AS (2013) CR 09

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la neuvième séance

Vendredi 25 janvier 2013 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 heures, sous la présidence de Mme Wurm, Vice-Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

1. Déclaration écrite

LA PRÉSIDENTE* – Conformément à l’article 53 du Règlement, une déclaration écrite n° 535 sur «Le droit à une famille, unité naturelle et fondamentale de la société» a été déposée (Doc. 13112). Elle a été signée par 34 membres de l’Assemblée.

Les représentants, suppléants, observateurs et partenaires pour la démocratie qui désirent ajouter leur signature au bas de cette déclaration peuvent le faire au service de la Séance, bureau 1083 et ce jusqu’à la clôture de la présente partie de session.

Je rappelle que les déclarations écrites qui ont été déposées au cours de cette partie de session peuvent également être signées durant la prochaine partie de session, à la suite de quoi elles seront publiées.

2. Modifications dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE* – Conformément à l’article 53 du Règlement, des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2013) 01 Addendum 9.

Il n’y a pas d’opposition à ces modifications?…

Elles sont adoptées.

3. Egalité des sexes, conciliation de la vie personnelle, de la vie professionnelle et coresponsabilité

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme Carmen Quintanilla, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, sur le thème suivant:»Égalité, conciliation vie personnelle-vie professionnelle et coresponsabilité» (Doc.13080).

Le temps de parole des orateurs est limité à quatre minutes.

Pour conclure l’examen de ce texte en temps utile, nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 heures 35, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires. Il n’y a pas d’opposition?…

Il en est ainsi décidé.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

La parole est à Mme Quintanilla, rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

Mme QUINTANILLA (Espagne), rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* –C’est un grand honneur pour moi de m’exprimer devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous allons mener un débat sur l’égalité des chances entre hommes et femmes, plus précisément sur la conciliation entre la vie personnelle, la vie professionnelle et la vie familiale, ainsi que sur la notion de la coresponsabilité.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a confié un mandat à tous ses Etats membres afin d’aboutir à une meilleure conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, pilier fondamental de l’égalité des chances. Au cours des dernières décennies, l’ensemble des Etats membres se sont donc efforcés de mettre en œuvre des législations à cet effet. Pourtant, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle reste bien plus compliquée pour les femmes, qui doivent consentir des efforts considérables pour y parvenir, que pour les hommes, tant il est vrai que ce sont surtout elles qui s’occupent des enfants et des personnes âgées tout en essayant d’avoir un emploi.

Selon les données résultant d’une étude réalisée sur la qualité de vie en Europe, la vie familiale et professionnelle, les taux de participation des hommes et des femmes aux tâches ménagères affichent encore un grand écart. En moyenne, environ 80% des femmes sont impliquées au quotidien dans la vie domestique familiale contre 45% des hommes. Mais cet écart varie sensiblement d’un pays à l’autre: 17 % des hommes participent aux tâches ménagères en Turquie contre 70% en Suède.

Même si elles ont avancé sur le chemin de l’égalité, les femmes continuent de porter sur leurs épaules le poids de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. D’où la nécessité d’un changement sur le plan législatif, sur le plan des négociations collectives et sur celui des aides apportées aux familles. Le changement législatif pourrait cibler les congés de paternité et offrir des formes plus souples d’organisation, notamment des horaires flexibles et du télétravail. Il conviendrait également d’autoriser les entreprises à appliquer à titre volontaire des mesures de conciliation plus avantageuses, de renforcer la recherche sur les difficultés que représente la conciliation de la vie professionnelle, familiale et personnelle, et sur leurs impacts.

Mais un changement législatif ne suffira pas à régler la question, un changement des mentalités s’impose également. C’est pourquoi le rapport reprend souvent le terme de «coresponsabilité», qui est fondamental dans le cadre de ce débat que nous devons, en tant que parlementaires, relayer dans chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe. La coresponsabilité suppose un changement des mentalités, sans lequel il ne servirait à rien de changer la législation.

La coresponsabilité implique que nous nous engagions pour que la législation accompagne le changement des mentalités. Les mères comme les pères doivent s’occuper des enfants; de même, les hommes tout autant que les femmes doivent dispenser des soins aux personnes âgées. Une famille a besoin d’un père et d’une mère: c’est un véritable défi que nous devons relever en matière d’égalité des chances dans nos sociétés du XXIe siècle.Il importe de souligner que la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle est un problème qui ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les hommes. Il s’agit d’un défi qui doit être relevé par les deux sexes.

Quand on examine l’histoire des femmes, on s’aperçoit que d’importantes étapes ont d’ores et déjà été franchies. Dans le cadre de cette Assemblée, nous avons beaucoup discuté des politiques en faveur des femmes et de l’égalité des sexes, et chaque Etat membre s’est doté de sa propre législation en la matière. Toutefois, nous avons encore du pain sur la planche. La prochaine étape sur le chemin de l’égalité sera d’aboutir à une véritable conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Pour cela, il convient de revoir la législation, de modifier les conventions collectives, de favoriser la famille, mais aussi d’engager un véritable changement des mentalités, qui placerait le principe de coresponsabilité au cœur des relations entre les hommes et les femmes.

LA PRÉSIDENTE* – Merci, Madame la rapporteure. Il vous restera cinq minutes pour votre réplique à la fin de la discussion générale.

La parole est à Mme Fusu, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme FUSU (République de Moldova) – Je félicite Mme Quintanilla pour son travail et pour ses réflexions à la fois généreuses et humaines sur un thème qui est en permanence d’actualité: comment trouver un équilibre, un confort spirituel et matériel entre la vie personnelle et la vie professionnelle? Qu’est-ce que l’égalité entre les femmes et les hommes? A mon avis, c’est quand les uns et les autres disposent d’une égalité de chances pour décider de leur avenir.

Alors que l’on assiste aujourd’hui à un vieillissement de la population et à un changement des structures familiales dans presque toute l’Europe, il semblerait que la société et l’Etat «punissent» les familles et, plus particulièrement, les femmes, d’avoir le courage de procréer. Je suis d’accord avec la philosophe française Elisabeth Badinter, citée dans le rapport, qui dénonce dans son livre Le conflit, la femme et la mère une «tyrannie de la maternité», ainsi qu’avec l’académicienne américaine Anne-Marie Slaughter, qui affirme que «nous pouvons tout avoir en même temps, mais pas maintenant», dans les conditions socio-économiques actuelles.

Pour partager les responsabilités au sein de la famille, en dépassant la division traditionnelle des rôles, un changement profond des mentalités est nécessaire. Oui, nous vivons une ère de la consommation, mais on oublie trop souvent, par mauvaise foi ou par ignorance, que la conciliation vie personnelle - vie professionnelle est essentielle pour la croissance économique, pour le bon fonctionnement du marché du travail et pour une meilleure utilisation du capital humain existant. Par exemple, une plus large répartition des responsabilités et du savoir-faire diminue les risques pour l’entreprise; de même, l’amélioration de la motivation et de l’engagement des collaborateurs augmente leur productivité.

Permettez-moi de rappeler trois principes soulignés par Jérôme Ballarin, auteur du rapport de l’Observatoire de la parentalité en entreprise sur les pratiques favorisant la parentalité masculine, qui a été remis au Gouvernement français le 2 février 2012. Premièrement, la transformation culturelle, organisationnelle et managériale des entreprises est nécessaire pour que les femmes puissent, à salaire égal, trouver toute leur place au sein de ces dernières. Deuxièmement, une révolution conjugale doit amener les hommes à s’impliquer davantage dans les tâches familiales et domestiques. Enfin, il faut encourager, valoriser et accompagner les hommes, de plus en plus nombreux, qui recourent au temps partiel, au télétravail ou à des modulations d’horaires pour s’investir davantage familialement, au bénéfice professionnel de leur compagne.

Il existe certes déjà beaucoup de principes et de recommandations. Il convient toutefois de faire progresser encore, grâce à des politiques bien pensées, la diffusion des informations et des bonnes pratiques, ainsi que le changement des mentalités. Il convient d’élaborer un nouveau contrat social visant à un partage plus équilibré, plus coresponsable des tâches entre les femmes et les hommes.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Kürkçü, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – Nous soutenons sans réserve le rapport de Mme Quintanilla, qui a été rédigé avec beaucoup de doigté et de finesse. Il fait le tour des questions qui se posent aujourd’hui pour les femmes de tous les pays. Il n’appelle donc aucune objection.

En tant qu’homme venant d’un pays où les femmes sont confrontées à davantage de difficultés dans la vie active qu’ailleurs en Europe, je trouve ce rapport d’autant plus important. Dans mon pays, le gouvernement encourage désormais les familles à avoir au moins trois enfants, mais sans adopter de mesures permettant aux femmes d’être compétitives face aux hommes sur le marché de l’emploi; les femmes sont de ce fait exclues du monde du travail et confinées à la maison. Les mesures envisagées par le rapport apporteraient beaucoup aux femmes de Turquie et d’autres pays où elles connaissent des situations similaires.

Nous considérons que le rapport propose une description équilibrée de la situation des femmes dans l’emploi. Il invite les hommes à partager les responsabilités avec les femmes et il encourage les gouvernements à engager des réformes afin d’améliorer la place des femmes dans la vie sociale, dans la vie active et dans la famille, de sorte qu’elles soient sur un pied d’égalité avec les hommes.

Pour finir, je souhaiterais attirer votre attention sur une affaire qui concerne la Turquie. Une femme, Mme Pinar Selek, vient d’être condamnée à la prison à vie, à la suite d’une procédure judiciaire inique, qui a duré 15 ans. Elle a été condamnée sans la moindre preuve, sans le moindre témoin, et sans qu’elle ait pu bénéficier d’un procès équitable. L’université de Strasbourg, où elle est doctorante, a cessé toute activité pendant une heure hier pour lui manifester son soutien. Je demande à tous les membres de l’Assemblée de se solidariser avec elle et avec toutes les femmes qui sont soumises à des pressions similaires partout en Europe, et en particulier dans mon pays, la Turquie.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Kovács, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Au nom de mon groupe, je voudrais tout d’abord féliciter Mme Quintanilla. Les femmes peuvent-elles vraiment concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle? Parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, certains sont membres de l’Union européenne et d’autres non, certains ont institué le principe de coresponsabilité au sein du foyer et d’autres non.

Il me semble que la priorité doit être de mettre fin aux inégalités et de sensibiliser aux conséquences des écarts de rémunération entre hommes et femmes. Sur cette question, les avis peuvent diverger, mais nous devons nous mobiliser pour que des mesures favorables aux femmes soient prises, tenant compte des interruptions de carrière et des différences de parcours professionnel entre hommes et femmes.

On observe une grande diversité de situations en matière d’égalité entre femmes et hommes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. De manière générale, les femmes restent centrales dans l’éducation des enfants et ont souvent du mal à trouver leur place sur le marché du travail. Elles touchent des revenus inférieurs à ceux des hommes.

Pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, des infrastructures appropriées de garde d’enfants sont indispensables. Il convient par ailleurs de mettre en place un congé parental correctement rémunéré et partagé entre les deux parents. Si neuf mois de congé parental sont accordés au minimum, un tiers pourrait être attribué à la mère, un autre tiers au père, et le dernier à l’un des deux en fonction des besoins de la famille. En cas de ménage monoparental, le parent unique doit pouvoir prendre la totalité de ce congé.

Puisque l’un des objectifs de l’Europe en 2020 est de porter le taux d’emploi des femmes à 60 %, il est nécessaire d’encourager leur participation au marché du travail à tous les échelons et de resserrer les écarts de salaire pour soutenir leur indépendance financière. On doit aussi inciter les femmes à créer des entreprises et promouvoir leur participation à des activités scientifiques et technologiques, notamment à des postes de responsabilité.

L’inégale répartition des tâches domestiques explique en bonne partie les difficultés d’accès des femmes au marché du travail. Pour faciliter leur réinsertion professionnelle, on doit agir prioritairement dans ce domaine, en travaillant à une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Le partage des responsabilités au sein de la famille est absolument décisif. On peut s’appuyer sur un système d’incitation fiscale à destination des entreprises qui favorisent la vie familiale par des horaires souples et des crèches pour les enfants des employés. Les mesures d’exonération fiscale qui encouragent les pères à prendre un congé de paternité constituent également une solution intéressante.

Le Groupe du Parti populaire européen forme le vœu qu’il sera mis fin, à l’avenir, aux inégalités entre les femmes et les hommes, ainsi qu’aux discriminations dont souffrent les femmes dans leur vie privée comme dans leur vie professionnelle.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Bilgehan, au nom du Groupe socialiste.

Mme BILGEHAN (Turquie) – Si davantage de femmes entraient dans la vie active, c’est-à-dire exerçaient un travail rémunéré, la croissance économique mondiale bénéficierait d’un véritable coup de fouet, selon les experts de l’OCDE, dans un rapport intitulé «Inégalités hommes-femmes». Une mixité professionnelle parfaite assurerait une hausse du PIB de 12 % en vingt ans. Les pays qui en bénéficieraient le plus en Europe seraient l’Italie, la Grèce et la Hongrie. Toutefois, plusieurs conditions devraient être réunies.

Tout d’abord, le partage des tâches doit devenir plus équitable. Si les femmes sont moins nombreuses que les hommes à exercer une activité rémunérée, elles passent globalement plus de temps à travailler, rémunérées ou non, dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE.

En Turquie, une femme consacre quotidiennement 4 heures 45 aux tâches domestiques, contre 45 minutes, paraît-il, pour les hommes - ce qui me paraît déjà surévalué! En revanche, les temps de travail sont globalement équilibrés en Allemagne et au Royaume-Uni.

Selon le très intéressant rapport de Mme Quintanilla, 80% des femmes en moyenne prennent en charge le travail domestique quotidien, contre seulement 45% des hommes. L’inégalité varie selon les pays, entre un minimum de 17% des hommes qui participent aux tâches domestiques en Turquie et 70 % en Suède.

