine dans la situation d’occupation. Il faut replacer cette affaire dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh. Les membres de la famille de Safarov ont été tués sous ses yeux. Nous reconnaissons son crime, mais n’a-t-il pas été condamné pour cela ?

Si nous discutons de l’affaire Safarov, pourquoi ne pas évoquer l’assassinat d’Azerbaïdjanais en Arménie car on semble oublier que de nombreux crimes ont été commis durant l’occupation des territoires azerbaïdjanais par les Arméniens ? Pourquoi ne parlons-nous pas du Président Sarkisyan qui a déclaré qu’il était à Khodjali à l’époque de ces massacres ? L’occupation du territoire azerbaïdjanais est illégale et le Conseil de sécurité l’a confirmé en 1993.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Salles.

M. SALLES (France) – Chers collègues, la libération et la glorification de M. Ramil Safarov ont soulevé, à juste titre, de très vives protestations. Accueillir en héros un homme qui a commis un acte aussi odieux est indigne d'un pays membre du Conseil de l'Europe.

Je ne reviendrai pas sur les faits, mais la préméditation et la brutalité de ce crime sont des circonstances aggravantes. Sa motivation, la haine des Arméniens et l'absence totale de remords de M. Safarov aussi.

C'est pourquoi la grâce et la promotion accordées à M. Safarov par le Président de l'Azerbaïdjan à la suite de son extradition et à l’occasion de son retour dans son pays portent atteinte d'autant plus à nos valeurs, au respect élémentaire de la vie de l'autre, quel qu'il soit.

Un troisième pays membre de notre Assemblée est impliqué : celui où s'est produit ce massacre et qui a autorisé l'extradition vers l'Azerbaïdjan : la Hongrie. Car cette affaire pose aussi la question de l'application de la Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées, une convention du Conseil de l'Europe.

Bien sûr, d'un point de vue purement technique, la convention a été suivie à la lettre. Bien sûr, son article 12 prévoit que les Etats peuvent user de leur droit de grâce. Mais la condamnation de Ramil Safarov prononcée par un juge hongrois avait fait l'unanimité contre elle en Azerbaïdjan ; l'Arménie avait demandé à la Hongrie de ne pas extrader ce meurtrier. Alors pourquoi cette décision a-t-elle été prise si rapidement, sans prévenir la partie arménienne ?

Au-delà du texte et des procédures juridiques, il y a aussi l'esprit de la convention : elle a pour objet principal de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées en permettant à un étranger privé de sa liberté à la suite d'une infraction pénale de purger sa peine dans son pays d'origine. Oui, purger sa peine !

La gravité de l'acte - rappelons que Margarian a été massacré de 16 coups de hache pendant son sommeil - la sévérité justifiée de la condamnation, la perpétuité, pour un homme reconnu responsable de ses actes par les experts, y compris azerbaïdjanais, la situation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tous ces éléments auraient dû conduire la Hongrie à plus de prudence et de retenue dans l'application de la convention.

L'attitude de l'Azerbaïdjan est quant à elle intolérable et doit être condamnée. En libérant cet homme, ce pays a encore une fois éloigné toute perspective de règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh et remis en cause le processus de Minsk. En le transformant en héros national, ce pays, membre du Conseil de l'Europe, a fait honte à notre institution.

Il faut donc que l'Azerbaïdjan prenne ses responsabilités et respecte ses engagements : pour cela, Ramil Safarov doit retourner en prison et purger sa peine.

Je me tourne maintenant vers mes collègues azerbaïdjanais pour leur dire que ce ne sont pas des arguments que nous avons entendus cet après-midi, c’est de la propagande ! L’amalgame avec le Haut-Karabakh était totalement insupportable. Les déclarations des représentants de votre délégation cet après-midi la déshonorent dans cette enceinte, qui est le temple des droits de l’homme en Europe. Si l’Azerbaïdjan persiste dans cette attitude, cette affaire restera comme une tache indélébile, que ce pays devra un jour ou l’autre effacer. Dans l’immédiat, je m’interroge sur la légitimité de l’Azerbaïdjan à siéger au sein du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gaudi Nagy, dernier orateur inscrit dans ce débat.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Je suis triste pour les victimes de ce conflit qui ont toutes des liens particuliers avec la Hongrie – arméniennes comme azerbaïdjanaises. Mais j’ai le sentiment que nous ne voyons, ici, que la partie émergée de l’iceberg. Evitons de tomber dans le piège du « deux poids deux mesures » !

Les organisations internationales doivent se mobiliser pour tenter de résoudre le conflit et se pencher sur la convention du Conseil de l'Europe relative au transfert des prisonniers.

