AS (2013) CR 02

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la deuxième séance

Lundi 21 janvier 2013 à 15 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 10, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

Mes chers collègues, nous ne commençons pas à l’heure car d’importantes réunions de commission se tenaient et il nous fallait laisser le temps aux parlementaires de regagner l’hémicycle. Nous nous excusons auprès du Président du Comité des Ministres.

1. Registres de présence

LE PRÉSIDENT - Je rappelle à tous les membres de l’Assemblée, y compris les suppléants, observateurs et partenaires pour la démocratie, qu’ils doivent impérativement signer les registres de présence en entrant dans l’hémicycle.

2. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2013) 01 Addendum 3.

Y a-t-il des oppositions à ces modifications ?...

Ce n’est pas le cas.

Elles sont adoptées.

3. Communication du Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle une communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, présentée par M. Saboya Sunyé, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres. Après sa communication, M. Saboya Sunyé répondra à des questions des membres de notre Assemblée.

Monsieur le Président du Comité des Ministres, c’est avec un grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle. Cela me donne également l’occasion de rappeler que la réunion de notre Commission permanente s’est tenue à Andorra la Vella le 23 novembre 2012. Au-delà de l’accueil chaleureux que les autorités andorranes nous ont réservé, je tiens particulièrement à vous remercier pour l’échange de vues très franc et constructif que nous avons eu lors de cette réunion et pour l’intérêt remarquable que vous avez porté à nos travaux. Je dois dire, en effet, que nous avons été particulièrement sensibles au fait que vous ayez souhaité rester avec nous pendant toute la durée de la réunion de la Commission permanente. Cela mérite d’être souligné. Vous avez prouvé ainsi l’intérêt que vous portez à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Lors de cet échange de vues, vous avez souligné l’importance de la coordination interne au sein du Conseil de l’Europe et je ne peux, vous le savez, que souscrire pleinement à vos propos. Je me réjouis comme vous que les échanges de vues entre le Comité des Ministres et l’Assemblée, à tous les niveaux, soient désormais une pratique régulière. A cet égard, je souhaite également me tourner vers les ambassadeurs, ici présents, pour les remercier. Je salue particulièrement le vôtre, qui préside en votre absence le Comité des Ministres ; nous avons convenu de nous voir régulièrement.

Avec votre prédécesseur – M. le ministre des Affaires étrangères d’Albanie –, nous avions effectué, en novembre dernier, une visite conjointe en Tunisie. J’espère qu’au cours de votre mandat, nous serons en mesure de renouveler cette expérience dans un autre pays.

Je saisis l’occasion de saluer l’ambition et la clairvoyance de la présidence andorrane qui a souhaité travailler en étroite collaboration avec les prochaines présidences de l’Arménie et de l’Autriche sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme et sur le suivi des négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Ce sont là des questions vitales pour notre Organisation, comme vous le savez – nous en avons parlé ensemble et j’ai eu l’occasion d’en débattre avec Martin Schultz. Le mieux serait que cette adhésion puisse se faire avant les prochaines élections européennes, qui auront lieu au mois de juin 2014.

La présidence andorrane a recentré ses priorités sur le multiculturalisme et le dialogue interculturel. De fait, la tolérance constitue l’une des grandes richesses de votre pays. Nous suivons également avec intérêt vos actions dans le domaine de la jeunesse et de l’éducation. Notre Assemblée, bien qu’elle ait été créée en 1949, reste très jeune et la jeunesse est l’une de nos préoccupations. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer le travail remarquable accompli par les centres européens de la jeunesse – tant celui de Budapest que celui de Strasbourg. Comme vous le savez, nous avons organisé récemment la deuxième Assemblée des jeunes du Conseil de l’Europe, qui a été un grand moment.

Nous saluons aussi votre campagne de promotion de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment à travers les réseaux sociaux. Je suis convaincu que l’échange de vues qui nous réunit aujourd’hui représente une occasion parfaite pour nous accorder dans la perspective d’un renforcement de notre coopération. Je tiens à vous assurer du soutien entier de notre Assemblée. Avant de vous donner la parole, je salue l’ensemble de votre délégation, au sein de laquelle je crois reconnaître le président de votre Parlement, qui nous a accueillis avec beaucoup de gentillesse. C’est pour nous un grand plaisir de travailler avec vous.

La parole est à M. Saboya Sunyé, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres.

M. SABOYA SUNYÉ, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres – Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Monsieur le Secrétaire Général, Madame la Secrétaire Générale adjointe, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs, en novembre dernier j’ai eu le plaisir de m’exprimer devant les membres de votre Commission permanente en Andorre. Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai l’honneur de m’adresser à votre Assemblée plénière. C’est un grand honneur pour moi, mais surtout une vraie fierté pour mon pays qui, 18 ans après avoir rejoint l’Organisation, en assure pour la première fois la présidence.

Je souhaiterais tout d’abord rendre un hommage à la mémoire du Président de Puig. Lluís Maria de Puig était un Européen convaincu et un homme de cœur. Il a contribué de manière considérable à vos travaux et a beaucoup œuvré pour les bonnes relations entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. En tant qu’Andorran, je ne peux oublier ou passer sous silence le rôle clé qu’il a joué dans le processus ayant mené à l’adhésion de mon pays au Conseil de l’Europe. Son engagement pour la cause européenne doit continuer à nous guider tous.

La présidence andorrane est déjà bien entamée. Je ne vais pas me livrer à une présentation détaillée de nos priorités, comme j’ai eu l’occasion de le faire devant votre Commission permanente en novembre dernier en Andorre. Cependant, permettez-moi de rappeler que le thème principal de notre présidence est la promotion et la protection des droits de l’homme et de la démocratie à travers l’éducation. Nous avons choisi l’éducation aux droits de l’homme, à la démocratie et à l’Etat de droit comme moyen d’action prioritaire dans notre volonté de promouvoir l’éducation aux valeurs que nous défendons tous au sein du Conseil de l’Europe. Ainsi, nous avons placé sous les auspices de notre présidence une importante conférence consacrée à l’impact de la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme qui s’est tenue en novembre dernier. Cette conférence, qui a réuni des participants de 50 pays différents, a permis d’identifier des moyens concrets pour renforcer l’éducation aux droits de l’homme dans tous les milieux éducatifs, de mieux faire connaître les travaux du Conseil de l’Europe dans ce domaine et d’intensifier la coopération entre toutes les parties concernées aux niveaux national et international. Nous nous réjouissons tous ensemble du succès de cette conférence.

Le prochain événement en matière d’éducation sera la conférence à haut niveau qui se tiendra à Andorra la Vella du 6 au 8 février sur le thème suivant : « Les compétences pour une culture de la démocratie et le dialogue interculturel : un enjeu politique et des valeurs ». L’Assemblée parlementaire y a bien entendu été conviée et j’espère que, avec le soutien de chacun, cette conférence rencontrera le succès escompté. Il faut garder présente à l’esprit la 24e Conférence des ministres responsables de l’éducation, qui aura lieu en avril 2013 à Helsinki sur le thème : « Gouvernance et éducation de qualité », à laquelle nous comptons participer activement.

Nous pensons qu’il est indispensable d’œuvrer avec la jeunesse, comme le remarquait M. le Président dans son propos liminaire, afin de faire fructifier nos idéaux. Aussi allons-nous organiser en Andorre, avec le Conseil de l’Europe, les rencontres des jeunes ambassadeurs pour la paix en avril prochain. Cet événement sera accompagné d’une formation sur la médiation destinée à de jeunes andorrans.

Par ailleurs, garantir l’efficacité à long terme de la Convention européenne des droits de l’homme et le bon fonctionnement de la Cour constitue une autre de nos priorités. A l’instar des trois présidences qui ont précédé, ainsi que des présidences arménienne et autrichienne qui nous succéderont, nous nous sommes engagés à assurer le suivi des décisions prises par le Comité des Ministres à l’issue des conférences d’Interlaken, d’Izmir et de Brighton.

Dans ce domaine, les travaux sur la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme avancent à bon rythme. Ainsi, j’ai le plaisir de vous informer que le Comité des Ministres vient de décider de transmettre le projet de Protocole n°15 portant amendement à la Convention européenne des droits de l’homme, pour avis, à votre Assemblée et à la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres examinera votre avis avec beaucoup d’intérêt. Nous sommes convaincus que ce nouvel instrument, qui est le résultat de nos efforts communs, renforcera encore davantage l’efficacité du système de protection des droits de l’homme en Europe. Nous espérons que le Protocole n° 15 pourra être adopté lors de la 123e session du Comité des Ministres qui se tiendra le 16 mai prochain.

Parallèlement, comme vous le savez, les Délégués des Ministres ont également chargé le Comité directeur pour les droits de l’homme de préparer un projet de Protocole facultatif n° 16 concernant l’élargissement de la compétence de la Cour pour donner des avis consultatifs. Ce travail devrait être finalisé dans les prochaines semaines. Le projet de Protocole facultatif devrait ensuite être transmis à votre Assemblée pour avis lors de la deuxième partie de votre session, en avril prochain.

Par ailleurs, conformément à ce qui a été décidé lors de la Conférence de Brighton, le Comité des Ministres, responsable de la supervision des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, poursuit ses réflexions sur les moyens de perfectionner ses procédures de surveillance effective de l’exécution des arrêts de la Cour.

Le Comité des Ministres prête également une attention très particulière à la question centrale de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. À l’heure où je vous parle, le groupe ad hoc de négociation chargé de préparer les instruments d’adhésion de l’Union tient, ici à Strasbourg, sa quatrième réunion. L’adhésion de l’Union européenne est une condition essentielle à la mise en place d’un espace cohérent de protection des droits de l’homme en Europe. Nous espérons que les négociations aboutiront rapidement, pour que l’adhésion de l’Union européenne devienne une réalité.

Ces différentes initiatives, une fois menées à terme, contribueront grandement à l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme. Il ne faut cependant pas perdre de vue que c’est d’abord aux Etats eux-mêmes qu’appartient la responsabilité de la mise en œuvre de la Convention. Vous examinerez d’ailleurs cette question demain au cours d’un débat consacré à la viabilité de la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité des Ministres veillera bien entendu à donner la suite appropriée aux résultats de vos débats et de vos discussions.

