AS (2013) CR 06

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

Mercredi 23 janvier 2013 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2013) 01 Addendum 7, concernant la délégation des Pays-Bas.

Il n’y a pas d’opposition à ces modifications ?

Elles sont adoptées.

2. Le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan
Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan
Discussion commune

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle notre discussion commune sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan et sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Nous entendrons d’abord la présentation du rapport de M. Pedro Agramunt et M. Joseph Debono Grech, au nom de la commission de suivi, sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan (Doc. 13084). M. Christoph Strässer présentera ensuite le rapport sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan, au nom de la commission des questions juridiques (Doc. 13079 et Addendum).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 18 h 45. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 10, afin de pouvoir entendre la réplique des commissions et de procéder aux votes nécessaires. La commission de suivi dispose d’un temps de parole total de 13 minutes, que les corapporteurs se partagent à leur convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

La parole est à M. Agramunt, corapporteur.

M. AGRAMUNT (Espagne), corapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) – Monsieur le Président, mes chers collègues, ce rapport est le même que celui qui a été adopté au mois de décembre, à Paris, par la commission de suivi, simplement modifié par un unique amendement approuvé par la commission cet après-midi. Ce rapport est très équilibré et devrait être adopté par l’Assemblée. Nous sommes, M. Debono Grech et moi-même, très fiers du résultat. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons d’appuyer ce rapport, le premier depuis cinq ou six ans sur ce sujet.

Vous disposez du projet de résolution, je ne le développerai donc pas, car nous voulons garder notre temps de parole pour répondre aux orateurs après la discussion générale. Je dirai simplement que nous avons décidé de rejeter tous les amendements qui ont été déposés sur ce projet : 10 par la délégation de l’Azerbaïdjan, 1 par celle de l’Arménie et 2 par M. Gross, Mmes Brasseur, Pourbaix-Lundin et quelques autres parlementaires. En effet, ces amendements n’apporteraient rien à ce rapport très équilibré.

M. Debono Grech s’exprimera tout à l’heure. Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Monsieur Agramunt. Il vous reste un temps de parole de 10 minutes 30, à vous partager comme vous l’entendrez avec M. Debono Grech.

La parole est à M. Strässer, rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Nous devons débattre de deux rapports distincts.

En 2009, j’ai été désigné rapporteur sur la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Ce ne fut pas une sinécure. Cela dit, dans la mesure où nous avons déjà largement débattu de la question, je ne tomberai pas dans les redites et me limiterai à poser quelques questions centrales.

Premièrement, pourquoi la commission des questions juridiques s’occupe-t-elle des prisonniers politiques en Azerbaïdjan et non pas dans d’autres pays ? Le titre du rapport que je présente est « Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan » et de ce thème, il a été débattu à quatre reprises par l’Assemblée depuis 2001. C’est là un message politique important et il est nécessaire de s’y attacher. Reportons-nous aux rapports de 2005. La Résolution de 2005 portait sur les suites à donner à la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Au point 11, il est indiqué : « À la lueur des engagements pris par les Azerbaïdjanais et à la lueur des garanties fournies, on constate que l’Assemblée ne peut parler d’un règlement définitif de la question. » L’Assemblée prend son travail au sérieux, mettant en avant la nécessité à l’avenir de traiter du sujet. J’ai ainsi eu de longues discussions sur ce thème. Voilà pour le premier constat. Par ailleurs, il y a quelques mois, la définition des prisonniers politiques a été confirmée. Il ne s’agit nullement de fustiger un pays, car cette définition doit s’appliquer aux 47 membres du Conseil de l'Europe. Partant, il est nécessaire de traiter de la situation d’autres pays.

Deuxièmement, quel est l’état des progrès réalisés ? Depuis quatre ans, nous avons travaillé sur la question, mais on ne peut pas dire que l’affaire soit réglée. J’ai collecté des informations très détaillées et circonstanciées, j’ai œuvré en tandem avec les organisations azerbaïdjanaises. Mais pour l’heure, on ne peut pas dire que le sujet soit épuisé.

Certes, il y a quelques semaines, une grâce présidentielle a été annoncée qui concernait plus de 40 prisonniers. Parmi eux, 14 figuraient sur ma liste récapitulative. Mais il y a encore en Azerbaïdjan bien des prisonniers auxquels s’applique la définition des prisonniers politiques.

Je pense que nous devrons donc élaborer un autre rapport sur le sujet, mais j’espère qu’un jour, in fine, nous pourrons déclarer que la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan et dans d’autres pays est réglée. C’est mon souhait et ce serait l’aboutissement de ma mission. Je vous demande donc de mener un débat très constructif pour aboutir à de bons résultats et, bien sûr, de voter le rapport.

LE PRÉSIDENT – Merci beaucoup, Monsieur le rapporteur. Il vous restera 8 minutes 30, afin de répondre aux différentes interventions.

Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole des orateurs est limité à trois minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brasseur, au nom de l’Alliance et des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Monsieur le Président, chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier les rapporteurs pour leur excellent travail, qu’ils ont dû parfois accomplir dans des conditions très difficiles, en particulier notre collègue, Christoph Strässer. Merci à eux.

L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe soutient à l’unanimité le rapport de suivi qui met en exergue les avancées réalisées par l’Azerbaïdjan. Malheureusement, un long chemin reste à parcourir dans bien des secteurs pour que l’Azerbaïdjan soit en phase avec les normes du Conseil de l'Europe.

À titre personnel, je relève une dégradation dans divers domaines, tels que la liberté d’expression, de pensée et de conscience, la liberté d’association et l’indépendance de la justice. Sur le rapport relatif à la question des prisonniers politiques, l’approche de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe est plus nuancée, mais une majorité de mon groupe soutient le rapport présenté par M. Strässer.

Ainsi que vient de le rappeler M. le rapporteur, de nombreux prisonniers politiques figurant sur la liste ont été libérés. S’il faut s’en féliciter, n’oublions pas que d’autres sont toujours en prison et que, d’après mes informations, d’autres personnes sont venues les rejoindre. Il nous faudra donc suivre la question attentivement. Que des personnes soient jetées en prison pour leurs opinions politiques est en effet inacceptable.

Au cours de la préparation des deux rapports, nous avons été témoins de tensions politiques d’une rare ampleur au sein de notre Assemblée et surtout au sein de la commission juridique. Ceux qui osaient dénoncer le refus de visa d’entrée à notre rapporteur étaient qualifiés de membres d’un « lobby anti-Azerbaïdjan » et se voyaient accusés de manigances, de chantage politique et de volonté de museler le débat démocratique. Or, c’est le contraire que nous appelons de nos vœux ! Quant aux reproches à l’égard des membres du secrétariat, ils sont tout simplement inacceptables. Cette façon de procéder est plus que regrettable et j’aimerais rappeler que notre but ici est de travailler ensemble, entre parlementaires égaux, afin de trouver des solutions pour mettre nos pays en conformité avec les obligations du Conseil de l’Europe, et ce dans l’intérêt de chacun des 800 millions d’habitants.

Notre devoir est de mettre en lumière les problèmes, parfois graves, qui se posent dans nos pays et de déterminer ce qui reste encore à faire. Comme je l’ai déjà dit, faire obstruction au travail du rapporteur et lui interdire l’accès au terrain constitue un manquement grave à ce devoir.

Je propose donc que nous méditions davantage sur notre devoir et sur notre mission commune au sein de cette Assemblée. Plutôt que de nous attaquer et de nous accuser les uns les autres, trouvons des solutions ensemble pour le bien de tous les citoyens du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Walter, au nom du Groupe démocrate européen.

M. WALTER (Royaume-Uni)* – En 1813, ce qu’on appelle aujourd’hui l’Azerbaïdjan faisait partie de l’empire russe et les tsars n’étaient guère connus pour leur respect des droits de l’homme et de la démocratie ! Pendant une période très brève de 23 mois, entre 1918 et 1920, la République démocratique d’Azerbaïdjan est devenue le premier Etat musulman à accorder le droit de vote aux femmes. Ce fut très bref, parce que Lénine ne pouvait pas se passer du pétrole de Bakou, et le règne soviétique a duré jusqu’en 1991. Après une série de coups d’Etat, l’Azerbaïdjan ne connaît que depuis 20 ans un régime qui ressemble à une démocratie. Il s’agit donc d’une jeune démocratie. Personne n’est parfait, mais l’Azerbaïdjan doit s’interroger très sérieusement sur sa situation au regard des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit.

L’excellent rapport de la commission de suivi, présenté par nos deux corapporteurs, soulève des problèmes graves, qui concernent les élections, la séparation des pouvoirs, la corruption, la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’association. Il pose aussi la question des prisonniers politiques. Selon les chiffres d’Amnesty International, il y aurait aujourd’hui huit prisonniers politiques en Azerbaïdjan : cela fait huit de trop ! Il est inacceptable que, dans un Etat membre du Conseil de l’Europe, il existe des prisonniers politiques.

Les corapporteurs et les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont eu des contacts avec le ministère de la Justice en Azerbaïdjan ; ils ont visité des prisons, rencontré des détenus. Malheureusement, le rapporteur pour la commission des questions juridiques, M. Strässer, qui éprouve des sentiments passionnés pour son sujet, n’a pas fait de même. Et, malheureusement, il a porté un jugement avant même de tenter de se rendre sur place ; les conclusions de son rapport, fondé sur la consultation de blogs, de rapports d’ONG et sur des ouï-dire, étaient déjà prêtes. Je crains que le rapport de la commission de suivi ne discrédite le sien, qui est assez confus, de même que l’addendum qui l’accompagne.

Le Groupe des démocrates européens a passé beaucoup de temps à étudier les deux rapports, et nous avons décidé – y compris nos collègues azerbaïdjanais et arméniens – de soutenir sans réserve le rapport de la commission de suivi, mais de rejeter celui de M. Strässer.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Werner, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

Mme WERNER (Allemagne)* – Au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne, je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail. À nouveau, nous discutons de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. La discussion semble s’être quelque peu égarée ; il sera difficile de tenir des propos objectifs, mais je vais essayer.

Les Etats membres, lorsqu’ils adhèrent au Conseil de l’Europe, souscrivent à des engagements : ils doivent défendre la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme ; ils doivent également se soumettre à divers contrôles. Ce n’est pas une bonne chose que de refuser un visa d’entrée à un rapporteur de l’Assemblée parlementaire, même si celui-ci avait des critiques fondées à faire. Bien entendu, nous avons des conceptions différentes de la démocratie, mais nous devons avoir un socle commun. La question des prisonniers politiques en fait partie. Dans aucun Etat membre du Conseil de l’Europe, il ne peut y avoir de prisonniers politiques. Pour nous, il va de soi que tous les prisonniers politiques doivent être libérés, qu’ils se trouvent dans les pays membres du Conseil de l’Europe ou ailleurs.

Nous sommes saisis de deux rapports sur ce thème. Celui de M. Strässer utilise une définition élargie du prisonnier politique ; la méthode du rapporteur, s’agissant notamment du calcul du nombre de prisonniers politiques, fait question. Quant au rapport de la commission de suivi, ses recommandations vont au-delà de la question des prisonniers politiques stricto sensu. Notre groupe a étudié attentivement la question ce matin. Nous avons pris la décision, à la majorité, de nous abstenir sur le rapport de M. Strässer et d’adhérer à celui de la commission de suivi, parce que ce sujet relève, à notre avis, de sa compétence.

Nous devrions discuter avec le gouvernement et l’opposition dans le pays pour examiner les réformes institutionnelles nécessaires pour asseoir les droits démocratiques fondamentaux en Azerbaïdjan. Nous nous félicitons des efforts réalisés et des succès obtenus par celui-ci au plan économique, social et culturel, mais, s’agissant des droits civiques et politiques, il y a encore des choses à améliorer, notamment en ce qui concerne la liberté de réunion, la liberté de la presse et l’indépendance de la justice.

La commission de suivi nous soumet des propositions concrètes et adaptées à une situation complexe, sans que ses recommandations comprennent aucun jugement lapidaire à l’égard du pays. C’est pourquoi nous soutenons son rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Volontè, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie)* – Notre groupe appuie sans réserves le projet de résolution de la commission de suivi ; en revanche, nous avons laissé à nos membres la liberté de vote sur le rapport sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan.

Les deux corapporteurs de la commission de suivi ont fait un excellent travail. Des progrès ont été réalisés dans le pays, mais les corapporteurs soulignent qu’il reste de nombreux sujets de préoccupation : l’indépendance du système judiciaire, le respect des droits de l’homme, de la liberté d’expression, de la liberté de réunion, de la liberté d’association ; plusieurs mesures ont été prises contre la liberté de la presse ; il existe des prisonniers politiques, des personnes privées de liberté en raison de leurs opinions ; on relève des cas de torture par la police ; il convient de combattre la corruption, le crime organisé… Autant d’éléments qui montrent qu’il subsiste des problèmes, sur lesquels les corapporteurs se sont documentés, sur place et dans le cadre de réunions internationales. Je les en remercie et les félicite au nom du Groupe du Parti populaire européen.

S’agissant du deuxième rapport, aucun de nous, ni ceux qui y sont favorables, ni ceux qui y sont opposés, ne doutent de la validité du thème abordé. Certains pensent que ce travail apportera une contribution importante à la réflexion de la commission de suivi, car M. Strässer a travaillé dur pendant plusieurs années sur le sujet. D’autres, comme moi, considèrent qu’il vaut mieux adopter le point de vue de la commission de suivi, dont le rapport résulte de plusieurs visites sur le terrain, qui correspond mieux à nos critères généraux et qui nous semble plus à jour.

S’y ajoute une préoccupation de fond. Dans sa présentation, M. Strässer nous a invités à toujours nous préoccuper du thème des prisonniers politiques. À titre personnel, je pense, comme lui, qu’il faudra revenir sur cette question, et que ce thème, une fois qu’on en aura défini avec précision le contenu, doit valoir pour l’ensemble des 47 pays membres du Conseil de l’Europe. Dès lors, tout rapport de suivi pourra traiter de ce sujet.

Bien entendu, il faut tout faire pour libérer les prisonniers politiques, n’y en aurait-il qu’un seul dans chacun de nos pays. Ce serait tout à l’honneur de notre Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme von Cramon-Taubadel, au nom du Groupe socialiste.

Mme von CRAMON-TAUBADEL (Allemagne)* – Je voudrais commencer par remercier les rapporteurs, dont le travail permettra de garantir le respect des normes du Conseil de l'Europe en Azerbaïdjan. Il ne s’agit en rien d’accabler ce pays et le travail de M. Strässer s’inscrit dans la continuité des précédents rapports sur l’Azerbaïdjan. Au mois d’octobre dernier, l’Assemblée a rappelé les critères qui définissent le statut de prisonnier politique. Malheureusement, les problèmes dénoncés alors n’ont pas été réglés. La société civile du pays se trouve dans une situation très difficile et attend beaucoup du Conseil de l'Europe.

Il n’y a pas d’opposition entre la commission de suivi et la commission juridique. Leurs rapports sur l’Azerbaïdjan sont tout à fait compatibles. Le travail a, comme toujours, été partagé entre les deux commissions. La commission de suivi présente les problèmes en matière de démocratie et d’Etat de droit. La commission juridique, quant à elle, aborde plus en détail certains points.

Bien qu’il y ait eu une amnistie en 2012, la question des prisonniers politiques n’est pas réglée en Azerbaïdjan. Certes, 21 personnes ont été libérées entre le mois de juin et le mois de décembre, mais elles représentent seulement une partie des prisonniers politiques. Certains d’entre eux avaient d’ailleurs fini de purger leur peine et d’autres ont bénéficié d’une libération conditionnelle anticipée. Un autre est mort en prison.

L’Addendum au rapport de M. Strässer présente de nouveaux cas de prisonniers politiques potentiels. La « politique du tourniquet », véritable politique d’intimidation, fait peser une menace constante sur certains acteurs de la vie civile, qui sont surveillés et, les uns après les autres, arrêtés, relâchés, puis à nouveau jetés en prison.

L’Assemblée parlementaire, gardien des droits de l’homme en Europe, a le devoir de dénoncer toutes les violations qu’elle constate dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Le rapport de la commission des questions juridiques soulève des questions graves, qui appellent une réponse forte de notre Organisation.

LE PRÉSIDENT – Messieurs les rapporteurs, souhaitez-vous répondre maintenant aux porte-parole des groupes ? Ce n’est pas le cas.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Christoffersen.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Hier, devant notre Assemblée, le Secrétaire Général a évoqué les Etats membres qui éprouvent des difficultés à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit. Certains d’entre eux sont disposés à fournir des efforts supplémentaires. Le Secrétaire Général a invité notre Assemblée à exercer une pression plus importante sur ceux qui ne le sont pas.

Qu’en est-il de l’Azerbaïdjan ? Les deux rapports que nous examinons aujourd’hui font état d’inquiétudes croissantes à l’égard de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme dans ce pays. Quant à la question des prisonniers politiques, elle n’est toujours pas réglée, sans parler des restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, de l’absence de séparation des pouvoirs, des procès inéquitables, de la pression exercée sur les avocats de la défense, du crime organisé, de la torture ou des meurtres qui ne donnent pas lieu à enquête.

J’ai rencontré hier des représentants d’ONG azerbaïdjanaises et d’Amnesty international. Ils dénoncent les menaces constantes dont ils sont l’objet et la fermeture de la Maison des droits de l’homme. Les histoires qu’ils racontent sont particulièrement frappantes car les victimes ont un nom et un visage. J’ai plusieurs fois évoqué le sort de la militante des droits de l’homme Malahat Nasibova et de ses deux enfants, qui ont trouvé refuge en Norvège. J’ai ici même demandé aux autorités de l’Azerbaïdjan de laisser en paix la petite sœur de Malahat, en vain.

Aujourd’hui, j’en appelle au chef de la délégation azerbaïdjanaise  pour que l’on cesse de persécuter les jeunes filles. De telles pratiques ne font que déshonorer l’Azerbaïdjan ! Je voudrais également attirer votre attention sur la situation du journaliste irano-norvégien, Amir Asgharnejad, qui a été arrêté à l’aéroport de Bakou lors du concours de l’Eurovision l’année dernière. Il attend toujours des excuses.

En mai 2014, l’Azerbaïdjan présidera le Comité des Ministres, ce qui selon moi menace sérieusement la crédibilité de notre Organisation. Les autorités de ce pays devraient se demander si elles supporteront d’être placées ainsi sous le feu des projecteurs. Elles ont toutefois encore le temps d’engager des changements. La réouverture de la Maison des droits de l’homme constituerait un bon commencement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Bockel.

M. BOCKEL (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je ne mésestime pas les progrès qui restent à accomplir par les autorités azerbaïdjanaises pour parvenir à respecter complètement les critères définis par notre Organisation en matière de démocratie, d’Etat de droit et de protection des droits de l’homme. L’Azerbaïdjan est, en de nombreux points, une démocratie perfectible.

Je ne céderai pas pourtant à la tentation de dresser un constat trop négatif sur ce pays, tant l’idéal démocratique devrait pouvoir s’y affirmer dans les années à venir. J’insiste à cet égard sur le potentiel économique dont il dispose. Le développement économique est souvent un accélérateur du changement politique, la prospérité débouchant le plus souvent sur la démocratie. Les routes, les écoles et les hôpitaux modernisés, grâce à la manne pétrolière, viennent souligner que les autorités azerbaïdjanaises mettent d’ores et déjà en avant le bien-être de la population au premier plan.

J’insiste d’ailleurs sur la question sensible du Haut-Karabakh, point de fixation qui freine les efforts vers plus de démocratie. Plus de 10 % de la population possède le statut de réfugié. Leur situation souvent difficile alimente une culture du ressentiment, incompatible avec les valeurs que le Conseil de l’Europe défend. Nous devons œuvrer en vue de trouver une solution à ce conflit, en accompagnant les efforts du Groupe de Minsk en la matière. Notre enceinte réunit les deux belligérants. La diplomatie parlementaire pourrait permettre d’engranger des résultats tangibles.

Je relève que l’Union européenne s’inscrit, elle aussi, dans cette optique, puisqu’elle a récemment appelé à une accélération des négociations sur le sujet. Le commissaire à l’élargissement, que nous accueillerons demain, a lui aussi souligné, le 17 décembre dernier, les efforts à mener en vue de consolider la démocratie en Azerbaïdjan. Il a dans le même temps salué le renforcement de la coopération entre Bruxelles et Bakou dans le secteur énergétique. Cet accord ne sera pas sans conséquences au plan politique. L’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce que l’Union européenne commence à appeler de ses vœux pour l’Azerbaïdjan me semble aussi une piste à creuser en vue d’une plus grande ouverture du pays.

Si notre débat nous permet de parler d’un rapport que tout le monde salue, une procédure qui va favoriser une marche vers la démocratie, le second rapport ne s’inscrit pas dans cette idée d’accompagnement, mais risque de contribuer à mettre un pays au ban de notre Organisation. Celle-ci ne doit pas stigmatiser un pays de la sorte, sans voir les efforts très importants qu’il réalise compte tenu de sa spécificité et d’un environnement géopolitique marqué par la guerre avec l’un de ses voisins.

Si la situation est perfectible à bien des égards, nous devons nous inspirer de ce qui fonctionne dans ce pays, je pense notamment à la tradition laïque. La majorité musulmane coexiste pacifiquement avec les communautés chrétienne et juive qui résident dans le pays. Cela mérite d’être souligné.

Pour ces raisons, j’approuve sans réserve le premier rapport, mais je ne pourrai voter le second, incomplet et partial.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rouquet.

M. ROUQUET (France) – Je tiens d’abord à apporter mon soutien aux deux rapporteurs, et en particulier, compte tenu de tout ce qui a été dit depuis le début de cette réunion, à M. Strässer. Approuvant pleinement les propos de Mme von Cramon-Taubadel au nom du Groupe socialiste, je voudrais revenir sur la question des personnes déplacées internes en Azerbaïdjan. Dans le cadre de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées dont je suis membre, j’ai été désigné rapporteur sur les centres collectifs en Europe.

Selon les chiffres publiés récemment par la Banque mondiale et le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, le conflit militaire avec l’Arménie a provoqué la présence de près de 600 000 personnes déplacées internes, ou PDI, en Azerbaïdjan, ce qui est particulièrement important au regard de la population de ce pays. Bien qu’un cessez-le-feu ait été déclaré en 1994, l’avenir de ces personnes reste incertain.

Les personnes hébergées dans les centres collectifs vivent dans des conditions contraires à la dignité et aux valeurs défendues dans notre enceinte. Malgré une économie en plein essor, les personnes déplacées internes en Azerbaïdjan figurent toujours parmi les groupes sociaux les plus vulnérables, dépendant largement de l’assistance extérieure.

Comme dans de nombreux conflits, les femmes et les enfants sont les premières victimes. Ils sont parmi les premiers touchés et une majorité d’entre eux vivent dans une grande précarité, privés de leurs droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit au logement, à l’emploi, à l’éducation et au développement personnel.

La dépendance des PDI à l’égard de l’assistance extérieure est un des soucis majeurs. Les sommes allouées par l’Etat constituent pour la plupart des PDI, surtout les femmes, leur unique ressource. Même si les revenus du pétrole permettent au gouvernement de mener une politique active en ce domaine, l’assistanat ne peut être considéré comme une solution dans la durée.

Il convient donc de lutter contre les pratiques perçues comme discriminatoires : les PDI ont droit à devenir des membres à part entière de la société azerbaïdjanaise. Parmi les obstacles à leur intégration, citons le système inflexible d’enregistrement des PDI selon leur lieu d’origine plutôt que leur lieu de résidence réel, les écoles séparées et la construction des nouveaux lotissements dans des zones éloignées. Sans cette volonté d’intégration, qui doit venir des responsables politiques, la plupart des personnes déracinées deviendront les otages d’un conflit gelé depuis 15 ans, tout comme leurs homologues arméniens.

Des solutions doivent être trouvées pour améliorer leur sort et des alternatives aux centres collectifs doivent être mises en place. C’est pour en discuter avec les autorités azerbaïdjanaises, les représentants des ONG et des PDI que je souhaite, dans le cadre de mon rapport, me rendre en Azerbaïdjan.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rzayev.

