FR14CR03ADD1

AS (2014) CR 03
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la troisième séance

Mardi 28 janvier 2014 à 10 heures

ADDENDUM

Débat libre

L’intervention suivante a été communiquée au service de la séance pour publication au compte rendu par un orateur qui, inscrit et présent en séance, n’a pu être appelé à la prononcer faute de temps.

M. KOÇ (Turquie) – La Turquie fut récemment confrontée au plus grand scandale de corruption politique de son histoire. Une enquête de grande envergure menée depuis quelque temps par les autorités judiciaires sur de sérieuses allégations de corruption, blanchiment d’argent, fraude, contrebande d’or aux fins de contourner les sanctions de l’ONU, a émergé au grand jour le 17 décembre.

L’homme d’affaires iranien Reza Zarrab (aussi connu sous le nom de Riza Sarraf) qui est le personnage clé de l’enquête, est accusé d’avoir versé des pots-de-vin importants à quatre ministres du cabinet turc.

Les quatre ministres en question ont d’abord tenté de résister à l’opinion publique qui réclamait leur démission. Au cours de cet intervalle de temps, le ministre de l’Intérieur a limogé et remplacé un certain nombre d’officiers de police de haut rang chargés de la conduite des investigations, y compris le chef de la Sûreté d’Istanbul, de façon à endiguer et compromettre la bonne conduite des enquêtes.

Environ une semaine après le scandale, trois de ces ministres ont démissionné de leurs postes respectifs en publiant des déclarations qui affirmaient leur innocence, tout en prenant bien soin d’exonérer également le Premier ministre de toute responsabilité. Par contre, le ministre de l’Environnement et de l’Urbanisme, qui a également démissionné non seulement de son poste gouvernemental, mais aussi du parlement, a refusé de signer toute déclaration axée sur la dénégation de la responsabilité du Premier ministre.

Au contraire, ce ministre a déclaré que toutes ses actions avaient été menées sur les instructions du Premier ministre et qu’il incombait à ce dernier de démissionner lui-même.

Par la suite, une nouvelle série d’allégations de corruption a surgi impliquant cette fois-ci de nouvelles personnalités proches du gouvernement, telles que le fils du Premier ministre. Les enquêteurs de ces dossiers furent immédiatement limogés.

Après un remaniement ministériel ayant remplacé un tiers des membres de son cabinet, le Premier ministre a procédé à une purge du corps judiciaire, se concentrant principalement sur les procureurs de la République qui avaient initié ou qui étaient en charge de mener les enquêtes relatives au scandale. Ensuite, le gouvernement AKP a lancé un assaut sur le système judiciaire en présentant un certain nombre d’amendements à la loi sur le Conseil supérieur des juges et procureurs, visant à se débarrasser des hommes de loi enquêtant sur les allégations de corruption, afin d’occulter le scandale et de renforcer sa position politique.

Il est ironique que le prétendu projet de réforme ne soit rien d’autre que le retrait des amendements constitutionnels adoptés en 2010 lors d’un référendum présenté à l’époque comme une épreuve de force politique par le gouvernement. Avec ce nouveau paquet dit de réformes, le pouvoir judiciaire en général, et le Conseil supérieur des juges et procureurs en particulier, seront placés sous l’autorité directe du ministre de la Justice.

En outre, le gouvernement AKP a adopté un discours mystificateur qui consiste à avancer une série de théories de conspiration pour détourner l’attention du public des accusations de corruption à l’encontre de ses ministres.

Au lieu de mettre en œuvre des sanctions envers les membres de son gouvernement accusés de corruption, le Premier ministre affirme être la victime d’un grand complot ourdi conjointement par des puissances étrangères, par certains groupes d’intérêts obscurs, par l’opposition politique turque et par un certain nombre de magistrats et fonctionnaires implantés au sein de l’Etat par un ordre religieux puissant opérant à l’échelle internationale. Il prétend que cette conspiration est en fait une tentative de coup d’Etat fomentée contre son gouvernement. En fait, il existe une vague de contestation au sein de l’opinion publique turque suscitée par les tendances autoritaires croissantes du Premier ministre Erdoğan.

Nous demandons aux institutions européennes, au Conseil de l’Europe en particulier et à son Assemblée parlementaire, ainsi qu’à tous les organes de l’Union européenne, de suivre de près les développements de la situation en Turquie et de faire connaître leurs observations et avertissements afin de forcer le gouvernement du Premier ministre Erdoğan à respecter les critères contemporains de la démocratie.