Ce pourcentage démontre d’ailleurs l’existence d’une corrélation entre la participation des femmes au marché du travail et le partage des tâches domestiques. En Turquie, le faible taux de travail des femmes, 25% – contre 60% en moyenne dans les pays de l’OCDE –, indique un recul évident. Comme l’a souligné M. Kürkçü, les femmes ne travaillent presque plus en Turquie! En Suède, 80 % d’entre elles participent à la vie active.

Les études montrent que la cause principale de cette situation en Turquie est la difficulté pour les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle. Je le sais bien moi-même, puisque je suis mère de trois enfants, mais il n’est pas impossible d’exercer un métier, à certaines conditions.

Des politiques de conciliation sont nécessaires pour prévenir et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. On constate une variation de la durée du congé parental selon les pays: de 13 mois en Suède à 6 semaines au minimum. Le développement du congé de paternité constitue un pas important vers plus d’égalité dans la prise en charge et le partage des responsabilités relatives aux enfants par les parents.

La bonne qualité des services de prise en charge des enfants est un autre facteur important, tout comme des conditions de travail plus flexibles, ou des mesures prises par les administrations publiques et privées pour aider les employés à mieux gérer leur temps de travail et leurs engagements personnels. Un changement de mentalité est également indispensable. Cessons de montrer dans la publicité des femmes uniquement occupées à des tâches domestiques!

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Mendes Bota.

M. MENDES BOTA (Portugal)* – Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui me paraît tout à fait excellent. La rapporteure va au-delà, et avec raison, du plaidoyer, puisqu’elle formule des propositions concrètes afin de garantir une plus grande égalité des sexes en Europe.

Pour avancer sur cette voie, il faut d’abord, selon moi, transformer les mentalités, en particulier celle des employeurs, et remettre en question le statu quo établi depuis longtemps.

Cette Assemblée n’a pas été créée pour maintenir le statu quo. Des millions de femmes créatives, indépendantes, attendent le jour où elles pourront pleinement réaliser tout leur potentiel dans un monde en lutte constante avec ses insuffisances morales.

Il est un despote qui, bien que silencieux et invisible, est tout puissant dans nos sociétés modernes; c’est la discrimination de genre. Cette dictature invisible n’est pas armée, et pourtant elle a duré plus que toute autre dans l’histoire de l’humanité. Afin de renverser ce despotisme de genre, nous devons construire les fondations dans nos propres baraquements. Ces fondations ne sont pas matérielles, elles reposent sur des principes, mais elles sont aussi solides que l’acier le plus résistant car c’est sur les principes que des nations prospèrent tandis que d’autres déclinent.

Il est vrai que pour réconcilier vie familiale et professionnelle, des investissements sont exigés de la part des Etats et des employeurs. Il s’agit de soutien financier, de services, d’assistance, autant de mesures qui ont un coût important. Mais qui voudrait continuer de détourner le regard face à ce problème de la discrimination systématique d’un genre? C’est de nos épouses, de nos amies, de nos sœurs qu’il s’agit!

Nous sommes bien conscients des sacrifices que la plupart des femmes, confrontées à l’inévitable dilemme, sont tenues de faire au moment de la maternité, au prix de leur métier, de leur carrière, de leur vie sociale, et de leur indépendance même. Ce choix est souvent fait à contrecœur. Il découle d’un manque d’initiative de la part des principales parties prenantes. C’est nous, législateurs, qui sommes à blâmer.

Certes, Rome ne s’est pas faite en un jour, mais il a bien fallu un plan de départ, une première pierre, un lien sacré entre le peuple et l’immortalité. Aujourd’hui, les noms de ces premiers pionniers sont gravés dans le marbre de nos esprits. Soyons les explorateurs des temps modernes, les porte-étendards d’un nouveau grand idéal, celui de l’égalité entre les genres!

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Bourzai.

Mme BOURZAI (France) – Madame la Présidente, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent rapport de notre collègue Carmen Quintanilla qui a le mérite de dépasser le seul angle de l’inégalité entre hommes et femmes pour poser les termes d’un vrai débat sur la place de la famille et l’organisation de la vie privée dans nos sociétés modernes. Je souscris à la plupart des conclusions du projet de résolution qui a le mérite de proposer des réponses fondées sur les meilleures pratiques observées au sein de nos États membres. Le Conseil de l’Europe c’est aussi cela: un véritable forum d’échanges en vue d’appréhender de façon la plus efficace possible les défis sociaux auxquels sont confrontés nos concitoyens.

L’an dernier, une universitaire française, Laurence Cocandeau-Bellanger, a publié une étude intéressante sur les femmes au travail. Elle met en avant dans son travail trois stratégies possibles de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

La première, l’anticipation, consiste à prévoir et prévenir ce qui peut advenir dans la vie de ces femmes afin de mieux organiser leur conciliation avec le risque toujours possible d’un événement imprévu. La deuxième, l’action, est le fait de vivre à l’instant présent, et d’être en constante mobilité entre ces deux vies. Elle présente un risque: celui de culpabiliser de ne pas en faire assez. La dernière, la stratégie de distanciation, consiste à prendre du recul, face à une situation souvent conflictuelle, pour tenter de l’améliorer et de trouver des solutions.

Comme le conclut l’auteure, il n’existe pas en la matière de stratégie miracle. Chacune peut correspondre à une situation personnelle précise. L’universitaire invite avant tout les femmes à essayer d’être actrices de leur parcours, à chercher à être conciliatrices davantage que conciliantes. Cette position n’est pourtant pas tenable s’il n’existe pas de soutien au sein même de la famille mais aussi dans la société.

C’est d’ailleurs l’intérêt du rapport présenté ce matin. Nous, politiques, devons œuvrer en vue de trouver une réponse technique satisfaisante pour que les femmes puissent mener de concert vie professionnelle et vie familiale. On connaît bien les pistes à creuser en la matière: soutien aux crèches d’entreprises, réflexion sur les horaires et les formes de travail, etc. Nous ne pouvons néanmoins nous limiter à cette seule réponse. Nous devons accompagner en même temps un changement réel des mentalités. Je salue à cet égard le souhait de la rapporteure d’insister sur le principe de coresponsabilité au sein du foyer.

La clé est sans doute là, dans cette nouvelle répartition des tâches au sein de la cellule familiale. Si elle se développe, elle pourra permettre de dépasser le cliché d’une femme forcément moins efficace au niveau professionnel parce qu’encline à répondre en priorité aux problèmes de son quotidien: la bronchiolite du petit dernier, la fermeture exceptionnelle de l’école. La maternité ne saurait être plus longuement envisagée comme un choix affectant une carrière professionnelle. L’absence d’enfant ne peut plus constituer aujourd’hui la condition sine qua non d’une réussite professionnelle pour une femme.

Par-delà la question du travail, la coresponsabilité doit également être une solution en vue de mieux concilier la maternité avec d’autres exigences. Comme l’indique Laurence Cocandeau-Bellanger, il est important aujourd’hui pour une femme de concilier quatre sphères: familiale et professionnelle, mais aussi individuelle – il s’agit du temps pour soi – et sociale: il s’agit-là du temps des loisirs. Plus que jamais donc, sensibilisons nos concitoyens à ce mode de vie et favorisons son développement.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Palihovici.

Mme PALIHOVICI (République de Moldova)* – Je félicite Mme Quintanilla pour son rapport qui aborde un sujet délicat, celui du partage des responsabilités et des opportunités de carrière pour les femmes.

Bien sûr, beaucoup vous diront que la question n’a rien d’urgent tandis que sévit la crise économique et financière, ou que le monde est ainsi fait, et que les hommes ont été créés pour faire de l’argent et poursuivre une carrière tandis qu’il revient aux femmes de s’occuper du foyer et des enfants. Peut-être en est-il ainsi depuis quelques milliers d’années, mais aujourd’hui le monde a changé, et c’est tant mieux. De nouvelles règles de gouvernance, de nouvelles technologies ont transformé nos vies et ont toutes été acceptées pour le bien-être de l’humanité. C’est aussi pour cela que nous devons entreprendre des actions concrètes permettant d’offrir une égalité de chances entre hommes et femmes sur le plan professionnel.

Tout cela ne doit pas avoir d’impact sur la famille et l’épanouissement des enfants, il faut donc mettre l’accent sur le partage des responsabilités au sein de la famille. Un bon exemple de ce partage est celui de la responsabilité parentale partagée lorsque les deux parents sont impliqués dans l’éducation de leurs enfants. Pour éviter d’éventuels conflits entre hommes et femmes lorsque des décisions sont prises concernant le partage des responsabilités, des politiques doivent être mises en œuvre. Il faut développer des programmes dans le but d’harmoniser la vie familiale et la vie professionnelle, et les intégrer aux politiques nationales et européennes sur l’égalité des genres. Il faut également développer des enseignements afin de sensibiliser les citoyens aux droits humains. Les services sociaux et médicaux de protection de l’enfance doivent être développés, et les hommes et les femmes doivent apprendre à accepter les responsabilités partagées.

Pour vous donner un exemple, selon la législation des pays, le congé de maternité peut aller jusqu’à trois ans. Mais après trois ans d’absence, lorsque la femme revient au travail, elle n’est plus considérée comme faisant pleinement partie de l’équipe. L’Etat doit veiller à ce qu’une bonne mesure en apparence n’ait pas, au bout du compte, des répercussions négatives sur la carrière des femmes. Il faut analyser ces phénomènes et élaborer des politiques et des législations plus adaptées.

La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est un défi pour les femmes comme pour les hommes. Un bon cadre législatif doit être mis en place et de bonnes politiques conduites pour arriver à une véritable égalité entre les hommes et les femmes afin de faciliter l’accès des femmes au travail et de renforcer leur participation à la vie économique et sociale de la société dans laquelle elles vivent.

Il ressort de l’analyse de notre rapporteure que la coopération à l’échelle internationale doit être développée et renforcée. Des expériences politiques ont été menées dans certains pays d’Europe occidentale, qui mériteraient de faire l’objet d’une promotion, et à mon sens, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient coopérer activement avec les organisations internationales qui travaillent pour l’égalité entre les hommes et les femmes et pour renforcer l’autonomie des femmes. Les organisations internationales jouent un rôle clé pour faire avancer ce dossier. Il faut véritablement faire plus pour que les femmes puissent être pleinement autonomes dans la vie politique, la vie sociale et sur le plan professionnel.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Brasseur.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Je remercie notre rapporteure, Mme Quintanilla, qui a vraiment présenté un rapport très équilibré, touchant tous les aspects de la question. Je suis très heureuse que nous ayons cette discussion en présence de Mme la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe qui suit de près toutes ces questions.

A mon avis, cinq aspects sont étroitement liés quand on parle de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle au regard de l’égalité des sexes: les mentalités, les infrastructures, la logistique et la législation, la question sociale et la responsabilité des parents.

Pour ce qui est des mentalités, on voit bien que sur le partage des rôles entre hommes et femmes, il existe une disparité géographique entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, et encore faudrait-il nuancer. Ces mentalités à changer se fondent sur une culture. Je ne sais si des collègues italiens sont dans la salle, mais le symbole fort de la «mamma» italienne traduit bien la mentalité qui peut exister dans certains pays où les rôles sont assez figés. Notre collègue turque en parlait également.

Mais pour pouvoir changer les mentalités, il faut créer les conditions de leur changement. Parmi celles-ci, il y a les infrastructures. Il faudra des structures d’accueil de proximité avec un encadrement de qualité, pour rendre possible l’organisation de la vie familiale, professionnelle et l’éducation des enfants.

En termes de logistique et législation, troisième aspect, il y a une responsabilité des entreprises pour avoir plus de souplesse dans l’aménagement du temps de travail. Nous sommes, de ce point de vue, appelés à réfléchir sur le droit du travail qui, dans certains pays, est vraiment trop strict et n’apporte pas la souplesse qui serait nécessaire. En la matière, il convient donc aussi de progresser.

Concernant la question sociale, nous voyons bien que dans les pays où les femmes travaillent et peuvent avoir des responsabilités professionnelles à haut niveau, ce ne sont pas ces femmes-là qui ont des difficultés parce que, généralement, leur niveau de rémunération et de vie sont élevés. Le problème, ce sont les femmes de familles monoparentales ou dans un ménage à faible revenu, qui doivent travailler par nécessité, pour des raisons financières. Pour elles, c’est bien plus compliqué parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’organiser. C’est donc une question sociale, car c’est socialement qu’il faut aider ces femmes.

C’est aussi, cinquième aspect, une question de responsabilité dans un couple ou un partenariat entre homme et femme, mais c’est également une question de responsabilité vis-à-vis des enfants. Quand on a des enfants, on ne peut pas faire comme si l’on n’en avait pas. L’intérêt des enfants prime. La collectivité ne peut se substituer à l’éducation des enfants, cela doit rester la responsabilité des parents. Il faut le rappeler dans ce débat.

Je pense donc que ce débat n’est pas un débat pour les femmes mais dans l’intérêt de la prochaine génération.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Gafarova.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je commencerai par féliciter ma collègue Mme Quintanilla pour son excellent rapport.

La question de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est primordiale aujourd’hui. Elle est directement liée au droit des femmes. Nous le savons, l’égalité entre hommes et femmes est l’un des droits fondamentaux inscrits dans de nombreuses conventions et documents internationaux. Le droit international accorde donc de nombreuses garanties aux femmes. Cependant la théorie est une chose, mais la pratique, pour diverses raisons, en est une autre. Difficile de trouver des solutions aux discriminations auxquelles les femmes sont confrontées! Il nous faut donc conjuguer nos forces afin d’améliorer la situation.

Permettez-moi de profiter de cette opportunité pour vous donner un inventaire des mesures engagées dans mon pays afin de promouvoir l’activité des femmes dans les domaines social, politique et économique.

Tout d’abord, l’Azerbaïdjan a été le premier pays à l’Est dans lequel les femmes ont obtenu le droit de vote. C’était au début du XXe siècle. Mais vous le savez également, cela fait 21 ans que l’Azerbaïdjan est devenu un Etat indépendant et, depuis, de nombreuses réformes ont été menées pour la promotion des activités des citoyens afin de former une société civile, réformes qui ont aussi permis de renforcer le rôle des femmes dans la société.

Aujourd’hui, en Azerbaïdjan, les femmes sont actives dans tous les secteurs de la vie publique. Les domaines dans lesquels les femmes constituent une majorité sont ceux de la santé publique, avec 78,6% de femmes, de l’éducation, 71%, et de la culture, 75 %. Mais il faut aussi savoir que dans le secteur de la santé publique, les femmes occupent 37% des postes à responsabilité, 44% dans l’éducation et 23% dans la culture et le tourisme. Nous comptons 16% de femmes parmi nos parlementaires et, à l’heure actuelle, trois femmes sont membres de notre Académie nationale des sciences et 12 d’une autre académie. Tout cela montre que notre gouvernement fait au mieux pour améliorer le rôle et les conditions de vie des femmes dans la société.

Récemment, nous nous sommes rendu compte que le rôle des femmes dans le secteur économique s’était renforcé grâce à toutes les mesures qui avaient été adoptées dans ce sens et mises en œuvre. Notre gouvernement en prend actuellement de nouvelles en faveur des femmes afin de renforcer encore leur rôle dans le secteur économique. J’en citerai une parmi tant d’autres: aujourd’hui, les femmes se voient accorder plus facilement des crédits afin de créer leur propre entreprise. L’Etat a aussi mis en place des mesures pour les femmes dans les zones rurales afin qu’elles puissent gérer leur exploitation.

J’espère que ce type d’expériences, positives, nous permettra d’améliorer la situation des femmes.

En conclusion, je suis convaincue qu’il faut renforcer la représentation des femmes dans tous les domaines de la vie, pas seulement dans les secteurs traditionnels comme l’éducation et la santé, mais également dans le domaine économique et social. Conjuguons nos forces pour y parvenir.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Triantafyllos.

M. TRIANTAFYLLOS (Grèce)* – Je félicite notre rapporteure pour son excellent rapport.

Dans les démocraties modernes, l’égalité entre les sexes est à la fois un objectif fondamental et un droit de l’homme fondamental. Nous ne réaliserons notre vision d’une société meilleure que si les femmes et les hommes se partagent à égalité les richesses, les obligations et les droits dans tous les aspects de la vie sociale, personnelle, professionnelle et familiale.

Le choix des études, de l’emploi qu’une femme souhaite exercer, du nombre d’enfants qu’elle veut avoir, de participer ou non aux affaires publiques et d’occuper des responsabilités politiques, rien de tout cela ne conduira à un changement durable tant que nos sociétés n’aboliront pas tous les stéréotypes liés au genre.

En cette période de crise économique, il semble que le fossé se creuse encore entre les femmes et les hommes. Pourtant, lutter contre ces inégalités n’est pas un luxe; cela doit être au contraire un élément central des politiques économiques, sociales et culturelles mises en œuvre pour tenter de sortir de la crise.

La discrimination fondée sur le genre est souvent associée à d’autres types de discriminations sociales qui l’aggravent: les femmes jeunes, les femmes au chômage, les immigrantes, les femmes élevant seules leurs enfants, les femmes handicapées, les femmes roms ou appartenant à des minorités ethniques et religieuses sont frappées davantage que d’autres par la crise économique. De même, elles sont souvent davantage victimes de la violence des hommes. Il est donc tout à fait essentiel de considérer comme prioritaires des interventions publiques en faveur de toutes ces femmes.

Par ailleurs, les politiques européennes et nationales doivent viser à l’insertion pleine et entière des femmes dans l’emploi. Pour ce qui est de concilier la vie personnelle et la vie familiale, les femmes continuent, dans la plupart des pays d’Europe, à s’occuper principalement de leur famille, de l’éducation de leurs enfants, des soins aux personnes âgées, aux malades et handicapés et ce sont elles qui assurent l’essentiel des tâches ménagères. Elles sont donc moins présentes sur le marché de l’emploi que les hommes et y restent moins longtemps.

Promouvoir l’égalité entre les genres impose de prendre des mesures en faveur des parents d’enfants en bas âge et de changer les comportements habituels à l’égard des tâches ménagères. Un changement profond des mentalités est donc nécessaire, au-delà des autres actions que l’on peut engager. Améliorer le système d’assurance santé pour la grossesse, mettre en place des congés parentaux plus longs, perfectionner les services de la petite enfance, par exemple en faisant en sorte que des écoles soient ouvertes toute la journée: telles sont quelques-unes des mesures que l’on peut préconiser. Il convient donc de développer le respect de la diversité et de l’égalité des chances partout en Europe. Les progrès vers l’égalité entre les genres sont encore limités: il faut aller plus loin et plus vite.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Blanco.

Mme BLANCO (Espagne)* – Je soutiens sans la moindre réserve le projet de résolution présenté par ma collègue, compatriote et amie Mme Quintanilla. En dépit du fait que nous appartenions à des partis différents, nous avons de nombreuses choses en commun et nous pouvons travailler ensemble, notamment pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans mon pays – comme ailleurs dans le sud de l’Europe –, nous sommes fortement touchés par une crise financière et économique dont la conséquence est qu’il y a maintenant quasiment 6 millions de chômeurs. Or, qui se trouve exclu du marché de l’emploi? Les femmes. Qui doit suppléer aux services publics aujourd’hui défaillants? Les femmes. Qui soutient, malgré de petites retraites, des familles dont tous les membres sont au chômage? Les femmes. La crise qui frappe l’Europe a créé une vraie rupture du contrat social entre le travail et le capital. Ce dernier est devenu spéculatif; il ne crée plus d’emplois et ce sont les femmes que l’on met d’abord à la rue. Jusqu’où une telle crise économique, sociale et institutionnelle, qui ébranle nos sociétés et les pousse au désespoir, peut-elle nous mener? La vie même des femmes est compromise.

Les femmes de notre génération ont voulu être mères de famille tout en travaillant, voire en exerçant des responsabilités politiques. Nous l’avons fait avec beaucoup de difficultés. Or nos filles, qui sont aujourd’hui en âge de travailler, se trouvent en situation de devoir choisir entre l’emploi et la maternité, car trouver un emploi est de plus en plus difficile. On ne parvient donc pas à concilier vie familiale et vie professionnelle: alors que des progrès avaient été accomplis, nous voyons aujourd’hui que nos filles se trouvent de nouveau devant cette injustice et sont obligées de faire des choix extrêmement difficiles.

Je voudrais, pour finir, dire ma solidarité à l’égard de cette mère turque qui a été condamnée si cruellement. Depuis des centaines d’années les femmes sont opprimées parce qu’elles sont femmes. Nous devons toutes être solidaires.

LA PRÉSIDENTE* – Mme Pashayeva, inscrite dans le débat, n’étant pas présente dans l’hémicycle, la parole est maintenant à Mme Ohlsson.

Mme OHLSSON (Suède)* – Je remercie d’abord Mme Quintanilla pour son excellent rapport. Je souhaite que chacun d’entre nous donne suite à ses préconisations.

L’égalité, cela veut dire que les hommes et les femmes, les garçons et les filles doivent avoir la même capacité d’agir dans la société et de conduire leur propre vie. Avant d’être parlementaire, j’ai enseigné les mathématiques pendant 16 ans. Je sais donc fort bien compter… Eh bien, si nous faisons le compte, parmi nous, des hommes et des femmes – même s’il y a peut-être aujourd’hui un peu plus de femmes dans l’hémicycle en raison du sujet de ce débat –, nous verrions sans doute qu’il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes. Il en va certainement de même dans nos parlements nationaux. Les femmes et les hommes ont-ils le même pouvoir pour ce qui est de légiférer? Tout le monde sait fort bien que la réponse est non.

Qu’en est-il de l’égalité dans le domaine de l’économie? Hommes et femmes devraient avoir les mêmes opportunités, les mêmes possibilités d’accès à l’éducation et à l’emploi. Or, dans le cadre d’une vaste campagne de sensibilisation menée en Suède en faveur de l’égalité des salaires, on a constaté qu’il y a encore, même dans un pays aussi avancé que le nôtre, de fortes disparités entre les femmes et les hommes. On a ainsi calculé que les femmes ne sont pas payées pendant 69 minutes par jour!

C’est comme si vous cessiez votre travail à 17 heures tout en n’étant payé que jusqu’à 15 h 30.

Les femmes ont obtenu ces dernières années une toute petite augmentation de salaire par rapport aux hommes: 1%. Mais on ne peut pas attendre encore soixante ans pour atteindre l’égalité réelle!

En ce qui concerne les tâches domestiques, le rapport est inversé. Ainsi, en Suède, les hommes n’ont recours qu’à vingt jours de congé parental. Vous pourriez dire que ce n’est pas si mal, mais à ce rythme, il faudrait cinquante ans pour parvenir à un véritable partage des responsabilités entre les pères et les mères.

J’ai aussi enseigné la biologie, mais – en dépit de ce que certains peuvent affirmer – l’égalité entre les femmes et les hommes n’a rien à voir avec la biologie; elle concerne les comportements, le pouvoir.

Nous pouvons changer les choses: nous avons les outils pour le faire. De même, nous avons les moyens de lutter contre la violence faite aux femmes. Les hommes et les femmes, les garçons et les filles doivent avoir les mêmes chances en termes de protection de leur intégrité physique. Nous devons mettre fin à toute violence contre les femmes comme à toute violence contre les enfants. En Suède, chaque année, quelque 27 000 cas de violences sont dénoncés contre les femmes, soit 74 cas par jour. Ce chiffre doit tomber à zéro!

LA PRÉSIDENTE – La parole est à Mme Boutin-Sweet.

Mme BOUTIN-SWEET (Canada, observateur) – J’ai grand plaisir à représenter aujourd’hui le Canada dans ce débat important.

Le rapport de Mme Quintanilla affirme, avec raison, que des changements profonds de mentalité sont indispensables pour combattre les stéréotypes sexistes liés au travail. La coresponsabilité des partenaires au sein de la famille ainsi que l’égale utilisation des congés parentaux par les pères et les mères sont certainement des moyens d’apporter de tels changements.

Mais pour décider lequel des deux parents prendra le congé parental, un couple se fonde souvent sur le salaire respectif des conjoints. Or des études démontrent qu’il existe bien un écart entre la rémunération des femmes et des hommes, et que cet écart est en partie dû à la discrimination systémique fondée sur le sexe.

Il y a quelques décennies, en effet, c’était l’homme qui assurait le soutien financier de la plupart des familles. Quelques femmes travaillaient, mais leur salaire était plutôt considéré comme un revenu d’appoint. Résultat: l’évaluation des emplois se fait encore aujourd’hui généralement sur la base des compétences plutôt masculines, comme la force physique, par exemple.

Les compétences jugées plutôt féminines sont ainsi moins valorisées lorsqu’on évalue les tâches correspondant à un poste. C’est ce qui explique qu’un poste de secrétaire est moins rémunéré qu’un poste de technicien, et qu’un gardien de parc zoologique reçoit un plus gros salaire que les femmes qui gardent nos enfants.

Il semble donc évident que si l’on veut une pleine et égale participation des femmes sur le marché du travail, il faut éliminer cette disparité salariale systémique. Certains Etats de l’Union européenne ont déjà proposé des mesures pour la corriger, mais malgré cela, l’écart avoisine toujours en moyenne 17 ou 18%.

En 1996, la province canadienne du Québec a adopté la loi sur l’équité salariale, qui s’applique aux travailleuses et travailleurs régis par le Code du travail du Québec, mais qui pourrait, du moins nous l’espérons, être également adoptée au niveau fédéral. Parmi les éléments importants de cette loi, quatre facteurs d’évaluation ont été définis afin que, quel que soit le poste, un travail de valeur égale corresponde à un salaire égal. Le facteur «effort», par exemple, valorise la concentration tout autant que l’effort physique. Un autre élément important de la loi est le maintien de l’équité: une réévaluation doit être faite dans les cinq ans pour s’assurer que les hausses de salaire n’ont pas entraîné un déséquilibre en ce domaine.

Par ailleurs, une commission a été mise en place pour diffuser l’information, proposer des outils et servir de tribunal en cas de mésententes.

En conclusion, l’équité salariale est, à mon humble avis, tout aussi importante que les congés parentaux pour modifier les habitudes et entraîner des changements profonds dans la façon de voir le rôle des femmes et des hommes sur le marché du travail.

L’exemple canadien de la province de Québec semble démontrer que pour arriver à ce résultat, une loi comportant des paramètres bien définis, des moyens de vérification et un système pour la résolution de conflits est essentielle.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Zappone.

Mme ZAPPONE (Irlande)* – Ce rapport met en lumière les inégalités criantes et persistantes qui touchent les femmes dans toute l’Europe, et je félicite Mme Quintanilla de l’avoir souligné d’excellente manière. Notre rapporteure montre bien les effets négatifs des préjugés et des inégalités qui subsistent aujourd’hui au cœur de nos sociétés. Il y a toujours des clichés, des idées reçues sur la division des rôles entre les hommes et les femmes au sein du foyer, ce qui a des incidences très concrètes pour l’emploi des femmes et pour leur sécurité financière. Les femmes continuent à être davantage exposées à la pauvreté et à l’exclusion sociale. Nous en connaissons tous des exemples, et je crois que cela peut nous permettre de réfléchir à cette question avec empathie.