M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* – Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail. Il était pour moi très important, personnellement, qu’ils le fassent, mais je ne peux pas approuver le second rapport. Je ne comprends pas pourquoi, s’agissant de l’Azerbaïdjan, nous avons deux rapports. Je remercie les rapporteurs d’avoir clairement indiqué le pourcentage du territoire azerbaïdjanais encore sous occupation et d’avoir mentionné le fait qu’il y a 1 million de réfugiés. Aujourd’hui, un Azerbaïdjanais sur neuf est une personne déplacée ou un réfugié. Ce sont des chiffres sans équivalent dans d’autres pays.

Je voudrais vous dire qu’il n’y a pas en Azerbaïdjan d’incrimination pénale pour avoir exprimé ses convictions. J’entends aujourd’hui des accusations lancées à notre encontre et je les trouve injustes dans la mesure où l’Azerbaïdjan est un état démocratique jeune. Nous bâtissons un Etat de droit, un Etat civil, et nous attendons de nos collègues de l’aide pour bâtir cet Etat démocratique.

Il est écrit dans le rapport qu’il y a 22 prisonniers politiques si l’on en croit la liste publiée par les ONG. M. Strässer nous parle quant à lui de 85 prisonniers politiques. Pourquoi cette différence de chiffres ? Si le président gracie des prisonniers en Azerbaïdjan, et j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de prisonniers d’opinion, comment peuvent-ils figurer sur cette liste de prisonniers politiques ? J’aimerais que M. Strässer nous explique comment nous pouvons en arriver là. Je pense qu’il serait bon que M. Strässer puisse se rendre en Azerbaïdjan pour se faire une idée par lui-même de la situation sur place.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Schuster.

Mme SCHUSTER (Allemagne)* – Je voudrais remercier les trois rapporteurs pour la présentation des deux rapports. S’agissant du rapport de suivi, rappelons que le suivi est le cœur de métier du Conseil. Cela consiste à regarder dans quelle mesure les engagements pris sont respectés. Il ne s’agit pas vraiment de se préoccuper de cas spécifiques, mais d’avoir une vision panoramique de la situation des droits de l'homme dans nos Etats. C’est une procédure normale : lorsqu’un pays adhère, un rapport de suivi intervient, et l’Azerbaïdjan a adhéré en 2001.

Le rapport évoque maints problèmes. Il y est écrit que la justice manque d’indépendance et que des pressions sont exercées sur les juges. À la page 27, il est fait état de témoignages alarmants de la part des défenseurs des droits de l'homme en ce qui concerne la torture. Ensuite, les rapporteurs mentionnent des restrictions à la liberté de la presse et à la liberté de réunion, ainsi que le manque de liberté d’expression. Il est vrai que les journalistes et les opposants du Musavat font l’objet d’intimidations.

S’agissant du rapport Strässer, certains se demandent pourquoi faire un rapport sur ce sujet en Azerbaïdjan et pourquoi ne pas considérer d’autres Etats. C’est très simple : c’est parce qu’en tant qu’Assemblée, nous avons décidé de faire un rapport sur la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan et que M. Strässer a accepté cette mission. Je serai très claire : il est sûr qu’il faut examiner la situation de tous les autres Etats membres sur la question des prisonniers politiques et, à mon avis, il faudrait déposer des propositions en ce sens.

Par ailleurs, on reproche à M. Strässer d’avoir utilisé différents chiffres contestables. Je ne sais pas si nos collègues ont pris connaissance de l’addendum, mais il est à jour et complète le rapport en corrigeant certains chiffres.

M. Strässer n’a pas pu aller en Azerbaïdjan, car on le lui a interdit. On ne peut pas tolérer cela, pour quelque rapporteur que ce soit. Si quelqu’un est mandaté par nous en tant que rapporteur, il doit pouvoir aller sur place.

Ces deux rapports se complètent, il faut les adopter tous les deux. Ils participent de notre cœur de métier et ce n’est pas parce que le rapport de suivi affirme une chose qu’un autre rapport ne peut pas nous être soumis. Il faudra adopter ces deux rapports, qui sont complémentaires, à une large majorité.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Shlegel.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – La moitié des Etats qui font actuellement l’objet d’une procédure de suivi de notre Organisation sont des pays issus de l’Union soviétique, qui a disparu depuis plus de 20 ans. La transition démocratique ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un processus progressif, et l’on ne peut pas ignorer les évolutions positives de tous les pays qui font l’objet d’une procédure de suivi.

Les autorités d’Azerbaïdjan font preuve, à mes yeux, d’une volonté de démocratisation : des organisations de défense des droits de l’homme sont actives dans le pays, le parlement fonctionne, des élections régulières ont lieu, et la Constitution en vigueur prévoit des droits égaux pour tous les citoyens, quelles que soient leurs origines ethniques.

Quand on accuse l’Azerbaïdjan d’avoir un grand nombre de prisonniers politiques, il faut d’abord relever que cette notion de prisonnier politique n’a pas de définition bien claire. Le sujet est donc ouvert à discussion et spéculation, et vous avez déjà entendu évoquer cette question. D’ailleurs, en 2012, 87 personnes ont été amnistiées en Azerbaïdjan. Pourtant, l’Azerbaïdjan continue à faire l’objet d’une procédure de suivi et on l’appelle à respecter les droits de l’homme, comme si les anciennes démocraties étaient parfaites en la matière – ce qui n’est pas le cas.

Plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme ont ainsi relevé à plusieurs reprises que dans la lutte contre le terrorisme, les Gouvernements de l’Allemagne et de la France recouraient à la torture pour recevoir des informations. Les autorités françaises peuvent arrêter et accuser des personnes sur la base de témoignages extrêmement légers lorsqu’il y a soupçon d’activités terroristes. En Allemagne, on disperse des manifestations dans la violence. Nous le savons bien. On peut trouver des faits similaires dans n’importe quelle vieille démocratie européenne. Donc, continuer à mettre l’accent sur la situation des pays d’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique, c’est pratiquer une politique à géométrie variable. C’est dire que nos amis peuvent tout se permettre mais que nos ennemis, eux, doivent respecter la loi !

Autre cas flagrant : celui des pays Baltes. Dans ces pays, pourtant membres de l’Union européenne, aucun suivi n’est entrepris sur la situation des centaines de milliers d’habitants qui sont privés de tous leurs droits fondamentaux : droit à l’éducation, à un travail digne, à la participation à la vie politique, etc.

Il faut se poser la question : jusqu’à quand l’Assemblée parlementaire continuera-t-elle à ignorer ces crimes contre les droits de l’homme et à insister pour suivre la situation dans les démocraties en développement en ignorant la situation dans d’autres Etats ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Legendre.

M. LEGENDRE (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, le 14 mars dernier, le ministre des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan dénonçait dans une interview à un journal allemand les critiques visant les atteintes répétées aux droits fondamentaux observées dans son pays. Il indiquait à cet effet qu’il n’y avait aucun prisonnier politique en Azerbaïdjan, que personne ne pouvait y être emprisonné pour un délit d’opinion, et le ministre d’ajouter qu’il n’existait pas, de toute façon, de « définition internationale valable de ce concept ». Le débat organisé aujourd’hui devrait permettre à M. le ministre des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan de prendre connaissance des travaux élaborés par le Conseil de l’Europe il y a désormais plus de dix ans.

La notion de prisonnier politique a, en effet, été élaborée par notre Organisation en 2011, en vue, notamment, de déterminer si de tels détenus étaient en captivité en Arménie ou en Azerbaïdjan. Cette absence de connaissance préoccupe. Amnesty International note que l’Azerbaïdjan compte, à l’heure actuelle, 14 prisonniers politiques. Ces arrestations sont relativement récentes et visent des personnes ayant souhaité faire usage de leur droit à la liberté d’expression, droit élémentaire dans un pays membre du Conseil de l’Europe. Il s’agit de jeunes, je pense au blogueur Tural Abbalsi, mais aussi d’anciens responsables politiques, à l’image des anciens ministres Farhad Aliyev et Ali Insanov.

Il ne faut pas s’en prendre qu’à l’Azerbaïdjan et nous aurions tort de nous focaliser sur ce seul pays. En juin 2012, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme avait déjà dénoncé ici-même les entraves rencontrées par les défenseurs des droits de l’homme au sein d’autres Etats membres.

Nous avons longuement abordé le cas de la Russie en octobre dernier. Nous pourrions nous attarder sur le cas de la Turquie. Il ne s’agit pas de reprendre l’éternel débat sur le statut du PKK, je souhaitais simplement rappeler le cas d’Halil Savda, condamné à une peine de cent jours d’emprisonnement pour s’être publiquement déclaré en faveur de l’objection de conscience. Il convient également d’être extrêmement vigilant au cas de Mme Pinar Selek, écrivain et sociologue. Nous pourrions également citer d’autres exemples.

Rappelons par ailleurs que le 20 juillet dernier, en Arménie cette fois, la justice a condamné quatre membres de l’opposition à des peines de prison ferme : six ans pour Tigran Arakelyan, trois pour Artak Karapetyan et deux pour David Kiramijyan et Sargis Gevorgyan.

Ces nombreux cas soulignent un peu plus combien notre procédure de suivi demeure imparfaite. Il n’est pas possible que nous continuions à adopter résolutions et recommandations sur la défense des droits de l’homme sur notre continent et autour du bassin méditerranéen, alors même que nous sommes incapables de faire respecter les principes élémentaires de ces droits de l’homme au sein des Etats membres. Les parlementaires que nous sommes n’ont pas à se faire les complices du cynisme et de la violence d’Etat.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Iwiński.

M. IWIŃSKI (Pologne)* – Le pays le plus peuplé du Sud Caucase a subi, depuis son adhésion au Conseil de l’Europe il y a douze ans, des modifications importantes. Voici un pays qui est dans une situation géopolitique particulière et qui lutte pour relever des défis importants, sachant que 20 % de son territoire sont occupés, y compris la région du Haut-Karabakh et qu’un très grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées se trouvent sur son territoire.

L’Azerbaïdjan a réalisé de grands progrès en matière d’éducation, d’économie, de sécurité sociale, mais aussi dans la lutte contre la pauvreté et le terrorisme. En revanche, de très nombreuses défaillances et déficiences peuvent toujours être relevées du point de vue du fonctionnement de la démocratie pluraliste, de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et d’association.

Dans le Document 13084, toutes ces questions sont étudiées de manière complète et équilibrée. Je vous renvoie en particulier à l’annexe no1 : le tableau de la législation mise en place par l’Azerbaïdjan en vue de la réalisation de ses engagements.

Le problème des prisonniers politiques a toujours été sensible et controversé. Notre Assemblée a étudié cette question lors d’autres parties de session dans le passé. Pendant la visite à New York de la sous-commission des relations extérieures de la commission des questions politiques et de la démocratie, nous avons rencontré au siège des Nations Unies M. Jan Eliasson, Secrétaire général adjoint des Nations Unies, qui est professeur de droit et ancien ministre suédois des Affaires étrangères. Il reconnaissait que, malheureusement, il n’existait pas de critères universellement reconnus pour définir formellement le « prisonnier politique ». Il arrive, par exemple, que des personnes qui participent activement à des actions terroristes soient comptées parmi les prisonniers politiques.

Permettez-moi toutefois d’attirer votre attention sur le fait que, grâce au travail du Conseil de l’Europe, de nombreux prisonniers cités dans les deux rapports ont d’ores et déjà été libérés. Un décret d’amnistie a en effet été promulgué en décembre dernier et M. Fatullayev, le prisonnier politique probablement le plus connu, a été récemment libéré.

Tout cela ne change rien au fait qu’en Azerbaïdjan, les procédures judiciaires doivent être sensiblement améliorées. Le manque d’indépendance du système judiciaire est un sujet de préoccupation. Je partage l’avis des deux corapporteurs : malgré les progrès accomplis en créant un nouveau cadre législatif pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée, le principal défi consiste à mettre en œuvre cette législation.

Pour conclure, Monsieur le Président, je suis convaincu que l’Azerbaïdjan respectera ses obligations et ses engagements et j’espère qu’à l’automne, les élections présidentielles seront menées de façon crédible et permettront de mettre en place un nouveau degré de coopération avec l’Organisation.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – Quel défi ce doit être que d’être rapporteur sur un pays tel que l’Azerbaïdjan ! Merci donc pour ce rapport.

Corruption, torture, absence d’indépendance du judiciaire, impunité, prisonniers politiques, restrictions en matière de liberté d’association et de réunion et en matière de liberté d’expression, non-respect de l’Etat de droit, non-respect des droits démocratiques, pas de séparation des pouvoirs… je pourrais continuer à décliner la longue liste des manquements à la démocratie.

L’Azerbaïdjan est un Etat autoritaire. J’ai assisté aux élections dans ce pays en novembre 2010. Alors que l’on procédait au décompte des voix, on a fermé la porte ; quelqu’un a alors frappé et on lui a ouvert. C’était un grand gaillard qui prétendait venir de la part de la commission électorale régionale. Il a commencé à faire des histoires et cela a posé des problèmes pour le décompte des votes. Voilà le genre de choses que l’on voit en Azerbaïdjan.

Je suis également allée me promener à Bakou. J’ai pris des photos, comme je le fais toujours, pendant deux heures. Eh bien, à trois reprises la police m’a arrêtée. On a demandé à voir mon appareil et les photos que j’avais prises, alors que j’avais tout simplement pris des choses aussi anodines que l’hôtel où j’étais descendue ! Si je n’avais pas fini par montrer mon passeport diplomatique, on m’aurait arrêtée, et cela tout simplement parce que j’avais pris des photos dans les rues de Bakou ! Si je vous raconte ces épisodes, c’est parce qu’ils montrent quelle est la situation dans ce pays. Les autorités de cet Etat sont défaillantes.

L’Azerbaïdjan a remporté l’Eurovision en 2011. Quand j’ai vu cela, j’ai bien ri… Je me suis dit qu’il allait y avoir beaucoup de problèmes avec tous les journalistes et photographes qui allaient mettre le cap sur le pays ! Cela dit, c’est une bonne chose qu’ils aient remporté le concours : beaucoup de gens sont allés sur place. Comme vous le savez, la chanteuse suédoise Loreen a remporté l’Eurovision à Bakou en 2012. Elle en a profité pour rencontrer beaucoup d’ONG et de défenseurs des droits de l’homme. C’était vraiment courageux de sa part. Elle a essayé de faire la différence, et elle y est parvenue. Eh bien, j’espère que, de la même façon, ces deux rapports feront une différence pour le peuple de ce pays, même si j’ai quand même des doutes, car il semble y avoir un manque de volonté politique au sommet du pouvoir, lequel paraît ne pas vouloir respecter les engagements souscrits au moment de l’adhésion du pays au Conseil.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Slutsky.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – On a entendu beaucoup de critiques à l’égard de l’Azerbaïdjan. Cela dit, comparons l’état du pays aujourd’hui avec celui d’il y a dix ans. M. Aliyev, le président actuel, était alors l’un de nos collègues : il conduisait ici même la délégation de son pays. Il a beaucoup appris dans cette école qu’est le Conseil de l’Europe et il mène aujourd’hui l’Azerbaïdjan sur la voie d’un développement démocratique.

En Azerbaïdjan, aujourd’hui, on respecte les droits de l’homme. Certes, on peut faire des reproches, relever des lacunes, mais le développement économique et social est en marche. Il existe un programme de lutte contre la pauvreté. Le pays a également atteint l’indépendance énergétique – et pas seulement grâce au pétrole.

Pour ce qui est du nombre de prisonniers politiques, on relève un certain nombre de divergences : y en a-t-il 8, 22 ou bien aucun ? Je fais ici référence au rapport de M. Strässer. Avec tout le respect que j’ai pour son auteur, je ne peux pas voter pour ce rapport. La définition même de la notion de prisonnier politique qui est proposée est floue et approximative. Par ailleurs, il convient d’examiner la situation des prisonniers politiques dans tous les pays du Conseil de l’Europe. Nous devrions nous adresser à la Cour européenne des droits de l’homme, qui est l’une des instances les plus respectées en matière de droit international en Europe, pour qu’elle nous donne une définition claire de la notion.

Ce que nous pouvons faire de notre côté dans ce domaine pourrait ensuite servir d’instrument de pression politique. Une résolution de ce type – je ne souhaite pas qu’elle soit adoptée – permettrait demain à M. Breivik, à des personnes se livrant au trafic d’organes humains ou à n’importe quel terroriste de se prétendre prisonnier politique. On connaît déjà bien des exemples comparables dans des pays membres du Conseil de l’Europe : certaines personnes qui sont manifestement des criminels déclarent qu’ils sont des prisonniers politiques.

C’est le flou de la définition qui pose problème ; voilà ce qui explique qu’il y ait des évaluations aussi divergentes du nombre de prisonniers politiques dans tel ou tel pays. Nous ne pouvons pas adopter aujourd’hui le projet de résolution. Il nous faut poursuivre ce travail, mais avec l’aide d’experts reconnus en matière de droit international – je pense avant tout à la Cour européenne des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas appuyer la résolution figurant dans le second rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Hovhannisyan.

Mme HOVHANNISYAN (Arménie)* – Je suis extrêmement déçue par le premier rapport, qui n’a pas traité de manière impartiale et objective la situation sur le terrain pour ce qui est des obligations et des engagements qu’a acceptés l’Azerbaïdjan en adhérant à cette Organisation. Nous avons affaire à une tentative assez faible pour justifier les déficiences et les insuffisances des autorités azerbaïdjanaises, lesquelles prétextent des causes extérieures au pays.

Permettez-moi, pour étayer ce que je viens de dire, de rappeler la scandaleuse affaire Safarov : un individu, condamné à la prison à perpétuité pour un crime de haine par un tribunal hongrois, a été transféré en Azerbaïdjan. Dès son arrivée, il a été gracié et libéré. Son crime atroce a été glorifié et récompensé par les autorités. Or comment cet épisode est-il abordé dans le rapport ? On y trouve une seule phrase, parfaitement neutre et sans aucune signification, qui dit qu’en octobre 2012, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a tenu un débat d’actualité sur l’affaire Safarov. Rien d’autre ! Pas un mot de la condamnation ferme et sans partage de cette affaire par la communauté internationale, mais également par cette Assemblée.

Il est également étonnant de constater que les corapporteurs ne font guère mention du rapport de 2011 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur l’Azerbaïdjan – on y trouve une seule allusion, au paragraphe 194. Les corapporteurs se contentent de noter que l’ECRI exprime quelques préoccupations en ce qui concerne la liberté de religion. Il est assez surprenant de constater que les nombreuses inquiétudes de l’ECRI et les recommandations formulées n’ont absolument pas été mentionnées. Il n’est pas question, par exemple, du racisme ordinaire envers les Arméniens, pas plus que de la montée sans précédent de sentiments anti-arméniens. Ce silence est particulièrement alarmant.

Pour conclure, les rapporteurs s’efforcent de refléter la position des autorités azerbaïdjanaises, lesquelles cherchent à justifier le non-respect de leurs obligations en invoquant comme prétexte le conflit du Haut-Karabakh. Selon le rapport, une grande partie des progrès futurs en matière de démocratie de l’Azerbaïdjan dépendront de la résolution pacifique de ce conflit. Or l’existence d’un conflit ne peut pas justifier l’absence de progrès dans d’autres domaines.

Nous pensons que les corapporteurs n’ont pas à suivre le raisonnement du Gouvernement azerbaidjanais. Ils doivent au contraire affirmer qu’aucun prétexte ne peut justifier ces défaillances et ces insuffisances. Le gouvernement actuel fait traîner le règlement du conflit pour servir ses propres objectifs ; il s’en sert notamment comme d’un instrument d’oppression contre tout mouvement de réforme démocratique ou sociale. Or il existe des Etats en conflit qui ont réussi à se démocratiser, tels Chypre, Israël ou l’Irlande du Nord. Le respect de la démocratie et des droits de l’homme est en réalité une condition indispensable pour une solution du conflit au Haut-Karabakh.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Jakič.

M. JAKIČ (Slovénie)* – Les libertés fondamentales et les droits de l’homme doivent être respectés partout et à tout moment si nous voulons espérer atteindre notre objectif premier, à savoir une société libre et démocratique fondée sur le développement.

A cet égard, il est important que les autorités nationales montrent concrètement leur intention ferme d’appliquer les principes généraux ayant trait aux droits de l’homme. En adhérant au Conseil de l’Europe, tous les pays représentés ici se sont engagés à respecter les principes de l’Organisation. Le chemin qui mène vers la réalisation de cet objectif peut bien sûr varier d’un pays à l’autre, étant donné les différences historiques, géopolitiques, économiques ou toute autre circonstance qui contribue à former les normes juridiques et sociales d’un pays.

Il est donc compréhensible que ce chemin soit plus court pour certains et plus long et plus tortueux pour d’autres. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire sont là pour aider les pays à avancer sur ce chemin et à respecter le plus rapidement possible les principes mentionnés.

Notre but est aussi d’aider à comprendre que plus de démocratie ne signifie pas moins de pouvoir, que c’est même le contraire. Parfois, certains de nos partenaires se méprennent sur la nature de cette aide et l’interprètent comme une ingérence. Ce serait de toute façon une erreur que de limiter la définition de l’activité du Conseil de l’Europe à ce seul segment. Il est du devoir du Conseil de l’Europe d’intervenir partout et chaque fois que des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont signalées.

Je partage donc le sentiment positif qui a accompagné, en décembre, la décision du président Aliev de gracier 89 personnes, dont des journalistes, des militants pour les droits de l’homme et des opposants politiques. Le président Aliev, qui a été membre de notre Assemblée parlementaire, a toujours fait partie des représentants azerbaïdjanais manifestant une orientation européenne. J’espère que cette tendance se confirmera dans tous les domaines évoqués dans le rapport de suivi, afin qu’à l’avenir il ne soit plus nécessaire, pour cette Assemblée, d’aborder les questions concernant les prisonniers politiques et le respect des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Seyidov.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* - J’adresserai ce conseil à mes collègues arméniens : plutôt que de critiquer l’Azerbaïdjan, plutôt que de voir chez nous des problèmes liés aux prisonniers politiques, libérez les témoins présentés par l’Association d’Helsinki ! Cette liste comprend plus de 65 jeunes Arméniens qui ne veulent pas faire la guerre dans le Haut-Karabakh.

Cela fait douze ans que je siège dans cette Assemblée, et c’est la première fois que je vois deux rapports sur le même pays présentés de deux manières différentes. Comment appréhender cela ?

L’Azerbaïdjan fait de son mieux dans le cadre des procédures de suivi. Le rapport de la commission de suivi est très critique, mais nous le respectons. Je n’adhère pas à certains de ses éléments, mais en tout état de cause, il faut dialoguer, communiquer avec la commission de suivi. C’est d’ailleurs notre obligation en tant que membre du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe a été créé pour les pays, pas contre les Etats.

Comment, maintenant, peut-on adhérer au rapport Strässer, qui évoque des faits bizarres ? On peut ainsi trouver sur sa liste les noms de personnes qui n’existent pas ! Quarante personnes ont déjà été libérées et dix sont devant les juridictions. Il y a seulement quelques heures, M. Strässer a présenté devant la commission des questions juridiques une liste prétendument actualisée, mais en définitive, on ne peut pas trancher s’agissant de ce rapport.

Nous ne sommes pas contre M. Strässer, qui est un membre éminent de l’Assemblée, mais les faits qu’il présente ici sont peu compréhensibles. Dans ces conditions, nous ne pouvons faire qu’une chose : adhérer au rapport de la commission de suivi et rejeter le rapport Strässer.

J’espère que l’on aura le courage de comprendre que c’est la crédibilité de nos valeurs qui est ici en jeu. Le rapport Strässer évoque la crédibilité de notre Organisation, mais les valeurs de l’Europe en tant que grande famille sont plus importantes.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Rustamyan.

M. RUSTAMYAN (Arménie) – Mon cher collègue, le nombre de ceux qui ne veulent pas faire la guerre ne se limite pas à quelques dizaines de jeunes Arméniens. Personne, chez nous, ne veut la guerre, c’est vous qui la voulez !

Mes chers collègues, s’agissant du premier rapport, il est malheureusement difficile, cette fois, de féliciter les auteurs pour leur travail, car ils ont entièrement rejeté toutes les propositions de la délégation arménienne et ignoré tous nos commentaires. Ce sont pourtant les mêmes rapporteurs qui se sont déclarés prêts à considérer la position de l’autre partie. C’est la raison pour laquelle nous avons joint notre avis divergent à ce rapport.