En ce sens, la Présidence va lancer prochainement une campagne de promotion de la lecture de la Convention européenne des droits de l’homme à travers une page web. Nous invitons tout le monde à y adhérer. Nous souhaitons interpeller la société civile sur l’importance de la Convention. Pour ce faire, nous pensons utiliser les réseaux sociaux afin d’en assurer une plus grande diffusion, surtout envers les jeunes. Notre volonté est en effet de mobiliser la société civile en impliquant précisément la jeunesse. Comme on a pu l’entendre dans ce même hémicycle, aussi bien lors du Forum pour l’avenir de la démocratie que lors de l’Assemblée des jeunes, la jeunesse est non seulement le futur, mais surtout notre présent.

Cette préoccupation rejoint l’une des conclusions du séminaire intitulé : « La Charte sociale et la marge d’appréciation des Etats », organisé en décembre dernier par le Comité européen des droits sociaux et l’Institut des droits de l’homme René Cassin, sous les auspices de la présidence andorrane, et auquel notre ministre du Tourisme et de l’Environnement a participé. Il en est en effet ressorti que nous devions tous travailler ensemble pour faire connaître nos droits et en assurer l’efficacité.

Parmi les libertés fondamentales protégées par la Convention européenne des droits de l’homme figurent la liberté des médias, dont vous débattrez également au cours de cette partie de session, et la liberté de religion, sur laquelle les Délégués des Ministres ont tenu un débat thématique en décembre dernier. Au cours de ce débat, ils ont rappelé que la liberté de pensée, de conscience et de religion était étroitement liée à la liberté d’expression et à la liberté d’association. Si la liberté d’expression autorise la critique, elle doit dans le même temps être exercée de manière responsable, en évitant de stigmatiser les croyances religieuses et de diffuser des stéréotypes de nature à encourager l’intolérance et la violence. Dans le même temps, les tentatives visant à restreindre, au nom de la religion, la liberté d’opinion et d’expression, garantie par la Convention, ne sauraient être acceptées. Nous encourageons le Secrétaire Général dans son action pour la lutte contre le discours de haine, en particulier sur internet.

Un large accord s’est manifesté en faveur de la poursuite de l’action menée par le Conseil de l’Europe pour encourager le dialogue entre les religions, promouvoir la sensibilisation aux normes existantes et assurer leur mise en œuvre, en Europe et au-delà, dans le cadre de la politique du Conseil à l’égard des régions voisines. Je sais que c’est un sujet qui vous tient aussi à cœur, et votre contribution à ces efforts ne peut être que la bienvenue.

Permettez-moi d’évoquer maintenant plusieurs questions politiques qui ont fait l’actualité du Comité des Ministres depuis que l’Andorre en a pris la présidence. Parmi celles-ci figure la question du conflit en Géorgie. Les Délégués des Ministres ont examiné en novembre le sixième rapport de synthèse que le Secrétaire Général a préparé sur ce sujet. L’examen à intervalles réguliers des rapports du Secrétaire Général permet au Comité des Ministres de suivre de près l’évolution de la situation sur place. Le Comité des Ministres se tient prêt à renforcer son action en vue de garantir la protection des droits de l’homme dans les zones affectées par le conflit. Pour ce faire, il est néanmoins indispensable de pouvoir accéder librement aux zones en question. Cette délicate question a fait partie des thèmes abordés par M. Zalkaliani, nouveau Premier vice-ministre des Affaires étrangères de Géorgie, au cours d’un échange de vues avec les Délégués des Ministres en novembre dernier. Je ne doute pas qu’elle sera aussi au centre des discussions que vous tiendrez mercredi sur la situation humanitaire dans les régions touchées par le conflit.

À la suite des élections législatives d’octobre dernier, le nouveau Gouvernement géorgien a été mis en place conformément aux principes démocratiques. Ce faisant, le pays a franchi une étape supplémentaire dans la consolidation de ses institutions. Il faut s’en féliciter. Il faut aussi espérer que le processus de transition se poursuive de manière sereine sur la base d’un véritable dialogue entre les forces politiques, dans le respect des droits de chacun.

Ailleurs dans le Caucase, de nouvelles élections approchent à grands pas. Il en est ainsi pour l’Arménie où se tiendra l’élection présidentielle le mois prochain. Le Comité des Ministres suivra avec attention les conclusions de la délégation de votre Assemblée qui les observera. Les Délégués feront en effet prochainement le bilan des progrès accomplis par les autorités arméniennes dans la mise en œuvre des engagements souscrits au moment de l’adhésion de leur pays au Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, une visite sur place par un groupe restreint d’ambassadeurs est en cours de préparation, en vue également d’évaluer les besoins éventuels d’assistance de la part du Conseil de l’Europe. Il en est de même en ce qui concerne l’Azerbaïdjan, où une visite est également prévue au printemps 2013. Les discussions que vous aurez cette semaine sur le respect des obligations et engagements de ce pays, ainsi que sur la question des prisonniers politiques, seront très utiles aux Délégués pour la suite de leurs travaux.

La situation au Kosovo a toujours fait l’objet d’une attention particulière de la part de votre Assemblée, comme du Comité des Ministres. Nous sommes convaincus de la nécessité de faire en sorte que toutes les personnes vivant au Kosovo jouissent des mêmes droits que tous les autres Européens. Pour atteindre cet objectif, votre Assemblée avait recommandé que le Conseil de l’Europe implique directement les institutions compétentes du Kosovo dans la mise en œuvre de ses activités, tout en respectant la neutralité requise par la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le Comité des Ministres avait fait écho à cet appel. En décembre dernier, le Secrétaire Général a annoncé aux Délégués qu’un accord avait été trouvé pour permettre au Conseil de l’Europe d’interagir directement avec les autorités du Kosovo en veillant bien entendu au respect de la neutralité statutaire. Je me réjouis de ce développement positif sur lequel vous aurez certainement l’occasion de revenir au cours de votre débat sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres sera bien entendu très attentif à vos conclusions. Comme en témoigne cet exemple, c’est lorsque nous travaillons de manière concertée et en bonne intelligence, en particulier avec nos partenaires, ici l’Union européenne, que nous enregistrons les meilleurs résultats.

De ce point de vue, je me félicite du fait que M. Stefan Füle, commissaire européen en charge de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, ait été invité à s’adresser à votre Assemblée jeudi prochain. Les relations qu’entretient le commissaire Füle avec notre Organisation sont nombreuses et fructueuses. Il en est ainsi en ce qui concerne la question de l’exécution par la Bosnie-Herzégovine de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdić et Finci. Cette question constitue toujours un sujet de grande préoccupation. En décembre dernier, le Comité des Ministres a, une nouvelle fois, discuté de ce sujet. Il a adopté une résolution intérimaire faisant part de sa déception quant à l’absence d’un accord entre responsables politiques de Bosnie-Herzégovine pour amender la Constitution, dans le sens de la déclaration que le commissaire Füle et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ont faite conjointement en septembre 2012. Comme l’indique la résolution intérimaire, la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle est dans l’intérêt même de la consolidation des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine. Il faut espérer qu’elle puisse rapidement se concrétiser.

La politique du Conseil de l’Europe à l’égard des régions voisines est un autre domaine qui requiert une approche cohérente de la part de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres, en coopération avec l’Union européenne. Dans cette perspective, j’ai participé en novembre dernier, aux côtés de notre Secrétaire Général, M. Jagland, à une rencontre avec la ministre chypriote des Affaires étrangères, Mme Marcoullis. Nous avons procédé à un échange de vues approfondi sur l’état et les perspectives de la coopération entre l’Europe et le Sud de la Méditerranée. Grâce à l’excellente coopération nouée avec l’Union européenne, je me réjouis du fait que le Conseil de l’Europe soit en mesure d’ouvrir un bureau en Tunisie, ce qui permettra de renforcer son action au service de la transition démocratique dans ce pays.

Il en va de même en ce qui concerne le Maroc. En décembre dernier, les Délégués ont invité ce pays à adhérer à un certain nombre de conventions du Conseil de l’Europe, entre autres la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Ces développements nous permettront d’accompagner plus efficacement les pays du sud de la Méditerranée engagés dans la voie des réformes démocratiques. Il y a maintenant pratiquement deux ans, jour pour jour, que débutait le printemps arabe, source d’espoir dans ces pays. De nombreuses réformes ont été entreprises, mais les avancées en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, même chez nous, ne sont que rarement linéaires. Notre expérience nous le montre, la démocratie se construit pas à pas. Par contre, ce qui est indispensable, c’est de progresser et de consolider autant que possible chacun des éléments de ce progrès. A cet égard, les crises politiques qui affectent le bassin méditerranéen, et en particulier la guerre en Syrie, peuvent engendrer certaines craintes et incertitudes quant à l’évolution possible de ces pays. Dans ce contexte, il est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’il y a deux ans de mobiliser nos énergies pour soutenir les réformes démocratiques entreprises dans les pays couverts par la politique de voisinage du Conseil de l’Europe.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, je ne saurais conclure cette intervention sans me féliciter de l’intensification des relations entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, auxquelles j’attache une très grande importance. Je me réjouis dès lors de voir que ce qui apparaissait encore récemment comme des initiatives ad hoc se transforme en pratiques bien établies. Il en est ainsi des rencontres et des échanges de plus en plus fréquents entre représentants de votre Assemblée et du Comité des Ministres. Le mois dernier, le président du Groupe de rapporteurs sur la coopération juridique (GR-J) a participé à une réunion de votre commission des questions juridiques et des droits de l'homme dans le contexte de l’initiative du Secrétaire Général visant à passer en revue l’ensemble des conventions du Conseil de l’Europe. Quant à vous, Monsieur le Président, je vous sais gré d’avoir accepté de venir présenter les résultats de cette partie de session aux Délégués des Ministres le 30 janvier prochain. Ces présentations que vous faites dorénavant régulièrement sont attendues avec intérêt par les Délégués, qui en apprécient le ton franc et ouvert.

Je vous remercie de votre attention.

LE PRÉSIDENT – Merci beaucoup, Monsieur le Président pour votre intervention particulièrement intéressante, et je ne doute pas que les questions qui vont maintenant vous être posées le seront au moins autant. Je rappelle à mes collègues que leurs questions ne doivent pas dépasser 30 secondes, qu’elles ne doivent pas constituer un discours mais avoir vraiment un caractère interrogatif.

