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AS (2013) CR 35

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-cinquième séance

Jeudi 3 octobre 2013 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2013) 07 Addendum 4.

En l’absence d’opposition ces modifications sont adoptées.

2. Les personnes portées disparues dans les conflits européens :
le long chemin pour trouver des réponses humanitaires

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Sheridan, au nom de la commission des migrations, sur « Les personnes portées disparues dans les conflits européens : le long chemin pour trouver des réponses humanitaires » (Doc.13294). Après avoir écouté le rapporteur, nous aurons le plaisir d’entendre M. Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen du rapport, votes inclus, à 17 h 10. Si cela est nécessaire, nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 17 heures, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Mes chers collègues, avant de donner la parole au rapporteur, je voudrais vous faire part d’une nouvelle tragédie survenue aujourd’hui sur les rives italiennes. Un bateau, dont on rapporte qu’il transportait 400 à 500 réfugiés migrants, en majorité érythréens et somaliens, a coulé au large de l’île de Lampedusa. Plus de 90 corps ont déjà été retrouvés, alors qu’environ 250 personnes sont encore portées disparues. Cette nouvelle m’a profondément affecté, comme vous j’en suis sûr. Il s’agit d’un drame inhumain, aux portes de l’Europe.

L’Assemblée s’est penchée à plusieurs reprises sur ces naufrages insupportables, notamment avec le rapport de Mme Strik, « Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ? ». Comme nous l’avons souligné ce matin, les réfugiés syriens sont actuellement de plus en plus nombreux à prendre la mer pour rejoindre l’Europe. Ils s’embarquent par la voie maritime, si dangereuse, au péril de leur vie.

Nous devons continuer à agir pour stopper de telles tragédies humanitaires. Je souhaite, comme vous tous, que celle-ci soit la dernière, mais j’en doute malheureusement. Nous ne pouvons que lancer un appel pressant en faveur d’un engagement concret et immédiat des Etats membres du Conseil de l’Europe pour que tout soit mis en œuvre pour y mettre un terme.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais vous dire en ouverture de cette séance. Un communiqué sera diffusé rapidement sur le site de l’Assemblée, auquel vous serez bien évidemment tous associés.

Nous en revenons à l’ordre du jour. Monsieur Sheridan, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Tous les parlementaires ici présents partagent, Monsieur le Président, votre tristesse et votre émotion face à ce terrible naufrage sur les rives de la Méditerranée.

Mes chers collègues, je voudrais remercier tous ceux qui ont soutenu et contribué à ce rapport. Le problème des personnes portées disparues dans les conflits européens est difficile et ancien en Europe. Aujourd’hui, je voudrais vous faire partager l’émotion des familles, et j’aimerais vous montrer les visages derrière les histoires.

Des photographies sont projetées sur les écrans de l’hémicycle.

Regardez-les, ces visages ; regardez le désespoir dans leurs yeux. Imaginez, chers collègues, ce que signifie perdre un membre de sa famille et ne pas savoir où il est. Est-il encore vivant ? Est-il mort ? Les parents chérissent leurs enfants, c’est la nature humaine. Or ces parents vivent jour après jour dans l’incertitude. Derrière chacune de ces photographies, il y a une histoire malheureuse.

Ce n’est pas de la politique, mes chers collègues, c’est la vie humaine. Je suis donc déçu, je suis triste qu’aucune solution n’ait été trouvée à ce problème.

Dès le départ, j’ai voulu, dans ce rapport, me montrer non partisan, écarter les questions politiques de cette problématique, et me concentrer sur ses conséquences humanitaires. Plus de 20 000 personnes sont portées disparues en Europe dans le cadre d’un grand nombre de conflits armés. Souvent, il faut des décennies pour savoir ce qu’il est advenu des personnes disparues. Cela a un impact non seulement sur la personne concernée, mais aussi sur sa famille, ses amis et la communauté tout entière. De ce fait, cela a un impact sur l’ensemble de la société.

Tant qu’une personne est portée disparue, tous ses proches portent une plaie béante qui jamais ne cicatrise, si bien qu’il est, pour eux, impossible d’avancer après le conflit.

Chers amis, camarades, parents : qui que nous soyons, nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer celles et ceux qui ont disparu. Le manque de réponse est endémique à ce problème. Nous parlons de « personnes disparues », mais les personnes ne sont pas les seules à avoir subi ce sort : les faits manquent également. L’information qui permettrait de localiser, d’exhumer et d’identifier les dépouilles est souvent rendue inaccessible ou a disparu. Et même lorsque l’on découvre les sites, même lorsque l’on a trouvé les dépouilles et identifié leur appartenance, les preuves manquent pour condamner les responsables. Parfois, ce sont les tribunaux locaux qui refusent les poursuites, entraînant un déni de justice.

Sans accords bilatéraux pour organiser la coopération, les anciennes parties au conflit refusent d’échanger des informations sur les lieux d’inhumation ou la localisation des dépouilles. Parfois même, de fausses informations sont données. Pire encore, ces données peuvent être utilisées par les uns ou les autres à des fins de corruption ou comme levier d’influence.

Le manque de ressources financières est aussi une partie du problème, en particulier dans le cadre de la crise économique que subit l’Europe. L’identification des corps est en effet très difficile et très coûteuse, bien que le Comité international de la Croix-Rouge ait apporté tout son soutien – y compris financier – à la collecte d’ADN auprès des familles. Les budgets nécessaires ne sont pas disponibles. L’identification des dépouilles souffre également du manque d’experts scientifiques.

Mais la raison essentielle pour laquelle le problème des personnes disparues n’est toujours pas résolu est la peur : peur des familles de ne pas retrouver leurs proches, peur des autorités de dire la vérité sur leur sort. Les personnes au pouvoir préfèrent rejeter les responsabilités sur leurs prédécesseurs mais ne veulent surtout pas que l’on sache ce qu’il est advenu des disparus. Quant aux familles, elles craignent les représailles à leur encontre. Elles ne peuvent obtenir une protection judiciaire lorsqu’elles réclament des informations sur les disparus et appréhendent l’éventualité d’assister à de nouvelles arrestations et à de nouvelles disparitions.

J’ai donc formulé une liste des cinq priorités que doivent se donner les Etats membres du Conseil de l’Europe pour résoudre le problème des personnes disparues.

Premièrement, les autorités nationales doivent respecter le droit des familles à connaître le sort des personnes disparues. Elles devraient enquêter sur toutes les disparitions survenues sur leur territoire, être obligées de communiquer les résultats aux familles et, chaque fois que possible, de leur rendre les dépouilles.

Des progrès notables ont été enregistrés s’agissant des approches et initiatives destinées à assurer aux familles prise en charge et soutien. Néanmoins, les Etats et les organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, peuvent s’engager plus fortement pour que les droits des familles de disparus soient à tout moment respectés et protégés. Il faut être conscient de leurs besoins et y répondre d’une manière véritablement globale, holistique.

La deuxième priorité est le développement d’une législation nationale, indispensable pour empêcher de futures disparitions et s’enquérir du sort des personnes disparues. Il est également important de veiller à la bonne gestion des informations et d’assurer un soutien aux familles. Chaque Etat membre du Conseil de l’Europe doit adopter et mettre en œuvre un cadre légal et administratif dans lequel il sera possible de répondre au problème des personnes disparues.

La troisième priorité est la création de mécanismes nationaux, régionaux et internationaux destinés à prévenir et à résoudre le problème des personnes disparues. Les gouvernements européens doivent prévoir les ressources nécessaires, sur le plan financier comme sur le plan humain, pour en assurer le bon fonctionnement.

La quatrième priorité concerne l’accès à l’information sur les personnes disparues. Il est essentiel de disposer d’une telle information pour établir l’identité, la localisation et le destin de ces personnes. Les gouvernements doivent donc s’assurer que la collecte, la protection et la gestion des données sur les personnes disparues sont réalisées dans le strict respect des normes internationales. Les données ainsi recueillies ne doivent servir qu’à la seule fin d’aider les familles dans leurs efforts de recherche et non à d’autres fins, à moins qu’un consentement n’ait été obtenu.

Enfin, la cinquième priorité consiste à identifier rapidement les dépouilles des personnes retrouvées et d’enregistrer leur identité.

Monsieur le Président, je n’aurais pas pu préparer ce rapport sans l’aide précieuse des experts du Comité international de la Croix-Rouge, qui m’ont fourni des statistiques à jour et toutes les autres informations pertinentes. J’aimerais donc personnellement remercier M. Maurer pour l’aide précieuse apportée par le personnel, très qualifié, de son organisation.

J’aimerais pour conclure appeler tous les Etats membres à accélérer la résolution du problème des personnes disparues. Si nous voulons éviter que d’autres conflits armés ne naissent en Europe, il faut unir nos efforts pour apprendre quel a été le destin des personnes disparues et pour aider leurs familles.

Souvenez-vous des visages que vous avez vus ; rappelez-vous leur expression, leur tristesse, leur désespoir. Si nous voulons voir régner la paix en Europe, il faut que les familles retrouvent la paix. Elles ne sont pas seules : ici, comme chez nous, dans nos pays respectifs, nous pouvons agir pour résoudre ce problème. Nous héritons du passé, mais nous construisons l’avenir. C’est pourquoi nous devons entamer ce processus : reconstruisons l’espoir des familles des disparus.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera un temps de parole d’environ deux minutes et demie.

J’ai maintenant le plaisir d’accueillir M. Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, qui m’a lui-même récemment accueilli à Genève.

Monsieur Maurer, la problématique qui va faire l’objet de nos débats aujourd’hui est, vous l’aurez compris grâce à l’excellent rapport qui vient d’être présenté par Jim Sheridan, celle des personnes portées disparues dans les pays européens. Pour les familles de ces personnes, la souffrance liée au silence et à l’incertitude s’ajoute aux souffrances inhérentes à tous les conflits.

Le sort des personnes disparues reste pour les familles une plaie ouverte. On ignore souvent tout de leur sort pendant des décennies. J’ai moi-même eu l’occasion, avec une sous-commission de l’Assemblée parlementaire, de visiter des camps où j’ai vu les visages de personnes qui ne savent pas ce que sont devenus les membres de leur famille. Dans un centre, j’ai été confronté à ces regards, ces visages d’enfants d’une dizaine d’années qui ne savaient absolument pas ce qu’étaient devenus leur père, leur mère. Quelle détresse !

Outre cette dimension intime et personnelle de la souffrance qu’engendre le sort des personnes disparues, on ne peut négliger l’importance de cette question dans le processus de réconciliation post-conflit et de maintien de la paix en Europe.

Je salue le travail remarquable, le mot est faible, du Comité international de la Croix-Rouge qui ne ménage pas ses efforts pour élucider les cas de disparitions pendant et après les conflits. L’énorme travail accompli dans les Balkans a porté ses fruits puisque près de 70 % des disparus ont été retrouvés. À Chypre, ou encore dans le Caucase du Nord et du Sud, malheureusement les résultats sont beaucoup plus modestes.

Au moment même où nous débattons de cette question, des personnes disparaissent en Syrie. Le problème est particulièrement sérieux. Depuis maintenant plus de deux ans, des personnes disparaissent dans cette région sans que rien ne soit fait véritablement. N’oublions pas qu’en matière de localisation et d’identification des personnes disparues, la volonté politique joue un rôle essentiel. C’est à nous, membres de cette Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qu’incombe le devoir de faire passer un certain nombre de messages. Heureusement, nous pouvons travailler avec des organisations comme la vôtre. Sans vous, sans les ONG, nous serions encore plus impuissants.

Monsieur le Président, c’est avec beaucoup de plaisir que je vous donne la parole.

M. MAURER, président du Comité international de la Croix-Rouge. – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser aujourd’hui à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur un sujet de grande importance pour nos deux organisations.

Pour commencer, je souligne l’excellente coopération qui existe entre le Conseil de l’Europe et le Comité international de la Croix-Rouge : je vous en remercie. Le dialogue entre nos deux organisations est constant et fructueux sur les questions à la croisée de nos mandats et de nos rôles respectifs.

Votre position est unique pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le continent européen, y compris dans les pays qui subissent encore les conséquences de conflits armés ou de violences. Le CICR quant à lui est actif dans les Etats membres en relation avec des conflits armés ou des violences dont l’intensité n’est plus, fort heureusement, comparable à celle du passé, mais dont les conséquences humanitaires ne sont malheureusement pas toutes résolues. Monsieur le Président, vous venez d’évoquer un cas. Je partage vos commentaires. Quand je voyage partout dans le monde, je suis particulièrement sensible aux effets de longue durée de ces disparitions.

L’adoption aujourd’hui par votre Assemblée d’un projet de résolution sur la question des personnes disparues dans les conflits européens constitue un moment important pour la reconnaissance de la dignité de la personne humaine, en particulier celle des victimes des conflits armés. Je tiens ici à remercier particulièrement M. Sheridan pour son rapport sur ces questions. Je vous félicite pour les efforts constants développés par votre Assemblée et les autres organes du Conseil de l’Europe dans le domaine des disparitions.

Comme le souligne votre rapport, Monsieur Sheridan, la question des personnes disparues en relation avec les conflits armés reste un problème majeur à l’ordre du jour de votre Assemblée. Le projet de résolution fait expressément du règlement de ce problème un enjeu vital pour aboutir à une véritable réconciliation entre communautés sur le continent européen. Les familles des personnes disparues et leurs besoins sont placés au centre de la problématique, nous nous en réjouissons.

Il appartient avant tout aux Etats et aux parties aux conflits de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ces disparitions et pour faire face à leurs conséquences lorsqu’elles se produisent. Cette obligation inclut aussi des droits en faveur des victimes, qu’il s’agisse du disparu lui-même, de sa famille ou de ses proches. Le droit de savoir, évoqué par M. Sheridan dans ses cinq priorités, en constitue un élément essentiel.

La Convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre toutes les disparitions forcées de 2006 complète l’arsenal juridique dans ce domaine. Le CICR invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à y adhérer et à adopter des dispositions nationales pour en assurer la mise en œuvre.

Permettez-moi de m’arrêter un instant sur l’approche du CICR dans le domaine des personnes disparues. Elle est avant tout opérationnelle, notamment dans les Balkans et dans le Caucase. Elle vise à aider les familles à obtenir une réponse sur le sort de leurs proches disparus et à soulager les souffrances immenses que ces disparitions engendrent. Elle est humanitaire, loin de toute considération politique.

Durant la phase active d’un conflit, le CICR tentera de retrouver la personne dont la famille n’a plus de nouvelles. Nous cherchons dans tous les lieux possibles, que ce soient des lieux de détention, des camps de déplacés ou de réfugiés, des hôpitaux, des morgues… Par la suite, ses efforts consisteront à encourager et à soutenir la mise en place, par les autorités responsables, de mécanismes permettant d’apporter des réponses aux familles sur le sort de leurs proches disparus, de centraliser l’information sur les personnes disparues, de coordonner les recherches et de tenter d’identifier les dépouilles mortelles inconnues, grâce à la médecine légale et scientifique entre autres. M. Sheridan a évoqué cet aspect dans ses priorités. Je l’en remercie.

Dans plusieurs pays membres du Conseil de l’Europe, le CICR exerce aujourd’hui un rôle d’intermédiaire neutre, dans des mécanismes conçus pour permettre aux parties concernées de dialoguer et d’échanger des informations sur le sort des disparus. Elles permettront aux familles de voir respecter leur droit de savoir. Ses efforts viseront également à aider les familles des disparus notamment par les programmes d’accompagnement destinés à répondre à leurs multiples besoins - droit de savoir, besoins socio-économiques, administratifs et légaux, psychologiques et psycho-sociaux, besoins de reconnaissance et de mémoire, et autres.

A l’occasion de la journée internationale des personnes disparues du 30 août, le CICR a présenté cette année une publication intitulée « Accompagner les familles des personnes disparues, un guide pratique. » Je vous le recommande.

Le CICR encourage les Etats à adopter un certain nombre de mesures sur le plan interne, notamment l’adoption d’un cadre normatif complet permettant de prévenir les disparitions, de les résoudre et de répondre au mieux aux besoins des familles. Pour ce faire, le CICR a développé une loi modèle sur les disparus.

Il y a dix ans, en février 2003, le CICR organisait une conférence internationale sur les personnes disparues. Elle a permis de sensibiliser la communauté internationale et a donné lieu à des recommandations spécifiques adressées aux Etats pour la mise en œuvre du droit de savoir.

Les travaux de votre Assemblée s’inscrivent de manière forte et symbolique dans les avancées déjà réalisées, mais témoignent aussi de votre engagement à continuer à travailler sur ce dossier.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, cette année 2013 marque aussi le 150e anniversaire de l’action humanitaire du CICR. Je suis donc particulièrement heureux d’avoir pu m’exprimer aujourd’hui devant votre Assemblée. Vous avez certainement déjà eu l’occasion de découvrir l’exposition photographique présentée à la sortie de l’hémicycle, qui retrace en quarante images emblématiques le travail fait par notre institution depuis sa création. Je reste confiant dans les efforts que le Conseil de l’Europe va continuer à déployer pour garantir le respect de la dignité humaine, y compris dans des situations dans lesquelles le CICR coopère, et je vous remercie pour toute votre attention, tout votre engagement.

LE PRÉSIDENT – C’est nous qui vous remercions, Monsieur le président.

La discussion générale est ouverte.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Ce rapport est très important. Notre rapporteur, M. Sheridan, nous demandait tout à l’heure d’imaginer le visage de ces disparus. Ainsi, de même qu’en donnant des exemples individuels dans son rapport, il veut nous rappeler que ce sont des drames humains qui sont l’objet de ce rapport. Il a raison d’insister : ce sont de véritables drames humains pour ces familles, pour ces gens qui ne savent pas ce qui s’est passé et qui espèrent toujours apprendre ce que sont devenus leurs proches. Il a raison de mettre ces familles au cœur du problème. Leur droit à l’information doit être au cœur de nos préoccupations. Je le remercie donc pour l’approche choisie.

Toute action fondée sur des motifs humanitaires est fondée sur l’empathie, sur la conscience que nous sommes tous des êtres humains, sur la conscience que, derrière les chiffres et les statistiques, il y a des êtres humains, des visages. On a fait quelques progrès dans certains cas, sur certains théâtres d’opération. Ailleurs, hélas, ce n’est pas le cas, faute de volonté politique. La vérité ne fera certes pas ressusciter les morts, mais elle permettra au moins aux familles de mettre un terme à leur quête. Elle permettra aussi l’ouverture d’une phase de réconciliation. Cela aidera les individus, les familles, les communautés déchirées à faire leur deuil et à poursuivre leur vie. C’est un principe que nous devons garder à l’esprit. Nous avons besoin d’actions pratiques. Il faut, répétons-le, mettre la famille au cœur de nos préoccupations. Il faut s’occuper des besoins de ces familles et mettre en place des cadres juridiques qui permettent de répondre à leurs questions.

Se pose évidemment celle d’amnésies provisoires, et il faut aussi considérer les conséquences de la révélation de la vérité, mais l’essentiel est de mettre en place des mécanismes qui permettent aux gens de dire la vérité, de fournir l’information. Tout cela est absolument indispensable, et les recommandations faites par notre rapporteur doivent être approuvées.

M. PINTADO (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur Sheridan, je voulais entamer mon intervention en vous indiquant que nous sommes d’accord pour dire que c’est le chemin de la réconciliation entre les différents acteurs qui ont subi le traumatisme d’une guerre qu’il faut emprunter pour garantir la paix entre nos peuples. Nous savons que nous avons parcouru un long chemin mais qu’il reste encore beaucoup à faire pour résoudre les problèmes suscités par les conflits qu’a connus l’Europe au cours du vingtième siècle.

C’est un thème extrêmement épineux que notre Assemblée aborde cet après-midi. Ce qui est au centre du problème, c’est le conflit, mais la solution réside dans la paix retrouvée de ceux qui ont connu le conflit. Essayons donc de rendre la paix à ces personnes qui ont souffert et qui ont senti dans leur chair la disparition d’un être proche. Je suis d’accord, à cet égard, avec les paroles de M. le président du CICR, qui parle de dignité humaine. La douleur ressentie lorsqu’un proche disparaît dans ces circonstances ne disparaît jamais et rien ne peut l’effacer, mais le fait de savoir ce qui est arrivé au disparu offre un soulagement. C’est ce qui doit nous guider pour essayer de trouver les réponses humanitaires évoquées par notre rapport : une aide multidisciplinaire pour répondre aux besoins des familles ; une aide juridique et psychologique ; la protection, en particulier, des femmes ; la promotion des associations de familles qui aident à la recherche des personnes disparues. Ce sont là de très bons outils pour résoudre les problèmes grâce à des spécialistes de ces situations de disparition.

Ensuite, il faut que les Etats membres développent des législations spécifiques. Il faut reconnaître légalement la personne disparue et garantir les droits de sa famille. Les événements récents nous le montrent : les conflits et les guerres se multiplient actuellement avec de graves conséquences. Mort et destruction accompagnent les victimes tout au long de la vie, les étouffent.

Je ne suis pas naïf, mais ces souffrances doivent être l’aiguillon qui nous permet d’éviter le plus possible ces conflits.

Je veux remercier M. Sheridan, qui a accepté un amendement concernant mon pays et qui, à mon avis, lui rend justice. La résolution n’eût pas été conforme aux objectifs visés dans sa rédaction initiale, qu’affectait un saut dans le temps qui aurait pu être mal interprété. Je remercie donc M. Sheridan d’avoir accepté notre amendement.

Nous sommes d’accord avec vous, Monsieur le rapporteur, pour dire que la réconciliation est la formule adéquate pour trouver la paix. C’est un principe de l’humanisme chrétien que notre Assemblée a le devoir de promouvoir, avec tous les efforts et les sacrifices nécessaires. Faisons de notre mieux pour que les situations dramatiques dont votre rapport rend compte ne se reproduisent pas. Je vous remercie de votre travail.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre), porte-parole du Groupe socialiste* – J’aimerais tout d’abord féliciter M. Sheridan pour ce rapport extrêmement important. La question humanitaire des personnes disparues dans les conflits européens et les réponses que l’on peut y apporter sont d’une importance cruciale, car il s’agit de personnes disparues, dont le sort reste inconnu, il s’agit de leur famille et du droit inaliénable de toutes ces familles de savoir ce qu’il est advenu des êtres qu’elles chérissaient.

Comme l’écrit à juste titre le rapporteur, la question des disparus reste souvent irrésolue pendant des décennies. C’est donc une plaie ouverte pour la famille, pour les amis et pour toute la société. Je parle en m’appuyant sur une certaine expérience, car depuis de longues décennies, c’est une question qui hante l’esprit de mes compatriotes chypriotes. C’est là la plus terrible conséquence de la tragédie de 1974. Après tant de décennies, nombreuses sont les familles à n’avoir aucune information sur le sort des êtres chers ni sur les circonstances dans lesquelles ils ont disparu.

L’objectif de la République de Chypre a toujours été d’élucider le sort de chaque personne disparue, qu’elle soit Chypriote grecque ou Chypriote turque, en se fondant sur des preuves concrètes et vérifiables.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement de Chypre ne peut accepter la notion de « présumé mort » comme solution à un problème humanitaire, qu’il s’agisse des Chypriotes grecs disparus ou des Chypriotes turcs disparus. Je condamne les disparitions forcées dans les termes les plus vigoureux, parce que les Chypriotes grecs disparus comme les Chypriotes turcs disparus sont tous des Chypriotes disparus. Ce sont mes compatriotes et leurs familles attendent encore de savoir ce qui leur est arrivé.

Pour ce qui est des Chypriotes grecs disparus, on ne peut ignorer que de longues années se sont écoulées sans que rien ne se passe, du fait de l’attitude peu coopérative de la partie turque. Et malgré toutes les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, malgré les résolutions intérimaires du Comité des Ministres, ce n’est que récemment, après quatre décennies, que la Turquie a montré les premiers signes positifs, en autorisant l’accès à une zone militaire dans les régions occupées au comité des personnes disparues. Il s’agit d’une avancée encourageante, mais ce n’est que le début.

Nous espérons sincèrement que la Turquie continuera de coopérer en la matière. Et qu’elle exécutera tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

J’en appelle à mes collègues turcs et leur demande de faire pression sur leur gouvernement pour qu’il coopère sincèrement en la matière, pour qu’un accès illimité soit donné aux zones militaires dans l’ensemble de Chypre occupée – ainsi qu’en Turquie – et pour que les archives militaires de la Turquie soient ouvertes.

Mes chers collègues, la question des personnes disparues ne doit pas être exploitée politiquement, quelles que soient les circonstances. Les personnes disparues sont des êtres humains ; personne n’a le droit de jouer avec la douleur des familles. Il existe un paramètre essentiel pour savoir ce qu’il est advenu des personnes disparues dans tous les conflits européens : une enquête effective et immédiate doit être menée autour de la disparition. Ce principe s’applique à toutes les personnes disparues d’où qu’elles viennent.

Je lance un appel aux gouvernements européens et je leur demande d’agir pour qu’une véritable enquête effective soit menée sur le sort des personnes disparues. Il faut donner toutes les informations nécessaires et coopérer de manière effective, loin de toute considération politique. Les familles des disparus ont le droit de savoir !

Mme ACKETOFT (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie le rapporteur pour son rapport. Il sera peut-être un bon outil pour dégeler des conflits gelés et pour apporter une solution et un espoir aux familles privées de leurs proches et de la possibilité de faire leur deuil.

Il y a eu des conflits un peu partout en Europe. Le rapport cite un chiffre épouvantable : 20 000 personnes disparues – encore s’agit-il d’un chiffre prudent ! A combien arriverions-nous si l’on incluait l’Afrique et l’Asie ? Chypre, la Turquie, l’Espagne, les Balkans, le Caucase, je ne peux pas citer toutes les régions concernées, mais je suis solidaire de toutes les victimes.

C’est une longue histoire faite de tragédies humaines et d’échecs politiques que nous rappelons là.

Il est certain qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation et de véritable paix tant que l’on reste dans l’ignorance de ce qui est arrivé aux disparus, souvent des hommes jeunes, des maris, des frères.

J’ai été rapporteure sur les conséquences du conflit entre la Russie et la Géorgie, et j’avais relevé qu’il y avait près de 2 000 disparus, simplement en Géorgie. À chaque fois que les circonstances le permettent, toutes les parties au conflit doivent prendre les mesures nécessaires pour rechercher, exhumer et rendre les corps. Mais souvent, il y a un manque de volonté politique, reconnaissons-le

Je rends hommage à la Croix-Rouge pour son travail. J’ai vu sur place ce qu’elle faisait et à quel point ses représentants étaient mobilisés. Quand on les laisse faire, ils peuvent parvenir à des résultats. Mais encore une fois, il faut que les familles soient au cœur des préoccupations et non pas les enjeux politiques. Les politiques doivent accepter que le problème soit réglé sur des bases humanitaires.

Nous devons entendre les familles, reconnaître leur détresse et leurs besoins. Nous devons également faire en sorte qu’elles soient aidées. Et en tant qu’Etats membres du Conseil de l’Europe, nous devrions être particulièrement sensibles au respect des conventions internationales sur le sujet.

M. DONALDSON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je voudrais tout d’abord féliciter le rapporteur, mon collègue du Royaume-Uni, M. Sheridan, pour son excellent travail. Je souhaiterais ensuite apporter mon soutien au travail du Comité international de la Croix-Rouge qui, je le sais, opère depuis des années dans cette région du monde.

Je viens d’Irlande du Nord, je connais donc bien l’importance de cette question. Lorsque nous avons entamé les négociations qui ont mené à l’accord de Belfast, la question des personnes disparues était essentielle pour nous. Car comme M. Sheridan l’a dit, nous connaissons la souffrance et la détresse des familles des personnes disparues. Même si leur nombre était peu élevé en Irlande du Nord, cela ne diminue en rien la souffrance des familles qui n’ont pas retrouvé les corps de leurs proches.

Un élément clé de l’accord auquel nous sommes parvenus a été de créer une commission pour la localisation de ces personnes disparues. A ce stade, plus de la moitié des personnes disparues ont été identifiées et leurs dépouilles rendues à leurs familles. Cela montre bien les progrès que nous avons réussi à faire sur cette question vraiment difficile.

Ce que nous avons été capables de faire en Irlande, et qui est le résultat d’un effort conjoint de l’Irlande du Nord et de la République d’Irlande, pourrait servir de modèle à ceux qui se retrouvent dans une situation de post-conflit ; nous sommes tout à fait disposés à partager cette expérience avec eux.

Je me suis rendu à Chypre, j’ai rencontré des familles du Nord et du Sud de l’île et j’ai entendu leur souffrance, même des dizaines d’années après la disparition de leurs proches.

Nous avons le devoir, envers ceux qui sont morts au conflit et qui ont disparu, de faire en sorte que toutes les mesures soient prises pour que leurs dépouilles soient identifiées et rendues à leur famille.

C’est la raison pour laquelle nous appuyons le rapport et le projet de résolution.

LE PRÉSIDENT – M. le rapporteur m’indique qu’il préfère répondre aux porte-parole des groupes à la fin de la discussion.

Mme Djurović et Miladinović et M. Drǎghici, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme SCHUSTER (Allemagne)* – Je remercie à mon tour de tout cœur le rapporteur. Il a rédigé un rapport excellent sur un sujet extrêmement délicat.

Je suis très heureuse que M. Peter Maurer soit présent ici aujourd’hui. A plusieurs reprises, je me suis rendue à Genève sur le site du CICR, au nom du Bundestag et avec la commission de suivi. J’ai à chaque fois été impressionnée par le travail réalisé par le Comité international de la Croix-Rouge.

Deux points du rapport me tiennent particulièrement à cœur. Sans un véritable travail de mémoire, il est impossible de parvenir à une réconciliation. Aussi un travail de mémoire et des enquêtes judiciaires sont-ils indispensables pour que ne perdure pas une culture d’impunité. Un processus de travail au sein de la société s’impose également, sans quoi la cicatrisation des plaies sera impossible.

Merci pour ce débat qui ouvre les yeux sur des destinées, celles des victimes et des familles des disparus.

Il y a un certain temps, M. Dick Marty avait présenté à notre Assemblée un rapport sur la situation dans le nord du Caucase. L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe avait organisé un événement à l’occasion duquel des personnes du Caucase du nord avaient rapporté ce qui leur était arrivé. Je me souviens notamment de l’histoire de cette paysanne qui se trouvait avec son fils devant leur maison. Soudain, une voiture noire s’est garée. Des hommes en noir en sont descendus et ont embarqué son fils. Elle s’est rendue à la police pour porter plainte, mais les policiers ont refusé de l’enregistrer. Ils lui ont dit qu’ils connaîtraient eux-mêmes des problèmes s’ils le faisaient. Aujourd’hui encore, elle ignore ce qu’il est advenu de son fils.

Il est extrêmement important que nous fassions tout ce qu’il est en notre pouvoir pour offrir aux familles les moyens de savoir où sont leurs proches, elles ont le droit à la vérité.

Encore une fois, merci au rapporteur, au CICR et à toutes les organisations impliquées. J’espère que ce rapport bénéficiera d’une large majorité, car nous le devons aux familles et à leurs disparus.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Félicitations à M. Sheridan pour son excellent rapport.

Le rapport dont nous débattons aujourd’hui est très important pour l’Europe. Tout conflit engendre des désastres humanitaires et les conséquences qui en découlent perdurent très longtemps après la fin des conflits. L’Azerbaïdjan a été impliqué dans un conflit armé avec l’Arménie. Comme vous le savez, 20 % de notre territoire restent occupés et nous continuons de subir de graves conséquences du conflit.

L’Azerbaïdjan a créé une commission d’Etat sur les prisonniers de guerre, les otages et les disparus. Pour l’essentiel, elle mène des enquêtes sur les disparitions afin de répondre aux questions que se posent les familles.

Je voudrais vous donner quelques indications sur nos concitoyens qui ont été pris en otages ou qui ont été en captivité dès le début du conflit du Haut-Karabakh. La commission d’Etat a enregistré 4 035 cas de disparition. Selon ses données, 553 personnes ont été tuées en captivité en Arménie ou sont décédées pour des raisons diverses : tortures, maladies, etc. Il n’y avait pas uniquement des militaires parmi ces victimes, mais aussi des civils, des enfants, des femmes et des personnes âgées.

Toujours selon les indications dont nous disposons, 877 personnes ont été capturées dans les territoires occupés, mais l’Arménie ne reconnaît pas les faits.

Entre 1988 et 2013, 1402 citoyens azéris en Arménie ont été libérés. Mais le traitement et la réinsertion des personnes libérées est encore un autre problème, car il est très difficile pour elles d’oublier les tortures et la captivité dont elles ont souffert. Les souvenirs les hantent. C’est pourquoi il convient de prévoir pour ces personnes des systèmes de soins et de prise en charge appropriés.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé un accord de cessez-le-feu, qui, pour autant, n’a pas réglé le conflit. En raison des manipulations destructrices de l’Arménie, la paix n’a pu être rétablie, et ce en dépit de tous les appels de la communauté internationale. Malheureusement, l’administration d’Erevan refuse d’adopter une position constructive.

Hier, nous avons pu noter que le Président de l’Arménie avait une interprétation quelque peu particulière des résolutions 822, 853, 874 et 884 du Conseil de sécurité de l’ONU s’agissant du retrait inconditionnel et immédiat des troupes arméniennes des territoires occupés de l’Azerbaïdjan.

J’espère que l’important sujet dont nous traitons aujourd’hui contribuera à appeler l’attention de la communauté internationale sur les violences des Arméniens et évitera la répétition de tels scénarios en Europe.

Mme BULAJIĆ (Serbie)* – Je veux de prime abord féliciter M. le rapporteur qui s’est grandement investi. Il s’est attaché à étudier une forme de gouvernance qui déshumanise les personnes disparues et qui représente un vrai danger pour la sécurité européenne.

Les histoires des personnes disparues montrent les tensions qui existent entre la façon dont les systèmes politiques nous voient et la façon dont nous nous voyons nous-mêmes. La recherche de personnes disparues à la suite d’une guerre, de violences politiques ou de génocides montre comment certains systèmes politiques et juridiques déshumanisent les personnes et les instrumentalisent. Les appareils de gouvernement ne reconnaissent que des catégories et non pas des personnes alors que les proches des personnes disparues demandent aux autorités de se concentrer sur une personne unique et irremplaçable.

Bien que les droits de l’homme soient au centre de la politique internationale, nous ne disposons pas de véritables instruments pour permettre des transitions pacifiques vers des systèmes démocratiques tenant compte de ces disparitions.

L’étude de ce phénomène et son lien avec un système judiciaire de transition n’a guère recueilli l’attention. Il en résulte que l’on ne prend pas en compte les risques à long terme qu’engendre, sur les plans politique, juridique, social, sur le plan de la sécurité ou encore sur le plan psychologique, la mauvaise gestion de cette question des disparitions forcées.

Un cadre juridique relativement élaboré a vu le jour ces dernières années. Je pense notamment aux instruments politiques et juridiques internationaux, ainsi qu’au travail de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais de tels instruments ne répondent pas aux attentes des familles qui attendent que leurs proches disparus soient identifiés. Or, vous le savez, les institutions ne changent pas tant que les peuples n’en réclament pas le changement. Mais je crois que le moment du changement est venu aujourd’hui pour permettre une transition pacifique vers des sociétés humaines et équitables.

Le problème des disparitions forcées doit être résolu le plus rapidement possible afin de diminuer le niveau de souffrance dans les zones en conflit et afin d’éviter que se crée une culture de la victimisation.

Ce problème sensible des droits de l’homme doit trouver une solution durable. A cet égard, le rapport propose des outils pour guider et aider les décideurs politiques à faire face à ces disparitions forcées en période de post-conflit et pour éviter que ces problèmes humains ne deviennent des obstacles à la réconciliation.

M. Sheridan l’a bien dit, les personnes disparues deviennent des objets alors que ce sont des êtres irremplaçables. Ce rapport change notre conception des disparus, dans le sillage du remarquable travail du CICR.

M. MARIAS (Grèce)* – J’ai le triste devoir de vous rappeler que mon pays est directement concerné par le problème des personnes disparues à Chypre. Parmi les 1 493 Chypriotes grecs disparus dans le conflit chypriote, 64 citoyens grecs restent officiellement portés disparus, 39 ans après l’invasion turque. Pendant des décennies, la partie turque a adopté une attitude extrêmement négative face à cette tragédie humanitaire, minimisant la souffrance des familles et leur droit à être informées du sort de leurs proches.

Les responsables du tragique problème des personnes disparues ne doivent nulle part rester impunis. C’est une obligation universelle des Etats que de l’empêcher. Notre Assemblée l’a rappelé dans son rapport sur la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Turquie doit nous tenir au courant des mesures prévues et du calendrier de l’enquête qui doit être menée, et ouvrir l’accès à toutes les informations nécessaires, y compris les rapports et archives de son armée, ainsi qu’aux zones militaires de la partie occupée de Chypre, où les personnes disparues ont pu être retirées des fosses communes et enterrées.

Rappelons enfin que ce problème n’est pas seulement humanitaire, technique, militaire ou politique, mais aussi et surtout juridique. Dès lors, aucune prescription ou limite territoriale ne saurait s’opposer à sa résolution. Selon la lettre du rapport, les Balkans, Chypre, le Caucase sont concernés, mais, selon son esprit, l’on ne saurait exclure bien d’autres cas passés, dont le meurtre de masse, pendant la seconde guerre mondiale, de milliers de citoyens grecs – juifs et non juifs – dans les camps de concentration nazis situés dans différents pays occupés. La majorité de ces déportés ne sont jamais revenus et sont donc portés disparus.

Il faut que tous les acteurs impliqués disent la vérité et rendent justice, pour les familles, et pour que les Etats responsables soient légalement tenus d’indemniser celles-ci comme il se doit.

LE PRÉSIDENT – M. Belyakov, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. RIVARD (Canada, observateur) – Je suis reconnaissant à l’Assemblée de me permettre de m’exprimer sur cette question.

Je tiens à remercier le rapporteur, M. Sheridan, pour le travail louable qu’il a accompli afin d’appeler notre attention sur les oubliés des conflits mondiaux, pour la plupart des témoins innocents de funestes conflits. Je suis d’accord avec son observation générale : ce sont principalement des obstacles politiques qui empêchent de répondre à ce besoin humanitaire pressant. Le moment de ce rapport et du débat sur la question est tout à fait fortuit ; c’est le 30 août qu’a eu lieu la Journée internationale des personnes disparues, organisée par le CICR.

J’évoquerai justement l’action des organisations internationales et des organisations non gouvernementales dans ce domaine, d’abord pour les féliciter et souligner leur contribution, mais surtout pour nous inspirer de leur important travail afin de promouvoir les objectifs de la résolution proposée par M. Sheridan.

Celui-ci mentionne dans son rapport l’excellente coopération du CICR et reconnaît le rôle important joué par cette organisation dans la résolution de cas de disparition durant des conflits armés. Il mentionne également les contributions du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’Onu et de la Commission internationale des personnes disparues (ICMP). L’action de ces organisations doit être soutenue financièrement et par la collaboration des pays dont des résidents ont été victimes d’un conflit ou ont perdu des membres de leur famille. Elles ont beaucoup à offrir en termes d’appui logistique, d’expertise scientifique et technique et, dans le cas de l’ICMP, d’appui législatif, pour aider les pays à réformer leurs lois de manière à mieux faire face aux conséquences de la disparition sur les familles, en facilitant l’accès de ces dernières aux renseignements de base que les gouvernements sont susceptibles de posséder sur leurs proches disparus, en traitant les questions de propriété lorsqu’il s’agit de recouvrer les restes, et en encadrant mieux les familles – financièrement, mais pas seulement.

Il importe aussi d’insister, à l’instar du rapporteur, sur le rôle essentiel de la volonté politique, au sein des pays concernés, pour régler les différends et mettre fin aux conflits qui sont source de souffrances. Dans l’intervalle, pendant que les négociations se poursuivent, il est impératif que les législateurs agissent pour aider les familles des personnes disparues dans les zones en conflit.

Cette résolution m’apparaît comme un pas important dans l’effort mondial pour aider les familles qui tentent de retrouver leurs proches ou de faire leur deuil.

Je remercie à nouveau l’Assemblée de permettre aux pays observateurs de s’exprimer.

LE PRÉSIDENT – Merci à vous, Monsieur Rivard ; c’est toujours un plaisir d’entendre un représentant de l’un des pays observateurs, qui apportent beaucoup aux travaux du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire.

Mme GIANNAKAKI (Grèce)* – Le sceau de la guerre reste gravé dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue et la boucle ne sera pas bouclée tant que nous ne saurons pas ce qu’il est advenu des personnes disparues. Des citoyens grecs font partie des disparus du conflit à Chypre. Une commission des personnes disparues a été créée en 1981 sous le patronage des Nations Unies. La Turquie est responsable du sort des disparus et de l’information donnée à leurs familles, selon l’arrêt de 2001 de la Cour européenne des droits de l’homme. Les résolutions de la commission du Conseil de l’Europe qui surveille l’exécution des décisions de la Cour ont maintes fois condamné la Turquie. Il faut ouvrir les archives militaires turques et permettre aux enquêteurs d’accéder aux zones militaires des territoires occupés. En 2012, l’accès à un camp a été ouvert, mais des parties assez étendues sont qualifiées de zones militaires. En outre, en janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie à propos de 9 personnes disparues. Il reste beaucoup de disparus à localiser et à identifier.

Jusqu’à présent, aucun citoyen grec n’a été identifié dans le cadre des travaux de la commission. Cette question fait également partie du dialogue public en Turquie et au sein de la communauté turco-chypriote. Mais un progrès considérable a été réalisé : les restes de disparus ont été remis à leurs familles. Cela pourrait servir de modèle pour une coopération institutionnalisée entre les deux communautés, avec le concours d’associations de victimes.

Cette commission devrait faire connaître son travail. Les Grecs et les Turcs chypriotes ont beaucoup souffert. Un dialogue public sur le passé permettrait d’assurer un avenir commun aux populations de Chypre.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui d’une question très sensible, qui concerne des dizaines de milliers de personnes et familles.

Près de vingt mille personnes sont aujourd’hui portées disparues à la suite des différents conflits armés qui se sont déroulés en Europe. Ce problème reste inscrit à l’ordre du jour de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe. Il est une vérité indiscutable : les familles des personnes ayant disparu au cours des conflits armés ont le droit de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches et je suis tout à fait d’accord avec notre rapporteur pour dire que ces familles doivent être au centre de toutes les initiatives prises par les gouvernements.

Chers collègues, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de rencontrer les mamans et les enfants de personnes disparues au cours de la guerre du Haut-Karabakh, déclenchée par l’Azerbaïdjan. Comme toujours, nos collègues azerbaïdjanais falsifiaient les faits et ne présentaient que d’absolus mensonges. Je ne saurais vous décrire l’émotion et les sentiments qu’éprouvent les parents, les épouses et les enfants des disparus : chaque fois que quelqu'un frappe ou sonne à leur porte, c’est une lueur d’espoir qui s’allume à nouveau. L’espoir que ce soit leur fils, leur père, qui rentre.

Et nous, parlementaires et gouvernements nationaux, comment contribuons-nous à trouver des solutions ou des réponses humanitaires aux questions si importantes que Jim Sheridan a soulevées dans son rapport ?

Il a tout à fait raison de souligner l’importance de la coopération et de l’échange d’informations avec les autorités de facto concernant les mesures prises pour retrouver les disparus. Je tiens, à cet égard, à remercier M. le rapporteur d’être du même avis que nous et d’avoir partagé notre proposition. Cette question est primordiale, et il est nécessaire d’élaborer des mécanismes plus souples pour parvenir à une collaboration réellement efficace avec les autorités de facto.

Je tiens à saluer également le fait que cette position a été formulé dans le rapport, car nous devons tous avoir un objectif commun : faire tout notre possible pour retrouver les disparus. Je vous assure que la coopération avec les autorités de facto est l’une des voies humanitaires pour la résolution de ce grave problème.

Chers collègues, nous sommes tous conscients que la résolution du problème des personnes disparues lors des conflits armés aura un impact direct sur l’établissement de la paix en Europe.

M. CHIKOVANI (Géorgie)* – Je viens d’un pays qui est le numéro deux pour le nombre de personnes disparues en Europe, mais il serait tout de même gênant de ne traiter cette question qu’avec des statistiques et des chiffres. Aussi, Monsieur le président du CICR, je tiens à vous remercier au nom des personnes que vous avez aidées dans mon pays. Je sais l’espoir et le soutien que vous leur apportez. Le CICR est le seul espoir de réconciliation.

Mais je voudrais aussi remercier notre collègue, M. Sheridan, pour son rapport qui montre explicitement à quel point le travail de notre Assemblée peut se rapprocher de la vie des individus, des citoyens de nos pays. Dans ce rapport, vous pourrez lire les histoires d’Ekizashvili et de Matanović. Ces récits parlent de la vie quotidienne de ces familles et de leur avenir. Si l’on ne comprend pas ce qui est arrivé à ces parents, ces enfants, ces frères, il est impossible de se réconcilier. Je ne saurais être plus d’accord avec M. Sheridan que lorsqu’il dit que les racines du problème sont, d’un côté, la peur des familles, de l’autre, l’absence de volonté politique. Sans une compréhension claire, sans une explication des causes, sans explication aux familles, aucune réconciliation ne sera possible. Il y aura toujours cette quête qui risque de mal tourner.

L’un de nos collègues a dit, dans cet hémicycle, que ce sont les séquelles du XXe siècle pour l’Europe. Malheureusement, mon pays a été victime de ces disparitions au XXIe siècle. Depuis 2008, des milliers de personnes ont disparu. La plupart étaient des civils. Nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’ils sont devenus. Le paradoxe, c’est qu’un collègue du pays qui a attaqué le mien, occupant 20 % du territoire de mon pays, ne fait rien pour résoudre ce problème et tous les autres qui ont découlé de la guerre de 2008.

Il faut que chacun comprenne bien, dans son cœur et dans sa tête, que ce problème doit absolument être résolu.

Je me suis exprimé à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Comme chaque fois que j’ouvre mon micro, j’en appelle à mes collègues pour que les textes adoptés ici ne restent pas au fond d’un tiroir de l’Organisation. Je plaide pour qu’une fois rentrés chez nous, nous fassions pression auprès de nos gouvernements respectifs afin qu’ils financent un système permettant des recherches. Il faut mettre en place un mécanisme international qui nous permette d’obtenir de vrais résultats.

Je vous remercie à nouveau, Monsieur Sheridan, car ce rapport marque une étape très importante face à cette tragédie que nous connaissons au quotidien.

Mme ERKAL KARA (Turquie) – Je remercie le rapporteur, M. Sheridan, et les membres de la commission d’avoir traité d’une question aussi délicate de manière juste, constructive et équilibrée.

Je partage entièrement l’avis de M. le rapporteur qui estime que les familles devraient être mises au cœur de toute action concernant les personnes disparues. Cependant, la question qui se pose est la suivante : comment devons-nous le faire ?

Je suis reconnaissante au rapporteur d’avoir partagé des idées et des lignes directrices qui pourront servir à réaliser cet objectif. Cependant, un sujet aussi sensible nous oblige à être prudents : nous ne devrions pas abuser des exemples individuels et de certaines histoires dramatiques, ni organiser des « tours » subventionnés par des gouvernements, comme certains l’ont fait pendant des années.

Ce rapport comporte des références aux personnes portées disparues à Chypre. Je me permets de rappeler au rapporteur et aux membres de cette Assemblée que la question des personnes disparues à Chypre est commune aux deux parties, aux Chypriotes grecs comme aux Chypriotes turcs. Cela étant dit, les paragraphes 7 et 10 de l’exposé des motifs ne reflètent pas la situation actuelle concernant les personnes disparues à Chypre. La liste officielle des personnes disparues, approuvée par les deux leaders, montre en effet que 1 508 Chypriotes grecs et 493 Chypriotes turcs ont disparu, chiffres inférieurs à ceux figurant sur le tableau page 6.

Le tableau devrait être révisé selon les statistiques actuelles publiées par le Comité sur les personnes disparues à Chypre en août 2013. Non seulement les autorités chypriotes turques, mais également les autorités chypriotes grecques, sont légalement tenues de mener des investigations efficaces sur le sort des Chypriotes turcs disparus. Le rapporteur relève dans le paragraphe 10 que ce problème a débuté il y a 40 ans, ce qui est inexact. Il a commencé il y a 50 ans, au moment de la crise politique interne, quand de nombreux Chypriotes turcs ont disparu. Le Comité a d’ailleurs pour mandat d'élucider le sort des personnes disparues lors des événements de 1963 et de 1964, et pas seulement de 1974.

Ce qui nous encourage et nous donne de l'espoir, c’est le fait que ce Comité sur les personnes disparues à Chypre, bicommunautaire, progresse dans son travail d'exhumation, d'identification et d'information des familles.

LE PRÉSIDENT – Mme El Ouafi et M. Sabella, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. ÇAĞLAR (Turquie)* – Je m’adresse à vous avec tristesse, car mon pays compte des disparus depuis des décennies. Je remercie M. Sheridan pour son rapport relativement nuancé et équilibré. Malheureusement, il ne parle pas des Chypriotes turcs disparus en 1963 et en 1964. C’est une erreur factuelle de taille. En effet, c’est la disparition de Chypriotes turcs à cette époque qui explique la détérioration des relations entre les deux communautés de l’île.

Comme vous le savez, une commission mixte, composée de Chypriotes turcs et de Chypriotes grecs, a été créée pour enquêter sur le sort de militaires et civils de tous âges, hommes et femmes, disparus. L’incertitude des familles a duré tant d’années qu’il est à peine possible de décrire leur souffrance par des mots.

Nous devons tout faire pour éviter que de telles tragédies se reproduisent. On peut prévenir certaines catastrophes, notamment les catastrophes naturelles, mais dans la plupart des cas, ces disparitions sont imputables à des guerres civiles. Nous devons donc favoriser la confiance et la stabilité. C’est pourquoi une institution comme le Conseil de l’Europe, créée à la fin de la seconde guerre mondiale, est si importante. La solidarité et la coopération internationale sont les seules voies pour éviter que nos filles et nos fils, un jour, ne disparaissent.

Parmi les droits définis par la Convention des droits de l’homme des Nations Unies, il y a celui des familles de pouvoir rendre un dernier hommage à leurs morts. Il est capital que les personnes disparues soient retrouvées et portées vers leur dernière demeure.

Tous les conflits engendrent des blessures. Les disparus sont des blessures non cicatrisées. Parmi ces disparus, il y a aussi des Chypriotes turcs, dont on ne parle malheureusement pas aussi souvent que des disparus Chypriotes grecs. Je remercie donc M. Sheridan d’avoir tenté de rétablir la vérité.

Hier, à Strasbourg, une manifestation de familles chypriotes turques a eu lieu. Cet événement organisé en marge de l’Assemblée aura, je l’espère, sensibilisé à leur sort.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE – Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, pour vos aimables paroles sur l’action de la Croix-Rouge. Je transmettrai à mes collègues vos appréciations élogieuses.

Vous avez été nombreux à relever l’importance d’une approche humanitaire et non politique, non politicienne devrais-je dire plutôt, sur le sujet des personnes disparues. Je profite de cette occasion pour vous dire que, d’après moi, il n’y a pas de solution humanitaire aux problèmes politiques. Bien souvent, la question des personnes disparues soulève des problèmes politiques qui appellent des réponses politiques. Un rapport comme celui de M. Sheridan, accompagné d’un programme d’action et d’une volonté politique forte, est indispensable pour bâtir le cadre dans lequel des organisations neutres et indépendantes peuvent travailler. Il me semblait important d’apporter cette nuance sur la relation entre l’humanitaire et le politique.

Je voudrais réagir, d’autre part, aux propos de Mme Acketoft. Les chiffres qui sont aujourd’hui publiés sur les personnes disparues en Europe concernent les personnes disparues identifiées. Mais il existe une partie immergée de l’iceberg et un nombre qui ne doit pas être sous-estimé de personnes disparues inconnues.

Je souligne par ailleurs que le problème des personnes disparues ne disparaît pas avec le temps. C’est même souvent l’inverse, compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie et du besoin des générations suivantes de trouver elles aussi des réponses.

Pour conclure, il me paraîtrait important de traiter, au sein de cette enceinte, d’un thème qui préoccupe la Croix-Rouge et pour lequel le soutien politique reste encore insuffisant : la sécurité des soins de santé et des travailleurs de santé partout dans le monde.

C’est aujourd'hui un des problèmes les plus importants auxquels nous sommes confrontés : l’idée qui a conduit à la création du Comité international de la Croix-Rouge, il y a cent-cinquante ans, selon laquelle les blessés et les civils ont droit aux soins de santé, ne fait plus aujourd'hui l’objet d’un consensus politique. Il me paraît donc important qu’une enceinte comme la vôtre examine cette question.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole de trois minutes pour répondre aux orateurs.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni), rapporteur * - Merci, Monsieur le Président, de nous avoir donné la possibilité d’exprimer toutes les préoccupations des familles de personnes disparues. Je vous en suis reconnaissant. Je remercie également toutes les personnes ayant pris la parole au cours de ce débat non partisan.

Il est vrai que certains Etats connaissent des frictions politiques, mais dans le rapport, nous avons voulu être apolitiques. Certains défis, certaines contradictions ont par ailleurs été relevés, notamment en matière de statistiques. La période sur laquelle porte le rapport a également été critiquée.

Ce rapport a été adopté en février. Nous avons voulu utiliser les statistiques à bon escient. C’est pourquoi nous avons choisi de recourir aux données du CICR, un organisme indépendant et respecté. D’autres sources auraient pu proposer des chiffres plus fantaisistes.

Je comprends les difficultés soulevées par mon collègue chypriote turc. Je sais que vos intentions sont les meilleures, mais notre commission est d’avis qu’une personne disparue est une personne, quels que soient son origine et le contexte dans laquelle elle a disparu.

Nous devons aujourd'hui tirer les leçons du passé. Malheureusement, un nouveau désastre se déroule sous nos yeux, en Syrie. Quand ce conflit se terminera – et cela arrivera –, des organisations telles que le CICR seront appelées à ramasser les morceaux. Si la Croix-Rouge n’existait pas, il faudrait l’inventer ; mais ce que nous devons faire, c’est lui donner les ressources nécessaires pour accomplir ses tâches.

Notre travail a été constructif : nous avons eu un débat non partisan. Je souligne une fois de plus, mes chers collègues, que nous ne pouvons quitter cette assemblée sans agir pour aider les personnes disparues, sans quoi nous aurons laissé passer une occasion. En tant que membres de l’Assemblée et en tant que responsables politiques au niveau national, nous devons faire avancer les choses. Pensons aux familles !

Il faut adopter un rapport solide et mettre en œuvre ce qu’il préconise. Si nous y parvenons, nous aurons apporté un soutien aux familles des disparus. Nous serons alors du côté des anges.

Mme VIROLAINEN (Finlande), présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – À mon tour, je voudrais remercier M. Sheridan pour son excellent rapport, ainsi que tous les membres de l’Assemblée qui lui ont apporté leur soutien.

La question des personnes portées disparues est une préoccupation pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et plus particulièrement pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. C’est en 1987 que nous avons évoqué pour la première fois ce sujet lors du débat sur les réfugiés nationaux et les personnes disparues à Chypre. En 2004, notre collègue M. Çavuşoğlu, dans son rapport sur les personnes portées disparues à la suite des conflits armés ou de la violence internationale dans les Balkans, avait analysé la situation en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Kosovo. Trois ans plus tard, la question a été soulevée à nouveau dans la Résolution 1553 et dans la Recommandation 1797 sur les personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie du fait des conflits au Haut-Karabakh et en Ossétie du Nord.

Les travaux précédents ont permis de faire le bilan des personnes disparues à la suite des conflits en Europe. Mais le conflit actuel est symbolique, alors que nous célébrons le dixième anniversaire de la Conférence internationale d’experts gouvernementaux et non-gouvernementaux sur les personnes disparues et leurs familles, qui avait été organisée sous les auspices du Comité international de la Croix-Rouge. Nous espérons que notre rapport sera utilisé comme un bilan de la situation depuis cette conférence.

Je remercie enfin M. Maurer d’être parmi nous aujourd'hui et pour tout le travail réalisé par le CICR pour résoudre les cas de personnes disparues et aider les familles à trouver la vérité.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel neuf amendements ont été déposés. Tous ces amendements ayant été adoptés à l’unanimité par la commission, sa présidente demande l’application de l’article 33-11 du Règlement.

C’est bien cela, Madame la présidente ?

Mme VIROLAINEN (Finlande), présidente de la commission* – Tout à fait.

LE PRÉSIDENT. – Je donne lecture de ces amendements.

L’amendement 1, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 1, à remplacer le mot « belligérants » par les mots suivants : « sociétés divisées par la guerre et les ex-belligérants ».

L’amendement 7, déposé par MM. Pintado, Beneyto, Palacios, Agramunt, Conde, Mme Quintanilla, MM. Gutiérrez, Díaz Tejera, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 5, première phrase, à supprimer les mots « en Espagne, ».

L’amendement 2, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7.1, à remplacer les mots « les entités concernées par les conflits » par les mots suivants : « les Etats membres et les autorités de facto compétentes ».

L’amendement 3, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7.2.1, à remplacer les mots « droit de savoir » par les mots suivants : « droit de demander une enquête effective et de connaître la vérité ».

L’amendement 8, déposé par Mme Miladinović, M. Ilić, Mme Djurović, MM. Aligrudić, Makhmutov, Mmes Gerasimova, Goryacheva, M. Shlegel, Mme Mulić, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 7.3.4 par le paragraphe suivant : « à offrir un soutien ferme et incontestable et à apporter toute l’assistance nécessaire aux mécanismes nationaux, bilatéraux et régionaux en charge du problème des personnes disparues ; »

L’amendement 9, déposé par Mme Miladinović, MM. Aligrudić, Makhmutov, Shlegel Mmes Gerasimova, Goryacheva, Mulić, Djurović, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.3.4, à insérer le paragraphe suivant : « à soutenir les projets communs développés grâce aux mécanismes de coopération bilatéraux et régionaux qui pourraient aider d’autres pays et régions à résoudre le problème des personnes disparues ; »

L’amendement 4, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7.4, remplacer les mots « entités concernées » par les mots suivants : « Etats membres et aux autorités de facto compétentes ».

L’amendement 5, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7.5, à remplacer les mots « les entités concernées par les conflits » par les mots suivants : « les Etats membres et les autorités de facto compétentes ».

L’amendement 6, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 10 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée reconnaît le rôle essentiel joué par le CICR et d’autres organisations comme l’ICMP pour élucider les cas de disparition pendant et après un conflit armé et pour sensibiliser sur le problème des personnes portées disparues en Europe. Elle encourage le CICR et les autres organisations à maintenir leur aide précieuse aux pays et aux régions concernées en vue de résoudre le problème des personnes disparues. »

En l’absence d’objection, tous les amendements sur le projet de résolution sont déclarés adoptés définitivement.

LE PRÉSIDENT – Nous en arrivons au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13294, tel qu’il a été amendé.

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Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 74 votants.

LE PRÉSIDENT – J’adresse mes félicitations au rapporteur ainsi qu’à la commission, qui a accompli comme d’habitude un excellent travail. Merci aussi à vous, Monsieur Maurer, pour votre participation.

3. Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme :
des synergies, pas des doubles emplois !

Débat selon la procédure d’urgence

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion, selon la procédure d’urgence, du rapport de M. Michael McNamara, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur « Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois ! » (Doc.13321).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 20. Si cela est nécessaire, nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 18 h 00, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. McNAMARA (Irlande), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – L’assemblée a décidé de tenir ce débat d’urgence, j’ai été désigné comme rapporteur parce que je le suis également sur les institutions européennes et les droits de l’homme.

Nous avons déjà tenu un débat d’actualité sur le même sujet après la désignation d’un représentant spécial de l’Union européenne sur les droits de l’homme. Depuis, d’autres développements sont intervenus. Mon projet de texte rappelle une série d’initiatives récentes prises en particulier par le Parlement européen et la Commission européenne pour créer un mécanisme de soutien de l’Union européenne et vérifier que ses Etats membres respectent les valeurs communes que sont les droits fondamentaux, la démocratie, la prééminence du droit.

Selon moi, l’initiative de l’Union européenne visant à créer un mécanisme de suivi découle de l’échec de l’Union et de ses Etats membres pour résoudre ces problèmes de droits de l’homme. Nous ne savons pas comment ce mécanisme fonctionnera ni même s’il entrera vraiment en vigueur.

Notre collègue du Parlement européen, M. Louis Michel, doit défendre son rapport sur le sujet devant la commission des libertés publiques, de la justice et des affaires intérieures, cette semaine. Ce système devrait être déclenché sur décision de la Commission européenne et s’inspirer de l’expérience de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Le mois dernier, M. Michel est venu discuter avec M. Jagland des avantages et inconvénients du mécanisme proposé. Notre Assemblée et la commission juridique se sont émues des risques de doubles emplois avec le système du Conseil de l’Europe. Nous étions déjà inquiets à l’époque de la création, en 2007, par l’Union européenne de l’Agence des droits fondamentaux. À plusieurs reprises, nous avons examiné les risques de chevauchement des activités du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, notamment dans le rapport de notre collègue, M. Cilevičs, en 2010. Certaines craintes ne se sont pas concrétisées, peut-être parce que notre Assemblée a été vigilante.

Comme nous le proposions dans la Résolution 1756 de 2010, les Etats membres et les institutions de l’Union européenne devraient à nouveau réfléchir aux différents mécanismes européens de protection des droits de l’homme pour que la répartition des ressources financières garantisse l’utilisation la plus efficace possible des moyens.

Nous avons regretté que les financements accordés au Conseil de l’Europe pour assurer ces missions essentielles en matière de droits de l’homme aient été bien inférieurs au budget de la seule Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. Nous ne pouvons que réitérer ce que nous avons déjà dit sur les risques de doubles emplois et la nécessité d’éviter des gaspillages, surtout à une époque où nous exigeons de nos contribuables qu’ils se serrent davantage la ceinture.

Nos instruments, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme, constituent un arsenal efficace pour la protection des droits de l’homme et la promotion de la démocratie et de la prééminence du droit dans tous les Etats membres, y compris ceux qui sont membres de l’Union européenne. Toute initiative dans ce domaine doit tenir compte du rôle de référence du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit en Europe, comme l’indique le protocole d’accord conclu en 2007 entre l’Union et le Conseil.

Bien entendu, une meilleure protection des droits de l’homme est toujours souhaitable, mais la mise en place de mécanismes parallèles risque d’entraîner deux poids, deux mesures, un Forum shopping et l’abaissement des normes du Conseil de l’Europe. Songeons surtout aux synergies possibles avec les mécanismes de suivi existants du Conseil.

N’oublions pas non plus que l’on parle beaucoup de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Actuellement le dossier est pendant à la Cour de justice de Luxembourg qui doit rendre son avis sur le projet d’accord. Notre assemblée doit donc inviter les Etats membres de l’Union européenne à finaliser ce processus de manière que l’adhésion de l’Union à la CEDH soit le meilleur moyen de garantir la cohérence de nos normes.

J’espère que vous me suivrez. Pour ma part, je suivrai toujours cela dans mon rapport sur les institutions européennes et les droits de l’homme.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Le destin qu’a connu l’UEO montre ce qui se produit quand une organisation internationale est vidée de ses compétences et de ses missions. L’Union européenne a fini par absorber l’UEO. Je me demande si ce n’est pas ce que veut faire l’Union européenne avec le Conseil de l’Europe, aujourd’hui.

Le rapport mérite une réflexion approfondie et une réponse ferme et vigoureuse de notre Assemblée. Si une organisation représente la grande majorité des citoyens européens, c’est bien le Conseil de l’Europe avec ses 47 Etats membres, ses observateurs, ses partenaires pour la démocratie. Cela rend possible le débat sur la démocratie, les droits de l’homme, l’Etat de droit en Europe. C’est le cercle le plus vaste possible, beaucoup plus large que l’Union européenne.

Les recommandations, résolutions, décisions du Conseil de l’Europe ont contribué à l’orientation démocratique de nombreux pays qui, il y a plusieurs décennies, étaient gouvernés par des dictateurs. L’Union européenne ne peut pas et ne doit pas entrer en concurrence avec notre travail. Dans cette Union, on ne compte que 28 Etats membres et ici, 47, soit presque le double. Cela montre bien que nos débats seront toujours plus pluralistes.

Il faut que nous montrions le sérieux et la rigueur de nos travaux. L’Union européenne ferait une immense erreur en n’utilisant pas ce que nous produisons au quotidien. L’Union européenne a ses compétences, le Conseil de l’Europe les siennes, la défense des droits de l’homme et des valeurs démocratiques. Le double emploi ne ferait que réduire notre vision paneuropéenne.

Peut-être devons-nous faire une autocritique. Essayons d’être plus efficaces dans nos travaux pour améliorer, pour aller aux quatre coins de l’Europe. Les citoyens des 47 Etats membres doivent savoir qu’ici nous ne travaillons pas pour l’Europe des puissants mais pour l’extension de la démocratie, le respect des droits de l’homme et la primauté du droit, lesquels ont permis la plus longue période de paix pour l’Europe. Répétons le haut et fort.

M. GROSS (Suisse) porte-parole du Groupe socialiste* – Je vous remercie pour ce rapport très important. Son ton est normal, pas alarmiste. C’est une bonne analyse. Avec les amendements de M. Walter, nous aurons une bonne résolution. Tout ce à quoi nous devons réfléchir est dit dans l’exposé des motifs. Par exemple, je ne connaissais pas le dilemme au sujet de Copenhague. Le paragraphe 5 est important : il faut que la Commission européenne dise elle-même qu’elle souhaite trouver une solution dans la coopération.

Je crois qu’il faut mesurer toute la valeur de cette déclaration. Il ne s’agit pas de l’empêcher d’y parvenir, mais de savoir comment elle parvient à ses fins. Comme M. McNamara l’a dit lui-même, lorsqu’une organisation, dans une partie de la région couverte par le Conseil de l’Europe, souhaite aller au-delà de ce que nous faisons, il n’y a rien à y redire, mais les relations entre ce système et le nôtre doivent être claires. Par exemple, en matière de droits de l’homme, la Cour de Luxembourg accepte les priorités et le droit normatif de notre Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Que l’Union européenne veuille, pour elle-même et en son sein, créer une nouvelle procédure qui aille plus loin pour ses propres membres que ce que nous faisons, on ne peut l’empêcher, et il ne s’agit pas de l’empêcher. En revanche, il importe que la Cour européenne des droits de l’homme soit reconnue comme la norme suprême et que la Commission européenne n’aille pas au-delà de ses compétences et ne s’ingère pas dans les nôtres.

Par ailleurs, l’Union européenne doit reconnaître ses propres frontières. Elle ne peut pas se rendre compétente pour ceux qui souhaiteraient un jour devenir membres de l’Union européenne. Les Etats qui veulent devenir membres de l’Union européenne feront l’objet d’un suivi encore plus serré lorsqu’ils y seront, mais ce qui prime, c’est la Convention européenne des droits de l’homme, le système de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme.

Je crois que c’est également ce que dit le texte. Répéter ce qui existe déjà est sans intérêt. L’Union européenne doit s’adapter à ce que nous faisons, et la référence numéro un en matière de droits de l’homme doit être la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme. Les propositions d’amendement de M. Robert Walter méritent d’être soutenues. Elles complètent bien le rapport McNamara.

M. KENNEDY (Royaume-Uni), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Monsieur le Président, deux personnes m’ont amené à la politique : David Russell-Johnston, l’un de vos éminents prédécesseurs, qui était le député de ma circonscription lorsque j’étais plus jeune et qui fut mon mentor, et Roy Jenkins. Au début, je ne connaissais Roy Jenkins que de loin, mais, lorsque j’ai été élu pour la première fois, il y a trente ans, à l’âge de vingt-trois ans, à la Chambre des Communes, je me suis retrouvé pendant quatre ans dans le même bureau que lui. Je n’aurais pu avoir un mentor politique plus qualifié. C’était vraiment comme d’avoir une Rolls-Royce à disposition.

Si David Russell-Johnston et Roy Jenkins écoutaient ce débat, l’un et l’autre arboreraient un petit sourire narquois en songeant aux querelles institutionnelles que peuvent déclencher les droits de l’homme en Europe. Comme le disait hier un collègue dont je tairai le nom, ce débat, c’est un peu : « que tes tanks ne labourent pas ma pelouse ! » Hier, le Secrétaire Général, M. Jagland, nous disait que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne avaient noué un partenariat très utile, qui a permis à notre Organisation d’obtenir des financements très utiles et vraiment nécessaires, pour soutenir des projets vraiment précieux.

La synergie, c’est bien - c’est ce que préconise le rapport, et l’ADLE y apporte son soutien en félicitant M. McNamara - mais pas les doubles emplois ! Il faut que les actions soient complémentaires et non rivales. Le Gouvernement britannique a déclaré un jour qu’il n’avait aucune preuve de chevauchements malheureux ou de doublons entre le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme. Très bien ! Mais l’histoire nous enseigne que les institutions évoluent et acquièrent ainsi une identité propre. Cela se traduit, pour des institutions politiques, par une extension progressive de leurs pouvoirs. Alors, si nous refusons une neutralité armée, soyons au moins vigilants ! Tel est le sens du débat et du rapport.

Cela dit, il est une chose dont nous ne pouvons que nous réjouir. Puisque je parlais d’identité, celle de l’Union européenne est très forte. L’ Union européenne a reçu le Prix Nobel ! Alors peut-être pourrait-elle franchir un pas supplémentaire que nous appelons tous de nos vœux, en adhérant à la Convention européenne des droits de l’homme.

L’Europe fait partie de notre ADN. Elle ne doit pas être source d’antagonisme. Or j’ai l’impression qu’à Bruxelles, on est un peu en train de rouler des mécaniques et de préparer un conflit. Je pense que Roy Jenkins et David Russell-Johnston, eux, se mettraient d’accord autour d’un bon verre de vin, et nous devrions faire de même.

LE PRÉSIDENT – Avec plaisir, monsieur Kennedy, mais finissons d’abord le débat !

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Les amendements proposés par M. Robert Walter et soutenus par moi-même et par d’autres résument bien les préoccupations de notre groupe en ce qui concerne les activités de l’Union européenne dans le domaine des droits de l’homme. Travailler en coopération avec le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme, c’est une bonne chose, mais je ne vois pas pourquoi l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ne pourrait pas, dans un esprit de coopération, avancer pour atteindre les mêmes objectifs.

Cela dit, le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme doivent demeurer les arbitres des droits de l’homme pour les 47 Etats membres, y compris ceux qui sont membres de l’Union européenne. La commission du suivi du Conseil de l’Europe est chargée de la responsabilité du suivi de l’application des conventions à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne. Ce fait a été reconnu dans le Traité de Lisbonne de 2009. Il n’est donc pas acceptable que l’Union européenne continue à ne pas adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. Elle doit le faire sans délai, comme le précise notre amendement.

Comme je l’ai dit, Monsieur le Président, nous sommes très préoccupés de voir que l’Union européenne se lance dans une guerre prédatrice avec l’intention d’étendre son autorité au-delà de ses frontières. Dans une période d’austérité, il n’y a aucune justification à pareil doublon. L’Union européenne ne devrait pas saper le travail, pertinent, de notre Organisation. Elle devrait au contraire reconnaître la valeur et l’autorité des décisions du Conseil de l’Europe et injecter des ressources supplémentaires pour renforcer les capacités de celui-ci.

Dans son résumé, le rapporteur a parlé de Forum shopping et du risque que comporterait ce doublon, un risque de dévaluation des valeurs des droits de l’homme et de la démocratie, que nous défendons. Il a tout à fait raison. J’espère que l’Assemblée parlementaire adoptera le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et acceptera au moins l’amendement 3, qui vise à renforcer notre orientation.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je joindrai ma voix à celles qui ont félicité le rapporteur pour son rapport très équilibré. Nous pouvons tous applaudir la volonté de l’Union européenne d’améliorer le respect des engagements pris par ses membres en ce qui concerne l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme, mais il est important qu’elle ne réplique pas les structures qui existent d’ores et déjà au sein du Conseil de l’Europe. Cela conduirait au chaos, à l’absence de transparence et à des normes très différentes partout en Europe. Il ne serait pas bon que l’Union européenne se charge de ses vingt-huit membres et que, pour notre part, nous prenions en charge les autres pays. C’est le type d’évolution que nous ne souhaitons pas.

Au lieu de créer de nouveaux mécanismes au sein de l’Union européenne, il vaudrait mieux qu’elle adhère à la Convention européenne des droits de l’homme et tienne les engagements formulés dans le Traité de Lisbonne.

Ce qui n’est pas dit dans le rapport, c’est que si nous voulons rester l’Organisation pour la démocratie et les droits de l’homme, il nous appartient d’améliorer notre propre mécanisme de suivi. Le Secrétaire Général, M. Jagland, l’a évoqué cette semaine dans son discours : nous devons améliorer notre mécanisme de suivi, nous ne resterons la référence qui si nous restons les meilleurs en la matière.

Pour être honnête, il est apparu à plusieurs reprises que notre mécanisme de suivi avait besoin d’être amélioré. La commission de suivi doit mettre en place une commission ad hoc ayant pour mission de formuler des propositions visant à améliorer le suivi du respect de la Convention européenne dans tous nos Etats membres. Cette commission ad hoc sera établie au mois de janvier et tiendra compte des propositions formulées par les délégations nationales et par les autres parties prenantes.

Evitons les doublons, améliorons la synergie et la qualité de la procédure de suivi. Cela rendra possible, non seulement dans les Etats membres de l’Union européenne, mais dans tous les Etats du Conseil de l’Europe, un suivi du respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit.

Mon groupe soutient le rapport et sa résolution, ainsi que les amendements qui, fait intéressant, sont proposés par des Russes et des Britanniques qui se disent attachés à l’Europe et qui veulent sauvegarder le rôle du Conseil de l’Europe.

M. KORODI (Roumanie)* – Il y a quinze jours, la Commission européenne a décidé de rejeter une proposition qui lui avait été soumise par une grande coalition de minorités linguistiques d’Europe. Cette proposition revêtait la forme d’une initiative citoyenne et proposait des améliorations dans différents domaines : la langue, la culture, la politique régionale, l’égalité, la participation, les médias. Cette proposition est soutenue par de nombreuses organisations qui défendent les minorités, dont les Hongrois de Roumanie que je représente. En fait, de nombreux dirigeants régionaux d’Europe et l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, qui chapeaute toutes ces organisations de minorités, soutiennent cette initiative.

Pendant deux ans, des représentants de ces minorités et des experts juridiques ont élaboré cette proposition. L’idée est d’exploiter les traités de l’Union européenne pour proposer différentes améliorations pour les minorités. Malheureusement, la Commission a rejeté cette initiative sans clairement motiver sa décision, en se limitant à indiquer qu’elle dépassait le champ de compétences de l’Union européenne.

Le Conseil de l’Europe a adopté des textes très importants pour les minorités : la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ; la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ; le Protocole 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui interdit toute discrimination des minorités ; la Charte européenne de l’autonomie locale qui précise que les citoyens ont droit de participer à la conduite des affaires publiques et la Convention européenne sur la nationalité qui prescrit d’éviter l’apatridie.

L’Union européenne prétend elle aussi s’occuper de ces questions et soutenir les minorités. Malheureusement, la Commission considère que les traités de l’Union européenne ne lui donnent aucune compétence en ce qui concerne les minorités.

Les traités parlent peut-être de respect des minorités, de leur culture et de leur langue, mais ces paroles restent creuses, en tout cas pour la Commission européenne. La seule exception s’applique aux pays candidats à l’Union européenne. D’après les critères de Copenhague, ces candidats doivent démontrer qu’ils respectent leurs minorités. Mais une fois dans l’Union européenne, les Etats membres peuvent faire ce qu’ils veulent de leurs minorités, la Commission européenne n’étant pas disposée à envisager le sort de ces minorités. C’est un cas flagrant de deux poids deux mesures que nous devons étudier.

À mon sens, le Conseil de l’Europe doit continuer à promouvoir ses principes et ses recommandations relatifs aux minorités nationales dans ses relations avec l’Union européenne. Il devrait aussi faciliter le dialogue, partager les meilleures pratiques et les meilleures décisions au sein des institutions paneuropéennes et de ses Etats membres.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Toutes les contributions ont été consensuelles, sur la base d’un rapport modéré et qui a été présenté de façon réaliste par M. McNamara. Son message est clair : il existe des risques de chevauchement.

Nous savons qu’aucune institution n’est statique. Une dynamique peut s’engager et nous devons rester vigilants. J’imagine que la tentation pour nous, à l’Assemblée, est de dire à l’Union européenne : « sortez de notre terrain ! ».

Le fait que l’Agence des droits fondamentaux, créée en 2007, soit basée à Vienne et non à Strasbourg est révélateur de ces dangers. Si elle avait été installée à Strasbourg, la relation entre les deux organes aurait été facilitée.

Cela dit, nous devons être sensibles au fait que cette Agence a un rôle spécifique à jouer en matière de droits de l’homme. Elle fournit de l’aide et des conseils aux institutions de l’Union européenne et à ses Etats membres. Elle analyse et diffuse des données, publie des rapports, organise des séminaires. Mais, et c’est le plus important, elle ne peut pas examiner des plaintes concernant des violations des droits de l’homme en dehors de l’Union européenne.

Bien entendu, le danger, c’est le nouveau mécanisme de suivi proposé. Le Secrétaire Général l’a bien dit, il remet en cause tout le système paneuropéen. S’il se développait, il pourrait être la source de difficultés, d’un chevauchement, d’un double emploi. Il faut donc que le Conseil de l’Europe s’affirme davantage, montre mieux la qualité de son travail et de ses politiques. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe devrait entrer en contact avec son homologue de l’Union européenne.

D’ailleurs, en juin, le représentant de l’Union européenne est entré en contact avec le Haut-Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, et la coopération s’est poursuivie lorsque le représentant spécial de l’Union européenne en Égypte a demandé l’aide de la Commission de Venise. Eux ont l’argent, nous, nous avons l’expertise, respectons les frontières et travaillons ensemble.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Chers collègues : l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sont-elles la même organisation ? Bien sûr que non ! L’Union européenne a une tâche plus vaste sur le plan économique. La démocratie, l’Etat de droit, sont des questions sur lesquelles nous portons toute notre attention. Autre question : existe-t-il ou non des doublons en matière de démocratie ?

Je prendrai l’exemple de l’Ukraine pour illustrer mon propos. Dans les pays de l’Union européenne, on ne peut imaginer que des anciens premiers ministres soient jetés en prison en raison de leurs contrats internationaux économiques signés dans le strict respect de la loi. Pouvez-vous imaginer dans un pays de l’Union européenne que l’on jette un homme politique en prison lorsque l’opposition remporte des élections et parce qu’une majorité à la commission électorale centrale est contrôlée par le Président ? Pouvez-vous imaginer que dans l’un de vos pays, aucune élection ne soit possible parce que le Président en exercice aurait peur de ne pas gagner, comme ce fut le cas à Kiev, en Ukraine ?

Des pays sont membres de l’Union européenne, des pays sont membres du Conseil de l'Europe. Mais le problème n’est pas celui des duplications ou des doublons, le problème c’est qu’il faut codifier nos décisions et les mettre en œuvre ensemble, Conseil de l'Europe et Union européenne.

D’excellents corapporteurs de la commission de suivi travaillent sur l’Ukraine et réalisent un travail efficace. Serait-il critiquable que l’Union européenne aide à réaliser ce travail, dans une autre perspective ? Selon moi, il n’est pas utile de lancer une controverse ou de présenter un rapport montrant qu’il existe des positions différentes entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne. Pensez-vous qu’un tel rapport faciliterait nos négociations avec l’Union européenne ? Non. Dans ce rapport ou dans d’autres et par nos actions, il faut que nous apprenions à mettre en œuvre nos décisions avec l’Union européenne et avec son aide. Il faut que nous apportions une réponse commune aux questions de démocratie, de l’Etat de droit ainsi qu’une réponse à l’ensemble des sujets dont traite le Conseil de l'Europe.

M. DİŞLİ (Turquie)* – J’unirai ma voix à celles qui ont félicité le rapporteur pour la qualité de son travail.

M. Jagland, le Secrétaire Général de notre Organisation, l’a déclaré hier dans cet hémicycle : le Conseil de l'Europe est à un tournant de son histoire. Si l’Union européenne met en place son propre mécanisme des droits de l’homme, au lieu de tirer profit de l’expertise, du savoir-faire et des instruments du Conseil de l'Europe, nous assisterons à un chevauchement et à une répétition manifeste des efforts, mettant à mal le système paneuropéen fondé sur la Convention européenne des droits de l’homme.

Depuis 65 ans, l’Europe s’est dotée d’un mécanisme unique de protection et de promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit. La spécificité du modèle européen réside dans les normes contraignantes des institutions pour les faire respecter à l’échelle de notre continent.

Le système de la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Cour est un élément central, est placé au cœur de cet héritage que nous partageons tous.

Depuis des années, notre Organisation a créé des normes communes pour le respect de la protection des droits de l’homme. Il convient de rester cohérent. Bien entendu, des lacunes subsistent ; nous espérons qu’elles seront en partie comblées par l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Cette adhésion serait un grand pas en avant vers la consolidation des structures politiques, juridiques et sociales de l’Europe, tout en mettant l’accent sur la protection des droits de l’homme. Cela éviterait des contradictions en matière des droits de l’homme et renforcerait le partenariat entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne, fondé sur l’acquis de tous.

L’excellent partenariat entre les deux institutions peut être encore approfondi en se fondant sur le respect de l’intégrité des autres organisations et en évitant la mise en place de mécanismes parallèles. Créer des synergies entre les deux institutions dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit autorisera une plus grande efficacité et se révélera bénéfique pour tous les Européens. Je suis ravi que M. McNamara préconise d’aller dans ce sens. Je suis entièrement d’accord avec lui.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Mes chers collègues, je commencerai par vous lire l’article 2 du Traité de l’Union européenne : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect et de la dignité humaine, de liberté et de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Cet article devrait s’appliquer à tous, que l’on soit ressortissant d’un Etat membre ou d’un Etat non membre de l’Union européenne, car les droits de l’homme, la dignité humaine, le respect de l’Etat de droit ne doivent pas avoir de frontières et s’appliquer différemment selon qu’il s’agit d’un Etat membre ou non membre de l’Union européenne.

C’est pourquoi il est de notre devoir, aussi bien à nous qu’aux membres de l’Union européenne de travailler ensemble pour disposer des meilleurs moyens de défendre les droits de l’homme dans tous les pays, car les 800 millions d’habitants des pays membres du Conseil de l'Europe ont droit au même traitement.

Cette semaine, nous avons débattu des différentes approches que nous pratiquons selon que les pays sont sous procédures de suivi ou qu’ils ne le sont pas. On constate que l’on pratique le principe du « deux poids, deux mesures ». Il convient par conséquent d’éviter de créer de nouvelles distinctions entre ceux qui sont membres de l’Union européenne et les autres qui ne le sont pas. Il est donc de notre devoir de trouver des mécanismes où nous serions complémentaires. Je dois dire que nous devons faire notre introspection, ce que nous avons commencé de faire pour les améliorer, car nous savons que depuis l’adhésion de nouveaux pays membres, nos mécanismes doivent être revus et adaptés. C’est la raison pour laquelle il faut se féliciter que notre Assemblée réfléchisse à améliorer ses mécanismes.

Mais avant d’avoir de nouvelles méthodes, il ne faut pas abolir les anciennes, car si nous savons ce que nous avons, nous ne savons pas ce que nous allons avoir. Il faudra conserver les mécanismes actuels et essayer de trouver des mécanismes communs avec l’Union européenne. M. McNamara s’est référé au rapporteur de la commission compétente en la matière du Parlement, M. Louis Michel. Je suggère que notre rapporteur prenne contact avec lui pour trouver le moyen de renforcer ces mécanismes au bénéfice de tous les citoyens.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni)* – Je félicite chaleureusement M. McNamara pour son rapport et pour la façon très claire dont il a évoqué le risque de double emploi et de complexités inutiles si l’Union européenne s’aventurait trop loin dans le domaine des droits de l’homme. Il a évoqué le risque de « deux poids, deux mesures », d’une complexité croissante et de doublons.

Plus les choses sont complexes et moins il est aisé pour les citoyens ordinaires d’accéder à ce système. À la lecture du rapport de M. McNamara, je crains que ce ne soit là un nouveau paradis pour les juristes qui n’aiment rien tant que de nouvelles structures au sein de l’Union européenne.

Je respecte l’Union européenne, mais je ne suis pas entièrement d’accord avec le propos de Mme Brasseur.

L’Union européenne exprime peut-être des intentions louables dans l’article 2 du Traité, mais elle ne peut prendre la place de notre Assemblée, elle ne peut être le garant indépendant des droits de l’homme dans l’Europe tout entière. Elle n’est ni indépendante ni impartiale : elle porte un projet politique, celui de l’intégration entre les Etats membres ; elle a ses marchés, sa devise, ses lois, sa politique, sa politique de développement et – on vient de le rappeler – sa personnalité juridique propre. L’Union européenne ne peut pas parler pour toute l’Europe. Qu’en est-il des membres – très importants – de notre Assemblée qui ne sont pas membres de l’Union ? Certains d’entre eux peuvent souhaiter y entrer, mais ce n’est pas le cas de tous ! En outre, des membres de l’Union pourraient vouloir la quitter. Devraient-ils alors se soumettre aux décisions d’un organisme dans lequel ils n’ont pas voix au chapitre ou être relégués à ses marges ? Nous devons absolument éviter de créer de nouvelles divisions en Europe. N’oublions pas les leçons du siècle dernier : notre Assemblée a été fondée pour combler les divisions, non pour en créer de nouvelles.

Il se peut que l’Union européenne ait planté son drapeau dans le champ des droits de l’homme sans avoir l’intention d’aller plus loin. Ce serait une première, car, dans tous les autres domaines, elle a toujours voulu étendre son influence. Je respecte l’Union européenne ; elle a un rôle à jouer ; nous avons le nôtre. Elle est plus puissante que nous, elle a d’importantes ressources financières à sa disposition mais, je le répète, elle n’est ni indépendante ni impartiale. Comme l’ont dit nombre de nos collègues, nous devons donc veiller à ce qu’elle n’empiète pas sur notre compétence, qui est unique.

M. Mignon, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

Mme OROBETS (Ukraine)* – Je me réjouis que nous abordions cette importante question : la protection efficace des droits de l’homme. En montant dans un avion ou en y faisant monter vos enfants, vous espérez que la sécurité y est maximale ; il en va de même en matière de protection des droits de l’homme.

Nous venons d’Etats très différents et, comme l’a dit M. Sobolev, nous pouvons avoir des critères d’appréciation différents. Avant de m’exprimer, j’ai consulté des experts des droits de l’homme en Europe de l’Est qui m’ont expliqué pourquoi le système de protection des droits de l’homme n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être. D’abord, ceux qui constituent en quelque sorte notre système immunitaire – militants des droits de l’homme, journalistes, membres de l’opposition politique – font l’objet de discriminations. Ensuite, on limite la liberté d’association, de réunion, le droit d’élire et d’être élu, l’accès à des tribunaux équitables et fiables. Or sans droits de l’homme, pas d’économie : celle-ci ne dépend pas seulement de l’argent investi ou des sources de financement, mais de l’existence d’une société où les droits de l’homme rendent les citoyens plus efficaces et leur donnent envie de mieux travailler.

Enfin, les structures internationales ne protègent pas efficacement les droits de l’homme. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ne parvient pas à faire appliquer ses décisions sur le Bélarus, la Cour européenne des droits de l’homme adopte des arrêts pilotes sur l’Ukraine qu’elle ne parvient pas non plus à faire exécuter. Il ne suffit pas de créer une commission supplémentaire, il faut s’attaquer au problème et avoir assez de volonté politique pour faire appliquer les décisions prises. Je ne comprends pas que certains aient voulu empêcher notre commission de suivi d’aller le dire devant le Comité des Ministres.

M. GOZI (Italie)* – Le rapporteur a mis le doigt sur l’essentiel. Le rapport va dans le bon sens. Il faut éviter les doublons – mais l’Assemblée s’y efforce depuis plusieurs années – tout en encourageant le développement d’une politique des droits de l’homme au sein de l’Union européenne. Celle-ci agit peu face aux violations des droits de l’homme, à moins d’employer l’ « arme nucléaire » : la suspension du droit de vote au Conseil européen. Entre ces deux extrêmes, il n’y a rien. Au Conseil de l’Europe, nous pouvons avoir une autre approche.

Il convient donc de développer des synergies plus puissantes, notamment en nous fondant sur ce qui a été fait à Lisbonne et en passant par le suivi interne, par une nouvelle division des tâches et par un travail de vérification du respect des droits fondamentaux et de la démocratie, non seulement dans l’Union européenne, mais dans le cadre du processus d’adhésion des pays candidats. Au service d’une nouvelle politique de contrôle méthodique du respect des droits de l’homme dans ces pays, le Conseil de l’Europe pourrait faire beaucoup plus, en comptant notamment sur le soutien financier de l’Union européenne. Les bonnes pratiques existantes, notamment dans le cadre de l’élargissement, nous orientent dans la direction que souhaite à juste titre le rapporteur.

Nos concitoyens, qui ont du mal à distinguer nos différentes institutions, doivent comprendre ce que nous avons d’unique. Les Européens attendent autre chose de l’Europe que des algorithmes financiers et de l’austérité ! Voilà pourquoi il est essentiel de développer les relations et les synergies entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. La Cour de justice de l’Union européenne va se prononcer sur l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe pourrait également en dire plus qu’il ne l’a fait au cours de la précédente période sur la série d’actions que l’Union européenne devra développer dans le cadre du programme de Stockholm pour les années 2014 à 2020. Ces synergies sont non seulement possibles, mais nécessaires. Nous comptons faire des relations entre nos institutions une priorité de la présidence italienne.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission. Il vous reste huit minutes, Monsieur le rapporteur.

M. McNAMARA (Irlande), rapporteur* – J’aimerais remercier mes collègues pour leurs paroles d’encouragement.

M. Agramunt a évoqué l’importance des procédures de suivi qui existent ici et à l’Union européenne. Ce n’est pas un hasard, il est aussi rapporteur sur un sujet proche. Ce rapport ne cesse de souligner l’importance des procédures de suivi et la nécessité de ne pas saper les procédures existantes ni de créer des doublons.

M. Sobolev a illustré très clairement le danger de ne pas parler d’une seule voix, notamment dans le contexte de l’Ukraine, et a souligné l’absolue nécessité pour les institutions européennes de s’exprimer d’une seule voix.

Cependant, je pense qu’il est significatif que pas un seul orateur ne soit opposé à la proposition selon laquelle un degré élevé de protection des droits de l’homme à l’échelle régionale est toujours quelque chose de positif. Dans la mesure où cela correspond à la proposition de l’Union européenne, il faut s’en féliciter.

J’ai toutefois retenu des interventions de mes collègues les mots de « vigilance » et de « synergie ».

Nous nous félicitons de l’initiative de l’Union européenne s’il s’agit de renforcer la protection des droits de l’homme dans l’espace de l’Union européenne, mais nous devons rester vigilants car ce qui est proposé va au-delà. La proposition de résolution traduit en fait cette nécessité de vigilance qui avait déjà été exprimée dans les précédentes résolutions de notre Assemblée auxquelles j’ai fait référence.

Les synergies sont essentielles. Une synergie entre deux ou plusieurs acteurs exige leur bonne volonté. De ce point de vue, soyons prudents aussi et ne jetons pas d’huile sur le feu. Veillons simplement à ce que personne n’empiète sur notre rôle et à ce que l’argent des contribuables ne soit pas dépensé en vain.

À propos de synergie, je tiens à remercier les divers groupes politiques ainsi que les délégations nationales, car la commission a vraiment bénéficié d’une synergie lors de la préparation du rapport et de ses amendements. L’amendement 3 a d’ailleurs été adopté à l’unanimité en commission. Il a été évoqué par Sir Roger Gale. Deux amendements oraux ont également été approuvés. Je n’aurai garde d’oublier de remercier le secrétariat, qui a été d’une aide précieuse pour rédiger ce rapport si rapidement. J’espère que ce dernier recevra l’appui de l’Assemblée.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je félicite le Groupe démocrate européen qui a ouvert cette discussion grâce à la procédure d’urgence. Les cinq leaders des groupes politiques ont participé à ce débat ou vont y participer – M. Walter ne s’est pas encore exprimé, mais étant l’auteur d’amendements, il interviendra aussi –, et tous les groupes se sont exprimés d’une seule voix pour souligner la nécessité pour notre Assemblée de prendre le contrôle de ce qui relève de ses propres responsabilités sans céder à l’influence de l’Union européenne ou sans créer de doublons.

Souvent, l’Union européenne semble vouloir s’approprier sans prévenir des domaines dont nous traitons. L’Union européenne et un certain nombre de membres du Parlement européen prévoient d’étendre les compétences de l’Agence des droits fondamentaux, ce qui revient à étendre la portée des traités européens. Je crois que, sur tout cela, il faut être très clair et reprendre les mots, fort sages, prononcés ici au début de la semaine par M. Jagland.

Comme l’a dit M. Kox, nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers. Nous devons demeurer présents dans le débat, et veiller au respect de nos procédures pour rester utiles.

M. Kennedy a mentionné Roy Jenkins et M. Agramunt a évoqué l’Union de l’Europe occidentale. M. Jenkins disait que, lorsqu’il avait été désigné membre de l’UEO, le per diem qu’il percevait alors lui permettait à peine de séjourner dans une chambre de bonne de l’hôtel Georges V. L’austérité semblait avoir frappé chez les parlementaires. Je pense qu’aujourd’hui, Roy Jenkins se montrerait encore plus préoccupé !

LE PRÉSIDENT – Monsieur le président Chope, je me joins à vous pour remercier le Groupe démocrate européen ainsi que les quatre présidents des autres groupes politiques qui, spontanément, ont apporté leur soutien à sa proposition. Le Président de l’Assemblée parlementaire s’est immédiatement rangé à cette proposition.

Sachez également qu’à Paris, il y a de très bons hôtels en dehors du Georges V !

La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel quatre amendements ont été déposés.

Le président de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement, l’amendement 3 ayant été adopté à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien cela, Monsieur le président ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – En effet.

LE PRÉSIDENT – Je rappelle à l’Assemblée que l’amendement 3 a pour effet de transformer le projet de résolution en un projet de recommandation. En conséquence, s’il était adopté, en application de l’article 33-11, l’Assemblée aurait à se prononcer, à l’issue de l’examen des amendements, non plus sur un projet de résolution mais sur un projet de recommandation, dont l’adoption dans son ensemble nécessite un vote à la majorité des deux tiers et non un vote à la majorité simple.

Cet amendement, déposé par M. Walter, Sir Roger Gale, MM. Correia, Donaldson, Neill, Mme Woldseth, MM. Sasi, Agramunt, Sheridan, Baroness Diana Eccles, Sir Edward Leigh, M. Pushkov, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 9, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée invite le Comité des Ministres à rendre compte à l’Assemblée, de manière urgente, de ce qu’il fait pour renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe, comme énoncé dans le mémorandum d'accord de mai 2007 entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. »

En l’absence d’objection, cet amendement est déclaré adopté définitivement.

LE PRÉSIDENT – En conséquence de cette adoption, le projet de résolution est devenu un projet de recommandation.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

La présidence a été saisie par la commission de l’amendement oral dont je vous donne lecture :  « Dans le paragraphe 3, première phrase du projet de recommandation, remplacer le mot « compromis » par le mot « sapés ». »

En d’autres termes, si cet amendement était adopté, la première phrase du paragraphe 3 se lirait ainsi : « 3. Les normes communes à l’ensemble de l’Europe et le niveau de protection établi par les instruments juridiques du Conseil de l’Europe ne doivent pas être sapés par les Etats membres du Conseil de l’Europe ou par l’Union européenne. »

Est-ce bien cela, Monsieur McNamara ?

M. McNAMARA (Irlande), rapporteur* – En fait, il s’agit d’ajouter les mots « ou sapés », ce qui donnerait « ne doivent pas être compromis ou sapés par Etats membres »

LE PRÉSIDENT – D’après le texte de l’amendement qui m’a été remis, il vient en remplacement et non en ajout.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Monsieur le Président, le mot « compromis » est déjà dans le texte. Nous souhaitons ajouter les mots « ou sapés ». Tel était bien l’amendement adopté en commission.

LE PRÉSIDENT – Il s’agit donc de conserver le mot « compromis » et d’ajouter les mots « ou sapés ».

Je considère cet amendement oral comme recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

M. McNAMARA (Irlande), rapporteur* – Cet amendement oral renvoie à ce qui a été décidé avec l’accord de la commission.

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L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 1, déposé par M. Walter, Sir Roger Gale, MM. Correia, Donaldson, Neill, Mme Woldseth, MM. Sasi, Agramunt, Baroness Diana Eccles, Sir Edward Leigh, M. Pushkov, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 9, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée s’inquiète que l’Union européenne tarde à reconnaître l’autorité de la Convention européenne des droits de l’homme, conformément au Traité de Lisbonne de 2009, et lui demande d’adhérer à la Convention sans condition et sans délai, de façon à ce qu’il ne subsiste aucun doute que l’Union européenne accepte la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Europe et la suprématie de la Cour européenne des droits de l’homme. »

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Je tiens à remercier les présidents des groupes politiques pour leur soutien. L’Union européenne n’a pas respecté son obligation d’adhérer à la Convention contractée en 2009 dans le cadre du Traité de Lisbonne. Cet amendement l’appelle à le faire sans délai.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Il me semble que l’expression « sans délai » n’est pas réaliste car il reste de nombreux obstacles juridiques et techniques à surmonter. Il vaudrait mieux dire : « le plus vite possible ».

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

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L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – J’ai cru comprendre que l’amendement 2 était retiré du fait de l’adoption de l’amendement oral. Est-ce bien le cas, Monsieur Walter ?

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Non, je le maintiens.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 2, déposé par M. Walter, Sir Roger Gale, MM. Correia, Donaldson, Neill, Mme Woldseth, MM. Agramunt, Sheridan, Baroness Diana Eccles, Sir Edward Leigh, M. Pushkov, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 9, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée condamne toute proposition de l’Union européenne et/ou du Parlement européen d’amoindrir ou de contester la position suprême de la Convention européenne des droits de l’homme en tant qu’instrument juridique européen définitif portant sur les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit dans les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. »

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Nous devons condamner clairement toute proposition de l’Union européenne et du Parlement européen de contester la position de suprématie de la Convention européenne des droits de l’homme et du Conseil de l’Europe.

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

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L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 4, déposé par M. Walter, Sir Roger Gale, MM. Correia, Donaldson, Neill, Mme Woldseth, MM. Sasi, Agramunt, Sheridan, Baroness Diana Eccles, Sir Edward Leigh, M. Pushkov, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 9, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée invite le Comité des Ministres à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Convention européenne des droits de l’homme reste l’instrument juridique suprême et définitif de l’Europe, portant sur les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris les pays qui sont également membres de l’Union européenne ».

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Cet amendement rappelle que c’est le Comité des Ministres qui doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Convention européenne des droits de l’homme reste l’instrument juridique suprême et définitif de l’Europe. Il respecte donc l’esprit du Secrétaire Général dans son discours prononcé hier.

LE PRÉSIDENT – La présidence a été saisie par la commission du sous-amendement oral suivant :

Dans l’amendement 4, remplacer les mots « reste l’instrument juridique suprême et définitif » par les mots « ne voit pas son rôle minoré en tant qu’instrument juridique ».

En d’autres termes, ainsi sous-amendé, l’amendement 4 se lirait de la manière suivante :

« L’Assemblée invite le Comité des Ministres à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Convention européenne des droits de l’homme ne voit pas son rôle minoré en tant qu’instrument juridique de l’Europe, portant sur les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris les pays qui sont également membres de l’Union européenne. »

Je considère ce sous-amendement comme recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

M. McNAMARA (Irlande), rapporteur* – Ce sous-amendement oral a été approuvé par M. Neill, qui a rédigé l’amendement 4. Il permet d’atteindre l’objectif visé.

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Nous acceptons ce sous-amendement oral.

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Le sous-amendement oral est adopté.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Je suis contre l’amendement 4 sous-amendé. Avant-hier, nous avons discuté du rapport de M. Herkel et les mêmes personnes qui craignaient alors de donner trop de pouvoir au Comité des Ministres proposent aujourd’hui de lui ouvrir grand la porte. Quelle est la logique ?

M. CHOPE (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable.

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L’amendement 4, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc.13321, tel qu’il a été amendé. Je rappelle que la majorité des deux tiers est requise.

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Le projet de recommandation, amendé, est adopté à l’unanimité des 57 votants.

LE PRÉSIDENT – J’adresse mes félicitations au secrétariat de la commission pour le travail rapide qu’il a effectué, ainsi, bien sûr, qu’au rapporteur et au président de la commission.

Lord ANDERSON (Royaume Uni)* – Peut-on envisager qu’une copie de la recommandation que nous venons d’adopter soit transmise à tous les membres des commissions compétentes du Parlement européen, afin qu’ils soient informés du point de vue adopté par notre Assemblée ?

LE PRÉSIDENT – C’est une excellente idée. Une telle initiative serait d’ailleurs conforme à toutes les discussions que j’ai pu avoir, à titre personnel, avec mes interlocuteurs au Parlement européen. Je n’y vois donc que des avantages.

4. La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant la présentation et la discussion du rapport de M. Boden, au nom de la commission des questions sociales, sur « La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous » (Doc. 13302).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le Rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. BODEN (Luxembourg), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – L’alimentation est le besoin le plus fondamental de l’homme. Elle est essentielle à la vie et au développement. Le droit à l’alimentation est donc la base de tous les droits. Il est réalisé lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de vivre une vie saine et active.

Les pouvoirs publics et les gouvernements jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre du droit à l’alimentation. C’est à eux qu’il incombe de faciliter l’accès illimité de leur population à l’alimentation et de la protéger contre les violations de ce droit. Ils ont, par ailleurs, l’obligation d’aider les personnes dans le besoin qui ne peuvent se procurer de la nourriture par elles-mêmes. Bien que le droit à l’alimentation soit aujourd’hui bien ancré dans les normes internationales relatives aux droits de l’homme et qu’il soit reconnu à l’échelle internationale, régionale et nationale, les Etats sont encore nombreux à refuser de reconnaître son caractère exécutoire. Je fais donc un appel à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe afin qu’ils reconnaissent dans leur législation le caractère exécutoire de ce droit de l’homme fondamental et qu’ils respectent pleinement l’obligation qui leur incombe en application du droit international de le protéger comme il se doit.

L’assurance de la sécurité alimentaire et d’une production durable de la nourriture devrait figurer parmi les premières priorités de tous les pouvoirs publics. Or force est de constater que la sécurité alimentaire, tant du point de vue quantitatif que qualitatif, est loin d’être acquise et qu’elle constitue l’un des plus grands défis du XXIe siècle.

Notre planète, dont les ressources naturelles sont abondantes, pourrait fournir assez de nourriture pour ses 7 milliards d’habitants. Pourtant, près d’un milliard de personnes souffrent de faim et de malnutrition, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Dans le monde, une personne meurt de faim chaque seconde, et un enfant toutes les cinq secondes, des conséquences de la malnutrition. En raison de la crise économique, l’insécurité alimentaire affecte de plus en plus de personnes démunies, même en Europe. Paradoxalement, en même temps, environ 2 milliards d’hommes et de femmes sont en surpoids ou souffrent d’obésité. Ils mangent trop et mettent ainsi leur santé en péril. Il est capital de surmonter les déséquilibres existants pour offrir une alimentation suffisante et adéquate ainsi que des conditions de vie décentes à l’ensemble des êtres humains.

Nous sommes face à un autre paradoxe: alors qu’il faut produire davantage de nourriture pour lutter contre la faim, on en gaspille aussi de plus en plus. Entre 30 et 50 % de la nourriture produite dans le monde sont perdus. Ce gaspillage alimentaire se produit à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Dans les régions développées, quelque 300 millions de tonnes d’aliments encore propres à la consommation humaine sont jetés annuellement. Si cette nourriture pouvait être récupérée, elle suffirait à garantir une meilleure alimentation à près de 870 millions de personnes pauvres et affamées dans le monde.

De plus, le gaspillage alimentaire, outre qu’il nuit à notre environnement, coûte des millions aux consommateurs, qui doivent payer des prix plus élevés. Dans un contexte mondial de menaces grandissantes pour la sécurité alimentaire, il donc est urgent d’enrayer ce phénomène. L’Union européenne s’est fixé comme objectif de réduire de moitié d’ici 2020 le gaspillage alimentaire, un objectif que j’invite tous les Etats membres à soutenir.

Dans mon rapport, je mets en lumière les principales menaces pour la sécurité alimentaire que sont le boom démographique – la population mondiale passera la barre de 9 milliards en 2050 –, les modes de consommation en pleine évolution, les inégalités sociales croissantes, la pression massive sur les ressources naturelles et la biodiversité, le changement climatique, les nouveaux risques et les fraudes alimentaires, ainsi que les asymétries dans le système du commerce mondial et dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire.

C’est l’homme qui est en grande partie responsable des crises alimentaires auxquelles nous sommes sans cesse confrontés. C’est surtout une question de gouvernance à laquelle il faut s’attaquer résolument. Le problème nous concerne tous ; les déséquilibres et les problèmes de gouvernance existants ne pourront être résolus que si la volonté politique et l’engagement des citoyens sont suffisants. Les risques pour la sécurité alimentaire doivent être évités, mais aussi anticipés. Comme les pays sont toujours plus interdépendants, les relations internationales jouent un rôle clé pour atténuer les tendances négatives et mieux exploiter les nouvelles possibilités d’amélioration de la sécurité alimentaire pour les générations actuelles et futures.

Il faudra utiliser les ressources naturelles de façon plus responsable, adapter nos orientations stratégiques de développement et poursuivre des politiques transversales cohérentes qui permettront de faire reculer la pauvreté, de développer les zones rurales et de gérer intelligemment les chaînes d’approvisionnement. Nos objectifs clés pour l’avenir devront être le développement d’une agriculture durable et la mise en œuvre de mesures de lutte efficaces contre la faim et la pauvreté, contre le changement climatique et contre une consommation alimentaire irresponsable.

L’agriculture joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’insécurité alimentaire, la faim et la pauvreté. Elle doit être orientée vers des méthodes de production plus durables sur le plan environnemental et plus justes sur le plan social.

Il faut produire mieux et plus avec moins d’eau, d’énergie, d’intrants et de terres arables, si l’on veut nourrir une population croissante, tout en préservant les écosystèmes naturels indispensables à notre vie sur terre.

Nous devons soutenir les efforts des institutions internationales (Onu, OMC et OCDE) pour protéger les denrées alimentaires contre la spéculation financière, contenir la volatilité des prix des aliments de base et encourager la constitution de réserves alimentaires.

Il s'agira de faire progresser les négociations de l'OMC sur le cycle de Doha et, concernant le chapitre sur l'agriculture, de prévoir des clauses de sauvegarde pour les produits essentiels afin de protéger l'agriculture de subsistance et de favoriser le développement durable des populations locales dans les pays en développement.

Une lutte efficace contre la faim et la pauvreté exige aussi un redoublement d'efforts pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement à l'horizon 2015 et au-delà.

La lutte contre le changement climatique, qui constitue une réelle menace pour la sécurité alimentaire, exige dans les meilleurs délais une solution globale dans le cadre des négociations internationales. Adopter un accord mondial contraignant d'ici 2015 par toutes les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est un objectif que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient fermement soutenir.

Pour assurer une consommation alimentaire plus responsable, il faudra réduire sensiblement le gaspillage alimentaire et promouvoir l'acquisition de saines habitudes alimentaires, manger moins de viande et des aliments de meilleure qualité nutritionnelle, afin de résorber le problème de plus en plus alarmant de surpoids et d'obésité. En Europe, plus de la moitié de la population adulte est concernée par ce problème et le nombre d'enfants et de jeunes souffrant d'une surcharge pondérale ne cesse de croître. La croissance rapide de la consommation de viande a, par ailleurs, une répercussion directe sur l'offre alimentaire. Selon la FAO, près de la moitié de la production céréalière sert actuellement à l'alimentation animale. La réaffectation d'une partie de ces céréales à la consommation humaine directe pourrait aider à faire reculer l'insécurité alimentaire.

Il faudra également faire preuve de plus de solidarité avec les pays les plus pauvres et les groupes de population vulnérables et honorer les engagements pris en matière d'aide au développement. Il faudra par ailleurs investir davantage dans la qualité et la sécurité sanitaires des aliments où le principe général de précaution doit prévaloir afin de préserver la santé publique. A cet effet, on devra intensifier les contrôles alimentaires, renforcer les exigences d'étiquetage et accroître la recherche sur les nouveaux risques alimentaires liés aux OGM, aux perturbateurs endocriniens, aux nanotechnologies et aux résidus chimiques présents dans les aliments.

Telles sont les mesures principales que je recommande dans mon rapport aux Etats membres afin d'améliorer la sécurité alimentaire. Ces mesures sont précisées dans le projet de résolution que je vous demande de soutenir.

LE PRÉSIDENT – Il vous restera un peu plus de trois minutes, Monsieur le rapporteur, pour répondre aux orateurs.

Nous en venons à la discussion générale.

M. RECORDON (Suisse) porte-parole du Groupe socialiste – Chers collègues, il me plaît, même si ma corpulence crée un conflit d’intérêts, si l’on peut dire, avec les conclusions du rapport, de vous appeler à le soutenir intégralement, amendements et sous-amendements compris. Je me félicite de la qualité de ce projet de résolution et de ce rapport dont l’idée a été lancée par la collègue à laquelle j’ai succédé, Mme Francine John, et qui a été reprise avec brio par M. Boden. J’aborderai quatre points principaux.

Le premier, la lutte contre le gaspillage alimentaire. C’est un élément essentiel dans nos sociétés qu’il est facile de gagner. Cela permettrait de diminuer certains effets de la grande pauvreté dans nos régions. M. Boden a eu bien raison de mettre ce point en premier.

Le deuxième point est la nécessité du développement de l’écologie agricole. Dans mon pays, des efforts considérables pour une économie circulaire de l’agriculture sont réalisés. C’est fondamental. Ça l’est aussi pour les pays à ressources halieutiques qui sont sursollicitées depuis longtemps, rarement au bénéfice des populations riveraines d’ailleurs, mais plutôt au profit de grands groupes qui imposent des accords léonins.

Le troisième point concerne les accapareurs, terme employé par les paysans sénégalais. Je me suis rendu compte sur place voir ce que cela représentait. C’est un phénomène très largement répandu en Afrique et probablement au-delà, qui prive les paysans de leur outil de travail et donc leur interdit de fournir les subsistances nécessaires à la population proche.

Le quatrième point, c’est le frelatage. C’est à l’origine de scandales qui nous font frémir, avec de nombreux risques latents. Le rapporteur a eu raison de souligner que les OGM constituaient un danger si l’on n’y avait pas recours avec mesure. Une recherche approfondie sans sectarisme est nécessaire dans ce domaine, pour que le marché ne soit pas livré aux grands groupes alimentaires.

Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir ; il reste du travail pour notre Assemblée, sous l’angle non seulement de la sécurité alimentaire, mais aussi de la souveraineté alimentaire, car c’est la clé d’une agriculture propre de proximité.

LE PRÉSIDENT – Mme Guţu, porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, n’est pas présente dans l’hémicycle.

EARL OF DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je félicite très chaleureusement M. Boden pour son excellent rapport. Il a indiqué qu’un milliard de personnes mouraient de faim alors que l’on a les ressources naturelles nécessaires. Au Royaume-Uni et en Ecosse on voit ce qu’il en est des personnes souffrant d’obésité à la suite d’une certaine alimentation. Après la seconde guerre mondiale et la période des rationnements, nous avons peut-être fait de mauvais choix.

En temps de paix, dans tous nos pays, nous devrions être sains non pas par l’imposition de certaines règles mais par des choix plus judicieux. Nous devons lancer des campagnes pour promouvoir une alimentation plus saine, pour combattre les problèmes de santé liés à l’abus des graisses et du sel par exemple.

Nous avons besoin d’une agriculture durable pouvant s’adapter au changement climatique. Nous devons utiliser des agrocarburants provenant des biomasses. Il faut veiller à l’étiquetage pour préserver les consommateurs de certains produits.

La priorité, c’est de mettre un terme à la pauvreté extrême par le biais du développement. L’OMS souhaite vivement améliorer la mise en œuvre des programmes d’alimentation qui aillent de pair avec les campagnes sur les vaccinations et l’hygiène.

En tant que président de la sous-commission pour la santé publique, je suis heureux que nous ayons pu créer un partenariat de travail entre l’OMS et le Conseil de l’Europe. Cependant je ne suis pas d’accord avec M. Boden, nous avons déjà beaucoup de réglementations et je ne crois pas qu’il faille en ajouter d’autres.

Pour ce qui est de la sécurité alimentaire mondiale, ce rapport est très complet car il étudie les questions importantes. Il nous invite à faire davantage preuve de bon sens et à mettre en œuvre des politiques raisonnables.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La première phrase de l’exposé des motifs du rapporteur, que je tiens à remercier et à féliciter, est très brève : « L’alimentation est un besoin fondamental de l’homme. » C’est bel et bien vrai. Sans accès à l’alimentation, nous ne pouvons pas vivre, et, si nous ne pouvons acheter notre nourriture, nous sommes privés des droits de l’homme.

La question de la sécurité alimentaire est intimement liée à celle de la distribution des richesses. Notre planète peut parfaitement nourrir ses sept milliards d’habitants. Pourtant, un milliard d’entre eux – mille millions de personnes ! – souffrent de la faim ou de la malnutrition.

Le rapport de M. Boden souligne différents aspects de la sécurité alimentaire et différentes menaces qui pèsent sur elles, notamment le changement climatique et le gaspillage. On estime ce dernier à quelque 50 % dans le monde développé et 30 % dans le monde en développement. Même s’il y a aujourd’hui suffisamment d’aliments de par le monde, on estime que la production agricole devra augmenter de 70 % avant 2050 pour nourrir la population croissante de notre planète. Comment va-t-on faire ? C’est une question importante, et le rapport nous met en garde. Il y a peut-être quelque contradiction à employer des techniques de production très intensives pour accroître la production alimentaire alors que les sols s’appauvrissent et s’érodent et que la biodiversité et la fertilité se réduisent, ce qui pourrait, à long terme, peser sur la production alimentaire.

Le rapport recommande d’aller vers davantage de durabilité. Il met l’accent sur la solidarité avec les pays les plus pauvres et sur les groupes de la population les plus vulnérables. Il fait référence à l’OMC et au Round de Doha sur l’agriculture, où l’on estimait qu’il fallait supprimer les aides à l’exportation pour améliorer la sécurité alimentaire dans les pays en développement. Nous estimons qu’il ne faut pas se faire l’avocat de la suppression de toutes les subventions. Franchement, dans mon pays, j’ai envie de subventionner la production du lait, mais pas celle du Coca-Cola, même si c’est une bonne boisson.

Le projet de résolution est excellent. J’en félicite le rapporteur.

Mme VIROLAINEN (Finlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je veux remercier notre rapporteur au nom du Groupe du Parti populaire européen. Ce rapport, qui porte sur un thème essentiel, la sécurité alimentaire, est excellent, et il est équilibré. La nourriture n’est pas un article de luxe réservé aux riches, c’est une nécessité de base pour chacun de nous, et une ressource limitée ; certains en ont trop, tandis que d’autres luttent jour après jour pour en avoir suffisamment.

Les problèmes majeurs sont à la fois la quantité et la qualité de la nourriture. La population mondiale devrait atteindre neuf milliards d’êtres humains d’ici à 2050, et nous devons faire en sorte que chacun ait assez à manger, mais la croissance démographique n’est pas le seul facteur qui influe sur la quantité de nourriture disponible. Des changements d’ordre culturel et l’élévation de nos niveaux de vie ont aussi une influence sur la demande de nourriture. La production alimentaire devrait donc augmenter de 50 %. Voilà qui exige que l’on prenne des mesures concrètes !

En 2008, les prix mondiaux de l’alimentation ont si brutalement augmenté qu’ils ont conduit à de graves pénuries dans les pays pauvres. Les limitations de ressources en termes de terres agricoles, les limitations de la production, ainsi que les besoins environnementaux de durabilité, vont en fait ralentir la croissance de la production alimentaire. Pour relever ce défi de la sécurité alimentaire, il faudra prendre des mesures efficaces mais durables pour utiliser tout le potentiel en matière de production alimentaire.

La qualité de notre alimentation, voilà un élément essentiel pour un régime équilibré. Dans les pays en développement, la malnutrition entraîne des maladies, des décès prématurés, notamment chez les enfants. Dans nos sociétés occidentales, les maladies des riches et l’obésité sont des problèmes croissants. Il faut donc prendre des mesures pour rectifier ces déséquilibres et pour faire prendre conscience de l’importance de la valeur nutritionnelle des aliments.

La mondialisation entraîne toute une série de risques liés à l’alimentation. Les aliments contaminés, les animaux infectés, les maladies des plantes se répandent à partir de pays dont les systèmes de productions sont faibles et les mécanismes de contrôle en place réduits. Il est difficile de maîtriser ce genre d’épidémies.

Les déséquilibres dans l’approvisionnement en nourriture renforcent les phénomènes de fraude, de tromperie et de sabotage en matière d’alimentation.

Le changement climatique va aggraver encore ces problèmes. Les changements d’ordre démographique, la segmentation des consommateurs lancent des défis nouveaux à l’industrie alimentaire. Et cela ne fera que s’exacerber si nous ne réagissons pas – c’est urgent – au plan national comme à l’échelon international. Nous devons repenser nos stratégies en matière d’alimentation, de façon à ce qu’il y ait suffisamment de terres agricoles et de nourriture pour les générations futures. Nous ne vivons pas pour manger, nous mangeons pour vivre.

M. PINTADO (Espagne)* – Je prie M. Boden de me pardonner : je n’ai pas pu participer ce matin à l’examen des amendements en commission, car je me trouvais dans une autre commission.

Ce débat sur la sécurité alimentaire est d’une très grande complexité. La question mérite bien plus de trois minutes si l’on veut discuter à fond du rapport.

J’approuve ce rapport quant aux critères généraux et aux déclarations de principe : la sécurité alimentaire doit être un droit garanti à tous les pays, un droit exécutoire. Elle doit devenir une réalité.

Ensuite, en ce qui concerne les mesures qu’il conviendrait d’adopter, il semblerait, Monsieur le rapporteur, et je le dis avec tout le respect que je vous dois et toute l’affection que j’ai pour vous, qu’il y ait un certain nombre de contradictions. Dans le rapport, vous constatez en quelque sorte noir sur blanc les frictions entre le secteur de la production et le secteur de la consommation. Il peut effectivement y en avoir, notamment au niveau de la grande distribution, secteur qui les sépare, aux intérêts propres. Mais je crois que producteurs et consommateurs sont des alliés, qu’ils peuvent avoir des intérêts communs en matière de qualité, de sécurité et de prix garanti au producteur. Lorsque vous indiquez que 50 % des céréales sont destinées à la consommation animale, vous avez parfaitement raison, mais il faut bien savoir que, dans le Sud-Est asiatique, en Inde, en Chine et dans d’autres pays, on commence à utiliser des protéines.

En fait, quand on parle de production, il faudrait aller dans le sens d’une plus grande productivité, qui respecte mieux l’environnement. C’est ce à quoi les agriculteurs s’efforcent en Europe. N’oublions pas que, bien souvent, la distorsion des prix est due aux normes adoptées par nos pays dans l’espace européen, notamment par le Parlement européen et par la Commission européenne, qui soumettent la mise sur le marché de la viande animale à certaines exigences. Lorsque nous voulons trouver des solutions au problème de la faim, ce n’est pas qu’une question de milliers de tonnes, il faut peut-être aussi revenir à cette question des normes et prévoir davantage d’incitations à une meilleure production dans les pays qui souffrent eux-mêmes de la faim. Je songe surtout aux pays qui rencontrent de bien grandes difficultés quand il s’agit de lancer des programmes en matière de production agricole. Je crois que le Conseil de l’Europe a beaucoup à dire dans ce domaine, nous avons beaucoup de travail pour ces prochaines années en ce qui concerne la production agricole.

Autre élément qui me semble essentiel, les biotechnologies, qui semblent l’objet d’un débat redoutable, sont sans doute une partie de la solution. Souvent, on associe les biotechnologies aux grandes entreprises, mais la biotechnologie peut résoudre non seulement les problèmes de quantité et de qualité de la nourriture mais aussi des problèmes environnementaux. Ainsi, un hectare de maïs absorbe trente fois plus de COqu’une forêt de conifères. Soyons-en bien conscients, considérons bien les liens qui unissent la production agricole et la protection de l’environnement.

M. SCHENNACH (Autriche)* – En tant que président de la sous-commission de l’environnement et de l’énergie, je veux féliciter très chaleureusement M. Boden. Notre coopération au cours de ces dernières années fut excellente. Je sais qu’il s’agit de son dernier rapport, c’est donc un grand honneur pour moi de pouvoir le féliciter.

Le rapport met le doigt sur les problèmes et les déséquilibres en matière alimentaire, ici l’obésité, là-bas la faim. Nous, consommateurs, nous voulons que tout soit toujours disponible et nous cultivons des produits agricoles qui serviront de carburant pour nos véhicules, alors que la production alimentaire tend à reculer. Tout cela va modifier complètement notre climat.

Nous misons beaucoup trop sur la quantité, et cela contribue au réchauffement climatique. Dans certains abattoirs, on tue chaque jour 20 000 porcs, et dans un abattoir de Basse-Saxe, ce sont 2,5 millions de poulets qui sont abattus quotidiennement.

Le budget agricole de l’Union européenne pourrait faire penser que l’Europe tout entière est un pays agricole en développement. Le réchauffement climatique entraînera des migrations de populations ; regardez le delta du Nil, une zone de 300 kilomètres qui est en train de se saliniser, ce qui entraînera le départ de nombreuses personnes.

En ce qui concerne la consommation de viande, il faut savoir que celle-ci est très consommatrice d’eau, or seuls 3 % de l’eau qui se trouve sur notre planète est potable. Il faut 3 litres d’eau pour faire 1 kilo de riz, et 25 litres pour un peu de viande. L’eau est diversement répartie sur notre planète et dans l’avenir il y aura, c’est certain, des guerres de l’eau.

L’eau contribue à l’alimentation de la population humaine, notamment par le biais des poissons. Mais aujourd’hui un tiers du sol de la Méditerranée est recouvert de sacs plastique que les poissons consomment, ce qui les tue. Cela est vrai également pour des lacs, tels que le lac de Constance, dont le sol est déjà recouvert à 40% de matière plastique.

Il est très important de soutenir les initiatives de commerce équitable et le développement de marchés locaux et régionaux. Ce sont des choses que nous pouvons faire en tant que consommateurs.

M. SCHNEIDER (France) – La sécurité alimentaire est un défi majeur pour l’avenir de l’humanité, et reste à la base de tous nos droits. Malheureusement, alors même que l’échéance de 2015 pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement approche, il est certain que dans beaucoup de régions du monde, celui visant à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim ne sera pas atteint.

Monsieur le rapporteur, votre travail a le mérite de poser l’ensemble des problématiques qui ont un impact sur notre sécurité alimentaire.

Plusieurs de vos propositions ont retenu mon attention.

Vous nous proposez d’intensifier la lutte contre le réchauffement climatique et de veiller à ce qu’un accord international sur le changement climatique en 2015 reconnaisse les risques pour la sécurité alimentaire.

En 2012, j’ai travaillé sur l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense. Il est clair que les catastrophes naturelles qui se multiplient ces derniers temps impactent doublement la sécurité alimentaire mondiale : en réduisant à néant les seules ressources de familles qui ne vivent que de leur production agricole ; en créant une flambée des prix entrainant une cherté des produits alimentaires de base.

Mais cela ne sera pas possible sans la mise en œuvre d’une agriculture durable. Une vraie réflexion sur les circuits producteurs-consommateurs doit également être menée. Elle permettra de lutter contre la spéculation qui touche les marchés de matières premières agricoles.

La régulation mondiale des marchés que vous proposez me semble en effet indispensable à une sécurité alimentaire réelle, y compris sur les aspects sanitaires.

Je suis aussi particulièrement sensible à votre souci de favoriser la sécurité alimentaire dans les pays d’Afrique sub-saharienne. C’est une région que je connais bien. Vous avez raison : les projets permettant d’améliorer les moyens de subsistance en milieu rural sont essentiels. Pour les Africains bien entendu, mais aussi pour nous : l’aide alimentaire ne peut pas être la solution à l’insécurité alimentaire !

Toutefois, votre proposition de suppression progressive des subventions aux exportations de produits agricoles qui faussent le marché, en vue d’améliorer la sécurité alimentaire dans les pays en développement, me paraît plus délicate.

Ce problème se pose d’ailleurs au cœur même de l’Union européenne, puisque les différences de coût de la main-d’œuvre entre les pays membres créent, de fait, une concurrence déloyale qui amène certains agriculteurs à ne plus récolter puisqu’ils le font à perte. Cela n’est pas acceptable dans le contexte actuel où beaucoup de familles en Europe, en France, n’ont plus accès à certains aliments devenus trop chers.

Comme vous, j’insiste sur le scandale que constituent le gaspillage et la non-gestion des pertes dans l’agroalimentaire de nos pays. Alors que des millions d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, nous remplissons nos poubelles de produits périmés. Là encore, cela est inacceptable et nous devons prendre nos responsabilités.

La bataille de la faim, pour reprendre l’expression de la FAO, doit être gagnée. Sinon ce sont nos démocraties, nos valeurs qui seront mises en danger.

Mme ALLAIN (France) – La crise alimentaire qui a frappé le monde en 2008 a ramené la question agricole au premier plan des priorités de la communauté internationale. Depuis plusieurs années, les marchés financiers amplifient les causes conjoncturelles des crises alimentaires, comme la sécheresse en 2008.

En spéculant sur l’évolution des prix des matières agroalimentaires, telles que le riz, maïs ou le blé, les banques d’investissement font grimper le prix des aliments. Ces « spéculateurs de la faim » portent une lourde responsabilité dans l’insécurité alimentaire qui touche de plein fouet les pays les plus fragiles.

Les actions d’information du public sur ces agissements, les critiques croissantes des ONG ont amené quelques banques européennes à se désengager des fonds agricoles. Malheureusement, si c’est un progrès, cela n’est pas suffisant.

Les politiques de soutien aux agrocarburants jouent un rôle décisif dans cette tendance à la hausse des prix alimentaires. La formule « manger ou conduire, il faut choisir » est plus que jamais d’actualité !

Nous devons donc nous réjouir de la décision récente du Parlement européen de baisser les objectifs en termes d’incorporation des agrocarburants. Ce plafonnement des agrocarburants dits de « première génération », produits à base de cultures alimentaires, est un premier frein, indispensable.

Mais si l’accès à une nourriture à un prix raisonnable est nécessaire, les préoccupations de transparence et de traçabilité légitimes des consommateurs et des responsables politiques de nos pays doivent également être prises en compte pour une sécurité alimentaire réelle.

Les récents scandales de la viande de cheval ont démontré que les pratiques de l’agroalimentaire d’aujourd’hui constituent les scandales phytosanitaires de demain. Qu’il s’agisse des OGM, des effets cocktail des pesticides ou des perturbateurs endocriniens, nous connaissons déjà leurs dangers potentiels.

L’information du consommateur, notamment par un étiquetage précis sur l’origine des matières premières ou sur le mode d’élevage, doit faire l’objet d’une attention particulière. C'est le droit à l'information fondamental de savoir comment sont produits les aliments.

C’est d’ailleurs en ce sens que les députés écologistes ont saisi le commissaire européen Tonio Borg de la nécessité « de mieux encadrer au niveau européen ces pratiques en érigeant la traçabilité alimentaire d’intérêt général et en favorisant autant que possible une agriculture relocalisée et de qualité, notamment par le biais de la commande publique ».

Monsieur le rapporteur, vous avez su prendre en compte tous ces aspects dans votre travail précis et complet, je vous en félicite et j’espère que nos collègues voteront nombreux votre projet de résolution ! Et qu'il fera référence pour décider enfin d'une politique agricole européenne pour le droit à la souveraineté européenne pour tous les pays et pour la sécurité alimentaire de leurs peuples.

Mme TUIKSOO (Estonie)* – J’apprécie beaucoup le rapport de M. Boden sur la sécurité alimentaire, laquelle pose et posera toujours un problème pour nous tous.

Parallèlement à la mondialisation, le monde se spécialise de plus en plus. Ainsi, avec l’augmentation du nombre des humains, les goûts et les préférences alimentaires se multiplient. Pour cette raison, j’estime qu’il est extrêmement important d’informer les consommateurs sur l’alimentation.

Les habitudes alimentaires se développent au cours de la petite enfance. Il est utile aux consommateurs de savoir de quels aliments il s’agit, de connaître leur origine et la façon dont ils sont produits. En Allemagne, les systèmes de traçabilité permettent de connaître l’origine de tous les aliments.

Je crois qu’il faudrait mettre davantage l’accent sur les productions agricoles traditionnelles pour arriver à des marchés plus régionaux.

Dans notre monde, nous assistons à un changement de valeurs. Autrefois, on considérait l’alimentation comme quelque chose de sacré. Aujourd’hui, on joue avec les aliments, on organise des batailles de tomates, on se baigne dans du chocolat fondu. Nous pourrions parler, je crois, de la nécessité d’une éthique alimentaire. La triste vérité c’est que nombre d’enfants de nos écoles pensent que le lait est produit par le supermarché et non par les vaches.

On demande à l’agriculture d’être de plus en plus productive et, de fait, la population agricole diminue. L’information des consommateurs, me semble-t-il, devrait commencer, elle aussi, dès la petite enfance et mettre l’accent sur « un patriotisme alimentaire ». Les jardins d’enfants, les cantines scolaires, les aliments qui y sont consommés devraient être au cœur de l’information des consommateurs, car ces petits consommateurs sont les consommateurs adultes de demain.

M. GORBUNOV (Fédération de Russie)* – J’ai écouté la présentation de l’excellent rapport de M. Boden et j’ai pris connaissance de la résolution ; je puis souscrire aux propositions qui figurent dans ces documents.

Nul doute que le droit essentiel de l’homme est celui à une alimentation saine et salubre et que chaque Etat est tenu de permettre l’exercice de ce droit. Dans notre pays, au cours des vingt dernières années, nous avons grandement travaillé pour créer une base juridique et normative en la matière. C’est ainsi que des lois ont été votées sur la défense du consommateur, sur la qualité, sur la sécurité sanitaire des aliments, sur la protection au plan sanitaire et épidémiologique de la population ainsi que sur la réglementation des activités commerciales.

En outre, grâce à des textes de loi, nous avons pu fixer un grand nombre de règlements techniques des produits alimentaires. Nous avons également adopté des décrets qui réglementent ces services. Une fois tous les cinq ans au moins, nous établissons un panier de la ménagère pour les différents groupes sociaux démographiques. Nous avons également adopté un ensemble de mesures pour harmoniser la législation russe avec les normes internationales en matière de qualité de la production.

Nous savons que si un Etat est amené à importer plus de la moitié de sa production alimentaire, il existe un risque sérieux pour sa sécurité. La production de nos producteurs est donc à l’ordre du jour.

J’appelle votre attention sur les points 1, 8.1.2 et 8.5.4 qui incitent les Etats à investir davantage dans le développement de l’agriculture, notamment biologique. Il convient de soutenir l’agriculture des pays en voie de développement. Il est également indispensable de supprimer progressivement les subventions aux exportations agricoles qui faussent le marché et qui n’existent pas en Russie. Il conviendrait par conséquent de veiller à une saine concurrence en matière de production et de transformation des produits agricoles.

La Fédération de Russie est l’un des pays les plus riches en matière de ressources terrestres et d’eau et qu’il convient de veiller au contrôle de la qualité. A ce titre, j’attire votre attention sur les points 1, 2 et 8.4.1 qui visent à renforcer les études indépendantes en matière de risques, notamment ceux liés aux organismes génétiquement modifiés. Nous savons que la communauté scientifique est divisée sur le sujet. En tout cas, il ne faut pas augmenter la quantité au détriment de la qualité.

Par ailleurs, il convient de veiller à l’étiquetage de ces produits afin de les détecter très facilement et de les placer dans des rayons déterminés du magasin. Ainsi, les consommateurs seront-ils en mesure de prendre une décision éclairée avant de les acheter. Selon moi, tant que la clarté totale n’est pas faite concernant les effets des OGM sur l’organisme humain, il convient d’encadrer leur circulation.

M. JAPARIDZE (Géorgie)* – Je veux à mon tour féliciter M. Boden de son excellent rapport, d’autant qu’il est opportun.

J’examinerai ces questions sous l’angle de la région que je représente, celle de la Mer noire et du Sud-Caucase, ainsi que de certains des pays qui vont dans un proche avenir signer un accord d’association avec l’Union européenne. Ces pays ont un très gros potentiel en matière agroalimentaire.

La région est diversifiée, les habitudes alimentaires changent, mais c’est une question stratégique. Accorder la priorité à l’agriculture est cohérent et logique, notamment parce que notre région connaît un fort taux de chômage. C’est un secteur qui permet aussi le développement de PME à forte potentialité de main-d’œuvre. Bref, c’est une région qui est importante sur le plan de la sécurité alimentaire mondiale.

Nous devons nous positionner stratégiquement en nous appuyant sur l’Europe. Cela engendre nécessairement des questions stratégiques, du reste excellemment présentées par M. Boden.

Les accords de libre échange qui seront signés prochainement devraient permettre un meilleur accès aux marchés, offrir des possibilités de croissance et ainsi renforcer la sécurité alimentaire de l’Europe et du monde. Cela pose néanmoins des problèmes majeurs en termes de politique de développement.

Un grand nombre des Etats de notre région sont des pays où les revenus sont moyens ou faibles, et l’on ne peut remettre à plus tard le développement. Il n’est pas non plus facile de compter sur la dynamique régionale et d’attirer des investissements étrangers directs alors que, dans l’Union, certaines données – les subventions, les politiques concernant les OGM, la recherche-développement… – auront dans les années à venir une influence forte sur la planification des entreprises, les financements et les accès aux marchés.

Par conséquent, il convient de savoir si, dans le cadre du Partenariat oriental, notre région pourrait être pour le moins consultée sur les accords de politique qui vont être conclus.

Autre question : l’importance globale de notre région dans ce secteur aurait des répercussions sur les discussions qui se déroulent dans divers domaines, comme la politique étrangère commune de sécurité ou la politique d’assistance qui passe par l’aide publique au développement.

A l’heure de redéfinir le rôle de nos pays dans l’architecture européenne, la question est de savoir si la possibilité existe d’un engagement multilatéral qui irait au-delà d’un simple alignement sur des positions existantes et qui intégrerait une vision stratégique pour la région de la Mer noire et du Sud-Caucase en tant que région voisine de l’Europe.

M. JAKAVONIS (Lituanie)* – J’ai la plus haute estime pour M. Boden et pour son rapport. J’ai participé à sa discussion. Je voudrais appeler votre attention sur une recherche faite récemment en Slovaquie où l’on a évalué le prix des produits alimentaires destinés aux marchés d’Europe de l’Est et de l’Ouest.

Un groupe de chercheurs a évalué un certain nombre de produits alimentaires de divers pays d’Europe : l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne.

Les résultats montrent une triste réalité : les multinationales qui préparent des produits alimentaires pour divers marchés en Europe utilisent des produits de qualité très différente sous la même marque. En d’autres termes, les producteurs estiment manifestement que certains pays sont de deuxième ou de troisième zone. Certains parlementaires européens ont ainsi reconnu ouvertement que les fabricants emploient des ingrédients de moins bonne qualité dans les produits qu’ils destinent à l’Europe de l’Est. Ainsi, pour les produits sucrés, on utilise du sucre blanc lorsqu’ils sont distribués en Europe occidentale, mais du miel lorsqu’ils sont destinés au marché est-européen ; les produits semblent identiques, mais le goût est différent. C’est malheureux, mais de nombreux parlementaires européens trouvent cela normal ! De bons produits ne seraient pas nécessaires en Europe orientale parce que le pouvoir d’achat y est plus faible ; mais le café coûte plus cher en Lituanie que dans les pays fondateurs de l’Union européenne !

J’aimerais aborder également le problème de la consommation de boissons énergétiques par les enfants. Bien que les emballages précisent que ces produits sont déconseillés aux enfants et aux femmes enceintes, dans nos pays, nous ne pouvons pas en protéger nos enfants, sauf à enfreindre la loi sur les échanges avec l’Union européenne ! Ces boissons ont fait l’objet d’une étude en 2009, mais leurs effets et ceux de leurs composantes sur l’organisme humain n’ont jamais été étudiés. Or des médecins lituaniens ont estimé qu’elles peuvent être très dangereuses pour la santé.

Mme BONET PEROT (Andorre)* – Je remercie le rapporteur pour cet excellent rapport. L’alimentation répond à une nécessité absolue pour l’être humain. La sécurité alimentaire suppose que chacun dispose à tout moment d’un accès économique à une alimentation saine et suffisante qui corresponde à ses besoins comme à ses préférences et lui permette de mener une vie saine et active. La sécurité alimentaire et la nutrition relèvent de la responsabilité de chacun. Selon la FAO, l’insécurité alimentaire affecte plus de 800 millions de personnes, soit plus d’un huitième de la population mondiale. Cette crise mondiale exige de s’engager davantage pour mettre un terme à la faim, faire reculer de nombreuses maladies, rendre les systèmes alimentaires plus durables, minimiser le gaspillage et la déperdition d’aliments.

Le changement climatique constitue également l’une des grandes préoccupations, au niveau mondial, en matière de production agricole, car ses effets et son coût pour la société et l’environnement détermineront les conditions de vie des générations présentes et futures. Son influence est plus importante sur certains groupes ou sur des zones vulnérables qui coïncident avec des périodes de pénurie alimentaire ou de malnutrition et de faim. La demande accrue d’aliments et de combustibles qui résulte de la modification des habitudes alimentaires entraîne également une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ce qui rejaillit sur la nutrition en modifiant la composition et la qualité des aliments consommés. Cette altération aggrave les allergies et les intolérances alimentaires. Toutes les autorités de santé publique devraient imposer des normes qui obligent à signaler la présence d’allergènes dans les différents ingrédients des produits alimentaires, car cet étiquetage est indispensable à la sécurité alimentaire.

Celle-ci ne dépend pas uniquement de l’élimination des aliments à risque ; il faut agir sur toute la chaîne alimentaire pour veiller à la sécurité sanitaire des aliments depuis la terre, ou la mer, jusqu’à l’assiette. Je songe par exemple au mercure contenu dans certains poissons. Il faut également développer l’éducation à un comportement alimentaire responsable, pour lutter contre l’obésité et les problèmes de surcharge pondérale.

LE PRÉSIDENT – M. Sabella, Mme Al-Astal et M. Khader, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. MITCHELL (Canada, observateur)* – Le rapport est excellent et j’en félicite le rapporteur, ainsi que tous ceux qui l’ont aidé à le préparer – chez nous, on dirait : « Good job ! »

Le rapport insiste sur la menace que représente le changement climatique pour la sécurité alimentaire. Les risques sont considérables, voire infinis, et il semble avéré que le changement climatique perturbe encore davantage un monde déjà affamé.

Le rapport souligne ensuite que l’accès à l’alimentation constitue un droit fondamental et que les nations doivent respecter leurs obligations internationales pour le protéger comme il se doit.

Le rapporteur rappelle enfin que les pays où règne l’abondance gaspillent assez d’aliments pour nourrir des centaines de millions d’affamés ou de malnutris. Le problème est moins la production que la politique, la logistique, ou l’invasion de la seconde par la première. Les nations industrielles émettent plus de gaz à effet de serre en raison des techniques agricoles modernes. Il existe pourtant des techniques, de plus en plus utilisées au Canada, notamment, qui ne sont pas plus coûteuses ni moins efficaces et qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre ; il faut les promouvoir.

Une bonne partie de la production alimentaire dans le monde, surtout développé, incombe lourdement, trop lourdement aux femmes. L’on garantirait plus efficacement la sécurité alimentaire en tenant compte du rôle particulier que celles-ci jouent et des défis spécifiques auxquels elles sont confrontées, et en développant des stratégies en conséquence. L’organisation humanitaire Canadian Hunger Foundation se consacre ainsi à des projets visant à limiter le changement climatique et à promouvoir le développement, particulièrement en faisant appel aux femmes. Il faut aussi améliorer l’accès aux marchés internationaux, abolir les barrières artificielles, réduire les distorsions en matière de subventions agricoles pour permettre de manger à ceux qui en ont désespérément besoin.

Ce rapport et cette résolution méritent notre soutien, car ils permettront d’améliorer le monde !

Mme SZÉL (Hongrie)* – Les plus grands dangers en matière de sécurité alimentaire proviennent du commerce alimentaire mondial et de l’absence de frontières au sein du marché alimentaire européen. Les scandales touchant à la sécurité alimentaire en Europe montrent que le système actuel n’améliore pas la sécurité des consommateurs, mais la réduit. Nous ne comprenons pas bien ce que l’Union européenne entend par « sécurité alimentaire », ni dans quelle mesure cela garantirait aux Européens un approvisionnement durable et sûr dans des conditions acceptables pour l’environnement. En effet, la Commission européenne a défendu un projet de règlement qui n’autorise que la culture des semences produites par quelques multinationales, écartant ainsi des variétés adaptées au milieu local, qui supportent la sécheresse et peuvent se passer de pesticides. Ces variétés pourraient pourtant jouer un rôle essentiel à l’heure où la modification de l’environnement qui résulte du changement climatique exige une grande adaptabilité.

En Europe, nous nous écartons de plus en plus de l’autodétermination alimentaire et de la production des aliments en tant que ressource locale. Nous érigeons de plus en plus de barrières administratives, financières et physiques, qui éloignent les producteurs des consommateurs. Les agriculteurs parviennent de moins en moins bien à gagner décemment leur vie, malgré tous les efforts qu’ils font depuis des générations. Mon pays souffre également de cette situation.

Le Gouvernement hongrois actuel a introduit des mesures qui vont à l’encontre de l’objectif de la sécurité alimentaire et de l’autoproduction en se soumettant au diktat de groupes étrangers qui, souvent, agissent en contradiction avec la règlementation hongroise.

Nous avons un grand centre hongrois de recherche en agriculture biologique. Des gens viennent de quelque 160 kilomètres y expérimenter des cultures qu’un simple épandage de pesticides peut exterminer pour vingt ans.

La sécurité alimentaire, la production de variétés locales, la dissémination de la production participative de ces semences doivent être encouragées. En Hongrie, il faudrait encourager la diversité, par exemple, des variétés de prunes se comptent par centaines. Il importe de favoriser et d’encourager la diversité de ce que nous cultivons.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste trois minutes pour répondre.

M. BODEN (Luxembourg), rapporteur – J’ai été très long pour introduire le sujet. Il me reste donc peu de temps pour les réponses.

Permettez-moi de remercier dès l’abord tous les orateurs pour leur appréciation sur ce rapport et ce projet de résolution et j’en profite pour remercier également tous ceux qui ont coopéré dans leur élaboration, membres de la commission, sa présidente et les membres du secrétariat ainsi que les experts que nous avons reçus au cours des auditions.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que l’alimentation est un besoin fondamental. Assurer la sécurité alimentaire et le droit à la nutrition est donc le droit le plus fondamental, et c’est le devoir de nous tous de coopérer pour faire en sorte que ce droit à l’alimentation soit assuré. J’ai remarqué une grande convergence également concernant les menaces à la sécurité alimentaire et les remèdes clés que j’ai proposés dans mon rapport.

Tout le monde a insisté sur le rôle essentiel de l’agriculture. Celle-ci doit changer dans ses méthodes, devenir plus durable – et il ne s’agit pas seulement de protéger les ressources naturelles, mais d’assurer la durabilité économique et l’acceptabilité sociétale.

Les paysans doivent pouvoir vivre de leurs productions. Je ne plaide donc pas du tout pour la réduction de toutes subventions accordées aux paysans. Bien au contraire, j’ai été pendant des années ministre de l’agriculture et j’ai toujours encouragé les agriculteurs. Ils rendent un véritable service public et doivent en être honorés, s’ils ne sont pas honorés par les marchés.

Ce qu’il faut éviter, ce sont les subventions à l’exportation, qui sont contraires au marché et qui, donc, pénalisent les pays plus pauvres. À mon avis, il faut faire preuve de solidarité envers les pays pauvres. Je plaide donc fortement pour une augmentation de l’aide à la coopération. Tous les Etats devraient faire un examen de conscience et se demander s’ils dépensent suffisamment pour l’aide au développement. En la matière, il faudrait, à mon avis, augmenter la part consacrée à l’agriculture puisqu’elle joue un rôle essentiel. Seuls 4 % de l’aide à la coopération sont consacrés à l’agriculture. C’est nettement insuffisant. Il faut changer cela.

Je conclurai en vous remerciant tous pour vos contributions.

M. Schennach a dit à juste titre qu’il s’agissait là de mon dernier rapport. Effectivement, je ne serai pas candidat aux prochaines élections qui ont lieu le 20 octobre dans mon pays. Je profite donc de l’occasion pour dire le grand plaisir que j’ai eu à être membre de cette Assemblée – et même Vice-Président- durant quelques années.

Avant de partir, je voudrais vous inciter tous à continuer de vous battre pour les valeurs que défend le Conseil de l’Europe. Si vous pouviez me faire un plaisir, ce serait de voter ce projet de résolution, mais aussi d’assurer le suivi de la sécurité alimentaire dans les années à venir.

C’est un défi important et permanent. Il concerne les hommes politiques, mais aussi tout le monde. Chacun doit apporter sa contribution à une meilleure sécurité alimentaire. Je vous en remercie d’avance.

LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur Boden, pour l’œuvre accomplie au sein de cette Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe depuis le 28 septembre 2009. Le temps passe vite, vous ne serez resté que trop peu de temps parmi nous, au Conseil de l’Europe, car il est vrai que votre œuvre est colossale. Vous avez accompli un travail excessivement important, tant à la tête de votre délégation qu’en tant que Vice-Président et membre actif de votre groupe politique – et surtout en tant que rapporteur.

Nous garderons un grand souvenir de vous. Soyez remercié pour tout ce que vous avez fait. Vous finissez en apothéose, car ce dernier rapport est extrêmement important et, après tout ce que nous venons d’entendre, c’est aussi une belle récompense pour tout ce que vous avez accompli.

Mme MAURY PASQUIER, présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Monsieur le Président, mes chères et chers collègues, vous me permettrez d’associer ma voix à toutes celles qui remercient notre collègue Fernand Boden pour ce rapport. Il faut dire qu’il a, en quelque sorte, brisé le sort qui paraissait jeté dessus, puisque c’est le troisième rapporteur qui a finalement réussi à mener ces travaux à terme. Il n’est jamais facile de reprendre en cours de route un rapport déjà engagé. M. Boden y a parfaitement réussi. Après toutes ses années d’activité au sein du Conseil de l’Europe, ce rapport représente sans doute un point d’orgue – voire, pour rester dans le thème en discussion, la cerise sur le gâteau !

Tous ces aspects de la sécurité alimentaire ayant été largement et clairement exposés par notre rapporteur et développés par nos collègues, je ne les répèterai pas. J’aimerais toutefois insister sur le droit fondamental à l’alimentation et faire, à ce propos, référence au rapport sur l’accès aux soins de santé de notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain, adopté par cette Assemblée au mois de juin dernier.

Dans le cadre de la préparation de ce rapport, en effet, nous avons été confrontés, lors d’une visite d’information en Grèce, à une situation a priori impensable il y a peu : la sous-alimentation de nourrissons et de bébés a refait son apparition dans ce pays, sur ce continent… autant dire chez nous !

Si j’insiste sur ce point, qui est d’une certaine manière repris par l’amendement 1, ce n’est pas pour laisser de côté le milliard de personnes qui souffrent de la faim, mais c’est bien pour montrer notre responsabilité particulière dans la lutte contre la réapparition en Europe de ce phénomène inacceptable au XXIe siècle. Je compte que vous apporterez votre soutien à la résolution mais, comme le rapporteur, je compte aussi sur votre engagement pour que de telles situations cessent d’exister.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel quatre amendements ont été déposés.

La présidente de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur les amendements 1 et 2 qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission. Cependant, la Présidence ayant été saisie d’un sous-amendement écrit sur l’amendement 1, ce dernier ne peut faire l’objet d’une adoption au titre de l’article 33-11 et sera discuté selon les modalités habituelles.

L’application de l’article 33-11 n’est donc possible que sur le seul amendement 2.

En est-il bien ainsi, Madame la présidente ?

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 2, déposé par Mme Kyriakides, MM. Nicolaides, Loukaides, Mme Bakoyannis, M. Triantafyllos, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.3.4, à insérer le paragraphe suivant : « de renforcer le cadre législatif concernant la vente de boissons énergisantes aux enfants et aux adolescents, afin d'éviter les effets nocifs que peuvent avoir ces boissons sur leur santé et leur comportement ; ».

En l’absence d’objections, cet amendement est déclaré adopté définitivement.

LE PRÉSIDENT – Nous en venons à la discussion des autres amendements.

L’amendement 3, déposé par MM. Pintado, Palacios, Conde, Mmes Quintanilla, Bonet Perot, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.3, à insérer le paragraphe suivant : « de valoriser les politiques d’irrigation afin d’améliorer la productivité des terres de manière durable, permettant ainsi une augmentation de la production alimentaire. »

M. PINTADO (Espagne)* – Pour garantir le droit à l’alimentation, nous proposons, avec cet amendement, d’inciter nos Etats à promouvoir une agriculture plus productive. La Bulgarie, l’Ukraine et la Roumanie sont des pays qui offrent de très grandes possibilités de croissance si on les dote d’infrastructures adaptées. Il s’agit par ailleurs de ne pas laisser les pays asiatiques et latino-américains envahir le marché agroalimentaire.

Mme ALLAIN (France) – Je considère que cet amendement n’a pas sa place dans la résolution. En effet, il défend des techniques agricoles consommatrices d’énergie et d’intrants. Les chercheurs ont montré que les pratiques agro-écologiques sont meilleures pour l’alimentation. Il serait dangereux d’orienter un choix de politique agricole dans cette résolution.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Avis défavorable.

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L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 1, déposé par Mme Kyriakides, MM. Nicolaides, Loukaides, Mme Bakoyannis, M. Triantafyllos, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 8.3.2, à ajouter la phrase suivante : « de reconnaître les enfants comme un groupe particulièrement vulnérable et de prendre des mesures spécifiques pour éviter leur malnutrition et ses effets dévastateurs sur le développement des enfants. »

LE PRÉSIDENT – Mme Kyriakides n’étant pas présente dans l’hémicycle, l’amendement est défendu par la présidente de la commission.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission, je peux donc me faire la porte-parole de Mme Kyriakides, rapporteure générale sur les enfants. Il s’agit ici de mettre l’accent sur les droits particuliers des enfants dans le domaine de la sécurité alimentaire. Je vous invite vivement à soutenir cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 1, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans l’amendement 1, à remplacer les mots « à la fin du paragraphe 8.3.2, ajouter la phrase suivante », par les mots suivants : « après le paragraphe 8.4.2, insérer le paragraphe suivant : ».

M. BODEN (Luxembourg), rapporteur – Pour reconnaître les enfants comme un groupe particulièrement vulnérable, il convient d’ajouter un nouveau paragraphe.

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Le sous-amendement 1 est adopté.

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L’amendement 1, sous amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 4, déposé par MM. Pintado, Palacios, Conde, Mmes Quintanilla, Bonet Perot, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.5.5, à insérer le paragraphe suivant : « de prendre conscience de l’importance de la production agricole et d’encourager les recherches dans ce domaine, en tant qu’élément non négligeable pour la réduction du CO2 dans l’atmosphère, dans la lutte contre le changement climatique ».

M. PINTADO (Espagne)* – Cet amendement souligne que des fonds supplémentaires sont nécessaires pour développer la recherche sur les effets de la production agricole dans la lutte contre le changement climatique. Il s’inscrit dans le droit-fil du projet de résolution.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission – Avis défavorable.

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L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc.13302, tel qu’il a été amendé.

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Le projet de résolution, amendé, est adopté (37 voix pour, 2 voix contre, 1 abstention)

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

(La séance est levée à 19 h 40.)

S O M M A I R E

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Les personnes portées disparues dans les conflits européens : le long chemin pour trouver des réponses humanitaires

Présentation par M. Sheridan du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc.13294)

Intervention de M. Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge

Orateurs : MM. Jónasson, Pintado, Mmes Kyriakidou, Acketoft, M. Donaldson, Mmes Schuster, Gafarova, Bulajić, MM. Marias, Rivard, Mmes Giannakaki, Zohrabyan, M. Chikovani,  Mme Erkal Kara, M. Çağlar

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois ! 

Débat selon la procédure d’urgence :

Présentation par M. McNamara du rapport de la commission des questions juridiques (Doc.13321)

Orateurs : MM. Agramunt, Gross, Kennedy, Sir Roger Gale, MM. Kox, Korodi, Lord  Anderson, MM. Sobolev, Dişli, Mme Brasseur, MM. Clappison, Mme Orobets, M. Gozi,

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de recommandation amendé

Lord Anderson

4. La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous

Présentation par M. Boden du rapport de la commission des questions sociales  (Doc.13302)

Orateurs : M. Recordon, Earl of Dundee, M. Jónasson, Mme Virolainen, MM. Pintado, Schennach, Schneider, Mmes Allain, Tuiksoo, MM. Gorbunov, Japaridze, Jakavonis,  Mme Bonet Perot, M. Mitchell, Mme Szél

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution amendé

5. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Miloš ALIGRUDIĆ*

Jean-Charles ALLAVENA*

Karin ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI*

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI/ Brigitte Allain

Daniel BACQUELAINE*

Theodora BAKOYANNIS/Konstantinos Triantafyllos

David BAKRADZE*

Taulant BALLA*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Silvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI/ Guguli Maghradze

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI*

Teresa BERTUZZI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ/Snežana Jonica

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Alessandro BRATTI*

Márton BRAUN*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON/Luc Recordon

Natalia BURYKINA*

Sylvia CANEL*

Nunzia CATALFO

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU*

Mikael CEDERBRATT/Tina Acketoft

Özlem CEKIC*

Elena CENTEMERO*

Lorenzo CESA*

Otto CHALOUPKA*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI/Carlo Lucherini

Tudor-Alexandru CHIUARIU*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS*

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE*

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Katalin CSÖBÖR/Bernadett Szél

Milena DAMYANOVA*

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER*

Roel DESEYN*

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ*

Jim DOBBIN*

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS*

Damian DRĂGHICI*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Josette DURRIEU*

Mikuláš DZURINDA*

Baroness Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ*

Axel E. FISCHER

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO*

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN*

Jean-Claude FRÉCON/Jean-Pierre Michel

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO*

Karl GARÐARSON

Ruslan GATTAROV*

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI/ Iwona Guzowska

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI

Fred de GRAAF*

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM/Ingjerd Schou

Patrick De GROOTE*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR*

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU*

Maria GUZENINA-RICHARDSON

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV*

Andrzej HALICKI*

Hamid HAMID*

Mike HANCOCK*

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI*

Norbert HAUPERT

Alfred HEER

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL/ Ester Tuiksoo

Adam HOFMAN*

Jim HOOD*

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV/Sahiba Gafarova

Vladimir ILIĆ*

Florin IORDACHE

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Stella JANTUAN

Tedo JAPARIDZE

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ/Svetislava Bulajić

Antti KAIKKONEN

Ferenc KALMÁR*

Božidar KALMETA/Ivan Račan

Mariusz KAMIŃSKI*

Deniza KARADJOVA*

Marietta KARAMANLI*

Ulrika KARLSSON*

Burhan KAYATÜRK*

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH*

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Unnur Bra KONRÁÐSDÓTTIR*

Attila KORODI

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV/ Olga Kazakova

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Christophe LÉONARD*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

George LOUKAIDES/ Stella Kyriakides

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI*

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA/Jaana Pelkonen

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN*

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/ André Schneider

Djordje MILIĆEVIĆ*

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANQUES*

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Lydia MUTSCH/ Fernand Boden

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Marian NEACŞU

Fritz NEUGEBAUER*

Baroness Emma NICHOLSON/Charles Kennedy

Michele NICOLETTI*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL*

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON/ Jonas Gunnarsson

Joseph O'REILLY*

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE/Joe Benton

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA*

Johannes PFLUG*

Foteini PIPILI*

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT/David Crausby

Jakob PRESEČNIK*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS/Maret Maripuu

Eva RICHTROVÁ*

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Pavlo RYABIKIN*

Rovshan RZAYEV*

Vincenzo SANTANGELO

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL*

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Ladislav SKOPAL*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO*

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Konstantinos TZAVARAS/Maria Giannakaki

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV/ Guennady Gorbunov

Petrit VASILI*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/Jeffrey Donaldson

Katrin WERNER*

Karin S. WOLDSETH*

Gisela WURM

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Maria GIANNAKAKI

Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Observateurs

Grant MITCHELL

Michel RIVARD

Bev SHIPLEY

Partenaires pour la démocratie

Mohammed Mehdi BENSAID

Nezha EL OUAFI