En définitive, la position des rapporteurs s’agissant du conflit du Haut-Karabakh reflète sans réserve celle des autorités de l’Azerbaïdjan. L’affaire Safarov, largement évoquée dans cet hémicycle, est passée sous silence, de même que le rapport de l’ECRI ou l’attitude inhumaine et provocatrice des autorités azerbaïdjanaises sur la question des vols civils vers le Haut-Karabakh.

Il est facile pour les rapporteurs, et très confortable pour la partie azerbaïdjanaise, d’expliquer tous les problèmes qui persistent dans ce pays par la simple existence du conflit. Mais comment peut-on expliquer que depuis son adhésion au Conseil de l’Europe, l’Azerbaïdjan n’ait pas pu mettre un terme au problème des prisonniers politiques ? Tout le monde, à part les Azerbaïdjanais, conviendra que ce problème n’a rien à voir avec le conflit.

Je veux donc féliciter M. Strässer, qui a pu accomplir sa tâche en dépit des pressions qu’il a subies. Un pays souhaitant sincèrement développer la démocratie, le pluralisme et les droits de l’homme, comme les autres rapporteurs présentent l’Azerbaïdjan, ne devrait jamais poser d’obstacles au règlement définitif de la question des prisonniers politiques. C’est l’absence de tels prisonniers et l’existence d’un système électoral rendant possible et légitime l’alternance qui sont les attributs indispensables d’un Etat de droit véritablement démocratique. Et cela concerne tous les Etats.

Chers collègues, nos valeurs sont mises à l’épreuve à chaque fois qu’un rapport fait état de pratiques inacceptables en Azerbaïdjan. Et maintenant, certains essayent d’enterrer le rapport de M. Strässer ! Le nombre exact de prisonniers politiques n’a aucune importance. Dans un Etat démocratique dirigé par un gouvernement légitime, il ne saurait y avoir un seul prisonnier politique. C’est pourquoi nous devons absolument adopter ce rapport.

LE PRÉSIDENT - La parole est à Mme Čigāne.

Mme ČIGĀNE (Lettonie) * - Un des points principaux du rapport de la commission de suivi concerne les élections : il rappelle qu’aucune des élections précédentes n’a jamais pu être considérée comme conforme aux normes internationales. Une élection présidentielle doit bientôt avoir lieu, en octobre 2013, et j’espère très sincèrement que les autorités d’Azerbaïdjan vont démontrer leur volonté de l’organiser selon ces normes, ainsi que leur volonté de défendre toutes les autres libertés fondamentales : liberté d’expression, liberté d’association, pluralisme politique. J’espère que cette élection présidentielle constituera une amélioration réelle.

Nous avons beaucoup parlé des prisonniers politiques et il est vrai que la commission de suivi a attiré l’attention de l’Assemblée sur cette question. Le rapport de M. Strässer est d’ailleurs très détaillé et très complet à ce sujet et prononce un certain nombre d’avertissements. Il n’est pas toujours aisé de définir la notion de prisonnier politique et pour cette raison je suis très fière de cette Assemblée, puisqu’à la partie de session précédente, elle a adopté un rapport qui définit cette notion.

Je rejette totalement les propos de M. Shlegel, selon qui de nombreuses démocraties occidentales auraient le même problème que l’Azerbaïdjan. Je lui rappelle qu’en 2011, il y a eu des incidents lors de manifestations à Londres et que tous ceux qui ont été arrêtés alors ont été traduits devant les tribunaux et condamnés à des travaux de service public, comme cela se fait couramment dans des pays comme le mien. Je rejette également ses propos concernant les pays Baltes, où toute la population a accès à l’éducation, aux droits sociaux et où les libertés fondamentales de tous – droit de réunion, liberté d’expression – sont respectés. Ses commentaires étaient donc tout à fait injustes.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chisu.

M. CHISU (Canada, observateur)* – Je remercie l’Assemblée de me donner l’occasion de m’exprimer aujourd’hui sur le thème des engagements de l’Azerbaïdjan à l’égard du Conseil de l'Europe. Ce rapport équilibré et complet fait état de toute une série de préoccupations concernant l’Azerbaïdjan et ses engagements en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit.

Je trouve troublant qu’aucune élection, législative ou présidentielle, organisée depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe n’ait été considérée comme libre et régulière. Nous partageons aussi les inquiétudes relatives à la possibilité éventuelle de mandat présidentiel illimité, à l’impossibilité pour les partis de l’opposition de former un groupe parlementaire avec moins de 25 députés et aux restrictions imposées à l’opposition non parlementaire. Il est urgent de réviser le code électoral. Sans cela, le cadre électoral actuel continuera d’entacher le processus et le résultat de l’élection présidentielle d’octobre 2013.

Il est important aussi de réformer le système judiciaire : il y a des problèmes de manque d’impartialité, des problèmes aussi dans la désignation des juges. Les procédures sont vulnérables à la corruption et aux abus, malgré la promulgation de nouvelles lois. Le Canada partage la recommandation du rapport, à savoir qu’il convient de réviser la Constitution ainsi que d’autres textes, afin de créer un système judiciaire indépendant.

S’agissant de la transparence des institutions publiques, l’Azerbaïdjan continue de faire bien piètre figure dans le cadre du classement de Transparency International. Le Canada considère que la corruption est un obstacle majeur à une meilleure coopération commerciale.

En matière de protection des droits de l’homme l’Azerbaïdjan, là aussi, laisse énormément à désirer et suscite bien des inquiétudes. La liberté de la presse, le contrôle exercé par l’Etat sur les médias, la liberté de réunion, les restrictions des activités des ONG, tout cela empêche l’Azerbaïdjan de progresser vers une société véritablement démocratique.

Les ONG éprouvent de grandes difficultés à agir en Azerbaïdjan, comme le souligne le projet de résolution. Le Canada a toujours encouragé la société civile à promouvoir et à défendre les droits de l’homme. Et il continuera d’en appeler à l’Azerbaïdjan pour qu’il prenne des mesures significatives en matière de démocratisation et de protection des droits de l’homme. Le Canada surveillera de près les restrictions à la liberté de la presse, à la liberté de réunion et aux activités des ONG.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gaudi Nagy.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Je suis juriste, spécialiste des droits de l’homme, je sais donc à quel point il est important d’être très précis dans ce domaine. Si l’on accuse un Etat membre de détenir des prisonniers politiques, cette accusation doit être bien établie.

J’ai donc fait de mon mieux pour bien comprendre la problématique : j’ai consulté des organisations de défense des droits de l’homme, j’ai lu les rapports, j’ai essayé d’obtenir des informations en provenance directe de l’Azerbaïdjan.

Le premier rapport, concernant les obligations et engagements de l’Azerbaïdjan, est bien ficelé, fondé sur des faits incontestables. La commission de suivi a estimé que des progrès avaient été réalisés pour assurer la démocratie, mais que certaines lois avaient été violées. D’où des préoccupations en ce qui concerne les droits de l’homme.

Mais les étapes à respecter pour parvenir à la démocratie demandent du temps. Et de nombreux Etats ici présents ne sont pas, eux non plus, en mesure de respecter toutes les normes du Conseil !

S’agissant du second rapport, les données de M. Strässer, concernant les prisonniers politiques, ont été plusieurs fois contestées. Il serait bon de les revoir afin qu’elles soient incontestables. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas adhérer à ce second rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mariani.

M. MARIANI (France) – Nous débattons aujourd’hui de deux rapports sur l’Azerbaïdjan qui sont bien différents. Nos collègues de la commission de suivi ont fait un travail équilibré : tout en rappelant les problèmes qui subsistent, ils ont eu l’honnêteté de souligner les progrès accomplis par l’Azerbaïdjan depuis son indépendance. M. Strässer a choisi une autre voie, n’accordant aucun crédit aux progrès sensibles accomplis par ce pays.

Elu pour représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion de me rendre très souvent dans cet Etat. L’Azerbaïdjan a réussi, malgré une situation géopolitique difficile, à faire rempart à l’islamisme et à préserver une pratique moderne de l’islam. Ce n’est pas évident quand on a l’Iran pour voisin ! L’Iran qui entretient une politique de déstabilisation de l’Azerbaïdjan en finançant par exemple une partie de l’opposition, et notamment une chaîne de télévision. Ce n’est pas évident de respecter tous les principes démocratiques avec une telle opposition ! Néanmoins, le statut de la femme et la liberté de religion sont garantis. Je connais peu de pays où l’islam est la religion dominante et où l’ambassade d’Israël n’a même pas besoin d’un policier pour la protéger…

Ceux qui prônent la mise en place d’un régime islamiste, ceux qui appellent à un coup d’Etat, ne peuvent pas être considérés comme des prisonniers d’opinion ! Le rapport de M. Strässer manque de précision. Bien sûr, l’addendum qui a été publié hier prend en compte la grâce du 26 décembre dernier et procède à quelques rectifications bienvenues dans un décompte très contestable. Mais il reste trop de divergences avec les évaluations d’Amnesty international, mentionnées dans le rapport de la commission de suivi, ou même avec celles des ONG azerbaïdjanaises grâce auxquelles vous avez fait votre liste.

De même, Monsieur Strässer, vous expliquez que, consultée par écrit, la direction du PIA vous a fait des réponses « convenables » sur la façon dont il compte prendre le pouvoir. Il fallait être bien naïf pour croire qu’ils allaient vous répondre : « oui, Monsieur Strässer, nous voulons instaurer la charia et nous allons prendre le pouvoir par la force ».

Tout ce travail me semble contestable ! Votre rapport sur la définition des prisonniers politiques prenait déjà plusieurs fois l’Azerbaïdjan pour cible. Ce pays mérite-t-il d’être systématiquement stigmatisé de la sorte ?

Vous nous dites aussi que vous n’avez pas pu vous rendre en Azerbaïdjan parce que l’on ne vous a pas accordé de visa. Sincèrement, je le regrette. Les corapporteurs de la commission de suivi, eux, n’ont eu visiblement aucun problème ; ils soulignent d’ailleurs la qualité des relations et des réponses obtenues de la part des autorités azerbaïdjanaises. Et leur action n’a pas été étrangère, me semble-t-il, à la libération d’un certain nombre de prisonniers.

Chers collègues, le Président de notre Assemblée a fait de la résolution des conflits gelés une priorité de sa présidence. Dans cette perspective, il me paraît judicieux de développer la coopération avec l’ensemble des protagonistes plutôt que de se complaire dans une mise au ban systématique de l’un de ces pays dans l’hémicycle.

C’est pourquoi je soutiendrai le projet de résolution de la commission de suivi mais je voterai contre le projet de résolution de M. Strässer.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. McNamara.

M. McNAMARA (Irlande)* – De nombreux orateurs ont évoqué des différences entre les deux rapports présentés. Je pense, quant à moi, qu’il s’agit d’une répartition normale du travail entre deux commissions compétentes. La première est particulièrement compétente en matière de prisonniers politiques. Des efforts ont été faits pour décrire la situation que l’Azerbaïdjan doit surmonter et les progrès déjà réalisés, sans entrer dans le détail de cas particuliers comme l’a fait la seconde commission. Il ne s’agit pas pour les deux commissions de traiter le sujet à l’identique ni de rivaliser, comme cela avait été le cas, avec le travail très approfondi réalisé par M. Marty sur la situation dans le Caucase du Nord. De la même manière, s’agissant de l’affaire Magnitski en Fédération de Russie, la commission des questions juridiques a récemment désigné un rapporteur.

Certains intervenants ont exprimé la crainte que les terroristes puissent se réclamer du statut de prisonnier politique. Une lecture plus attentive du rapport de M. Strässer lèvera ce malentendu. Il indique clairement que la définition du prisonnier politique adoptée aux fins de ce rapport se fonde sur la définition et sur les critères utilisés par les trois experts indépendants désignés par le Comité des Ministres le 31 janvier 2001. Le juge Trechsel qui a présidé le groupe a été auditionné par la commission. Il a expliqué qu’un accord avait été trouvé entre les experts. Les personnes condamnées pour des crimes violents et pour des actes de terrorisme ne peuvent pas se prévaloir du statut de prisonnier politique, même s’ils disent avoir agi pour des motifs politiques.

J’appelle l’attention de l’Assemblée sur le paragraphe 2.5 du rapport de M. Strässer. Il entre dans le détail de la définition du prisonnier politique et énonce la méthodologie retenue pour élaborer son rapport. Or, personne n’a critiqué la méthodologie.

Alléguer qu’une personne est un prisonnier politique doit être étayé par des faits. Il faut ensuite que l’Etat concerné prouve que la détention est justifiée au regard des textes internationaux et que la jurisprudence de la Cour – exigences de proportionnalité, de non-discrimination – est respectée. Par ailleurs, il faut prouver que la privation de la liberté est le résultat d’une procédure équitable. C’est la grande majorité des cas de ceux qui se disent prisonniers politiques et le plus souvent, les Etats ont pu satisfaire à ces critères.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Dişli.

M. DİŞLİ (Turquie)* – En octobre 2012, notre Assemblée a tenu un débat très controversé sur la définition de prisonnier politique. Souvenons-nous, le rapport de M. Strässer a été adopté alors que de nombreux parlementaires éprouvaient des doutes. À l’époque, la délégation de l’Azerbaïdjan avait déposé un amendement tendant à confirmer que l’interprétation et l’application de tout critère de définition du prisonnier politique relevait de la compétence exclusive de la Cour européenne des droits de l’homme. Cet amendement avait été rejeté alors qu’il représentait une démarche équilibrée. Le vote s’était conclu par 89 voix pour et 89 voix contre, marquant la division qui prévalait au sein de l’Assemblée.

Aujourd’hui, nous abordons une nouvelle fois la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Nous sommes obsédés par cette question des personnes qui pourraient y être emprisonnées alors que nous savons que de prétendus prisonniers politiques sont engeôlés dans de nombreux pays.

Notre Assemblée traite de cette question depuis 2001, ce qui prouve bien que notre activité est inefficace et conduit à un débat politique infructueux. D’ailleurs, je ne pense pas qu’il serait judicieux d’en appeler à la réévaluation des cas des prisonniers politiques en Azerbaïdjan comme il est indiqué dans le projet de résolution, car ce serait dicter aux autorités judiciaires ce qu’elles doivent faire. En cas de défaillances du système judiciaire ou de problèmes relatifs aux normes du Conseil de l'Europe, les rapporteurs de la commission de suivi pourraient en traiter – d’ailleurs, le rapport qui nous est présenté évoque des problèmes de cet ordre. Il convient donc d’éviter le double emploi.

En outre, la liste consolidée à laquelle il est fait référence dans le projet de résolution n’est plus à jour et est par conséquent inexacte, si l’on en croit les autorités azerbaïdjanaises.

Enfin et surtout, la subjectivité et le flou de la définition actuelle entraîneraient des débats politiques stériles, une perte d’énergie et de temps, ce qui n’aboutirait pas à des mesures efficaces. Tout au contraire, si nous voulons régler la question des prisonniers politiques, nous devons parvenir à un consensus fondé sur les principes de base et cesser de pointer du doigt tel ou tel pays alors que nous débattons d’un problème de portée mondiale.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni))* – Si nous n’y prenons pas garde, nous courons le risque de créer un précédent, ce qu’il serait préférable d’éviter. Qu’un rapport de la commission de suivi traite d’un pays et qu’ensuite un thème particulier soit extrait de ce rapport de suivi pour réaliser un rapport distinct, comme c’est le cas aujourd’hui, pose la question de savoir si c’est désormais la norme. Le site internet de Human Rights Watch énumère des pays – j’en ai sélectionné treize qui sont tous membres de l’Organisation dont : l’Arménie, la Belgique, la Bosnie, la Bulgarie, la Croatie, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, la Serbie, la Turquie, l’Ukraine et le Royaume-Uni. Doivent-ils tous faire l’objet du même examen par le prisme d’ONG et de sites internet comme l’a fait M. Strässer ? Une telle façon de faire est-elle satisfaisante, parviendrions-nous à un document de qualité ?

Il y a trois heures, le site d’Amnesty International faisait référence à un journaliste prétendu prisonnier politique qui avait des liens avec cette association. Il a voulu enquêter sur des crimes qui auraient été commis par l’Allemagne, mais Amnesty International a émis des doutes sur les allégations de ce journaliste et sur la façon dont il finançait ses activités. Le cas d’une personne qui est citée dans le rapport était évoqué. Soyons donc extrêmement prudents si nous voulons évaluer les choses.

M. Strässer emploie dans son rapport le verbe « présumer », qui n’est pas utilisé dans sa bonne acception. Dans le rapport, « présumer » est utilisé pour affirmer, ce qui ne répond pas à la définition du dictionnaire.

Que pouvons-nous faire ici aujourd’hui ? Le rapport de la commission de suivi est plus dur que bien des rapports de suivi concernant d’autres pays. Il n’épargne que peu de monde et dit les choses haut et fort.

La situation de l’Azerbaïdjan pourrait être extrêmement délicate. En effet, si nous votons le rapport de M. Strässer, ce que je n’espère pas, nous ne pourrions pas nous arrêter là, il faudrait le réviser régulièrement et rapidement, faute de quoi, l’Azerbaïdjan et le pays suivant sur la liste auraient l’impression d’être pointés du doigt. Ce n’est pas équitable et ne peut être toléré par notre Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Fataliyeva.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – S’agissant de l’Azerbaïdjan, je souhaiterais vous rappeler que nous parlons d’un pays qui a vu le jour il y a 21 ans. Nous représentons plusieurs nationalités vivant en paix et, comme l’a noté M. Walter, les femmes ont obtenu le droit de vote dans notre pays il y a longtemps – bien avant de nombreux pays d’Europe.

Notre pays fait partie de plusieurs organisations internationales, dont il a toujours respecté les valeurs. Au cours des dix dernières années, il a évolué de façon importante, comme en témoignent les indicateurs macroéconomiques et les notes que nous attribuent les agences de notation. Bien entendu, la principale source de revenus du pays est le pétrole. Il reste que beaucoup de choses dépendent de leur utilisation.

D’après les experts étrangers, une bonne diversification des recettes pétrolières a eu un effet positif sur l’économie durant la crise financière. Le niveau de pauvreté a alors baissé et une classe moyenne a vu le jour. De ce point de vue, il s’agit d’un grand succès.

En Azerbaïdjan, nous attachons beaucoup d’importance au secteur privé et aux PME, qui sont créatrices d’emploi, notamment dans le secteur non pétrolier. Nous avons mis au point de nouveaux modèles de développement économique. Grâce à cela, le revenu moyen annuel par habitant va atteindre 20 000 dollars. Il est vrai que nous faisons encore partie des pays à revenus moyens, mais chaque année nous nous améliorons et, d’ici dix ans, nous devrions rejoindre la catégorie des pays à revenus élevés.

Les problèmes sociaux s’inscrivent dans un cadre géopolitique particulier, puisque 20 % de notre territoire sont occupés. Cela ne permet pas d’asseoir le développement économique du pays. Nous accueillons des personnes déplacées et des réfugiés – environ 1 million –, qui ne pourront retrouver une vie quotidienne normale que lorsqu’on les aura autorisés à retourner dans leurs foyers, dont ils ont été expulsés.

Au cours de la dernière année, le processus de règlement du conflit du Haut-Karabakh a stagné ; le Groupe de Minsk n’a pas progressé. Il est inutile de dire que cette situation a eu un impact politique très négatif dans la région, car cela a créé des risques pour les politiques intérieures et extérieures des pays du Caucase du Sud.

S’agissant du rapport de M. Strässer, celui-ci donne une liste de 85 prétendus prisonniers politiques. Il affirme que ces personnes ont été emprisonnées en raison de leurs convictions politiques, mais ce n’est pas vrai. M. Strässer s’est fondé sur les dires de certaines ONG, et il n’a pas tenu compte des décisions de justice. Or la plupart de ces personnes se sont rendues coupables d’actes délictueux. En réalité, ce rapport n’est pas impartial ; ce qui y est dit est biaisé. Il faut faire particulièrement attention, car nous sommes à l’aube d’une campagne présidentielle. J’espère qu’on tiendra compte de la gravité de la situation et qu’à l’avenir, on évitera de faire deux poids, deux mesures.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Conde.

M. CONDE (Espagne)* – La liste de M. Strässer comprend les noms de plusieurs personnes qui ne peuvent en aucune manière être considérées comme étant des « prisonniers politiques ». Les experts les ont d’ailleurs exclues de cette catégorie.

Le rapporteur lui-même écrit, au paragraphe 178, à propos des cas no 71 et 73 : « les deux ont été condamnés pour des crimes violents, non politiques, incluant l’assassinat d’un procureur ». Même chose pour les cas no 66, 79 et 85, qui ont été condamnés pour leur participation à un meurtre violent avec préméditation. Là encore, les experts ont considéré qu’il ne s’agissait pas de prisonniers politiques. Un meurtrier, un assassin ne sont pas, et ne doivent jamais être considérés comme des prisonniers politiques.

De même, d’après la résolution approuvée par cette même assemblée en octobre dernier, un terroriste n’est pas un prisonnier politique. Et c’est pour cette raison que je ne peux pas soutenir le rapport de M. Strässer.

Il y a aussi le cas no 4 de l’addendum : un activiste musulman qui aurait organisé un attentat dans un festival parce qu’il s’opposait à ce que des femmes à moitié nues dansent sur scène. Avec ce type de cas, M. Strässer a fait d’une liste de 8 prisonniers politiques – celle d’Amnesty International – une liste comprenant 85 personnes !

Si nous voulons adresser un avertissement sérieux à l’Azerbaïdjan au sujet du respect des droits de l’homme, si nous ne voulons pas tolérer l’extrémisme et soutenir le terrorisme, votons en faveur du rapport de MM. Agramunt et Debono Grech.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Ghiletchi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – C’est aujourd’hui un jour important pour l’Azerbaïdjan : deux rapports sont présentés devant notre Assemblée, et il est difficile de dire lequel est le plus important. Je parlerai néanmoins principalement du premier.

Je pense que le projet de résolution et l’exposé des motifs sont relativement équilibrés et bien présentés. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’ils sont totalement objectifs. Je viens d’un pays anciennement soviétique et je comprends fort bien les difficultés et les défis que rencontre l’Azerbaïdjan. C’est pourquoi je voudrais féliciter nos collègues azerbaïdjanais pour les progrès récemment accomplis. L’adoption de lois importantes et la ratification des instruments juridiques du Conseil de l’Europe sont des signes positifs.

Il est vrai que la mise en œuvre des législations adoptées est tout aussi importante. Je sais, d’expérience, combien ce processus est difficile, parfois douloureux. Il nécessite beaucoup de temps, de volonté politique et de persévérance.

C’est pourquoi j’encourage le Gouvernement d’Azerbaïdjan à poursuivre la mise en œuvre de ces législations et à ne pas s’écarter de cette voie. Les aspirations pro-européennes méritent notre soutien plein et entier : c’est là que se trouve l’avenir de ce grand pays. Et si la Moldova est considérée comme le leader du Partenariat oriental – vous me pardonnerez ce manque de modestie –, l’Azerbaïdjan joue aussi un rôle très actif au sein de l’Euronest. L’aspiration et peut-être un jour l’intégration européenne lui permettront de devenir une authentique démocratie européenne.

Pour aider l’Azerbaïdjan à atteindre cet objectif, le projet de résolution aborde des sujets tels que le pouvoir judiciaire, la liberté d’expression, la liberté de réunion, la liberté de conscience et de religion. Tous sont importants. Toutefois, étant donné qu’au sein de cette Assemblée, je m’intéresse de très près à la liberté de religion, j’invite nos amis azerbaïdjanais à y accorder une attention toute particulière, surtout lorsqu’il s’agit de groupes religieux minoritaires.

Il importe que le Gouvernement d’Azerbaïdjan aille encore plus loin dans l’effort et qu’il fasse en sorte que, lors de la présentation du prochain rapport, cette liste soit beaucoup plus courte. Je suis sûr que si c’est le cas, l’Azerbaïdjan pourra compter sur le soutien plein et entier de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Nessa.

M. NESSA (Italie)* – Je remercie les deux corapporteurs de la commission de suivi et je les assure que je voterai en faveur de leur rapport. En revanche, j’ai des doutes sur celui de M. Strässer, et je voudrais vous soumettre quelques propositions à ce sujet.

Je ne comprends pas certains propos de M. Strässer, notamment lorsqu’il rend compte de l’évolution récente, au vu des événements au Mali et en Algérie. Il décrit des personnes appartenant à des groupes intégristes et armés comme des prisonniers politiques !

