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AS (2013) CR 32

 

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-deuxième séance

Mercredi 2 octobre 2013 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 heures, sous la présidence de Mme de Pourbaix-Lundin, Vice-Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

1. Vérification des pouvoirs de la délégation de l’Islande

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la vérification des pouvoirs des membres de la délégation islandaise.

Je vous rappelle que lors de la partie de session qui s’est déroulée en juin, l’Assemblée a décidé que les droits de vote de la délégation islandaise devaient être suspendus jusqu’à ce que la composition de la délégation soit en conformité avec l’article 6.2a du Règlement, en incluant au minimum un membre du sexe sous-représenté. Cette suspension a pris effet dès lundi.

Depuis, l’Islande a présenté les pouvoirs d’une délégation qui respecte désormais le Règlement (Doc. 13311 Addendum).

S’il n’y a pas de contestation, ces pouvoirs peuvent être ratifiés.

En l’absence d’objections, les pouvoirs de la délégation de l’Islande sont ratifiés.

LA PRÉSIDENTE* – Je souhaite la bienvenue à nos collègues dont les droits de vote sont désormais rétablis.

2. La sécurité nationale et l’accès à l’information

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Díaz Tejera, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur « La sécurité nationale et l’accès à l’information » (Doc. 13293) ainsi que l’avis de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias présenté par M. Franken (Doc. 13315).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à midi. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 30 afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Ce matin, nous vous présentons un rapport traitant de la sécurité nationale et de l’accès à l’information. Il ne s’agit pas des compétences de l’Etat pour accéder aux informations relatives aux citoyens, même si deux motions ont été présentées à notre commission afin que l’on s’occupe également de ce point. Aujourd’hui, nous discutons du droit des citoyens d’accéder à l’information.

Depuis le 11-Septembre, il suffit d’utiliser une expression magique « sécurité nationale !» pour que tout le monde se taise et accepte une situation qu’il ne souhaite pas. Cette expression permet de sacrifier les droits de l’homme et d’empêcher l’accès à l’information.

Le rapport s’appuie sur deux piliers.

Le premier, c’est la culture des droits de l’homme que nous avons consolidée grâce au Conseil de l’Europe. Cette culture, c’est aussi le respect de l’héritage laissé par nos prédécesseurs, en particulier par notre collègue suisse Dick Marty, qui a travaillé dans ce domaine avec des rapports sur la CIA et Guantanamo.

Tout ne commence pas aujourd’hui. Avant, ce n’était pas le grand néant ! Nous devons rappeler cet aspect culturel, le respecter, le faire nôtre.

Le deuxième pilier, c’est le fait de s’adresser à des experts, qu’ils soient publics ou privés comme Open Society Justice Initiative. Nous avons participé à une réunion, à l’université de droit de Copenhague, où nous avons traité de la sécurité nationale et de l’accès à l’information. Elle a débouché sur un texte adopté en Afrique du Sud le 12 juin 2013, résumant le travail de professionnels de différents continents.

Pendant soixante ans, nos prédécesseurs parlementaires ont travaillé dans de nombreux domaines des droits de l’homme, de l’Etat de droit et du respect de la loi. Des experts des ONG ou autres ont également beaucoup travaillé dans ces domaines. Nous avons donc organisé avec elles des auditions à Paris, qui ont permis de rédiger le point 8 du projet de résolution.

La règle générale, c’est l’accès à l’information, sauf pour quelques exceptions prévues et précisées par la loi. Une personne doit décider si un document doit être classifié ou déclassifié. Lorsqu’une loi est en vigueur, il faut savoir qui l’interprète. Est-ce une autorité nationale indépendante ? Il existe différents cas. En Espagne, un magistrat du tribunal suprême s’occupe des contentieux. Nous l’avons rencontré, il nous a fait part de son expérience.

Nous souhaitons une autorité nationale indépendante, une autorité qui ne doit pas toujours dire oui ni toujours dire non aux requêtes qu’on lui présente mais qui doit tenir compte d’indices rationnels pour accepter ou refuser un accès à l’information.

La règle générale, je le répète, c’est l’accès à l’information. Les exceptions doivent être prévues par la loi, et précisément détaillées.

Une série d’amendements ont été proposés. Huit ont été acceptés dans leur intégralité. Je remercie le secrétariat pour son travail, je remercie également M. Franken, puisqu’il a fait preuve d’un esprit de compromis et montré son ardente volonté d’un travail commun. Ses propositions sont toujours très sensées ; il en est cependant qui auraient plus leur place dans le contexte d’un autre rapport. Je propose donc d’incorporer les trois amendements de M. Franken au rapport suivant.

Pour le moment, comme je le disais, nous ne traitons que du droit des citoyens à accéder à l’information. A l’avenir, il faudra savoir dans quelle mesure l’Etat peut accéder aux informations des citoyens. C’est différent, il ne faut pas l’oublier.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera cinq minutes quarante de temps de parole.

Monsieur Franken, vous disposez de trois minutes pour présenter l’avis de la commission de la culture.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – Madame la Présidente, mes chers collègues, j’ai effectivement eu l’honneur de rédiger un avis au nom de la commission de la culture à propos du rapport que nous examinons aujourd’hui. Hier, en commission, s’est tenue une très importante audition à propos du programme Prism et des intrusions des services secrets dans les données personnelles et la vie privée, des questions relatives donc à la surveillance et à la vie privée.

Le rapport d’aujourd’hui concerne le droit des citoyens d’accéder à l’information détenue par les autorités publiques et les entreprises. C’est très important, mais je pense qu’un certain nombre de formules doivent être corrigées. Imaginons par exemple que Edward Snowden, qui est aujourd’hui un particulier vivant en Russie, demande au FSB ou – puisque nous avons un rapporteur espagnol – au Centro nacional de Inteligencia d’avoir accès à leurs bases de données. Imaginons qu’il continue à travailler pour des compagnies de sécurité nationale. Si les documents en question étaient librement accessibles, ils le seraient également aux services de sécurité nationale d’autres pays. Alors est-ce que les autorités russes, espagnoles ou d’autres Etats membres seraient convaincues par notre projet de résolution et lui fourniraient leurs documents ? Je crois donc certains amendements nécessaires.

Ma commission et moi-même sommes tout à fait convaincus que l’accès à l’information n’est pas seulement important, mais qu’il constitue bien un droit de l’homme, aux termes de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu au public un droit à recevoir les informations qui peuvent l’intéresser. Cela inclut le droit d’accéder à des informations détenues par des autorités publiques ou des entités privées. C’est là l’objet de l’amendement 5.

La sécurité nationale est, en vertu de l’article 10 de la Convention, une raison de limiter l’accès à l’information. Toutefois, cette exception ne doit pas être appliquée de façon trop large. C’est pourquoi ma commission propose l’amendement 4, qui vise à introduire une définition de ce qu’est la « sécurité nationale » et des règles d’accès aux informations de sécurité nationale par les autorités publiques.

Enfin, par l’amendement 9, nous proposons de biffer les paragraphes 8.5.1 et 8.5.2 du projet de résolution. Si nous sommes, certes, tous favorables au fait de promouvoir des débats publics, il est peu probable que la Cour européenne des droits de l’homme accepterait que les débats publics l’emportent sur la sécurité nationale.

Avec ces quelques amendements, et d’autres qui suscitent moins la controverse, je pense que cette résolution pourrait effectivement aider à convaincre les Etats à ouvrir l’accès aux informations relatives à la sécurité nationale. Au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, je peux donc appuyer le projet présenté par mon collègue Díaz Tejera.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est ouverte.

M. KALMÁR (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Madame la Présidente, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter au nom du Groupe du PPE notre rapporteur, M. Díaz Tejera, et son équipe. M. Díaz Tejera s’est occupé avec beaucoup de sérieux de cette question qui est aussi importante que sensible.

Le Groupe du PPE se félicite du fait que le rapporteur ait insisté sur le rôle important du Conseil de l’Europe, qui fut à l’origine, il y a quelques années, des activités visant à réglementer au niveau international la question de l’accès à l’information. La principale question généralement soulevée est de savoir comment résoudre la contradiction apparente entre, d’une part, les principes de transparence et de liberté d’accès à l’information, de démocratie, et, d’autre part, les besoins des services de sécurité, la sécurité nationale. Dans certains cas même, des gouvernements restreignent les libertés démocratiques sans impératif de sécurité, ce qui crée des tensions au sein de la société. Nous espérons que l’adoption, au mois de juin de cette année, des principes mondiaux sur la sécurité nationale et le droit à l’information permettra de régler ces problèmes de façon qu’aucun gouvernement ne puisse s’engager sur une telle voie.

Nous sommes d’accord sur le principe général : toutes les informations détenues par les autorités publiques devraient être librement accessibles. Mais, bien entendu, dans notre monde, marqué par une lutte constante contre le terrorisme et une demande très forte de sécurité du public, mais aussi par une demande de respect des données privées, il faut qu’il y ait des exceptions. Il faut en débattre et le rapport y contribue.

Il faut espérer que la réglementation empêchera ce phénomène constaté de temps à autre au sein des services de sécurité : en raison du manque de transparence et en l’absence de supervision satisfaisante, les membres de ces services agissent de manière indépendante, à titre personnel, en faisant un usage illégal des informations auxquelles ils ont accès.

En conclusion, le Groupe du PPE est favorable à l’adoption de ce document.

M. FLYNN (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – C’est un grand plaisir pour moi que de soutenir ce rapport remarquable.

Nous savons tous que le secret est parfois indispensable, par exemple en situation de guerre, mais, au Royaume-Uni, l’opinion publique et les parlementaires sont très opposés à certains plans du gouvernement qui comportent inutilement une bien trop grande part de secret. Dans un système ouvert, dans un système d’information transparente, chercher des armes de destruction massives inexistantes en Irak n’aurait pas été possible. Nous sommes allés en Afghanistan pour défendre le Royaume-Uni contre une menace terroriste, la menace des talibans, une autre menace parfaitement inexistante. Et, aujourd’hui, il faudrait nous préparer à une attaque de missiles iraniens inexistants.

Le 21 août dernier, la Chambre des communes a pris une décision extraordinaire : pour la première fois depuis des siècles, le Parlement a voté contre un Premier ministre qui voulait entraîner son pays dans une action guerrière, en l’occurrence en Syrie. C’est un changement fondamental, pas seulement au Royaume-Uni mais dans le monde entier. Pourquoi cette décision ? En raison de l’absence de confiance en ce que nos leaders nous racontent. Nous n’irons pas faire la guerre sans être pleinement informés.

Un document extraordinaire vient d’être publié grâce au Guardian, qui montre que l’opinion publique ne veut plus voir les cercueils des soldats tombés en Afghanistan.

La guerre du Vietnam s’est arrêtée lorsque l’opinion publique a été choquée par les linceuls rapatriés au pays.

Le document qui a été publié il y a deux semaines indique que le gouvernement a délibérément veillé à ce que les cercueils des soldats tombés au combat soient bien visibles. La foule qui s’est rassemblée autour de ces cercueils a exprimé sa douleur face à des pertes irremplaçables.

Il faut donc insister pour obtenir une pleine transparence. Le gouvernement sait la vérité. Il n’est pas nécessaire de se lancer dans la rhétorique churchillienne ou de jouer au petit Napoléon pour écrire une vaine page d’histoire.

Disons aux fabricants d’armes qui ont un intérêt dans tout cela, que la transparence réduira les effusions de sang et permettra de mieux préserver la paix.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Le mot démocratie est étroitement lié à un autre mot : délibération. En effet, afin que la démocratie soit authentique, il est important de pouvoir délibérer. Et pour pouvoir le faire, il faut avoir accès à une information pertinente. Le groupe libéral salue de façon tout à fait positive le rapport détaillé et particulièrement bien équilibré qu’a présenté M. Díaz Tejera.

Nous pensons que les lois relatives à la transparence qui sont en train d’être approuvées dans différents parlements sont essentielles pour la qualité de la démocratie. Mais nous devons faire une différence entre l’information publique et l’information pertinente qui nous permet de prendre des décisions. Les gouvernements détiennent une grande quantité d’informations qui devraient être rendues publiques. Certains d’entre eux possèdent même des informations qui violent notre droit à la vie privée.

Au nom de la sécurité, l’Etat a une attitude invasive à l’égard de notre vie privée. Nous savons qu’un grand nombre d’appels téléphoniques, de mails et de messages sont surveillés par les Etats au nom de la sécurité.

Le groupe libéral est en faveur de la défense de la vie privée. C’est un peu sa raison d’être. Nous sommes des grands démocrates, tout comme la présidente du Brésil, qui a demandé un débat sur le droit à la vie privée sur internet et sur l’attitude invasive des services secrets.

Les violations de la vie privée ne sont possibles que grâce à la coopération de l’Etat avec des entreprises privées. Certaines d’entre elles ont en effet accès à une grande quantité d’informations concernant notre vie et elles sont, de ce fait, bien plus puissantes que certains Etats. Google, par exemple, la troisième entreprise mondiale, détient un grand nombre d’informations concernant notre vie privée et son rôle a peut-être été primordial dans les faits que nous connaissons.

Je remercie le rapporteur pour son très bon rapport, qui nous a permis de nous pencher sur ce sujet.

M. VILLUMSEN (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son excellent rapport. Il s’agit là d’un sujet important et pertinent. Le droit à l’accès à l’information est crucial dans les démocraties, notamment pour lutter contre la corruption.

Le rapport fait mention de l’activité des services secrets et plus particulièrement du fait que lorsque nous parlons avec nos proches au téléphone, les services de renseignement des Etats-Unis nous écoutent peut-être. Bien que nous ne soyons pas des criminels, et alors qu’aucune police nationale ne mène d’enquête sur nous, les services de renseignement des Etats-Unis nous suivent tout au long de nos activités, au téléphone, à travers nos courriels ou lorsque nous sommes sur les réseaux sociaux !

Même les institutions de l’Union européenne ont été écoutées par les services de renseignement américain ! C’est inacceptable. Il s’agit d’une violation claire et nette du droit à la vie privée.

Mais ce débat n’aurait pas lieu s’il n’y avait pas quelques Américains courageux, je pense notamment à Edward Snowden, ce donneur d’alerte américain – qu’il faut protéger. Je lui envoie d’ailleurs un message pour lui dire que nous saluons ses efforts et que nous condamnons la chasse aux sorcières des Etats-Unis. C’est bien le gouvernement américain qui viole les droits de l’homme et non pas M. Snowden.

C’est la raison pour laquelle notre Assemblée se doit d’entériner ce rapport.

LA PRÉSIDENTE* - Le rapporteur répondra à la fin du débat à l’ensemble des orateurs.