Ce dossier n’a rien de nouveau pour l’Assemblée, ni pour le Conseil de l’Europe ou pour l’opinion publique. Voici près de vingt ans, le Comité des Ministres a publié sa recommandation (96)5 sur la conciliation entre l’activité professionnelle et l’activité familiale et, dix ans plus tard, en 2006, notre Assemblée appelait le Comité à la mettre pleinement en œuvre. Sept années supplémentaires se sont écoulées depuis, et nous en sommes toujours à évoquer l’application de ces principes de base. C’est la raison pour laquelle je considère que le Comité des Ministres devrait être prié par notre Assemblée de faire un rapport sur la mise en œuvre de la recommandation (96)5.

Le principe de la non-discrimination devrait être au cœur de nos débats et de la résolution. Nous devons réfléchir aux implications plus vastes de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale, y compris s’agissant de la représentation des femmes dans la vie publique ou de la discrimination dans les carrières professionnelles, lorsque les femmes ont des enfants et interrompent leur carrière.

Un rapport de l’OCDE sur cette question a conclu en 2012 que, partout, les femmes accomplissent davantage de travail non rémunéré que les hommes. Mes chers collègues, il faut que cela change! C’est pourquoi nous devons fermement plaider contre toute forme de discrimination et inclure spécifiquement des références aux droits des femmes dans nos débats.

Les gouvernements et les institutions publiques doivent montrer l’exemple. Nous devons les appeler fermement à renforcer leurs actions destinées à faire prendre conscience de la nécessité de partager les responsabilités entre hommes et femmes. De même, nous devrions appeler l’ensemble des Etats membres à faire en sorte que la législation et les politiques n’encouragent pas, de façon explicite ou implicite, les préjugés sexistes à l’encontre des femmes.

Enfin, nous devons continuer à insister sur l’introduction de mesures concrètes visant à une représentation égale des femmes dans les parlements, et plus généralement dans tous les milieux: académiques, politiques, conseils d’administration, etc.

Toutes ces mesures sont essentielles si nous voulons vraiment mettre en œuvre le principe de conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. En Irlande, nous avons récemment adopté un amendement à la loi sur le financement des partis politiques qui oblige ces derniers à présenter au moins 30% de candidates aux élections. Il faut davantage de mesures de ce genre afin de corriger le déséquilibre frappant entre femmes et hommes dans les parlements: seulement 21% d’élues en moyenne en Europe, et à peine 15% en Irlande.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Turmel.

Mme TURMEL (Canada, observateur) – Madame la Présidente, je vous remercie de me donner l’occasion d’aborder aujourd’hui le problème de l’égalité des sexes. Je me réjouis de la démarche adoptée par la rapporteure pour parvenir à l’égalité des sexes. Ce choix du mot «conciliation» est important, car il laisse entendre que l’on cherche à atteindre l’équité et l’équilibre.

J’appuie entièrement les recommandations contenues dans le projet de résolution. Elles peuvent servir de points de repère importants pour les pays qui désirent modifier leur législation et leurs politiques afin d’encourager la participation accrue des femmes sur le marché du travail et d’aider tant les hommes que les femmes à concilier leur vie familiale et leur travail.

Parmi tous les pays de l’OCDE, et même les pays riches qui ont adopté des lois d’avant-garde afin de résoudre le problème de l’égalité au chapitre des salaires, l’écart salarial demeure considérable. Par exemple, le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne occupent les troisième et quatrième places parmi les pays affichant un écart salarial supérieur à 20 %.

L’écart salarial reflète en réalité un problème profond et systémique qui n’est pas nécessairement lié à la discrimination. Un des principaux facteurs à l’origine de l’écart salarial est l’épineux problème que constitue la conciliation travail/famille dont la rapporteure fait état, et les choix difficiles que les femmes sont forcées de faire en tant que principales fournisseuses de soins au sein de leur famille. Ces choix se font souvent aux dépens de leur carrière.

Par ailleurs, on continue à sous-évaluer le travail et les compétences des femmes. Des études effectuées par des économistes ont démontré que l’inégalité entre les hommes et les femmes est, dans une large mesure, imputable au rôle des femmes au sein du foyer. Les responsabilités au foyer limitent les heures que les femmes peuvent consacrer à un emploi, réduisent leur mobilité en raison des liens qui les rattachent au foyer, provoquent des interruptions de carrière et se traduisent par des possibilités d’emploi restreintes en raison de la disponibilité exigée par la famille.

Pour éliminer l’inégalité entre les sexes, il faudra complètement bouleverser les attitudes face aux compétences des femmes, à leur rôle au sein de la famille et à la contribution des hommes à la vie familiale. Les parlementaires ont un rôle à jouer pour éliminer cette inégalité. Nous pouvons insister pour que les projets de loi, qu’ils traitent d’un secteur commercial ou de main-d’œuvre, comportent des dispositions qui répondent aux besoins des femmes. Nous devons également comprendre que des projets de loi qui, à première vue, sont neutres au chapitre de l’égalité entre les sexes, peuvent avoir des répercussions différentes sur les hommes et sur les femmes. Pendant ce travail d’examen, nous pouvons trouver des amendements de nature à résoudre le problème de l’inégalité entre les sexes.

Nous pouvons également réclamer des modifications aux procédures de nos propres parlements pour nous assurer que celles-ci tiennent compte des besoins des femmes parlementaires, par exemple, au moment de leurs grossesses. Il pourrait s’agir de leur donner suffisamment de temps pour qu’elles soient avec leurs enfants, tout en leur donnant l’occasion de participer pleinement aux travaux parlementaires.

Dans certains parlements, il faudrait modifier les règles concernant les présences, car elles sont actuellement punitives. Un autre exemple: le vote par procuration ou les députés suppléants qui partageraient les responsabilités parlementaires.

Je veux remercier encore une fois la rapporteure pour son excellent rapport.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Djurović.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Ce déséquilibre entre vie professionnelle et vie familiale concerne davantage les femmes que les hommes. Elles consacrent moins de temps à des activités bien rémunérées que les hommes et deux fois plus de temps à des activités non rémunérées. Elles assument par ailleurs un grand nombre de responsabilités, font face à de nombreuses obligations qui font obstacle à leur participation à la vie professionnelle et politique. Tout cela a une forte influence sur le taux de chômage des femmes, mais aussi sur le taux de natalité, et sur la place des femmes sur le marché du travail.

Il existe toujours un écart considérable entre les hommes et les femmes pour ce qui est des tâches ménagères, des soins apportés aux enfants et aux autres membres de la famille. Les femmes assument la majeure partie des responsabilités dans ces domaines. Elles gagnent aussi moins que les hommes. En Serbie l’écart de salaire s’élève à 16% entre les sexes, et il y a une différence plus marquée dans le taux de chômage entre les hommes et les femmes. Sur dix ans, cette différence s’élève à 17,2% en moyenne.

Plus une femme a d’enfants et plus faible est son taux d’emploi. Encourager les pères à faire usage de leur congé parental permettrait aux femmes de mieux équilibrer leur vie professionnelle et familiale, et changerait peut-être les mentalités. Le système de travail flexible n’est par ailleurs pas assez développé en Serbie. Le pourcentage de personnes qui ont recours à cette possibilité est faible.

Les recommandations de mesures à prendre pour permettre de mieux concilier la vie privée et la vie professionnelle devraient viser une plus forte participation des femmes au marché du travail. Il faudrait ensuite prendre des mesures pour améliorer des services fournis à l’échelon local. Bien entendu, il ne suffit pas de mettre en place un nouveau service, il faut aussi bien informer le public de son existence, des possibilités qu’il offre et des droits dont il peut faire usage et qui lui permettrait d’assurer un meilleur équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle.

Du point de vue politique, l’égalité homme/femme est l’une des priorités des réformes engagées en Serbie sur la voie de l’intégration à l’Union européenne. Mais la Serbie dispose de peu de ressources budgétaires en matière de politique sociale. Il est donc important pour nous de renforcer la coopération avec les organisations internationales compétentes, en particulier avec le Conseil de l’Europe, pour améliorer la situation en matière d’égalité des sexes et pour que nous puissions disposer de ressources, afin de prendre des mesures positives pour aider les femmes à cet égard: en matière de formation, de financement au démarrage des entreprises, d’assistance juridique et de crédit spécial accordés aux femmes chefs d’entreprise.

Enfin, j’aimerais souligner que pour la première fois dans son histoire l’Assemblée nationale de la République de Serbie compte 30% de femmes dans son hémicycle et la délégation présente au Conseil de l’Europe plus de 50% de femmes. C’est un excellent signe. Cela montre que les choses évoluent dans ce domaine.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous félicite!

M. Yatim, inscrit dans le débat, étant absent, et puisque nous sommes un peu en avance, quelqu’un veut-il prendre la parole? Je constate que tel n’est pas le cas

La liste des orateurs est épuisée. J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste 5 minutes. Vous avez la parole

Mme QUINTANILLA (Espagne), rapporteure* – Je vous remercie mes chers collègues, vous avez tous fait preuve d’un énorme engagement et vous avez su mettre en lumière ce que devrait être l’égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle.

Nous, les femmes privilégiées, avons pour devoir de lancer un appel à nos parlements et gouvernements pour que les millions de femmes qui font partie des Etats membres du Conseil de l’Europe puissent concilier leur vie familiale avec leur vie professionnelle. Pour que les femmes qui se lèvent à l’aube pour nettoyer les bureaux ou aider leur époux dans les exploitations agricoles puissent bénéficier d’infrastructures et de protection sur le plan législatif. Il s’agit là d’un des grands défis de la société du XXIe siècle.

Le travail des femmes est une ressource humaine importante, il s’agit donc de mettre en place des bonnes pratiques, comme en Espagne où de nombreuses entreprises commencent à prendre des mesures visant à mieux concilier tous les aspects de la vie de ces femmes. C’est aussi de cette façon que l’on pourra surmonter la crise économique.

Je vous remercie pour l’appui que vous m’apportez en soutenant le rapport. Sachez que grâce à vos interventions, nous pourrons corriger les inégalités dont les femmes sont victimes, car parler de la conciliation revient à parler des femmes qui sont obligées d’opérer un choix entre leur vie professionnelle et leur famille.

Vous avez tous démontré l’importance de la conciliation, vous avez enrichi le débat, m’aidant d’autant, ce dont je vous remercie. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a fait entendre sa voix, s’engageant encore un peu plus sur le chemin de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Parler de conciliation et de coresponsabilité revient à parler du bonheur des hommes et des femmes. C’est aussi synonyme d’engagement, d’égalité en matière de conciliation, une égalité qui doit permettre un plus grand bien-être des hommes et des femmes à la maison comme au travail. C’est encore une meilleure croissance économique et donc un bien-être pour tous au sein de nos cités. C’est enfin parler de justice pour les femmes et les hommes des pays membres du Conseil de l’Europe et de tous les Etats.

Merci à tous, à Mme Acketoft, au secrétariat de la commission, de m’avoir grandement aidée à vous présenter ce rapport.

LA PRÉSIDENTE* – Chère Madame, je vous remercie pour votre excellent rapport et vous félicite pour vos interventions très intéressantes.

La parole est à Mme Acketoft, présidente de la commission.

Mme ACKETOFT (Suède), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Je remercie Mme Quintanilla pour son excellent rapport et notre valeureux secrétariat.

Le rapport rappelle que le principe de l’égalité entre les sexes n’existe dans aucun de nos pays. La situation varie selon les pays. Par conséquent, des Etats doivent mettre en œuvre une législation tandis que d’autres doivent en adopter une, sans compter qu’une solution peut fort bien être appropriée dans un pays et non dans un autre. Tout cela n’est guère gênant tant que nous nous efforçons d’œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, indépendamment des gènes. Les politiques doivent parfois prendre la tête d’un mouvement et arrêter des décisions fermes pour inciter au changement.

Des pays sont plus avancés que d’autres, la Suède, par exemple, parce que les générations qui m’ont précédée n’ont cessé de se battre pour cet objectif. C’est un combat que j’entends poursuivre.

L’accès à un revenu décent participe d’une plus grande liberté. Nous savons qu’une femme qui dépend financièrement d’un homme ne sera jamais libre. Je recommande toujours à mes jeunes collègues de gagner l’argent qui les rendra indépendantes. Pour y parvenir, des lois sont nécessaires, des lois anti-discrimination notamment, car il convient de parvenir à l’égalité des salaires, à un vrai partage des responsabilités entre les femmes et les hommes, à des systèmes efficaces de prise en charge des enfants. Plus importantes encore sont les décisions que l’on prend le matin à la table du petit déjeuner quand il s’agit de savoir qui restera à la maison pour s’occuper de l’enfant malade. Lorsque l’opportunité de prendre un congé parental est offerte, la possibilité de partager les tâches devient réelle.

LA PRÉSIDENTE* – Madame Acketoft, vous avez raison, c’est un combat qui continue.

La discussion générale est close.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination a présenté un projet de résolution, sur lequel un amendement a été déposé.

L’amendement no 1, déposé par Mmes Quintanilla, Mutsch, Zimmermann, Bourzai, Wurm, Gafarova, M. David Davies, Mme Myller, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.3, à insérer le paragraphe suivant: «respecter le droit des pères à la coresponsabilité en assurant que le droit de la famille prévoie, en cas de séparation et divorce, la possibilité d’une garde conjointe des enfants, dans le meilleur intérêt de ceux-ci, sur la base de l’accord libre et mutuel de parents et jamais imposée;».

La présidente de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement, l’amendement no 1 sur le projet de résolution ayant été adopté à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien le cas, Madame la Présidente?

Mme ACKETOFT (Suède), présidente de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – En l’absence d’objections, l’amendement no 1 est déclaré adopté définitivement.

Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13080, tel qu’il a été amendé.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Quintanilla.

Mme QUINTANILLA (Espagne), rapporteure* – Ma carte électronique ne fonctionne pas.

LA PRÉSIDENTE* – Mes chers collègues, si vous n’y voyez pas d’objection, nous allons ajouter le vote manuel de Mme Quintanilla aux votes électroniques.

La parole est à Lord Tomlinson.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni) – Mme la rapporteure s’est plainte parce que sa carte électronique ne fonctionnait pas, la mienne ne fonctionne pas non plus.

J’ai assisté à l’ensemble des débats, mais je n’ai pas été en mesure de voter, car ma carte était bloquée. Madame la Présidente, puisque vous avez décidé d’ajouter la voix de Mme la rapporteure, ajoutez la mienne.

LA PRÉSIDENTE* – Nous le ferons, bien entendu.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 65 votants.

M. Mignon, Président de l’Assemblée, remplace Mme Wurm au fauteuil présidentiel.

4. La traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant la discussion du rapport sur «La traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé», présenté par Mme Annette Groth, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13086), ainsi que la discussion de l’avis présenté par Mme Pirkko Mattila au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc.13108).

Le temps de parole des orateurs est limité à quatre minutes.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 12 h 55, afin de pouvoir récompenser celles et ceux qui ont le plus voté. Nous entendrons donc à partir de 12 h 45 la réplique de la commission et nous procéderons ensuite aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition?

Il en est ainsi décidé.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez la parole.

Mme GROTH (Allemagne), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Il est dommage que l’examen de ce rapport important soit le dernier point de l’ordre du jour de cette première partie de session. De ce fait, l’hémicycle est relativement dégarni – ce que je comprends.

La traite des êtres humains est une forme d’esclavagisme moderne, mais c’est aussi l’un des business les plus rentables qui soit au monde: on estime que 32 milliards de dollars sont générés par ce trafic. Un responsable d’Europol m’a récemment indiqué que, si le commerce mondial de la drogue représente quelque 50 milliards de profit, la traite des êtres humains devrait générer à peu près les mêmes montants. Ce qui est sûr, c’est que cela rapporte gros et que cela va souvent de pair avec le trafic de drogue et avec le trafic d’armes.

La traite des êtres humains relève du crime organisé, et c’est peut-être ce qui explique que le taux d’élucidation des affaires soit si faible: elle est organisée par des structures mafieuses, au sein desquelles il est extrêmement difficile et dangereux de pénétrer.

Les chiffres sont effarants: dans le monde, près de 21 millions de personnes seraient réduites à un travail forcé, et l’on estime qu’au moins 44 % d’entre elles seraient victimes de la traite – et je ne parle pas des personnes faisant l’objet d’une traite à des fins d’exploitation sexuelle, qui, bien que lié, est un autre problème. Au moins 55 % des victimes du travail forcé seraient des femmes ou des jeunes filles – ce qui nous ramène au précédent débat.

Le travail forcé existe dans tous les secteurs d’activité mais principalement dans les secteurs de l’agriculture, du bâtiment et du tourisme.

L’année dernière, le Parlement allemand avait organisé des auditions sur cette question. L’une des personnes entendues était une religieuse, Mme Ackermann, qui a créé une organisation pour lutter contre la traite des êtres humains et la prostitution. Elle a expliqué comment les victimes sont criminalisées parce qu’elles sont en situation irrégulière. Une fois identifiées, elles sont le plus souvent expulsées. Mme Ackermann considère que cela revient à récompenser les auteurs des délits, qui s’en sortent avec de très légères sanctions.

On ne peut pas criminaliser les victimes! Ce sont les coupables qui doivent être sanctionnés. Selon le Département d’Etat américain, qui fournit d’ailleurs l’essentiel des données dont nous disposons, l’Europe étant en retard dans ce domaine, en 2011, 41 210 victimes de la traite des êtres humains ont été identifiées, dont 11 000 en Europe. Les 7 200 procès qui ont eu lieu n’ont abouti qu’à 4 200 condamnations.

Le rapport mentionne les bonnes pratiques de plusieurs pays. La Roumanie est particulièrement touchée par le phénomène de la traite de Roms à des fins de travail forcé. Elle a mis en place une agence nationale et élaboré des lignes directrices d’actions contre la traite des êtres humains. Dès l’année 2011, plus de 1 200 conférences et autres manifestations ont été organisées afin de sensibiliser à cette question la population, la police et différents secteurs de la société.

La Confédération internationale des syndicats a publié il y a quelque temps un manuel de bonnes pratiques intitulé: «Comment combattre le travail forcé et la traite». En tant que parlementaires, nous avons également le devoir de parler davantage de ce problème autour de nous.

Je voudrais mentionner également la Belgique et l’Italie, qui ont mis en place des bonnes pratiques, contrairement à l’Allemagne. Ces deux pays accordent des permis de séjour à durée limitée aux victimes de la traite pour leur permettre d’engager une procédure judiciaire. Les victimes sont souvent traumatisées. Il faut leur donner la possibilité de témoigner contre les coupables. On ne peut donc pas, parce qu’elles ont franchi illégalement la frontière, les expulser.

Nous devons dégager davantage de financements pour déployer sur le terrain des inspecteurs et des policiers, et pour les former aux spécificités de la traite à des fins de travail forcé. Les victimes doivent aussi pouvoir bénéficier d’une assistance afin de s’engager dans la voie judiciaire.

Pour conclure, j’appelle les pays qui n’ont pas encore ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains à le faire le plus rapidement possible. Certains d’entre eux semblent même ignorer l’existence de ce texte. Par ailleurs, la législation en matière d’immigration doit être réexaminée et modifiée afin de mieux protéger les victimes de la traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Madame la rapporteure. Il vous restera quatre minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

La parole est à Mme Mattila pour présenter l’avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

Mme MATTILA (Finlande), rapporteure pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter Mme Groth pour son excellent rapport, bien structuré et complet.

La traite des êtres humains est une grave violation des droits de l’homme et ses victimes sont souvent les personnes les plus vulnérables de nos sociétés. On a pendant longtemps abordé cette question sous l’angle de la prostitution et ce n’est qu’à une période récente que l’on a saisi que la portée de la traite dépasse largement ce domaine. Aujourd’hui, les personnes qui sont victimes de ce phénomène peuvent être celles qui nettoient nos bureaux, qui gardent nos enfants ou qui travaillent sur les chantiers. Si le phénomène comporte de nombreuses zones d’ombre, il n’est pas inhabituel que les victimes de la traite travaillent à nos côtés, dans des entreprises connues, ce qui rend difficile leur identification.

Je partage la position de la rapporteure: il faut se concentrer sur la protection des victimes et sur la poursuite des coupables, tout en essayant de prévenir le phénomène. On doit reconnaître la vulnérabilité de certains groupes. Si l’on en croit les statistiques de l’Organisation internationale du travail, 55% des victimes de la traite à des fins de travail forcé sont des femmes et des jeunes filles. La plupart d’entre elles sont exploitées à des fins sexuelles. Les personnes LGBT sont également concernées. L’exclusion sociale et le rejet de la part des familles peuvent en effet aggraver la vulnérabilité.

Les personnes souffrant de handicap courent également un risque plus grand d’être marginalisées et de devenir la cible des trafiquants. Il ne faut pas oublier non plus que des hommes sont victimes de la traite. La plupart des mécanismes de soutien ont été conçus pour des femmes, de sorte que paradoxalement les hommes n’ont pas toujours de possibilité de trouver un refuge ou un abri. Il ne faut pas oublier que si l’on veut assurer l’égalité des sexes, il faut aussi s’occuper des hommes victimes de la traite.

La traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé ne concerne pas seulement l’immigration et le marché du travail. Toutes les victimes ne viennent pas nécessairement de l’étranger. Dans mon pays, la Finlande, un Finlandais a été condamné pour traite alors que ses deux victimes étaient également finlandaises. Cet exemple montre qu’outre les traités internationaux et la coopération internationale, nous avons également besoin d’une coopération sur le plan interne entre les services compétents.

Cela dit, tous les cas d’exploitation des travailleurs ne sont pas des cas de traite. Il est donc important de poursuivre les coupables en appliquant les dispositions juridiques appropriées en développant nos propres pratiques juridiques. Les parlements ont un rôle important à jouer en matière de législation et de suivi de l’application de la loi. Je vous rappelle que la déclaration de Paris, adoptée en 2010 lors de la conférence sur «Les Parlements unis contre la traite des êtres humains» recommandait aux Etats membres de désigner un coordonnateur national sur le problème de la traite. Nous en avons une bonne expérience en Finlande, avec un rapporteur national. Je vous encourage donc à désigner un coordonnateur national dans vos pays.

Nous ne pouvons pas nous attaquer à ce problème sans combattre la criminalité économique. L’économie souterraine est un terreau fertile pour l’exploitation des travailleurs à des fins de travail forcé. Nous devons donc veiller à ce que les autorités fiscales ainsi que les organisations syndicales soient conscientes des risques liés à la traite.

C’est en définitive une question de moyens. En rendant plus difficile la tâche aux trafiquants, nous favorisons l’élimination du problème. Je me réjouis d’ores et déjà de notre débat, et je vous remercie.

LE PRÉSIDENT – Dans la discussion générale, la parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – En quittant le Palais de l’Europe, à la sortie de ce bâtiment, nous voyons partout des publicités pour le nouveau film de Steven Spielberg, consacré à Abraham Lincoln. Ce film, qui sera vraisemblablement couronné par de nombreux prix, retrace l’histoire de la lutte d’Abraham Lincoln contre l’esclavage aux Etats-Unis. Nous devons tous aller voir ce film, mais il serait encore mieux que nous prenions bien connaissance du rapport qui nous est présenté par Mme Groth.

En réalité, nous rencontrons tous les jours des victimes de la traite. Comme l’a dit la rapporteure, c’est un phénomène omniprésent. L’exploitation des travailleurs migrants se produit dans tous les secteurs, y compris dans l’agriculture et peut-être même dans votre hôtel. C’est l’esclavage des temps modernes. Cela existe, nous le savons et nous laissons faire. Nous portons tous une part de responsabilité dans la persistance de ce phénomène. L’esclavage est un crime, c’est une source potentielle de bénéfices considérables, des milliards sont gagnés sur le dos de ces personnes.

Cela se passe partout, sous nos yeux, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Cela ne concerne pas les Etats à l’autre bout du monde. Ce rapport est le dernier de la journée du vendredi, mais il faudra à l’avenir demeurer saisi de la question et prévoir un autre rapport, examiné en milieu de semaine, car on ne peut pas imaginer plus terrible violation des droits de l’homme que l’esclavage. Je crois que le Conseil de l’Europe est en mesure d’agir. Nous disposons d’un arsenal de conventions, et ceux qui ne les ont pas encore ratifiées doivent le faire. Nous avons aussi un mécanisme nous permettant de suivre la façon dont les gouvernements respectent leurs obligations. Nous pouvons également améliorer nos conventions et les renforcer. Nous avons un rôle à jouer, le Conseil de l’Europe est pertinent dans ce domaine, il est compétent, nous devons dire que nous n’acceptons pas que ce phénomène continue d’exister. Nous devons redoubler d’efforts pour mettre un terme à l’esclavage.

Allons donc voir le film consacré à ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec Abraham Lincoln, mais le rapport d’Annette Groth doit également retenir l’attention de tous en Europe. Je le répète: c’est la pire violation des droits humains que l’on puisse imaginer, nous pouvons en être témoins partout tous les jours, nous ne devons pas détourner le regard et nous devons nous concentrer sur ce problème. Le Groupe pour la gauche unitaire européenne demandera un rapport de suivi sur cette question qui doit figurer en tête de nos préoccupations.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Schneider, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. SCHNEIDER (France) – L’esclavage a été aboli depuis longtemps et pourtant il existe encore, y compris dans nos pays. Ces esclaves modernes constituent une main-d’œuvre sans voix, sans défense et corvéable à merci. La pauvreté extrême pousse chaque jour des femmes, des hommes et même des enfants dans les mains d’exploiteurs sans pitié.

Comme le souligne le Comité français contre l’esclavage moderne, le CCEM: «esclaves pour dettes, victimes de négriers modernes ou clandestins pris au piège de la traite des êtres humains, ils subissent les pires traitements, réduits au statut d’objets. (…) le critère déterminant n’est pas la couleur de la peau, ni l’origine ethnique mais la vulnérabilité qui permet une emprise totale sur une personne».

Madame la rapporteure, vous avez raison: les travailleurs migrants exploités de la sorte ne doivent pas être considérés comme des délinquants. Ils sont d’abord la proie de réseaux, dont certains sont mafieux. Ils sont des victimes. J’ai eu l’occasion de participer aux travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale française sur l’esclavage moderne. Force est de constater que la lutte contre ces pratiques reste difficile et que plusieurs problèmes que nous avions soulevés à l’époque sont toujours d’actualité.

Tout d’abord, cette traite n’est pas seulement le fait de réseaux mafieux, elle est aussi le fait d’individus. Ainsi, en France, le CCEM a rappelé qu’en ce qui concerne l’esclavage domestique, 82% des victimes viennent de pays africains et 75% ont été «recrutées» directement par leur employeur. Ce sont en général les femmes qui se chargent du recrutement via des réseaux familiaux. Les recrutements par des agences concernent la plupart du temps les employeurs les plus riches. Et malheureusement près d’un tiers de ces victimes sont mineures!

Se pose également la question de la condamnation des employeurs. En novembre dernier, une réunion d’experts organisée à Bucarest a insisté sur l’indispensable travail de protection et d’accompagnement des victimes afin d’obtenir les témoignages qui permettront de condamner ces négriers des temps modernes. Par ailleurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, les employeurs-exploiteurs ne doivent plus espérer l’impunité. Cela suppose que chaque pays se dote d’un cadre législatif adapté - comme le demande votre excellent projet de résolution - et que celui-ci soit appliqué sans faille à tous les employeurs. On sait, à ce propos, les problèmes que posent les employeurs protégés par un statut diplomatique.