La question qui se pose est simple : les autorités d’un pays peuvent-elles, oui ou non, prévoir la grâce de ses condamnés ? D’un point de vue juridique, ce principe est incontestable. Mais dans le cas qui nous concerne, nous devons avoir une vue globale des choses, et notamment du conflit du Haut-Karabakh. Nous devons faire en sorte que les Arméniens et les Azerbaïdjanais puissent vivre en bonne intelligence, dans le respect des normes européennes. Il ne s’agit pas ici de jeter l’anathème sur la Hongrie, l’Arménie ou l’Azerbaïdjan ! Il est clair que les conflits gelés doivent être réglés sur la base du principe de l’autodétermination.

On pourrait rappeler d’autres crimes, comme celui de cet Irlandais qui a assassiné des enfants hongrois et qui n’a jamais été condamné ! Il y a des problèmes partout, ne montons pas ces actes cruels en épingle à des fins politiques.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

Monsieur Chope voulez-vous intervenir ?

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, je ne m’attendais pas à reprendre la parole.

Je veux simplement remercier toutes celles et tous ceux qui sont intervenus. Si cet hémicycle a pu tenir un débat civilisé sur une question aussi émotionnelle, c’est déjà un bon exemple à suivre. J’espère que nous n’aurons plus à gérer ce type d’incident à l’avenir.

LE PRÉSIDENT – Je vous rappelle qu’à l'issue du débat d’actualité, l’Assemblée n’est pas appelée à voter. Ce débat aura néanmoins permis un échange de vues intéressant entre les membres de l’Assemblée. Votre conclusion, Monsieur Chope, est effectivement celle que l’on peut tirer de ce débat. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit éventuellement renvoyée à la commission compétente pour rapport, et c’est, je crois, ce qu’a suggéré Anne Brasseur. Le Bureau évoquera certainement cette éventualité dès demain matin.

5. Déclaration écrite

LE PRÉSIDENT – Conformément à l’article 53 du Règlement, une déclaration écrite n° 533 sur « Le Parlement ukrainien vote pour interdire la liberté d’expression dans le cas de propos favorables aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres » a été déposée (Doc. 13051).

Les représentants, suppléants, observateurs et partenaires pour la démocratie qui désirent ajouter leur signature au bas de cette déclaration peuvent le faire au service de la Séance, bureau 1083.

6. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 35.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition de trois commissions

2. Déontologie des membres de l’Assemblée parlementaire : bonne pratique ou devoir ?

Présentation par M. Walter, suppléant de M. Heald, du rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 13000)

Orateurs : MM. Harutyunyan, Villumsen, Wach, Gross, Mmes Christoffersen, Čigāne, M. Bugnon, Mme Fraser, Sir Roger Gale

Réponses de M. le rapporteur suppléant et de M. Diaz Tejera, vice-président de la commission du Règlement.

Vote sur un projet de résolution

3. Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe

Présentation par Mme Quintanilla du rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (Doc. 13010)

Orateurs : Mme Andersen, MM. Ghiletchi, Connarty, Comte, M. Phelan, M. Voruz, Mme Schou, M. Pintado, Mmes Acketoft, Bilgehan, MM. Díaz Tejera, Renato Farina, Nicolaides, Kalmar, Schennach, Mmes Erkal Kara, Guţu, MM. McNamara, Gaudi Nagy

Réponses de Mme la rapporteure et de M. Kaźmierczak, vice-président de la commission de la culture.

Vote sur un projet de résolution amendé

4. L’affaire Safarov (Débat d’actualité) :

Orateurs : M. Chope

M. Rochebloine, Lord Anderson, Mmes Brasseur, Woldseth, MM. Kox, Vejkey, Rouquet, Harutyunyan, Agramunt, Mme Naira Zohrabyan, MM. Abbasov, Rzayev, Díaz Tejera, Seyidov, Renato Farina, Huseynov, Rustamyan, Szabó, Ahmet Kutalmiş Türkeş, Toshev, Zourabian, Mme Gafarova, MM. Salles, Gaudi Nagy

5. Déclaration écrite

6. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Miloš ALIGRUDIĆ*

José Antonio ALONSO/ Delia Blanco

Karin ANDERSEN

Donald ANDERSON

Florin Serghei ANGHEL*

Khadija ARIB*

Mörður ÁRNASON*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE*

Viorel Riceard BADEA*

Pelin Gündeş BAKIR

Theodora BAKOYANNIS*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Sílvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ

Grzegorz BIERECKI*

Gülsün BİLGEHAN

Oksana BILOZIR*

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET*

Olena BONDARENKO

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN/László Koszorús

Federico BRICOLO*

Ankie BROEKERS-KNOL

Piet DE BRUYN*

Patrizia BUGNANO*

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU*

Mikael CEDERBRATT/Jonas Gunnarsson

Otto CHALOUPKA/Dana Váhalová

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

James CLAPPISON*

Deirdre CLUNE/John Paul Phelan

Agustín CONDE

Igor CORMAN

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand De DECKER*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Josette DURRIEU*