Mme SZÉL (Hongrie)* – La transparence grâce à la publication des données dans l’intérêt général est la meilleure arme contre la corruption. Sans publicité, l’Etat devient imprévisible et les dangers augmentent. Un Etat qui ne respecte pas la transparence lèse les droits constitutionnels.

Trois étapes sont extrêmement importantes. Tout d’abord, étendre le domaine de la liberté active de s’informer ; ensuite, avoir des garanties légales pour cette liberté ; enfin, obtenir la pleine transparence sur les intérêts que peuvent avoir des décideurs politiques dans des entreprises privées.

La publication des informations est importante même en l’absence d’une vraie demande. La liberté de l’information, la publication d’informations sensibles, sur la situation financière des élus par exemple, sans que cela soit expressément demandé, va dans le sens de la transparence. Mais il est vrai que vouloir mettre en place un tel système partout en Europe est très difficile.

Actuellement, violer la liberté d’information n’entraîne guère de sanctions. Il faut donc des lois, notamment dans le domaine de la publication des conflits d’intérêts. Seule la liberté totale de l’information assure la transparence requise.

La liberté d’information peut être limitée très partiellement dans une société démocratique pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est toujours au prix d’un risque pour l’ordre moral.

Face à une telle situation, les citoyens peuvent avoir le sentiment que ce qu’ils voient ne correspond pas à la réalité. En outre, les fonds consacrés à la préservation d’informations secrètes manquent au budget d’autres secteurs importants de la société, éducation et autres.

M. ARIEV (Ukraine)* – L’accès à toute information publique est le principe de base d’une société démocratique et ce n’est que dans les pays où les gouvernements sont soucieux de leurs responsabilités à l’égard des populations que le vote prend tout son sens. Les citoyens ont droit à un retour du gouvernement et des services publics sur l’utilisation des impôts qu’ils payent.

Des exceptions existent toutefois qui répondent à des nécessités de sécurité ou quand il s’agit d’informations privées. Pour autant, tous les politiciens et responsables publics devraient comprendre qu’il est normal qu’ils soient surveillés plus particulièrement et que l’on sache comment l’argent public est dépensé, puisqu’ils sont payés par les contribuables.

Tous les pays à forte tradition démocratique se font un devoir de publier les avoirs financiers dont disposent les membres du gouvernement et du parlement, mais dans les Etats où les démocraties sont en évolution, les fonctionnaires confondent bien souvent le public et le privé. Un journaliste ukrainien, par exemple, n’a pu obtenir que les déclarations financières d’à peine la moitié des députés – cette information était censée être publique. La société ukrainienne ne peut obtenir d’informations sur les dépenses du Président Ianoukovitch, car les organismes d’Etat rejettent de telles requêtes pour des raisons de sécurité. Mais de quelle nature sont ces dépenses ? Le secret s’impose non pas tant parce que des travaux de réparation ont été réalisés dans les toilettes du Président, mais parce que l’on redoute que la société n’apprenne le train de vie luxueux que mène le Président d’un pays pauvre ! Je peux comprendre pourquoi les bureaucrates ne souhaitent pas partager de telles informations avec le public…

La situation que nous connaissons en Ukraine existait en Pologne voilà douze ans. A l’heure actuelle, le refus du droit à l’information ne se produit que de façon très sporadique. En Ukraine, nous n’avons pas d’institution qui fasse respecter le droit du public à l’information et aucune sanction ne s’applique. Les hommes politiques ne souhaitent pas que l’on divulgue le montant de leurs dépenses. A noter d’ailleurs que 90 % de l’ensemble des arrêts de la Cour prennent le parti des fonctionnaires contre les citoyens. Notre Assemblée doit par conséquent traiter cette question de la mise en œuvre des arrêts relatifs à l’information et veiller à ce que les gouvernements et les parlements deviennent plus ouverts et responsables. La seule source de pouvoir dans l’ensemble de nos pays, c’est le peuple, principe fondateur des Constitutions des pays membres du Conseil de l’Europe.

M. BIEDROŃ (Pologne)* – Je remercie tout d’abord M. Díaz Tejera pour son excellent rapport, qui traite fort bien d’une question essentielle pour les droits de l’homme dans le monde contemporain : l’accès à l’information publique.

Les révélations d’Edward Snowden nous ont appris la façon dont les services secrets agissent et la façon dont les choses se passent quand ils ne sont plus contrôlés. En Pologne, nous avons une certaine expérience sur la façon d’utiliser les législations pour accéder à l’information et contrôler les services secrets. Des ONG spécialisées cherchent régulièrement à obtenir des informations. Si dans un premier temps, elles se voient opposer un refus, après diverses actions, elles parviennent à en obtenir, par exemple des statistiques relatives à l’enregistrement et à la surveillance. C’est ainsi qu’elles peuvent ensuite faire pression pour mettre fin à des abus. Toute cette démarche serait impossible sans les lois de liberté d’accès à l’information.

Récemment, l’Open Society Justice Initiative a publié un catalogue de principes sur les relations entre la sécurité nationale et l’accès à l’information publique. L’important travail de coopération entre un grand nombre d’ONG, d’universités et d’experts a permis d’adopter des principes généraux de sécurité nationale et du droit à l’information, que l’on appelle les principes « Thswane » ?. La communauté internationale se doit de les promouvoir. Je remercie M. le rapporteur de l’avoir fait.

Notre travail cependant ne devrait pas s’arrêter là, car Edward Snowden nous montre qu’une plus grande transparence s’impose. Nous devrions travailler sur l’accès à l’information publique mais également sur les conventions d’ordre général en faveur de la protection en faveur de la vie privée. Les mesures de transparence ne peuvent seules êtres l’instrument de contrôle. Frank La Rue, rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression, a récemment proposé de travailler sur cette question. Je pense que le rôle de l’Assemblée parlementaire serait de s’impliquer dans ce travail en apportant son expertise et son expérience européenne.

M. Mignon, Président de l’Assemblée, remplace Mme de Pourbaix-Lundin au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT – Mme Khidasheli, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme FORT (France) – Monsieur le rapporteur, l’accès à l’information permet aux citoyens de participer de manière positive à la vie de leur société. D’une certaine manière, comme le rappelait récemment l’Union interparlementaire « l’information est l’oxygène de la démocratie ». Mais j’ai acquis la conviction que cette exigence d’information, légitime, du citoyen ne doit pas conduire à un principe de divulgation maximale et à une transparence absolue.

En effet, cette surinformation peut constituer un danger en amenant le citoyen à juger ses gouvernants non sur de vrais éléments politiques, mais sur des détails restrictifs, « médiatiques », beaucoup moins essentiels.

En laissant croire que la « démocratie liquide » pourrait remplacer à terme la démocratie représentative, certains réseaux sociaux ou sites d’information la mettent en danger partout où elle est fragilisée.

Nous devons donc être prudents, car si l’information utilisée avec pragmatisme est en effet l’oxygène de la démocratie, l’information diffusée sans conscience peut devenir un danger pour nos valeurs et notre sécurité.

La question de l’équilibre nécessaire entre une liberté d’information inhérente à la démocratie et la préservation de la sécurité nationale se pose d’autant plus que notre monde évolue et que de nouveaux dangers menacent nos démocraties.

Monsieur le rapporteur, je pense que la publication de documents confidentiels, de télégrammes diplomatiques faisant parfois le compte rendu d’entretiens où des personnalités ont parlé librement parce qu’elles se croyaient protégées par cette confidentialité n’est pas sans importance. Cette absence de pragmatisme dont font preuve certains internautes doit nous amener à nous interroger : au nom des droits de l’homme, a-t-on le droit de tout publier ? J’ai envie de répondre : prudence, car la protection des données sensibles est devenue une obligation face à des terroristes de mieux en mieux organisés. La divulgation maximale des informations leur offre des armes précieuses pour nous toucher plus durement.

Prudence, car sous couvert de transparence de la vie publique, nous assistons de plus en plus à la publication d’informations personnelles, financières ou autres, exploitées par ceux qui luttent contre la démocratie. Les partis extrémistes de toute l’Europe ont bien compris l’usage qu’ils pouvaient en faire !

Prudence enfin, parce que face à une cybercriminalité redoutable, des réseaux mafieux prêts à tout, les services chargés de la sécurité doivent pouvoir travailler dans la discrétion.

Monsieur le rapporteur, il est vrai que certains Etats, y compris dans notre Assemblée, privent leurs citoyens d’un accès à l’information légitime, souvent corollaire d’une limitation de la liberté d’expression. C’est quelque chose contre lequel il faut lutter, et votre rapport en fait état. Mais il ne faut pas, au nom des droits fondamentaux, désarmer nos démocraties face à ceux qui veulent les anéantir.

Je termine en disant : prudence !

M. NICOLAIDES (Chypre)* – Le thème dont nous traitons aujourd’hui, particulièrement controversé, mérite toute notre attention, non seulement parce qu’il a récemment fait les gros titres des journaux dans le monde entier – je songe au droit de l’opinion publique de savoir si des armes chimiques ont été utilisées en Syrie, ainsi qu’à l’affaire Snowden –, mais parce qu’il y va du droit à l’information, composante évidente de toute démocratie pluraliste et ouverte.

Où s’arrête le droit d’accès à l’information des citoyens ? Telle est la question fondamentale que nous devons nous poser. Tous nos gouvernements sont-ils prêts à se soumettre au contrôle, sont-ils disposés à l’ouverture ? Non ! Ils ont été élus sur des engagements convaincants à la fiabilité, à la transparence, au respect des droits de l’homme, mais il y a comme toujours des exceptions à cette règle : dans certains cas, la diffusion d’informations peut compromettre la protection de l’intérêt public. Pendant des années, les gouvernements ont manœuvré en secret, en particulier en matière de sécurité publique et de défense, tout en entretenant une culture de « confidentialité » qui rappelle étrangement la guerre froide. Le problème est que la rétention d’informations a également gagné d’autres secteurs, dont la politique économique des Etats membres.

L’information peut également être retenue si l’on pense que sa diffusion risque de nuire aux intérêts commerciaux de tiers, à l’intégrité des procès, au conseil juridique interne ou à l’efficacité des inspections, des enquêtes et des audits. Dans certains cas, les autorités peuvent décider d’exclure la société civile du processus décisionnel ou d’aller au-delà de ce qu’exige l’intérêt public, par exemple lorsqu’elles négocient des traités importants. Les chefs d’Etat et de gouvernement sont élus par les peuples pour gouverner, pour prendre les décisions nécessaires, et ils le font au nom du peuple. C’est à ce titre qu’ils choisissent les informations qu’ils rendent publiques. Ils doivent le faire de manière non pas arbitraire, mais calculée et proportionnée, et afin de garantir le bien public. Les citoyens doivent être sûrs que les gouvernements qu’ils ont élus agiront en toute bonne foi et dans l’intérêt des individus. Bien entendu, les gouvernements devraient également être tenus responsables de leurs actions et de leurs omissions. Nous, parlementaires, devons lutter pour instaurer des instruments d’équilibre et de contrôle, dans un cadre juridique, afin que les exceptions invoquées par les gouvernements soient fondées et puissent donner lieu à une procédure judiciaire le cas échéant.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail et pour la manière dont il a su traiter ce thème sensible.

Il est très difficile de fixer des principes applicables dans des pays de tradition démocratique avancée comme dans des pays en développement ou dans lesquels le taux de criminalité est très élevé. Les citoyens ont le droit d’accéder à l’information, mais l’Etat a le devoir de garantir la sûreté nationale, et ces deux exigences entrent souvent en conflit. La meilleure façon de protéger les intérêts légitimes de la sécurité nationale est toutefois de tenir le public informé des activités gouvernementales, dont, justement, celles qui tendent à préserver la sécurité nationale. D’autre part, les informations doivent conserver un certain degré de confidentialité dans les cas où leur divulgation publique pourrait compromettre le bon fonctionnement de l’Etat. Trouver le bon équilibre entre ces deux intérêts est un défi constant pour tout gouvernement démocratique. Nous devons d’abord définir des principes et adopter des textes législatifs désignant clairement les données qui doivent rester confidentielles et définissant les conditions d’accès aux données.

La Serbie a adopté deux lois en ce sens, l’une sur la protection des données personnelles, l’autre sur le libre accès aux informations d’intérêt public. Les organes de supervision, notamment au niveau du pouvoir législatif, jouent un rôle essentiel pour assurer l’équilibre entre ces divers impératifs. Il n’existe pas de norme en la matière au niveau de l’Union européenne, mais les pays candidats sont tenus de respecter certaines règles. Dans son dernier rapport d’avancement concernant la Serbie, la Commission européenne a ainsi indiqué que le suivi parlementaire des activités de renseignement était limité. Mais, aujourd’hui, l’on peut dire que la situation a changé : les services de sécurité sont soumis à une commission de contrôle de l’Assemblée nationale serbe qui, depuis sa création il y a un an, a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire les demandes de l’Union européenne et en respecter les normes. Cette commission a assuré un contrôle direct de la légalité des procédures opérationnelles auxquelles recourent les services de sécurité et de renseignement. Ces derniers ont reconnu la nécessité d’accroître la transparence de leur action et ont accepté les procédures de vérification parlementaire.

Enfin, il est essentiel de préserver le dialogue régional et d’assurer un échange très efficace des données et des renseignements, non seulement pour développer la coopération entre les services de renseignement, mais aussi pour renforcer la confiance, la sécurité et la primauté du droit.

M. SUDARENKOV (Fédération de Russie)* – Comme le dit le rapporteur, des donneurs d’alerte ont ouvert les yeux de la communauté internationale et révélé l’importance du contrôle que permettent les technologies modernes de l’information. Soulignons le rôle essentiel de l’Onu, qui a élaboré des normes et des principes en la matière. Rappelons également l’initiative de la Russie et la déclaration conjointe, en juillet dernier, des présidents russe et américain.

L’accès à l’information se heurte à bien des obstacles et la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics progresse très lentement. Quelle est l’essence des principes de sécurité nationale qui sont invoqués ? En quoi peuvent-ils aider les législateurs ? Comment interpréter les cas de limitation de l’accès à l’information ? Que représente la neutralité d’internet ? Sans être obsolète, la Recommandation au Comité des Ministres sur l’accès à l’information détenue par les autorités publiques, adoptée il y a une trentaine d’années – c’était un autre monde ! –, pourrait être révisée.

C’est à la transparence des organes de pouvoir que se mesure leur degré de responsabilité. Elle révèle dans quelle mesure une société est ouverte, dans quelle mesure elle permet à ses membres de jouir de leur droit à l’information. J’apporte tout mon soutien à ce rapport très professionnel et j’espère qu’il contribuera à améliorer la situation dans ce domaine.