De plus, il est nécessaire de prendre en compte les avis et arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme: l’arrêt CN. et V. c. France, rendu en octobre 2012, est venu rappeler que même dans la patrie des droits de l’homme, l’esclavage moderne reste une réalité. Il a été notamment reproché à mon pays de ne pas avoir adopté une définition précise des infractions de servitude et de travail forcé, ce qui affaiblit la prévention des agissements concernés, la protection des victimes et l’efficacité des sanctions. En notre qualité de parlementaires, et encore plus de membres de cette Assemblée, il est de notre devoir d’agir auprès de nos gouvernements et de nos parlements pour résoudre ces questions juridiques.

Enfin, la coopération internationale est nécessaire. Vous rappelez dans votre rapport que plusieurs coopérations judiciaires et policières ont été mises en place en Europe. Mais l’asservissement ne commence pas qu’une fois arrivé sur nos territoires. Souvent, cet esclavage s’est mis en place dès le plus jeune âge, dans le pays d’origine. Il faut donc agir en amont. Les campagnes d’information sont nécessaires mais insuffisantes face à la misère et au désespoir. La scolarisation des mineurs permettrait d’offrir un avenir à ces enfants mais aussi à leur famille.

Chers collègues, comment pouvons-nous supporter d’avoir à prononcer aujourd’hui encore ces mots terribles de «travail forcé», de «traite» d’êtres humains? Cet esclavage moderne est une atteinte intolérable à la dignité humaine. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamait: «Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes». Faisons en sorte que 65 ans plus tard, cet idéal ne reste pas lettre morte et devienne une réalité pour tous. C’est pourquoi, Madame la rapporteure, je voterai votre rapport avec conviction.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Schennach, au nom du Groupe socialiste.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je remercie notre rapporteure pour ce texte dans lequel elle parle de pandémie: la traite des êtres humains, forme moderne d’exploitation et d’esclavage, est un phénomène qui se développe comme une pandémie.

En 1888, le Brésil a été le dernier pays à signer la Convention contre l’esclavage et, aujourd’hui, force est de constater que 20 millions de personnes vivent dans des conditions similaires à l’esclavage, connaissent la servitude. C’est consternant et inquiétant, surtout quand on se rend compte que, derrière ces destins individuels terribles, se dessine un réseau de crime organisé, qui gagne énormément d’argent. Tentaculaires, ces réseaux sont partout.

La traite des êtres humains touche surtout les femmes, mais aussi des hommes et des enfants, car le crime organisé n’a aucune frontière et ne recule devant rien. Il y a aussi le crime organisé de la mendicité – et cela, c’est la traite des enfants. Donc, lorsque l’on parle d’esclavage aujourd’hui, n’oublions pas tout ce qui se passe autour de nous. M. Kox en a parlé. Jadis, les esclaves étaient vendus aux enchères sur des marchés. Aujourd’hui, c’est un peu pareil: on vend des enfants sur des marchés et ils sont mutilés pour que leur mendicité rapporte plus. Les femmes sont vendues aux enchères pour l’industrie du sexe, à Vienne, Sarajevo et Tirana. Puis, elles changent de propriétaires, car il y a tout un système dans ce crime organisé qui permet de réaliser les meilleurs profits!

On a parlé de certains pays qui appliquent de bonnes pratiques et, pour ce qui est des femmes contraintes de travailler dans l’industrie du sexe, je voudrais parler du Royaume-Uni. En Allemagne ou en Autriche, les victimes de cette exploitation sont maltraitées. Dans mon pays, nous avons des centaines de procès pour esclavage. Les victimes sont traitées comme des criminelles et sont, finalement, renvoyées dans leur pays alors que les vrais auteurs de ces crimes s’en sortent en toute impunité. Alors, je veux adresser mes compliments au Royaume-Uni parce que ces femmes qui sont vendues y sont traitées différemment. En effet, au Royaume-Uni, elles sont libérées. Elles ont le droit de rester sur le territoire britannique et on leur propose une nouvelle identité. C’est ainsi qu’il faut agir pour lutter contre les auteurs de ces crimes et protéger les victimes. C’est fondamental.

Notre collègue français vient également d’en parler, il y a des fonctionnaires de l’Etat, des diplomates qui traitent des personnes qui travaillent à leur service comme des esclaves. C’est consternant. Je ne sais pas si le Conseil de l’Europe s’est déjà penché sur ce problème de manière approfondie.

J’espère que ce rapport sera soutenu à une vaste majorité. Tiny Kox l’a dit, je pense que ce rapport appelle d’autres rapports de suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chikovani, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. CHIKOVANI (Géorgie)* – Je me rallie à mes collègues qui ont remercié Mme Groth pour cet excellent rapport qui nous offre l’opportunité d’affronter ce crime moderne, qui présente de multiples facettes: privation de liberté, crime, corruption. Le problème est que l’on ne sait pas exactement par quoi commencer. Le rapport le dit, il n’existe pas de données claires ni précises, susceptibles de nous donner un aperçu exact de la situation. Les informations dont nous disposons nous permettent néanmoins de dire qu’il s’agit d’un phénomène fondamental auquel nous devons nous attaquer.

Le rapport le montre, la situation est complexe. Dans le crime organisé, on peut dire qu’il y a trois phases: recrutement, transport, exploitation. A mon avis, il nous faut nous attaquer à elles séparément. Pour ce qui est du recrutement, il convient de développer des programmes de sensibilisation qui ciblent les personnes les plus vulnérables de nos sociétés. Concernant le transport de ces personnes, il faut veiller à ce que nos forces de police soient bien informées des possibilités qu’elles ont aujourd’hui de contrôler. Quant à l’exploitation, nous devons veiller, lorsque des cas sont révélés, à ce que des poursuites soient engagées pour dissuader ceux qui souhaiteraient s’adonner à ces traites d’êtres humains.

On parle des bonnes pratiques et des outils dont nous disposons déjà, mais il reste encore un certain nombre de pays au sein de cette Assemblée qui n’utilisent pas suffisamment les outils disponibles à l’heure actuelle comme la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains. Nous devons en appeler à tous nos gouvernements nationaux, une fois que nous serons rentrés chez nous, pour avoir recours à cet outil et l’appliquer pleinement.

Mais, comme cela est souligné dans le rapport – et les experts en la matière le disent aussi – ce qui manque, c’est une vraie coopération internationale. Il est crucial que chacun d’entre nous réalise qu’il ne s’agit pas seulement d’obligations nationales mais internationales, à mener conjointement. Il faut créer un mécanisme à l’échelle internationale qui permette à nos gouvernements nationaux d’interagir afin de se doter d’un outil extrêmement efficace pour lutter contre ce phénomène consternant.

Je rejoins mes collègues qui ont demandé que le Conseil de l’Europe continue à traiter de la question et à rédiger des rapports pour mesurer les progrès réalisés. A l’avenir, nous ne devons pas cesser de nous intéresser à la question et de proposer des outils toujours plus efficaces pour s’attaquer à ce phénomène. Le GRETA, le groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, devrait nous aider à cerner les méthodes de lutte les plus efficaces pour lutter contre ces crimes.

Le groupe ADLE appuie votre travail, Madame la rapporteure, et nous vous remercions de votre rapport.

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, j’ai cru comprendre que vous répondriez globalement aux orateurs. Nous poursuivons donc le débat.

La parole est à Mme Erkal Kara.

Mme ERKAL KARA (Turquie) – Je félicite à mon tour Mme Groth pour son excellent rapport qui nous encourage à agir. Malheureusement, la traite des êtres humains reste un thème d’actualité en Europe. Il s’agit d’une des formes de violation les plus graves des droits ainsi que de l’intégrité de l’homme. La lutte contre la traite des êtres humains devrait être considérée par tous les Etats membres comme une haute priorité, étant entendu qu’il existe plus de 9 millions de victimes dans le monde dont la plupart sont des femmes et des enfants.

Au cours des dernières années, la Turquie s’est fortement impliquée dans la lutte contre la traite des êtres humains et a mis en place différents dispositifs d’accueil et d’assistance: un numéro de téléphone dédié aux victimes a été mis en place en 2005; des services juridiques et sanitaires ainsi qu’une assistance psychologique sont offerts aux victimes auxquelles sont accordés des visas de court séjour.

Une assistance effective est également fournie aux immigrés irréguliers afin qu’ils ne redeviennent pas victimes de la traite. L’organisation de l’assistance offerte aux victimes de la traite et le planning des mesures supplémentaires sont menés en coopération étroite avec les ONG. La Turquie a également mis en œuvre des mesures législatives pour combattre les organisations qui exploitent les clandestins. La modification de l’article 79 du code pénal turc, le 25 juillet 2010, vise à pénaliser les tentatives de contrebande de migrants et à protéger les victimes.

Pour conclure, je voudrais souligner l’importance de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui fixe un cadre juridique et définit des normes. Les parlementaires doivent faire en sorte que les gouvernements la signent et que les parlements la ratifient et surveillent sa mise en œuvre. La Turquie fait partie des pays signataires; pour finaliser le processus de ratification, elle conduit des travaux d’harmonisation de la législation nationale avec les dispositions de la Convention. J’espère que ce processus sera mené à terme dans les meilleurs délais.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Connarty.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Les membres britanniques de notre Assemblée sont particulièrement intéressés par la traite des êtres humains. Le 20 décembre 2012, nous avons, nous aussi, tenu dans notre parlement, un débat enrichissant sur le sujet.

Aux xviie et xviiie siècles, les esclaves venaient d’Afrique. Y a-t-il plus grave violation des droits humains que d’être forcé de quitter son pays pour travailler dans des conditions déplorables? Or telle est bien, encore aujourd’hui, la réalité de la traite.

Au Bangladesh, par exemple, de nombreuses femmes sont obligées de travailler dans le secteur du textile. Le Conseil de l’Europe, en tant qu’organisation paneuropéenne, doit s’y intéresser. Les gens, quant à eux, ne se demandent pas toujours qui a fabriqué la robe élégante, le beau costume ou le joli T-shirt qu’ils ont achetés dans des boutiques européennes.

Le rapport avance le chiffre de 20,9 millions de personnes se retrouvant piégées dans l’esclavage moderne. En effet, il ne faut pas seulement prendre en compte quelque 9,1 millions de victimes de la traite humaine. J’applaudis donc l’initiative de la commission des migrations. Il est particulièrement dégradant de traiter les humains comme des instruments permettant de produire plus; cela revient à les réduire en esclavage.

Comment lutter contre l’esclavage moderne? Au Royaume-Uni, une journée est dédiée à la commémoration de l’abolition de l’esclavage il y a 200 ans. Or la pratique est revenue, sous une nouvelle forme. Nous devrions tous consacrer une journée à la lutte contre l’esclavage, de la même façon qu’il existe une journée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

L’esclavage ne viole pas seulement les droits dans des pays pauvres: il existe même – pour ne pas dire surtout – dans les pays riches. Dans le Bedfordshire, des cas d’esclavage moderne ont ainsi été révélés. Certaines personnes – des étrangers, mais aussi des Britanniques – travaillaient dans des conditions déplorables.

Il faudrait qu’il existe partout des autorités de surveillance ou de contrôle, sur le modèle de ce que nous avons au Royaume-Uni, pour s’occuper de ce qui se passe aussi bien dans l’agriculture que dans le bâtiment et dans le textile. L’amendement no 2 vise ainsi à ce qu’un médiateur indépendant, totalement autonome, soit mis en place dans tous les pays.

Je vous invite également à rejoindre le réseau de parlementaires qui lutte contre l’esclavage; un site internet a été mis en place et tous les pays peuvent participer. En Turquie, en France ou en Allemagne, il n’y a pas encore eu de véritable campagne, comme si la traite des êtres humains n’existait pas dans ces pays.

Il faut, par ailleurs, que les entreprises veillent à ce qui se passe dans leur chaîne d’approvisionnement. En Californie, par exemple, un contrôle a été effectué dans les entreprises. Or, au final, personne n’a admis que, à l’origine des produits, il y avait le travail d’enfants. Il faut éradiquer l’esclavage de la chaîne d’approvisionnement. Pour cela, les consommateurs doivent eux aussi prendre la décision que, à partir du moment où des esclaves – en particulier des enfants – ont travaillé pour fabriquer des produits, il ne faut jamais les acheter.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Turmel.

Mme TURMEL (Canada, observateur) – Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir participer aux délibérations de cette Assemblée.

La traite des travailleurs à des fins de travail forcé est un fléau qui porte directement atteinte à la dignité humaine. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a bien cerné dans son rapport les causes, les enjeux et les moyens de lutter efficacement contre cette forme d’esclavagisme moderne.

En tant que parlementaires, nous avons tous le devoir de nous assurer que les recommandations de ce rapport trouvent un écho dans nos pays respectifs. Ceux qui réduisent en esclavage les personnes victimes de ce trafic – qui sont principalement des femmes – doivent savoir que nous sommes unis et déterminés dans la lutte que nous menons, sans quoi ils continueront de prospérer.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays du globe sont touchés, y compris le Canada. Chaque année, entre 1 500 et 2 200 personnes font l’objet d’un trafic du Canada vers les Etats-Unis. Le gouvernement a mis en place une série de mesures permettant de faciliter la lutte contre cette forme de criminalité, mais le mécanisme de protection des victimes est encore déficient. Par exemple, nous n’avons toujours pas de système de reconnaissance rapide du statut de victime de trafic. L’accès aux soins de santé et à l’assistance psychologique est encore trop difficile pour ces personnes qui ont déjà beaucoup souffert.