Mikuláš DZURINDA

Diana ECCLES*

József ÉKES/Imre Vejkey

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA*

Relu FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ

Gvozden Srećko FLEGO*

Paul FLYNN/Michael Connarty

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON/Jean-Pierre Michel

Erich Georg FRITZ

György FRUNDA*

Giorgi GABASHVILI*

Alena GAJDŮŠKOVÁ

Roger GALE

Jean-Charles GARDETTO*

Tamás GAUDI NAGY

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA

Jean GLAVANY*

Michael GLOS*

Pavol GOGA*

Obrad GOJKOVIĆ*

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Svetlana GORYACHEVA*

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM/Ingjerd Schou

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV/Sahiba Gafarova

Andrzej HALICKI*

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI

Norbert HAUPERT

Oliver HEALD*

Alfred HEER*

Olha HERASYM'YUK*

Andres HERKEL*

Adam HOFMAN*

Serhiy HOLOVATY*

Jim HOOD/Joe Benton

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN/Armen Rustamyan

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Susanna HUOVINEN*

Ali HUSEYNLI/Aydin Abbasov

Rafael HUSEYNOV

Stanisław HUSKOWSKI/Jan Kaźmierczak

Shpëtim IDRIZI*

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Rudy Salles

Roman JAKIČ*

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Mats JOHANSSON/Tina Acketoft

Birkir Jón JÓNSSON

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN*

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA*

Mariusz KAMIŃSKI*

Marietta KARAMANLI*

Burhan KAYATÜRK

Bogdan KLICH*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Alev KORUN*

Tiny KOX

Marie KRARUP*

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA*

Dalia KUODYTĖ*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU/Nicos Nicolaides

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN/Yves Pozzo Di Borgo

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Younal LOUTFI*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI/Renato Farina

Nicole MANZONE-SAQUET*

Pietro MARCENARO*

Thierry MARIANI*

Konstantinos MARKOPOULOS*

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA*

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA*

Jean-Claude MIGNON*

Dangutė MIKUTIENĖ*

Djordje MILIĆEVIĆ*

Akaki MINASHVILI*

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV/Svetlana Zhurova

Jerzy MONTAG*

Patrick MORIAU*

João Bosco MOTA AMARAL*

Arkadiusz MULARCZYK*

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Adrian NĂSTASE*

Gebhard NEGELE

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA*

Fritz NEUGEBAUER*

Baroness Emma NICHOLSON*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSK*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Sandra OSBORNE*

Nadia OTTAVIANI*

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA*

Ganira PASHAYEVA*

Lajla PERNASKA

Johannes PFLUG*

Foteini PIPILI*

Alexander POCHINOK*

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN/Nikolaj Villumsen

Marietta de POURBAIX-LUNDIN/Lennart Axelsson

Cezar Florin PREDA*

Lord John PRESCOTT*

Jakob PRESEČNIK*

Radoslav PROCHÁZKA/Darina Gabániová

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Valeriy PYSARENKO*

Valentina RADULOVIĆ-ŠĆEPANOVIĆ*

Elżbieta RADZISZEWSKA*

Mailis REPS

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Ilir RUSMALI*

Volodymyr RYBAK*

Rovshan RZAYEV

Džavid ŠABOVIĆ*

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI*

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER*

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV

Jim SHERIDAN

Mykola SHERSHUN*

Adalbi SHKHAGOVEV/Nadezda Gerasimova

Robert SHLEGEL*

Ladislav SKOPAL

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV*

Maria STAVROSITU

Arūnė STIRBLYTĖ*

Yanaki STOILOV*

Fiorenzo STOLFI*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Giorgi TARGAMADZÉ*

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON*

Latchezar TOSHEV

Petré TSISKARISHVILI*

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV*

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS*

Ljubica VASIĆ*

Stefaan VERCAMER*

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN*

Varujan VOSGANIAN*

Tanja VRBAT*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER

Katrin WERNER

Renate WOHLWEND/Doris Frommelt

Karin S. WOLDSETH

Gisela WURM

Karl ZELLER

Kostiantyn ZHEVAHO*

Emanuelis ZINGERIS*

Guennady ZIUGANOV/Anvar Makhmutov

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Espagne/Carmen Quintanilla

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Serbie*

Siège vacant, Serbie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Charles KENNEDY

Observateurs

Carlos Fernando ÁNGULO PARRA

Ms Joyce BATEMAN

Hervé Pierre GUILLOT

Partenaires pour la démocratie

Ms Najat ALASTAL

Mr Qais KHADER

Mr Bernard SABELLA

M. Mohamed YATIM