Au paragraphe 85, il reconnaît que les objectifs de ces groupes sont de mettre en œuvre la charia, ce qui signifierait l’abolition de bon nombre des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme. Mais le rapporteur ignore-t-il que, d’après l’article 17 de cette convention, chaque Etat a le droit de défendre l’ordre constitutionnel contre les groupes qui veulent le renverser ?

Par ailleurs, M. Strässer considère que les membres des groupes islamistes radicaux condamnés pour coup d’Etat sont des prisonniers politiques et demande leur libération immédiate.

Monsieur le rapporteur, pourquoi considérez-vous M. Samedov, le président du parti islamiste de l’Azerbaïdjan, qui proclame la charia en public, comme un prisonnier politique ? Vous dites vous-même au paragraphe 88 qu’il a lancé des appels publics contre le gouvernement, appelant tous les musulmans à le renverser. Vous précisez également, à un autre endroit du texte, que M. Samedov et huit autres membres de son parti étaient en possession de kalachnikovs et de munitions.

Je vous rappelle, Monsieur Strässer, que des sanctions sont actuellement appliquées contre l’Iran, pays limitrophe de l’Azerbaïdjan. N’est-il pas dangereux d’encourager l’intégrisme dans cette région, qui est déjà une poudrière ? Pensez-vous que cela peut être bénéfique aux droits de l’homme en Azerbaïdjan ?

Notre rôle est de défendre et de promouvoir les valeurs européennes. Je suis donc tout à fait opposé à la position du rapporteur sur un thème aussi fondamental. Je voterai contre ce rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Zohrabyan.

Mme ZOHRABYAN (Arménie)* – Je n’étayerai pas mon discours sur mes propres observations, pour ne pas être accusée une nouvelle fois de noircir la « renommée de l’Azerbaïdjan démocratique ». Je ne citerai que les rapports des représentants de la société civile de l’Azerbaïdjan, qui ne sont pas encore emprisonnés par le régime d’Aliev, comme ses autres opposants.

Les corapporteurs de l’Assemblée parlementaire, MM. Agramunt et Debono Grech, ont présenté un rapport sur le respect des engagements de l’Azerbaïdjan qui a suscité un grand nombre de questions dans notre Assemblée, mais aussi dans la société civile de l’Azerbaïdjan.

Pour Leyla Yunus, célèbre activiste azerbaïdjanaise, directrice de l’Institut pour la paix et la démocratie, ce rapport semble avoir été écrit par l’administration présidentielle azerbaïdjanaise. Elle pense que les rapporteurs ont été soudoyés par le gouvernement. Ils ont ignoré les violations des droits de l’homme en Azerbaïdjan, la structure mafieuse du gouvernement, les pressions contre la presse libre, les menaces contre les citoyens et les assassinats politiques.

« Le pouvoir politique azerbaïdjanais est construit sur l’existence des prisonniers politiques et les rapporteurs gardent silence », a déclaré Leyla Yunus. Elle souligne également l’existence de plus de 89 prisonniers politiques dans ce pays, accusés sous de faux prétextes en raison de leurs opinions politiques.

Sur la question sensible du Haut-Karabakh, MM. Agramunt et Debono Grech modifient honteusement le droit international, ainsi que les conclusions et les appréciations de l’organisation ayant pour mandat de résoudre ce conflit. Le sort réservé par les corapporteurs à la proposition de la délégation arménienne n’est pas étonnant.

Je lance un avertissement amical aux amateurs du caviar d’Azerbaïdjan : la surdose de caviar est nocive pour la santé. Pensez au moins à cela, si votre réputation ne vaut plus rien pour vous !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Gafarova.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je voudrais tout d’abord remercier les rapporteurs, MM. Agramunt et Debono Grech, pour leur tâche difficile, qui exigeait beaucoup de précision et de sens des responsabilités.

Certaines informations contenues dans le rapport ne reflètent pas la réalité de l’Azerbaïdjan. Je voudrais en particulier appeler votre attention sur le fait que mon pays est un pays démocratique, dans lequel les différentes communautés religieuses et ethniques vivent ensemble de manière pacifique. Les communautés chrétienne et juive vivent à côté de la communauté musulmane et bénéficient de droits égaux. Elles peuvent créer et adhérer à une association, créer un organe de presse. Les individus participent aux activités politiques et économiques de leur choix. Tous les citoyens de l’Azerbaïdjan, quelle que soit leur origine, estiment qu’il est de leur devoir de vivre ensemble sur la base de valeurs communes. Ce n’est pas par hasard si les chefs d’Etat étrangers qui se rendent dans notre pays le citent en exemple pour sa tolérance et son modèle progressiste.

Je voudrais par ailleurs souligner le fait que 20 % de notre territoire sont sous occupation arménienne depuis vingt-deux ans. L’agression commise par l’Arménie est citée dans de nombreux textes internationaux, y compris dans les résolutions du Conseil de l'Europe. Dix-neuf ans après la déclaration de cessez-le-feu, aucun progrès n’a été constaté, et ce pour une raison claire. L’organisation dont la mission est d’affirmer les valeurs de paix et de justice de par le monde est mêlée à des manipulations. Nous saluons la position claire de l’Assemblée parlementaire sur ce point.

Les cas de prisonniers politiques cités dans le rapport de M. Strässer ne correspondent à aucun critère international. Aucune organisation n’a d’ailleurs adopté de définition ferme. Quels sont, en réalité, les critères permettant de juger qui sont les prisonniers politiques dans un pays ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Sobolev.

M. SOBOLEV (Ukraine)* - La question que nous examinons aujourd’hui est très complexe. Il existe de nombreuses similarités entre l’Azerbaïdjan et l’Ukraine, pays qui ont accédé à l’indépendance la même année, en 1999. Lorsque j’ai lu l’excellent rapport de M. Agramunt, j’ai retrouvé des sujets de préoccupation communs, tels que le déroulement des élections. Lors des dernières élections en Ukraine, des erreurs ont été constatées lors de l’annonce des résultats dans plusieurs districts électoraux.

Autre exemple, s’agissant des prisonniers politiques. C’est une question extrêmement complexe. Le rapport de M. Agramunt annonce que 14 prisonniers politiques ont été libérés. En Ukraine, un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme a statué que l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Loutsenko, était un prisonnier politique. Pourtant il est toujours en prison. Un autre arrêt a été rendu pour que l’on démette M. Volkov, le juge de la Cour suprême, mais il est toujours en fonction.

Les dernières décisions que nous attendons dans l’affaire Timochenko vont être rendues d’un jour à l’autre. Voici deux jours, le procureur général a annoncé que Mme Timochenko avait payé des assassins voici 16 ans. On sait que ces meurtriers ont été tués en prison, dans la région dont M. Ianoukovitch était gouverneur, et le procureur général actuel était alors le procureur de cette région. Toutes les entreprises de ces personnes tuées dans la région de Donetsk sont maintenant aux mains de M. Ianoukovitch et de ses proches.

Ma proposition est donc la suivante : les deux rapports montrent bien qu’il y a des éléments qui concernent des prisonniers politiques. Peu importe qu’il y en ait un, vingt ou cent, car un seul prisonnier politique dans l’un ou l’autre de nos pays est un prisonnier de trop et jette une ombre sur le Conseil de l’Europe.

Si nous ne votons pas pour le rapport de M. Strässer, nous n’envoyons pas un bon signal. Dans chaque cas où l’on surveille le respect des obligations d’un pays, il faut que la commission juridique rende un rapport sur la question des prisonniers politiques. Voilà ce que je propose pour ne pas connaître à nouveau de tels cas à l’avenir. Si l’on parvient à libérer ne serait-ce qu’une seule personne, ce serait un grand pas en avant pour toute la communauté européenne.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Huseynov.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Aujourd’hui, l’Azerbaïdjan fait l’objet d’un rapport de suivi, douze ans après son adhésion au Conseil de l’Europe, quinze ans si l’on compte les années de coopération. Ceci exige l’examen de tout le chemin qui a été parcouru.

Au début du XXe siècle, les bâtisseurs de la République démocratique d’Azerbaïdjan ont indiqué le chemin à suivre pour leur pays et leur nation. Il est symbolisé par les trois couleurs du drapeau national : le rouge pour l’identité nationale, le vert pour la relation avec les valeurs spirituelles nationales et le bleu qui symbolise l’Europe et la modernisation.

Je me rappelle les années où l’Azerbaïdjan lançait ses premières initiatives d’adhésion au Conseil de l’Europe. À l’époque, le président Heydar Aliev disait lors de ses réunions avec les experts du Conseil de l’Europe et les représentants des médias qu’un chef d’Etat d’un pays membre du Conseil de l’Europe depuis bien plus longtemps lui avait demandé pourquoi l’Azerbaïdjan tenait tant à en devenir membre. Cette personne avait ajouté qu’une fois membre du Conseil de l’Europe, l’Azerbaïdjan s’exposerait à grand nombre de critiques et de pressions.

En rappelant cette histoire, Heydar Aliev exprimait la philosophie des relations entre l’Azerbaïdjan et le Conseil de l’Europe. L’Azerbaïdjan est un pays nouvellement libéré des griffes d’un régime totalitaire. Notre objectif est de créer un Etat moderne et démocratique, puis de le développer. C’est pour cela que nous accepterons les difficultés et les critiques, parce que le Conseil de l’Europe est l’école de la démocratie.

Les années passées ont prouvé l’étendue de la loyauté de l’Azerbaïdjan à ce choix. De janvier 2001 à ce jour, en douze ans d’appartenance à l’Organisation, l’Azerbaïdjan a en fait parcouru un chemin beaucoup plus long et a fait beaucoup de progrès, concernant la démocratisation de la société et de l’Etat, le renforcement des droits de l'homme, et la création de toute une série d’institutions démocratiques.

Les critiques sont la preuve du succès. La France, le Royaume-Uni, l’Italie et d’autres sont les Etats fondateurs du Conseil de l’Europe. Même eux ne sont pas exempts de reproches aujourd’hui, et peuvent être critiqués sur certains sujets. De ce point de vue, il n’est pas surprenant que l’Azerbaïdjan partage leur sort, et une critique constructive est toujours une bonne chose. C’est un outil qui concourt à faciliter la cause commune. Nous souhaitons simplement que ces critiques ne soient pas intentionnelles, illogiques ou malveillantes et qu’elles ne servent pas des intentions peu avouables.

L’Azerbaïdjan tient les engagements pris devant le Conseil de l’Europe et les met continuellement en œuvre, en avançant sur cette voie. Quant aux valeurs dont la réalisation est exigée par le Conseil de l’Europe, elles font partie de la philosophie de notre Etat reflétée dans les couleurs de son drapeau national.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Harutyunyan.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Je n’évoquerai pas le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, je parlerai uniquement des éléments du rapport de suivi liés au conflit du Haut-Karabakh. Les informations présentées dans le rapport sont unilatérales et se font l’écho de la propagande du Gouvernement d’Azerbaïdjan. C’est pourquoi j’ai été obligé de présenter à la commission de suivi un avis divergent, qui figure à l’annexe 2.

Tous les pays et les institutions internationales reconnaissent que le Groupe de Minsk est le seul médiateur ayant mandat dans les négociations. Aucun pays ni aucune organisation n’a jamais contesté le format du Groupe de Minsk. À plusieurs reprises, le Président de l’Assemblée et le Secrétaire Général ont souligné que les documents adoptés par l’Assemblée ne devaient pas contredire les documents du Groupe de Minsk, car cela risquerait de miner le processus de négociation.

Toutefois, la terminologie utilisée par les rapporteurs de la commission de suivi lorsqu’ils décrivent le conflit contredit le libellé qui a été adopté et utilisé par le Groupe de Minsk. Certains pourraient se demander si cela importe. La réponse est oui, sans aucun doute. La terminologie importe car ce n’est pas une simple contradiction, c’est un libellé délibéré qui pervertit l’essence du conflit en essayant de le présenter comme un conflit territorial.

Le processus de négociation de ce conflit est fondé sur deux principes fondamentaux du droit international : le droit à l’autodétermination et l’intégrité territoriale. Le Groupe de Minsk a toujours utilisé l’expression de conflit du Haut-Karabakh afin de maintenir l’équilibre entre ces principes et d’éviter toute mauvaise interprétation du conflit et du processus de négociation. Nous pensons que notre Organisation devrait éviter toute modification d’une terminologie adoptée au plan international, surtout s’agissant de questions politiques aussi complexes et sensibles.

Autre exemple concernant le manque d’impartialité et d’objectivité des rapporteurs : le rapport contient une grave inexactitude en ce qui concerne le nombre de personnes déplacées. En fait, l’Azerbaïdjan a toujours utilisé des chiffres gonflés à des fins de propagande. Au lieu d’utiliser une évaluation objective dans leur rapport, les rapporteurs ont utilisé des chiffres imaginaires, ce qui risque de confirmer les doutes sur le caractère nettement biaisé du rapport.

En conclusion, il nous est demandé d’adopter une position unilatérale, au risque de jeter une ombre sur l’idée même du processus de suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bakoyannis.

Mme BAKOYANNIS (Grèce)* – Monsieur le Président, je considère moi aussi qu’il est très difficile de faire office de rapporteur pour l’Azerbaïdjan. Je voudrais donc féliciter tous nos collègues pour leurs efforts. Je suis convaincu qu’ils ont fait de leur mieux.

Nouvelle au sein de cette Assemblée, je comprends mal pourquoi il faut deux rapports, et pourquoi cette décision a été prise. Nous avons un rapport de la commission de suivi, et M. Agramunt et son collègue ont fait un excellent travail, bien équilibré, mais le second rapport ne nous a pas permis d’aborder l’essence du premier. M. Agramunt évoque la liberté de la presse, le système judiciaire, et tout ce qu’il faut améliorer en Azerbaïdjan, mais tous ces éléments sont perdus au passage car le second rapport ne traite que des prisonniers politiques.

Je suis perdue et je voudrais consacrer quelques minutes à vous raconter mon histoire personnelle. J’ai été prisonnière politique à l’âge de 14 ans, sous la dictature grecque. Je n’ai pas posé de bombe, mais mon père était politicien et c’est pour cela que j’ai été emprisonnée. J’ai grandi et des terroristes ont assassiné mon époux. Quelques années plus tard, nous avons connu les meurtriers, au nombre de trois. Le meurtre avait été commandité. Le premiers avaient commis le crime, les autres en avaient pris la décision. Ces personnes sont aujourd’hui en prison et voudraient bien qu’on les qualifie de prisonniers politiques, alors faisons très attention, Monsieur Strässer. Il faut rester prudent.

Je connais bien l’Azerbaïdjan. Certes, il reste beaucoup à faire, mais c’est un pays dans lequel, aujourd’hui, les femmes peuvent circuler librement, un pays où existe la liberté de religion. Mais c’est un pays qui déplaît à ses voisins.

D’après le rapport, des personnes ont été mises en prison pour avoir fait l’apologie de la charia. Mais nous devrions nous en tenir au rapport de suivi et voter pour ce rapport. Je comprends que nos amis arméniens soient déçus, mais c’est un rapport particulièrement dur sur l’Azerbaïdjan et nous aurons de meilleurs résultats en suivant ce processus et en travaillant en coopération avec les autorités azerbaïdjanaises plutôt qu’en les écartant de notre enceinte.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Ariev.

M. ARIEV (Ukraine)* – Ces deux rapports sur la situation en Azerbaïdjan sont complets et importants. En tant qu’Ukrainien, ils éveillent en moi un écho car la situation en Ukraine présente quelques similarités avec celle de l’Azerbaïdjan. Je ne suis pas favorable aux clichés sur les pays de l’ex-empire soviétique, mais il existe néanmoins des points communs pour ce qui est des prisonniers politiques en Ukraine et en Azerbaïdjan, mais aussi en Arménie, au Bélarus, en Russie et, malheureusement, en Géorgie, qui est venue s’ajouter à la liste récemment.

Peut-être le contexte post-soviétique se comprend-il mieux à la lumière des événements récents en Ukraine. La situation dans mon pays se détériore rapidement, il n’est pas sur la bonne voie. Poursuivant la comparaison entre l’Ukraine et l’Azerbaïdjan, je vous dirai que, voici une semaine, deux jeunes gens ont été jetés en prison pour un ou deux ans pour avoir dessiné des graffitis contre le président Ianoukovitch. Ce sont des prisonniers politiques selon certains critères, et nous avons 21 prisonniers politiques de ce type aujourd’hui en Ukraine. Dans le cas d’autres prisonniers politiques comme celui de l’ancien ministre M. Lutsenko, la Cour européenne a rendu un arrêt contre l’Ukraine, qui n’a pas été appliqué. Le droit de M. Lutsenko de s’adresser à la Cour de cassation a été complètement ignoré. Le Gouvernement Ukrainien continue aussi à torturer la dirigeante de l’opposition Mme Timochenko. Sa fille est aujourd’hui ici, au Conseil de l’Europe.

Nous sommes préoccupés de voir la Géorgie s’engager sur cette voie.

Je ne peux que féliciter le président de l’Azerbaïdjan qui a décidé de libérer un grand nombre de prisonniers politiques après avoir retenu les critères que nous avons adoptés au mois d’octobre dernier, sans attendre la décision de la Cour européenne. Cela montre sa volonté d’engager son pays vers la transparence démocratique. On ne peut en dire autant en Ukraine. Mais par ailleurs, l’Azerbaïdjan a toujours des dizaines de prisonniers politiques qui attendent d’être libérés. Les poursuites engagées contre des journalistes doivent aussi nous préoccuper.

Les pays de l’ex-Union soviétique ont du mal à s’engager sur la voie de la démocratie sans aide extérieure. Ce n’est pas seulement un problème de système judiciaire, comme on le dit ici, c’est un problème plus systématique : les dirigeants de l’Etat comprennent mal la notion même de démocratie.

Je voudrais donc en appeler à toute la communauté internationale pour que des sanctions personnelles soient engagées à l’encontre de toute personne qui, dans les pays ex-soviétiques se rendent coupables de violations des droits de personnes qui sont des prisonniers politiques. Sans doute faudrait-il étudier les poursuites politiques dans l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe, ainsi qu’au Bélarus.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je souhaiterais que chacun puisse s’exprimer. Il reste encore une douzaine d’orateurs. Aussi, je vous demande de respecter scrupuleusement votre temps de parole.

La parole est à M. Pintado.

M. PINTADO (Espagne)* – Monsieur le Président, je vais tenter d’être aussi bref que possible.

Dans son intervention, Mme Bakoyannis comparait les deux rapports qui nous sont soumis, et je dois dire que je rejoins sa position : le rapport de M. Strässer est très différent du rapport de suivi sur l’Azerbaïdjan, qui nous offre une description très complète de la situation ces vingt dernières années et qui montre clairement les efforts déployés par le gouvernement pour tendre vers une situation plus démocratique.

Certes, le thème des prisonniers politiques est très préoccupant mais cet après-midi, dans le cours du débat, certains collègues ont mis en doute des faits en citant d’autres sources comme Amnesty International. Une telle situation met l’Assemblée parlementaire en difficulté, puisque nous n’avons pas pu débattre au fond du rapport de suivi, qui est certes assez dur à l’égard de l’Azerbaïdjan mais qui doit contribuer à son cheminement vers la démocratie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Orobets, en lui présentant mes excuses, car vous auriez dû, Madame, vous exprimez juste avant.

Mme OROBETS (Ukraine)* – J’aimerais tout d’abord remercier les deux rapporteurs qui ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à la recherche de la vérité. Le problème de la persécution politique dans les pays post-soviétiques est une question importante et même cruciale sans pour cela mentionner un pays en particulier.

Je voudrais évoquer des moyens de lutte contre la persécution politique, qui seraient peut-être une solution pour l’avenir. Vous aurez sans doute remarqué que cette question intéresse la délégation ukrainienne, puisque des dirigeants de l’opposition ukrainienne sont encore emprisonnés aujourd’hui en violation de leurs droits : Ioula Timochenko, Iouri Lutsenko et des douzaines de prisonniers du régime Ianoukovitch. Notre objectif est bien sûr de résoudre ces cas, qui sont une honte pour l’ensemble de l’Europe, mais surtout de trouver une méthode qui permette de mettre fin à cette pratique, et ce en sanctionnant les coupables.

La question est de savoir comment exercer une pression sur un gouvernement qui utilise l’emprisonnement politique, sans pour autant pénaliser la population qui est déjà bien punie d’avoir un tel gouvernement. Outre les résolutions et recommandations de l’Assemblée, une action personnalisée et ciblée contre les représentants du gouvernement pourrait être engagée. La loi Magnitski en est un bon exemple : tout juge, officier de police ou politicien corrompu qui donne à ses subalternes des instructions visant à commettre des crimes politiques devrait savoir que l’Europe, un jour, lui fermera ses portes. Je suis sûre qu’alors, le juge Kireiev, le procureur général adjoint Kuzmin et toute autre personne semblable de tout autre pays européen, réfléchirait à deux fois avant de décider de servir un appareil totalitaire et d’exécuter les ordres sans réfléchir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Xuclà.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Au sujet de la définition de prisonnier politique, je ne suis pas d’accord avec M. Strässer. Je l’ai d’ailleurs dit au mois d’octobre dernier. En effet, la définition de prisonnier politique exclut expressément les terroristes et s’en remet à la définition de chaque Etat membre. M. Strässer ne nous rend pas réellement service en adoptant ainsi une définition qui pourrait comprendre des personnes coupables d’actes terroristes.

J’aimerais vous poser une question importante : pensez-vous que, sur l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, il existe des prisonniers politiques seulement en Azerbaïdjan ? Si la réponse est non, il est difficile de comprendre pourquoi nous avons un rapport exclusivement consacré à la situation des prisonniers politiques dans ce pays.

La commission de suivi a adopté un certain nombre de procédures, mais le débat de cet après-midi n’a pas permis de débattre suffisamment du rapport de MM. Debono Grech et Agramunt. Aux pages 29 et 30 de ce rapport très complet et qui est, en effet, assez dur, nous trouvons une référence aux prisonniers politiques. Au paragraphe 204 sont cités des noms de prisonniers politiques libérés récemment. Ce rapport nous offre donc une vision très complète de ce qui a été réalisé par ce pays, alors que le second manque de rigueur, et cela pour deux raisons.

En premier lieu, comme l’ont souligné plusieurs orateurs cet après-midi, il y a le problème de la définition de la notion de prisonnier politique. Selon la législation d’autres pays, les personnes en question ne seraient pas forcément considérées comme telles.

En second lieu, lors de la réunion de la commission des questions juridiques, M. Strässer nous a soumis un addendum comportant une liste de prisonniers politiques potentiels. Cela n’est pas normal ! Là encore, le rapport manque donc de rigueur.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Huseynli.

M. HUSEYNLI (Azerbaïdjan)* – Mon pays a toujours montré qu’il avait des positions très claires pour ce qui est de la mise en œuvre des engagements pris lors de son adhésion au Conseil de l’Europe. En la matière, la volonté politique a toujours été au rendez-vous. Il faut avoir conscience que le développement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme est un processus dynamique et continu.

Pour ce qui est de nos obligations législatives, je dois dire que la coopération entre la Commission de Venise et mon pays a été fructueuse pour la rédaction de la nouvelle loi sur la diffamation. Malheureusement, le processus d’élaboration d’un nouveau projet de loi en ce qui concerne les services de remplacement n’a pas encore été finalisée, et cela pour une raison simple : notre pays est occupé par l’Arménie. J’espère néanmoins que nous poursuivrons dans ce domaine la collaboration avec les experts du Conseil de l’Europe.

Je remercie les rapporteurs du premier texte pour leur travail équilibré. Je dirai en revanche quelques mots du second. En tant que juriste, je peux vous assurer que l’utilisation des termes de « prisonnier politique » à propos de la mise en œuvre d’instruments juridiques est absurde. Cela biaise les faits. Nos préoccupations sur l’approche suivie par le rapporteur se trouvent ainsi confirmées, comme n’a pas manqué de le rappeler M. Seyidov. J’invite aimablement M. Strässer à adopter une position objective, reposant sur des faits réels et je demande à mes collègues de voter contre le second rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Wohlwend.

Mme WOHLWEND (Liechtenstein)* – Ces derniers jours, j’ai entendu dire à plusieurs reprises que le problème des prisonniers politiques en Azerbaïdjan était réglé dans la mesure où, fin décembre, le Président de ce pays avait gracié les personnes citées dans le rapport de suivi. Mais le problème n’est nullement réglé !

Plusieurs dizaines d’opposants politiques, journalistes, blogueurs et manifestants pacifiques sont encore en prison. Avant-hier, la commission des questions juridiques a adopté une annexe au texte que nous avions approuvé en juin. Dans cette annexe, le rapporteur annonce de nouveaux cas, ce qui montre clairement que la stratégie des « portes tambours » fonctionne toujours : on essaye d’intimider des opposants par des arrestations suivies d’emprisonnements, de condamnations par la justice ; les personnes concernées sont libérées au bout d’un certain temps, après quoi d’autres – ou les mêmes – sont de nouveau arrêtées. La question des prisonniers politiques ne sera réglée que le jour où cette stratégie aura été abandonnée. Or c’est précisément ce que demande la commission des questions juridiques dans le projet de résolution. Le rapport mérite donc notre soutien.

À ce stade, j’aimerais aussi dire que je suis très déçue que les collègues de mon groupe choisissent à dessein certains extraits du rapport. Je ne vois aucune contradiction avec le projet de résolution de la commission de suivi. Lisez par exemple le paragraphe 18.4.4 du projet de résolution contenu dans le rapport de suivi, qui en appelle clairement à ce que la question des prisonniers politiques soit réglée, comme l’exige notre texte. Voilà d’ailleurs qui plaide en faveur de l’adoption de notre projet de résolution.

Le rapport de M. Strässer n’est pas davantage superflu. C’est nous qui avons donné mandat à la commission des questions juridiques pour élaborer un rapport sur la situation des prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Heureusement, M. Strässer a accepté d’assumer ce travail très difficile. Si l’Assemblée ne se souvient pas de ce qu’elle a décidé il y a un ou deux ans, où allons-nous ? J’espère donc que vous soutiendrez tous les rapporteurs et que vous voterez tous les projets de résolution qui nous sont soumis aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Leyden.

M. LEYDEN (Irlande)* – C’est là l’un des débats les plus intéressants que nous ayons eus depuis un certain temps. Nous sommes d’ailleurs nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle et il faut s’en féliciter.

J’approuve sans réserve le point de vue des deux rapporteurs de la commission de suivi, dont je suis membre. Je les félicite pour la qualité de ce rapport détaillé et complet. Je suis impressionné par le fait que nos amis d’Azerbaïdjan ne présentent pas un grand nombre d’amendements et semblent ainsi accepter ce rapport. C’est une bonne chose que la commission de suivi reste saisie de la situation de l’Azerbaïdjan et qu’elle fasse en sorte que les recommandations de ce rapport soient pleinement appliquées par les autorités du pays.

Je suis sans doute l’un des rares ici à ne pas m’être déjà rendu en Azerbaïdjan. Je compte le faire un jour ou l’autre ; j’aimerais, à cette occasion, rencontrer certains des prisonniers politiques évoqués et me faire une idée sur la véracité des faits qui sont présentés par M. Strässer.

Ce rapport parallèle est bizarre. Je n’avais jamais vu cela depuis que je siège au Conseil de l’Europe, ni au cours de ce siècle ni au cours du siècle dernier. Or cette situation sans précédent compromet la force du rapport de la commission de suivi. Je suis donc pour l’adoption du premier rapport, afin que ses préconisations soient appliquées, et pour le rejet du second.

Ce dernier est en effet inexact : on a déjà prouvé qu’il n’y avait pas autant de prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Je suppose que notre Commissaire aux droits de l’homme prendra connaissance de ce document et en vérifiera le contenu. Il s’est d’ailleurs certainement rendu sur place, mais je n’ai pas entendu sa voix au cours du débat.

Ici sont représentés un grand nombre de pays qui n’ont pas de leçons à donner en matière de droits de l’homme. Qui jettera la première pierre ? J’espère que le rapport de la commission de suivi sera adopté. Quant au travail de M. Strässer, même si certaines parties devront être examinées par le Commissaire aux droits de l’homme, il doit être rejeté par l’Assemblée.

Ce débat, je le répète, a été extrêmement intéressant. Tous mes vœux accompagnent l’Azerbaïdjan dans son cheminement vers la démocratie. Ce pays jeune, qui faisait partie de l’Union soviétique il y a vingt et un ans, a déjà réussi beaucoup de choses en un temps très bref.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Valentino.

M. VALENTINO (Italie)* - J’ai beaucoup apprécié le rapport de la commission de suivi, qui acte les progrès d’une nouvelle démocratie. Dans un contexte géopolitique tendu, il est important de respecter certaines règles et d’être déterminé à assurer un meilleur niveau de vie à une collectivité qui ne se limite pas à certaines minorités bruyantes.

Le rapport Strässer n’est pas suffisamment étayé ni motivé. Les faits dénoncés n’ont pas été vérifiés de manière rigoureuse. Les éléments qui figurent dans le rapport relèvent d’un raisonnement absurde : les difficultés rencontrées pour vérifier les raisons de l’arrestation de certains dissidents et l’impossibilité de les rencontrer afin de connaître leurs conditions de détention sont le signe d’une intention de taire certaines violations des droits de l’homme.

Le rapporteur a rencontré des difficultés avec les autorités azerbaïdjanaises, mais cela ne saurait justifier une présomption de violation des droits de l’homme dans le pays. Le rapport parle d’arrestations, il semble accuser le chef de l’Etat de prévarication et fait état de violations des droits de l’homme, mais il est incomplet et les faits qu’il évoque sont peu étayés. Je suis donc très critique à son sujet, et je voterai contre. En revanche, je voterai en faveur du rapport de la commission de suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Mateu Pi.

Mme MATEU PI (Andorre) – Je voudrais tout d’abord rendre hommage aux trois rapporteurs, MM. Agramunt et Debono Grech, d’une part, M. Strässer de l’autre, pour leur travail, car je reconnais que leur tâche n’a pas été facile. Néanmoins, j’ai eu un peu de mal à comprendre la raison d’être du second rapport, dans la mesure où celui de la commission de suivi parle aussi des prisonniers politiques.

Sans juger les questions de fond, qu’elles concernent la société, la religion ou l’économie, je m’abstiendrai d’entrer dans une guerre de chiffres sur le nombre de prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Le seul fait d’en reconnaître un est déjà trop.

Mais il faut bien se poser une question : qui de vous peut nier l’existence de prisonniers politiques dans les 46 autres Etats membres ? Pourquoi, dès lors, stigmatiser le seul Azerbaïdjan ? Si l’on se réfère à la définition approuvée par cette Assemblée il y a quelques mois, on pourrait en effet voir des prisonniers politiques partout en Europe, même dans la partie occidentale du continent. Afin d’adopter la vision panoramique appelée par Mme Schuster, en accord avec la suggestion de M. Xuclà, il faudrait peut-être élaborer un rapport transversal recensant tous les prisonniers politiques susceptibles d’exister dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Mais je crains que cela n’arrive jamais, car le double langage, selon la taille, la puissance ou les intérêts d’un pays, existe bel et bien. En tant que citoyenne d’un petit pays, je sais de quoi je parle.

Je serais ravie de voir la situation changer. C’est pourquoi je soutiens le rapport de la commission de suivi, mais je ne peux pas en faire autant pour celui de M. Strässer.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Sidyakin.

M. SIDYAKIN (Fédération de Russie)* - Je souhaite m’exprimer sur le second rapport, relatif au suivi de la question des prisonniers politiques. Il y a tout juste deux mois, notre Assemblée a adopté une définition de cette notion, par 89 voix contre 89. Il suffisait donc qu’un parlementaire se rende au bar au moment du vote pour que la définition des prisonniers politiques soit rejetée !

Chacun doit faire ce qu’il à faire. Montesquieu se retournerait dans sa tombe s’il voyait comment a été pervertie sa doctrine de la séparation des pouvoirs. Nous sommes ici des représentants du pouvoir législatif : nous devons fixer des critères ou des conditions pour l’application du droit, mais nous ne devons pas assumer le pouvoir judiciaire et prendre des décisions sur des cas concrets. Si nous adoptions une telle approche, nous pourrions, demain, trancher le sort d’une personne en adoptant un simple sous-amendement oral. Le même raisonnement vaut pour la question de savoir qui doit figurer sur une liste des prisonniers politiques et qui doit en être exclu. Tout cela n’est pas sérieux.

De nombreux exemples de personnes pouvant ou non être considérées comme prisonniers politiques ont été cités dans cette enceinte. Je pourrais en citer concernant mon pays. Ainsi, un grand nombre d’entre vous pensent sans doute qu’il existe des motifs politiques derrière l’affaire Ioukos et estiment que M. Khodorkovski est lui-même un prisonnier politique. Mais je rappelle que ce dernier disposait d’un service de sécurité qui a organisé l’assassinat du maire d’une ville de la taille de Strasbourg. Est-il, ou non, un prisonnier politique ?

Autre exemple : un membre de l’opposition a affirmé qu’il ne parvenait plus à trouver sa femme, laquelle avait quitté son domicile. En fait, il l’avait assassiné puis enterré son corps. Quand la police l’a arrêté, un grand nombre de membres de l’opposition ont parlé de répression politique. Mais est-on un prisonnier politique dès lors que l’on est opposé au parti au pouvoir, et ce, quels que soient ses actes ? Non ! Nous devons laisser cette question à la Cour européenne des droits de l'homme. Ce n’est pas à nous de la trancher. Seule la Cour pourra trier le bon grain de l’ivraie et décider qui doit être considéré comme un prisonnier politique.

Par conséquent, si nous devons approuver le rapport de la commission de suivi sur l’Azerbaïdjan, je propose de rejeter la résolution sur les prisonniers politiques.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Reimann.

M. REIMANN (Suisse)* – Aujourd’hui s’ouvre à Davos le Forum économique mondial 2013. Une délégation d’Azerbaïdjan y participe avec la présence du président Aliev. Nous sommes particulièrement honorés en Suisse ! Ce qui est plus inhabituel pour nous, c’est qu’un Etat, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, a loué pendant toute la durée du forum des espaces publicitaires sur les bus de la ville où l’on peut lire ce message « Land Of The Future » ! Fort bien ! Mais aujourd’hui, dans le cadre de ce débat sur les prisonniers politiques, je considère que ce message est quelque peu contradictoire !

Je pense que l’Azerbaïdjan pourrait améliorer son image, notamment ici, à l’Assemblée parlementaire, et sur la scène internationale, en mettant fin à l’emprisonnement illégal de ses propres ressortissants. Ceux-ci doivent pouvoir bénéficier, dans leur propre pays, d’un avenir, d’une justice et être traités en toute équité. Tel est le message que j’adresse aujourd’hui à l’Azerbaïdjan, à son président ainsi qu’à toute la délégation azerbaïdjanaise.

En ce qui concerne les prisonniers politiques, j’en appelle aussi à cette délégation, pour que le problème soit réglé et que le message publicitaire « L’Azerbaïdjan, pays de l’avenir » devienne une vérité pour tous ses ressortissants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Aleksandrov.

M. ALEKSANDROV (Fédération de Russie)* – Nous avons eu aujourd’hui un débat très intéressant qui montre qu’il y a peut-être quelque chose de pourri au royaume du Danemark, si vous me permettez l’expression.

Notre discussion manque de règles précises qui permettraient de déterminer si oui ou non le problème existe. Aucune règle pour évaluer les éléments de preuve, les sources dont sont tirés ces témoignages ou pour s’assurer que la personne qui réalise l’enquête n’exprime pas sa propre position. On ne peut pas traiter des questions juridiques par des moyens non juridiques.

La question essentielle est la définition du prisonnier politique. Staline, dans sa jeunesse, cambriolait des banques et utilisait l’argent pour son parti politique et pour faire la révolution. Du point de vue du droit, c’était un criminel de droit commun. Du point de vue politique, c’était un prisonnier politique. Si nous ne réglons pas les questions juridiques sur le fond, nous ne parviendrons pas à résoudre la question fondamentale, alors que nous souhaitons tous la justice, le respect des droits de l’homme et surtout le respect du droit.

Nous souhaitons également que les organes de répression respectent la loi, mais cela n’a rien à voir avec ces listes dont nous parlons. Ces listes n’ont pas de valeur juridique, ce ne sont pas des preuves juridiques. Tout cela est subjectif. Ce sont des questions d’ordre politique.

Si nous considérons qu’un Etat est démocratique, alors nous devons analyser de près son système démocratique et le fonctionnement de ses organes judiciaires et ne pas tirer des conclusions qui ne sont pas strictement juridiques. C’est la raison pour laquelle nous devons analyser notre propre travail, avant tout du point de vue juridique. Pour cela, nous devons faire appel à des juristes. Je suis donc contre le second rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Ahmet Kutalmiş Türkeş.

M. Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ (Turquie)* – Je tiens à remercier M. Strässer pour son travail sur la question des prisonniers politiques. Malheureusement, il s’agit d’un sujet particulièrement polémique, et depuis 2001 nous n’avons jamais abouti à un compromis.

Le rapport sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan présente deux difficultés majeures. Non seulement, il est fondé sur une notion qui n’a pas de définition précise, mais bien des interrogations subsistent au sujet de la liste qui figure dans l’exposé des motifs.

Le rapport contient des erreurs factuelles. Les parlementaires azerbaïdjanais l’ont relevé à maintes reprises en réunion de commission. On y trouve des noms de personnes qui ont déjà été libérées, des noms de personnes condamnées pour des actes de terrorisme – une d’elles a perpétré un attentat dans le métro causant la mort de plusieurs personnes dont des enfants –, d’autres pour meurtre, pour corruption, et même des noms de personnes qui n’existent pas !

En outre, ce rapport est une redite puisque la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan fait déjà l’objet d’un examen par la commission de suivi ! Certains de nos collègues ont exprimé leurs préoccupations au sujet des violations des droits de l’homme et ont souligné que la principale activité du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire consiste à les dénoncer.

Bien sûr l’Assemblée ne peut pas se taire lorsque ses valeurs sont violées, mais elle ne peut pas s’exprimer sur un projet de résolution fondé sur des informations erronées, ce qui porterait considérablement atteinte à sa crédibilité. L’Assemblée ne doit pas politiser les problèmes des droits de l’homme, elle doit prendre très au sérieux l’absence de compromis entre ses membres pour préserver son intégrité et sa cohérence.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, la liste des orateurs est épuisée.

Je suis très heureux que les 50 orateurs inscrits aient pu s’exprimer. Ce débat s’est déroulé dans de bonnes conditions. Un certain nombre d’entre vous ont regretté que le Bureau ait décidé que ce soit un débat conjoint. Je répondrai à une question qui ne m’a pas été posée, vous avez raison, il aurait été plus raisonnable de tenir deux débats séparés, cela nous aurait permis d’entrer davantage dans le fond des deux sujets.

J’appelle maintenant la réplique de la commission des questions juridiques. Monsieur Strässer, il vous reste 8 minutes 30.

M. STRÄSSER (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques* – Je vous remercie pour ce débat constructif qui est l’aboutissement d’un très long processus. Certaines interventions s’écartent largement de ma propre façon de voir les choses, je dois le reconnaître. Beaucoup d’entre vous se sont demandés pourquoi je m’occupais de l’Azerbaïdjan, et certains ont avancé qu’il fallait s’interroger sur mes origines. Je m’occupe de l’Azerbaïdjan parce que le dossier m’a été confié ! Et il est normal que l’Assemblée s’occupe de cette question.

Certains arguments sont difficiles à suivre. Un sujet revient régulièrement : la définition des prisonniers politiques. Mme Wohlwend a très gentiment cité le point 18-4 du projet de résolution de la commission de suivi. Je vais à nouveau le citer. « Nous demandons de mettre pleinement en œuvre les résolutions de l’Assemblée se rapportant aux prisonniers politiques présumés en Azerbaïdjan » Oui, c’est la conclusion. Inutile de vouloir rouvrir un débat déjà clos. La définition est acquise. Inutile de vouloir remettre en cause ce qui est déjà défini. Je pense que l’on cherche, par ce biais, à viser d’autres objectifs.

J’ai l’impression que les travaux du rapporteur et de la délégation concernée sont contrecarrés par des pressions diverses. Personnellement, je n’ai jamais été autorisé à me rendre en Azerbaïdjan. En effet, mes diverses demandes de visa ont été rejetées au motif que l’on ne jugeait pas utile ma venue en Azerbaïdjan, car l’on estimait qu’il n’y avait rien à discuter ! C’est pourquoi je trouve un peu curieux que l’on me reproche d’être mal informé et de m’interdire de me rendre sur le terrain pour constater de visu. Ce sont là, vous l’avouerez, des arguments contradictoires.

Mon rapport s’appuie sur des recherches approfondies. Des organisations en charge des droits de l’homme dans le pays et au plan international connaissent parfaitement la situation en Azerbaïdjan. Elles m’ont fourni tous les éléments utiles et je sais tout ce que je devais savoir alors même que je n’ai pu me rendre sur place. Je pourrais vous montrer les cartons remplis de classeurs et de rapports. L’ensemble des informations qui nous ont été transmises ont été examinées avec le plus grand soin et la plus grande vigilance afin de nous forger une idée précise de la situation et de rédiger un rapport honnête. Pour finir, Amnesty International, organisation reconnue au plan mondial, a entériné mes conclusions à plusieurs reprises et a validé mon travail.

M. Hancock et d’autres collègues ont fait référence à Amnesty International qui aurait déclaré que tout allait bien en Azerbaïdjan et que les prisonniers politiques ont été libérés. C’est faux : non seulement Amnesty International n’a jamais fait une telle déclaration mais de nombreuses autres organisations démentent de tels propos.

J’en viens au thème du terrorisme. Je vous entends, mais encore une fois la vérité s’impose. Lisez les textes. De M. Conde, je n’attends plus rien ! J’indique à plusieurs reprises dans mon rapport que les terroristes ne sont pas classés parmi les prisonniers politiques. Ne dites donc pas toujours le contraire de ce que j’écris.

En ce qui concerne la charia et l’islamisme, là encore, lisez les textes. Personne ici – et certainement pas moi – n’a déclaré que celui qui revendique l’application de la charia et qui pour cela pratique la violence est un prisonnier politique. Je ne l’ai pas dit et ne le dirai jamais. Celui qui se rend coupable de terrorisme n’est pas un prisonnier politique. À condition, bien sûr, que cette accusation ne soit pas arbitraire, car même une personne accusée de terrorisme a le droit à toutes les garanties d’un procès équitable. C’est ce que je défends ici au nom de l’Assemblée parlementaire et je pense que c’est une idée que tout le monde partage. Personne n’a jamais soutenu, je l’espère, le point de vue selon lequel une personne accusée de terrorisme n’a pas droit à un procès équitable avec toutes les garanties de la défense. Si l’on en était là, ce serait bien triste et très grave.

Encore une fois, je vous demande de ne pas me prêter des pensées que je n’ai pas et de m’accuser d’ouvrir la porte au terrorisme. Ce n’est nullement dans mes intentions. Je dis simplement que le terrorisme doit être combattu avec des moyens qui sont ceux de l’Etat de droit. C’est ce que j’ai écrit noir sur blanc.

Une note plus personnelle maintenant, si vous le permettez. Nous avons reçu des informations en provenance de sources diverses et nous les avons traitées de manière responsable. Cette discussion sera suivie de près. Notre Organisation est responsable, qui débat de valeurs essentielles. Aussi je pense que la décision qui sera prise aujourd’hui aura un retentissement certain.

On m’a demandé ce qui se passerait selon que le vote serait positif ou négatif. Dans un cas comme dans l’autre, il y aura des déçus. Je suis homme politique et en plus juriste. Aussi, lorsque l’on se lance dans un tel débat et que l’on s’apprête à le conclure au terme de quatre ans, on essaye de dégager une majorité. Si je l’obtiens, ce à quoi j’aspire, il est vrai, je n’aurais pas pour autant le sentiment d’une victoire, je ne ferai pas de triomphalisme. J’essaye d’agir dans l’intérêt de l’Azerbaïdjan. Si nous votons contre le projet de texte, il y aura des déçus cependant que d’autres peut-être triompheront. Personnellement, ce n’est pas ainsi que je raisonne. Pour moi, peu importe ce que pense M. X ou Mme Y, ce qui m’importe c’est le sort des prisonniers qui croupissent dans les geôles. On parle beaucoup aujourd’hui de Ioulia Timochenko, de Mikhail Khodorkovski, des Pussy Riots, c’est normal, mais évoquons également les personnes incarcérées et qui pour l’essentiel sont des anonymes. Songez à utiliser de bons critères de jugement avant de trancher !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chope, président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme* – Je commencerai en remerciant M. Strässer qui a rédigé ce rapport dans des circonstances parfois difficiles. Il ne se rend pas justice. En réalité, grâce au travail qu’il a accompli, il a exercé une influence sur la commission de suivi, ce qui se traduit au paragraphe 14 du rapport et au paragraphe 18 du projet de recommandation. Mieux encore, son travail a permis à un certain nombre de prisonniers politiques qu’il a identifiés, d’être relâchés, ce qui est une excellente nouvelle. À cet égard, rendons hommage au travail accompli par M. Strässer au sein de la commission pour l’Assemblée.

Je rappelle qu’au paragraphe 14 du rapport de la commission de suivi, il est indiqué que la combinaison d’une mise en œuvre restrictive des libertés, de procès inéquitables et de l’influence indue de l’exécutif aboutit à la détention systémique de personnes que l’on peut considérer comme des prisonniers de conscience. C’est là une allégation extrêmement grave portée à l’encontre des autorités azerbaïdjanaises, qui est entérinée par la commission de suivi et qui est le reflet de ce qui figure dans le rapport de M. Strässer. Et d’ailleurs, comme l’a souligné M. Strässer lui-même, les paragraphes 18.4.1 à 18.4.4 contiennent des recommandations spécifiques qui concernent les prisonniers politiques.

J’ai bien entendu les réserves émises à l’encontre du rapport, mais quel que soit le résultat du vote, n’oublions pas que ses efforts se traduisent par l’acceptation du rapport par la commission de suivi.

LE PRÉSIDENT – Nous en arrivons maintenant à la réplique de la commission de suivi. Il reste 10 minutes 30 de temps de parole aux corapporteurs, à se partager entre eux.

La parole est à M. Debono Grech.

M. DEBONO GRECH (Malte), corapporteur de la commission de suivi* – Monsieur le Président, chers collègues, je vous remercie pour ce débat très utile. Le Conseil de l’Europe, depuis sa création, a parcouru un long chemin. Je suis parlementaire depuis 40 ans. J’ai été jeté en prison par le Gouvernement britannique lorsque nous nous battions pour l’indépendance. Je sais donc ce qu’est un prisonnier politique.

Ce travail de suivi a été entamé il y a de longues années, et il est vrai que, depuis, l’Azerbaïdjan a progressé. Ce que nous faisons, nous le faisons pour le peuple azerbaïdjanais. Pour préparer ce rapport, nous avons bénéficié de la coopération de tous : les parlementaires, le président du parlement, la plupart des ministres. Nous les avons rencontrés, ainsi que de nombreuses ONG, et j’espère que nous avons fait un travail fructueux.

Certes, il reste encore beaucoup à faire. Il ne faut pas croire que si notre rapport est adopté, d’un coup de baguette magique, tout ira bien en Azerbaïdjan ! Mais il ne sert à rien de se plaindre, d’accuser, de montrer du doigt. Personnellement, je crois au dialogue, et je pense que ce qu’a fait le Conseil de l’Europe, par le truchement du président de la commission de suivi et des deux corapporteurs, M. Herkel d’abord, puis M. Agramunt et moi-même, a permis d’avancer. Il y a encore en Azerbaïdjan des prisonniers politiques et des personnes emprisonnées en raison de leurs opinions, mais ce n’est pas en refusant le dialogue qu’on trouvera une solution.

L’Azerbaïdjan démocratique existe depuis à peine deux décennies. Ce pays, qui était sous la férule de l’Union soviétique, est devenu un Etat membre du Conseil de l’Europe. Mais ce n’est qu’avec notre aide qu’il accèdera à une véritable démocratie et que son peuple jouira d’une pleine liberté. Ce que nous avons fait, mon collègue et moi, ainsi que les rapporteurs précédents, finira par porter ses fruits. Notre mission est d’aider ces nouvelles démocraties et d’aider leurs peuples. Ils ont besoin de nous – leurs gouvernements aussi, d’ailleurs. N’oublions pas qu’ils ont beaucoup progressé, même s’il leur reste beaucoup de travail à faire. Si nous aidons tous ensemble l’Azerbaïdjan, si les autorités azerbaïdjanaises coopèrent avec notre Assemblée et avec le Comité des Ministres, je suis sûr que ce pays deviendra une vraie démocratie.

LE PRÉSIDENT –La parole est à M. Agramunt.

M. AGRAMUNT (Espagne), corapporteur de la commission de suivi* – Je suis pleinement d’accord avec ce que vient de dire mon collègue. Je pense que nous avons fait du bon travail ; nous sommes particulièrement fiers et heureux du résultat, puisque ce rapport a été adopté en commission, à Paris, avec seulement deux voix contre – celles de nos collègues arméniens.

L’Azerbaïdjan n’est pas une démocratie parfaite. Il reste encore bien du chemin à parcourir. C’est pourquoi notre rapport insiste sur un certain nombre de points, sur lesquels nous ne nous sommes pas attardés aujourd’hui. Mais il faut aussi reconnaître que le pays a beaucoup progressé au cours des 20 dernières années. Tout n’est pas négatif, et sa situation n’est peut-être pas pire que celle d’autres pays qui sont eux aussi membres du Conseil de l’Europe.

La situation géopolitique est, il est vrai, extrêmement complexe. Beaucoup de collègues y ont fait référence. L’Iran n’est pas un bon voisin : il veut imposer la charia en Azerbaïdjan. Or si ce pays est à 98 % islamique, il est laïque. Se posent aussi les problèmes du gaz, du pétrole, des oléoducs et des gazoducs. Tout cela crée d’énormes tensions dans la région.

En outre, il y a une guerre ouverte entre deux pays : l’Arménie occupe 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan, ce qui a entraîné le déplacement de plus de 1 million de personnes à l’intérieur du pays. Je ne crains pas de le dire. Lorsque je l’ai fait il y a quelques mois devant la commission de suivi, dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, nos collègues arméniens m’ont dit que j’utilisais les données du Gouvernement azerbaïdjanais, qu’ils n’avaient pas occupé 20 % du territoire, mais seulement 13 %, et qu’il n’y avait pas 1 million de personnes déplacées, mais 900 000. C’est ce qu’ils ont dit : cela figure dans les procès-verbaux des réunions de la commission de suivi ! Une partie du territoire azerbaïdjanais subit donc une occupation militaire de la part de l’Arménie : c’est un fait. Et il s’agit de deux pays membres du Conseil de l’Europe !

Nous nous sommes heurtés à des difficultés pour préparer ce rapport ; on a même essayé de disqualifier les deux corapporteurs – mais je ne m’attarderai pas sur ce point.

Je veux remercier l’ensemble des collègues pour leurs interventions, qui sont toutes sources d’enseignement. Hormis les collègues arméniens – que je comprends –, tous ont annoncé qu’ils soutiendraient notre rapport. Je les en remercie vivement, et tout particulièrement les représentants des cinq groupes politiques.

Madame Brasseur, soyez assurée que nous allons continuer de nous occuper de la question des prisonniers politiques. Cela fait partie de nos obligations, en tant que commission de suivi.

Madame von Cramon-Taubadel, j’ai bien l’intention de continuer le suivi de ce pays. Certains pensaient que nous l’avions oublié, mais ce n’est pas le cas.

Monsieur Volontè, je suis d’accord avec vous : nous devrions faire un rapport sur les prisonniers politiques dans tous les pays membres du Conseil de l’Europe, et pas sur un seul.

Sur cette question des prisonniers politiques, je voudrais préciser que je ne peux pas soutenir le rapport de mon collègue, M. Strässer, car, sur certains points, il est en contradiction avec notre propre rapport. Celui-ci mentionne quatorze prisonniers politiques, dont neuf ont été libérés et attendent l’issue de leur procès. Ces chiffres sont d’ailleurs supérieurs à ceux d’Amnesty international.

Aujourd’hui, il ne reste qu’un prisonnier politique et j’ai obtenu la promesse qu’il sera libéré rapidement. Quant aux neuf personnes libérées qui attendent l’issue de leur procès, on m’a promis qu’elles ne retourneront pas en prison. Ces cas correspondent bel et bien à des prisonniers d’opinion. Les autres prisonniers ont été condamnés pour des délits réels : assassinats, terrorisme, détention d’armes, corruption ou vol. Je considère que ces personnes ne sont pas des prisonniers politiques.

Pour conclure, je voudrais soumettre à l’Assemblée la question suivante : pourquoi parle-t-on uniquement des prisonniers politiques de l’Azerbaïdjan et non de ceux de la Fédération de Russie, de l’Arménie ou de l’Ukraine ? Nous savons pourtant que ces pays en détiennent.

Je demande à l’Assemblée de soutenir notre rapport. Personnellement, je voterai contre le rapport de M. Strässer, qui est en contradiction avec le nôtre et qui empiète sur les compétences de la commission de suivi. Pour l’Arménie, la Russie et l’Ukraine, la question des prisonniers politiques relève de la commission de suivi. Pourquoi n’est-ce pas également le cas pour l’Azerbaïdjan ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le président de la commission de suivi.

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Je voudrais remercier les corapporteurs, les membres de la commission et de la délégation de l’Azerbaïdjan, pour leur travail et leur coopération. Je remercie également le Président Mignon d’avoir présidé l’intégralité du débat. Sa présence témoigne de son importance.

Je plaide personnellement pour que les deux rapports soient approuvés. Face à une question aussi délicate que celle des prisonniers politiques, il me semble qu’il était nécessaire de nous répartir la tâche. Certes, il existe des listes contradictoires, mais peu importe puisque le défi du Conseil de l'Europe est qu’il n’existe plus aucun prisonnier politique dans aucun de ses Etats membres !

Je tiens à souligner par ailleurs que les deux rapports s’inscrivent dans un contexte préélectoral, puisqu’une élection présidentielle doit bientôt avoir lieu en Azerbaïdjan. Dans un tel contexte, les libertés des médias, d’expression et d’association prennent une importance toute particulière. Le climat n’est sans doute pas propice à l’apaisement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Wohlwend, pour un rappel au Règlement.

Mme WOHLWEND (Liechtenstein)* – Monsieur le Président, je siège depuis près de vingt ans dans cette Assemblée et c’est la première fois que j’entends un rapporteur appeler à ne pas voter le rapport de l’un de ses collègues. Je trouve cela tout à fait inacceptable !

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, la discussion est close.

Nous en venons au premier rapport sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan (Doc. 13084). La commission de suivi a présenté un projet de résolution sur lequel treize amendements ont été déposés. Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements. Je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à trente secondes.

L’amendement no 11, déposé par M. Harutyunyan, Mme Zohrabyan, MM. V Hovhannisyan, A. Hovhannisyan, Zourabian, Mme Karapetyan, M. Rustamyan, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, remplacer les mots « conflit permanent avec l’Arménie à propos de la région du Haut-Karabakh » par les mots suivants : « conflit du Haut-Karabakh ».

La parole est à M. Harutyunyan pour le soutenir.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Cet amendement vise à respecter la terminologie utilisée dans le Groupe de Minsk afin de ne pas saper l’un des principes essentiels qui sous-tend le processus de négociation.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Ce n’est pas la première fois que nos collègues arméniens tentent de modifier l’essence même de certains paragraphes. Malgré les négociations en cours, le conflit se poursuit. Je suis tout à fait opposé à cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 11 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 1, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 8, après les mots « Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe », à insérer les mots suivants : «, en dépit des progrès accomplis, ».

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Les précédents rapports de l’Assemblée sur des élections en Azerbaïdjan ont souligné des progrès notables dans ce domaine.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 2, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 10, après le mot « Malheureusement », à insérer les mots suivants : «, en dépit des invitations répétées du parti politique majoritaire, »

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je retire cet amendement.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 2 est retiré.

L’amendement no 3, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 13, à remplacer la deuxième phrase par la phrase suivante : « Le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire est une priorité en Azerbaïdjan. »

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – L’indépendance du pouvoir judiciaire a été renforcée en Azerbaïdjan. Cet amendement reflète la réalité.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 10, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 13, troisième phrase, à remplacer les mots « sont aussi d’importants sujets d’inquiétude » par les mots suivants : « sont parfois source d’inquiétude ».

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Des irrégularités sont constatées dans certains cas seulement. Le rapport doit mieux refléter la réalité. Tel est le sens de cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 10 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 4, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 14, après le mot « prisonniers d’opinion », à insérer le mot : « présumés ».

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Excepté dans ce paragraphe, le rapport utilise le terme « présumés » lorsqu’il évoque les prisonniers politiques. Nous demandons qu’il soit ici ajouté.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 5, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 18.1.2, à supprimer les mots « et d’établir un vrai dialogue avec l’opposition extraparlementaire ».

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Le dialogue entre les différents représentants de la société se poursuit en Azerbaïdjan, et nous ne comprenons pas très bien ce que signifie un « vrai » dialogue. Le dialogue est le contact entre les différents politiques, c’est pourquoi nous préférons que l’on supprime l’expression « établir un vrai dialogue avec l’opposition extraparlementaire ».

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 6, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 18.1.3.

La parole est à M. Seyidov pour le défendre.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je retire cet amendement.

L’amendement n6 est retiré.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 7, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 18.2.2 par le paragraphe suivant : « mettre effectivement en œuvre la disposition de la législation concernant le rôle du Conseil juridique et judiciaire en tant que garant de l’indépendance des juges ; »

La parole est à M. Seyidov pour le soutenir.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Cet amendement reflète de façon plus exacte la situation du système juridique et judiciaire. Je crois qu’il serait préférable de l’ajouter au projet de résolution.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 8, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 18.2.6.

La parole est à M. Seyidov pour le soutenir.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je retire cet amendement.

L’amendement n8 est retiré.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 12, déposé par Mmes de Pourbaix-Lundin, Lundgren, MM. von Sydow, Gross, Mme Brasseur, M. Johansson, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 18.2.7, à insérer les mots suivants : « conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin pour le défendre.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – Je souhaite que nous soyons plus précis et que nous fassions référence à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. La commission de suivi, vous serez surpris de l’apprendre, était en faveur de cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n12 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 9, déposé par MM. Seyidov, Hajiyev, Huseynov, Rzayev, Mmes Gafarova, Fataliyeva, Pashayeva, MM. Mustafa, Suleymanov, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 18.3.2, à remplacer les mots « de donner suite aux » par les mots suivants : « de poursuivre la mise en œuvre des ».

La parole est à M. Seyidov, pour le soutenir.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – L’objet de ce rapport est de mettre en œuvre les idées que nous avons évoquées. C’est pourquoi nous souhaitons remplacer les termes « donner suite » par « poursuivre la mise en œuvre », car cela reflète beaucoup plus exactement la situation et l’esprit qui règne au sein de l’Assemblée parlementaire.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement n9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 13, déposé par Mmes de Pourbaix-Lundin, Lundgren, MM. von Sydow, Gross, Mme Brasseur, M. Johansson, tend, dans le projet de résolution, au début du paragraphe 19, à insérer les mots suivants : « L’Azerbaïdjan reste un Etat dominé par un régime autoritaire qui n’est pas compatible avec les normes de la Convention européenne des droits de l’homme ».

La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin pour le défendre.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – Il est bon que dans cette résolution figure une sorte de synthèse.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Walter, contre l’amendement.

M. WALTER (Royaume-Uni)* – L’Azerbaïdjan fait l’objet d’une procédure de suivi. Il n’a pas encore respecté toutes les obligations découlant de la Convention, c’est un fait. Ce rapport est bien équilibré, la résolution l’est aussi, je crois qu’ajouter ce libellé à la fin va porter atteinte à la crédibilité de ce rapport équilibré, qui utilise des termes modérés tout en envoyant un message très clair.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Défavorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 13 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13084, tel qu’il a été amendé. La majorité simple est requise.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (196 voix pour, 13 voix contre, 16 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au deuxième rapport sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan (Doc.13079 et Addendum).

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel cinq amendements ont été déposés. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement no 1, déposé par M. McNamara, Lord Tomlinson, MM. Michel, Schennach, von Sydow, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 3, à insérer le paragraphe suivant : « Elle regrette que les autorités azerbaïdjanaises aient empêché le rapporteur d’effectuer une visite d’information en Azerbaïdjan, qui avait été dûment autorisée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. »

La parole est à M. McNamara pour le soutenir.

M. McNAMARA (Irlande)* – En tant qu’Assemblée, allons-nous confier des mandats à des rapporteurs puis rester silencieux si les pays qui doivent coopérer avec ces rapporteurs les empêchent de faire leur travail ? Est-ce tout le respect que nous avons pour notre propre travail et nos missions ? J’espère le contraire, et je vous invite à soutenir l’amendement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Président, nous n’avons pas déposé d’amendements sur ce rapport car de toute façon, il serait difficile de l’améliorer par voie d’amendement. S’agissant de cet amendement, nous y sommes opposés. C’est d’ailleurs la première fois que je vois une note explicative à un amendement, ce qui montre bien qu’il est plutôt faible. L’Azerbaïdjan n’a jamais dit qu’elle interdisait la visite de tout rapporteur, mais dans ce cas, le rapporteur avait un parti pris puisqu’il s’était déjà exprimé contre l’Azerbaïdjan.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques * – Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 2, déposé par M. McNamara, Lord Tomlinson, MM. Michel, Schennach, von Sydow, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 4, à insérer le paragraphe suivant : « Si la grande majorité des personnes figurant sur la liste originale des 716 prisonniers politiques présumés tels qu’appréciés par les experts indépendants ne sont plus en prison, plusieurs cas ne sont toujours pas résolus, notamment trois dans lesquels les experts indépendants ont conclu qu’il s’agissait bel et bien de prisonniers politiques. »

La parole est à M. McNamara pour le soutenir.

M. McNAMARA (Irlande)* – Cet amendement ne porte pas sur le travail de M. Strässer, mais sur celui d’experts indépendants qui se sont rendus en Azerbaïdjan, notamment des membres de la Cour européenne des droits de l'homme, à la demande du Comité des Ministres en 2001. C’est de leur travail que nous parlons ici.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Encore une fois, nous avons libéré tous ces prisonniers politiques présumés il y a bien longtemps, à l’époque où les experts en question faisaient ce travail. De toute façon, ces informations sont fausses, puisque les experts ont reconnu que certaines personnes figurant sur ces listes n’étaient pas des prisonniers politiques. M. Strässer a beau sourire, il est curieux qu’ils figurent encore sur sa liste alors que les experts ont déclaré qu’il ne s’agissait pas de prisonniers politiques.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques * – Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 3, déposé par M. McNamara, Lord Tomlinson, MM. Michel, Schennach, von Sydow, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, à insérer le paragraphe suivant : « Dans une autre groupe d’affaires encore, des personnes sont toujours détenues, alors qu’elles ont été condamnées comme complices mineurs d’actes illégaux dont les organisateurs et les responsables ont depuis longtemps été remis en liberté après avoir été reconnus comme détenus politiques par les experts indépendants. Par inadvertance, certaines de ces affaires n’ont pas été portées à l’attention des experts indépendants ; dans les autres cas, les intéressés ont été arrêtés une fois achevés les travaux des experts. »

La parole est à M. McNamara, pour le soutenir.

M. McNAMARA (Irlande)* – Il s’agit de personnes qui étaient, en quelque sorte, complices de celles qui ont été libérées en tant que prisonniers politiques. Les comparses, si je puis dire, sont encore en prison. Nous demandons qu’ils soient libérés.

LE PRÉSIDENT – La présidence a été saisie par M. McNamara du sous-amendement oral suivant : « A l’amendement no 3, après les mots « Par inadvertance, certaines », supprimer les mots : « de ces ». En d’autres termes, ce sous-amendement consiste à remplacer « certaines de ces affaires » par « certaines affaires ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas.

La parole est à M. McNamara, pour soutenir le sous-amendement oral.

M. McNAMARA (Irlande)* – C’est une simple précision linguistique qui n’altère en rien le sens de l’amendement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre le sous-amendement oral.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je suis tout à fait contre. On joue sur les mots en disant que l’on apporte de la précision, mais il faut voir cela dans sa globalité : cet amendement est totalement mal venu. Vouloir le sous-amender est une tentative d’apporter une précision qui, de toute façon, est impossible puisque l’amendement lui-même ne reflète pas la réalité. Je suis donc contre le sous-amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques *– Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je le mets aux voix.

Le sous-amendement oral n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous en revenons à l’amendement.

La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – J’y suis opposé, toujours pour les mêmes raisons : cet amendement ne reflète pas la réalité.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques *– Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je le mets aux voix.

L’amendement no 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 4, déposé par M. McNamara, Lord Tomlinson, MM. Michel, Schennach, von Sydow, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 10, à insérer le paragraphe suivant : « Elle observe que le rapporteur a soigneusement étudié plus d’une bonne centaine de cas figurant sur une liste récapitulative de prisonniers politiques présumés, établie en coopération avec un certain nombre d’organisations non gouvernementales azerbaïdjanaises et internationales, d’avocats et de membres des familles des prisonniers. »

La parole est à M. McNamara, pour le soutenir.

M. McNAMARA (Irlande)* – Cet amendement se rapporte à la méthodologie de M. Strässer qui est abondamment décrite à la section 3. Je vous invite à l’appuyer.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je ne comprends pas comment on peut préciser des idées du rapport qui, elles-mêmes, ne reflètent pas la réalité. Nous sommes dans une situation ridicule. On présente des amendements prétendument pour préciser une situation qui est, de toute façon, mal présentée.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques *– Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement no 5, déposé par M. McNamara, Lord Tomlinson, MM. Michel, Schennach, von Sydow, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 10, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée constate que, dans un grand nombre de ces cas, les juridictions azerbaïdjanaises ont clairement porté atteinte aux principes fondamentaux du droit à un procès équitable. Ces transgressions tiennent au fait de n’avoir pas réagi aux allégations de mauvais traitements infligés aux accusés durant leur détention provisoire, de n’avoir pas entendu les témoins cités par la défense, de n’avoir pas respecté la présomption d’innocence, ainsi qu’au traitement discriminatoire et excessivement sévère appliqué aux accusés liés à des groupes d’opposition. »

La parole est à M. McNamara, pour le soutenir.

M. McNAMARA (Irlande)* – C’est le dernier amendement que nous avons déposé en commission. Au moment du dépôt, il y avait d’ailleurs des doutes sur la question de savoir qui pouvait voter ou pas.

On fait ici référence à des affaires qui ont été traitées par les tribunaux de l’Azerbaïdjan et pour lesquelles il y a eu très clairement un abus de procédure. Il n’y a pas eu de procès équitable.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Seyidov, contre l’amendement.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Je suis contre cet amendement parce que mon fils, ma fille luttent à vos côtés en Afghanistan dans la guerre contre le terrorisme. Vous avez une approche totalement erronée de la réalité de l’Azerbaïdjan. Ici, ce n’est pas le Conseil de l’Europe de M. Strässer, pas plus que l’Azerbaïdjan de M. Strässer. C’est le Conseil de l’Europe de l’Azerbaïdjan, le mien, et je suis totalement opposé au rapport de M. Strässer, et bien sûr contre cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques*– Favorable.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Je mets aux voix le projet de résolution contenu dans le Doc. 13079, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution n’est pas adopté (79 voix pour, 125 voix contre et 20 abstentions.)

Mme Memecan, Vice-Présidente, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.

3. Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes,
de tissus et de cellules d’origine humaine

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle à présent la présentation et la discussion du rapport de M. Bernard Marquet, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, intitulé « Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine » (Doc.13082 et Addendum).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. MARQUET (France), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que la question du trafic d’organes fait l’objet d’un débat dans cet hémicycle. En effet, en 2008, notre Assemblée avait initié une enquête sur les allégations de trafic d’organes au Kosovo et, à l’issue de cette enquête, elle avait conclu, entre autres, à la nécessité d’élaborer un instrument juridique international dans le domaine du trafic d’organes.

C’était l’objet de la Résolution 1782 de 2011 « Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo ». En 2009, l’étude conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations Unies sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes était arrivée à la même conclusion. Notre commission avait déjà examiné un rapport, en juin 2003 – c’était le document 98223 – sur le trafic d’organes en Europe. Les travaux de 2011 et de 2003 étaient l’œuvre de collègues suisses qui ne sont plus avec nous : M. Marty et Mme Vermot-Mangold.

Aujourd’hui, je me réjouis de vous annoncer qu’une fois de plus le Conseil de l’Europe va de l’avant et sert d’exemple aux autres régions du monde en finalisant un projet de convention contre le trafic d’organes humains. Ayant assisté aux travaux ayant conduit à l’élaboration du projet de convention, je tiens à féliciter les délégations qui ont participé aux négociations et les collègues du secteur intergouvernemental pour leur travail remarquable. Par ailleurs, je les remercie d’avoir tenu compte des propositions de notre commission qui, dès le début des travaux, a été associée au processus.

Le projet de recommandation que vous avez sous les yeux aujourd’hui porte donc sur ce projet de convention contre le trafic d’organes humains. Malgré tous les atouts que l’on peut lui attribuer, cette convention présente certaines lacunes auxquelles il est, je pense, nécessaire de remédier. Je tiens à souligner que, dans le cas présent, nous sommes particulièrement privilégiés, car le projet de convention n’a pas encore été soumis au Comité des Ministres. Nous avons donc la possibilité d’intervenir au préalable et non pas a posteriori comme on le fait d’habitude.

Le trafic d’organes est contraire aux normes les plus élémentaires des droits humains et de la dignité de la personne. Hélas, nous le savons, il sévit partout dans le monde. En tant qu’initiateurs du premier instrument international juridiquement contraignant dédié exclusivement au trafic d’organes, nous avons donc une responsabilité indéniable pour ce qui est de faire en sorte que cette convention soit la plus complète et efficace possible. Cela veut tout simplement dire que nous ne pouvons pas nous contenter de punir le trafic d’organes ; nous devons aussi le prévenir, nous devons protéger ses victimes et coopérer de la manière la plus efficace possible pour le combattre.

Malheureusement, force est de constater que le projet de convention, en son état actuel, ne donne pas assez de poids à la protection des victimes, à la coopération et à la prévention, notamment en ce qui concerne la lutte contre la pénurie d’organes, qui est l’origine même du trafic. Dans ce contexte, je suis persuadé qu’un système de consentement présumé pour le prélèvement d’organes sur les personnes décédées est l’un des meilleurs moyens pour lutter contre la pénurie d’organes.

Par ailleurs, lorsque nous punissons le trafic d’organes, nous ne pouvons pas nous détacher de la réalité de ces gens qui vivent dans un désespoir total parce que leurs enfants, leurs parents, leurs proches – ou tout simplement eux-mêmes – sont dans l’angoisse de connaître ce qui sera peut-être leurs derniers jours. De même, nous ne pouvons ignorer le désespoir des personnes qui vont jusqu’à sacrifier une partie de leur corps en vendant un organe pour subvenir aux besoins de leur famille. L’extrême vulnérabilité de ces gens doit donc trouver une place dans la convention.

Puisque l’on parle de la réalité, on ne peut pas non plus ignorer l’existence de ce phénomène sinistre que l’on appelle communément le tourisme de transplantation. Oui, certains patients, venant pour la plupart de nos pays, voyagent à l’étranger, notamment en Asie – mais pas seulement –, pour obtenir des organes en contrepartie d’un paiement. Ces organes proviennent souvent de personnes qui, comme je viens de le dire, vivent dans la misère et ne voient d’autre choix que de vendre leurs organes pour survivre. Mais il existe également des allégations sérieuses concernant le prélèvement d’organes sur des prisonniers, pour lesquels il est difficile de parler d’un consentement libre à une telle intervention.

Nous ne pouvons pas nous laver les mains au motif que cela se passe ailleurs et que, comme on dit dans le jargon juridique, cela ne relève pas de notre juridiction. Il est de notre responsabilité d’éviter qu’il y ait des zones de non-droit si l’on veut que la future convention ait un véritable impact dans la lutte contre le trafic d’organes. Il est également de notre responsabilité d’éviter la propagation d’une telle pratique, qui peut avoir des implications désastreuses en termes de santé publique. La convention devrait donc également inclure des dispositions relatives à ces questions.

Je ne me limiterai pas à des propositions visant à améliorer le contenu de la future convention. Comme je l’ai souligné au début de mon discours, nous avons la responsabilité de faire en sorte que cette convention soit non seulement la plus complète, mais également la plus efficace possible. Or, qui dit efficacité, dit aussi mécanisme de suivi. Nous sommes sans doute tous d’accord pour considérer que le Conseil de l’Europe dispose déjà d’un nombre suffisant de conventions mort-nées parce que leur mécanisme de suivi est loin d’être rigoureux et efficace. Malgré les restrictions budgétaires imposées à l’Organisation, nous devons pousser pour un mécanisme de suivi efficace qui aura un vrai impact dans la lutte contre le trafic d’organes. Il en va de notre crédibilité et de la valeur ajoutée que l’on cherche dans nos travaux et dont on n’arrête pas de souligner l’importance.

Je pense également qu’il est crucial de ne pas s’arrêter à une convention contre le trafic d’organes : il faut élargir le travail au trafic de tissus et de cellules, qui constitue une menace tout aussi grave pour les droits humains et pour la santé publique et individuelle.

Enfin, je tiens à rappeler que le Conseil de l’Europe dispose déjà d’instruments pertinents dans ce domaine, à savoir la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, et son protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine, ainsi que la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains. L’Assemblée devrait également plaider pour la ratification de ces autres instruments importants de lutte contre le trafic d’organes par ceux des Etats membres qui ne l’ont pas encore fait.

Je vous remercie pour l’attention que vous avez portée à ce travail. Je remercie aussi tous mes collègues qui m’ont apporté leur contribution. Je voudrais également rappeler qu’il existe, au sein du Conseil de l’Europe, des organismes intergouvernementaux remarquables comme la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé, avec laquelle j’ai déjà travaillé pour la convention Medicrime. Elle conduit, notamment sur les produits sanguins, une réflexion très importante. Je pense aussi au Comité européen pour les problèmes criminels, ou CDPC, qui nous a accompagnés dans notre démarche, sans oublier le Comité directeur pour la bioéthique qui, grâce à la Convention d’Oviedo, nous a beaucoup aidés.

Je suis assez déçu de constater que les défenseurs des droits de l’homme sont peu nombreux ce soir, alors que, pour moi, la lutte contre tout ce qui porte atteinte à l’intégrité du citoyen constitue la vraie défense des droits de l’homme.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 5 minutes 30 pour répondre aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole est d’abord à Mme Borzova pour le Groupe démocrate européen.

Mme BORZOVA (Fédération de Russie)* – Je voudrais d’abord remercier, au nom du GDE, notre rapporteur, M. Bernard Marquet, pour le travail remarquable qu’il nous a livré.

Il faut bien comprendre que cette nouvelle convention du Conseil de l’Europe sera – je le souligne – le premier instrument international à établir des normes en droit pénal permettant de réglementer les actes liés au prélèvement et à l’utilisation des organes humains.

Au demeurant, cette question est particulièrement actuelle et brûlante. Comme on le sait, la transplantation des organes et des tissus est bien souvent la seule façon de traiter les malades et de pallier les insuffisances de certains organes. Cela permet non seulement de prolonger la vie des malades, mais d’en améliorer la qualité. Or il existe un commerce illicite des organes humains dont la source n’est pas seulement la pénurie d’organes disponibles pour la transplantation : les lacunes dans les législations de certains sont également en cause. Le problème a, par ailleurs, des origines économiques, à commencer par les disparités économiques qui existent dans certains pays.

Selon les données de l’OMS, ce sont au moins 10 000 transplantations du rein qui sont effectuées chaque année de façon illicite.

Jusqu’à présent, il n’existait pas, en droit international, de normes contraignantes concernant ce phénomène. Il faut donc remercier le rapporteur, qui a toujours plaidé en faveur d’une convention efficace. Je me félicite en particulier de certaines propositions, comme l’élimination du principe de la double incrimination, la protection spéciale pour les enfants et les personnes n’ayant pas toutes leurs capacités juridiques, l’ouverture de la convention à la signature d’Etats non membres et l’élaboration d’un protocole additionnel qui permettrait d’étendre l’application de la convention aux tissus et aux cellules.

L’Assemblée se doit d’agir et de voter le projet de recommandation. L’adoption d’une convention internationale permettrait d’accroître la coopération nationale et internationale contre ce trafic illicite, de faire échec au tourisme de transplantation et de défendre les droits de l’homme.

LA PRÉSIDENTE – La parole est à Mme Kyriakides, pour le Groupe du Parti populaire européen.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* - Le rapport de M. Marquet dont nous parlons ce soir aura des répercussions importantes, y compris sur le plan de la protection des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la dignité des personnes.

Bien qu’il existe de nombreuses résolutions traitant du sujet, et en dépit de la Convention d’Oviedo, qui insiste sur le fait que les parties du corps humain ne peuvent pas faire l’objet d’activités lucratives, il subsiste bien des problèmes et bien des pratiques contraires à l’éthique. Je suis donc d’accord avec le rapporteur : il est de la plus haute importance que la convention dont nous débattons devienne la référence dans ce domaine, non seulement pour les Etats membres du Conseil, mais aussi pour tous les autres.

Des pratiques telles que le tourisme de la transplantation, le trafic d’organes prélevés sur des prisonniers, sur des détenus exécutés, sur des enfants ou des personnes handicapées mentales, telles sont les éléments à prendre en compte en priorité si nous voulons que la convention soit efficace.

Nous devons par ailleurs prendre en considération la vulnérabilité des donneurs comme des receveurs ; je suis d’accord avec le rapporteur pour qu’un tel aspect soit abordé dans le volet sanctions. Mais il faut bien comprendre que dans la majorité des cas, nous avons affaire à des violations graves des droits des personnes et de leur dignité.

En tout cas, je félicite le rapporteur pour cet important rapport, et j’exprime notre grande satisfaction de voir ce projet de convention s’intéresser particulièrement aux enfants, notamment en considérant comme une circonstance aggravante le fait de commettre à leur encontre les délits considérés.

Le texte définitif doit être le plus strict possible en matière de protection des enfants, tant ces derniers sont vulnérables dans les situations dont nous parlons. Quitte à énoncer une évidence, nous devons nous montrer particulièrement clairs et précis lorsqu’il est question de la protection des droits de l’enfant.

Nous attendons aussi beaucoup d’un futur protocole additionnel sur la lutte contre le trafic des tissus et des cellules d’origine humaine, qui complètera utilement la convention. Ce n’est en tout cas qu’en travaillant ensemble que nous arriverons à combattre efficacement ces fléaux.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Jáuregui, pour le Groupe socialiste.

M. JÁUREGUI (Espagne)* - Chaque année, dans le monde, environ un million de personnes voudraient recevoir un organe, mais ils sont seulement 100 000 à obtenir une transplantation. Environ 900 000 personnes sont donc dans l’attente de l’organe qui, dans la plupart des cas, permettra de sauver leur vie. C’est cette différence entre l’offre et la demande qui, malheureusement, crée un marché, un marché odieux.

Il faut le reconnaître, une véritable traite des êtres humains est parfois pratiquée en vue d’extraire et de greffer des organes. Il existe un marché, et même un tourisme de la transplantation. C’est l’une des illustrations de la façon dont l’inégalité et l’injustice peuvent porter offense à la dignité de l’être humain.

Ce sont en effet les pauvres qui se voient contraints, pour pouvoir manger, de vendre leurs reins à des riches qui peuvent les acheter. Voilà la vérité ! Du temps de l’esclavage, l’être humain vendait sa liberté, puis sa force de travail. Au XXIe siècle, les organes sont-ils ce que l’être humain doit vendre pour survivre ?

Notre Assemblée doit approuver ce rapport qui est à la fois opportun et adéquat. D’une part nous devons promouvoir les transplantations et le don d’organes, de l’autre nous devons réprimer le trafic.

L’Espagne est le pays qui connaît le plus grand nombre de dons d’organe par habitant : 30 greffes par million d’habitants. Il faut multiplier les dons, en particulier venant des personnes décédées. Et pour lutter contre la traite des êtres humains, il faut améliorer la coopération internationale et renforcer la législation. Espérons que la communauté internationale tirera parti de ce rapport.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Schuster, pour l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe.

Mme SCHUSTER (Allemagne)* – Je voudrais d’abord, au nom des libéraux, remercier M. Marquet pour son travail, pour son rapport, mais aussi pour son engagement sur ces questions, qui dure depuis des années. Nous sommes fiers d’avoir pour collègue un parlementaire aussi tenace et aussi déterminé. Le sujet est d’importance, et je suis un peu déçue de ne pas voir plus de monde sur nos bancs. Il ne faudrait pas que ce que nous disons ce soir soit trop vite oublié.

Quant à la convention, elle doit être aussi complète que possible pour être efficace. C’est indispensable si nous voulons agir de manière déterminée contre le trafic des organes humains. Comme l’a justement dit le rapporteur, nous devons mobiliser non seulement les Etats membres du Conseil de l’Europe, mais faire en sorte que la convention ait une couverture géographique aussi large que possible. C’est pourquoi je lance d’ores et déjà un appel à tous les pays de la planète, dans la mesure où le commerce illégal des organes humains les concerne tous et est une source importante de revenus pour les trafiquants.

C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui attendent un organe. Par ailleurs, il y a énormément de gens désespérés, souvent très pauvres et qui, pour faire vivre leur famille, sacrifient l’un de leurs organes moyennant paiement. Ces personnes sont alors victimes de trafiquants cyniques et sans scrupules. Je rappellerai ici l’action de Dick Marty qui s’est beaucoup investi dans ce domaine, ainsi qu’un chiffre significatif : selon l’ONU, on transplante chaque année 10 000 reins de manière illégale. Et ce chiffre ne traduit certainement pas la réalité du phénomène quand on sait que des milliers d’Européens attendent un rein !

M. Jáuregui a évoqué la nécessité d’un document attestant que nous sommes donneurs d’organes. En effet, la mise en place d’une carte de donneur améliorerait la situation.

Par ailleurs, il convient de protéger tout particulièrement les mineurs, les personnes emprisonnées, les incapables mentaux, etc. Et un suivi très strict doit être mis en place après l’entrée en vigueur du texte de la convention qui doit être complétée par des dispositions relatives aux tissus et aux cellules. C’est ainsi que nous serons vraiment efficaces.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Virolainen.

Mme VIROLAINEN (Finlande)* – Je souhaite à mon tour remercier notre rapporteur pour son excellent rapport et pour les recommandations qui y figurent. Nous sommes d’accord avec M. Marquet pour dire que le texte de la convention doit être aussi large et complet que possible afin de lutter contre ce phénomène scandaleux.

La traite des organes humains est une violation grave, les trafiquants exploitent sans scrupules des personnes qui se trouvent dans des situations désespérées en leur offrant de l’argent ou en enlevant des personnes vulnérables par exemple des enfants. Dans certains pays, les reins sont devenus une marchandise que l’on peut vendre quand on a besoin d’argent. Alors que le rein est un organe essentiel du corps humain, il ne devrait en aucun cas devenir un objet de commerce que certaines personnes puissent acheter lors d’un séjour à l’étranger. Ce tourisme de transplantation est tout simplement dégoûtant.

J’ai bien entendu beaucoup de sympathie pour ceux qui souffrent parce qu’ils ont un organe défaillant et qui ne savent pas quand et où un organe de substitution sera disponible. Nous sommes responsables et devons aider ces patients. Nous devons tout faire pour accroître l’offre en mettant en place des systèmes efficaces. En Finlande, nous avons adopté une loi sur le consentement présumé, et je suis heureuse que cela soit mentionné dans la recommandation. Il faut donc disposer de registres appropriés, de normes bien établies à toutes les étapes du processus de don. Il faut également que nous créions une obligation de traçabilité des organes, afin d’en rendre impossible le trafic.

Le trafic d’organes humains est un problème mondial qui, le plus souvent, a lieu en dehors de nos frontières ; néanmoins, il existe encore certains cas qui ont lieu dans des pays du Conseil de l'Europe, ce qui est totalement inacceptable. Lutter contre ce problème impose de renforcer la coopération internationale et d’adopter des instruments juridiques contraignants. À cet égard notre Organisation a un rôle vital à jouer.

Il faut également davantage de recherches, et je suis heureuse que l’Union européenne soit active en la matière. La directive de 2010 nous oblige tous à mettre à jour notre législation. Mais il n’y a pas de recours juridique qui soit suffisant en la matière.

Je terminerai en disant que c’est une question de vie ou de mort. Un organe est un don de vie, une seconde chance. Aucun gouvernement, aucun hôpital, aucun médecin ne devrait pouvoir réaliser des profits en commercialisant des organes vitaux.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Rupprecht.

Mme RUPPRECHT (Allemagne)* – Jusqu’à il y a 18 mois, je n’aurais pas cru que le trafic des organes humains puisse être un gros problème. Or j’ai été épouvantée d’apprendre que dans une clinique, en Allemagne, on avait trafiqué les données afin d’obtenir des organes pour les greffer sur des patients aisés ! Nous nous sommes consolés en nous disant qu’il s’agissait de cas isolés. Eh bien non ! Après contrôle, nous avons constaté qu’il y avait vraiment un problème systémique chez nous. Pourtant nous avons des règles, des dispositions très strictes – avec Eurotransplant, par exemple.

Nous sommes dans l’enceinte qui traite de manière privilégiée des droits de l’homme, alors nous devons d’abord tenir compte du fait que les personnes ne sont pas des objets, ce sont des êtres humains auxquels on ne peut pas porter atteinte. Nous devons avant tout concevoir le droit de manière humaine et faire en sorte qu’en aucun cas l’on puisse considérer un être humain comme un corps que l’on peut découper à loisir. Nous devons, dans nos pays respectifs, outre les lois, sensibiliser la population pour que les comportements évoluent.

Monsieur Marquet je vous félicite pour votre travail, tout comme je voudrais rendre hommage à Mme Vermot-Mangold qui s’est toujours beaucoup souciée de ces questions et notamment de la place des enfants dans ce domaine.

Ce n’est pas un sujet très sexy, un sujet qui plaît beaucoup. Souvent, on doit aborder des questions très difficiles et l’on ne se rend pas très populaires, mais nous avons besoin de normes beaucoup plus strictes. Il faut donc une convention complète que nos pays ratifient rapidement. On lance encore une fois un appel aux pays, car souvent ils freinent des quatre fers avant de ratifier ce type de textes, mais il faut vite achever ce travail afin qu’il devienne un texte de loi dans nos pays.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Moreno Palanques.

M. MORENO PALANQUES (Espagne)* – Le débat que nous avons cet après-midi sur le trafic d’organes et la nécessité d’adopter une convention internationale est à nos yeux fondamental. Nous devons agir rapidement pour que cet instrument juridique – qui devra être contraignant – entre en vigueur le plus rapidement possible dans nos pays.

Le trafic d’organes, de tissu et de cellules d’origine humaine est un phénomène international très préoccupant qui ne doit pas être sous-estimé. Le rapport des Nations Unies sur la traite mondiale des êtres humains, publié il y a à peine un mois, a souligné que l’extraction d’organes représente 0,1% des formes d’exploitation de l’être humain en Europe et en Asie. En outre on a détecté des traites d’êtres humains pour extraction d’organes dans 13 pays d’Europe et 3 pays d’Asie orientale. Cette traite d’êtres humains sur le continent européen est particulièrement préoccupante dans les Balkans et en particulier au Kosovo, ce qui a donné lieu à l’adoption de la Résolution 1782 de 2011.

Le trafic ne connaît pas de frontières. Les prisonniers, vivants ou décédés, sont victimes, eux aussi, d’extractions d’organes.

Il convient, par ailleurs, que la convention soit ouverte le plus rapidement possible aux pays non membres du Conseil de l'Europe. M. Jáuregui, mon collègue espagnol, a indiqué que l’Espagne connaissait le taux le plus élevé de dons d’organes avec 34,6 % contre 26 % aux Etats-Unis et 7,5 % en Amérique latine. Il est essentiel d’introduire des dispositions pour promouvoir la coopération pour diminuer le trafic d’organes. Je pense à Eurotransplant.

Nous n’avons pas besoin d’inventer des dispositifs hors norme. Le modèle espagnol est celui qui connaît la plus grande réussite : plus de dons signifie moins de trafic. Il nous faudrait atteindre 40 donneurs par million d’habitants. Si tout le monde était porteur d’une carte de donneur, cela faciliterait la transplantation en cas de décès.

Nous appuyons le projet de recommandation, car nous pensons utile de nous doter d’un maximum d’instruments afin de prévenir et de lutter contre les trafics et le tourisme de transplantation. Un protocole additionnel serait également nécessaire pour lutter contre le trafic de tissus et de cellules et il faut tenir compte des directives nos 2006 et 2032.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Le Déaut.

M. LE DÉAUT (France) – La pénurie d’organes au plan mondial est dramatique. En France, moins de 3 000 greffes sont réalisées par an pour plus de 10 000 insuffisants rénaux. On estime à plusieurs centaines de patients le nombre de ceux qui décèderont faute d’organes disponibles. Une telle situation a entraîné l’augmentation d’opérations clandestines dans le monde, rendue possible par une forme abjecte de marchandisation du corps humain : le trafic d’organes, vendus à des prix pouvant atteindre des dizaines de milliers d’euros.

Je salue l’initiative du Conseil de l'Europe et l’excellent travail du rapporteur, M. Bernard Marquet, car le don d’organes est le symbole de la solidarité humaine. Il convient par contre de condamner avec fermeté ce tourisme de transplantation, des patients n’hésitant pas à acheter des organes à des personnes qui les vendent pour survivre.

Cette convention est un support indispensable à la mise en place de sanctions pénales contre le trafic d’organes. Cette convention, toutefois, n’aborde pas, alors que nous en avons débattu en commission, la question des tissus et des cellules d’origine humaine. Lorsque nous l’aborderons, il faudra envisager de manière spécifique la question des cordons ombilicaux ou des tissus présents dans les déchets hospitaliers.

La convention qui nous est proposée revêt une importance majeure, car elle propose de mener une politique conduisant à la multiplicité des sources légales d’approvisionnement en organes. Cet aspect de la question a été mentionné dans la déclaration du Sommet d’Istanbul de mai 2008, lequel avait réuni tous les plus grands spécialistes mondiaux de 150 pays.

En France, moi-même présiderai le 7 mars 2013 une réunion qui étudiera la possibilité d’une collecte, non plus seulement sur des personnes dont le cœur s’est arrêté, mais sur des personnes dont l’arrêt cardiaque est contrôlé. Cela, bien sûr, ne peut concerner que des cas de mort encéphalique. Ce serait un alignement sur la pratique en vigueur aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Belgique, aux Pays-Bas.

L’effort pour lutter contre la pénurie doit également concerner la recherche sur les xénogreffes et toutes les formes de recherche clinique ou fondamentale sur la mise au point d’organes artificiels. Je songe au cœur artificiel du professeur Carpentier. J’ai proposé des amendements à ce sujet, adoptés à l’unanimité par la commission. Par tous ces moyens, nous lutterons plus efficacement contre le commerce de la transplantation qui conduit à accroître les injustices et les inégalités dont souffrent des populations vulnérables.

Mes chers collègues, l’Assemblée s’honorerait d’adopter ce rapport à l’unanimité.

LA PRÉSIDENTE* – Mme Fataliyeva, inscrite dans le débat, étant absente de l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Schneider.

M. SCHNEIDER (France) – Je voudrais tout d’abord souligner le travail remarquable réalisé par notre rapporteur. Ce projet de convention est essentiel, car il touche aux droits les plus élémentaires de l’être humain. Le trafic d’organes traduit une marchandisation de l’être humain et obéit souvent à une loi abjecte de l’offre et de la demande appliquée aux personnes les plus fragiles.

Les progrès de la médecine ont conduit à une demande sociale légitime, à but thérapeutique, de transplantation. Rappelons que 15 à 30 % des personnes inscrites sur des listes d’attente meurent avant d’avoir été transplantées. Malheureusement, la pénurie d’organes a généré un trafic lucratif organisé par des réseaux mafieux, souvent en connexion avec le trafic de drogues et la traite d’êtres humains. Ce trafic répugnant, c’est celui de « pièces détachées » humaines ! Exploitant la misère humaine la plus extrême, il engendre une série d’horreurs, que les médias relatent de plus en plus fréquemment.

Comme le rapporteur, il me semble de la plus haute importance que la convention protège plus particulièrement les personnes vulnérables, notamment les enfants. En Afrique du Sud notamment, le rapt et l’exploitation des enfants afin de vendre leurs organes ont même supplanté le trafic d’armes. Cela n’est pas tolérable ! Une autre pratique, le tourisme de transplantation, doit être condamnée. Il n’est pas admissible que profitant des pays pauvres, de riches malades aillent s’acheter un rein comme ils le feraient pour une pièce détachée de voiture ! Si l’on peut comprendre la détresse du malade en attente d’une transplantation, parfois pour une question de vie ou de mort, cela ne peut toutefois justifier une telle négation de la dignité humaine !

Cette convention représente un progrès essentiel, car elle est le premier instrument international juridiquement contraignant contre de tels agissements. Nous ne pouvions plus laisser les pays touchés par ces trafics - en Afrique, en Asie, mais aussi parmi les membres de notre Assemblée - lutter seuls contre ce fléau. Il nous appartient d’ailleurs de bien réfléchir aux conséquences des lois que nous adoptons et des contrôles que nous exerçons dans nos pays riches dans le domaine du don d’organes.

Si nous voulons vraiment lutter contre ceux qui renoncent au don licite pour avoir un organe à tout prix, même celui de la vie d’un enfant des rues de Bogota ou du Maputo, il nous faudra contrôler plus sévèrement certains faits, comme la disparition inopinée de certains patients de listes d’attente ou la prescription et la vente des médicaments anti-rejets.

En définissant des infractions pénales, en permettant une meilleure coopération judiciaire, cette nouvelle convention du Conseil de l’Europe nous donnera les moyens de mieux protéger ceux dont on veut nier l’humanité.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Recordon.

M. RECORDON (Suisse) – Merci, tout d’abord, à notre collègue Bernard Marquet pour l’excellence de son rapport, merci également à tous nos collègues de la commission qui ont enrichi ses propositions et aux membres de l’Assemblée pour leurs interventions.

Nous disposons là d’un instrument important face à un phénomène dont la gravité est évidente – Mme Rupprecht l’a souligné. Nous prenons conscience progressivement du degré de gravité de ce fléau. Si l’on y songe, ce n’est pas étonnant. Lorsqu’il s’agit de se soigner ou de sauver sa vie, il n’est pas étonnant qu’un trafic se mette en place comme il existe depuis la nuit des temps s’agissant d’argent, de sexe, de jeux ou de toutes les autres formes de toxicomanie ou de vice, qui sont des moteurs très puissants chez l’homme. Nous sommes donc confrontés à un adversaire extrêmement redoutable qui gît dans le cœur même de l’être humain. C’est pourquoi nous devons mettre en œuvre tous les moyens de la manière la plus énergique qui soit.

D’un autre côté, l’origine du problème montre que nous devons aussi savoir faire preuve de compréhension. De ce point de vue, je me félicite que l’article 8.2 du projet de résolution contienne un appel à une certaine compréhension envers les plus vulnérables ; peut-être faudrait-il même aller jusqu’à une exemption : doit-on poursuivre celui qui, dans la détresse, a cédé un organe ou a eu la faiblesse de l’accepter dans des conditions intolérables ? La question me semble devoir être posée.

Il reste qu’il convient d’aller loin et de frapper fort. Même en Europe, comme l’a montré notre ancien collègue Dick Marty dans son rapport sur le trafic d’organes au Kosovo, il peut exister des cas abominables : cela ne concerne pas que les rapports Nord-Sud – même si c’est probablement dans ce cadre que se rencontrent les problèmes les plus graves. Je serais donc enclin à demander une application sévère du texte, mais avec une once de compréhension dans certains cas particuliers.

Je voudrais pour terminer rompre encore une lance, en m’exprimant, comme d’autres l’ont fait avant moi, en faveur d’une organisation beaucoup plus volontariste des dons d’organes, car je crois que c’est la seule manière de répondre aux différents intérêts – légitimes – qui sont en jeu.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Quintanilla.

Mme QUINTANILLA (Espagne)* – Cet après-midi, nous mettons au cœur de nos débats l’un des plus grands drames que connaisse la société internationale : le trafic d’organes. Cela nous confronte à la mort de nombreux enfants, enlevés dans les pays du tiers monde en pleine rue pour extraire leurs organes dans un hôpital. Cela nous confronte au drame de ces personnes qui, étant dans la pauvreté, se voient réduits à vendre leurs organes pour sauver leur vie ou celle de leurs proches.

Je veux féliciter le rapporteur pour son excellent rapport. Lorsqu’on parle de trafic d’organes, on parle en réalité d’esclavage – celui imposé par la pauvreté ; on parle de traite des êtres humains, dans un but d’exploitation sexuelle ou de mendicité ; on parle d’organisations criminelles, qui jouent avec la vie des personnes comme avec des marchandises – car, dans la société dans laquelle nous vivons, tout s’achète et tout se vend.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’Assemblée parlementaire aspire à une société plus juste, plus égalitaire, au centre de laquelle seraient placés les droits de l’homme et le respect de la dignité humaine ; et je trouve courageux de votre part de proposer ce rapport en faveur de l’adoption d’une convention, qui inciterait les pays pauvres comme les pays riches à adopter des législations visant à combattre les trafics d’organes. Mais il faut aussi lancer un appel à la société civile pour qu’elle fasse preuve de solidarité et d’altruisme. Si l’Espagne est leader en la matière, c’est parce que nous sommes généreux et que les familles donnent facilement les organes des personnes décédées afin de sauver quelqu’un d’autre.

Il faut donc que cette convention soit un appel adressé aux pays d’Europe et à l’ensemble de la communauté internationale pour que le trafic d’organes soit condamné et que le don d’organes devienne une réalité dans la vie de chacun d’entre nous.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Miladinović.

Mme MILADINOVIĆ (Serbie)* – Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que les greffes d’organes, de tissus et de cellules représentent un des grands progrès de la médecine moderne. Malheureusement, cette réussite peut rapidement perdre son fondement éthique ; c’est notamment le cas lorsque des transplantations sont le résultat de trafics et du crime organisé.

Au cours des dernières années, de nombreux cas de trafic d’organes et de tissus humains dans des pays européens ont été révélés. Notre Assemblée s’est déjà préoccupée de ces questions, notamment dans le cadre de l’excellent rapport de Dick Marty, intitulé : « Enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo ». Cela montre que les différents pays et que la communauté internationale n’ont pas su combattre efficacement ce type de crimes.

Il est clair que nous avons vraiment besoin d’une convention du Conseil de l’Europe sur le sujet. Je pense qu’on ne pourra vraiment lutter contre ce fléau que si nous arrivons au plan international à une harmonisation la plus large possible des instruments juridiques, des politiques de lutte contre la criminalité et des sanctions pénales. On a révélé l’existence, sur le territoire d’une douzaine de pays, d’un « tourisme de transplantation » ; le trafic des organes humains est aujourd’hui géré par la criminalité organisée internationale. Ce qui est très inquiétant, c’est que très peu de poursuites ont abouti en Europe, faute de preuves – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de crime.

Face au développement rapide des crimes de haute technologie, nous pouvons hélas nous attendre à une forte augmentation du trafic clandestin des organes, tissus et cellules d’origine humaine dans un avenir proche ; la demande va constamment augmenter.

Les organes disponibles sont rares ; en raison de la crise économique mondiale, de plus en plus de gens vivent dans la pauvreté, ce qui ouvre la porte à toutes sortes de commerces illicites d’organes à transplanter. C’est pourquoi je suis favorable à des mesures drastiques de lutte contre ces trafics, et à un investissement beaucoup plus important de la communauté internationale en la matière.

LA PRÉSIDENTE* – M. Beneyto, inscrit dans le débat, n’étant pas présent dans l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Schennach.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Monsieur Marquet, je voudrais vous témoigner tout mon respect et ma reconnaissance pour le travail que vous avez accompli en vue de faire aboutir cette convention dont nous avons besoin de manière urgente. Dans les années 1970, a été publié un livre intitulé La dignité humaine est intangible. Il n’était pas encore question de trafics d’organes, mais on y évoquait déjà la situation de personnes qui habitaient dans les favelas et dans d’autres lieux aux conditions de vie inhumaines, et dont des « vampires » allaient prélever le sang, sans prendre la moindre précaution médicale, afin d’alimenter l’industrie pharmaceutique.

Aujourd’hui, il existe des trafics d’organes comme il existe des trafics d’armes et des traites de personnes : c’est un commerce très lucratif, qui s’autoalimente, car, en raison de la pauvreté, beaucoup de personnes sont contraintes de vendre une partie de leur corps – reins, cornées… On rafle même des enfants dans les rues pour alimenter ce commerce.

Certains organes proviennent de l’application de la peine de mort. En Chine, un nombre important d’entre eux sont obtenus par cette voie, sans grande protestation d’ailleurs. Des industriels se sont installés là-bas et font de grands profits dans ce secteur.

Le tourisme de la transplantation est un autre phénomène tout à fait épouvantable, qui bafoue le principe le plus fondamental de l’intangibilité du corps humain. Il convient de mettre un terme à ces agissements et, pour être efficace, de mener la lutte au niveau international. Le Conseil de l'Europe pourrait bien être un pionnier en la matière.

LA PRÉSIDENTE* – Compte tenu de l’heure avancée, je devrais interrompre la liste des orateurs, mais je vais donner une minute à chacun des trois derniers orateurs.

La parole est à M. Shipley.

M. SHIPLEY (Canada, observateur)* – Le trafic d’organes est un sujet difficile. Des deux côtés de la transaction, il y a une victime : la personne qui a un besoin vital de greffe et le donneur qui a besoin d’argent et qui vend une partie de son corps. Les plus désespérés sont tentés de se tourner vers ce marché illégal.

Le Canada a mis en place une stratégie de coordination pour les dons d’organes. Plusieurs agences existent dans les dix provinces, les trois territoires et au niveau fédéral. Tout don d’organe nécessite l’accord de chacun de ces niveaux. Le législateur a la mission de sensibiliser les citoyens à la question du don d’organes.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Sheridan.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni)* – Le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine est très rare au Royaume-Uni. Seuls deux cas ont été enregistrés en 2011. Ils étaient les tout premiers que notre pays ait jamais connus. L’Autorité sur les tissus humains interroge systématiquement les donneurs potentiels, y compris les membres de la famille et les amis, pour s’assurer de leur consentement libre et éclairé.

Désormais, les personnes qui s’inscrivent au permis de conduire doivent répondre à la question de savoir s’ils sont disposés à être donneurs d’organes. Nous espérons ainsi mobiliser les 90 % de Britanniques qui se déclarent favorables à un don mais qui n’ont pas encore engagé une procédure. Nous espérons que cette mesure permettra de stimuler le don d’organes, dont nous avons tant besoin.

LA PRÉSIDENTE – La parole est à M. Elhankouri.

M. ELHANKOURI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je tiens à remercier M. Marquet pour son excellent travail. Face au développement de la transplantation médicale, la demande d’organes a crû beaucoup plus vite que l’offre. Les réseaux criminels ont profité de ce déséquilibre pour se développer.

Pour lutter contre le trafic d’organes et le tourisme de la transplantation, tous les acteurs doivent être impliqués : le receveur, qui cherche à sauver sa vie ; le donneur, qui a besoin d’argent pour manger ; mais aussi le chirurgien, qui trouve là le moyen de gagner sa vie.

Je souhaite que la convention du Conseil de l'Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine, soit ratifiée par un grand nombre de pays. Le Maroc soutient résolument cette démarche.

Quant à la procréation médicalement assistée, elle pourrait elle aussi susciter un trafic illégal, celui des ovocytes. Soyons prudents sur le sujet.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée. La parole est à M. le rapporteur pour leur répondre.

Monsieur Marquet, vous disposez de cinq minutes.

M. MARQUET (Monaco), rapporteur – Je voudrais tout d’abord partager vos félicitations avec le secrétariat, sans qui ce travail n’aurait pas pu voir le jour.

Une unanimité semble exister sur le trafic d’organes. L’Espagne est en effet un exemple à suivre car elle est en avance. Je veux dire par ailleurs à M. Shipley que ce n’est pas parce que le sujet est difficile que nous ne devons pas essayer.

Monsieur Sheridan, je ne suis pas si sûr que le trafic d’organes soit très rare en Grande-Bretagne.

Ce projet de convention du Conseil de l'Europe permettra de sensibiliser les hommes politiques et les citoyens à cette question. L’être humain doit être au cœur de nos travaux, notamment dans le champ de la sécurité sanitaire.

Ce soir, je suis à la fois optimiste et pessimiste : optimiste car le Comité des Ministres nous a donné le mandat d’avancer vers une convention pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine ; pessimiste car, lors de la première réunion du comité ad hoc, tous les Etats ont retiré les cellules et les tissus de notre champ d’action. Le Conseil de l'Europe réunit 47 pays de sensibilités, de cultures et de religions différentes. Il sera compliqué de les convaincre tous.

De manière pragmatique, je considère ce rapport comme un premier pas. Un protocole additionnel sur les cellules et les tissus sera indispensable à l’avenir. La plus-value du Conseil de l'Europe, à travers ses différents organes et ses conventions, constitue un atout important à l’heure de la mondialisation. Les trafics se portent à l’heure actuelle sur des champs qui ne sont pas pénalisés, que l’on pense à la Convention Medicrime ou à la sécurité alimentaire dans les pays en guerre. La priorité est de pénaliser les trafics qui financent les mafias et le terrorisme.

Pour conclure, ce rapport est important et constitue un premier pas. Vos encouragements augurent d’une suite à ce travail, que j’en sois ou non le rapporteur, puisque je dois prochainement être soumis à une élection nationale dans mon pays.

Je demande à l’Assemblée de voter ce rapport à l’unanimité. Il concerne un sujet qui touche l’être humain dans son intimité.

LA PRÉSIDENTE* – Madame la présidente de la commission des questions sociales désire-t-elle répondre ?

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Madame la Présidente, mes chers collègues, je souhaite bien sûr ajouter ma voix à celles qui se sont déjà exprimées pour féliciter M. Marquet, qui s’est toujours engagé au service des grandes causes dans le domaine de la santé, dans le domaine social, et pour la défense des droits humains. C’est notamment à lui que nous devons de pouvoir donner notre avis sur un projet de convention plutôt que sur une convention dont le texte aurait déjà été adopté.

Celles et ceux qui sont restés dans cette salle jusqu’à cette heure tardive après une journée bien remplie seront sans doute d’accord avec moi : le trafic d’organes constitue une atteinte majeure et inacceptable aux droits de la personne humaine. L’adoption d’une convention du Conseil de l’Europe permettant de lutter contre ce fléau, la première au plan international, doit faire notre fierté.

Oui, nous sommes fiers de notre Conseil de l’Europe, qui porte haut la défense des droits inaliénables en adoptant cette convention et en se battant contre le trafic d’organes. Nous sommes fiers et responsables, pour que la convention soit mise en œuvre, pour que nos pays la signent, la ratifient et la mettent en œuvre dans leurs propres territoires, pour que nos systèmes de santé équitables, performants, ouverts à tous, ne soient pas des systèmes dans lesquels les considérations pécuniaires aient leur place. Cela signifie ni vente, ni commerce, ni corruption ; et donc, pas de trafic d’organes. Nous sommes enfin responsables de sociétés plus solidaires dans lesquelles on ne meurt plus par manque d’organes.

Notre action est donc nécessaire. Au-delà du vote de ce soir, nous devons nous engager contre le trafic d’organes, et je sais que je peux compter sur vous.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de recommandation sur lequel 17 amendements ont été déposés.

La présidente de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement. Les amendements nos 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 sur le projet de recommandation ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

L’amendement n° 1, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 1, à remplacer les mots « de l'avant-projet de convention » par les mots suivants : « du projet de convention ».

L’amendement n° 2, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 4, à remplacer les mots : « l'avant-projet de convention » par les mots suivants : « le projet de convention ».

L’amendement n°3, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 5 par le paragraphe suivant : « L'Assemblée souligne qu'il est de la plus haute importance de protéger les personnes vulnérables, en particulier les personnes privées de liberté et les personnes qui ne peuvent consentir pleinement et valablement à une intervention en raison soit de leur âge (s'agissant des mineurs) soit de leur incapacité mentale. À ce dernier égard, elle se réjouit de la disposition du projet de convention qui qualifie de prélèvement illicite d'organes, tout prélèvement réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant. Celle-ci est conforme aux dispositions de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo) interdisant tout prélèvement d'organes de personnes n'ayant pas la capacité de consentir et offre ainsi une protection spéciale à ce groupe de personnes. L'Assemblée note que, s'il est possible pour les Etats de mettre une réserve à l'application de cet article, cela ne sera accepté que dans des cas exceptionnels et conformément aux garanties ou dispositions appropriées sur le consentement en vertu de leur droit interne. Une telle possibilité de réserve vise à faciliter l'accès à la Convention des Etats qui ont une législation moins restrictive que les principes de la Convention d'Oviedo en matière de consentement, tout en respectant les droits fondamentaux des personnes concernées. »

L’amendement n°4, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 7, à remplacer les mots « l'Assemblé plaide en faveur d'un champ d'application aussi large que possible pour la future convention » par la phrase suivante : « l'Assemblée se réjouit du projet de convention qui prévoit l'ouverture à la signature de celle-ci aux Etats non membres du Conseil de l'Europe, avant même son entrée en vigueur, favorisant ainsi un champ d'application le plus large possible ».

L’amendement n°6, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 8.4, après les mots « aux fins de transplantation », à insérer les mots suivants : « ou à d'autres fins ».

L’amendement n°7, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend dans le projet de recommandation, à supprimer le paragraphe 8.5.

L’amendement n°8, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend dans le projet de recommandation, à supprimer le paragraphe 8.6.

L’amendement n° 9, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, remplacer le paragraphe 8.7 par le paragraphe suivant : « de prévoir un Comité des parties indépendant, fort et efficace disposant d'une fonction claire de coordination et de suivi sur la base, entre autres, des obligations de communication pour les Parties ; tout en confiant aux comités compétents – le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et le Comité de bioéthique (DH-BIO) - un rôle dans le suivi de la mise en œuvre de la Convention. »

L’amendement n°10, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, après le paragraphe 8.8, à insérer le paragraphe suivant : « d'exhorter les Etats membres qui souhaitent se réserver le droit de ne pas appliquer la disposition qui qualifie d'illicite tout prélèvement d'organes réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant, de plutôt réviser leurs législations pour les mettre en conformité avec cette disposition et avec la Convention d'Oviedo. »

Les amendements nos 5 et 12 ont également été adoptés à l’unanimité. Toutefois, comme l’adoption de l’amendement n° 17 les ferait tomber, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente ?

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – En l’absence d’objections, les amendements nos 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 sur le projet de recommandation sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements et l’organisation des débats.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement n° 14, déposé par M. Jáuregui, Mmes Batet, Blanco, MM. Díaz Tejera, Gutiérrez, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 2, après les mots « tant au niveau national qu'international », à insérer les mots suivants : « à l'exception des directives de l'Union européenne sur cette matière ».

La parole est à M. Jáuregui, pour le défendre.

M. JÁUREGUI (Espagne)* – Je retire les amendements nos 14, 15, 16 et 17, que j’avais déposés en vue d’améliorer le rapport, afin d’obtenir l’unanimité et parce que le sens de ces amendements est satisfait par le document.

L’unanimité est plus importante que les singularités.

LA PRÉSIDENTE* – Les amendements nos 14, 15, 16 et 17 sont retirés.

L’amendement no 11 a été retiré par M. Le Déaut. Personne ne souhaite le reprendre ?

Ce n’est pas le cas, l’amendement n’est donc pas soutenu.

L’amendement n°5, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de recommandation, paragraphe 8.1, à remplacer les mots suivants « de l'avant-projet de convention » par les mots suivants : « du projet de convention ».

La parole est à Mme Maury Pasquier, pour le défendre.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – L’amendement n5 a été adopté à l’unanimité, toutefois, comme l’amendement n17 menaçait de le faire tomber, il n’a pas été considéré comme adopté. L’amendement n17 ayant été retiré, il n’y a plus d’obstacle à l’adoption de cet amendement.

LA PRÉSIDENTE* – Je mets aux voix l’amendement n° 5.

L’amendement no 5 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement n° 12, déposé par MM. Le Déaut, Bapt, Mmes Grozdanova, Pipili, Giannakaki, MM. Taliadouros, Franken, Sannen, Van der Maelen, tend dans le projet de recommandation, paragraphe 8, après les mots « dudit trafic notamment » à insérer les mots suivants : « en incitant les parties à contribuer, par tous les moyens à leur disposition, à l'augmentation de l'offre d'organes pouvant être greffés, notamment par la recherche sur des méthodes alternatives et ».

Le premier signataire de cet amendement, M. Le Déaut, n’est pas présent, mais j’ai cru comprendre que Mme Maury Pasquier souhaitait le défendre.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Cet amendement a également été adopté à l’unanimité par la commission.

LA PRÉSIDENTE* – Je le mets aux voix.

L’amendement no 12 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement no 13 a été retiré par M. Le Déaut. Personne ne souhaite le reprendre ?...

L’amendement n’est pas soutenu.

Nous allons procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13082, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté à l’unanimité des 49 suffrages exprimés.

LA PRÉSIDENTE* – Je tiens à remercier les interprètes de leur aide, et d’être restés un peu plus longtemps que prévu avec nous.

4. Prochaine séance publique.

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 20.

S O M M A I R E

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan

Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan (Discussion commune)

Présentation par MM. Agramunt et Debono Grech, du rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) (Doc. 13084)

Présentation par M. Strässer du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13079 et Addendum)

Orateurs : Mme Brasseur, M. Walter, Mme Werner, M. Volontè, Mmes von Cramon-Taubadel, Christoffersen, MM. Bockel, Rouquet, Rzayev, Mme Schuster, MM. Shlegel, Legendre, Iwiński ; Mme de Pourbaix-Lundin, M. Slutsky, Mme Hovhannisyan, M. Jakič, MM. Seyidov, Rustamyan, Mme Čigāne, MM. Chisu, Gaudi Nagy, Mariani, McNamara, Dişli, Hancock, Mme Fataliyeva, MM. Conde, Ghiletchi, Nessa, Mmes Zohrabyan, Gafarova, Sobolev, Huseynov, Harutyunyan, Mme Bakoyannis, MM. Ariev, Pintado, Mme Orobets, MM Xuclà, Huseynli, Mme Wohlwend, MM. Leyden, Valentino, Mme Mateu Pi, MM. Sidyakin, Reimann, Aleksandrov, Ahmet Kutalmiş Türkeş

Réponses de M. le rapporteur et de M. Chope, président de la commission des questions juridiques

Réponses de MM. Debono Grech et Agramunt, corapporteurs et de M. Herkel, président de la commission de suivi

Votes sur des projets de résolution amendés

3. Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine

Présentation par M. Marquet du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13082 et Addendum)

Orateurs : Mmes Borzova, Kyriakides, M. Jáuregui, Mmes Schuster, Virolainen, Rupprecht, MM. Moreno Palanques, Le Déaut, Schneider, Recordon, Mmes Quintanilla, Miladinović, MM.  Schennach, Shipley, Sheridan, Elhankouri

Réponses de M. le rapporteur et de Mme Maury-Pasquier, présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de recommandation amendé

4. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ

Karin ANDERSEN

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/ Gerardo Giovagnoli

Khadija ARIB/Tineke Strik

Volodymyr ARIEV

Mörður ÁRNASON

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE*

Viorel Riceard BADEA

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE

Gérard BAPT

Gerard BARCIA DUEDRA

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ*

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY/Robert Neill

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET*

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ/Ismeta Dervoz

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO/Rossana Boldi

Ankie BROEKERS-KNOL

Piet DE BRUYN/Ludo Sannen

Patrizia BUGNANO/Giuliana Carlino

André BUGNON/ Maximilian Reimann

Natalia BURYKINA

Sylvia CANEL/ Viola Von Cramon-Taubadel

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT/Kerstin Lundgren

Otto CHALOUPKA/Pavel Lebeda

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI/Paolo Corsini

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV/Stanislav Ivanov

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON*

Deirdre CLUNE/Terence Flanagan

Agustín CONDE

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA

Carlos COSTA NEVES

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand De DECKER

Arcadio DÍAZ TEJERA/Carmen Quintanilla

Peter van DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ

Jim DOBBIN

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS

Daphné DUMERY/Fatiha Saïdi

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU*

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA

Relu FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ/Rom Kostřica

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON

Erich Georg FRITZ

Sir Roger GALE/Cheryl Gillan

Jean-Charles GARDETTO

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA/Otari Arshba

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA/Renato Farina

Jean GLAVANY/Christian Bataille

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI

Svetlana GORYACHEVA/Anton Belyakov

Martin GRAF

Sylvi GRAHAM

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST/Marie-Louise Fort

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER/Péter Hoppál

Gergely GULYÁS/László Koszorús

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ/ Jordi Xuclà

Ana GUŢU*

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Andrzej HALICKI/Marek Borowski

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Luc Recordon

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL

Adam HOFMAN

Jim HOOD/Joe Benton

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER/Frank Schwabe

Andrej HUNKO*

Susanna HUOVINEN

Ali HUSEYNLI

Rafael HUSEYNOV

Shpëtim IDRIZI/Kastriot Islami

Vladimir ILIČ*

Igor IVANOVSKI

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/Jacques Legendre

Roman JAKIČ

Tedo JAPARIDZE*

Ramón JÁUREGUI

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Mats JOHANSSON

Jadranka JOKSIMOVIĆ/Aleksandra Djurović

Birkir Jón JÓNSSON

Čedomir JOVANOVIĆ/Svetislava Bulajić

Antti KAIKKONEN/Sirkka-Liisa Anttila

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA*

Mariusz KAMIŃSKI/Łukasz Zbonikowski

Marietta KARAMANLI/Jean-Pierre Michel

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV

Bogdan KLICH

Serhiy KLYUEV/Volodymyr Pylypenko

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Alev KORUN

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Dmitry KRYVITSKY

Václav KUBATA

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU*

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV/Alexander Sidyakin

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE/André Schneider

Jean-Louis LORRAIN/Yves Pozzo Di Borgo

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Younal LOUTFI

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX/ Philippe Blanchart

Gennaro MALGIERI

Nicole MANZONE-SAQUET/Bernard Marquet

Pietro MARCENARO

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA/Riitta Myller

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Ivan MELNIKOV/Tamerlan Aguzarov

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann

Djordje MILIĆEVIĆ/Vesna Marjanović

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV/Alexander Ter-Avanesov

Jerzy MONTAG

Rubén MORENO PALANQUES

Patrick MORIAU

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK/Marek Krząkała

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH

Lev MYRYMSKYI

Philippe NACHBAR/ Bernard Fournier

Oľga NACHTMANNOVÁ

Gebhard NEGELE

Aleksandar NENKOV

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER

Baroness Emma NICHOLSON*

Elena NIKOLAEVA/Olga Kazakova

Aleksandar NIKOLOSKI

Mirosława NYKIEL*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE*

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA

Ganira PASHAYEVA/Sahiba Gafarova

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG

Foteini PIPILI

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN*

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Michael Connarty

Jakob PRESEČNIK/Polonca Komar

Radoslav PROCHÁZKA*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ/Miroslav Krejča

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN*

Rovshan RZAYEV

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO

Kimmo SASI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER

Damir ŠEHOVIĆ*

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL/Yury Solonin

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Ladislav SKOPAL/Kateřina Konečná

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Christoph STRÄSSER

Karin STRENZ*

Giacomo STUCCHI

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO/Yevhen Marmazov

Vilmos SZABÓ

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI/Imre Vejkey

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO/Robert Shlegel

Romana TOMC

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI

Tomáš ÚLEHLA/Dana Váhalová

Ilyas UMAKHANOV/ Alexey Ivanovich Aleksandrov

Viktor USPASKICH/Egidijus Vareikis

Giuseppe VALENTINO

Miltiadis VARVITSIOTIS/Liana Kanelli

Ljubica VASIĆ/Stefana Miladinović

Volodymyr VECHERKO/Larysa Melnychuk

Stefaan VERCAMER

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Varujan VOSGANIAN*

Tanja VRBAT*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON

Katrin WERNER

Renate WOHLWEND

Karin S. WOLDSETH

Gisela WURM

Karl ZELLER*

Svetlana ZHUROVA/Yury Shamkov

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV/Anvar Makhmutov

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN/Armen Rustamyan

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Monténégro*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Joris BACKER

David CRAUSBY

Johannes HÜBNER

Naira KARAPETYAN

Charles KENNEDY

Elvira KOVÁCS

Jaana PELKONEN

Observateurs

Marjolaine BOUTIN-SWEET

Corneliu CHISU

Sladan ĆOSIĆ

Bev SHIPLEY

Partenaires pour la démocratie

Nezha EL OUAFI

Mekki ELHANKOURI