M. BENEYTO (Espagne)* – Je félicite chaleureusement notre collègue Díaz Tejera, rapporteur, ainsi que M. Franken, rapporteur pour avis, pour le travail qu’ils ont effectué sur ce thème très actuel et terriblement complexe. Il est extrêmement difficile, en effet, de parvenir à un équilibre entre le libre accès à l’information, auquel nous sommes tous attachés, et les dangereux abus qui risquent d’être commis en la matière.

Notre société ne cesse de devenir plus transparente, plus ouverte. Les médias en ligne sont de plus en plus mondiaux, mais on note aussi une réserve de plus en plus forte face à une ouverture absolue. Il faut trouver un équilibre. Cet équilibre, c’est celui que nous propose le rapport.

De nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas signé et ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur les médias sociaux. Cela doit être corrigé rapidement. Les Principes globaux de sécurité nationale et de droit à l’information ont fait l’objet, ces derniers temps, d’une série d’initiatives privées. Ces principes peuvent-ils être considérés comme un dispositif à mettre en œuvre ? Avec un système d’enregistrement, on peut en douter.

En Espagne, un projet de loi actuellement examiné par le parlement porte sur la transparence. Nous espérons qu’une majorité de parlementaires se rallieront à ce projet, qui serait une avancée vers une liberté d’information renforcée tout en imposant des exceptions clairement délimitées.

Mais je voudrais mentionner ici certains des problèmes que nous rencontrons.

Tout d’abord, se pose la question de savoir jusqu’où doit aller l’accès aux informations de sociétés privées. Comme l’a montré l’affaire Google ou des affaires impliquant d’autres sociétés, il s’agit là d’une question extrêmement délicate, extrêmement sensible.

Se pose aussi la question de la classification et de la déclassification de l’information : qui doit s’en charger ? Certainement un organisme indépendant mais qui soit aussi, si possible, sous le contrôle des parlements nationaux. Et quelle méthode utiliser pour classifier ou déclassifier ?

Enfin, la protection des donneurs d’alerte et des informations qu’ils fournissent est un autre point très délicat quand on parle de la liberté d’information.

Cela dit, deux points me semblent critiquables dans ce rapport : à mon sens, il entre trop dans le détail en ce qui concerne la Banque centrale européenne et son président ; et il mentionne également de façon trop détaillée des affaires concernant les Etats-Unis.

M. HANSON (Estonie)* – A mon tour, je tiens à féliciter M. Díaz Tejera pour avoir traité d’un thème aussi important, le portant ainsi à l’attention de l’Assemblée, et à remercier M. Franken pour sa contribution. A mon avis, l’équilibre est délicat entre la sécurité nationale et l’accès à l’information. Cet équilibre a été trouvé, les projets de résolution et de recommandation en sont la preuve.

Mais je voudrais souligner certains points.

Tout d’abord, les droits de l’homme revêtent une dimension essentielle lorsque l’on discute de thèmes aussi complexes que celui de la sécurité nationale. Si la Convention européenne des droits de l’homme, en son article 10, stipule que toute personne a le droit de recevoir et de transmettre des informations et des idées sans l’interférence de l’autorité publique, elle précise aussi que l’exercice de ces libertés peut parfois être soumis à des restrictions, mais que celles-ci doivent être prévues par la loi, précises, claires et accessibles au public. Enfin, et ce point n’est pas le moindre, il faut poursuivre un objectif légitime et permettre un recours effectif à la sécurité nationale, dont les intérêts peuvent être une raison valables pour restreindre l’accès public à l’information – mais uniquement lorsque ces intérêts sont bien définis, transparents et légaux.

A cet égard, je veux évoquer la Cour européenne des droits de l’homme, qui doit être encouragée et a sans doute besoin de ressources supplémentaires afin de pouvoir continuer à travailler pour le développement du droit à l’information.

A mon sens, les mots clés dans ce débat sont les mots « public informé ».

Dans une société démocratique, les restrictions mises à l’accès à l’information ne peuvent être légitimes que dans la mesure où elles se fondent sur un socle clair. Il ne s’agit pas de faire une confiance aveugle aux gouvernements. Le niveau de contrôle public de la base juridique doit être adapté. En d’autres termes, les citoyens ou leurs représentants élus doivent décider de ce qui est bien et de ce qui est mal en la matière. Cela implique qu’ils jouent un rôle actif dans la formulation des politiques de sécurité nationale, mais également qu’un contrôle soit exercé sur les activités des services secrets.

Enfin, il faut être particulièrement attentif à la création d’un environnement permettant à l’exécutif de respecter, protéger et assurer l’ouverture par rapport à la culture du secret qui prévaut trop souvent dans nos bureaucraties.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Je puis approuver les propos de tous les collègues qui m’ont précédé : il faut aussi trouver un équilibre, il faut garantir la transparence.

Mais j’ai entendu dans ce débat des attaques contre la politique des Etats-Unis. Mon épouse était près du grand magasin Harrods lorsque l’IRA a commis un attentat à la bombe, et je dois dire que s’il y avait un choix à faire entre la vie de mon épouse ou de ma fille, qui pourraient être tuées par des terroristes qui méprisent toutes les valeurs qui nous tiennent à cœur, et la protection d’informations par les services secrets au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, je n’hésiterai pas une seconde. Je sais quel serait mon choix.

Le fait est que ces services secrets travaillent pour nous aider, nous protéger et protéger nos libertés. Sans eux, ces libertés seraient compromises. Une affaire comme Wikileaks, où furent divulguées toute une série d’informations simplement parce qu’elles étaient marquées « secret », est regrettable. Une telle divulgation fait courir un risque considérable à de nombreux agents qui, courageusement, ont voué leur vie à la protection de nos libertés.

Voici un peu plus d’un an, je me trouvais au Kenya, dans le centre commercial de Nairobi qui vient de faire l’objet des attaques sanglantes dont nous avons vu les images. Nous avons vu quel pouvait être le résultat d’attaques terroristes. Si j’évoque le Kenya, c’est que ce cas montre comment nous devons protéger les droits des donneurs d’alerte lorsqu’ils révèlent des affaires de corruption. John Githongo a été poursuivi par le gouvernement kenyan pendant des années parce qu’il révélait des affaires de corruption. Il ne révélait pas des affaires liées à la sécurité nationale. Avec le nouveau gouvernement, il a d’ailleurs pu rentrer dans son pays où il poursuit son travail.

En fait, je plaide pour un équilibre. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La question des principes se résume, à mon avis, à cet impératif d’équilibre. Nous devons préserver le droit de nos gouvernements nationaux et de nos services de sécurité et de renseignement à garder certaines informations secrètes pour préserver nos droits et notre possibilité de participer à ce genre de débats. C’est dans cette mesure que je puis appuyer ce rapport.

M. RECORDON (Suisse) – Je remercie le rapporteur pour son excellent travail et je salue la contribution utile de la commission de culture, de la science, de l’éducation et des médias. Je me félicite par ailleurs que plusieurs amendements aient été approuvés.

Le sujet que nous abordons aujourd’hui est particulièrement complexe. Tout d’abord, qu’entendons-nous par « accès à l’information » ? Ce n’est pas simplement le fait de pouvoir disposer de l’information, c’est également être en mesure de vérifier sa véracité et la traiter, sans se laisser déborder par la masse.

Sur la question de la sécurité nationale, il paraît préférable d’éviter les délires sécuritaires très à la mode en ce moment, même si des moyens suffisants sont bien entendu nécessaires pour lutter contre les attaques lancées contre les sociétés démocratiques.

Toutefois, il convient de rester vigilant. Nous connaissons trop les dérives commises au nom de la sécurité nationale pour ne pas exiger fermement, comme le fait le rapport, une base légale et des contrôles efficaces. La transparence est un moyen de contrôle contre les abus de pouvoir.

On peut sans doute formuler des reproches à l’encontre de MM. Manning, Assange et Snowden, mais je crois qu’ils ont plutôt fait œuvre utile. Comme l’a souligné le porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne, il est important de soutenir la démarche des lanceurs d’alerte. Nous sommes bien placés, au sein de cette Assemblée, pour savoir combien les abus de pouvoir des Etats sont dangereux pour les droits humains.

Nous devons être très attentifs à l’équilibre entre la sphère privée et la sphère publique. Du côté de la sphère privée, le secret mérite d’être protégé. Du côté de la sphère publique, il doit rester exceptionnel. C’est sur la base de cette règle et des propositions du rapport que nous devons aujourd’hui aborder la question de la sécurité nationale et de l’accès à l’information.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Je félicite M. Díaz Tejera pour son travail. J’ai participé hier aux délibérations de la commission. La phrase la plus importante dans le projet de résolution est sans doute celle du paragraphe 8.7 : « Toute personne qui signale des abus dans l’intérêt général (donneur d’alerte) doit être protégée de tout type de représailles, dans la mesure où il ou elle a agi de bonne foi et a suivi les procédures applicables. » C’est tout à fait le cas de M. Snowden.

Hier, M. Narychkine, le président de la Douma, était devant nous. Je n’ai malheureusement pas eu la possibilité de lui poser une question. Les parlementaires scandinaves ont évoqué à maintes reprises la situation des personnes LGBT. Il est très important de souligner également que la Russie défend les droits de l’homme en offrant un asile à M. Snowden, lui évitant ainsi la torture et 40 années d’emprisonnement à Guantanamo.

Ce scandale montre combien l’Europe doit se défendre. Les Etats-Unis, par le biais de leurs services secrets, mais aussi certains pays européens, conduisent des activités de surveillance des grandes organisations européennes. C’est pourquoi il est très important d’adopter le projet de résolution et l’amendement 2. Le Parlement européen a d’ailleurs l’intention de créer une commission d’enquête sur cette affaire. Nous devrions envisager de travailler avec lui pour tenter de comprendre ce qui s’est passé et mieux défendre les citoyens européens.

M. PINTADO (Espagne)*– Il n’est pas facile de trouver un équilibre entre la sécurité nationale et l’accès à l’information. Le mot clé, utilisé à plusieurs reprises dans ce débat, est précisément le mot « équilibre ». Souvent, lorsque l’on parle de l’action des gouvernements et des services secrets, on évoque la nécessaire transparence et la législation. Mais nous ne devons pas être naïfs : le mal existe et les Etats, pour assurer la sécurité de leurs citoyens, doivent prendre des mesures qui peuvent empiéter sur certains droits.

Quelle est la position des citoyens quant à l’utilisation des informations sensibles ? De manière générale, ils semblent préférer un peu moins de sécurité et une plus grande liberté d’information. Le rapport s’efforce de trouver un équilibre entre ces deux exigences. Comme l’a dit M. Beneyto, le Conseil de l’Europe a été pionnier en adoptant la Convention sur l’accès à l’information. Un certain nombre de pays ne l’ont pas encore signée, mais le processus est engagé. Nous abordons mieux aujourd’hui, au niveau international, le problème de la transparence, de l’utilisation des informations sensibles et de la sécurité du citoyen.

LE PRÉSIDENT – M. Belyakov, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Au cours des dix dernières années, internet s’est beaucoup développé. Cet outil pénètre aujourd’hui toutes les sphères de la vie publique. Les capacités de transmettre des informations ne cessent de croître. Il faut trouver un équilibre entre les missions relevant de la sécurité nationale, la lutte contre le terrorisme et le respect des droits humains.

L’affaire Snowden a montré que cet équilibre n’a pas encore été atteint. Les Etats-Unis pensent agir conformément à leur droit. Ils ont espionné les échanges d’informations de pays dans le monde entier en toute impunité. Les membres du Parlement européen ont proposé de lever l’application de l’accord d’échange d’informations entre l’Europe et les Etats-Unis. Finalement, l’Union européenne s’est limitée à demander des explications aux Américains.

Est-ce réellement suffisant ? Nous devons être reconnaissants à M. Snowden d’avoir rendu publiques ces violations. Et nous devons exprimer notre perplexité quant au fait qu’aucun pays européen n’a accepté de lui accorder l’asile alors que les Etats-Unis le menaçaient de la peine de mort. Le France, la Finlande et la Norvège offrent pourtant l’asile à des terroristes bien plus dangereux.

L’histoire se répète si l’on songe à l’affaire Assange. À mes yeux, ce dernier mériterait davantage le prix Nobel de la paix que, par exemple, Barack Obama.

La volonté, exprimée dans le rapport, de trouver un équilibre entre les besoins de la sécurité nationale et l’intérêt général devrait nous conduire à mettre en place un système dans lequel l’intérêt public serait prioritaire. Mais pour un simple citoyen, l’important est moins l’accès aux données gouvernementales que la protection de ses propres données contre l’Etat. C’est à la protection de ces données que nous devons vouer nos efforts.

Il faut assurer un équilibre entre les besoins de l’Etat en matière de sécurité et les droits de l’homme de la rue. En particulier, il convient, par un cadre législatif clair, de fixer des limites au droit et aux technologies en matière de surveillance des communications. De même, à l’échelon international, il faut établir des règles destinées à éviter les violations des droits humains. Seules des menaces attestées, confirmées doivent pouvoir justifier ce genre d’écoutes. Ce n’est qu’après l’adoption d’un amendement en ce sens que nous pourrons approuver le rapport.

Selon nous, il faut déjà prévoir un rapport sur ce sujet et se pencher sur cette problématique de façon plus détaillée.

M. CASEY (Canada, observateur)* – Ce débat tombe à point nommé compte tenu de ce qui s’est passé la semaine dernière au Canada. Tout d’abord, le chef du cabinet du Premier ministre a plaidé en faveur d’un accès plus large aux dossiers du gouvernement fédéral et un respect plus strict de la loi interdisant la destruction de ces documents.

Le jour suivant, Access Info Europe et le Centre pour la loi et la démocratie ont diffusé un rapport plaçant le Canada à la cinquante-sixième place, sur un total de 95 pays, dans le classement concernant la qualité des lois donnant accès à l’information.

L’aspect de notre législation qui est à l’origine de ce classement si bas concerne les exceptions et refus opposés aux demandes. Au Canada, en effet, l’exception tenant à la sécurité nationale a été maintes fois invoquée au cours des dix dernières années. Mon pays a donc encore beaucoup à apprendre de ce débat. Mais il peut également apporter sa contribution.

Le principe de base dans les sociétés démocratiques est qu’un gouvernement issu d’élections libres dispose d’une certaine latitude pour gouverner pendant la durée de son mandat. Ce mandat doit cependant être renouvelé par les électeurs au bout d’une période déterminée.

Cela étant, l’obtention d’un mandat pour gouverner n’est pas l’expression pleine et entière de la démocratie si l’on ne suit pas certaines règles. La responsabilité implique un certain degré d’ouverture et de transparence dans la prise de décision.

L’accès à l’information est donc essentiel pour la fiabilité et la transparence. C’est le signe d’une société démocratique saine. Inversement, un gouvernement qui pratique systématiquement l’obstruction et pose des obstacles pour entraver l’accès à l’information viole un principe fondamental de la démocratie. Lorsque des gouvernements retiennent certaines informations sans justification, il devient nécessaire de repenser entièrement l’accès à l’information et de réévaluer les exceptions prévues dans la législation.

Cela étant, existe-t-il des circonstances légitimes dans lesquelles un citoyen peut se voir refuser l’accès à l’information ? Oui, bien entendu. Le défi est justement de trouver le bon équilibre entre, d’une part, une approche marquée par l’ouverture et le respect du droit à l’information et, de l’autre, le droit des gouvernements de restreindre la diffusion de certaines informations.

Le rapport et le projet de résolution que nous examinons souligne ce nécessaire équilibre entre les enjeux liés à la sécurité nationale et la prise en compte des « Principes globaux » destinés à promouvoir la transparence et à protéger les citoyens contre les abus des responsables publics.

Les commissions et les rapporteurs ont joué un rôle important en faveur de la prise en compte des « Principes globaux » dans la modernisation de la législation et des pratiques. Cette exigence devrait être respectée par toutes les démocraties.

M. PALACIOS (Espagne)* - C’est un honneur pour moi de prendre la parole pour la première fois devant cette Assemblée parlementaire. Je le fais avec tout le respect que je dois à l’ensemble de ses membres, que je salue. J’en suis d’autant plus heureux que j’ai ainsi l’occasion de féliciter le rapporteur, M. Diaz Tejera, ainsi, bien sûr, que M. Franken pour l’excellent travail accompli sur une question aussi importante et opportune.

En effet, aujourd'hui plus que jamais, il convient de concilier l’accès à l’information et la sécurité nationale. Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire que les citoyens puissent exercer leur droit fondamental à la liberté d’expression et accéder à l’information se trouvant aux mains de leur gouvernement. L’exercice de tels droits est essentiel dans toutes les sociétés démocratiques qui se revendiquent comme telles.

Autrement dit, il est indispensable de bien contrôler les domaines dans lesquels il est possible, le cas échéant, de restreindre l’accès à l’information. C’est d’autant plus vrai que l’on voit s’ouvrir une fracture toujours plus importante entre les citoyens, leur gouvernement et leur classe politique.

Il est donc indispensable que dans tous les pays du monde, on mette un terme aux violations les plus graves des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par les Etats ou leurs représentants – telles que les séquestrations, les disparitions forcées, les tortures, les enlèvements, etc. –, dès lors que l’invocation de la sécurité nationale permet à leurs auteurs de rester impunis.

Les restrictions à la liberté d’expression et à l’accès à l’information doivent se limiter à certains aspects prescrits de façon claire et déterminée dans les textes de loi, de sorte que les citoyens sachent à l’avance quelles sont les règles du jeu, ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Il est indispensable de veiller à ce que de telles restrictions ne puissent concerner que des menaces graves à l’encontre des intérêts légitimes liés à la sécurité nationale.

C’est ce que nous faisons en Espagne, puisque notre parlement examine une loi de transparence dans laquelle tous ces principes sont dûment repris.

Il est surprenant, au XXIe siècle, de devoir encore revenir sur de telles questions, qui auraient dû être déjà traitées depuis longtemps. C’est pourtant nécessaire dans la mesure où un grand nombre de pays continuent à violer ces droits et principes fondamentaux. C’est pourquoi je renouvelle mes félicitations à l’adresse du rapporteur.

Mme TZAKRI (Grèce) * - Le problème de l’accès à l’information est souvent celui sur lequel on butte lorsqu’il est question de corruption d’Etat, et c’est aussi souvent l’un des principaux obstacles que l’on rencontre lorsque l’on essaie de s’informer sur ce qui se passe dans le monde économique. Le refus de donner des informations est non seulement une entrave à la lutte contre la corruption, mais aussi au contrôle du fonctionnement du gouvernement.

En tant que sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur, j’ai pu, en 2010, avec d’autres membres du gouvernement, lutter contre cette pratique inacceptable des autorités publiques, courante à l’époque. Nous avons pu remporter cette bataille en mettant en place un programme pionnier de publication de quasiment tous les documents non sensibles du gouvernement. Ce programme, appelé Diavgeia – « transparence » en grec – a permis de faire de grands progrès, notamment en matière de lutte contre la corruption. Il a surtout permis de rétablir la confiance des citoyens envers les institutions de l’Etat. La plupart des citoyens peuvent maintenant avoir accès à presque toutes les informations publiques depuis leur domicile.

Bien sûr, il se pose d’autres problèmes, comme la question de la prise en compte des impératifs de la sécurité nationale. Il faut réfléchir à tout cela pour mettre en place des principes et des procédures.

La feuille de route vers la transparence devrait être acceptée par tous les Etats membres pour créer un nouveau paysage, prenant en compte les diverses exigences. Il faut établir des relations de bonne foi entre nos citoyens et les Etats, car la démocratie n’est pas seulement l’affaire des experts et des politiques, c’est aussi la participation des citoyens qui légitime l’autorité de l’Etat.

M. JAKAVONIS (Lituanie)* – Je remercie l’auteur du rapport pour tout le travail qu’il a réalisé.

On demande au Conseil de l’Europe de se rallier aux principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l’information. La limitation de l’accès à l’information doit correspondre aux valeurs démocratiques de la société, elle-même fondée sur la loi. L’accent est mis sur le fait que par souci de l’intérêt public, il faut parfois restreindre cet accès, par exemple si l’on publie des informations concernant des violations graves des droits de l’homme.

Personnellement je me félicite que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe traite de cette question actuelle. On touche un très grand nombre de thèmes avec la sécurité nationale et l’accès à l’information : l’énergie, l’économie, les inventions industrielles, l’espionnage industriel, etc.

Les questions de sécurité nationale se posent en Europe et dans le monde entier. Elles concernent les individus, pas seulement les Etats. À l’époque d’internet, nous avons vu apparaître tout récemment le mot « hacker ». Désormais on peut intervenir jusque dans notre sphère privée, ce qui représente une menace.

Il faut fixer un équilibre entre les exigences des droits de l’homme et la sécurité nationale à une époque où le terrorisme, la contrebande, des situations criminogènes sont constatés dans les pays européens.

En Lituanie, plus de 100 000 conversations téléphoniques ont été écoutées en 2010. En 2012 en Pologne ce serait 1,7 à 2 millions, soit près de 40 % de la population. Au Royaume-Uni ce seraient 8 personnes sur 10. Cela suscite la réflexion.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est saisie de cette question. Fort bien, mais ce n’est qu’un premier pas et il faudra y revenir.

M. ALEKSANDROV (Fédération de Russie)* – Le problème dont nous traitons aujourd’hui est aussi vieux que le monde. On en parlait déjà dans les comités spéciaux de l’Otan, avec des experts, des scientifiques. C’est un sujet essentiel pour la démocratie.

Les révélations de Snowden indiquant qu’un grand pays démocratique écoute, surveille, partout, pas seulement pour la sécurité nationale de l’Etat mais à des fins politiques et économiques ont eu l’effet d’une bombe. Tout le monde a été choqué et bouleversé.

On dit que la fin justifie les moyens. Tout dépend de la fin et des moyens. Ces derniers risquent fort de détruire le monde. La sécurité est indispensable, mais elle doit être entre des mains professionnelles et éthiques. Les services secrets réclament toujours plus de prérogatives, de pouvoirs, de moyens financiers dont l’usage peut conduire à des abus.

Dans le débat entre sécurité et droits de l’homme, nous devons donner la priorité à l’homme et au respect des droits. On ne peut sauver l’être humain au prix de sa propre perte. On ne peut lutter pour l’être humain en risquant de le détruire. Les activités des services secrets doivent être encadrées par des personnes formées sur le plan éthique. Je souhaiterais l’organisation d’auditions en vue du renforcement du contrôle des parlements sur les activités des services secrets.

M. SASI (Finlande)* – Tout d’abord je félicite M. Díaz Tejera pour son excellent rapport relatif à l’accès par le public à l’information détenue par les autorités. Il ne s’agit pas de l’accès des autorités aux informations privées.

À mon sens, l’accès total à l’information détenue par l’autorité est la règle qui devrait prévaloir. C’est le cas en Finlande et en Suède selon un vieux principe. Dans l’Union européenne ce n’est pas toujours le cas, car on se cache derrière un certain nombre d’excuses.

Mais toute règle comporte des exceptions. La sécurité nationale est une raison tout à fait compréhensible pour empêcher un accès total à l’information. Des exceptions sont énumérées dans le rapport, qui doivent être prévues par la loi. L’objectif légitime est le respect de la société démocratique. Aux autorités qui détiennent les informations doit revenir la charge de la preuve.

Le point 8.5 du rapport est important car il prévoit une exception aux exceptions. Dans certains cas, l’information doit devenir publique pour favoriser le débat. L’intérêt public peut être plus important que la rétention de l’information par les gouvernements. Je pense que nous avons là un bon équilibre.

Pour conclure, je dirai que les services secrets doivent être l’objet d’un contrôle particulièrement attentif, exercé par un organe extérieur. C’est essentiel lorsque l’on veut garder des informations secrètes. On comprend pourquoi certaines informations doivent rester secrètes, mais il faut des limites, et parvenir à un équilibre.

M. TALIADOUROS (Grèce)* – Le savoir, c’est le pouvoir, et, dans nos démocraties actuelles, l’accès à l’information est la clé à même de garantir que ce pouvoir appartient au peuple. L’accès à l’information est devenu la composante la plus essentielle de la surveillance des pouvoirs publics par le public, qui, ainsi, peut faire des choix en connaissance de cause. La question a donc des implications politiques fondamentales.

Dans un Etat de droit, les exceptions à la liberté d’information doivent être prescrites par la loi. L’accès à la liberté de parole et d’expression ne peut être restreint que dans le cadre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Parfois, il est nécessaire de retenir des informations, notamment lorsque leur divulgation ferait peser une menace sur la sécurité nationale, c’est-à-dire sur la survie de l’Etat et le bien-être de la population. Si la divulgation d’informations représente une menace critique pour des infrastructures de défense ou pour la diplomatie d’un pays, le secret doit pouvoir être respecté, mais la sécurité nationale ne peut pas être confondue avec la crédibilité des fonctionnaires et des institutions publiques. Cela ne peut pas non plus être une raison pour assurer une impunité.

Il faut donc respecter les principes suivants. D’abord, les limitations à l’accès à l’information doivent être restreintes. Ensuite, la classification et la déclassification de l’information doivent être soumises à des règles de procédure, et il faut désigner des personnes habilitées à accomplir ces actes. Enfin, les demandes d’accès à l’information doivent être traitées dans des délais raisonnables. Les décisions de refus doivent être dûment motivées et pouvoir faire l’objet d’un recours devant une instance indépendante et devant les tribunaux.

En respectant ces principes, il est possible de parvenir à un équilibre satisfaisant entre la liberté d’accès à l’information et la protection de la sécurité nationale.

LE PRÉSIDENT – Nous en venons à la dernière oratrice, et je m’excuse auprès des autres collègues qui se sont inscrites dans ce débat.

Mme CLUNE (Irlande)* – À la lumière des scandales qui ont éclaté, et qui, j’en suis quasiment convaincue, sont à l’origine de notre discussion d’aujourd’hui, à la lumière des révélations sur le programme Prism, il est important de s’unir, en Europe, pour trouver une solution. Je sais que la Commission européenne veut mettre en place certaines dispositions avant les prochaines élections européennes.

Il faut faire en sorte que les sociétés offrent aux citoyens européens des produits et services qui respectent les règles de l’Union européenne. Or, parfois, ils proviennent d’Asie ou des Etats-Unis, et il y a des différences entre les législations américaine et européenne sur la protection des données. Au sein de l’Union européenne, on ne peut traiter de données en l’absence d’une autorisation spécifique, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis. Voilà la différence !

Les données personnelles doivent être protégées. C’est un droit fondamental, et ce n’est pas négociable.

Un certain nombre d’accords entre les Etats-Unis et l’Union européenne ont été conclus depuis 1998 à propos du transfert des données des sociétés américaines et européennes, et un code de conduite existe également. Un certain nombre de contrôles doivent être exercés, faute de quoi un certain nombre d’abus sont commis.

Un équilibre doit être trouvé entre protection des données personnelles et sécurité nationale. Bien entendu, il faut soutenir les forces de sécurité nationales et internationales dans leur lutte contre le terrorisme, et nous ne devons pas systématiquement prendre le contrepied des Etats-Unis, auxquels nous faisons régulièrement appel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il faut le reconnaître, nous avons besoin d’eux. Dans le même temps, le droit à l’information et l’accès des individus aux données qui les concernent sont importants. Une certaine transparence et une prise de conscience s’imposent. Le respect de la liberté d’information me semble primordial.

M. BELYAKOV (Fédération de Russie)* – Monsieur le Président, j’étais inscrit dans le débat. J’aimerais donc pouvoir m’exprimer.

LE PRÉSIDENT – Vous avez été appelé, Monsieur Belyakov mais comme vous n’étiez pas à votre place, le débat s’est poursuivi tout à fait normalement.

Nous en avons donc terminé avec la liste des orateurs. Je suis désolé pour celles et ceux qui n’ont pu s’exprimer, mais ils ont la possibilité de déposer leur intervention dactylographiée au service de la séance dans les vingt-quatre heures, afin qu’elle puisse être publiée au compte rendu.

J’appelle maintenant la réplique de la commission.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – Je remercie les quelque 40 parlementaires qui s’étaient inscrits dans ce débat. Je remercie tous ceux qui ont effectivement pris la parole, car ils ont grandement enrichi le travail d’équipe que nous avons réalisé en commission et avec les fonctionnaires de notre institution.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’un rapport contre le peuple américain. Je suis au contraire de ceux qui pensent que nous avons une lourde dette à l’égard des Etats-Unis – grâce à eux, grâce à la Russie et à bien d’autres, nous avons pu vaincre le nazisme – mais ce rapport ne trouve pas sa raison d’être dans la seule actualité de ces derniers mois. Personnellement, cela fait deux ans que j’ai été désigné comme rapporteur. J’avais demandé à Dick Marty s’il voulait s’en occuper – comme il avait travaillé sur ces questions, cela me paraissait logique – mais il ne le souhaitait pas. J’ai donc présenté ma candidature, avec tout le respect dû à mes prédécesseurs.

Tout au long de ces deux années, nous avons entendu beaucoup de choses. Le rapport a pour objet de fixer un cadre juridique beaucoup plus clair aux fonctionnaires qui travaillent dans les domaines du renseignement et de la sécurité. Ce sont eux qui permettent l’exercice de la liberté, qui est, pour nous, la valeur suprême. Ils veillent à ce que nous puissions jouir pleinement de nos libertés, et ils ont toute notre admiration.

La transparence, les droits ne sont pas des valeurs absolues. Lorsqu’ils se heurtent à d’autres principes, il faut déterminer lesquels méritent le plus d’être protégés. La transparence ne doit connaître aucune limite. Au contraire, la notion de limite est bien la notion clé de nos démocraties. Or qui doit fixer ces limites ? De qui voulons-nous dépendre ? De la volonté d’un dictateur, d’un caudillo ? Non, nous ne voulons dépendre que du droit, de la loi, qui, seule, peut fixer les limites. Et seule une autorité nationale indépendante, par exemple une cour suprême, peut interpréter la loi. Cela peut aussi être un tribunal élu. Quoi qu’il en soit, il s’agit de réaffirmer l’importance de l’article 10 de notre Convention européenne des droits de l’homme, qui date de1950.

Il s’agit maintenant de remettre à jour cette défense, parce que de nouveaux défis se présentent et de nouveaux problèmes se posent à nous.

Le présent débat ne porte pas sur l’espionnage électronique à grande échelle. Nous nous contentons de l’évoquer parce que cela va dans le sens de nos préoccupations. Deux motions ont d’ailleurs été déposées pour établir des rapports sur cette question. Aujourd’hui, ce qui nous occupe c’est le droit à l’accès à l’information et les limites que l’Etat peut parfois poser. Ces limites doivent se fonder sur des exceptions dûment prévues. Il faut une cause légitime qui tienne à la démocratie, à l’intérêt général. Et il faut qu’une autorité, en dernière instance, puisse procéder à l’interprétation nécessaire des textes.

S’agissant des amendements, huit ont été acceptés mais d’autres ont été refusés. Ils sont pourtant tout à fait sensés et devraient être repris dans le prochain rapport.

Par ailleurs, nous souhaitons maintenir les alinéas 8.1 et 8.2, car si un débat public peut être déformé, ne pas avoir de débat serait encore pire.

Je vous invite à soutenir ce rapport qui est un travail d’équipe, ainsi que le projet de recommandation. Notre travail consiste à réaffirmer les droits de l’homme et la démocratie parlementaire.

Merci encore, Monsieur le Président, de votre bienveillance.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Le rapporteur a parlé de travail d’équipe. En effet ce rapport se distingue par la coopération étroite entre les deux commissions. Je tiens à dire toute ma gratitude aux membres de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias pour leur contribution aux amendements.

L’amendement 6, qui a été adopté à l’unanimité en commission, montre bien l’importance de restreindre les exceptions à la règle du droit au libre accès à l’information, en dehors de la sécurité nationale. Il faut limiter le plus possible ces exceptions pour que l’intérêt public l’emporte, comme cela est dit à l’alinéa 8.5 du projet de résolution.

L’exemple de la Banque centrale européenne a été cité aux paragraphes 25 à 29, car elle a réalisé des efforts pour refuser la publication de documents montrant que la Grèce a utilisé des échanges de devises avec Goldman Sachs pour dissimuler le niveau réel de sa dette publique avant son entrée dans la zone euro. Or nous savons tous que les conséquences pour la Grèce, pour la zone euro et pour l’Europe ont été considérables.

La Cour européenne a prononcé un jugement contre la divulgation de documents en dépit de l’article 225 du Traité de Lisbonne qui garantit l’accès à ces documents. Cela montre bien la tâche qui reste à réaliser. D’ailleurs, un appel a été interjeté devant la Cour de justice européenne dont le résultat sera très intéressant car il donnera une idée des rapports futurs entre celle-ci et notre propre Cour européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté un projet de résolution (Doc. 13293) sur lequel 11 amendements et 3 sous-amendements ont été déposés, et un projet de recommandation (Doc.13293) sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Le président de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement pour les amendements 3, 6, 8 et 2 sur le projet de résolution qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

Les amendements n°7, 10 et 11 ont également été adoptés à l’unanimité par la commission. Toutefois, comme ils ont fait chacun l’objet d’un sous-amendement, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

C’est bien cela, Monsieur le président ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Oui, monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 3, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 3, à insérer le paragraphe suivant : « Rappelant les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations, l’Assemblée confirme avec force que la violation systématique des droits de l’homme compromet la sécurité nationale et peut mettre en péril la paix et la sécurité internationales. L’Etat à qui la responsabilité en incombe n’invoquera pas l’intérêt de la sécurité nationale comme justification. »

L’amendement 6, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.2, à supprimer les mots suivants : « tels que la protection des relations internationales, la santé et la sûreté ou l’environnement ou des intérêts privés ».

L’amendement 8, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 8.4, à ajouter la phrase suivante : « Un réexamen des archives publiques contenant des informations secrètes devrait être effectué périodiquement afin de voir si la confidentialité reste légitime pour des raisons liées à la sécurité nationale. »

L’amendement 2, déposé par MM. Harutyunyan, Rustamyan, Mme Hovhannisyan, MM. Mahoux, Sasi, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 9, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée s’inquiète des récentes révélations concernant une surveillance des communications de grande ampleur par les services secrets et décide de suivre cette importante question en temps utile. »

En l’absence d’objections, les amendements 3, 6, 8 et 2 sur le projet de résolution sont déclarés adoptés définitivement.

LE PRÉSIDENT – Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 4, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 5, à insérer le paragraphe suivant : « Les pouvoirs publics ne peuvent avoir accès à des informations et communications privées ou à des données personnelles pour des raisons de sécurité nationale que si cet accès est prévu par la loi, que un impératif prépondérant quant à l’accès est établi et que cette mesure concrète s’impose dans une société démocratique afin de protéger l’existence de la nation, son intégrité territoriale ou son indépendance politique contre l’usage ou la menace de la force. Les pouvoirs publics ne doivent pas déléguer cette compétence à des personnes ou entreprises privées engagées pour assurer la protection de la sécurité nationale. Les mesures mises en œuvre dans ce contexte doivent être soumises à un contrôle administratif ou judiciaire. »

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Si l’accès aux informations relatives à la sécurité nationale était libre, les services de sécurité d’autres Etats auraient accès à ces informations. Il est donc important de rappeler la nécessité définie par la Cour européenne des droits de l’homme dans ce contexte pour assurer un bon équilibre.

En outre, cet amendement permet d’éviter une définition trop large des mots « sécurité nationale ».

M. SASI (Finlande)* – Je suis contre cet amendement, car il ne s’inscrit pas dans le cadre du rapport. L’objet du rapport, c’est l’accès aux informations détenues par les autorités publiques et non pas par des personnes privées.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre.

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L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 5, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.1, après les mots « doivent être librement accessible », à insérer les mots suivants : « au public lorsque ces informations sont d’intérêt général ou à toute personne qui a le droit d’obtenir des informations telles que des données personnelles ».

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – M. Snowden a révélé de nombreuses informations privées, protégées par l’article 8 de la convention relative aux données personnelles. Il ne s’agit pas d’avoir accès à toutes les informations, il faut assurer un équilibre avec le respect de la vie privée – je pense notamment aux informations sur la santé.

M. SASI (Finlande)* – La règle doit être, comme cela est indiqué dans le texte, le libre accès à l’ensemble des informations détenues par les autorités publiques. Il ne faut pas limiter cette règle. Je suis donc contre cet amendement qui est trop vague et manque de clarté. En outre, il conduirait à une situation tout à fait déplorable.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre.

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L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 7, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 8.3, à ajouter la phrase suivante : « La neutralité d’internet exige que les pouvoirs publics, les fournisseurs d’accès internet et d’autres s’abstiennent de recourir à des techniques d’écoute portant atteinte à la vie privée comme l’inspection des paquets en profondeur ou de s’immiscer dans le trafic de données des utilisateurs d’internet. »

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – La neutralité d’internet est mentionnée au paragraphe 8.3, à la fin duquel nous proposons d’ajouter une phrase.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 7, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend à remplacer les mots « à la fin du paragraphe 8.3, ajouter la phrase suivante » par les mots suivants : « avant le paragraphe 9, insérer le paragraphe suivant ».

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – La commission est favorable au sous-amendement.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Avis favorable.

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Le sous-amendement est adopté.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable, à l’unanimité sur l’amendement 7, ainsi modifié.

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L’amendement 7, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 9, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, à supprimer les paragraphes 8.5.1 et 8.5.2.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Une liste d’exemples figure aux paragraphes 8.5.1 et 8.5.2. Nous allons au-delà des principes qui nous guident dans ce rapport. En outre, ces exemples sont particulièrement abstraits et je pense qu’ils ne découlent pas de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. SASI (Finlande)* – Nous acceptons le motif de l’intérêt de la sécurité nationale, mais des limites doivent être posées, que l’on retrouve au point 8.5 relatif à l’intérêt public. Il est des situations qui requièrent d’avoir connaissance d’informations secrètes. Il faut alors en débattre au sein de la société.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre.

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L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 10, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.7, à insérer le paragraphe suivant : « Rappelant la Recommandation (2000) 7 du Comité des Ministres, l’Assemblée réaffirme que les mesures ci-après ne devraient pas être appliquées si elles visent à contourner le droit des journalistes de ne pas divulguer des informations identifiant leurs sources : (i) les décisions ou mesures d’interception concernant les communications ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs, (ii) les décisions ou mesures de surveillance concernant les journalistes, leurs contacts ou leurs employeurs, ou (iii) les décisions ou mesures de perquisition ou de saisie concernant le domicile ou le lieu de travail, les effets personnels ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs, ou des données personnelles ayant un lien avec leurs activités professionnelles. »

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Les mesures de surveillance et de recherche dépendent de la sécurité nationale et pourraient compromettre le droit des journalistes à ne pas divulguer leurs sources d’information. Ce point découle de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est pourquoi il est important de le rappeler ici.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 10, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend à remplacer les mots « après le paragraphe 8.7 » par les mots suivants : « avant le paragraphe 9 ».

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – Avis favorable.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Je suis favorable au sous-amendement.

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Le sous-amendement est adopté.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable sur l’amendement ainsi modifié.

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L’amendement 10, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 11, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8.8, deuxième phrase, à remplacer les mots « un organisme indépendant » par les mots suivants : « une instance nationale ».

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – L’article 13 de la Convention sur les droits de l’homme utilise le terme « instance nationale ». Les mots « un organisme indépendant » ne nous paraissent ni clairs ni conformes à la Convention.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 11, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend, après les mots « instance nationale » à insérer le mot suivant : « indépendante ».

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – Avis favorable.

M. BENEYTO (Espagne)* – Les deux sont liés. Pourquoi donc nier la possibilité de créer un organisme indépendant international ? Pourquoi devrait-il être nécessairement une entité nationale ? La formule précédente me paraît préférable.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis* – Je suis favorable au sous-amendement.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable sur l’amendement 11, ainsi modifié.

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Le sous-amendement est adopté.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable sur l’amendement, sous-amendé.

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L’amendement 11, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 1, déposé par MM. Ariev, Kandelaki, Ryabikin, Gulyás, Zingeris, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 8.8, à insérer les mots suivants : « Il ne devrait y avoir aucune restriction d’aucune sorte concernant l’information sur les déclarations fiscales d’hommes d’Etat, de titulaires de fonctions politiques et de fonctionnaires, ainsi que sur les dépenses d’hommes d’Etat, d’institutions publiques, de titulaires de mandats politiques ou de fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions. »

M. ARIEV (Ukraine)* – Notre amendement porte sur un point essentiel pour les jeunes démocraties. Les informations sur les déclarations fiscales des hommes d’Etat sont bien souvent refusées pour des raisons de sécurité. Si vous voulez agir pour la transparence, je vous invite à voter cet amendement.

M. SASI (Finlande)* – Je suis d’accord avec le texte présenté, mais il s’agit d’une déclaration fiscale des fonctionnaires, ce qui, me semble-t-il, n’est pas l’objet du rapport qui porte sur l’accès des informations détenues par les autorités publiques et refusées pour des motifs de sécurité nationale.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

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L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13293, tel qu’il a été amendé.

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Le projet de résolution, amendé, est adopté (140 voix pour, 3 contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13293, sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

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Le projet de recommandation est adopté (130 voix pour, 2 contre, 0 abstention).

LE PRÉSIDENT – Je salue Mme Gabriella Battaini-Dragoni, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, qui vient de nous rejoindre.

3. Discours de M. Sarkissian, Président de l’Arménie

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle le discours de M. Serge Sarkissian, Président de l’Arménie.

Monsieur le Président, je vous salue au nom de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où je suis très heureux de vous accueillir, ainsi que M. le ministre des Affaires étrangères d’Arménie, qui assure la présidence du Comité des Ministres, M. l’ambassadeur, et toute l’équipe qui vous entoure.

Je vous ai dit ce matin dans mon bureau combien nous nous réjouissons de vous recevoir aujourd’hui dans cet hémicycle, dans cette maison de la démocratie, dont vous faites partie. Nous apprécions tout particulièrement la présidence arménienne du Comité des Ministres et nous serons très attentifs au message que vous allez nous délivrer. Nombre de mes collègues se sont inscrits pour vous poser des questions. Nous sommes donc tous très impatients de vous entendre. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, et c’est avec un grand plaisir que je vous cède la parole.

M. SARKISSIAN, Président de l’Arménie* – Monsieur le Président, Madame la Secrétaire Générale, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, notre Organisation, qui représente 800 millions d’Européens.

C’est un honneur particulier et une responsabilité pour mon pays d’exercer pour la première fois la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Au cours de nos six mois de présidence, nous avons voulu contribuer à renforcer le système européen de valeurs, afin de confirmer que l’Europe est une famille de nations engagées sur des valeurs communes, plus qu’un concept géographique.

Mesdames et Messieurs, il y a quelques jours, l’Arménie a fêté ses 22 ans d’indépendance ; 22 ans de cheminement, parfois difficile, vers un Etat libre et démocratique, alors que l’Azerbaïdjan ne cesse de proférer des menaces de guerre et de nous imposer une course aux armements, alors que la Turquie garde fermée la route la plus courte qui relie l’Arménie au monde, et ce depuis de très nombreuses années, contre toutes les règles et normes internationales. Tout cela nous a obligés à un effort surnaturel pour développer et construire un Etat moderne. Dans cet environnement complexe, à nul autre pareil, les gouvernements arméniens successifs et le peuple arménien sont restés concentrés sur la poursuite de profondes réformes dans tous les domaines de la vie publique.

La déclaration d’indépendance a été l’aboutissement d’un rêve séculaire de mon peuple. Notre adhésion au Conseil de l’Europe a permis de rétablir notre appartenance historique et culturelle à la famille européenne des nations. Notre société a toujours voulu se doter d’un système étatique fondé sur les valeurs européennes de liberté, de démocratie, de prééminence du droit. Notre appartenance au Conseil de l’Europe et notre coopération avec d’autres organisations européennes sont pour nous un moyen important de consolider la démocratie et de mener à bien des réformes efficaces en Arménie.

Les résultats de nos efforts communs sont visibles et irréversibles. L’Arménie est aujourd’hui un pays où règnent la liberté d’expression et la liberté des médias et qui protège la liberté de réunion. Nous avons une société civile très vivante, bien consciente de ses droits et des moyens de les défendre. Ces avancées et bien d’autres me paraissent essentielles à notre avenir.

Trois grandes élections ont eu lieu en Arménie au cours des dix-huit derniers mois : les élections législatives de mai 2012, qui ont permis à tous les grands acteurs politiques d’entrer au parlement, ce qui le rend plus fort et plus viable ; l’élection présidentielle de 2013, qui s’est déroulée dans un environnement compétitif ; enfin, en mai dernier, les élections municipales à Erevan. Le Conseil de l’Europe a chaque fois envoyé des missions d’observation : l’Assemblée parlementaire pour les deux premières élections, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pour la troisième. Ses délégations ont pu observer les élections et ont élaboré des rapports qui contiennent d’importantes recommandations. J’apprécie ces travaux, qui expriment à mes yeux l’avis honnête de partenaires qui s’intéressent à l’avenir de l’Arménie. Nous avons mis en œuvre les recommandations de l’Assemblée parlementaire et d’autres partenaires internationaux en vue d’organiser des élections libres et équitables. Nous les prenons dûment en considération et nous avons créé une Task Force tout particulièrement chargée d’améliorer le processus électoral. Au cours des jours à venir, les amendements proposés dans le cadre de ces différentes recommandations feront l’objet d’un vaste débat public auquel participeront tous les acteurs ainsi que la communauté internationale.

Nous avons bien des défis à relever : chômage, pauvreté, corruption. Notre gouvernement met en œuvre de vastes programmes à cette fin.

La prééminence du droit est une autre priorité importante. L’égalité devant la loi est une condition sine qua non de notre progrès économique et politique. L’être humain, la dignité humaine, les droits fondamentaux, les libertés sont nos objectifs ultimes. L’Etat doit respecter les droits fondamentaux, humains et civiques et les libertés, qui relèvent d’une loi directement applicable. Ces dispositions inscrites dans notre constitution conditionnent le comportement des individus et des autorités d’Etat et leurs efforts pour renforcer la prééminence du droit et la société civile.

Bien évidemment, la prééminence du droit est inscrite dans toute constitution démocratique, mais l’important est sa mise en œuvre pratique de manière que l’autorité limitée par la loi devienne la règle. Dans les jeunes démocraties en particulier, cela exige un effort cohérent et structuré, un système judiciaire indépendant et une administration impartiale de la justice. Dans ce contexte, la conférence qui s’est tenue en juillet sous les auspices de la présidence arménienne au Conseil de l’Europe sur l’Etat de droit et le pouvoir discrétionnaire a suscité un vif intérêt dans le sillage du processus engagé par la présidence britannique.

Notre pays s’est engagé dans une nouvelle phase de réforme systémique dans ces domaines. Nous mettons en œuvre des programmes de long terme qui, tous, se concentrent sur l’être humain, sur la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés, et sur la création d’un environnement de tolérance, de pluralisme, de non-discrimination, de justice et de confiance mutuelle dans notre pays.

Consolider la démocratie et le respect des droits de l’homme constitue notre prochaine priorité, directement liée à la première, à savoir établir l’Etat de droit. Nous avons déjà beaucoup fait dans ce domaine. Nous avons notamment apporté des modifications importantes au code judiciaire pour améliorer la transparence et l’équité de la procédure de sélection des candidats au poste de juge. Nous continuons à nous intéresser aux aspects légaux de la désignation des juges pour assurer leur indépendance parfaite.

Nous modernisons nos institutions pénitentiaires et allons créer un service de probation. Nous avons développé et commencé à mettre en œuvre le plan stratégique 2012-2016 de réforme de notre système juridique et judiciaire, un plan qui produira, j’en suis sûr, un système judiciaire et juridique conforme aux normes d’un Etat démocratique. A cet égard, j’attache une grande importance à la pleine mise en œuvre du plan d’action Arménie-Conseil de l’Europe 2012-2014, qui comporte un volet d’initiatives importantes dans ce domaine.

Nos progrès sont réels et se poursuivront.

J’ai lancé un processus de réforme constitutionnelle en République d’Arménie pour renforcer encore les sauvegardes constitutionnelles de l’Etat de droit et du respect des droits et libertés fondamentaux, mais aussi pour créer un bon équilibre des pouvoirs et rendre plus efficace l’administration publique. Nous serions heureux de pouvoir compter sur l’aide du Conseil de l’Europe dans ce processus, en particulier sur celle de la Commission de Venise.

Mesdames et Messieurs, l’Union européenne est l’un des grands partenaires de l’Arménie. Une réforme profonde dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit est au cœur des relations entre l’Arménie et l’Union européenne. L’instrument créé dans le cadre du Partenariat oriental de l’Union européenne en coopération avec le Conseil de l’Europe est une initiative importante incluant une série d’activités au sein des Etats participants en matière d’élections, de réforme judiciaire, de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et la cybercriminalité.

Ces derniers temps, on a beaucoup parlé du choix de civilisation des pays participant à ce Partenariat oriental de l’Union européenne. Pour notre part, nous avons toujours dit que, pour nous, le problème ne se posait pas à ce niveau. L’Arménie veut continuer à développer un partenariat mutuellement bénéfique avec l’Union européenne. Dès le début de l’initiative du Partenariat oriental, et même avant, nous avons dit et nous continuons à dire que nous voulons avoir les relations les plus étroites et les plus vastes avec l’Union européenne. Nous voulons être proches de l’Union européenne. Cette ligne politique ne changera pas.

Comme on le sait, l’Arménie entretient des relations étroites, des relations d’alliés, avec la Russie. L’Arménie n’a pas établi ces nouvelles relations au détriment des relations avec son allié stratégique, de même que nous refusons de créer des relations avec un partenaire qui serait opposé aux intérêts d’un autre partenaire. Nous continuerons donc à tenir compte des relations et des intérêts de nos partenaires essentiels.

La résolution pacifique de la question du Haut-Karabakh, sous l’égide des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE reste notre priorité jusqu’à un règlement global. Nous apprécions les efforts de tous ceux qui encouragent la stabilité régionale, mais nous savons également que nous devons avant tout nous appuyer sur nos propres forces pour contenir l’adversaire dans l’éventualité de développements négatifs et préserver la paix, notamment lorsque le leader de notre pays voisin continue à déclarer publiquement qu’il veut la guerre et que les Arméniens sont, je le cite, « l’ennemi numéro un », et qu’on le voit s’engager dans des augmentations disproportionnées de dépenses militaires et dans une course aux armements.

Je crois néanmoins qu’une grande partie du peuple d’Azerbaïdjan n’est pas dans cet état d’esprit. Toute personne qui, en Azerbaïdjan, essaie simplement de rappeler le souvenir d’un passé autrefois partagé avec le peuple arménien est publiquement mise en cause. On menace de lui couper une oreille et de l’expulser du pays. On ne connaît donc pas le véritable état d’esprit du peuple d’Azerbaïdjan. Ce que l’on entend, c’est ce qu’exige la machine de propagande. D’où l’inefficacité de toute tentative de mise en place de mesures visant à construire la confiance.

Je suis convaincu que nos peuples auront un meilleur avenir que celui qu’envisagent certains leaders qui prêchent la haine et la guerre. Je l’ai déjà dit publiquement à d’autres occasion, je ne considère pas le peuple d’Azerbaïdjan comme un ennemi du peuple arménien. Nous sommes capables de résoudre nos désaccords dans le respect et de coexister pacifiquement en tant que voisins.

Avant-hier, mon peuple a enterré Sos Sargasyan, un artiste national de la République d’Arménie, un des acteurs les plus doués de mon pays. Sa dernière déclaration publique était une lettre ouverte aux intellectuels d’Azerbaïdjan, et n’était rien d’autre qu’un appel à la paix, à la justice et à la raison : « Allez-vous vraiment déclarer une guerre ? Mes chers voisins ! Elle ne mènera à rien, si ce n’est à faire des victimes innocentes. Pourquoi ? Très simplement, parce que, pour vous, le Karabakh est pour vous un territoire, mais pour nous une patrie sacrée ». Voilà ce qu’écrivait ce grand intellectuel dans sa lettre ouverte.

Inciter à la xénophobie, menacer de recourir à la force et s’engager à la course aux armements ne sont source d’aucun bien. La paix et la coopération sont les seules voies réalistes pour assurer un avenir prospère aux peuples de la région. Il n’est nul besoin de le prouver.

L’expérience internationale montre que les sociétés démocratiques sont les mieux placées pour résoudre pacifiquement les conflits. Au cours des deux dernières décennies, des institutions démocratiques ont été mises en place au Haut-Karabakh. Selon des organisations internationales reconnues, telles que Freedom House, la démocratie a davantage progressé dans cette région que dans certains pays voisins. Le Haut-Karabakh fait depuis toujours partie de la famille européenne, indépendamment de son statut politique. Il me semble donc que le Conseil de l’Europe pourrait engager des contacts directs avec ses représentants dans les domaines qui relèvent de ses attributions. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs l’expérience d’autres zones de conflit.

En tant qu’Arméniens, nous étions destinés à devenir les avocats de la lutte contre le génocide. Un génocide n’est pas seulement un crime contre l’humanité. C’est aussi une manifestation éclatante de fascisme et d’intolérance, et une violation très grave du droit à la vie. Lorsque l’on survit à un génocide, on a pour devoir de lutter contre toutes les manifestations de ce fléau. Le meilleur moyen pour cela est sans doute de faire connaître les pages terribles de l’Histoire et d’évaluer le passé à l’aune des valeurs universelles. Lutter contre les causes des crimes haineux est également très important.

L’Arménie prend des mesures pratiques pour mobiliser les efforts de la communauté internationale en vue de la prévention des génocides. Depuis des années, nous avons déposé diverses résolutions en ce sens dans plusieurs forums internationaux. Nous avons ainsi aidé le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à adopter des résolutions sur la prévention des génocides. Leur objectif était d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Les Etats doivent s’engager à éradiquer les crimes contre l’humanité.

L’Arménie a fait de la lutte contre l’intolérance et les discours de discrimination et de haine une priorité absolue dans le cadre de sa présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Il est honteux que de telles pratiques existent encore aujourd’hui. Dans certains pays, ces pratiques sont même encouragées au niveau de l’Etat. Notre volonté de les éradiquer partout dans le monde doit être sans faille.

Mesdames et Messieurs, nos sociétés traversent actuellement des mutations profondes et sont confrontées à bien des défis. Quelles sont nos valeurs en ce XXIe siècle ? Pourquoi observe-t-on une recrudescence des courants et des pratiques extrémistes ? Comment expliquer l’affaiblissement de la cohésion sociale ? Pourquoi le Conseil de l’Europe a-t-il lancé une campagne de sensibilisation des jeunes contre les discours de haine sur internet ?

Il est bien sûr difficile de répondre à ces questions en quelques phrases. A l’époque des technologies modernes de l’information et de la communication, ces pratiques se diffusent instantanément parmi des millions de personnes. Des réponses rapides et adaptées sont nécessaires. Il est de notre devoir de renforcer les ponts entre les nations, les citoyens, les sociétés, les cultures et les religions, afin de transmettre aux générations futures un monde plus pacifique et sûr.

La situation en Syrie, qui cause la mort de nombreux civils innocents, est aujourd’hui fort préoccupante. Il existe une importante communauté arménienne dans ce pays. L’Arménie se félicite donc de l’accord russo-américain pour un règlement pacifique du conflit syrien et de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée il y a quelques jours.

Nous avons tous le devoir d’unir nos efforts pour l’avenir et nous devons inciter les jeunes générations à participer à la construction du monde de demain. Le Conseil de l’Europe constitue une organisation unique d’élaboration et de diffusion des normes en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit. Il a une mission cruciale aujourd’hui et son rôle doit être renforcé dans la poursuite de nos objectifs communs.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Monsieur le Président.

Des collègues ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je leur rappelle que leur temps de parole est limité à trente secondes.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – L’Arménie vient de conclure un accord final dans le cadre du Partenariat oriental avec l’Union européenne. Toutefois, elle a fait volte-face à la dernière minute, préférant rejoindre l’Union douanière créée par la Russie. Celle-ci fait peser une pression considérable non seulement sur l’Arménie, mais aussi sur l’Ukraine, la Géorgie, la Moldova et l’Azerbaïdjan. Dans le cas de l’Arménie, j’ai cru comprendre que cette pression concernait les questions de sécurité et l’appui de la Russie dans le conflit du Haut-Karabakh.

L’Arménie a-t-elle reçu une offre impossible à refuser de la part de la Russie ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE* – L’Union douanière ne concerne pas uniquement l’Arménie et la Russie, mais toute une série d’autres pays de la région. Dès le début des négociations avec l’Union européenne, nous avons d’ailleurs affirmé notre volonté d’éviter les conflits d’intérêts. Mais, comme la Commission européenne nous l’a expliqué, le Partenariat oriental ne vise pas à exclure des Etats ou des organisations. Il peut compléter d’autres activités parallèles, d’où des intérêts complémentaires.

Nous n’avons donc pas changé de position et nous sommes toujours disposés à signer un accord d’association avec l’Union européenne. Néanmoins, après que nous avons réaffirmé cette intention, les représentants de la Commission européenne ont objecté qu’il existait un conflit direct entre les règles de l’Union douanière et celles du Partenariat oriental.

Dans ce cas, avons-nous répondu, nous sommes prêts à signer l’accord d’association, qui porte essentiellement sur des réformes politiques – réformes que nous nous sommes d’ailleurs engagés à effectuer.

S’agissant de la Russie, il ne serait pas pertinent de parler de pressions. Ni les responsables de la Fédération, ni ceux de l’Union douanière n’ont évoqué la nécessité pour l’Arménie d’adhérer à cette organisation : nous avons nous-mêmes exprimé ce désir en toute indépendance. C’est une question de réalité concrète : depuis plus de vingt ans, nous sommes insérés dans un système de sécurité militaire composé d’un certain nombre de pays qui, aujourd'hui, constituent en outre une union douanière. Nous ne pouvons donc pas nous tenir à l’écart d’une zone géo-économique avec laquelle nous collaborons étroitement depuis tout ce temps. Si j’en avais le temps, je pourrais indiquer de façon plus détaillée ce que sont les intérêts économiques de l’Arménie. Mais je me contenterai de vous rassurer : nous allons poursuivre une coopération étroite avec l'Union européenne.

Lord PRESCOTT (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* - Vous vous en souvenez, Monsieur le Président, le rapporteur de la commission de suivi avait souhaité des réformes démocratiques et des changements dans la législation de l’Arménie. Ces réformes ont été effectuées grâce à votre coopération. Mais êtes-vous au courant du fait que 29 objecteurs de conscience, qui refusent de servir dans les rangs de l’armée, sont emprisonnés dans votre pays ? Il s’agit d’une infraction claire aux règles du Conseil de l’Europe. Vous engagez-vous à les faire libérer et à leur offrir, en alternative, la possibilité d’effectuer un service civil ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – À une époque, Lord Prescott, nous avons en effet travaillé ensemble de façon très efficace, et je tiens à vous remercier publiquement pour cette coopération dont l’Arménie a beaucoup bénéficié.

Vous n’ignorez certainement pas que pour respecter les normes européennes en matière de liberté d’opinion et de conscience, nous avons réalisé un travail considérable. Nous avons fait preuve d’une indiscutable volonté politique en apportant des amendements à la législation, y compris s’agissant du service civil. Les personnes qui ne souhaitent pas effectuer leur service dans l’armée pour des motifs de conscience n’encourront pas de sanctions pénales. Sur ce sujet, une réforme a été engagée et le processus se poursuit.

Mme GUŢU (République de Moldova), porte-parole du Groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Un sommet du Partenariat oriental doit se tenir en novembre à Vilnius. Après son adhésion à l’union douanière entre la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, quelles sont les attentes de votre pays à l’égard d’une telle rencontre ? L’Arménie souhaite-t-elle signer un accord d’association avec l’Union européenne ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – Nous participerons au sommet de Vilnius, et nous espérons obtenir quelques changements dans le document qui y sera négocié.

Quant à l’association avec l'Union européenne, elle comprend deux aspects : l’Accord d’association et l’Accord sur la zone de libre-échange. Or nos collègues européens affirment qu’il y a contradiction entre ce dernier traité et le Traité sur l’Union douanière. Nous ne signerons donc sans doute que l’accord d’association. Cet accord, et les réformes qu’il implique, forme d’ailleurs le cœur de nos relations avec l’Union européenne. C’est le document principal, dont nous souhaitons utiliser pleinement les dispositions.

Nous avons retiré de nombreux avantages des discussions avec l'Union européenne en matière de réformes dans notre pays : nous participerons donc au sommet et espérons signer l’accord d’association à cette occasion.

M. D. DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen * - Votre pays a accueilli, je crois, un grand nombre de réfugiés d’origine arménienne qui ont fui le conflit en cours en Syrie. Êtes-vous satisfait de leurs conditions de vie ?

Par ailleurs, seriez-vous prêt à appuyer des pourparlers impliquant toutes les parties au conflit ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – Nous sommes favorables à de tels pourparlers, et en particulier à la formule qui a été retenue.

Concernant nos frères et nos sœurs qui ont dû quitter la Syrie et les épreuves qu’ils doivent traverser, je ne suis pas particulièrement satisfait des conditions de vie de certains d’entre eux. Toutefois, nous faisons de notre mieux pour aider ces personnes afin qu’elles se sentent, dans la mesure du possible, à l’aise en Arménie. Nous avons ainsi pu fournir des logements ou apporter d’autres formes d’assistance. À Erevan, une école spéciale a été ouverte pour les réfugiés, dont l’enseignement suit les programmes scolaires syriens, de façon à ce que les élèves puissent poursuivre leur éducation dans les écoles syriennes lorsque leurs familles retourneront chez elles. Nous espérons en effet que la situation en Syrie pourra se normaliser.

Nous avons par ailleurs lancé un processus avec les organisations internationales qui se consacrent au soutien des réfugiés syriens – ceux d’origine arménienne ne font à cet égard pas d’exception. Nous ferons de notre mieux pour que ces derniers se sentent protégés.

M. PAPADIMOULIS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne * - La question que je souhaite vous poser est parfaitement claire : souhaitez-vous le maintien du statu quo en ce qui concerne le Haut-Karabakh, ou êtes-vous disposé à rechercher une solution politique de compromis ?

Par ailleurs, pensez-vous prendre des initiatives pour favoriser les discussions entre l’Arménie et la Turquie et réduire la tension entre les deux pays ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – Comme vous le savez, le Groupe de Minsk s’occupe de la question du Haut-Karabakh, et cela fait maintenant vingt ans que nous négocions. Depuis le départ, il nous est apparu que ce problème ne pourrait être résolu que sur la base de concessions mutuelles, de compromis.

Après de très longs débats en 2007, le Groupe de Minsk et l’OSCE ont proposé aux parties un document, « les principes de Madrid », pour trouver une solution à ce conflit sur la base de trois principes fondamentaux : le non-recours à la force ou à la menace de la force, le droit des peuples à l’autodétermination, l’intégrité territoriale des Etats.

Au reçu de ce document, nous avons déclaré pouvoir résoudre le conflit sur ces bases ; les Azéris également. A partir de 2008, dès ma première élection à la présidence, je me suis personnellement engagé dans les pourparlers avec le Président de l’Azerbaïdjan, pendant plus de trois ans avec la médiation de l’ancien Président russe M. Medvedev.

À l’été 2011, certains ont eu le sentiment que les parties étaient prêtes à signer un accord sur des principes fondamentaux. Nous sommes allés à Kazan en Russie pour une dernière rencontre permettant de terminer les pourparlers et de signer un document. A la veille de cet événement je suis venu dans cette Organisation, j’ai déclaré avoir des doutes graves concernant la volonté de l’autre partie de signer, la communauté internationale était d’un autre avis. Malheureusement, il s’est avéré que j’avais raison. A Kazan la délégation d’Azerbaïdjan est arrivée avec dix nouveaux amendements que nous n’avons naturellement pas pu accepter.

Les Azerbaïdjanais ont commencé à dresser des obstacles artificiels puis sont passés aux menaces. Leur objectif est de résoudre le problème par la force. Ils ne s’en cachent pas. Ils refusent d’accepter deux des trois principes proposés par le Groupe de Minsk, le non-recours à la force ou à la menace de la force et l’autodétermination. Nous continuons à penser que le problème doit se résoudre sur la base de concessions mutuelles. Les trois principes doivent être appliqués conjointement et simultanément. Nous souhaitons la paix, la stabilité. Les ressources consacrées à la course aux armements dans cette région doivent être réorientées vers la prospérité de nos peuples.

Mme POSTANJYAN (Arménie)* – Il est évident que vous êtes ici, non pas par la volonté du peuple arménien, mais à la suite de crimes organisés et du vol des votes des Arméniens en février. Vous ne pouvez pas représenter ici la volonté et l’autorité du peuple arménien. C’est pourquoi je vous pose une question sur un autre sujet.

Vous êtes-vous rendu récemment dans un casino en Europe ? Tout le monde sait que vous êtes joueur. Avez-vous perdu 70 millions d’euros ? Qui a versé cet argent ? Si ce n’est pas cette somme, quel est le montant de vos dernières pertes dans un casino ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMENIE* – Je suis profondément convaincu, Madame, que je représente bien le peuple arménien et j’en suis fier. Malheureusement, votre candidat n’a pas montré les qualités nécessaires dans une élection présidentielle pour représenter le peuple arménien.

Votre déclaration concernant ma présence dans un casino est sans doute le fruit de votre imagination. Je n’ai jamais mis les pieds dans un casino quel qu’il soit en Europe. Je ne joue pas dans les casinos. De plus, malheureusement, j’aurais bien du mal à réunir 70 millions d’euros. Si je le pouvais, je vous en donnerais une partie pour que vous soyez plus heureuse et moins amère. Je ne sais pas si cela répond à votre question…

M. IVANOVSKI (« L’ex-République yougoslave de Macédoine »)* – D’après un rapport, l’Arménie a fait très peu de progrès dans son développement démocratique : la justice n’est pas indépendante, il existe toujours des pressions du parti au gouvernement, la corruption ne diminue pas. Des préoccupations existent toujours concernant les élections. On note d’éventuelles intimidations, une mauvaise utilisation des ressources publiques. Quand et comment des normes démocratiques sérieuses seront-elles mises en place en respectant les principes du Conseil de l’Europe ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMENIE* – Je ne sais pas quel parti vous représentez mais je vois bien que vous êtes hostile à l’Arménie. Je me permets de vous conseiller de lire attentivement le rapport sur mon pays établi par les missions internationales qui précisent clairement que l’Arménie a fait des progrès.

Je vous respecte parce que vous exprimez votre avis. Vous en avez le droit. Est-ce que la démocratie s’améliore dans votre pays ? Je suis sûr que vous vous intéressez aussi à ce processus.

M. FOURNIER (France) – Ma question complète celle de Mme de Pourbaix-Lundin.

L’Arménie a annoncé son souhait de rejoindre l’Union douanière mise en place par la Russie. Ce rapprochement n’a pas été sans susciter des interrogations au sein de l’Union européenne avec laquelle votre pays a souhaité renforcer ses liens au début de l’année 2013, via la signature d’un protocole à l’accord de partenariat et de coopération signé en 1999.

Cette décision semble remettre en cause le projet d’accord de libre-échange avec l’Union européenne que votre pays entendait signer lors du sommet du Partenariat oriental prévu à la fin du mois de novembre à Vilnius. Quel sens entendez-vous désormais donner aux relations entre votre pays et l’Union européenne ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE* – Comme je l’ai dit plus tôt, nous allons continuer à développer nos relations avec l’Union européenne. Nous irons à Vilnius, et nous discutons avec nos collègues de l’Union européenne du type de document que nous pourrions signer.

Je tiens à rappeler que, dès le début des pourparlers, nous nous sommes mis d’accord avec nos collègues européens. Il a été dit que nos rapports avec l’Union européenne ne se développeraient pas aux dépens des relations existantes avec nos alliés. Les rapports avec l’Union européenne s’ajoutent aux rapports que nous avons avec d’autres organisations. Pendant trois ans, la compréhension réciproque régnait, nous nous comprenions, et je regrette que nos collègues au sein de l’Union européenne pensent que l’accord de libre-échange est incompatible avec l’Union douanière. L’accord d’association, au départ, concerne des réformes politiques et, je le dis, nous allons continuer toutes ces réformes, nous sommes prêts à aller de l’avant et à signer cet accord d’association à Vilnius.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Monsieur le Président, j’ai parlé avec votre représentation diplomatique à Madrid, qui est remarquable. Ses membres m’ont donné la même explication que vous, ce matin, ici, à propos des résolutions du Conseil de Sécurité, des deux de l’Assemblée générale des Nations Unies et de la résolution approuvée ici, au sein du Conseil de l’Europe. Avec tout le respect qui vous est dû, en tant que représentant du peuple arménien, je voudrais savoir ce que nous pourrions faire pour vous aider dans ce conflit. Et quelles initiatives pourriez-vous prendre à partir de demain afin que les choses évoluent ? Sinon, on va continuer à parler de la même chose pendant des années sans avancer. Voilà quelle est ma question.

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE* – Je voudrais parler des quatre résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Je commencerai par dire que c’est la question à laquelle l’Azerbaïdjan ne veut pas répondre. Pourquoi ? Pour différentes raisons. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies requièrent avant toute chose la fin du conflit et la stabilisation, et, ensuite, on peut résoudre la situation. L’Azerbaïdjan ne s’est jamais plaint concernant cette résolution. Cette résolution est là, mais les luttes ont continué et, après chaque résolution, cela a été la même chose. Il y a eu de nouvelles attaques ou la préparation de nouvelles attaques. À la suite de cette nouvelle attaque, il y a une nouvelle perte de terrain, et une nouvelle résolution est alors adoptée par le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité s’est rendu compte que l’Azerbaïdjan ne souhaite pas arrêter le conflit. C’est pourquoi ils ont adopté des résolutions.

L’Arménie s’est plainte dans les règles de la résolution. Nous voulons user de notre influence. Nous souhaitons respecter la résolution des Nations Unies, et nous essayons de faire en sorte que la population du Haut-Karabakh le fasse aussi. Maintenant, que pouvez-vous faire de façon particulière ? Eh bien, je rappelle que chacun d’entre nous, en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe, a décidé de se soumettre à un certain nombre d’engagements.

En 2001, l’Azerbaïdjan a pris l’engagement de résoudre le conflit du Haut-Karabakh par des moyens pacifiques. Comme vous le voyez, nous en sommes toujours là et, nous, nous déclarons que ce conflit doit être résolu de façon pacifique. Mais tous les jours, les dirigeants de l’Azerbaïdjan, à différents niveaux, disent que le conflit doit être résolu par les moyens militaires. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait donc poser cette question : est-ce que l’Azerbaïdjan s’est vraiment engagé à respecter ses obligations ou pas ? Si ce n’est pas le cas, il y a lieu de prendre une décision. Si, en revanche, c’est le cas, alors, il faut que les obligations soient respectées.

Nous devrions arriver à une conclusion. Le conflit doit être résolu de manière pacifique. Je ne le dis pas parce que l’Azerbaïdjan a une population plus nombreuse que l’Arménie, je ne le dis pas parce que nous avons peur de perdre une éventuelle guerre, mais nous ne voulons pas combattre, nous ne voulons pas d’un conflit armé. Telle est la situation. Nous pensons que la guerre ne permet pas de régler le problème. Nous ne pouvons pas nous engager dans une guerre. Nous voulons mettre un terme à cette situation par une solution pacifique. Une solution a été proposée, qui doit respecter trois principes fondamentaux. Le peuple du Haut-Karabakh doit avoir le droit de décider comment il souhaite vivre : veut-il être indépendant, partie de l’Arménie ou partie de l’Azerbaïdjan ? C’est à eux de déterminer cela, c’est l’autodétermination. A eux de choisir !

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Président, vous venez d’évoquer l’intégrité territoriale, les prétentions territoriales, mais l’Azerbaïdjan est occupé par l’Arménie : 20 % de notre territoire est occupé par l’Arménie ! Plusieurs régions qui n’ont jamais appartenu au Haut-Karabakh sont occupées, et vous avez des revendications territoriales à l’égard de la Turquie, et à l’égard de la Géorgie. Vous jouez le jeu de l’intégration européenne, de l’Union douanière, alors pensez-vous que ce type de politique ait un avenir ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE* – Ce type de politique que vous venez de décrire, je le confirme, n’a pas d’avenir, mais ce type de politique que vous venez de décrire n’a rien à voir avec notre politique. Nous n’avons jamais émis la moindre revendication territoriale à l’égard de la Turquie ; s’il y avait une seule déclaration en ce sens, je vous présenterais mes excuses mais il vaudrait mieux que vous vous informiez mieux.

En ce qui concerne la Géorgie, vous m’apprenez quelque chose. Vous venez de m’annoncer, au sujet de la Géorgie, quelque chose que j’entends pour la première fois, et c’est un propos, permettez-moi de vous le dire, ridicule. Je ne sais pas qui vous représentez, mais je ne comprends pas comment vous pouvez tenir des propos pareils à l’égard de deux nations pacifiques pour essayer de créer un problème qui n’existe pas.

Je crois que toutes les organisations européennes, y compris l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont toujours soutenu les Etats exprimant leur volonté souveraine. C’est à la République d’Arménie de décider si elle souhaite se joindre à une union douanière, si elle souhaite se joindre à l’Union européenne ou à l’Organisation de la coopération islamique. Nous n’avons pas de comptes à vous rendre à cet égard.

Que voulez-vous dire par « jouer ce jeu » ? Nous ne jouons pas à des jeux. Nous menons une politique, nous appliquons une politique dans l’intérêt de notre population.

Quant aux affirmations selon lesquelles 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan seraient occupés par l’Arménie, je vous prierai de bien vouloir réviser vos connaissances en mathématiques. Votre attitude à l’égard de l’Arménie doit changer.

Dans l’une des quatre résolutions des Nations Unies auxquelles j’ai fait référence tout à l’heure, il y a une déclaration selon laquelle l’Arménie n’est pas associée aux combats qui ont eu lieu au Haut-Karabakh. Les Nations Unies ont envoyé une commission spéciale pour établir les faits.

Nous considérons que la République d’Arménie et ses forces armées sont les garants de la sécurité de la population du Haut-Karabakh. Si l’Azerbaïdjan devait attaquer le Haut-Karabakh, l’Arménie le défendrait sans hésiter.

Lancer une guerre puis se plaindre d’être occupé n’est pas cohérent. Si une guerre devait éclater, je suis persuadé que l’Azerbaïdjan se plaindrait quelques mois après, de l’occupation, non pas de 20 %, mais de 25 % ou de 30 % de son territoire.

M. RYABIKIN (Ukraine)* – Monsieur le Président, votre intervention semble indiquer que le règlement politique du conflit du Haut-Karabakh prend beaucoup de temps. Mais les victimes de ce processus interminable sont les habitants de diverses nationalités du Haut-Karabakh qui ont dû quitter leur foyer et qui, à ce jour, n’ont pas pu rentrer chez eux.

Quelles sont les initiatives humanitaires qui pourraient être prises pour permettre à ces gens de retrouver leur foyer ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – Toutes les personnes qui ont dû quitter leur foyer en raison du conflit ont un droit plein et entier de retrouver leur domicile. Mais dans quel pays ces personnes peuvent-elles revenir ? Telle est la question.

Ces personnes doivent-elles prendre le statut du territoire dans lequel elles se réinstalleraient ? Le retour de ces personnes ne créerait-il pas de nouveaux conflits ? Il faut une solution politique pour que ces personnes puissent enfin rentrer chez elles dans des conditions de sécurité. Si elles revenaient aujourd’hui, à cause de la politique de l’Azerbaïdjan, il y aurait une reprise du conflit et elles devraient fuir à nouveau.

Le document intitulé « principes de Madrid » traite précisément du problème des réfugiés. Il faut une solution globale, c’est le seul moyen de résoudre ce problème.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Les relations extérieures, les affaires étrangères sont essentielles pour tous les pays. Or l’Arménie est confrontée à des difficultés dans ce domaine – et la plupart des membres de notre Assemblée le regrettent.

Monsieur le Président, que vous pouvez-vous nous dire des relations de l’Arménie avec la Turquie ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – Malheureusement, les efforts que nous avons entrepris pour renouer avec la Turquie n’ont pas abouti à des résultats positifs. Je crois que les Turcs ne sont pas prêts à renouer des relations avec l’Arménie.

Vous savez que nous avons eu de longs pourparlers qui ont abouti à la signature de protocoles sur le rétablissement des relations diplomatiques. Mais le Parlement turc et les autorités turques ont refusé de ratifier ces documents.

Mon sentiment est que dans un avenir à court terme la Turquie n’a pas l’intention de ratifier ces protocoles. Donc s’il n’y a pas de relations entre la Turquie et l’Arménie, ce n’est pas de notre fait. Nous pensons que tout pays devrait avoir une attitude responsable à l’égard des documents sur lesquels il a apposé sa signature.

Le Gouvernement turc a essayé de nous communiquer des propositions par divers canaux, mais celles-ci visent essentiellement à apaiser la communauté internationale. Si la Turquie voulait vraiment faire quelque chose, elle n’aurait qu’à ratifier ces protocoles, et à ce moment-là nous pourrions normaliser nos relations.

Nous sommes disposés, en ce qui nous concerne, à débattre de toute question intéressant les deux pays.

M. JAPARIDZE (Géorgie)* – Monsieur le Président, les problèmes de sécurité et de stabilité de notre région sont imbriqués et on ne peut pas modifier notre géographie.

Selon vous, y a-t-il une perspective pour la coopération régionale ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE – L’un des objectifs essentiels du Partenariat oriental était justement de promouvoir la coopération régionale. Je sais que vous, plus que tout autre, connaissez les efforts que nous avons consentis. Nous avons un grand nombre de projets conjoints.

Le dernier exemple en date est la mise en œuvre de points de contrôle intégrés aux frontières en matière douanière. Toute coopération implique la participation des parties intéressées, tant il est vrai que s’engager dans une coopération unilatérale n’est pas possible. Pour notre part, nous sommes prêts à nous engager dans toute forme de coopération. A cet égard, nous avons suggéré à la Turquie de normaliser nos relations, car nous ne pouvons pas, comme vous l’avez souligné, modifier notre géographie. Nous allons rester là où nous sommes et vivre les uns à côté des autres. En raison de cette simple réalité, nous devons nouer des relations constructives. En revanche, je ne vois pas comment nous pourrions nouer des relations de coopération avec ceux qui ne manifestent pas d’intérêt pour une telle démarche ou avec ceux qui se vantent de leur volonté ou de leurs tentatives d’isoler un pays. Mais pour ce qui nous concerne, nous allons maintenir d’excellentes relations de coopération avec la Géorgie et nous espérons que le moment viendra où d’autres nous rejoindront.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Je viens de Vilnius en Lituanie, où j’ai passé vingt ans au titre de mes activités parlementaires. En 1989, j’ai adhéré à un mouvement démocratique.

La Lituanie a brisé le joug de l’Union soviétique et, en 1990, elle a proclamé la restauration de son indépendance. Aujourd’hui, la question se pose des consultations internes. Quelle est la nature des consultations internes que vous menez, quelles relations avez-vous avec les membres de votre opposition, Monsieur le Président ? Par exemple, envisagez-vous un référendum dans votre pays afin de ne pas suivre la voie de l’Ukraine et de la République de Moldova ? Avez-vous l’intention de respecter la volonté de la population arménienne à la suite de la réunion du 28 novembre qui se tiendra à Vilnius et de signer l’accord d’association ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’ARMÉNIE* – Telle est la question qui est évoquée régulièrement avec les différents acteurs politiques. Si je vous disais que toutes les forces d’opposition ont été consultées de façon approfondie, peut-être ne serais-je pas fidèle à la vérité, mais la Constitution arménienne prévoit que le Président a la prérogative de mener la politique étrangère. La Constitution autorise ainsi le Président à signer des traités internationaux. Ils seront soumis au Parlement arménien, où toutes les forces politiques sont représentées. Si le Parlement arménien venait à refuser de ratifier les documents signés par le Président, il faudrait alors envisager d’autres options et peut-être renoncer à telle ou telle politique.

J’espère que l’adhésion à l’Union douanière sera considérée comme intéressante par les différentes forces politiques, car il y va de l’intérêt de notre population. Nous sommes liés aux Etats membres de l’Union douanière par bien des relations. Un tiers de nos exportations, notamment des produits agricoles et des produits manufacturés, se font vers la Fédération de Russie. Si des règlements techniques ne devaient pas être respectés, vous imaginez combien il serait difficile d’exporter ces produits. Quoi qu’il en soit, la signature de l’accord d’association à Vilnius reflète, je pense, l’opinion majoritaire de notre société. Nous procédons à des sondages d’opinion et je ne crois pas qu’il soit utile d’organiser un référendum. A l’avenir, si les forces politiques le demandaient, peut-être pourrions-nous envisager d’en organiser un. Je puis vous assurer que les études que nous avons effectuées montrent que notre décision reflète les intérêts et les vœux de la majorité du peuple arménien.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, nous sommes obligés d’interrompre la liste des questions. Vous êtes tous conviés maintenant à une réception organisée pour remercier l’Arménie des vitraux qu’elle nous a offerts. Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour ce magnifique présent.

Je vous remercie de nouveau pour votre discours et pour vos réponses aux questions des parlementaires.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

(La séance est levée à 13 h 15.)

SOMMAIRE

1. Vérification des pouvoirs de la délégation d’Islande

2. La sécurité nationale et l’accès à l’information

Présentation par M. Díaz Tejera du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13293).

Présentation par M. Franken du rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, saisie pour avis (Doc. 13315)

Orateurs : MM. Kalmár, Flynn, Xuclá, Villumsen, Mme Szél, MM. Ariev, Biendroń, Mme Fort, M. Nicolaides, Mme Djurović, MM. Sudarenkov, Beneyto, Hanson, Sir Edward Leigh, MM. Recordon, Gaudi Nagy, Pintado, Shlegel, Casey, Palacios, Mme Tzakri, MM. Jakavonis, Aleksandrov, Sasi, Taliadouros, Mme Clune

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

3. Discours de M. Sarkissian, Président de l’Arménie

Questions : Mme de Pourbaix-Lundin, Lord Prescott, Mme Guţu, MM. D. Davies, Papadimoulis, Mme Postanjyan, MM. Ivanovski, Fournier, Dίaz Tejera, Seyidov, Ryabikin, Ghiletchi, Japaridze, Zingeris

4. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA

Karin ANDERSEN/Ingjerd Schou

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Daniel BACQUELAINE*

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE*

Taulant BALLA*

Gérard BAPT/Pierre-Yves Le Borgn'

Gerard BARCIA DUEDRA/Silvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Giuseppe Galati

Teresa BERTUZZI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL/Marie-Louise Fort

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ/Snežana Jonica

Olga BORZOVA/Anvar Makhmutov

Mladen BOSIĆ/Nermina Kapetanović

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Alessandro BRATTI*

Márton BRAUN/Bernadett Szél

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON/Maximilian Reimann

Natalia BURYKINA

Sylvia CANEL*

Nunzia CATALFO*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU*

Mikael CEDERBRATT

Özlem CEKIC*

Elena CENTEMERO*

Lorenzo CESA*

Otto CHALOUPKA/Pavel Lebeda

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH

James CLAPPISON/Edward Leigh

Deirdre CLUNE

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO/Ferdinando Aiello

Jonny CROSIO*

Katalin CSÖBÖR*

Milena DAMYANOVA

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER*

Roel DESEYN

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN/Paul Flynn

Karl DONABAUER

Ioannis DRAGASAKIS/Liana Kanelli

Damian DRĂGHICI

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES/Cheryl Gillan

Tülin ERKAL KARA

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Eric Voruz

Daniela FILIPIOVÁ

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON/Jean-Pierre Michel

Béatrice FRESKO-ROLFO

Erich Georg FRITZ*

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO*

Karl GARÐARSON

Ruslan GATTAROV*

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI/Iwona Guzowska

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Sandro GOZI

Fred de GRAAF*

Martin GRAF/ Edgar Mayer

Sylvi GRAHAM

Patrick De GROOTE/Sabine Vermeulen

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR*

Antonio GUTIÉRREZ

Ana GUŢU

Maria GUZENINA-RICHARDSON/Riitta Myller

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Marek Borowski

Hamid HAMID

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI/Anette Trettebergstuen

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Luc Recordon

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL/Maret Maripuu

Adam HOFMAN*

Jim HOOD*

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN/Zaruhi Postanjyan

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV/Sahiba Gafarova

Vladimir ILIĆ

Florin IORDACHE

Igor IVANOVSKI

Tadeusz IWIŃSKI/Zbigniew Girzyński

Denis JACQUAT/Frédéric Reiss

Gediminas JAKAVONIS

Stella JANTUAN*

Tedo JAPARIDZE

Ramón JÁUREGUI

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA/Ivan Račan

Mariusz KAMIŃSKI*

Deniza KARADJOVA

Marietta KARAMANLI/Maryvonne Blondin

Ulrika KARLSSON

Burhan KAYATÜRK*

Jan KAŹMIERCZAK

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH*

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Attila KORODI

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Dmitry KRYVITSKY/Yury Shamkov

Václav KUBATA/Miroslav Krejča

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU/Nicos Nicolaides

Jean-Yves LE DÉAUT/Pascale Crozon

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Christophe LÉONARD*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Lone LOKLINDT/Nikolaj Villumsen

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE/Joe Benton

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV/Tamerlan Aguzarov

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANQUES/Carmen Quintanilla

Igor MOROZOV/Anton Belyakov

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Lydia MUTSCH/Fernand Boden

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Marian NEACŞU

Fritz NEUGEBAUER

Baroness Emma NICHOLSON/Charles Kennedy

Michele NICOLETTI*

Brynjar NÍELSSON*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI

Mirosława NYKIEL/Grzegorz Czelej

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA*

Johannes PFLUG*

Foteini PIPILI

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/André Schneider

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Pavlo RYABIKIN

Rovshan RZAYEV*

Vincenzo SANTANGELO*

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL/Alexey Ivanovich Aleksandrov

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Ladislav SKOPAL*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO*

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON

Mihai TUDOSE/Daniel Florea

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI

Konstantinos TZAVARAS/Spyridon Taliadouros

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV/Alexander Ter-Avanesov

Petrit VASILI*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Johann WADEPHUL

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Katrin WERNER/Annette Groth

Karin S. WOLDSETH

Gisela WURM

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV/Robert Shlegel

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Christian BARILARO

Maria GIANNAKAKI

David DAVIES

Akif Çağatay KILIÇ

Kerstin LUNDGREN

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Diva Hadamira GASTÉLUM BAJO

Grant MITCHELL

Michel RIVARD

Miguel ROMO MEDINA

Bev SHIPLEY

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Mohammed Mehdi BENSAID

Fouzia EL BAYED

Nezha EL OUAFI

Omar HEJIRA

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM