AS (2013) CR 06
Addendum 1

SESSION DE 2013

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

Mercredi 23 janvier à 15 h 30

ADDENDUM 1

Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine

L’intervention suivante a été communiquée au service de la séance pour publication au compte rendu par un orateur qui, inscrit et présent en séance, n’a pu être appelé à la prononcer faute de temps

M. FRÉCON (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, Le commerce de tissus humains a connu une expansion rapide ces dernières années sans toutefois qu’un véritable contrôle ne soit effectué. Un réseau de journalistes indépendants, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), a mené pendant huit mois une enquête sur le fonctionnement de ce qui s’apparente à une véritable industrie. Rappelons ainsi que la société américaine RTI Biologics qui a produit plus de 500 000 implants en 2011 est cotée en bourse. Elle a réalisé 11,6 millions de bénéfices avant impôts au cours du même exercice. Son chiffre d’affaires est estimé à 169 millions d’euros.

Il ressort clairement du travail approfondi de ces journalistes indépendants que les mesures de précaution adoptées ne s’avèrent pas totalement suffisantes pour garantir une collecte des tissus entièrement légale, respectant également un certain nombre de principes éthiques.

La question sanitaire est également posée. Faute de réglementation, il existe un risque que les bénéficiaires de greffons soient contaminés par une hépatite ou le virus VIH pour ne citer qu’eux. Il existe un écart conséquent en termes de traçabilité entre les greffes d’organes – poumons, cœur notamment – et celles de peau ou de tissus. Les dispositions législatives destinées à protéger les défunts et leurs familles sont, quant à elles, généralement inadaptées à la réalité et laissent une grande latitude aux entreprises commerciales pour déterminer les informations qu’elle entend fournir sur ces transplantations mais aussi sur la provenance des tissus. Le trafic de tissus dans les morgues est, dans le même temps, devenu une réalité y compris sur notre continent.

Les patients ignorent, de leur côté, que des tissus utilisés pour des implants proviennent de personnes décédées. Comme l’a relevé récemment un médecin américain, il existe des codes-barres pour les céréales du petit-déjeuner, mais pas pour les tissus d’origine humaine. De telles lacunes ne sont pas sans conséquence dès lors qu’il s’agit de rappeler des tissus humains potentiellement infectés par une bactérie ou un virus. Rappelons qu’en dix ans, 1 352 infections résultant de greffes de tissus humains ont été diagnostiquées aux États-Unis, 40 d’entre elles débouchant sur la mort du patient.

La France a créé en 2003 une Commission nationale de biovigilance. 500 personnes travaillent ainsi sur ce dossier en liaison notamment avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. La biovigilance a ainsi permis de surveiller plus étroitement l’utilisation de ce que l’on doit bien aujourd’hui appeler des « produits »  conçus à base de tissus humains. De fait, sur les 25 300 greffes de tissus réalisées en 2010, seules 16 ont posé problème. L’inspection mise en place vise à la fois les établissements d’implantation mais également les banques étrangères de tissus, auprès desquelles ces établissements s’approvisionnent. La commission travaille dans le même temps à former des inspecteurs originaires d’autres pays européens.

Une convention du Conseil de l’Europe permettrait, j’en suis convaincu, d’étendre, à moyen terme, ce type de mécanisme à l’ensemble du continent et représenterait à n’en pas douter un signal pour les autres États de la planète. C’est en ce sens qu’il faut œuvrer en tout cas. Faute de quoi, ce texte ne serait qu’une coquille vide.