Sur le plan strictement légal, le système canadien connaît des ratés, même si nous avons une loi en la matière. La cour suprême de la province de Colombie-Britannique a récemment jugé qu’une partie de la loi la plus récente sur l’immigration et les réfugiés contrevenait à la Charte des droits et libertés du Canada et qu’elle pouvait conduire à des poursuites, notamment contre des travailleurs de l’humanitaire. Je reconnais qu’il s’agit là d’un sujet d’actualité proprement canadien, mais cela nous rappelle à tous une chose importante, à savoir que, dans notre volonté de lutter contre la traite des travailleurs migrants, il faut faire la différence entre agir rapidement et agir de façon précipitée. Au Canada, notre précipitation à adopter une loi a entraîné la suspension d’un procès impliquant quatre personnes accusées de crimes comparables à ceux dont nous discutons aujourd’hui.

Pour conclure, nous devons tous, en plus de resserrer notre collaboration et de partager les informations, faire preuve de rigueur dans l’élaboration des lois qui permettront à nos différents pays de lutter efficacement contre la traite des travailleurs migrants. Merci encore, Madame Groth, pour cet excellent rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Carlino.

Mme CARLINO (Italie)* – La traite des êtres humains représente la troisième source de profits illégaux au niveau mondial après le trafic de drogues et le commerce des armes. Les Etats s’occupent pour l’essentiel de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, mais il s’avère que le commerce et la contrebande de personnes à des fins d’exploitation pour le travail est aujourd’hui un phénomène en forte croissance qui concerne, même si les modalités en sont différentes, tous les pays – le pays d’origine, le pays de transit et le pays de destination.

L’exploitation à des fins de travail est souvent le lot des migrants provenant d’un autre continent, mais elle peut concerner également les citoyens de l’Union européenne, en particulier ceux des nouveaux pays de l’Union.

Le travail forcé est un phénomène encore sous-évalué et peu combattu, même si, heureusement, les Etats commencent à prendre la mesure de sa gravité.

L’une des explications possibles est peut-être que, au-delà des formes les plus extrêmes, dans lesquelles la privation de la liberté est obtenue par le recours à des méthodes violentes, l’exploitation dans le travail se fait de façon clandestine, dans des environnements que les autorités compétentes peuvent difficilement surveiller.

À la différence de l’exploitation à des fins sexuelles, ce phénomène présente également des caractéristiques qui rendent sa compréhension plus difficile.

Les estimations, on le sait, sont alarmantes. Tous les jours, des millions de personnes, dont beaucoup d’enfants, sont exploitées. La diversité des formes d’exploitation dans le travail est infinie, et comprend également des formes telles que la mendicité forcée ou l’obligation de se livrer à des délits tels que les vols à la tire ou les cambriolages.

Selon l’Organisation internationale du travail, le nombre de victimes de ce trafic représente au minimum 2,9 millions de personnes - les femmes et les enfants étant les plus nombreux -, et 90% des victimes sont exploitées dans le secteur privé. Ces chiffres sont encore plus inquiétants lorsque l’on sait que les responsables de ce trafic et les utilisateurs finaux sont rarement identifiés et remis à la justice. Quant aux condamnations, elles sont très rares. Ce trafic exploite d’une part la vulnérabilité des migrants et la situation de besoin dans laquelle ils vivent et, d’autre part, l’absence d’investissement des Etat pour lutter contre ces crimes et les prévenir.

Tous les Etats doivent s’intéresser à ce problème et considérer les travailleurs concernés par ces trafics comme des victimes, et non comme des criminels qui violent les lois en vigueur en matière d’immigration ou de travail. C’est sur la base de ce principe que l’Italie, particulièrement sensible à ce problème, a, en 2011, introduit dans le Code pénal de nouvelles dispositions pour pouvoir sanctionner l’intermédiation et l’exploitation à des fins de travail. Ces nouvelles normes sont aujourd’hui en vigueur.

Face à la gravité du phénomène, je voudrais féliciter notre rapporteure pour les observations qu’elle nous a présentées.

LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Shipley.

M. SHIPLEY (Canada, observateur)* - Le problème que nous évoquons aujourd’hui semble avoir pris l’ampleur d’une pandémie. Le trafic d’êtres humains peut être considéré comme une forme moderne d’esclavage. Plus de 20 millions de personnes sont obligées à se livrer à un travail forcé de par le monde, et 9 millions, soit 44% du total, sont victimes de la traite des êtres humains. Selon l’OIT, les bénéfices de ces opérations sont comparables à ceux du trafic de drogue, soit quelque 30 milliards de dollars par an.

Au Canada, nous ne sommes malheureusement pas immunisés contre ce fléau, dont les victimes ne sont pas seulement des étrangers, mais aussi des femmes indigènes canadiennes, des enfants, des jeunes, des adolescents en rupture ou des enfants relevant des autorités gouvernementales. Toutes ces catégories sont particulièrement vulnérables. Des agences participent par ailleurs au recrutement de travailleurs étrangers dans des conditions douteuses. Ces travailleurs peuvent être entrés au Canada par des moyens légaux, par exemple en obtenant un permis de travail provisoire en vue d’occuper un emploi temporaire dans certains secteurs de l’industrie, et faire l’objet d’une exploitation dans le cadre d’un travail forcé.

En 2012, le Canada a lancé un plan d’action national pour lutter contre la traite d’êtres humains, dont les principaux objectifs sont de protéger les ressortissants canadiens vulnérables, de prévenir et détecter en amont les trafics et de surveiller attentivement les employeurs qui recourent au programme d’emploi temporaire de travailleurs étrangers. Ce plan prévoit des sanctions sévères contre les auteurs de trafics. Ont ainsi été condamnés tout récemment 19 individus appartenant à une organisation criminelle qui avait fait venir au Canada un groupe de 23 Hongrois. Après leur avoir fait miroiter une amélioration de leur situation, ils les avaient forcés à travailler pour des entreprises du secteur de la construction. De même, 60 Polonais ont été attirés par la promesse de se voir proposer une formation en soudure et un apprentissage de l’anglais. Ils n’ont reçu ni l’un, ni l’autre, mais ont été obligés de travailler comme soudeurs, pour un salaire de misère, au bénéfice d’entreprises appartenant aux responsables du trafic.

Les hommes ne sont toutefois pas les seuls concernés, puisque les femmes et les enfants sont les principales victimes de cette traite, à des fins d’exploitation sexuelle, notamment, mais aussi de travail forcé.

Monsieur le Président, nous encourageons le Conseil de l’Europe et tous les Etats à ne pas relâcher leurs efforts pour lutter contre cet insidieux problème.

LE PRÉSIDENT - La parole est à Mme Boutin-Sweet.

Mme BOUTIN-SWEET (Canada, observateur) - Je suis heureuse d’avoir l’occasion de présenter un point de vue trop peu exprimé en matière de traite de personnes. Mon intervention portera principalement sur les obstacles que les gouvernements posent à l’entrée et à l’intégration des immigrants dans les pays qui, comme le mien, constituent des destinations de prédilection.

Pour combattre la traite des personnes, il faut remonter à la racine du problème, c’est-à-dire aux distances que les travailleurs du monde entier sont prêts à parcourir pour obtenir un emploi stable et un salaire susceptible de leur assurer un niveau de vie satisfaisant. Or, malgré le besoin de main-d’œuvre que connaissent nombre d’économies avancées, les gouvernements continuent de dresser des obstacles majeurs devant les travailleurs concernés. En conséquence, ces derniers sont prêts à mettre leur vie en danger et à promettre aux passeurs, agents de travail ou entremetteurs des sommes considérables qu’ils mettront parfois des années à rembourser.

La politique appliquée dans mon pays est même susceptible d’entraîner des effets imprévus: en imposant des exigences strictes à certaines catégories de travailleurs telles que les travailleurs temporaires, on limite en effet leur liberté financière et leur liberté de mouvement au risque de créer des conditions favorables à leur traite. Le Canada permet aux travailleurs d’entrer au pays pour de courtes périodes et de travailler dans des secteurs économiques précis. Les visas sont délivrés pour des durées variables. Dans certains cas, les travailleurs peuvent être admissibles à un statut de résident permanent mais, là encore, les critères d’admissibilité diffèrent en fonction du métier ou du niveau de compétences. Par exemple, dans le secteur agricole, les visas ne sont valides que pour une durée de huit mois et concernent un travail et un employeur précis.

Il existe par ailleurs un programme spécial d’aide familiale auprès des enfants, des aînés ou des personnes handicapées, dans le cadre duquel des permis de travail peuvent être accordés pour une période maximale de trois ans et trois mois. Les personnes concernées doivent vivre au sein des familles qui les emploient; lorsqu’elles souhaitent changer d’employeur, elles doivent présenter une nouvelle demande de permis. Nos lois en matière d’immigration prévoient qu’une aide familiale peut soumettre une demande de statut de résident permanent après avoir travaillé pendant un total de 24 mois sur 36.

Le recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires a fortement augmenté au Canada, tandis que le nombre d’immigrants acceptés dans le pays est resté généralement stable. En 2011, plus de 190 000 personnes ont été admises au Canada comme travailleurs étrangers temporaires, contre 112 000 en 2006. À titre de comparaison, plus de 248 000 étrangers sont entrés au Canada en 2011 par la filière normale d’immigration, ce qui représente une baisse de 5% par rapport à 2005.

L’expérience des immigrants à la recherche d’une vie meilleure nous enseigne que pour lutter contre la traite des personnes, il faut d’abord permettre aux migrants de participer pleinement à la vie économique de nos pays, en éliminant les obstacles à leur intégration.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Blanco.

Mme BLANCO (Espagne)* – Je remercie tout d’abord les rapporteures qui ont présenté un rapport particulièrement important et qui nous ont donné des chiffres qui restent, même si nous les connaissions, effarants: 55% des 20,9 millions de personnes concernées par cette traite sont des femmes. Et sur ces 55% plus de 90% sont des femmes que l’on oblige à se livrer à la prostitution. Telle est la réalité de ce que vivent ces femmes et ces filles qui servent de main-d’œuvre en fournissant des services sexuels dans nos pays.

Il est très difficile de lutter contre la traite des êtres humains si l’on n’harmonise pas les législations des pays membres du Conseil de l’Europe. Et dans les endroits où l’on peut intervenir, le Parlement européen ou autres instances internationales, nous devrions lancer un appel très ferme pour que l’on s’attèle à l’harmonisation des législations. Car nous sommes face à bien des paradoxes. Le Royaume-Uni a adopté une législation très dure contre la traite des êtres humains et considère très justement que les victimes doivent être protégées. C’est la même chose en Espagne.

Il est difficile de faire tomber un réseau de trafiquants, car il ne se livre pas uniquement à la traite d’êtres humains, il trempe également dans des affaires de drogues et de trafics d’armes. Mais si l’on parvient à faire tomber un tel réseau, ses membres peuvent être sanctionnés durement. Et la victime qui les a dénoncés devient un témoin protégé. Ce qui est important, c’est ce que devient ce témoin, car les procédures sont longues et se tiennent dans le pays où la dénonciation a eu lieu, la vie du témoin est donc en danger.

LE PRÉSIDENT – Je remercie tous celles et ceux qui se sont exprimés dans ce débat ô combien important, ainsi que les rapporteures pour leur excellent travail.

La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, comme M. le président de la commission est absent et qu’il aurait disposé de deux minutes, vous avez en tout six minutes pour répondre aux orateurs.

Mme GROTH (Allemagne), rapporteure* – Je vous remercie, Monsieur le Président.

Je commencerai par ce que vient de rappeler Mme Blanco, à savoir l’harmonisation de nos législations. C’est effectivement l’un des points les plus importants. Vous avez raison, Madame, si vous avez un bon programme de protection des victimes, si vous pouvez leur garantir qu’elles obtiendront une nouvelle identité, elles trouveront alors peut-être le courage de témoigner. En revanche, si les témoins sont des victimes apeurées, sachant que leur bourreau se trouve en liberté dans le même pays qu’elles et qu’il peut les retrouver, les battre, voire les tuer, elles hésiteront forcément à témoigner. Il est donc très important d’assurer aux victimes une protection, notamment à celles qui ont le courage de témoigner.

Je dirai à mes collègues du Canada qu’il s’agit bien d’un problème de pauvreté, et M. Schneider l’a rappelé lui aussi. Et tant que nous aurons ce fossé entre les niveaux de vie dans les pays, des milliers de personnes auront envie d’émigrer vers des pays plus riches, où les conditions de travail sont meilleures, les salaires plus élevés et où la protection sociale est mieux assurée.

Nous avons débattu hier du problème des migrants en Grèce. A écouter les uns et les autres, nous n’avons aucune difficulté à imaginer toutes ces personnes qui vivent dans la rue. Alors quand quelqu’un vient vous voir, que vous vivez dans ces conditions, et qu’il vous propose un bel emploi, en Allemagne, en Belgique ou au Canada, que faites-vous? Vous y allez, de toute façon vous n’avez pas de solution alternative! C’est bien cela le problème!

Il faut donc harmoniser non seulement les législations, mais également les salaires. Chaque Etat devrait avoir un salaire minimum. Et je le dis d’autant plus facilement que mon propre pays l’Allemagne, n’a pas mis en place un salaire minimum garanti.

M. Connarty a dit très justement que tout cela était un business. Il faut absolument clouer au pilori toutes les entreprises dont on sait pertinemment qu’elles utilisent des esclaves: le secteur du bâtiment, l’hôtellerie, la restauration ou le secteur du textile. Nous devons prendre en compte ces entreprises dans nos stratégies et les sanctionner.