La parole est à M. Vareikis, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Monsieur le Président, vous dites vouloir promouvoir les droits de l’homme par le biais de l’éducation. Que pensez-vous que les étudiants vont apprendre et dans quelle mesure serez-vous de bons professeurs ? J’admire votre pays et j’aimerais savoir comment vous voyez votre avenir. Allez-vous, dans un avenir proche, rejoindre l’Union européenne ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je vous remercie pour cette question très intéressante, qui est essentielle pour notre présidence.

Nous pensons en effet qu’il est possible de définir des indicateurs nous permettant de mieux promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit par le biais de l’éducation. Il ne s’agit pas uniquement de développer l’éducation à la démocratie, ce serait là une vision réductrice. Nous voulons développer des compétences et des indicateurs qui permettraient d’arriver à une véritable transversalité et intégrer ces derniers dans les disciplines d’ores et déjà enseignées à l’école.

La conférence qui se tiendra en Andorre les 6 et 7 février est à ce titre essentielle. Nous espérons que les conclusions qui en seront tirées seront reprises par la conférence ministérielle sur l’éducation qui aura lieu au mois d’avril prochain à Helsinki. Nous serions très fiers d’arriver à des résultats positifs à Andorre comme à Helsinki.

Lorsque nous avons lancé cette idée, nous voulions également établir un lien avec d’autres priorités. Ce n’est pas une idée isolée, c’est une priorité que la promotion de la Convention européenne des droits de l’homme. A cet égard, nous voulons mettre l’accent sur la jeunesse car nous pensons que l’éducation est un moyen de promouvoir ces valeurs, mais il s’agit d’intervenir au bon moment, le plus tôt étant le mieux. Il convient également d’informer les jeunes sur la Convention européenne des droits de l’homme. Bien que distinctes, ces deux priorités sont néanmoins liées.

Si vous avez d’autres questions sur notre présidence, je serais très heureux de vous fournir des détails supplémentaires sur la façon dont nous entendons promouvoir la Convention dans les réseaux sociaux.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Lord Tomlinson, au nom du Groupe socialiste.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni)* – M. le ministre, l’Assemblée, malheureusement, est insuffisamment informée. Au cours de la dernière partie de session, nous avons débattu d’un rapport sur la Fédération de Russie. Or nous nous sommes rendu compte que le Comité des Ministres ne tenait pas compte des résolutions de l’Assemblée parlementaire si elles ne s’accompagnaient pas d’une recommandation. Pouvez-vous dissiper ce mythe et nous assurer que le Comité des Ministres est compétent pour débattre de tous les sujets qu’il veut traiter ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – C’est exact, la majorité requise n’ayant été obtenue, l’Assemblée parlementaire n’a pas adopté de recommandation sur le suivi réalisé par l’Assemblée à l’attention du Comité des Ministres.

Les statuts du Comité des Ministres énumèrent des objectifs, parmi lesquels la nécessité de suivre tous les thèmes touchant aux droits de l’homme : c’est l’ADN du Comité des Ministres ! Quoiqu’il n’existe pas de recommandation, il arrive que nous soyons confrontés à des situations soumises à un suivi avec l’aide du Secrétaire Général. Ce peut être le cas s’agissant de sujets comme la Tchétchénie ou la Fédération de Russie. C’est un motif de préoccupation. Le Comité des Ministres souhaite un suivi étroit.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Memecan, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme MEMECAN (Turquie)* – Lorsque je me suis rendue en Andorre au mois de novembre à l’occasion de la Commission permanente, j’ai été ravie de constater la diversité qui assure la prospérité et le développement de votre pays. Je crois que nous pouvons tous bénéficier de votre expérience. Sous votre mandat, avez-vous l’intention de lancer des initiatives dans le cadre du Conseil de l'Europe afin de promouvoir le concept de diversité en tant qu’aspect fondamental d’une Europe plus prospère et plus démocratique ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Merci, Madame, pour vos paroles très aimables, même si nous n’avons pas la prétention d’être un modèle pour d’autres pays. La prétention n’étant pas dans les caractéristiques de mon pays, je ne sais si nous méritons toutes ces louanges.

Pour autant, il est vrai que la diversité fait partie de nos priorités. L’éducation comme outil visant à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit est très étroitement liée à la diversité. Notre pays, en effet, est marqué par la diversité des origines de ses citoyens. La moitié de la population de l’Andorre n’est pas constituée de ressortissants andorrans. C’est ainsi que nous comptons cent nationalités pour 70 000 habitants. La diversité fait donc notre identité.

Notre système éducatif est unique, car les citoyens peuvent choisir entre trois systèmes gratuits : le système andorran, le système français et le système espagnol. Nous sommes convaincus que l’éducation et la diversité sont inextricablement liées. L’éducation en tant que priorité suprême est donc étroitement liée à la diversité. Tel était l’un de nos objectifs de départ, d’autant que l’Albanie, au cours de sa présidence, s’était elle aussi grandement concentrée sur la question de la diversité. Aussi, en choisissant l’éducation, nous avons, pour ainsi dire, voulu assurer la continuité des efforts déployés par les présidences précédentes. Je profite de l’occasion pour remercier l’Arménie et l’Autriche, qui assureront la présidence après nous, de leur volonté d’assurer la continuité des initiatives qui auront été les nôtres.

J’ajoute que nous sommes ravis d’avoir coorganisé avec l’Union européenne une réunion qui se tiendra à Dublin au mois de février 2013 et qui portera sur les villes interculturelles. Nous sommes ravis d’avoir coorganisé cette réunion avec la présidence irlandaise de l’Union européenne, que je salue.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Earl of Dundee, au nom du Groupe démocrate européen.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni)* – S’agissant de l’aide apportée par le Conseil de l'Europe aux autorités locales et régionales, que s’est-il passé depuis le Sommet de Kiev ? Le Conseil de l'Europe doit traiter plus efficacement la question de la démocratie locale et régionale. Que fera votre présidence d’ici à mai 2013 ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Dans un pays aussi petit que le nôtre, nous sommes très proches des territoires et d’ailleurs nos mécanismes politiques reflètent parfaitement la présence des différents territoires au sein de notre Parlement. Je suis donc sensibilisé à la question d’un point de vue personnel.

La coopération entre les différents organes du Conseil de l'Europe en ce domaine bien particulier de la démocratie locale et régionale est essentielle pour l’action de l’Organisation si nous voulons avoir un impact direct.

Je sais que vous suivez cette question avec intérêt et je suis disposé à vous fournir quelques détails. La dix-septième session de la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des collectivités locales et régionales, qui s’est déroulée à Kiev en novembre 2011, fut une occasion unique pour identifier des questions requérant une meilleure coordination.

À la suite de cette conférence, le Comité des Ministres a demandé au Comité européen sur la démocratie locale et régionale de conduire des actions portant sur l’impact de la situation économique sur les budgets des collectivités locales. Il s’agissait également de se pencher sur la sensibilisation à la question des droits de l’homme, sur les principes de bonne gouvernance, ainsi que sur la suppression des obstacles à la coopération transfrontalière.

Il importe maintenant de mettre en place une coopération pragmatique entre le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, afin de veiller à la cohérence et à l’efficacité des actions du Conseil de l’Europe sur ces sujets particulièrement importants.

Bien des choses ont d’ores et déjà été réalisées depuis la conférence de novembre 2011. Nous avons désormais des outils à notre disposition ; il reste à approfondir la coopération avec les collectivités locales. Soyez assurés que le Comité des Ministres est déterminé à poursuivre dans cette voie et à mettre l’accent sur la cohérence et l’efficacité des actions futures.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – Monsieur le ministre, je vous remercie pour les informations concernant les nouveaux protocoles visant à améliorer la Convention des droits de l’homme et les négociations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Vous avez déclaré être convaincu que celles-ci arriveraient bientôt à leur terme : voilà une bonne nouvelle ! Toutefois, votre prédécesseur avait également déclaré que nous obtiendrions rapidement des résultats – de même que son prédécesseur... Pourriez-vous, s’il vous plaît, préciser le sens de « bientôt » ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – C’est une question difficile ! Le terme est sujet à différentes interprétations… Je vais cependant essayer de vous donner un maximum d’informations sur le sujet.

Il est vrai que les discussions s’étaient un peu enlisées l’automne dernier mais, depuis, les choses ont évolué dans le bon sens. Les négociations ont débouché sur des avancées concrètes. Une nouvelle réunion, la quatrième, est prévue aujourd’hui ou mercredi. C’est pourquoi nous sommes relativement confiants : nous pensons que les choses vont encore avancer. Pour l’heure, nous nous concentrons sur quelques questions, comme le mécanisme du codéfendeur et les règles de l’élection, qui font l’objet de critiques. Tous ces sujets occupent une grande partie de nos discussions.

En tant que Président du Comité des Ministres, je suis particulièrement attentif à la promotion du dialogue. Comme je l’ai dit – et votre Président l’a également souligné –, la coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe s’est grandement améliorée depuis 2007. Au cours des 15 ou 18 derniers mois, je me suis rendu compte qu’il existait une grande volonté, de la part de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et du Secrétaire Général d’aller de l’avant. Nous avons eu l’occasion d’en discuter lors de la réunion à haut niveau qui s’est tenue en novembre. Il est évident que, sur le thème important des politiques de voisinage, nous allons pouvoir travailler ensemble et obtenir des résultats. C’est ce que révèlent les initiatives prises en Jordanie, en Tunisie ou au Maroc, qui ont bénéficié d’un soutien particulier de la part de l’Assemblée parlementaire. Le « partenariat pour la démocratie » me semble également une excellente initiative. C’est lorsque nous coopérons avec l’Union européenne que nous obtenons d’excellents résultats.

Nous devons également nous féliciter de l’aide financière obtenue par le Conseil de l’Europe au cours des derniers mois, qui a permis d’ouvrir une structure en Tunisie. Il est essentiel d’être présent au plus vite dans ces pays, lorsque des mouvements menant à la démocratie et à la protection des droits de l’homme voient le jour. Le Conseil de l’Europe dispose d’une expertise inégalée dans ces domaines, et la Commission de Venise est une institution unique. Lorsque nous nous sommes rencontrés lors de cette réunion à haut niveau en novembre, nous avons souligné combien il était essentiel d’être sur place et de s’exprimer d’une seule et même voix ; à défaut, nous ne serions pas perçus comme des organisations puissantes.

Nous sommes donc particulièrement engagés en faveur de ce processus, qui permettra d’apporter un soutien important à de telles initiatives. Nous remercions l’Union européenne, qui nous a apporté une aide précieuse au cours de ces derniers mois.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Baroness Nicholson.

Baroness NICHOLSON (Royaume-Uni)* – Monsieur le Ministre, seriez-vous d’accord pour dire que, étant donné que la République d’Irak est très proche d’un des Etats membres les plus importants du Conseil de l’Europe, le dialogue actuel entre les institutions du Conseil et l’Irak n’est peut-être pas suffisant pour que celui-ci devienne une véritable démocratie ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – J’ai déjà mentionné l’importance de cette politique de voisinage. Nos valeurs et nos principes ne valent pas seulement pour nous : il importe que nous soyons présents partout où nous pouvons exercer une influence pour les imposer. Nous devons apporter notre soutien aux pays qui souhaitent y adhérer ; mais, parallèlement, nous devons être conscients du fait que des aspects particuliers sont liés, qui doivent être respectés par ces pays. Je crois que nous devons être très exigeants en la matière.

Il convient de trouver le bon équilibre entre, d’un côté, la volonté de soutenir ces pays pour qu’ils se rapprochent de nos valeurs et de notre institution et, de l’autre côté, le fait qu’un statut particulier n’a été octroyé qu’à de très rares occasions – seuls six pays bénéficient du statut d’observateur : le Saint-Siège, les États-Unis d’Amérique, le Canada, Israël, le Japon et le Mexique – et que, pour en bénéficier, il faut respecter nos valeurs et nos normes.

Ces pays doivent évidemment s’engager à respecter nos valeurs et nos normes. La question du statut d’observateur est très délicate. Il ne s’agit d’ailleurs pas du seul outil dont nous disposons pour aider certains pays à mieux défendre nos valeurs. On peut aussi promouvoir leur adhésion à certaines de nos conventions ou à des accords partiels. Ce sont des voies qu’il faut explorer pour renforcer leur volonté de parvenir à un rapprochement avec le Conseil de l’Europe. Il convient en tout cas de ne pas octroyer le statut d’observateur à des pays dont on ne peut garantir qu’ils sauront respecter les principes du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Huseynov.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Seul Dieu peut donner la vie à l’être humain et la lui reprendre. Récemment, diverses initiatives visant à rétablir la peine de mort ont été observées dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Que peut faire notre Organisation pour éviter qu’elles ne se multiplient ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Cette question me donne une occasion unique de réaffirmer la position très ferme du Conseil de l’Europe sur la peine de mort. Les pays membres du Conseil de l’Europe constituent une zone dans laquelle elle a été supprimée et c’est pour nous tout à fait fondamental. Quelles que soient les circonstances, nous sommes fermement opposés à la peine de mort. Au mois d’octobre 2012, le jour même de la lutte contre la peine de mort, le Comité des Ministres a publié une déclaration en ce sens.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Brasseur.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Monsieur le Ministre, en des temps de restrictions budgétaires, les Etats membres ont tendance à réduire les vivres des organisations internationales. Comment le Comité des Ministres peut-il convaincre les Etats membres de fournir au Conseil de l’Europe les ressources nécessaires au bon déroulement de ses missions ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Le Comité des Ministres est lui aussi convaincu de la nécessité de réduire les dépenses compte tenu du contexte économique. D’ailleurs, les citoyens eux-mêmes nous le demandent. Toutefois, pour faire perdre du poids à un organisme, on doit éviter de prendre sur le muscle. Ainsi, les réductions budgétaires au Conseil de l’Europe ne doivent pas affecter « le muscle » de notre Organisation. En temps de crise, alors que les sociétés européennes sont confrontées à des discours de haine, il faut au contraire veiller à ne pas réduire la capacité du Conseil de l’Europe à faire entendre sa voix. Le Secrétariat a pleinement conscience de cet enjeu lorsqu’il élabore les budgets. Il serait tout à fait contraire à l’intérêt des Etats membres du Conseil de l’Europe de faire « perdre du muscle » à l’Organisation.

LE PRÉSIDENT – L’Assemblée parlementaire est considérée comme le cœur du Conseil de l’Europe. Elle représente donc un muscle important, qu’il convient d’irriguer avec des moyens suffisants. Or depuis quelques années, la situation est très difficile puisque le budget ne croît pas, c’est-à-dire qu’il diminue à valeur constante. Je remercie Mme Brasseur d’avoir posé cette question vitale !

Monsieur le ministre, nous vous remercions d’avoir accepté de répondre à nos questions et de l’intérêt que vous portez à cette Assemblée. Nous aurons l’occasion de nous revoir bientôt pour discuter de nombreux autres sujets. Merci aussi de rester avec nous pour le point suivant de l’ordre du jour.

4. Discours de M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie

LE PRÉSIDENT – Nous avons le plaisir d’accueillir, M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie.

Monsieur le Président, permettez-moi de vous souhaiter à nouveau la bienvenue dans cet hémicycle que vous connaissez bien, puisque vous avez été membre de la première délégation géorgienne amenée à siéger au sein de cette Assemblée.

C’est la quatrième visite que vous effectuez à l’Assemblée en tant que chef d’Etat. Nous y voyons la preuve de votre considérable engagement personnel en faveur de notre Organisation, et des valeurs et principes que nous défendons. En vous adressant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en janvier 2008, vous avez souligné la grande détermination du peuple de Géorgie à construire un Etat stable fondé sur des institutions démocratiques fortes et non pas sur le pouvoir des personnalités. Les dernières élections législatives, très disputées et globalement bien organisées, sont une excellente preuve de cette détermination, même si nous sommes tous d’accord pour estimer qu’il reste beaucoup de travail à faire pour mettre pleinement en œuvre nos standards en matière d’élections démocratiques. Vous savez que l’Assemblée parlementaire comme le Comité des Ministres y attachent beaucoup d’importance, et nous avons l’habitude d’envoyer des délégations avec l’OSCE afin de veiller au bon déroulement de ces élections.

Le changement de majorité au sein du Parlement géorgien, et la cohabitation politique qui s’est instaurée dans votre pays depuis, est un véritable test de maturité des institutions démocratiques de votre pays. Nous avons d’ailleurs beaucoup apprécié que, dès la proclamation des résultats, vous n’ayez pas cherché à contourner la difficulté, mais vous avez immédiatement reconnu la victoire de ceux qui étaient vos opposants. Il appartient maintenant à la classe politique géorgienne représentant la majorité comme l’opposition de faire en sorte que cette cohabitation fonctionne. Je sais que ce n’est pas chose facile, et j’en parle en connaissance de cause car, vous le savez très bien, nous avons connu cette situation en France. Comme vous le voyez, nous sommes toujours là et je pense que notre démocratie en est sortie renforcée.

Il existe une règle fondamentale à respecter : la démocratie n’est pas la dictature de la majorité, au contraire. C’est un système de partage du pouvoir dans lequel chacun doit disposer de mécanismes effectifs lui permettant d’exprimer ses positions et de participer au processus de prise de décision.

Monsieur le Président, comme toujours, notre Assemblée est à la disposition du peuple et des autorités géorgiennes pour leur apporter son soutien politique et son expertise. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que nous allons vous écouter aujourd’hui afin d’identifier conjointement de nouvelles opportunités de coopération et des initiatives concrètes.

Vous le savez, la tradition dans un parlement est que les parlementaires aient aussi la parole. Les membres de cette Assemblée vont donc vous poser des questions, ils se sont inscrits nombreux, et vous pourrez naturellement leur répondre.

Monsieur le Président, c’est avec beaucoup de plaisir que je vous donne la parole.

M. SAAKACHVILI, Président de la Géorgie – Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur le Président du Comité des Ministres, Monsieur le Secrétaire Général, *(poursuivant en anglais) Mesdames et Messieurs, il a bien sûr été noté qu’il s’agissait de la quatrième fois que j’ai l’honneur de m’exprimer devant cette Assemblée. Cela ne tient pas à mes qualités personnelles, mais au fait que je suis Président depuis longtemps, et cela fait partie des exigences du poste. C’est également un immense privilège de s’adresser à vous à un moment si crucial pour la démocratie géorgienne.

Je tiens avant tout à exprimer ma plus profonde gratitude au Président de l’Assemblée, Jean-Claude Mignon, pour m’avoir invité à faire part dans ce lieu des aspirations européennes et démocratiques de mon peuple. Comme vous le savez tous, il y a quelques mois a eu lieu le premier transfert de pouvoir à la suite d’élections dans l’histoire de notre nation. Comme dans toute démocratie, les majorités changent en Géorgie selon les souhaits des électeurs, mais notre lutte nationale pour la liberté et l’intégration européenne va au-delà des divisions politiques. Elle nous unit, constituant l’essence de notre jeune Etat et de notre vieille nation. C’est l’essentiel de mon message, et je ne peux imaginer meilleur endroit pour le délivrer.

Le Conseil de l’Europe regroupe toutes les nations de notre continent autour des principes et des valeurs qui ont façonné le destin européen depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ces valeurs et principes qui ont abattu le mur de Berlin et mené à la réunification européenne, ces valeurs de liberté, de respect des droits de l’homme, de responsabilité politique et de respect de l’Etat de droit auxquelles le peuple géorgien est si attaché, et qui m’ont guidé tout au long de ma vie.

Mesdames et Messieurs, je me souviens très bien du jour où j’ai découvert le Conseil en tant que jeune stagiaire en provenance de ce qui s’appelait encore Union Soviétique, en 1991, très peu de temps après l’effondrement du mur de Berlin. Mes premiers pas dans le monde libre, et donc en politique – car la politique ne peut exister que dans la liberté – se sont faits ici. Ce furent non seulement mes premiers pas en politique, mais également mes premiers pas dans la vie. Je me souviens avoir partagé mon temps entre des nuits blanches passées à la bibliothèque de la Cour européenne des droits de l’homme, où je devais travailler la jurisprudence pour préparer mon examen d’entrée à l’Institut international des droits de l’homme, et des journées très actives passées à poursuivre à bicyclette une merveilleuse étudiante venue des Pays-Bas, qui est devenue ma femme et qui est assise ici, souriante. Ainsi, Strasbourg est pour moi un endroit très particulier.

Par la suite, tout a changé pour moi – sauf ma femme –, et je suis revenu ici comme parlementaire d’une Géorgie indépendante, avec d’autres jeunes réformistes pour qui cette Assemblée a été une fantastique école de démocratie. Des années plus tard, j’ai été invité ici pour parler en tant qu’un des acteurs des révolutions de couleur qui prolongeaient les mouvements d’émancipation et de réunification commencées par les « révolutions de velours » en 1989. C’étaient des époques d’espoir et d’enthousiasme.

Aujourd’hui me voilà de nouveau devant vous en tant que président de cohabitation, et leader d’un mouvement qui est retourné à l’opposition après plus de huit années au pouvoir. Cela pourrait vous surprendre, mais après toutes ces années, mes espoirs et mon enthousiasme n’ont fait que croître.

Mesdames et Messieurs, dès le départ, au début des années 1990, alors que la Géorgie était un Etat déliquescent, une nation divisée et brutalisée, mon engagement politique a été inspiré par l’idée que la Géorgie finirait par rejoindre la famille des démocraties européennes, où les gouvernements changent par les élections, et non par les coups de feu.

Bien sûr, tous les politiciens au monde veulent gagner les élections, et je suis déçu que le Mouvement national uni n’ait pas réussi à convaincre la majorité des électeurs lors des élections parlementaires du mois d’octobre dernier. Mais je suis fier que ce parti, mon parti, ait contribué à construire un système dans lequel les gouvernements et les majorités changent suite aux élections, et non par des coups d’Etat ou des révolutions, un cadre institutionnel qui facilite le transfert légitime du pouvoir plutôt que de l’empêcher, en un mot : une démocratie.

Pendant plus de huit années, j’ai dirigé une équipe qui a radicalement changé notre nation, qui a combattu sans relâche la corruption et le crime organisé, qui a systématiquement démantelé les obstacles bureaucratiques hérités de notre passé soviétique, qui a libéré les initiatives dans notre société et qui a aidé à façonner la perception partagée que le gouvernement était là pour servir le peuple et non le contraire, et que la légitimité ne provenait pas du sommet, mais de la base.

De nombreux observateurs ont, à juste titre, caractérisé ce changement de paradigme comme étant une « révolution mentale ». Ce long héritage de l’homo sovieticus a fini par être surmonté en Géorgie. Cela signifie que, comme dans quasiment toutes les nations européennes, l’alternance est devenue la règle. C’est pour cela que mes espoirs et mon enthousiasme sont encore plus forts aujourd’hui que jamais. Ce qui s’est passé en Géorgie ces huit dernières années, y compris le 1er octobre – une date importante de notre expérience démocratique – a changé notre nation et même, je le crois profondément, notre région. Toutes ces années, la Géorgie a montré que la corruption n’est pas une fatalité, pas plus que l’autoritarisme, que le choix n’est pas entre le chaos et la tyrannie – comme c’est trop souvent le cas dans le monde post-soviétique – mais qu’il existe une autre possibilité : le choix européen.

Cette dernière décennie, nous avons payé un lourd tribut pour avoir choisi la voie de la transformation et l’intégration euro-atlantique. La Géorgie a été menacée, victime d’embargos, bombardée, envahie, occupée. Deux de nos régions ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique. Des centaines de milliers de nos citoyens ont été expulsés de leurs maisons. En cet instant où je m’adresse à vous, ils ne peuvent toujours pas retourner dans leurs villes et leurs villages. C’est dans ce contexte, mes chers amis, que nous avons construit notre démocratie et que notre nouvel Etat a pu émerger. C’est dans ce contexte que la révolution mentale a eu lieu.

Je veux vous dire aujourd’hui combien je suis fier d’appartenir à ce peuple géorgien, fier de tous les sacrifices consentis par notre population pour permettre à notre indépendance de survivre et à notre démocratie de grandir et de fleurir, vous dire combien j’admire le courage du peuple géorgien et sa foi dans l’avenir, son absence de haine et sa soif de liberté et de paix.

Je tiens aussi à remercier tous nos amis en Europe : sans leur appui, notre expérience démocratique n’aurait pas survécu et n’aurait pas été couronnée de succès. Nous n’aurions pas pu sortir de cette prison que sont les stéréotypes et les clichés. Je souhaite tout particulièrement remercier cette Assemblée pour les multiples résolutions qui ont été approuvées suite à l’invasion de 2008. Je souhaite vous remercier, Mesdames et Messieurs les parlementaires ici présents et remercier également ceux qui ne sont plus dans cette Assemblée aujourd’hui, tel M. Mattias Eörsi, qui nous ont apporté leur soutien pour traverser ces temps extrêmement difficiles.

Des termes sans aucune ambiguïté ont été utilisés dans les différentes résolutions adoptées afin de lutter contre le nettoyage ethnique, pour la paix et le retrait de la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en tant que prétendus Etats indépendants.

Comme vous le savez, des demandes restent encore à réaliser : depuis que ces résolutions ont été adoptées, la présence militaire russe n’a pas cessé de s’accroître dans les régions occupées, des villages géorgiens ont encore été rayés de la carte, et la mission de l’Union européenne n’a pas réussi à pénétrer dans les zones occupées. Il n’en demeure pas moins que le fait que l’Assemblée formule ces demandes a été essentiel. Envoyer de tels signaux a montré à tous combien ces principes et ces valeurs sont importants. Cela a permis également aux victimes de comprendre qu’elles ne sont pas seules et de rappeler au monde en quoi cette institution était si importante.

Je sais qu’une résolution sur la situation humanitaire dans les régions occupées est actuellement étudiée par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Je souhaite vous remercier par avance du soutien que vous pourrez apporter à cette résolution. Je vous remercie également de tous les efforts que vous déployez pour nous aider à surmonter les conséquences humanitaires tragiques de l’invasion.

Je souhaite également exprimer l’immense gratitude de la nation géorgienne et son espoir que vous continuerez de suivre ce qui se passe dans notre région en faveur des progrès démocratiques. La Géorgie a besoin d’un Conseil de l’Europe fort et efficace. La Géorgie en a besoin, mais c’est aussi le cas de tous nos pays voisins et de l’ensemble du continent européen. C’est la raison pour laquelle je me félicite de toutes les réformes initiées par le Secrétaire Général Jagland et par le Président Mignon.

(Poursuivant en français) Je tiens à vous féliciter, en français, cher Jean-Claude, pour le succès de votre initiative. Il était urgent et nécessaire de mener cette réforme à bien. Je suis convaincu qu’elle donnera à cette Assemblée un rôle et un poids supplémentaires. Les principes et les rêves des pères fondateurs de l’Europe vivent dans cette salle et, en Géorgie comme ailleurs, peut-être plus qu’ailleurs encore, nous savons l’importance cruciale de votre mission à tous et nous soutenons avec enthousiasme tout ce qui renforcera cette Assemblée et le Conseil. Car les Géorgiens ne sont pas seulement des Européens, mais des Européens enthousiastes et convaincus.

(Reprenant en anglais)* Ces huit dernières années, vous nous avez accompagnés alors que nous édifiions nos institutions démocratiques. Nous poursuivons notre transformation démocratique. Vous nous avez conseillés et vous vous êtes félicités des progrès que nous avons réalisés dans votre dernière Résolution 1801 dans laquelle vous nous avez proposé des changements là où vous pensiez que nous pouvions faire plus.

La coopération qui fut la nôtre toutes ces années avec votre Assemblée et la Commission de Venise fut exemplaire. Personne ne peut mettre en doute l’expertise de la Commission de Venise. C’est pour cela que je demande à notre nouveau gouvernement d’attendre les recommandations de cette commission avant de mettre en œuvre des lois, notamment en matière de système judiciaire.

Je souhaite également saisir cette occasion pour remercier tout particulièrement ceux d’entre vous qui ont participé à l’observation des élections législatives, en particulier le président de la mission d’observation, M. Luca Volontè.

Vous avez pu dire que la Géorgie se rapproche des normes que vous promouvez ici et qui, un jour, nous uniront tous dans cette salle. Votre vigilance est essentielle et aidera la Géorgie à poursuivre sur la voie du progrès. Mais comme vous le savez, et comme cela s’est produit dans de nombreuses démocraties ces dernières années, la classe politique géorgienne souffre d’une mentalité qui veut que tout aille au gagnant. Allant de poursuites sélectives ciblant d’anciens responsables gouvernementaux, des parlementaires de l’opposition, des autorités locales et des médias indépendants à des agressions physiques de partisans politiques, une campagne a commencé à avoir un véritable impact et à rendre l’opposition politique silencieuse.

Le changement pacifique et constitutionnel de gouvernement qui illustre que les institutions n’appartiennent pas à un parti et qui marque le début d’une période de cohabitation entre différents élus de couleurs politiques différentes, pourrait représenter une opportunité indéniable pour nous permettre d’avancer dans les réformes. Au lieu de cela, nous avons pu voir le Premier ministre établir publiquement un lien entre la vague d’arrestations et les activités politiques de l’opposition. Nous avons entendu le ministre de la Justice déclarer aux médias que sa mission était de détruire le Mouvement de l’Unité nationale par voie judiciaire. Nous avons pu voir les attaques quotidiennes dont étaient victimes les juges qui essayaient de faire valoir leur autonomie.

Nous avons vu également le harcèlement dont sont victimes les médias indépendants. Nous avons vu ce qui s’est passé avec l’organe de radiodiffusion public géorgien. La première chaîne publique était une chaîne télévisée respectant parfaitement l’équilibre lors de la campagne électorale de l’an dernier. Plutôt que de renforcer l’émergence de cette télévision publique objective, le nouveau Premier ministre a poussé le directeur de l’organe de radiodiffusion à démissionner et a annoncé publiquement son intention de fusionner cet organe de radiodiffusion avec la chaîne 9 qui appartient à sa famille. C’est extrêmement préoccupant de voir que, simultanément, le directeur de la grande chaîne privée en Géorgie, Rustavi 2, a été arrêté et doit répondre d’accusations d’activités commerciales illicites pouvant lui valoir de nombreuses années de prison et que le Premier ministre a lancé un appel public pour que Rustavi 2, cette chaîne privée, change de propriétaire par voie judiciaire.

Nous invitons le nouveau gouvernement à faire tout ce qu’il peut pour renforcer le cadre démocratique plutôt que de le saper. Il est également vrai que certaines des réformes que nous avons menées n’ont pas été bien comprises par certaines parties de la population. Je suis d’accord pour dire que notre communication a été parfois déficiente, mais je suis également persuadé que les principes et les valeurs que nous promouvons méritent des prises de risque politique.

La loi adoptée en 2011 qui accorde les mêmes droits à toutes les minorités religieuses nous a peut-être coûté quelques voix, mais fallait-il pour autant avoir un discours de haine et d’intolérance ? Cela justifiait-il la restauration sur fonds publics des statues de Staline dans plusieurs villes géorgiennes ?

Le nouveau gouvernement de Tbilissi a déclaré qu’il entendait poursuivre l’intégration européenne et euro-atlantique du pays. C’est un signal positif ; je m’en suis publiquement félicité à plusieurs reprises et j’ai offert mon aide aux ministres en charge de cette question. Mais les paroles ne suffisent pas : encore faut-il agir en conséquence. L’Union européenne et l’Otan ne sont pas de simples partenaires pour la Géorgie : elles sont la famille que nous voulons rejoindre pour poursuivre la transformation de notre politique étrangère.

Voilà qui explique la surprise provoquée par les déclarations du Premier ministre lors de sa visite récente à Erevan, en Arménie. Il a en effet dit qu’un pays pouvait avoir de bonnes relations aussi bien avec l’Otan qu’avec la Russie, ce qui revient à établir un parallèle entre les deux. Il a également cité nos amis arméniens en exemple.

Je suis très fier que les relations entre la Géorgie et l’Arménie, ainsi que celles entre nos deux peuples, aient pris une autre dimension sous ma présidence. S’il y a eu des attaques contre nos voisins, nous avons, pour ce qui nous concerne, abandonné toute rhétorique de ce type.

Il faut surtout comprendre que la Géorgie a décidé de se fixer pour objectif d’intégrer l’Otan. Or les déclarations récentes du Premier ministre constituent un changement par rapport à tout ce que nous avons fait ces dernières années. En effet, il a de facto abandonné nos aspirations à entretenir des relations avec l’Otan. Pour ma part, je pense que la Géorgie doit à la fois intégrer l’Otan et entretenir de bonnes relations avec la Russie.

Ce que je viens de dire ne m’a d’ailleurs pas empêché de soutenir l’entrée de la Russie à l’OMC et de prendre, à l’égard de ce pays, un certain nombre de mesures unilatérales dont je suis très fier – nous avons notamment établi avec lui de très nombreux liens culturels. Tout cela doit être renforcé. Nous devons toutefois changer nos orientations en matière de politique étrangère. Or, les déclarations qui ont été faites récemment ne me semblent pas correspondre à ce que souhaite le peuple géorgien. Il nous faut entretenir de bonnes relations avec nos voisins. Cela dit, il ne faut pas sacrifier ce qui constitue notre objectif principal pour atteindre un objectif secondaire. C’est d’autant plus vrai que les déclarations que je viens d’évoquer font suite à de nombreuses mesures en matière de politique étrangère. Par exemple, le fait de promouvoir la liaison ferroviaire avec la Russie au détriment de celle avec Istanbul constitue un changement d’orientation considérable de notre politique étrangère. Je pense aussi au fait que certaines personnes accusées d’espionnage ont été libérées. Tout cela est extrêmement préoccupant. Parallèlement, on a expliqué fièrement aux Géorgiens que le nouveau gouvernement avait repoussé avec succès une première vague d’« attaques occidentales ». De tels mots nous rappellent la rhétorique anti-occidentale qui avait pourtant disparu depuis longtemps à Tbilissi.

Malgré les menaces qui pèsent sur nous, sans parler des bombes, de l’invasion et de l’occupation, nous avons préservé notre enthousiasme envers l’Union européenne et l’Otan. Alors que nous sommes plus proches que jamais de notre objectif, est-ce le moment de montrer des hésitations ? Rien n’est jamais irréversible et je suis sûr que nous parviendrons à une cohabitation fructueuse en Géorgie. Je l’ai dit au Premier ministre : nous devons trouver un moyen pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Ce serait l’intérêt de tous ; nous le devons au peuple géorgien. J’ai présenté un plan en cinq étapes à la majorité afin d’assurer une cohabitation pacifique et de garantir l’intérêt supérieur de la nation. Il s’agit de mesures concernant l’économie et la politique étrangère – je pense en particulier à des initiatives communes s’agissant de l’Union européenne et de l’Otan. Nous pouvons et devons travailler ensemble. Personne n’a intérêt à voir échouer le nouveau gouvernement, car cela aurait un impact sur l’ensemble du pays.

Je forme donc solennellement le vœu que nous puissions travailler ensemble pour améliorer ce qui peut encore l’être dans notre démocratie. Nous devons nous concentrer sur les principes sur lesquels nous pouvons nous mettre d’accord – ces principes qui sont au fondement même du Conseil de l’Europe et que les principales forces politiques géorgiennes prétendent respecter, promouvoir et défendre. Ce qui est en jeu est bien plus important que nos intérêts politiques partisans, nos animosités personnelles ou nos ambitions collectives ; l’enjeu, c’est l’avenir même de notre démocratie et, au-delà, celui de la démocratie dans nos régions. Cet enjeu mérite que l’on se batte pour lui.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président, pour ce très intéressant discours.

Les membres de l’Assemblée souhaitent vous poser des questions. Je rappelle à mes collègues qu’ils disposent de 30 secondes pour poser des questions et que celles-ci doivent avoir vraiment un caractère interrogatif.

La parole est à M. Volontè au nom du groupe du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie)* – Aussitôt après les élections, vous avez fait des déclarations particulièrement positives qui ont ouvert la porte à une période de cohabitation dans votre pays. Or nous avons pu constater qu’un certain nombre de décisions déconcertantes ont été prises par le nouveau gouvernement au cours des derniers mois. Pourriez-vous revenir sur ce sujet et nous dire comment vous envisagez cette cohabitation ? Comment le Conseil de l’Europe peut-il vous aider, vous et la démocratie dans votre pays ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Notre Constitution n’obligeait pas le Président à céder tout de suite. J’aurais pu essayer de former un gouvernement, ne serait-ce que pour quelques mois ; je ne l’ai pas fait. J’aurais pu maintenir en place les ministres de la Défense, de la Justice, de l’Intérieur et les procureurs ; je ne l’ai pas fait. Les Géorgiens ont voté et il fallait prendre acte du résultat. La façon dont nous avons géré cette situation est claire : le nouveau gouvernement assume l’entière responsabilité de son action. Le Président a quant à lui un rôle d’arbitre.

Certes, il a été plus difficile de mettre en œuvre un certain nombre de mesures concernant par exemple le parquet. Nous rencontrons également d’autres problèmes sur des points particuliers. En dépit de cela, nous souhaitons vivement, comme je l’ai dit, préserver ce nouveau modèle de coopération. Les membres de la majorité parlementaire eux-mêmes ont compris qu’il existe différents niveaux de responsabilité : les pouvoirs locaux peuvent être de couleurs politiques différentes, de même que la majorité parlementaire et le Président. C’est une situation normale, mais c’est une nouveauté pour notre pays. C’est aussi une chance unique pour les juges de devenir plus forts et pour les médias de jouer un rôle clé.

En période de cohabitation, le rôle du Président est important, car il permet d’accompagner le processus et d’assurer la transition vers une nouvelle présidence. Encore une fois, il s’agit d’une expérience de transition particulièrement importante. Nous n’avons pas d’expérience en la matière et devons donc inventer. Je ne perds pas espoir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Iwiński, pour le Groupe socialiste.

M. IWIŃSKI (Pologne)* – Monsieur le Président, compte tenu des processus en cours, quelles sont, selon vous, les chances de voir le Rêve géorgien se réconcilier avec votre propre parti, et de voir votre pays entretenir de bonnes relations avec la Fédération de Russie ? L’establishment géorgien a-t-il tiré les leçons de la formule employée en 2008 par Mme Rice : « La paix, c’est toujours mieux que la guerre » ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GEORGIE * – Il n’est pas utile de nous donner une telle leçon : notre petit pays, dans le climat violent qu’il connaît, sait parfaitement que la paix est préférable à la guerre. L’ignorer serait se montrer suicidaire ; or nous ne sommes pas une nation suicidaire.

Le problème n’est pas tant de parvenir à une réconciliation entre les partis, mais de maintenir un système politique acceptable susceptible de permettre à chacun d’exprimer son point de vue, d’assurer l’indépendance de la justice et des médias, d’éviter le chaos et de faire en sorte que chacun respecte l’autre. En la matière, on peut toujours faire mieux, mais quoi qu’il arrive, nous nous efforçons de maintenir un cadre bien réglementé.

En ce qui concerne la Russie, nous cherchons à tendre la main à la société russe et franchissons les étapes nécessaires pour améliorer nos relations avec ce pays. Il faut cependant que la Russie abandonne ses ambitions et donne aux nations souhaitant l’indépendance la liberté d’assumer leurs propres choix. Chacun doit pouvoir réussir par ses propres moyens. C’est dans l’intérêt des nations concernées comme dans celui des Russes eux-mêmes.

Tout en souhaitant protéger notre pays, nous avons fait de notre mieux, même sous le feu des bombes, pour ne pas adopter un discours de haine à l’égard de la société russe, afin de ne pas causer de dommages irréparables dans nos relations. Nous n’avons jamais pris de mesures symétriques à celles que la Russie prenait à notre égard, qu’il s’agisse des exigences très dures posées en matière de visa, de l’embargo commercial ou du blocus énergétique. Au contraire, nous avons encouragé la venue de touristes russes sur notre sol et nous avons tout fait pour renforcer nos liens culturels. De même, nous n’avons pas cherché à empêcher l’accès de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce, car une telle évolution nous paraît bénéfique.

Je pense qu’à terme, les choses iront dans le bon sens, mais nous devons être patients.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Fusu, pour l’Alliance des libéraux et des démocrates en Europe.

Mme FUSU (République de Moldova) – Je vous remercie, Monsieur le Président de la Géorgie, pour votre discours très important. En tant que représentante de la Moldavie, je comprends le problème que pose la relation entre votre pays et la Russie.

Les dernières élections ont conduit à modifier la majorité parlementaire et à mettre votre parti en minorité. Dans cette situation nouvelle de cohabitation, le vecteur européen et euro-atlantique reste-t-il prioritaire pour la Géorgie ? Où en est la négociation en vue de conclure un accord d’association avec l’Union européenne ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GEORGIE – Durant les premières semaines, toutes les déclarations du nouveau gouvernement se sont inscrites dans l’idée qu’il n’existe pas d’autre alternative pour la Géorgie que l’entrée dans l’Europe et dans l’Otan. Certes, il y a quelques jours, son discours a changé assez radicalement, mais j’espère que ce n’est que provisoire.

À l’occasion d’un référendum, près de 60 % des Géorgiens ont voté en faveur d’une entrée dans l’Otan – ce pourcentage atteindrait même 80 % aujourd’hui. À l’inverse, le nombre de citoyens opposés à l’Otan est très réduit, et c’est pourquoi aucun parti politique important, s’il est pragmatique, ne peut se permettre de soutenir leur position. N’importe quel groupe politique ayant l’espoir de gouverner la Géorgie se doit de représenter les intérêts de leurs électeurs, et ne peut donc ignorer le fait que la totalité de la population est favorable à l’Europe et à l’Otan. Telle est la réalité.

Songeons au rôle joué par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, le Parlement européen, les groupes politiques européens, et tous les formidables instruments de coopération mis en place pour assister la démocratie géorgienne : cette sympathie, ce soutien sont une réalité quotidienne dans mon pays, et c’est tout ce qui compte. Les dernières déclarations du gouvernement m’ont beaucoup irrité, mais elles ne sont que temporaires.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Pushkov, pour le Groupe démocrate européen.

M. PUSHKOV (Fédération de Russie)* – Monsieur Saakachvili, depuis les dernières élections en Géorgie, des informations, venues de l’intérieur du pays mais aussi d’organisations internationales comme Human Rights Watch, font état de graves et massives violations des droits de l’homme commises pendant votre présidence, telles que la torture de détenus. Reconnaissez-vous les faits ? Qu’en est-il de votre responsabilité personnelle ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GEORGIE* – Je suis très heureux que nos voisins russes s’intéressent soudain à la démocratie, aux droits de l’homme et à la liberté individuelle, et j’espère qu’ils appliquent quotidiennement ces principes dans leur grand et magnifique pays. Nous serions ravis de voir la Russie respecter elle-même les droits fondamentaux sur son sol. Peut-être qu’ainsi, un jour, nous aurons à apprendre de vous !

Pour en revenir à mon pays, nous avons toujours prêté l’oreille aux critiques émises par les organisations internationales, quelles qu’elles soient, et même lorsque nous n’étions pas d’accord avec leurs propos. Je suis fier de pouvoir affirmer que nous avons mis fin à l’époque où nous ne connaissions ni droit, ni loi, et où la criminalité régnait. Selon l’Union européenne, la Géorgie est aujourd’hui cinq fois moins dangereuse que la Russie en termes de risque criminel. Selon Transparency International, nous nous situons à 80 places devant notre grand voisin sur le plan de la lutte contre la corruption. De même, nous sommes en neuvième place pour la sûreté des investissements, tandis que la Russie vient après les cent premiers. Ces bonnes références sont importantes pour un petit pays comme la Géorgie ; peut-être en va-t-il différemment dans un pays aussi grand que le vôtre.

Nos progrès réjouissent de nombreuses personnes, y compris parmi nos amis russes, et en rendent d’autres nerveuses. Chacun réagit à sa manière, mais nous comptons de toute façon poursuivre nos efforts.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord vous remercier pour avoir été l’un des initiateurs de ce jeu des questions-réponses spontanées entre des chefs d’Etat et des parlementaires. Puisque vous n’avez pas peur des questions spontanées, la mienne est la suivante : quelle a été la meilleure décision que vous ayez prise au cours de votre présidence, et quelle a été la pire ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Je vous remercie, Monsieur Kox, de faire cette remarque. Car lorsque j’étais membre de cette Assemblée, il fallait d’abord avoir rédigé sa question avant même de pouvoir la poser oralement !

J’ai pris l’une de mes meilleures décisions le 1er octobre dernier, en faisant connaître, et reconnaître, immédiatement les résultats des élections. Cela n’avait jamais été fait en Géorgie, quel que soit le gouvernement en place. Je l’ai fait de façon très optimiste en pensant à l’avenir du pays, même si j’étais pessimiste en ce qui concerne le futur gouvernement.

Pour ce qui est des pires décisions, la liste en est bien longue et je ne voudrais pas en accabler l’Assemblée ! Peut-être devrais-je y réfléchir davantage avant de vous répondre !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Gündeş Bakir

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – Monsieur Saakachvili, vous avez mis la Géorgie sur la voie de la démocratie, de la libéralisation commerciale et de l’intégration euro-atlantique. Pensez-vous que le gouvernement géorgien va maintenant suivre une autre voie, s’éloigner du bloc occidental ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Madame, comme je l’ai déjà dit, nous devrions garder ce cadre démocratique.

Le judiciaire doit être indépendant, alors qu’à l’heure même où nous parlons il fait l’objet d’attaques. En effet, des membres du gouvernement qualifient le président de la Cour suprême de criminel, et présentent un projet de loi au parlement visant à remplacer les tribunaux par des jurys.

Des responsables politiques locaux subissent des attaques physiques par des groupuscules qui s’estiment compétents pour les juger ! Tout cela me fait penser à la révolution culturelle chinoise !

J’espère que le projet de loi visant à remplacer les tribunaux par des jurys ne sera pas adopté, que la majorité va comprendre que tout cela est de la folie, que d’insulter le président de la Cour suprême est de la folie, que les accusations proférées à la télévision sont de la folie !

Le peuple géorgien a voté pour une vie meilleure et non pas pour des actes de résistance à l’OTAN ou à l’Union européenne. Il n’a pas voté pour que le gouvernement change de voie. C’est la raison pour laquelle je suis optimiste pour notre société. Notre croissance économique, ces trois dernières années, était de 6-7%, même s’il est vrai que la population veut toujours plus. Vous le savez très bien, c’est comme surfer sur la vague ; à un moment, la vague peut vous couvrir. Ce qui est important c’est de ne pas couler et rester sur le dessus de la vague. Non, Madame, nous ne devrions pas changer notre orientation.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Shlegel.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Je vous remercie, Monsieur Saakachvili, pour les chaleureuses paroles que vous avez exprimées à l’égard de la Russie, mais il faut dire que nos relations sont dans une impasse. Il est donc difficile de vous entendre, en même temps, tenir de tels propos et critiquer les personnes qui, chez vous, essaient d’améliorer la situation entre nos deux pays.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Quand vous parlez des relations entre la Russie et la Géorgie, vous voyez une tout autre Géorgie que celle dont je parle. Avec tout le respect que je vous dois, il vous faudrait de bonnes lunettes pour voir la véritable Géorgie ! Celle qui est reconnue par la communauté internationale.

La Russie n’aura pas ce qu’elle souhaite, à savoir des parties de notre territoire ! Quand la Russie aura abandonné ses ambitions, nos relations s’amélioreront beaucoup plus facilement !

Il existe de nombreux dirigeants d’autres pays qui pourraient s’exprimer en langue russe mais qui sont tellement allergiques à cette langue qu’ils ne le feront jamais ! Je pourrais moi-même vous citer Pouchkine et d’autres auteurs russes classiques. Ce que je veux dire, c’est que je suis peut-être le dernier Premier ministre à même de manier correctement la langue russe, en tout cas bien mieux que ne le fait notre Premier ministre actuel.

La Russie doit oublier ses prétentions territoriales et ses ambitions impérialistes. Dès lors tout ira mieux.

A de nombreuses reprises, je me suis rendu hors des frontières, qui sont parfois poreuses, parfois ouvertes, parfois fermées. Nous n’avons jamais voulu les fermer ; d’ailleurs, j’ai personnellement serré la main à des centaines de touristes russes et jamais je n’ai ressenti de haine ou d’aversion de leur part.

Je ne reviendrai pas sur ma carrière politique et sur tout ce que nous avons fait pour améliorer nos relations avec le peuple russe. Nous voulons la paix et je considère que les voisins de la Géorgie doivent entretenir de bonnes relations avec notre pays. Voilà un message qui vient du cœur !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Brasseur.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Je voulais vous interroger sur les divergences de vue qui vous opposent à la nouvelle majorité sur les relations internationales, mais vous avez déjà amplement répondu à cette question. Quelles sont donc les divergences essentielles qui vous opposent sur les points de politique nationale ? Enfin, quels sont les défis que la Géorgie doit relever à court terme ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE – Avec votre permission, Madame, je vous répondrai en anglais.

(Poursuivant en anglais)* Avant les élections, le nouveau gouvernement a promis de revenir à des éléments importants du passé, arguant que ce qui s’est passé au cours des huit dernières années n’avait pas été porteur et qu’avant tout allait bien. J’ai répondu que si ce qui avait été réalisé n’était pas idéal, pour autant nous suivions la bonne direction, car le passé ne portait rien de bon pour notre pays. Certains veulent faire revivre le passé et c’est ainsi que des noms et des visages réapparaissent, que la corruption refait surface, que les minorités sont mal perçues...

Je prendrai l’exemple des relations avec différents groupes ethniques et religieux. Que signifie être européen ? Cela fait-il partie de nos constructions mentales ? Des différences importantes existent qui ne peuvent être comblées par de petits ajustements sociaux et économiques. On ne peut pas promettre quelque chose que l’on ne peut réaliser, ni ici ni ailleurs. Le peuple peut comprendre qu’être nourri sans travailler est chose impossible, ici et ailleurs. De même, croire qu’une personne riche partagera avec ses voisins est un mythe. Aussi, croire que l’on va changer ses relations avec le grand voisin impérialiste sans renoncer à nos intérêts fondamentaux est une utopie. Selon moi, les choses changeront quand chacun se développera de son côté. Nous devons rénover de façon permanente nos institutions, renouveler nos idées, insuffler du sang nouveau, faire germer de nouvelles idées et ne pas tenter de renouer avec le passé, mais être résolument tournés vers l’avenir.

Que nous manque-t-il ? Ce ne sont pas les années communistes, mais notre jeunesse. Nous avions alors plus d’énergie, nous avions davantage de perspectives.

Qu’est-ce que pour nous le passé si ce n’est un mauvais système politique, un véritable poison administré à notre population ? J’espère que nous allons pouvoir surmonter la situation dans laquelle nous sommes.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de M. Xuclà et de Mme Čigāne, inscrits dans le débat, la parole est maintenant à Mme Durrieu.

Mme DURRIEU (France) – Je salue notre ancien collègue parlementaire du Conseil de l'Europe, avec lequel nous avons parcouru un long chemin.

Monsieur le Président, les avis dans cette enceinte sont partagés. Je souhaiterais que le Conseil de l'Europe conserve parmi ses principes le respect de la souveraineté et de l’intégrité des Etats. C’est un appel à une solution pacifique entre la Géorgie et la Fédération de Russie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE – Merci, Madame Durrieu.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Herkel.

M. HERKEL (Estonie)* – Monsieur le Président, je veux tout d’abord vous remercier d’avoir mentionné notre rapport de suivi sur les conséquences des conflits. Vous utilisez toutefois des expressions qui tendent à légitimer une occupation illégale. Comprenez-vous ce que cela peut signifier ? Dans notre intérêt à tous, il serait bon de reconnaître les faits.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Comme je l’ai dit, nos voisins russes notamment ont passé leur temps à vouloir légitimer l’occupation. Le Premier ministre de Tuvalu a rencontré le Ministre des Affaires Etrangères Lavrov trois heures durant. Après avoir été emmené par avion à New-York, il a été conduit en Abkhazie, où il a signé l’accord de reconnaissance de l’Abkhazie. J’ignore le détail de la transaction. Mais les longs entretiens diplomatiques entre la grande nation russe et l’ile de Tuvalu ont eu pour résultat qu’elle reconnaisse l’occupation de l’Abkhazie. Félicitations à la Russie ! Qu’au XXIe siècle la Fédération de Russie puisse agir d’une telle façon alors que nous devrions être des amis naturels, des alliés n’est pas normal. Vous devez respecter notre droit à exister, à nous développer et notre droit à la normalité plutôt que d’essayer d’obtenir de nous autre chose.

Est-ce ainsi que doivent être les relations de voisinage ? Est-ce ainsi que l’on essaie d’atteindre des objectifs communs ? Voilà ce que je souhaiterais voir changer.

Je dois reconnaître que cela a été le cas l’année dernière, lorsque Dmitri Medvedev a dit : « Je déteste Saakachvili, mais il faut reconnaître qu’il a fait de grands efforts. Nous avons des leçons à tirer de son expérience. » On a par la suite estimé que la Géorgie était trop petite et qu’il était impossible pour la Russie de faire la même chose. Récapitulons : ceux-là même qui disaient que la Géorgie devait disparaître, et qui m’ont menacé même physiquement, estiment, quatre ans plus tard, que l’on peut tirer des leçons de cette expérience sur la façon de gérer leur pays. Voilà qui prouve que l’on peut évoluer ! J’espère que de telles choses auront lieu plus souvent !

Peu importe quels seront le gouvernement et le président de la Fédération de Russie, il nous faudra trouver un langage commun et essayer d’avoir de bons rapports bilatéraux.

LE PRÉSIDENT – MM. Ghiletchi et Jensen, inscrits dans le débat, n’étant pas présents dans l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Japaridze.

M. JAPARIDZE (Géorgie)* – Monsieur le président Saakachvili, pensez-vous véritablement que le Gouvernement actuel géorgien s’oppose à nos aspirations européennes, et si oui, pourquoi ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Président.

M. LE PRÉSIDENT DE LA GÉORGIE* – Je ne « pense » pas : j’entends ce qui se dit – et j’y réfléchis. J’ai entendu dire qu’il fallait « résister à la pression exercée par l’Europe et par les Etats-Unis » : je n’avais rien entendu de tel depuis 1991 ! J’ai entendu dire que le secrétaire général de l’OTAN était sur le point d’intervenir dans les affaires internes de la Géorgie. Je n’accepte pas ce genre de propos ; si l’on veut devenir membre de l’OTAN, il faut accepter les critiques constructives : c’est la règle de la démocratie ! Il y a quelques jours, j’ai entendu dire que l’on devait prendre les mêmes distances et avoir les mêmes relations avec la Russie et avec l’OTAN ; je le refuse totalement, car cela aura un prix en matière de politique étrangère.

J’ai également entendu dire que la Géorgie devait cesser d’être un problème pour les relations entre l’Occident et la Russie. Mais si l’on cesse d’être un problème sans que ce problème soit résolu, cela signifie-t-il que la Géorgie ne doit plus exister en tant que pays ? Cela a pu arriver par le passé ! Tout cela me donne donc à penser que les choses n’évoluent pas dans le bon sens. J’espère sincèrement me tromper, mais je crois que mon point de vue n’est pas isolé.

LE PRÉSIDENT – Nous en avons terminé avec les questions à M. Saakachvili, que je remercie très chaleureusement, au nom de l’Assemblée, pour son intervention et pour la spontanéité de ses réponses.

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 17h15.

SOMMAIRE

1.        Registres de présence

2.        Modifications dans la composition des commissions

3.        Communication du Comité des Ministres

      M. Saboya Sunyé, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres

      Questions : M. Vareikis, Lord Tomlinson, Mme Memecan, Earl of Dundee, M. Kox, Baroness Nicholson, M. Huseynov, Mme Brasseur

4.        Discours de M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie

Questions : MM. Volontè, Iwiński, Mme Fusu, M. Pushkov, Kox, Mme Gündeş Bakir, M. Shlegel,

Mmes Brasseur, Durrieu, MM. Herkel, Japaridze

5.       Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ*

Karin ANDERSEN/Ingjerd Schou

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Alessandro Rossi

Khadija ARIB

Volodymyr ARIEV

Mörður ÁRNASON

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Þuriður BACKMAN*

Daniel BACQUELAINE/Dirk Van Der Maelen

Viorel Riceard BADEA

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Sílvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI/Tinatin Khidasheli

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Delia BLANCO*

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET/Jean-Pierre Michel

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ/Mladen Ivanić

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO/Rossana Boldi

Ankie BROEKERS-KNOL

Piet DE BRUYN/Ludo Sannen

Patrizia BUGNANO*

André BUGNON

Natalia BURYKINA

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT*

Otto CHALOUPKA

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE*

Agustín CONDE*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand De DECKER*

Arcadio DÍAZ TEJERA/Carmen Quintanilla

Peter van DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ

Jim DOBBIN

Karl DONABAUER

Ioannis DRAGASAKIS

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA*

Relu FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON

Erich Georg FRITZ

Sir Roger GALE

Jean-Charles GARDETTO*

Tamás GAUDI NAGY*

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI*

Paolo GIARETTA/Renato Farina

Jean GLAVANY*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI

Svetlana GORYACHEVA/Robert Shlegel

Martin GRAF/Johannes Hübner

Sylvi GRAHAM

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ

Ana GUŢU/Corina Fusu

Carina HÄGG*

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Marek Borowski

Mike HANCOCK

Margus HANSON*

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI

Norbert HAUPERT

Alfred HEER*

Martin HENRIKSEN

Andres HERKEL

Adam HOFMAN*

Jim HOOD

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Susanna HUOVINEN*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Shpëtim IDRIZI*

Vladimir ILIČ*

Igor IVANOVSKI

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/André Schneider

Roman JAKIČ

Tedo JAPARIDZE

Ramón JÁUREGUI

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Mats JOHANSSON*

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Birkir Jón JÓNSSON*

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN*

Ferenc KALMÁR*

Božidar KALMETA*

Mariusz KAMIŃSKI*

Marietta KARAMANLI/Bernard Fournier

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH/Zbigniew Girzyński

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Alev KORUN/Christine Muttonen

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU*

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN*

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Younal LOUTFI

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI*

Nicole MANZONE-SAQUET*

Pietro MARCENARO

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS/Spyridon Taliadouros

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA/Riitta Myller

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Luc Recordon

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV/Sergey Sobko

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann

Djordje MILIĆEVIĆ*

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANQUES

Patrick MORIAU

João Bosco MOTA AMARAL*

Arkadiusz MULARCZYK/Marek Krząkała

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH*

Lev MYRYMSKYI

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Gebhard NEGELE

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA*

Fritz NEUGEBAUER

Baroness Emma NICHOLSON

Elena NIKOLAEVA

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL/Iwona Guzowska

Carina OHLSSON*

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE

Liliana PALIHOVICI*

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG

Foteini PIPILI

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN*

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT

Jakob PRESEČNIK/Polonca Komar

Radoslav PROCHÁZKA*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ/Pavel Lebeda

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Marie-Louise Fort

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET*

Marlene RUPPRECHT

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN

Rovshan RZAYEV

Giacomo SANTINI*

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI*

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER/Gerhard Pfister

Damir ŠEHOVIĆ*

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL/Yury Solonin

Arturas SKARDŽIUS

Ladislav SKOPAL/Dana Váhalová

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Christoph STRÄSSER

Karin STRENZ*

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO/Yevhen Marmazov

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Mihai TUDOSE/Florin Iordache

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI/Konstantinos Triantafyllos

Tomáš ÚLEHLA

Ilyas UMAKHANOV*

Viktor USPASKICH/Egidijus Vareikis

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS/Liana Kanelli

Ljubica VASIĆ*

Volodymyr VECHERKO/Larysa Melnychuk

Stefaan VERCAMER*

Anne-Mari VIROLAINEN*

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN*

Varujan VOSGANIAN*

Tanja VRBAT*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Zoran VUKČEVIĆ*

Piotr WACH

Johann WADEPHUL/Frank Schwabe

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Katrin WERNER*

Renate WOHLWEND

Karin S. WOLDSETH

Gisela WURM

Karl ZELLER*

Svetlana ZHUROVA

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV/Tamerlan Aguzarov

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Monténégro*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Joris BACKER

Joe BENTON

Maria GIANNAKAKI

Cheryl GILLAN

Traian Constantin IGAŞ

Elvira KOVÁCS

Kerstin LUNDGREN

Observateurs

Corneliu CHISU

Partenaires pour la démocratie

Bernard SABELLA