Vous avez préconisé un suivi à ce rapport et je m’en félicite. Je suis tout à fait prête à continuer à travailler sur le terrain avec tous ceux qui souhaitent obtenir davantage d’informations. Sur le travail forcé dans les familles, par exemple, un énorme scandale a éclaté il y a quelque temps. A Genève, un diplomate de rang élevé des Nations Unies exploitait des esclaves dans sa propre maison! Alors en raison de l’immunité diplomatique, il n’a pas été simple de mener une perquisition, mais c’est un problème qui existe même chez de telles personnes.

M. Schennach a parlé de l’industrie de la mendicité. Cette industrie existe en effet et est très bien organisée en Roumanie, en Allemagne… Il existe de grands réseaux internationaux qui violent de façon flagrante et grave les droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a présenté un projet de résolution sur lequel quatre amendements ont été déposés et un projet de recommandation.

Nous allons tout d’abord examiner le projet de résolution. Le président de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement. Les amendements nos 1, 2 et 3 sur le projet de résolution ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

L’amendement n° 1, déposé par la commission sur l’égalité et la non-discrimination, tend, dans le projet de résolution, dans le paragraphe 7 à remplacer les mots: «les représentants de la société civile et les syndicats» par les mots suivants: «les autorités fiscales, les services de santé, les représentants de la société civile y compris les ONG, le tiers secteur et les syndicats.»

L’amendement n° 2, déposé par la commission sur l’égalité et la non-discrimination, tend dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.1, à insérer le paragraphe suivant: «désigner un rapporteur national indépendant sur la traite des êtres humains, chargé du suivi et d’adresser au gouvernement et au Parlement des rapports périodiques sur la situation dans le pays;».

L’amendement n° 3 déposé par la commission sur l’égalité et la non-discrimination, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.5, à insérer le paragraphe suivant: «adopter des plans d’action contre la traite des êtres humains et travailler en étroite coopération avec les parlements à l’élaboration de ces plans, à leur mise en œuvre et au suivi de leur mise en œuvre;».

En est-il bien ainsi, Madame Groth?

Mme GROTH (Allemagne), rapporteure* - M’exprimant au nom du président de la commission des migrations, je puis confirmer cette demande.

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’objections?...

Les amendements nos 1, 2 et 3 sur le projet de résolution sont donc déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion du dernier amendement. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour cet amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement n° 4, déposé par la commission sur l’égalité et la non-discrimination, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.7, à insérer le paragraphe suivant: «doter le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) de ressources humaines et financières suffisantes, et assurer l’indépendance des experts nommés;».

La parole est à Mme la rapporteure pour le soutenir.

Mme GROTH (Allemagne), rapporteure* – L’amendement se justifie par son texte même.

LE PRÉSIDENT – L’avis de la commission est évidemment favorable.

Je mets aux voix l’amendement.

L’amendement no 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc.13086, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 39 votants.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant examiner le projet de recommandation.

La présidence a été saisie par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’amendement oral suivant:»Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 4.3, insérer le paragraphe suivant: “doter le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) de ressources humaines et financières suffisantes, et assurer l’indépendance des experts nommés”«.

Je considère que cet amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent. Y a-t-il des objections à la prise en considération de cet amendement oral?… Ce n’est pas le cas.

La parole est à Mme la rapporteure pour le soutenir.

Mme GROTH (Allemagne), rapporteure* – Cet amendement se justifie par son texte même.

LE PRÉSIDENT – La commission est naturellement favorable à cet amendement oral.

Je le mets aux voix.

L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de recommandation, contenu dans le Doc.13086, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté à l’unanimité des 37 votants.

LE PRÉSIDENT – Bravo, Madame la rapporteure, pour la qualité de ce rapport qui fait l’unanimité – ce qui est rare – et félicitations au secrétariat de la commission qui a travaillé à vos côtés!

5. Constitution de la Commission permanente

LE PRÉSIDENT – L’Assemblée est maintenant appelée à prendre acte de la constitution de sa Commission permanente (article 16.2 du Règlement).

Celle-ci est composée, en application de l’article 16.3:

- du Président de l’Assemblée;

- des Vice-Présidents;

- des présidents des groupes politiques;

- des présidents des délégations nationales;

- des présidents des commissions générales.

Cette composition est récapitulée dans le document Commissions (2013) 02.

La Commission permanente de l’Assemblée est ainsi constituée.

6. Fait personnel

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Agramunt, pour un fait personnel.

M. AGRAMUNT (Espagne) – En lisant le compte rendu de la séance d’hier matin, j’ai découvert que l’un de nos collègues de la délégation arménienne m’accusait d’avoir menti lorsque je suis intervenu dans le débat sur le rapport concernant l’Azerbaïdjan. Il se référait à la réponse d’un membre de la délégation arménienne à l’occasion de la séance de la commission de suivi qui s’est déroulée au mois d’octobre dernier à Strasbourg. J’avais indiqué alors que 20% du territoire azerbaïdjanais étaient occupés par l’Arménie, il a répondu que c’était faux, qu’il ne s’agissait que de 13 % et lorsque j’ai évoqué le chiffre d’un million de personnes déplacées, il a répondu qu’il ne s’agissait que de 900 000 personnes. Cela figure dans le compte rendu de la commission qui est très facilement accessible, sur internet notamment. J’ai dit la vérité et c’est M. Harutyunyan, puisque c’est de lui qu’il s’agit, qui, hier matin, n’a pas dit la vérité. Je demande que ma réponse figure dans le compte rendu de la séance de ce matin.

LE PRÉSIDENT – S’agissant d’un fait personnel, votre intervention ne donne pas lieu à débat.

7. Saisine des commissions

LE PRÉSIDENT – Au cours de sa réunion de ce matin, le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée la saisine des commissions. Un document récapitulant ces saisines a été mis en distribution (AS/Inf(2013) 03).

Ces saisines doivent être soumises à la ratification de l’Assemblée aux termes de l’article 25.2 du Règlement.

Il n’y a pas d’opposition. Ces saisines sont donc ratifiées.

8. Déclarations écrites

LE PRÉSIDENT – Conformément à l’article 53 du Règlement, les déclarations écrites suivantes ont été déposées:

- la déclaration écrite n° 536 sur «Adoption internationale: les enfants otages des relations diplomatiques» (Doc. 13113);

- la déclaration écrite n° 537 sur «Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev et la Cour européenne des droits de l’homme (Doc. 13114);

- la déclaration écrite n° 538 sur «Délocalisation, efficacité économique et responsabilité sociale» (Doc. 13116).

Les représentants, suppléants, observateurs et partenaires pour la démocratie qui désirent ajouter leur signature au bas de cette déclaration peuvent le faire au service de la Séance, bureau 1083.

9. Palmarès des meilleurs votants

LE PRÉSIDENT – J’en viens maintenant à la communication du palmarès des meilleurs votants, qui clôture traditionnellement chacune de nos parties de session.

Le premier lauréat est M. Koç, qui a participé à tous les votes. Il précède M. von Sydow, M. Schennach, Mme Erkal Kara et Lord Tomlinson.

Chers collègues, je vous félicite. Malheureusement, comme notre budget connaît une croissance zéro, seul le premier aura droit à un présent!

10. Clôture de la première partie de la session ordinaire de 2013

LE PRÉSIDENT – Lord Tomlinson demandant la parole, je la lui accorde bien volontiers.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, on vient de m’informer que Mme Jane Dinsdale participait à sa dernière partie de session avant son départ en retraite. Au nom des membres de la commission des questions politiques, je voudrais lui dire combien nous avons apprécié son travail et que nous regrettons son départ.

LE PRÉSIDENT – Je m’associe à vos remerciements, cher ami, mais je constate que vous êtes mieux informé que moi! Vous avez dit tout ce qu’il fallait dire, mais si je l’avais su, eu égard au travail que vous avez accompli au sein de cette maison, je vous aurais rendu, chère Jane, un hommage solennel hier, lorsque l’hémicycle était plus rempli. Mais j’espère que vous viendrez nous rendre visite lors de la deuxième partie de la session, afin que nous puissions vous rendre l’hommage que vous méritez.

LE PRÉSIDENT – Chers collègues, nous sommes arrivés au terme de nos travaux. Je voudrais remercier en votre nom M. le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire, l’ensemble du personnel, les huissiers et les interprètes pour la qualité du travail fourni.

Je vous informe que la deuxième partie de la session ordinaire de 2013 se tiendra du 22 avril au 26 avril 2013.

Mesdames et Messieurs, chers collègues, je déclare close la première partie de la session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour 2013.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 55.

S O M M A I R E

1. Déclaration écrite

2. Modifications dans la composition des commissions

3. Egalité des sexes, conciliation vie personnelle – vie professionnelle et coresponsabilité

Présentation par Mme Quintanilla du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc. 13080)

Orateurs: Mme Fusu, M. Kürkçü, Mmes Kovàcs, Bilgehan, M. Mendes Bota, Mmes Bourzai, Palihovici, Brasseur, Gafarova, M. Triantafyllos, Mmes Blanco, Ohlsson, Mmes Boutin-Sweet, Zappone, Turmel, Djurović

Réponses de Mme la rapporteur et de Mme Acketoft, présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Vote sur un projet de résolution amendé

4. La traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé

Présentation par Mme Groth du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc.13086)

Présentation par Mme Mattila du rapport pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (pour avis) (Doc.13108)

Orateurs: MM. Kox, Schneider, Schennach, Chikovani, Mme Erkal Kara, M. Connarty, Mmes Turmel, Carlino, M. Shipley, Mme Boutin-Sweet, Blanco

Réponse de Mme la rapporteure

      Vote sur un projet de résolution amendé

      Vote sur un projet de recommandation amendé

5. Constitution de la Commission permanente

6. Fait personnel

M. Agramunt

7. Saisine des commissions

8. Déclarations écrites

9. Palmarès des meilleurs votants

10. Clôture de la première partie de la session ordinaire de 2013

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque.

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ

Karin ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON*

Paride ANDREOLI*

Khadija ARIB/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Volodymyr ARIEV

Mörður ÁRNASON

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Þuriður BACKMAN*

Daniel BACQUELAINE*

Viorel Riceard BADEA*

Theodora BAKOYANNIS/Maria Giannakaki

David BAKRADZE*

Gérard BAPT/Philippe Bies

Gerard BARCIA DUEDRA*

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ*

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET*

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ/Ismeta Dervoz

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO*

Ankie BROEKERS-KNOL*

Piet DE BRUYN*

Patrizia BUGNANO/Giuliana Carlino

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU*

Mikael CEDERBRATT*

Otto CHALOUPKA*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN*

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON*

Deirdre CLUNE/Katherine Zappone

Agustín CONDE*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand De DECKER*

Arcadio DÍAZ TEJERA/Carmen Quintanilla

Peter van DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ*

Jim DOBBIN*

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU/Bernadette Bourzai

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA

Relu FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN*

Jean-Claude FRÉCON*

Erich Georg FRITZ*

Sir Roger GALE*

Jean-Charles GARDETTO

Tamás GAUDI NAGY*

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA*

Jean GLAVANY*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Svetlana GORYACHEVA*

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU/Corina Fusu

Carina HÄGG/Jonas Gunnarsson

Sabir HAJIYEV*

Andrzej HALICKI*

Mike HANCOCK*

Margus HANSON*

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI*

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Elisabeth Schneider-Schneiter

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL

Adam HOFMAN*

Jim HOOD*

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO*

Susanna HUOVINEN*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV*

Shpëtim IDRIZI*

Vladimir ILIČ

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/André Schneider

Roman JAKIČ*

Tedo JAPARIDZE*

Ramón JÁUREGUI/Jordi Xuclà

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Mats JOHANSSON/Tina Acketoft

Jadranka JOKSIMOVIĆ/Aleksandra Djurović

Birkir Jón JÓNSSON*

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN*

Ferenc KALMÁR*

Božidar KALMETA*

Mariusz KAMIŃSKI*

Marietta KARAMANLI*

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH*

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Alev KORUN

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU*

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN*

George LOUKAIDES*

Younal LOUTFI*

Yuliya L’OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI*

Nicole MANZONE-SAQUET*

Pietro MARCENARO*

Thierry MARIANI/Frédéric Reiss

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI*

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON

Djordje MILIĆEVIĆ/Elvira Kovács

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANES

Patrick MORIAU*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH/Félix Braz

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Gebhard NEGELE

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA*

Fritz NEUGEBAUER*

Baroness Emma NICHOLSON*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL*

Carina OHLSSON

Joseph O’REILLY*

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE*

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA*

Ganira PASHAYEVA*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG*

Foteini PIPILI

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN*

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT/Michael Connarty

Jakob PRESEČNIK*

Radoslav PROCHÁZKA/József Nagy

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ/Miroslav Krejča

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA/Ana Catarina Mendonça

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN

Rovshan RZAYEV*

Giacomo SANTINI*

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI*

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER*

Urs SCHWALLER

Damir ŠEHOVIĆ*

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL*

Arturas SKARDŽIUS

Ladislav SKOPAL/Dana Váhalová

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV*

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV*

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI/Imre Vejkey

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO*

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV*

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV*

Viktor USPASKICH/Egidijus Vareikis

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS/Konstantinos Triantafyllos

Ljubica VASIĆ/Stefana Miladinović

Volodymyr VECHERKO*

Stefaan VERCAMER*

Anne-Mari VIROLAINEN*

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Varujan VOSGANIAN*

Tanja VRBAT*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Katrin WERNER*

Renate WOHLWEND

Karin S. WOLDSETH*

Gisela WURM

Karl ZELLER*

Svetlana ZHUROVA*

Emanuelis ZINGERIS/Dangutė Mikutienė

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Monténégro*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

Siège vacant, Roumanie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

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Observateurs

Marjolaine BOUTIN-SWEET

Corneliu CHISU

Michel RIVARD

Bev SHIPLEY

Nycole TURMEL

Partenaires pour la démocratie

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM