FR14CR06

AS (2014) CR 06

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

Mercredi 29 janvier 2014 à 15 h 30

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35, sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2014) 01 Addendum 6.

En l’absence d’opposition, ces modifications sont adoptées.

2. Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ?

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur « les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ?», présenté par M. Bockel au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13372), ainsi que de l’avis présenté par M. Dişli au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie (Doc. 13403). Après avoir écouté MM. les rapporteurs, nous aurons le plaisir d’entendre M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen du rapport, votes inclus, vers 18 heures. Si cela est nécessaire, nous devrons interrompre la liste des orateurs vers 17 h 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires. Monsieur Bockel, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme Nils Muižnieks, c’est pour moi un grand plaisir de vous accueillir ici. Ce n’est pas la première fois que nous le faisons, puisque vous nous faites régulièrement rapport sur vos activités, généralement au mois d’avril. Nous sommes particulièrement heureux que vous puissiez contribuer à notre débat sur ce sujet d’une extrême difficulté. Le dossier brûlant du conflit en Syrie est à la une de l’actualité depuis, malheureusement, longtemps déjà, et nous avons décidé de le traiter aujourd’hui en évoquant la situation ô combien dramatique des réfugiés syriens.

Vous vous êtes rendu, Monsieur le Commissaire, le mois dernier, dans des camps et des centres de réfugiés syriens en Turquie, en Bulgarie et en Allemagne. Votre témoignage ne manquera d’enrichir nos débats et nous vous en remercions. Vous pourrez nous faire part de vos observations après la présentation du rapport de M. Bockel.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. BOCKEL (France), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dont je salue le nouveau président Thierry Mariani, a vraiment voulu informer les collègues de la situation actuelle et, au travers de cette séance, porter haut et fort un certain nombre de messages en direction de la communauté internationale afin que celle-ci agisse mieux et plus vite. Nous avons bien travaillé en lien étroit avec mon collègue M. Dişli de la commission des questions politiques. C’est ensemble que nous sommes allés sur le terrain et avons procédé aux auditions. Je tenais à le préciser.

Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme, comme le disait à l’instant Mme la Présidente, nous sommes très heureux de votre présence. J’ai lu avec grand intérêt votre rapport de mission et je partage, nous partageons l’essentiel de vos conclusions.

Notre commission est extrêmement préoccupée par ce que nous avons pu observer sur le terrain et nous pensons qu’au-delà du débat de ce jour, nous devrons continuer d’informer l’Assemblée et, à travers elle, nos opinions publiques de la situation en Syrie. Les problèmes ne se règleront pas demain matin ; nous devons poursuivre nos investigations sur cette situation dramatique, notamment en ce qui concerne les personnes les plus vulnérables, les femmes et les enfants, et tout particulièrement les enfants syriens non accompagnés. Nous devons également suivre la manière dont les camps, lorsque camps il y a, sont gérés et administrés et la façon dont l’aide internationale est utilisée.

Au-delà de l’aspect de suivi, notre Assemblée permet aussi aux réfugiés syriens de ne pas se sentir complètement abandonnés. J’ai encore en mémoire les mots qu’ils m’ont adressés lors de notre visite : « Merci d’être là, cela veut dire que nous existons encore pour quelques personnes ».

C’est la raison pour laquelle je pense que nous pourrions être mandatés par l’Assemblée pour poursuivre notre travail. Nous n’avons pas pu aller en Jordanie, par exemple, où la situation est terrible, notamment à Al Zaatari, ou dans d’autres pays limitrophes. Pour ce qui est de la présence sur le terrain, ce rapport se fonde essentiellement sur deux visites, et je tiens à cet égard à remercier le Haut-Commissariat aux réfugiés, tant pour son aide à la bonne organisation de nos déplacements, que pour son implication courageuse.

Je citerai rapidement l’exemple du Liban, où nous avons visité ce qui était à l’époque des « non-camps », puisque le Liban ne voulait pas entrer à nouveau dans une démarche de camps, alors qu’à l’époque – c’était il y a quelques mois – nous dénombrions déjà près de 900 000 réfugiés. Les autorités, me semble-t-il, sont en train de changer de position, car le principe de réalité s’impose et la situation, parce qu’elle n’est pas vraiment reconnue et organisée même si elle est tolérée, devient absolument insupportable. Les conditions de vie sont déplorables, indignes : eau insalubre, absence de sanitaires, aide insuffisance hors HCR et ONG – heureusement qu’elles sont là –, loyers élevés, etc. À cela, il faut ajouter, ce qui est peut-être le pire pour moi, des enfants non scolarisés, sans oublier de citer les obstacles administratifs démesurés pour renouveler les visas, l’absence d’accès aux soins en raison du coût élevé des hôpitaux. Les réfugiés manquent de tout, à commencer par les produits de première nécessité. Je ne parle pas des problèmes de difficultés financières, d’emploi, d’insuffisance de l’aide alimentaire et l’on a le sentiment que le Liban, qui est déjà dans une situation très instable, devient une véritable poudrière. Il convient de porter une attention particulière aux femmes et aux enfants qui, ne l’oublions jamais, représentent la majorité des réfugiés qui ont fui la Syrie.

En Turquie, nous avons rencontré une situation bien différente. Nous avons effectivement perçu la volonté des autorités turques de soulager au maximum les maux des réfugiés syriens. Le gouverneur d’Hatay nous a d’ailleurs informés qu’un grand nombre de réfugiés étaient hébergés par des familles turques qui ont un lien de parenté avec eux et qui les accueillent. Mais cela commence aussi à poser des problèmes, tant leur nombre augmente. Nous l’évoquions à l’instant avec le Commissaire aux droits de l’homme. Le Croissant-Rouge aide les réfugiés qui se trouvent dans les régions frontalières, qui sont nombreuses puisque les frontières s’étendent sur 800 kilomètres.

Le camp que nous avons visité près de Hatay est l’un des premiers à avoir été installé. Jusqu’au mois de juin 2013, la situation y était relativement calme, mais, en quelques mois, le nombre de réfugiés est passé de 250 à 6 500. Il a fallu suivre et organiser ces tentes et ces chambres familiales aménagées dans de grands halls.

Tout cela me permet de marquer l’implication de l’Etat turc. Un point qui me paraît important de souligner est que les enfants vont à l’école le matin. C’est tout de même une grande différence. Les réfugiés déplorent néanmoins le manque de soutien et de réaction de la communauté internationale. Ils estiment qu’on leur fait beaucoup de promesses, dont ils ne voient pas forcément de concrétisation à la hauteur de leurs espérances.

Le projet de résolution que la commission vous soumet aujourd’hui met l’accent sur la situation plus que précaire que connaissent les réfugiés syriens dans les pays limitrophes, spécialement au Liban. Il nous faut aussi remercier les États qui accueillent ces réfugiés, y compris en Europe, et saluer la générosité dont ils font preuve en dépit de la crise économique.

J’ai également souhaité mentionner la situation en Afrique du Nord, plus particulièrement en Égypte qui a accueilli un grand nombre de réfugiés syriens, dont certains auraient été expulsés vers des pays tiers. Dans ce pays, des enfants réfugiés seraient également placés en rétention administrative.

Je ne reprendrai pas tous les points du projet de résolution. Nous aurons l’occasion de les évoquer par la suite. Les recommandations qu’il comporte s’adressent aussi bien aux États membres de notre Organisation qu’à des Etats non membres ainsi qu’aux Etats concernés par le conflit. Elles portent sur la nécessité d’accorder une protection temporaire ou internationale aux réfugiés, d’appliquer le principe du non-refoulement, d’assurer l’accès aux territoires et aux procédures d’asile, de prévoir un plan de contingence en cas de nouvel afflux massif de réfugiés, de veiller à ce que les enfants puissent bénéficier d’un programme d’éducation, d’apporter toute la protection possible aux femmes et aux jeunes filles.

Elles insistent également sur la générosité et la solidarité attendues de la communauté internationale, y compris en Europe et au sein de l’Union européenne. Chacun doit faire plus dans les mesures à prendre pour fournir le minimum vital à ces réfugiés.

Enfin, le texte encourage les Etats membres de l’Union européenne à mettre en œuvre la directive concernant la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et soutient les pays de l’Union qui accueillent les réfugiés syriens.

Je terminerai cette présentation sur un mot relatif à la conférence Genève 2 S’il faut naturellement se féliciter – et certains amendements y font référence – que des représentants du régime et de la coalition nationale syrienne aient accepté de s’asseoir autour de la table des négociations, force est de constater que, jusqu’à présent, aucune solution n’a pu être trouvée, y compris sur la question importante de l’acheminement d’un convoi humanitaire à Homs. Il est pourtant essentiel que les femmes et les enfants puissent quitter au plus vite la vieille ville de Homs, assiégée par l’armée syrienne depuis juin 2012. Le régime syrien aurait accepté le principe d’une telle évacuation, mais des garanties auraient été demandées de part et d’autre avant d’y procéder. Bref, la situation est pour l’instant bloquée, y compris sur le volet humanitaire des négociations. Cela est inacceptable. Il est inacceptable que des civils, particulièrement vulnérables, soient ainsi pris en otage pour des raisons politiques, alors qu’ils ne portent aucune responsabilité dans le conflit.

Plus généralement, je pense que tous les pays membres de L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devraient, là où ils sont, avec la position géopolitique qui est la leur, y compris certains grands pays, peser pour que nous puissions au moins dans ce domaine trouver des solutions, sachant que la dimension humanitaire et la dimension de résolution politique du conflit sont étroitement liées.

M. DIŞLI (Turquie), rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie, saisie pour avis* – Tout d’abord, Madame la Présidente, je vous présente toutes mes félicitations pour votre élection.

Je remercie M. Bockel pour l’excellent travail qu’il a effectué et pour la parfaite coopération qui s’est instaurée entre nos deux commissions. Le rapport de M. Bockel apporte des informations très détaillées sur la situation des réfugiés syriens dans les pays voisins de la Syrie. Je salue le travail accompli par les précédents rapporteurs sur la Syrie et je remercie l’Assemblée pour l’attention permanente qu’elle a portée à ce pays. La situation des réfugiés continue de se dégrader. Au mois de décembre 2013, Amnesty International a publié un document intitulé « Un échec international, la crise des réfugiés syriens ». Dans ce document, il est indiqué que la communauté internationale a lamentablement échoué à aider les réfugiés de ce pays.

Outre la famine, les réfugiés, parmi lesquels un nombre croissant de femmes et d’enfants, sont confrontés à des violences sexuelles dans les camps. Je remercie notre collègue autrichien, M. Schennach, d’avoir attiré notre attention sur cette question lors d’une séance précédente.

Actuellement, des factions d’Al-Qaida sont actives dans certaines parties de la Syrie, ce qui préoccupe beaucoup les pays voisins. Malheureusement, le peuple syrien, par désespoir, semble éprouver quelque sympathie pour ce mouvement et ses seigneurs de guerre. Autre inquiétude, le trafic d’êtres humains prend de l’ampleur en Syrie. La communauté internationale n’a semble-t-il pas pris la mesure des enjeux liés à l’utilisation des armes chimiques. Il faut souhaiter que la conférence Genève 2 permette de trouver une solution durable à ce problème tragique.

Pour conclure, je voudrais dire que j’approuve l’appel de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, aux Etats membres du Conseil de l’Europe afin qu’ils fassent preuve de davantage de solidarité à l’égard des réfugiés syriens.

M. MUIŽNIEKS, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe* – Alors que la crise des réfugiés syriens est l’une des plus importantes que le monde ait connues, certaines parties de l’Europe semblent aujourd’hui plongées dans la somnolence. Notre débat d’aujourd’hui montre que tout le monde ne somnole pas en Europe !

J’ai rencontré de nombreux réfugiés syriens lors de mes visites européennes : dans des commissariats de police en Grèce, dans un centre d’accueil au Danemark, dans une forêt de Serbie, ou en Arménie, où je ne m’attendais pas à en trouver. J’ai compris qu’il me fallait plus d’informations sur la situation de ces personnes qui cherchent refuge en Europe. Au mois de décembre, j’ai décidé de suivre l’une des routes suivies par les réfugiés syriens. Elle m’a mené à en Turquie, à Hatay, où j’ai visité deux centres de réfugiés temporaires, mais aussi à Sofia, en Bulgarie, et à Friedland, en Allemagne, où j’ai visité un centre d’orientation pour réfugiés.

Les rapports qui sont aujourd’hui présentés décrivent fort bien l’ampleur de la tragédie humaine. Plus de la moitié des victimes sont des enfants. La réaction de l’Europe se limite à une assistance humanitaire auprès de certains pays avoisinant la Syrie. Cette assistance est évidemment nécessaire, mais l’Europe ne peut plus esquiver ses responsabilités. Quand il s’agit de l’accueil des réfugiés, elle n’est pas assez généreuse. La Turquie est le seul pays à avoir largement ouvert ses portes aux Syriens. Elle a accepté environ un million de réfugiés, c’est-à-dire plus de dix fois le nombre de réfugiés syriens accueillis par les 46 autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Cette générosité doit être saluée. D’autres pays, tels que l’Allemagne, la Suède et l’Arménie, ont également pris des mesures positives pour accueillir des réfugiés syriens, avec des procédures d’admission humanitaire et des regroupements familiaux. Mais il n’y a que quelques milliers de places disponibles dans ces programmes et, très souvent, les Syriens cherchent par leurs propres moyens à venir en Europe. Les lois en vigueur dans les pays européens rendent très compliquées leurs tentatives : les exigences pour l’obtention des visas sont très strictes ; les conditions du regroupement familial sont très compliquées.

Les réfugiés syriens sont bien souvent refoulés aux frontières de certains pays européens, et même maltraités. Lorsqu’ils arrivent péniblement dans un Etat membre, ils sont placés en détention ou subissent des conditions de vie dégradantes. C’est inacceptable !

Les défis liés à la crise syrienne resteront à notre ordre du jour pendant longtemps, c’est certain. Le conflit dure encore et des centaines de milliers de réfugiés syriens vivent en Turquie dans une situation plus que précaire. Ils sont poussés vers une pauvreté croissante.

Mon devoir est d’inciter les gouvernements européens à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et de droits des réfugiés. Je vous invite à répondre généreusement à l’appel du HCR en faveur de davantage de financements et d’un meilleur accueil des réfugiés. Ils doivent pouvoir bénéficier de visas humanitaires et ne doivent pas être expulsés. Je demande l’adoption d’un moratoire formel sur les retours organisés des Syriens vers leur pays. Les réfugiés ne doivent pas être renvoyés vers la Turquie. En outre, les règlements de Dublin, qui permettent de renvoyer les réfugiés syriens vers des pays européens où la situation est critique, à savoir la Bulgarie, la Grèce, l’Italie et Malte, ne doivent plus être appliqués. J’invite les pays européens à s’assurer que les réfugiés syriens bénéficient de la protection internationale à laquelle ils ont droit et de toutes les mesures d’intégration en vigueur.

L’assistance internationale aux réfugiés syriens doit donc être améliorée, conformément au respect des droits de l’homme. La crise des réfugiés syriens montre une fois de plus, de manière douloureuse, qu’il est urgent pour les Etats européens d’abandonner l’approche sécuritaire au profit de l’approche humanitaire.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie infiniment, Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme, pour cette contribution précieuse.

(Poursuivant en français) La discussion générale est ouverte. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole est limité à trois minutes par orateur.

Mme VIROLAINEN (Finlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je félicite M. Bockel pour son excellent rapport qui rappelle combien il est urgent de trouver une solution au conflit syrien.

La guerre civile en Syrie dure depuis beaucoup trop longtemps. La communauté internationale est désemparée face à la violence permanente et à la détresse du peuple syrien. Nous demandons que l’on mette immédiatement fin à la violence mais, dans le même temps, certains pays continuent de fournir des armes aux Syriens. J’espère que les négociations diplomatiques en cours aboutiront à une situation stable qui permettra à tous les Syriens de regagner leur foyer. Mais notre responsabilité ne s’arrête pas là : la Syrie aura également besoin de notre aide pour reconstruire ses infrastructures et sa démocratie et pour apporter à sa population eau, alimentation et soins médicaux.

Le conflit n’est plus seulement un problème syrien : la situation, qui s’est considérablement aggravée, engendre la détresse et l’instabilité dans toute la région. Quelque deux millions et demi de réfugiés se sont ainsi répartis en Egypte, en Irak, en Jordanie, au Liban et en Turquie. Je félicite ces pays pour leurs efforts, mais je suis très préoccupée par les conditions déplorables qui règnent dans bien des camps de réfugiés. Certains hommes y achètent des jeunes filles qui servent de marchandises sexuelles ; des maladies s’y répandent, dont la polio, ce qui pourrait conduire à un désastre en termes d’épidémie.

Les réfugiés syriens ne mènent plus une vie normale depuis bien longtemps. Plus de la moitié d’entre eux sont des femmes et des enfants qui ont leurs besoins – et leurs rêves – propres. Notre incapacité à veiller au bon fonctionnement des écoles et à leur fournir de la nourriture prive les enfants syriens d’avenir. Notre échec à faire face aux problèmes de viols et d’abus sexuels dans les camps prive les femmes syriennes de leur estime de soi et de leur dignité. Cela contribue à affaiblir les fondements d’une Syrie nouvelle et meilleure ; cela crée une génération perdue et désespérée.

L’Union européenne travaille actuellement à une démarche conjointe en vue de gérer le flux de Syriens qui quittent leur pays. C’est une initiative courageuse et pragmatique. La situation des réfugiés syriens est trop grave pour que nous leur fermions la porte. Donnons-leur une chance de vivre dans un environnement sûr, jusqu’à ce qu’ils puissent regagner leur foyer sans risque. Si nous ne pouvons contribuer à résoudre le conflit, essayons au moins d’aider la population qui en souffre.

M. MOROZOV (Fédération de Russie), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Lorsqu’elle a examiné le présent rapport, en novembre dernier, la commission des migrations a décidé de donner plus de résonance au problème au niveau international et, pour ce faire, de le porter à la connaissance de nos collègues des autres pays. C’est dans ce but que nous, parlementaires russes, avons pris part à l’Assemblée parlementaire de l’Asie, au Forum parlementaire Asie-Pacifique et à l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, où nous avons pu dégager une position commune. Nos collègues méditerranéens et autrichiens ont présenté des rapports très proches de celui qui nous est aujourd’hui soumis.

Les événements qui ont lieu dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées en Syrie sont particulièrement destructeurs et choquants du point de vue humanitaire. On a l’impression d’un schéma qui se répète, à quelque endroit que les choses se passent. Nous sommes d’accord avec nombre de nos collègues : la situation des réfugiés et déplacés syriens est une catastrophe humanitaire. Il ne peut y avoir qu’une issue à ce drame : l’arrêt total de l’effusion de sang et l’ouverture d’un processus politique. Le soutien que l’on peut apporter à telle ou telle partie n’apportera ni ne résoudra rien, comme on l’a bien vu depuis trois ans. Nous espérons donc vivement que la conférence de Genève représentera un tournant, même si les pourparlers sont empreints de scepticisme.

Il faudra de toute façon du temps avant que les négociations ne produisent leurs effets. Or c’est maintenant que les réfugiés, que la population pacifique de Syrie ont besoin d’aide. Le problème de l’amélioration de la situation humanitaire dans le pays se pose avec acuité, comme le rappelle le paragraphe 11 du projet de résolution. Il faut lancer un appel à toutes les parties pour qu’elles respectent les normes du droit humanitaire et permettent aux organisations de se rendre auprès des réfugiés, notamment les femmes et les enfants. Mais pour cela, il faut une interaction entre les différentes forces en présence, notamment avec l’opposition armée. Il faut garantir la sécurité des convois humanitaires. Les volontaires, notamment les bénévoles du Croissant-Rouge, ne doivent pas être victimes de la situation.

En somme, la seule feuille de route possible consiste à soutenir les pourparlers de paix de Genève, à s’opposer au soutien armé à toutes les parties au conflit, à développer l’appui aux réfugiés. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons les aider.

Mme LUNDGREN (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie les rapporteurs pour leur travail.

La guerre civile qui se poursuit en Syrie nous horrifie tous ; c’est un désastre humain, une tragédie humaine qui se déroule sous nos yeux. Les chiffres fournis par le HCR font état de 2 386 087  réfugiés enregistrés – plus que la population de quatorze de nos pays réunis ! S’y ajoutent les personnes déplacées en Syrie et tous les réfugiés non enregistrés, de sorte que ce chiffre pourrait aisément être doublé, voire triplé. C’est terrible pour la Syrie comme pour ses voisins. Au Liban, dont la population est estimée à 4 millions d’habitants, on dénombre plus de 800 000 réfugiés syriens enregistrés ; on en compte 593 000 en Jordanie – 6 millions d’habitants –, et 580 000 – en réalité plus d’un million – en Turquie, pour 73 millions d’habitants. Sans parler de l’Egypte ni de l’Irak. Dans les pays de l’Union européenne, le nombre de réfugiés syriens enregistrés est de 55 000.

Nous avons tous soutenu M. Brahimi dans ses efforts pour mettre fin à la guerre. Nous savons tous que la guerre ne cessera pas demain, qu’il y faudra du temps. Mais la pression sur les pays avoisinants est énorme et croît chaque jour, dans une région très instable. Il ne s’agit pas seulement d’argent : une augmentation aussi rapide de la population a des conséquences sur le pays tout entier, sur les peuples de toute la région. Au paragraphe 14 du projet de résolution, nous demandons aux pays voisins de laisser leurs frontières ouvertes. Dans ce cas, faisons de même ! Le HCR a appelé les Etats membres de l’Union européenne à accueillir 30 000 réfugiés chacun d’ici la fin 2014, en donnant la priorité aux plus vulnérables. Nous sommes tous invités à en faire plus, bien plus. Nous le devons, par solidarité, conscients du fait que nous devons répartir le fardeau dans l’intérêt de ces populations et au nom des valeurs que nous représentons.

M. GÜR (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne * – Madame la présidente, au nom de mon groupe et de mon parti, je vous présente mes félicitations. Les femmes sont la meilleure moitié du monde.

Concernant la Syrie, il y a la situation internationale et les personnes déplacées à l’intérieur. Les pays voisins ont accueilli un grand nombre de réfugiés mais des millions sont encore vulnérables et attendent l’assistance internationale en Syrie. Dans un secteur où les Kurdes sont dominants, il y a le double de population. Des centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur attendent l’aide humanitaire des organisations internationales. Jusqu’à présent aucun réfugié n’a bénéficié de l’aide internationale.

Le conflit ne concerne pas seulement les groupes pour et contre le régime. En particulier, le groupe lié à Al-Qaida crée des situations dramatiques, bloque les routes de régions entières. C’est la raison pour laquelle leurs populations n’ont pu bénéficier d’aucune aide humanitaire en Syrie.

La Turquie est un pays clé qui a ouvert ses frontières pour établir des couloirs d’aide humanitaire pour que les Nations Unies, le Croissant-Rouge, la Croix-Rouge puissent aider les personnes déplacées de l’intérieur en Syrie. Il y a une crise humanitaire en Syrie, c’est certain. Nous la voyons tous les jours.

La conférence de paix de Genève 2 pourrait être l’occasion de mettre un terme à l’effusion de sang mais certains n’y sont pas représentés : les Arméniens, les Kurdes qui aident les personnes déplacées à l’intérieur et protègent les minorités en Syrie.

Mme STRIK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe socialiste * – Madame la présidente je vous félicite pour votre élection.

Je suis très reconnaissante à M. Muižnieks d’être présent pour ce débat. Nous avons déjà parlé des réfugiés syriens et nous devons malheureusement recommencer. Je remercie les rapporteurs d’avoir inscrit à nouveau ce point à l’ordre du jour. La situation s’est détériorée et cela continuera. Nous faisons face à un gros problème et nous ne pouvons attendre une solution rapide car la guerre continue. Lorsqu’elle sera terminée, tous ces réfugiés ne pourront pas rentrer rapidement chez eux, le pays étant complètement détruit. Il faudra trouver des solutions pour le court et le long terme. Pour le court terme, un des principaux défis est l’accès aux nombreuses personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. Cela exige un soutien politique suffisant. J’invite la délégation russe à faire pression sur Assad pour que cela soit possible.

La plupart des réfugiés en dehors du pays sont restés dans la région. La Turquie fait un travail extraordinaire. Le Liban et la Jordanie croulent presque sous la pression. Au Liban, les réfugiés représentent un quart de la population. Si c’était en Allemagne, il y aurait l’équivalent de 20 millions de réfugiés ou 15 millions en France. La situation politique au Liban est déjà tellement fragile que nous risquons une deuxième guerre dans la région. Un soutien actif est donc nécessaire, non seulement financier mais aussi matériel.

Beaucoup de réfugiés syriens essayent de quitter la région par la mer car ils ne sont pas en sécurité dans les pays de transit. Ceux qui arrivent en Europe sont piégés dans des centres de détention comme en Grèce ou en Bulgarie. Ils courent le risque d’être renvoyés en Turquie. Au printemps, nous pouvons nous attendre à des arrivées massives de réfugiés syriens par la mer. En ne faisant rien, nous leur faisons courir un grand risque. L’Europe doit participer. Le HCR a demandé plus d’infrastructures. L’Allemagne a proposé d’accueillir 10 000 réfugiés.

D’autres pays européens suivront peut-être cet exemple mais cela sera-t-il suffisant ? N’est-ce pas trop tard ? Il faut plus de solutions, une politique plus généreuse pour les Syriens. Ils doivent pouvoir quitter la Grèce ou la Bulgarie. L’outil, c’est la directive européenne sur la protection temporaire. Demandez à vos gouvernements d’inscrire ce point à l’ordre du jour de l’Union européenne.

Mme OSBORNE (Royaume-Uni) * – C’est un plaisir de prendre la parole sous votre présidence, Madame.

Cette crise est sans précédent. Les souffrances de tous ces réfugiés dans les camps doivent être traitées avec toute l’urgence nécessaire. Des pays ont fourni de l’assistance technique et humanitaire. Ils doivent aider à la réinstallation de ces réfugiés en coopérant avec le HCR des Nations Unies. 17 Etats membres de l’Europe, y compris l’Allemagne, la France, la Suède notamment, ont offert des places. Je salue l’effort de la Turquie.

J’ai été choquée d’entendre le Commissaire aux droits de l’homme dire que les réactions en Europe avaient été si peu adéquates. Le Royaume-Uni a refusé des places ; il a dû accepter après une réaction du Parlement. Notre gouvernement doit prendre conscience que la politique de l’immigration est très différente de la longue tradition de notre pays d’offrir un sanctuaire aux réfugiés. Cela étant, le Royaume-Uni a fourni 600 millions de livres pour les réfugiés, notamment pour des partenaires qui agissent en Syrie contre la violence sexuelle. Notre gouvernement a annoncé par ailleurs aujourd’hui qu’il accueillerait en priorité les personnes qui ont été torturées et aux femmes et enfants qui courent de grands risques.

Je me félicite de l’amendement n° 4 proposé par Mme Strik.

Outre la violence sexuelle, des femmes ont dû se prostituer pour obtenir de la nourriture. Certaines filles ont été forcées de se marier pour réduire le nombre de bouches à nourrir dans leur famille. Les communautés de réfugiés connaissent des tensions terribles en raison des difficultés économiques, des mauvaises conditions de vie. C’est pourquoi nous devons élargir notre soutien notamment en direction des femmes. Il faut agir contre tous ces abus dont sont victimes les femmes.

Les donateurs devraient insister sur la nécessité de prendre en considération ces phénomènes de violence dans l’établissement des programmes d’aide et d’assistance.

Pour conclure, je me félicite de ce rapport si important. Il est crucial de poursuivre notre soutien aux réfugiés syriens, car la crise risque malheureusement de durer encore un certain temps.

M. PFISTER (Suisse)* – Je remercie le rapporteur pour cet excellent rapport, qui souligne les défis à relever par les Etats européens.

La situation en Syrie pèse tout particulièrement sur la Turquie, le Liban, l’Irak et la Jordanie. Ces pays font de leur mieux, mais ils ne peuvent pas tout – en tout cas, pas seuls. Rien, malheureusement, ne nous donne à penser que les causes de ces flux de réfugiés pourront être résolues à court terme ; il faudra longtemps avant que ces millions de personnes puissent rentrer chez eux.

Nos pays, nos gouvernements sont invités à aider mieux et davantage ces quatre Etats qui portent la plus grande part du fardeau. Plus les Etats européens les soutiendront, moins il y aura de risques que les réfugiés ne deviennent victimes de traites ou qu’ils acceptent de courir des risques inconsidérés pour se rendre en Europe par leurs propres moyens.

S’agissant du point 41 du rapport, il est vrai qu’à l’automne 2013, la Suisse a décidé de faciliter le regroupement familial des réfugiés syriens, mais elle a dû faire marche arrière très rapidement, en raison de l’augmentation considérable du nombre de réfugiés. Cela montre que la décision isolée d’un Etat, même animé des meilleures intentions, n’est guère utile. Tous les pays européens ont l’obligation, d’abord d’accroître l’aide apportée aux frontières de la Syrie, mais également de mieux se coordonner et d’être plus solidaires pour accueillir et se répartir les réfugiés. Nos pays ne pourront pas répondre isolément à cet afflux massif : l’Europe doit gérer le problème en commun.

Tous les réfugiés syriens ont droit à notre protection tant que la situation dans leur pays sera aussi catastrophique ; mais ils ont aussi le droit de pouvoir rentrer le plus rapidement possible chez eux dès que les choses se seront améliorées. En la matière aussi, les Etats européens devront faire davantage.

Mme DURRIEU (France) – Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme, vous avez raison : on somnole – à propos de la Syrie, comme à propos du Mali et de la Centrafrique. On se donne bonne conscience, mais il y a beaucoup d’hypocrisie et de lâcheté dans tout cela.

Les camps que vous avez visités dans la région de Hatay, en Turquie, je les connais. Vous avez raison : il faut saluer une fois de plus les efforts exceptionnels de ce pays. Le chiffre que vous avez cité – près de un million de réfugiés – dépasse encore celui que l’on m’avait donné. Pourtant, les résultats sont assez exceptionnels. Merci donc à la Turquie.

La situation de la Jordanie est différente. Cela fait longtemps déjà qu’elle accueille tous les réfugiés de la zone ; la population y est à 60 % constituée d’immigrés.

Tous les problèmes se cumulent : l’approvisionnement en eau, les violences, l’insécurité, les trafics. Les réfugiés ont besoin de tout, mais surtout d’hôpitaux et d’écoles. C’est un impératif, non pas de générosité, mais de solidarité.

Nous devons cependant aussi aborder le problème en termes politiques, car nous ne sommes pas une ONG. Il faut un chapeau politique à ce débat. Toute la région est emportée dans la spirale de l’affaire syrienne. La totalité des Etats voisins de la Syrie en subissent les conséquences : la Jordanie, la Libye, la Turquie, l’Irak, avec les problèmes que l’on sait de réfugiés et de minorités – dont les Kurdes qui viennent d’être évoqués et qui constituent aussi dans plusieurs pays une minorité importante.

La crise syrienne soulève aussi des problèmes religieux. Toutes les minorités religieuses se trouvent en difficulté. Toutefois, ce qui frappe le plus, c’est l’importance prise par le fait religieux dans une guerre qui était à l’origine d’une autre nature, mais qui est devenue une guerre entre sunnites soutenus par l’Arabie saoudite et chiites appuyés par l’Iran – bref, c’est la guerre de l’Arabie contre l’Iran par Syrie interposée.

La solution ne peut être que politique. Heureusement, les deux parties participent à la conférence de Genève 2 – je ne sais pas s’ils dialoguent réellement, mais ils sont présents. En revanche, l’Iran n’y participe pas, ce qui est dommage. Dans un accord nucléaire transitoire, l’Iran a poussé assez loin les concessions ; peut-être avait-il sa place à la conférence. En tout cas, c’eût été un bon signal, car il est un acteur majeur et nous aurions pu tester son sens des responsabilités.

En attendant, les combats, les morts, les réfugiés, tout cela continue. La machine infernale est en marche. Nous avons réussi à obtenir l’arrêt de l’utilisation des armes chimiques et leur destruction. En revanche, nous avons failli ne pas demander aux belligérants de déposer les armes au moment même où les négociations s’engageaient – mais j’espère que l’amendement qui vous est proposé sera adopté, car ce sont les armes traditionnelles qui tuent en Syrie.

M. FOURNIER (France) – Je tiens à saluer le remarquable travail d’investigation de mon compatriote Jean-Marie Bockel, qui permet à notre Assemblée de connaître avec précision les réalités du terrain.

Ces réalités sont dramatiques pour les 2,2 millions de Syriens, dont la moitié d’enfants, que la guerre civile a contraints à l’exil, ainsi que pour les 4,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, qui vivent dans des conditions très précaires, quand ce n’est pas dans un dénuement extrême.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, dépassé par l’afflux ininterrompu de réfugiés, est contraint de procéder à des choix douloureux. La situation est proche du point de rupture. Depuis octobre dernier, l’aide consacrée aux plus nécessiteux, insuffisante, a dû être supprimée à 30 % des réfugiés. Or les besoins sont croissants : selon l’ONU, 6,5 milliards de dollars seraient nécessaires aux réfugiés syriens en 2014. Pourtant, la conférence des donateurs, réunie au Koweït le 15 janvier dernier, n’a obtenu des engagements qu’à hauteur de 2,4 milliards de dollars, alors même que les promesses faites lors de la précédente conférence sont loin d’avoir été tenues, en particulier par les pays du Golfe.

De nombreux pays, voisins de la Syrie ou pas, apportent une aide vitale à ces réfugiés. C’est le cas de la France, qui accueille des réfugiés syriens. La France apporte aussi une assistance à la Coalition nationale syrienne (CNS), notamment en matière d’administration locale et de fourniture de services de base en matière d’énergie, de santé, d’eau et de sécurité alimentaire. Elle a également décidé de rejoindre le fonds multi-bailleurs pour la reconstruction de la Syrie mis en place par l’Allemagne et les Émirats arabes unis dans le cadre du groupe des Amis du peuple syrien. Elle livre en outre une aide militaire non létale à destination de la CNS pour la protection des populations civiles, en coordination avec ses partenaires de l’Union européenne. Enfin, elle a mis ses meilleurs experts à la disposition de l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques dans le cadre du démantèlement de l’arsenal chimique syrien.

Néanmoins, on voit bien que l’approche humanitaire atteint rapidement ses limites. Il convient de trouver une solution politique à la situation en Syrie, où la guerre n’a que trop duré.

Le peuple syrien est en droit de déterminer son propre destin. Certains proposent la formation d’un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs exécutifs dans le cadre de la conférence de Genève 2, mais le processus paraît bien mal engagé. L’opposition syrienne est très divisée, et confrontée à un terrible dilemme : participer à la conférence, c’est prendre le risque d’être considéré comme un traître ; ne pas y participer, c’est offrir une victoire à Bachar el-Assad et encourir l’opprobre des Amis de la Syrie. La décision de la CNS de participer à la conférence est courageuse, et elle doit être saluée.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Il y a un an, nous avions abordé cette question dans cette enceinte, et j’avais dit que les réfugiés ne venaient pas de nulle part. En Syrie, il s’agit non pas de rebelles, mais bien de terroristes. Nous étions tous informés de la question. Néanmoins certains Etats membres du Conseil de l'Europe ont apporté un soutien organisationnel et financier à ces groupes terroristes. Ils ont non seulement soutenu les rebelles, mais prétendu aider le réfugiés. C’est d’une grande hypocrisie, car le monde entier sait maintenant que ceux qui luttent contre Bachar el-Assad sont des groupes terroristes, lesquels, en outre, s’entredéchirent actuellement.

Il n’y a pas de guerre civile en Syrie, mais bien une guerre coloniale. Une tentative pour s’arroger le pouvoir dans le pays avec l’aide de technologies politiques et de groupes terroristes, comme ce fut le cas en Irak, en Egypte et en Libye.

Il ne s’agit pas de défendre la démocratie, mais de lutter pour se procurer des ressources et permettre certaines livraisons de la part des Etats-Unis et de leurs alliés. Des alliés qui n’ont pas tellement de démocratie et de libertés, mais qui ont énormément d’argent et qui ont pu acheter la loyauté et le silence d’un grand nombre de pays européens. Sinon pourquoi garderait-on le silence sur ce type de politique ?

Au nom de la protection des droits de l’homme, la seule façon d’aider les réfugiés, c’est d’arrêter de livrer des armes aux terroristes et de mettre un terme à la guerre. Il faut surtout mener des enquêtes sur les événements récents et établir la responsabilité de ceux qui ont soutenu ces terroristes. Si nous ne le faisons pas, davantage de gens seront tués et davantage de réfugiés arriveront.

Mme MATTILA (Finlande)* – J’aborderai la question des réfugiés syriens par le prisme des ONG. J’ai été active au sein d’une ONG et j’ai une expérience de la réalité des zones de crise probablement plus grande que d’autres ici. Après les tremblements de terre en Haïti en 2010, j’ai travaillé avec la Croix-Rouge et j’ai été témoin du travail important que réalise cette organisation et beaucoup d’autres ONG.

L’été dernier, j’ai eu l’honneur de rencontrer en Finlande le président du Croissant-Rouge syrien qui m’a parlé avec beaucoup de tristesse des difficultés rencontrées par son organisation en Syrie. Beaucoup de bénévoles et d’autres personnes avaient été tués, mais l’organisation poursuit son travail, et j’admire son activité.

La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge travaillent dans les camps de réfugiés et dans la zone de crise. Dans ces deux endroits, les femmes et les enfants sont les victimes les plus nombreuses et aussi les plus vulnérables. Si nous avons un outil pour leur venir en aide, il faut l’utiliser.

J’aurais voulu que la résolution mentionne la nécessité de protéger les travailleurs des ONG, au travers de conventions internationales et même de sanctions. Le rapport pose plus de questions qu’il ne propose de solutions, même s’il reconnaît la nécessité d’apporter assistance. C’est une photographie de la situation.

Je n’essaie pas de minimiser les actions des Etats, des institutions ou des élus, mais nous savons que l’Etat avance très lentement, sauf en cas de guerre, comme nous le voyons. Je n’essaie pas non plus de faire de la publicité pour une organisation en particulier, mais tous ceux qui apportent une aide humanitaire sont précieux, et il est dommage qu’ils se voient attaqués. Le Croissant-Rouge et la Croix-Rouge ont établi leurs activités auprès de ceux qui ont besoin d’aide, c’est une tradition et des pratiques qui doivent continuer.

Les guerres ne s’arrêtent pas de manière pacifique. Seule l’action humanitaire peut apporter de l’aide aux réfugiés, et ils en ont besoin.

M. MICHEL (France) –Trois ans de conflit, des milliers de morts, des millions de réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur. Ça continue, nous n’y pouvons rien. Pourquoi ? Notamment parce qu’un des pays membres du Conseil de l'Europe s’acharne à soutenir le régime de Bachar el-Assad. Nous venons d’ailleurs d’entendre un parlementaire de ce pays et nous avons pu constater à quel point il a déformé et manipulé la réalité.

Quand on connaît la Syrie, on sait le déroulement des faits. Les premières révoltes contre le régime de Bachar el-Assad ont été le fait de démocrates syriens, à l’intérieur du pays. Puis, faute d’avoir été aidées, par nous, ces révoltes ont été rapidement submergées par des bandes d’islamistes, des bandes de chiites, qui sont venus en Syrie pour combattre le régime. Aujourd’hui, ceux-là sont aidés, notamment par l’Iran – on sait que l’Iran a envoyé en Syrie des instructeurs et même des soldats – et nous sommes dans l’impasse. Que nous reste-t-il à faire sinon à parler de l’aide humanitaire, de l’aide que nous devons apporter aux pays qui accueillent tous les réfugiés qui pour certains, comme la Jordanie ou le Liban, sont totalement déstabilisés par l’afflux de ces réfugiés ?

On ne peut que souscrire à l’excellent rapport de Jean-Marie Bockel, ainsi qu’aux observations et aux précisions que nous a apportées notre Commissaire aux droits de l’homme, mais franchement, c’est humiliant pour nous !

M. SASI (Finlande)* – Je souhaite féliciter M. Bockel pour son rapport qui contient nombre de propositions concrètes. J’espère qu’elles seront suivies d’effet le plus rapidement possible.

Il est vrai qu’accueillir les réfugiés dans les pays du Conseil de l'Europe n’est pas une solution quand on sait que deux millions de personnes ont quitté le pays et que davantage encore sont déplacées à l’intérieur. Il faut donc trouver une réponse. Bien entendu, tous les pays doivent partager cette responsabilité, et la Suède a déjà fait un excellent travail pour accueillir ces réfugiés. Mais je crois qu’il faut s’attaquer aux racines du problème et mettre un terme à la guerre. Je suis très déçu de constater que la communauté internationale n’a pas été en mesure de le faire – et les informations qui nous parviennent de la conférence de Genève ne sont guère encourageantes.

On pourrait essayer de mettre en place un cessez-le-feu dans la zone afin de permettre, à tout le moins aux organisations internationales d’acheminer les livraisons humanitaires. Lorsque le Président Obama a menacé la Syrie, tout à coup un accord a surgi, et des armes de destruction massive ont pu être retirées de la Syrie. Faut-il demander à M. Obama de proférer à nouveau des menaces en disant que faute de la mise en place de couloirs sécurisés vers les camps, il y aura de graves conséquences, peut-être de nature militaire ?

Les conditions qui prévalent dans ces camps de réfugiés sont épouvantables. Nous avons le devoir d’aider ces gens, de leur apporter toute aide matérielle, toutes les ressources possibles pour améliorer leur quotidien. Mais l’objectif primordial est de faire en sorte que ces personnes puissent rentrer dans leur foyer en sécurité.

Nous voyons sous nos yeux se commettre le pire des crimes contre l’humanité à notre époque, et la communauté internationale ne fait pratiquement rien, ce qui est une réelle tragédie. En Libye, nous avons fait quelque chose, sinon nous aurions eu la même situation que celle qui prévaut en Syrie. Parfois, même la force militaire peut être utile pour garantir la vie humaine.

M. SCHENNACH (Autriche)* – A mon tour, je félicite et remercie le rapporteur pour son rapport très franc. Je le remercie également de m’avoir invité en tant qu’expert à la réunion de la commission qui s’est tenue à Paris.

J’appellerai tout particulièrement votre attention sur les jeunes filles et les femmes touchées par cette crise. Des milliers de femmes sont contraintes à la prostitution et au mariage forcé. Il y a quinze jours, je me suis rendu en Jordanie. La première question que m’a posée le chauffeur de taxi était de savoir si je ne cherchais pas « une jeune femme pas chère ».

Dans le camp de Zaatari, six à dix naissances, conséquences de viols, sont enregistrées tous les jours. L’Union pour la Méditerranée doit prendre sa part de responsabilité vis-à-vis des réfugiés. Les camps sont des lieux de prostitution organisée. Cette situation inimaginable doit cesser immédiatement. Pour assurer la protection des jeunes femmes non accompagnées, nous avons besoin de toute urgence de camps. Dites-le à vos gouvernements.

Je ne contredis que très rarement l’avis des autres, mais je voudrais dire aujourd’hui que la Syrie ne connaît pas une guerre civile ; nous sommes en présence de chefs de guerre. La Syrie ne connaît pas une guerre de religion, mais subit la présence de groupes d’intérêts multiples. Un million de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et elles représentent de nombreuses religions et origines.

Il n’y aura pas de corridors de sécurité, pas d’assistance humanitaire tant que tous ces groupes seront présents. Il n’y a pas deux fronts, très clairs, qui se livrent une guerre civile. La situation est tout autre et il faut comprendre qu’elle durera vingt ans. Il nous faut donc trouver des solutions au long cours et des réponses d’urgence pour ces jeunes femmes non accompagnées.

M. CHAOUKI (Italie)* – Les premières manifestations en Syrie avaient pour objet de demander liberté et dignité pour le peuple syrien contre le régime de Bachar el-Assad. Il s’agissait de manifestations très pacifiques : nous avons entendu des poèmes, des chants, nous avons vu des étudiants non violents. C’est ainsi que la situation a commencé. Malheureusement, la réaction du régime a été brutale. C’est à ce moment-là que nous aurions dû réagir, et bien plus fortement vis-à-vis du régime de Bachar el-Assad, pour enrayer immédiatement cette violence. Soyons honnêtes et reconnaissons comment les choses ont débuté.

Les camps sont nombreux, les mouvements et les groupuscules multiples, les forces du régime brutales. La violence a dégénéré, elle ne peut être justifiée, elle est inacceptable.

Je remercie le rapporteur pour son travail qui met en lumière la situation des réfugiés. Nous avons visité de nombreux camps en Méditerranée. L’aide aux pays voisins de la Syrie doit être renforcée. L’urgence humanitaire est grande, qui risque fort de compromettre la stabilité du Liban, de la Jordanie et de la Turquie. Nous avons le devoir d’offrir des perspectives à court et à moyen terme à ces réfugiés syriens, car ce serait un leurre de croire que la situation politique évoluera dans un avenir proche.

Les seules contributions financières ne suffisent plus. Des plans d’accueil temporaire en Europe sont nécessaires pour recevoir les réfugiés. Des corridors humanitaires doivent être mis en place pour qu’ils arrivent en sûreté chez nous, protégés de la criminalité en bande qui tire grand profit des voyages dangereux qu’entreprennent les réfugiés.

L’Italie accueille des réfugiés, parmi lesquels des réfugiés palestiniens. J’appuie le paragraphe 12 qui appelle à la solidarité, à la générosité et à une répartition équilibrée entre les Etats. Nous devons donner un signal plus concret de partage de la responsabilité entre les pays européens, Etats membres du Conseil de l'Europe.

M. MIGNON (France) – Je voudrais tout d’abord remercier la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et, d’une manière générale, l’ensemble des commissions de notre Assemblée qui réalisent un travail énorme. Si nous devions dire aujourd’hui laquelle de ces commissions est la plus importante, nous serions bien gênés, car force est de constater que chacune, dans son rôle, réalise un travail remarquable.

Une nouvelle fois, nous allons parler de la situation de ces femmes, des ces hommes, de ces enfants que l’on appelle « des réfugiés » ou « des personnes déplacées ». Il est incroyable qu’en 2014, une commission soit obligée de se consacrer à la situation et au devenir de ces personnes. Le mot « réfugié » est terrible. Des femmes, des hommes, des enfants sont contraints de fuir leur pays, d’être déracinés, de se réfugier pour vivre dignement et sans risquer leur vie au quotidien. Nous sommes en 2014 ! Quelles autres assemblées traitent de ce type de sujet ? Il n’y a que nous pour le faire. Reportons-nous à tous les débats que nous avons eus depuis quelques années sur la Syrie, ne serait qu’en octobre dernier au titre de la procédure d’urgence, dans cet hémicycle. Reportons-nous au travail réalisé par la commission des migrations et par la sous-commission, que j’ai accompagnées, notamment en Grèce afin de visiter des camps.

Se rend-on bien compte de la portée du mot « camp » ? Nous sommes obligés d’installer dans des camps, dans des conditions ô combien précaires, des femmes, des enfants, des hommes déracinés, qui ignorent le plus souvent ce qu’est devenue leur famille, qui ignorent s’ils ont encore une mère et un père.

J’étais avec Mme Strik et bien d’autres en Grèce. Nous ne pouvons que saluer l’action de pays comme la Grèce, la Turquie, l’Italie, la Bulgarie et Malte. Ils accueillent ces réfugiés qui ne savent plus où aller. Il serait bon que nos parlements respectifs inscrivent ces mêmes sujets à leur ordre du jour et qu’ils se rendent compte de ce qui se produit, car nous ne pouvons pas nous contenter chaque jour de regarder ce qui se passe en direct à la télévision ou sur les réseaux sociaux.

Demain, nous allons commémorer un dramatique anniversaire, celui de la libération des camps. Or nous sommes en 2014 et nous – je parle aussi bien des Occidentaux que du reste du monde – ne sommes toujours pas à même de dire enfin : « Plus jamais ça ! ».

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Il ne fait aucun doute que les événements en Syrie, en ce début de xxie siècle, constituent une véritable tragédie. Je suis fier que mon pays ait réussi, avec le soutien de la Grande-Bretagne, à éviter le bombardement de ce pays.

Nous savons ce qui s’est passé en Syrie. Nous sentions depuis déjà longtemps ce qui se préparait. Il aurait fallu, à l’époque, prendre les mesures nécessaires afin d’aider le pouvoir à sortir de la crise politique, à entamer des négociations et à engager les réformes politiques nécessaires dans ce pays. Mais tout le monde est resté les bras croisés ; nous avons considéré que cela se passait loin de chez nous et nous n’avons rien fait. Aujourd’hui, il y a des millions de réfugiés. Après des milliers d’années de civilisation, nous sommes toujours incapables de lutter contre des actes barbares tels que ceux-là. A chaque vacance du pouvoir, on observe des actes semblables.

Il est extrêmement difficile de réunir autour de la même table le pouvoir et les autres acteurs de la crise, mais nous y arriverons, afin que les différentes parties se parlent, qu’elles surmontent la crise et mettent un terme à cette véritable tragédie humanitaire. M. Mignon a tout à fait raison de dire que nous n’avons pas accompli la mission qui nous incombait.

Le rapport dit, à très juste titre, que tous les Etats doivent aider les citoyens syriens – et avant tout les enfants et les femmes – à sortir de cette situation ô combien difficile. Il faut veiller à ce que leurs besoins de base soient satisfaits, en particulier les soins médicaux et l’alimentation. Nous devons œuvrer ensemble pour aider ce pays à sortir de la crise ; nous devons absolument créer les conditions à même de la résoudre.

J’aimerais que ce processus s’achève le plus rapidement possible. En tant que parlementaires, il nous faut jouer un rôle actif : pas question que nous restions à l’écart, à lire tranquillement nos journaux devant la télévision. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour que la situation de la région se stabilise et que le calme revienne et pour aider la population.

Mme AMBLER (Canada, observateur)* – La crise des réfugiés syriens nous rappelle que tout échec politique et diplomatique a des conséquences dramatiques. Cela dit, les efforts permanents que déploie cette Assemblée pour venir en aide aux réfugiés syriens qui souffrent de ce conflit armé me donnent du courage. Nos rapporteurs ont accompli un travail considérable pour essayer de bien comprendre le sort des Syriens. Près de 3 millions ont quitté leur pays et 6,5 millions sont déplacés à l’intérieur – je ne parle même pas des 120 000 morts.

Les principales victimes du conflit sont les enfants. Toute une génération n’aura connu que la guerre : des écoliers, mais aussi des étudiants, ne peuvent plus suivre les cours car leurs établissements sont des cibles. De plus, il n’est pas possible de leur prodiguer des soins, faute de médicaments et de vaccins. On a même signalé des cas de polio, les premiers depuis des décennies.

En ce qui concerne plus particulièrement les réfugiés, leur situation est, dans le meilleur des cas, précaire. Il est vrai que certains pays – le Liban, la Jordanie, l’Irak ou encore la Turquie –, les ont accueillis en masse, mais ces pays eux-mêmes sont, de ce fait, en difficulté. Il faut rendre hommage à leur générosité, mais ce n’est qu’une solution temporaire.

La communauté internationale a essayé de venir au secours des personnes les plus démunies. Le Canada a ainsi versé 350 millions de dollars canadiens et accueilli des Syriens en grand nombre. Mais cela ne suffit pas : nous devons poursuivre nos efforts. La communauté internationale est inquiète, mais, malgré tous les efforts déjà déployés, elle n’arrive pas vraiment à aider les Syriens restés sur place, parce qu’il n’y a pas d’accès vraiment sûr et que toutes sortes d’obstacles – matériels et bureaucratiques – se dressent. Il serait grand temps de faire en sorte que les Syriens ne souffrent plus inutilement. Pour cela, l’action de la communauté internationale doit être plus efficace. L’aide humanitaire est une très bonne chose, mais ce n’est qu’un pis-aller : il faut trouver une solution politique définitive. Malheureusement, on constate dans les groupes d’opposition syriens une montée en puissance des djihadistes et l’aide, quand elle arrive, risque d’être détournée. Il faut que les Syriens puissent piloter eux-mêmes la transition politique dans leur pays pour que la paix revienne aussi vite que possible dans un pays libre, démocratique et pluraliste.

Mme SCHOU (Norvège)* – C’est avec tristesse que nous prenons connaissance du contenu du rapport de M. Bockel. Malgré les efforts déployés dans le cadre des négociations de Genève 2, la situation continue à se détériorer en Syrie. Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur des frontières augmente et, pour la plupart des personnes concernées, la situation est extrêmement difficile. Notre débat d’aujourd’hui arrive à point nommé, puisqu’il se déroule peu après la conférence internationale concernant les problèmes humanitaires. En tant que parlementaires, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour encourager nos gouvernements à contribuer à atteindre l’objectif de 6,5 milliards de dollars.

Le seul point positif de ce rapport est que la Turquie semble gérer plutôt bien les camps. Mais les défis sont de plus en plus considérables à mesure que le nombre de réfugiés augmente. La description que fait M. Bockel de la situation au Liban ne peut pas être considérée comme positive. Il peint en effet un tableau sombre ; les réfugiés vivent dans des conditions précaires. La communauté internationale doit unir ses efforts pour éviter que cette crise ne s’aggrave et n’ait des conséquences sur la sécurité du Liban, mais aussi de tous les Etats voisins de la Syrie.

Contribuer à l’aide humanitaire est important et accueillir les réfugiés syriens et alléger le fardeau qui pèse sur les pays voisins l’est tout autant, mais trouver une solution politique à ce conflit qui perdure l’est plus encore. Les civils sont pris pour cible, de même que les personnes venus apporter leur aide et les installations médicales. La Syrie est en train de détruire son propre peuple et son avenir même.

Certes, il est positif que les différentes parties aient pu être réunies à Genève, mais il est décourageant de voir qu’elles semblent très éloignées les unes des autres. L’espoir de parvenir un jour à un accord négocié est extrêmement ténu. Børge Brende, ministre des affaires étrangères norvégien, l’a dit lors de la Conférence des donateurs : « Nous, la communauté internationale, nous le devons au peuple syrien. Nous devons continuer à défendre la dignité humaine. Nous devons faire tout notre possible pour apporter notre soutien aux efforts qui sont faits pour parvenir à la paix par la négociation. Nous devons contribuer afin que le fardeau qui pèse sur les pays voisins de la Syrie soit allégé. Nous devons également aider directement les réfugiés. »

Je vous encourage donc à lancer un appel à vos gouvernements afin qu’ils contribuent au règlement de la crise des réfugiés, et à soutenir le projet de résolution proposé par M. Bockel.

M. Flego, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. ROUQUET (France) – Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cet important travail qui nous rappelle combien le conflit syrien est, plus que jamais, la plus grande catastrophe humanitaire de ce début de xxie siècle. La solidarité exemplaire dont font preuve les pays voisins de la Syrie ne doit pas nous faire oublier que le drame syrien nous concerne tous !

La situation des déplacés internes, qui représenteraient plus de 4 millions de personnes, m’inquiète particulièrement. Certes, le HCR a lancé un Plan national de réponse et d’assistance humanitaire pour la Syrie, destiné à pourvoir aux besoins d’urgence en matière de soins de santé, d’abris et de fournitures de protection contre le froid hivernal, à l’exception de l’aide alimentaire laissée au soin d’organisations régionales. Toutefois, le conflit et l’intensité des combats rendent très difficiles les opérations destinées aux déplacés internes. L’insécurité restreint considérablement les déplacements à travers le pays, les communications sont souvent interrompues et l’accès du HCR aux populations ciblées par l’aide s’en trouve limité.

C’est la raison pour laquelle le HCR s’appuie sur des partenaires nationaux, notamment le Croissant-Rouge arabe syrien, et sur les ONG implantées localement pour prendre le relais sur le terrain. Sans le courage de ces hommes et de ces femmes qui tentent d’acheminer l’aide jusqu’aux déplacés internes, souvent au péril de leur vie, la solidarité internationale serait un vain mot !

À ces difficultés, s’ajoute le nombre important de déplacés syriens – de plus de 250 000, selon les estimations du HCR –, qui vivent dans une situation d’assiégés dans des zones de combats intenses et qui sont donc totalement hors de portée de toute opération d’aide humanitaire. Malgré tous ces obstacles, le HCR espère en 2014 apporter son assistance à plus de 3 millions de personnes déplacées sur un total estimé de 4,2 millions.

Monsieur le rapporteur, vous rappelez le soutien de notre Assemblée à l’appel de M. Beyani aux parties en conflit afin de permettre d’aider les personnes déplacées. La « tractation de Homs », obtenue par le médiateur de l’Onu, M. Brahimi, ces derniers jours à Genève, est peut-être un premier pas pour que les convois humanitaires puissent, enfin, accéder aux populations assiégées. Je regrette d’ailleurs que seul le cas de Homs ait été évoqué pendant la Conférence Genève 2.

La tragédie humanitaire que vit le peuple syrien ne sera, bien sûr, résolue que si la paix revient, mais chaque jour, chaque minute, des hommes, des femmes, des enfants syriens sont contraints de quitter leur pays, de se terrer sous les bombes et, malheureusement, beaucoup meurent. Il devient urgent d’agir !

Mme JOHNSEN (Norvège)* – Merci, monsieur Bockel, pour votre excellent rapport. J’appuie entièrement votre projet de résolution.

La crise humanitaire en Syrie est la pire que nous ayons connue depuis le début de ce siècle. C’est une tragédie, en particulier pour les enfants et les jeunes. Quotidiennement, on nous parle d’atrocités et les statistiques des personnes qui quittent le pays ne cessent d’augmenter : 2,2 millions de Syriens ont fui leur pays, dont 1,1 million d’enfants, et près de 7 millions de Syriens ont besoin d’aide.

En fait, les solutions ne pourront être trouvées que sur le terrain politique, mais cela prendra du temps et, en attendant, les membres des organisations humanitaires font tout ce qu’ils peuvent en Syrie, mettant leur vie en jeu. Ils font preuve d’un courage considérable et méritent pour cela toute notre gratitude et notre respect. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les travailleurs humanitaires qui interviennent dans les pays voisins de la Syrie, et il est vrai que le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Irak font tout ce qu’ils peuvent pour aider ces réfugiés syriens.

C’est pour ces pays un lourd fardeau et ils méritent notre appui.

Nous savons bien qu’en Syrie même, les hôpitaux ne fonctionnent plus, les médecins se sont enfuis et le système éducatif fonctionne très difficilement. En fait, 1,1 million d’enfants ne sont plus scolarisés et risquent de devenir illettrés. Ils sont aussi traumatisés, cette expérience terrible va les marquer à vie. Voilà pourquoi je dis qu’il faut lancer un programme d’éducation prioritaire pour ces enfants, pour ces jeunes dans les pays qui les accueillent et faire un effort pour les Syriens déplacés à l’intérieur des frontières du pays.

L’Onu estime que 6,5 milliards de dollars seront nécessaires pour faire face aux conséquences de la crise humanitaire. La Norvège y contribue à hauteur de 75 millions. C’est un début ! L’aide humanitaire est une question de vie ou de mort pour les réfugiés et tous les pays doivent apporter leur contribution.

Comme le dit le rapport, les premières victimes sont les femmes et les enfants. Ils ont besoin d’une protection adéquate. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, les jeunes femmes notamment se trouvent en position très vulnérable. Ces femmes et enfants qui demandent l’asile doivent être prioritaires dans tous les pays d’Europe et, pour ce faire, nous devons accroître nos capacités d’accueil de réfugiés syriens en Europe.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – C’est un peu devenu un cliché que de dire que cette guerre terrible qui déchire la Syrie ne peut être résolue que par les Syriens, même si cela a pris un peu de temps. Vous vous souviendrez peut-être qu’un mois avant notre précédent débat sur ce sujet, à l’automne dernier, on envisageait un bombardement de la Syrie. Cela aurait été absolument désastreux. On n’a pas décidé de le faire et je me félicite de l’action menée par nos amis russes et de celle conduite par les Etats-Unis et la Russie, ainsi que par d’autres pays, pour éliminer les armes chimiques.

À notre échelle, le mieux que nous pouvons faire est de nous concentrer sur la crise humanitaire. Le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 600 millions de livres, 320 000 personnes ont reçu une aide alimentaire et des milliers d’entre elles ont pu avoir accès à une aide médicale. Car je ne pense pas qu’envoyer davantage d’armes dans cette société qui en est déjà inondée permettrait de résoudre la crise.

On ne doit pas dire non plus qu’il faut accepter un très grand nombre de réfugiés sur notre territoire, car plus personne ne le fera. Le Royaume-Uni en accueille déjà plusieurs centaines, tout comme la France. Nous prenons tous notre petite part pour éviter qu’un grand nombre d’entre eux soient traumatisés. Mais la seule solution pour nous, si tant est qu’il y en ait une, est de nous concentrer sur l’aide humanitaire.

Pour revenir sur ce que disait M. Mignon, on peut bien sûr éprouver beaucoup de colère en constatant que des camps de réfugiés existent encore au xxie siècle, mais il faut être réaliste et nous concentrer sur l’aide humanitaire. M. Obama fait pression sur M. Assad pour que des corridors soient organisés, et c’est très bien. Mais nous, Européens, ne sommes que des spectateurs et, compte tenu de nos ressources limitées, tout ce que nous pouvons faire est d’apporter notre aide à ceux qui en ont le plus besoin.

Mme MULIĆ (Croatie)* – Ces deux rapports sur la situation des réfugiés syriens sont très inquiétants. La communauté internationale doit apporter des réponses déterminées aux questions soulevées par cette crise. Dans la mesure de ses moyens, la Croatie s’efforce quant à elle d’atténuer les souffrances des victimes du conflit syrien, notamment en favorisant les regroupements familiaux.

Lors de la dernière réunion de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, des représentants d’ONG syriennes avaient mis en garde contre la concurrence entre les organisations humanitaires. On peut comprendre leur amertume. Une approche intégrée à moyen et long termes est évidemment indispensable et sera bien plus efficace. Nous devons aussi rappeler que les femmes sont les principales victimes de ce conflit. Elles sont utilisées comme armes de guerre, violées, mariées de force, contraintes à se prostituer et victimes de répudiation, sans parler de la malnutrition et des maladies qui les frappent.

Les pays membres du Conseil de l’Europe doivent aider financièrement et matériellement les pays qui accueillent le plus grand nombre des réfugiés syriens. Le fardeau doit être partagé. Il faut en outre donner un véritable droit d’asile aux réfugiés, en particulier aux femmes. Tout doit être fait pour que les enfants syriens aient accès à l’éducation. J’ai moi-même été une réfugiée il y a plus de vingt ans. Le pays que je représente aujourd’hui m’a octroyé le statut de réfugié et scolarisé. C’est grâce à lui que je suis devant vous aujourd’hui !

M. TRIANTAFYLLOS (Grèce)* – Je remercie M. Bockel pour son travail très complet et je félicite le Commissaire aux droits de l’homme pour sa prise de position aujourd’hui, mais aussi pour les efforts qu’il a déployés tout au long de sa mandature afin de protéger les droits de l’homme au quotidien et de faire évoluer les mentalités sur la question de la migration en Europe.

Je viens d’une île du nord de la mer Égée. Ce que vous décrivez, je le vois tous les jours ! Des hommes et des femmes qui ont vu l’horreur de la guerre, des enfants dont le regard est empli de souffrance, débarquent chaque jour sur Chios, mon île. Les habitants, l’église, l’armée, chacun se mobilise pour leur offrir un repas, et les marins tentent de sauver les embarcations qui se sont perdues dans les eaux sombres de la mer Égée. Ces personnes dignes, qui luttent avec les vagues, ne doivent pas être refoulées ! La communauté internationale doit exiger le cessez-le-feu en Syrie et appuyer les pays voisins de la Syrie qui accueillent ces réfugiés. La société européenne elle-même doit aider les réfugiés syriens.

Le Conseil de l’Europe a pris des positions importantes sur les réfugiés syriens. Le moment est venu de leur donner corps dans la pratique !

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je remercie les deux rapporteurs pour leur travail. Le problème des réfugiés syriens a des conséquences sur les communautés des pays voisins. Les femmes et les enfants sont les premières victimes du conflit. Comme l’a dit notre collègue italien, il y a également en Syrie des réfugiés palestiniens. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient le sait bien. Une pression s’exerce d’ailleurs sur les autorités palestiniennes, la Jordanie, le Liban et sur tous les pays dans lesquels se trouvent des réfugiés palestiniens.

Je suis sans doute naïf, mais je pense que la solution n’est pas seulement d’accepter des réfugiés syriens en Europe. Elle est aussi de s’interroger sur la manière dont ils pourraient être rapatriés en Syrie. Il existe des zones relativement en paix dans le pays. Il faut faire pression sur le gouvernement syrien et sur les groupes d’opposition afin qu’ils saisissent l’importance de faire revenir les populations dans les villes et les villages.

Les efforts déployés par les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne pour aider les réfugiés syriens doivent être salués, mais nous devons surtout nous concentrer sur la solution politique. Nous avons un rôle essentiel à jouer, tout comme la Russie et les Etats-Unis, pour que la conférence de Genève aboutisse à une conclusion positive, pour le bien de la population syrienne.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – La question des réfugiés syriens pose aussi des problèmes au Maroc, qui reçoit de nombreuses familles. La position du Maroc vis-à-vis du drame syrien en général comporte deux aspects. Du point de vue politique, tout d’abord, le Maroc fait partie du Groupe des amis du peuple syrien, qui a tenu conférence à Marrakech. Le Maroc soutient toute initiative capable de ramener la stabilité en Syrie et de confirmer la souveraineté et le libre choix du peuple syrien. Du point de vue humanitaire, le Maroc appelle à établir un mécanisme de protection des civils afin de venir en aide à ceux qui en ont besoin. Le Royaume a décidé, le 10 août 2012, d’ouvrir un hôpital dans l’immense camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie, où sa Majesté le roi a effectué un déplacement. Selon le médecin-chef, l’hôpital reçoit quotidiennement 1 000 à 1 200 réfugiés et a fourni jusqu’en juillet 2013 pas moins de 238 880 prestations médicales.

Par ailleurs, plusieurs milliers de réfugiés syriens sont arrivés au Maroc au début de la guerre, fuyant les atrocités, et continuent d’affluer. Selon plusieurs ONG, le nombre de Syriens entrés au Maroc, en particulier par la frontière fermée avec l’Algérie, est en augmentation croissante. À ce jour, près de 5 000 familles, demandeurs de cartes de résident et demandeurs de cartes de réfugiés, ont déposé une demande de régularisation dans le cadre de nouvelles dispositions. En attendant l’instruction des dossiers, le Maroc fait de gros efforts pour accueillir ces réfugiés.

Enfin, notre pays est en train d’adopter un dispositif législatif et institutionnel concernant les réfugiés et les immigrés en général. Nous sollicitons le soutien du Conseil de l’Europe et de votre Assemblée pour élaborer cette nouvelle politique.

Mme AL-ASTAL (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Merci, Monsieur Bockel, pour ce rapport très important. La crise syrienne dure depuis trop longtemps ; son coût humanitaire est inacceptable. Les principales victimes sont les femmes et les enfants, qui représentent les trois quarts environ des réfugiés. Les réfugiés manquent de nourriture, de vêtements, de logements décents. Bien des femmes sont mariées de force, victimes d’abus sexuels ; les enfants sont privés de soins et d’éducation, voire victimes eux aussi de violences et de crimes sexuels.

J’aimerais parler des réfugiés palestiniens qui étaient déjà présents en Syrie, en particulier dans le camp de Yarmouk. Depuis le début du conflit, ils ont dû fuir et se sont dispersés, notamment au Liban, où ils vivent dans des conditions très difficiles étant donné les problèmes que connaît ce pays. Quant aux 20 000 réfugiés restés à Yarmouk, ils souffrent beaucoup au quotidien. Depuis six mois au moins, des groupes paramilitaires empêchent l’aide humanitaire de leur parvenir, surtout les convois de nourriture. On déplore de nombreux cas de malnutrition et de maladies liées au manque de soins. Je lance donc un appel à la solidarité envers les réfugiés palestiniens en Syrie, en particulier dans ce camp, et je demande aux belligérants de respecter le droit humanitaire, dont les conventions de Genève, en laissant les convois y accéder, surtout pour les femmes, les enfants et les autres personnes vulnérables. Il est indispensable que les denrées de première nécessité leur parviennent. Je demande aux conférenciers de Genève 2 de ne pas oublier ce problème.

LE PRÉSIDENT* – M. Bensaid, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée.

Monsieur Muižnieks, souhaitez-vous brièvement réagir aux propos des orateurs ?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Merci, Monsieur le Président.

Nous sommes, il est vrai, essentiellement spectateurs des événements qui se déroulent en Syrie, mais nous pouvons en devenir acteurs afin d’améliorer le sort des réfugiés. Que peut donc faire le Conseil de l’Europe ? La Banque de développement, le Comité européen pour la prévention de la torture, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, mon bureau peuvent jouer leur rôle, chacun dans son domaine.

Mais le plus important est l’action des membres de l’Assemblée parlementaire, que j’encourage à poser à leurs gouvernements respectifs les questions suivantes. Combien de réfugiés ont été accueillis dans le pays ? Y sont-ils protégés comme il se doit ? Si le pays est un pays de transit et non de destination, n’est-ce pas parce que ses procédures sont inappropriées, ses structures d’accueil défectueuses ? Permet-il aux réfugiés de s’intégrer ? Les réfugiés sont-ils repoussés, qu’ils arrivent par voie maritime ou terrestre ?

Des débats toxiques ont lieu, des stéréotypes circulent sur l’islam et les musulmans. Ce n’est alors plus seulement l’aspect humanitaire qui est en jeu, mais bien les droits de l’homme, dont le droit de demander l’asile, de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants. Comment pouvons-nous faire respecter ces droits dans nos Etats membres ? Telles sont les questions que nous devons nous poser.

LE PRÉSIDENT* – J’appelle la réponse du rapporteur. Il vous reste cinq minutes, Monsieur Bockel.

M. BOCKEL (France), rapporteur – Il est encourageant de constater que la plupart des interventions sont allées dans le même sens. Cela conforte l’unité d’expression de notre Assemblée sur ce sujet majeur, qui appelle de ma part quelques remarques.

Le Commissaire aux droits de l’homme a évoqué la question du devoir d’accueil en Europe d’un certain nombre de réfugiés. Certains pays se sont engagés peu ou prou, pas assez. C’est une vraie question. Nous devons avoir à l’esprit que la plupart des réfugiés n’ont sans doute pas vocation à rester en Europe et retourneront chez eux. Mais, à court terme, la question humanitaire se pose pour ces millions de personnes.

On a parlé du couloir humanitaire d’Oms. De tels couloirs sont nécessaires à d’autres endroits. Le problème doit être mis sur la table à la Conférence Genève 2.

J’ai parlé dans ma présentation de grands pays pouvant faire pression sur le régime syrien au sujet des questions humanitaires et politiques. Plusieurs d’entre vous ont été plus explicites en citant la Russie. Ils ont eu raison. Nous attendons beaucoup de ces pressions.

Monsieur Osborne et un collègue autrichien ont parlé de la situation des femmes, particulièrement des violences sexuelles, des mariages forcés, de la prostitution, y compris des mineures. C’est un drame dans le drame qui nécessite des réponses spécifiques et rapides.

Plusieurs collègues ont insisté sur la nécessité d’une bonne coordination européenne pour l’aide aux pays concernés, en tenant compte de ce que chacun peut faire. C’est aussi un vrai sujet.

Monsieur Fournier a évoqué l’insuffisance de l’aide humanitaire de base, à savoir l’aide alimentaire, le HCR étant arrivé à la limite de ses moyens. Certains réfugiés se retrouvent privés d’aide alimentaire. C’est une question urgente.

Je ne reviens pas sur les propos marginaux de certains orateurs, rares au demeurant, faisant l’amalgame entre réfugiés et terroristes. Ce n’est pas la peine de donner de l’importance à cela.

Dans le contexte de Genève 2, la question humanitaire nous amène à parler politique, ce qui est une bonne chose, car nous sommes ainsi dans notre rôle. Il faut s’assurer que les aides arrivent à destination et les suivre. J’espère que le Conseil de l’Europe aura toujours un mandat pour ce travail de suivi, en complément de votre engagement très fort qui nous a marqués aujourd’hui, Monsieur le Commissaire.

Monsieur Rouquet a évoqué la question des déplacés internes : elle est majeure et nous ramène à la politique et aux pressions. Il faut le souligner très fortement ce soir.

Madame Johnsen a rendu hommage aux humanitaires. Nous pouvons exprimer notre admiration pour leur courage et l’efficacité de leurs efforts. Mme Mulić a eu raison de souligner la différence majeure entre les camps où les enfants peuvent aller à l’école et ceux où ils ne le peuvent pas. Pour l’avenir, cela nous oblige.

Ce qui a été dit par un de nos collègues palestiniens sur la spécificité de ces réfugiés doit être souligné. Enfin, je salue l’engagement remarquable du Maroc, notamment sur le plan sanitaire. Plusieurs collègues l’ont constaté, notamment en Jordanie.

M. MARIANI (France), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – Je remercie les orateurs pour leur intervention, et plus spécialement le Commissaire aux droits de l’homme et mon compatriote Jean-Marie Bockel, ainsi que le rapporteur de la commission des questions politiques pour son avis très pertinent et pour les amendements qui vont compléter le texte à bon escient. Notre commission les a examinés aujourd’hui et approuvés.

Le conflit syrien entre dans sa quatrième année. Force est de constater que les réfugiés continuent à arriver de plus en plus nombreux. Selon les chiffres du HCR qui ont été rappelés, leur nombre a augmenté de 340 % en 2013. Comme plusieurs des orateurs, je lance un appel à la solidarité des Etats. Il ne s’agit pas seulement d’aide humanitaire mais aussi de tenter de préserver la fragile stabilité d’une région stratégique, menacée par tous les extrémismes, aux frontières de notre continent.

J’insiste sur la nécessité de continuer à examiner la situation des réfugiés syriens notamment celle des groupes vulnérables, en particulier des enfants migrants non accompagnés et des femmes qui subissent des violences. Nous avons entendu des témoignages qui ne doivent pas nous laisser indifférents. Il nous appartient en tant qu’organisation pour la défense des droits de l’homme de continuer à nous battre pour que ces violences cessent.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel six amendements et un sous-amendement écrit ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées demande l’application de l’article 33-11 du Règlement, les amendements 1, 6, 4 et 3 sur le projet de résolution ayant été adoptés à l’unanimité par la commission. C’est bien cela, Monsieur le président ?

M. MARIANI (France), président de la commission – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* - Ils sont ainsi rédigés.

L’amendement 1, déposé par la commission des questions politiques et de la démocratie, tend, dans le projet de résolution, avant le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « L'Assemblée parlementaire a traité de la situation des réfugiés syriens dans sa Résolution 1902 (2012) sur la réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie, qu’elle a adoptée en octobre 2012; dans son débat d'actualité d’avril 2013 sur les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak: comment organiser et soutenir l'aide internationale ?; dans sa Résolution 1940 (2013) sur la situation au Proche-Orient, adoptée au mois de juin 2013; et dans sa Recommandation 2026 (2013) sur la situation en Syrie, adoptée en octobre 2013. »

L’amendement 6, déposé par M. Aligrudić, Mme Miladinović, MM. Harutyunyan, Ilić, Timchenko, Mme Kazakova, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée salue le démarrage de la Conférence internationale de paix pour la Syrie à Montreux, et le lancement du processus de dialogue entre les Syriens sur la base du Communiqué de Genève du 30 juin 2012, renforcé par la Résolution du 27 septembre 2013 du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Assemblée espère que cette Conférence ouvrira la voie à une transition de la logique de guerre à une logique de paix, de stabilité et de réconciliation, et permettra de construire une nouvelle Syrie au sein de laquelle tous les Syriens se sentiront bien ».

L’amendement 4, déposé par Mmes Strik, Arib, M. de Vries, Mme Maij, MM. Jónasson, Kox, von Sydow, Fenech Adami, Mme Tuiksoo, M. Villumsen, Mme Zappone, MM. Mendes Bota, Kalmár, Ghiletchi, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 12.12, à ajouter les mots suivants : « en faisant participer activement les femmes réfugiées syriennes à la gestion et à la prise de décision à l’intérieur des camps, en empêchant les mariages forcés et les mariages d’enfants, ainsi qu’en fournissant des installations sanitaires accessibles et sûres et en apportant un soutien psychologique aux femmes et enfants traumatisés. »

L’amendement 3, déposé par la commission des questions politiques et de la démocratie, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 12.15, à insérer le paragraphe suivant : « à veiller à ce que les conséquences humanitaires du conflit syrien, non seulement en Syrie mais aussi dans les pays voisins, et la nécessité d’une aide internationale d'urgence, soient inscrits à l'ordre du jour de la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2) ; »

En l’absence d’objection, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

LE PRÉSIDENT* – Les amendements 2 et 5 ont également été adoptés à l’unanimité par la commission. Toutefois, comme l’amendement 2 a fait l’objet d’un sous-amendement écrit et que la Présidence a été saisie d’une demande de sous-amendement oral sur l’amendement n°5, ces deux amendements seront discutés selon les modalités habituelles.

C’est bien cela Monsieur Mariani ?

M. MARIANI (France), président de la commission – Oui.

LE PRÉSIDENT*– L’amendement 2, déposé par la commission des questions politiques et de la démocratie, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée insiste sur le fait que seules des perspectives de paix et un règlement politique du conflit permettront de régler les problèmes que pose la situation dramatique des réfugiés et des personnes déplacées en Syrie et dans les pays d’accueil, et réaffirme son soutien à la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2). »

M. DİŞLİ (Turquie), rapporteur pour avis*– Il s’agit de trouver une solution politique lors de la Conférence de Genève 2.

LE PRÉSIDENT* – Le sous-amendement 1 à l'amendement 2, déposé par Mme Durrieu, Lord Donald Anderson, Mme Bakoyannis, MM. Kox, Loukaides, Baykal, tend, à la fin de l'amendement 2, à ajouter la phrase suivante : « Dans ce contexte dramatique, elle appelle tous les belligérants à arrêter les combats. »

Mme Durrieu n’étant pas là, le sous-amendement 1 est repris par M. Dişli.

M. DİŞLİ (Turquie), rapporteur pour avis* – C’est un appel à arrêter les combats. Nous sommes favorables à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. MARIANI (France), président de la commission – Avis favorable.

Le sous-amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. MARIANI (France), président de la commission – Avis favorable sur l’amendement 2 ainsi modifié.

L’amendement 2, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 5, déposé par MM. Makhmutov, Timchenko, Sidyakin, L. Kalachnikov, Romanovich et Burkov, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « La communauté internationale doit organiser une véritable aide humanitaire sur la base du droit international humanitaire et conformément à la déclaration faite le 2 octobre par le Président du Conseil de sécurité des Nations Unies ».

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Il convient en effet de rappeler les règles qui ont été établies et qui doivent fonder l’intervention de la communauté internationale.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, par M. Bockel, rapporteur, du sous-amendement oral suivant : « À l’amendement n°5, supprimer le mot "véritable" ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent. Ce n’est pas le cas.

M. BOCKEL (France), rapporteur – Le terme « véritable » pourrait laisser entendre que certaines aides ne le sont pas, ou qu’elles sont contestables. Ce n’est pas ce que nous pensons, et je ne crois pas que ce soit ce qu’ont voulu dire les auteurs de l’amendement. Il s’agit, non pas d’enlever de sa force à celui-ci mais d’éviter tout malentendu.

M. MAKHMUTOV (Fédération de Russie)* – Je suis d’accord avec le sous-amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

M. MARIANI (France), président de la commission – Avis favorable sur l’amendement 5 ainsi modifié.

L’amendement 5, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13372, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 93 votants.

3. Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ?

(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle un débat conjoint sur le rapport intitulé « Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes » et sur celui intitulé « Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? ».

Nous entendrons d’abord la présentation du rapport de Mme Kyriakidou, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13367).

À cette discussion sera jointe celle du rapport de Mme Strik sur « Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? », également présenté au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13361).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 heures 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Les rapporteures disposent chacune d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’elles peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Certains responsables politiques et médias proclament régulièrement haut et fort que les migrants sont un fardeau pour les sociétés d’accueil européennes. Certes, il faut prendre au sérieux certaines préoccupations, mais il existe aussi des preuves du contraire : les migrants ne pèsent pas sur les budgets des Etats d’accueil, au contraire ils apportent une contribution utile aux sociétés dans lesquelles ils vivent.

En préparant mon rapport, j’ai été surprise de constater à quel point de nombreux éléments montrent que les migrations peuvent être bénéfiques aux pays d’accueil et leur apportent beaucoup de richesses – mais cela n’est pas reconnu. D’où l’importance de ce débat, qui tombe à pic dans un contexte où les médias, les politiques et les observateurs en général se concentrent sur les aspects négatifs des migrations et sur les problèmes posés par les sociétés plurielles. Pour ma part, j’ai préféré essayer d’évaluer avec honnêteté les contributions des migrants aux Etats européens. Mon rapport vise à mettre en lumière un aspect des migrations qui a été trop négligé jusqu’à présent.

A partir du moment où l’on fait en sorte qu’ils puissent bien s’intégrer, les migrants sont bénéfiques à nos sociétés et apportent une contribution utile. Encore faut-il que l’on essaie vraiment de les accueillir dans de bonnes conditions ! Sinon, évidemment, il peut y avoir des échecs. Mais il faut les considérer comme une opportunité, pas comme un fardeau. Le nouveau gouvernement de coalition allemand l’a bien dit, sans pour autant ignorer qu’il s’agit aussi d’un défi.

Il faut mettre en place une politique d’intégration intelligente et efficace, une procédure bilatérale et non pas unilatérale.

Je donne de nombreux exemples des contributions qu’apportent les migrants à nos sociétés, sur le plan économique, social et sociétal. Economiquement, il est clair que les migrants ne sont pas un fardeau pour nous. L’OCDE, dans divers rapports, a démontré qu’en aucun cas, ces migrants ne constituent une source de dépenses et qu’ils ne sont pas une charge pour les systèmes sociaux. Sur le plan de l’emploi, il en va de même, car les migrants effectuent souvent des travaux que les autres ne veulent pas faire. Ils comblent donc des manques et apportent par leur travail une richesse. Ils ne représentent que 2,4 % de l’ensemble des travailleurs, mais sont très présents dans certains secteurs – la construction, le tourisme et l’agriculture, en tant que saisonniers. Les étudiants étrangers, quant à eux, contribuent à maintenir nos systèmes universitaires et enrichissent l’ensemble de la société d’accueil.

Les migrants représentent aussi une ouverture vers des marchés à l’étranger. En effet, ils se familiarisent avec nos produits et veulent ensuite les acquérir dans leurs pays. Tout ce brassage favorise en outre des relations internationales apaisées.

Et puis il y a un avantage démographique. Chacun sait que nos sociétés vieillissent et que cela va poser des problèmes dans les décennies qui viennent. Le nombre d’actifs risque de diminuer de 10 % dans les années à venir. Et l’on sait bien que les taux de fécondité ne permettent pas le renouvellement des générations dans bien des pays européens ; c’est le cas en Allemagne. Nous sommes donc confrontés à des défis considérables, que les migrations peuvent permettre à nos sociétés de surmonter. On estime qu’en Europe, on aura besoin, en 2050, de 40 millions de migrants, simplement pour maintenir notre état de prospérité.

Encore une fois, ne sous-estimons pas l’enrichissement culturel que représentent ces migrants. Combien d’artistes, de cinéastes, pourrions-nous citer qui ont des origines étrangères ? Tous ces migrants ont apporté une grande diversité à nos pays et ont constitué des opportunités pour des échanges interculturels et interreligieux fructueux.

Malgré tout cela, beaucoup décrivent les migrants de manière totalement erronée, comme un fardeau, et les rendent responsables de toutes les difficultés économiques de nos pays européens. Ils servent de boucs émissaires à des mouvements d’extrême droite qui trouvent dans ces arguments faciles un moyen d‘augmenter leur audience. A travers ce rapport, j’espère tordre le cou à certains mythes et préjugés.

Il faudrait que les médias soient encouragés à faire preuve de plus d’impartialité et d’objectivité et veiller à ce qu’ils évitent un certain vocabulaire. Il en va de même pour les politiciens : il faut faire très attention quand on parle de tels sujets. Ne permettons pas des discours extrémistes et xénophobes ; ils sont d’autant moins acceptables qu’un discours incendiaire ne peut qu’accroître encore les difficultés d’intégration de ces personnes. Les migrants, je le répète, doivent être une source de richesse et non pas un fardeau. Cela suppose d’investir dans des mesures favorables à leur bonne intégration. Il faut lutter contre toutes les formes de discrimination, promouvoir l’égalité et favoriser une participation démocratique citoyenne. Tout cela permettra à ces migrants de se sentir chez eux dans leur pays d’accueil.

Pour finir, je dirai un mot sur la situation très particulière des pays de la Méditerranée. Il est très important que les pays qui connaissent actuellement des tensions soient aidés par leurs partenaires. Il faut plus de solidarité entre pays européens à tous les niveaux. Cela doit conduire à une répartition plus équitable de la tâche et permettre à chacun de nos pays de mieux s’acquitter de ses obligations en matière de droits de l’homme à l’égard des migrants.

Enfin, je remercie très chaleureusement le secrétariat de notre commission pour son aide très précieuse.

LE PRÉSIDENT* – Madame la rapporteure, il vous restera deux minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Mme Strik, rapporteure de la commission des migrations va présenter maintenant son rapport « Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? ».

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Mes chers collègues, cela fait longtemps déjà que les pays européens tentent d’élaborer une politique de l’intégration qui serait appropriée. Nous avons en effet appris de notre passé que des mouvements migratoires mal préparés, mal accueillis peuvent véritablement endommager nos sociétés. En revanche, une intégration réussie et une participation réussie des migrants à nos sociétés s’avèrent très bénéfiques pour nos pays. Mais pour arriver à ce niveau d’intégration, il faut que des efforts soient déployés par tous les acteurs : les autorités, les citoyens du pays d’origine et les migrants. Ces derniers doivent apprendre la langue du pays de résidence et chercher à connaître la société d’accueil.

De leur côté, les autorités doivent s’occuper d’organiser cet apprentissage. Des efforts doivent donc être faits des deux côtés.

Les pays développent leurs propres politiques d’intégration en tâtonnant. Or, ces dernières décennies, des pays ont davantage mis l’accent sur la responsabilité des migrants que sur la responsabilité du pays d’accueil. Plutôt que l’objectif d’intégration, ce sont alors de plus en plus les conditions imposées aux migrants qui font l’objet de toutes les attentions. Une telle approche n’est pas efficace. Je vais vous expliquer pourquoi.

Dans un certain nombre de pays du Nord, y compris les Pays-Bas, les membres de la famille des migrants qui habitent en dehors de l’Europe doivent passer un examen d’intégration avant d’être autorisés à rejoindre leur famille en Europe. En Allemagne et en France, des cours de langues sont organisés en dehors d’Europe. Mais pour des pays tels que les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et le Royaume-Uni, ce système n’existe pas. De plus, le niveau des tests s’est élevé au cours de ces dernières années de sorte que de plus en plus de gens échouent à ces tests. Il arrive ainsi souvent que l’un des époux ne réussisse pas l’examen. Les personnes illettrées, les analphabètes, les personnes âgées ont évidemment le plus grand mal à réussir ces tests.

Les migrants qui vivaient dans un pays en guerre ou juste après une guerre se retrouvent dans une situation particulièrement difficile. Certains ont même des difficultés à arriver jusqu’à l’ambassade pour passer le test et l’occasion de le passer peut ainsi être reportée pendant très longtemps. Parfois même, le migrant n’a pas la possibilité du tout de passer ce test.

Le Conseil de l'Europe s’est engagé en faveur du droit à une vie familiale, conformément à l’article 8 de la Convention sur les droits de l’homme. Les Etats membres de l’Union européenne sont allés plus loin en créant le droit au regroupement familial. Nous savons à quel point c’est important, car les personnes s’épanouissent en vivant en famille et les enfants s’intègrent ainsi plus rapidement. Nous avons donc créé des droits pour les migrants mais en même temps nous avons créé des obstacles pour l’exercice de ceux-ci ! Du fait de cette politique, le droit à la vie familiale devient un droit sélectif, un droit dont ne peuvent jouir que les jeunes migrants ou les migrants riches et les plus éduqués. C’est là une conclusion qui ne peut être acceptée par le Conseil de l'Europe.

Les tests d’intégration sont un problème à l’entrée, mais aussi par la suite, car les migrants doivent les passer dans des délais limités et, s’ils ne le font pas, ils risquent l’expulsion. C’est ainsi que la pression qui s’exerce sur eux est considérable et a bien souvent un effet contreproductif, car ils ne se sentent pas en sécurité du tout. On peut pousser pour que les uns et les autres s’intègrent, mais si vous poussez jusqu’à menacer, vous n’arriverez pas à obtenir cette intégration et les migrants ne participeront pas à la société.

L’intégration est avant tout un processus psychologique, susceptible d’être stimulé par une politique plus accueillante, un système éducatif performant, l’accès au marché du travail et la lutte contre la discrimination. Le fait de se sentir en sécurité dans le pays de résidence est extrêmement important pour les migrants qui investissent leur avenir en Europe. Le titre de séjour permanent offre cette sécurité et favorise l’intégration. Les employeurs préfèrent les migrants qui ont ce statut et les banques l’exigent avant d’accorder un prêt aux migrants qui souhaitent acheter un logement.

Le fait d’acquérir la nationalité d’un pays offre encore plus de sécurité et il offre en outre le droit à la participation politique. Il est important que les migrants se sentent partie intégrante de la société d’accueil. Il convient de prendre en compte les différents niveaux d’éducation, de qualification et de compétences des migrants.

Autre problème : que mesurer et comment le mesurer ? Une personne n’est pas nécessairement parfaitement intégrée quand bien même elle répond correctement à des questions extrêmement difficiles sur l’histoire nationale d’un pays donné ou sur sa culture. Et si elle ne sait pas répondre à ces questions, cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’est pas bien intégrée. Dans de nombreux cas, les citoyens du pays d’accueil eux-mêmes ne sauraient pas répondre à ces questions ! Et inversement, des personnes illettrées peuvent parfaitement se débrouiller dans une société et nouer de nombreux contacts sociaux. Je crois donc qu’il est nécessaire de faire très attention lorsque l’on sélectionne les indicateurs destinés à mesurer le niveau d’intégration d’une personne donnée. C’est d’autant plus important lorsque les résultats d’un test ont des conséquences sur le droit de séjour d’un migrant.

Ces dix dernières années, le niveau des tests pour séjour permanent et pour naturalisation s’est considérablement élevé. La même formule s’applique à tous, aucun élément individuel n’est pris en considération. Si une personne n’a pas été à l’école, si elle a été traumatisée en tant que refugiée, elle doit tout de même passer ce test. On se rend compte à l’heure actuelle qu’il y a bien moins de demandes de séjour permanent et de naturalisation. Cela signifie que de plus en plus de migrants sont dans une situation extrêmement précaire pendant des années, voire de façon permanente. La plupart d’entre eux ne quitteront pas le pays, mais il leur sera encore plus difficile de s’intégrer. Cela a un impact non seulement pour eux, mais sur l’ensemble de la société.

Les conclusions de votre rapporteure sont les suivantes : pour ce qui est du lien entre les tests d’intégration et le droit de séjour, notre politique d’intégration est allée trop loin, car elle sape les droits humains et peut faire obstacle à l’intégration. Les tests peuvent être utilisés dans le cadre de la politique d’intégration, mais ils devraient l’être uniquement pour mesurer les compétences linguistiques, afin d’offrir des formations à un niveau adéquat. Ils ne devraient en revanche pas être utilisés en tant qu’outils de politique d’immigration, notamment pas pour le regroupement familial, faute de quoi ces tests deviennent des instruments d’exclusion. Plutôt que d’apporter un soutien aux personnes les plus vulnérables, nous réduisons leurs chances de s’intégrer. Ces tests d’intégration ne sont ni équitables ni efficaces et détournent notre attention d’une véritable politique d’intégration.

Quasiment tous les migrants veulent apprendre la langue et occuper une place dans la société. Pensons donc à des mesures efficaces, autonomisons les migrants, investissons dans l’éducation, accordons-leur l’accès à notre société, à notre marché du travail, luttons contre la discrimination et vous verrez, l’intégration suivra tout naturellement.

LE PRÉSIDENT* – Madame Strik, il vous restera 4 minutes 30 pour répondre aux orateurs.

Nous ouvrons la discussion générale.

M. BINLEY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Permettez-moi de féliciter les rapporteurs pour les efforts considérables qu’ils ont déployés en élaborant ce rapport qui est une très bonne contribution aux travaux de notre Assemblée. Je me félicite de ce débat qui me permet d’exposer cette problématique du point de vue de la communauté britannique dans un contexte plus large.

Quelques faits tout d’abord. Au cours de l’année dernière, la migration nette dans mon pays a augmenté de 182 000 personnes, mais mon gouvernement a été élu parce qu’il s’était engagé à réduire ce chiffre à 100 000 par an. En termes de flux, plus d’un demi-million de personnes s’établissent au Royaume-Uni tous les ans. L’immigration de l’Union européenne progresse de quelque 25 000 à 30 000 personnes par an. La situation est parfaitement claire. L’immigration de pays n’appartenant pas à l’Union européenne baisse alors que l’immigration issue de pays de l’Union européenne progresse. La problématique sur le terrain ne concerne pas uniquement les volumes, mais plutôt la cadence, la concentration et le déséquilibre des flux migratoires.

Il faut reconnaître que l’intégration prend du temps, mais certaines mesures peuvent la faciliter.

Le rapport fait valoir que les tests d’intégration ne sont pas, en soi, un problème mais il montre les limites de cette pratique. Toutefois, cet aspect de la question mériterait d’être étayé par davantage de preuves.

Les trois quarts des emplois créés au Royaume-Uni depuis 1997 ont été pourvus par des migrants. L’impact de cette situation sur le niveau des plus petits salaires a été très négatif. Dans bien des cas, les conséquences sur les services publics locaux ne sont pas non plus supportables. L’hôpital de ma circonscription a connu l’année dernière une augmentation de 16 % des admissions au service des urgences. Dans l’une de nos écoles primaires, 31 langues maternelles différentes sont parlées. Ce ne sont là que deux exemples des problèmes graves – et qui se retrouvent dans bien d’autres régions que la mienne – posés par l’immigration. Il faut aussi reconnaître que les migrants ont tendance, ce qui est bien compréhensible, à se regrouper géographiquement.

Le profil type du migrant qui arrive dans l’Union européenne est celui d’une personne plutôt jeune et très soucieuse de son intégration économique ; ce n’est pas toujours ainsi que les choses sont présentées, et c’est regrettable.

Pour conclure, il faut débattre sur la base de faits et non d’émotions. Force est de reconnaître que les migrants font peser une pression supplémentaire sur les infrastructures, ce qui entraîne des coûts, surtout lorsque ces personnes vieillissent. Ne sous-estimons pas non plus la cohésion dont font preuve les communautés. Il faut également envisager d’accorder aux nations le droit de contrôler temporairement l’immigration lorsque la pression migratoire fait peser un poids trop important sur les structures sociales. Ne pas le faire, c’est nuire aux migrants eux-mêmes, dans la mesure où cela alimente les discours d’intolérance des extrémistes, ce qui n’est bon ni pour la population autochtone, ni pour les migrants.

M. STROE (Roumanie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Le rapport de Mme Kyriakidou est excellent. Comme l’annonce le titre, le processus de migration est effectivement une richesse pour toutes les sociétés européennes. Il faut souligner d’emblée qu’il est injuste de décrire les migrants comme un fardeau pour la société qui les accueille. Ils sont, pour la plupart, disposés à travailler dur pour apporter leur contribution à leur pays d’accueil, comme n’importe quel autre citoyen. Le plus souvent, ils occupent des emplois dont ne veulent pas les ressortissants de ces pays. Des secteurs économiques entiers comme le bâtiment, l’agriculture et le tourisme dépendent en totalité, ou presque, des travailleurs immigrés. En outre, les migrants favorisent le développement du commerce et les échanges culturels entre les pays. Ils constituent également une solution aux problèmes démographiques de leur pays d’accueil.

En tant que libéral, j’ai été particulièrement intéressé par l’un des points de ce rapport. Je veux parler du chapitre consacré à la contribution des migrants à l’esprit d’entreprise dans le pays d’accueil. Comme le dit le rapport, de nombreuses sociétés importantes et pourvoyeuses d’emplois ont été créées par des migrants. De nouvelles possibilités économiques émergent grâce à la présence de migrants ; de nouvelles institutions, telles les banques de migrants, ont été créées en raison des sommes envoyées dans les pays d’origine. De fait, les migrants facilitent les échanges entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Une étude récente a montré que les migrations encourageaient aussi les flux de capitaux et les investissements étrangers directs.

Il faut que nous parvenions à convaincre nos populations qu’il serait préférable pour la prospérité économique d’avoir un marché du travail ouvert et offrant des chances égales à tous. En tant que responsables politiques, nous devons tout faire pour expliquer de façon juste à nos concitoyens les conséquences positives des migrations.

Certes, l’immigration pose un certain nombre de problèmes, dont les principaux sont la pauvreté, les difficultés d’intégration et la concurrence sur le marché du travail avec la communauté d’accueil. Essayons de travailler ensemble pour trouver des solutions à ces problèmes.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je commencerai par féliciter la rapporteure, ainsi que tous ceux qui ont apporté leur contribution à cet excellent travail. Au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne, je souhaite que notre Assemblée appuie les recommandations formulées.

Les migrants représentent 8,7 % de la population européenne et cette proportion va encore augmenter dans les années à venir. Le rapport dit, à juste titre, que les migrants sont décrits comme un fardeau pour les finances publiques et une menace pour la prospérité économique et la cohésion des sociétés qui les accueillent. Ces idées ont engendré un climat très hostile dans de nombreux pays.

Ce rapport propose un certain nombre de solutions pour combattre ces réactions. Il faut d’abord informer l’opinion publique et lui montrer que, d’une manière générale, les migrants sont, non pas un fardeau, mais un atout pour les sociétés, sur le plan économique, social et culturel. Le rapport propose des solutions concrètes pour différents secteurs, par exemple celui de l’éducation, dont l’objectif est de faciliter l’intégration et de créer un environnement favorable pour l’accueil des migrants. Un appel est lancé aux Etats membres pour qu’ils s’attaquent aux préjugés à l’encontre des migrants, nous rappelant qu’ils sont source de richesse culturelle et que leur importance est capitale pour de nombreux secteurs économiques qui, dans certains pays, s’effondraient purement et simplement sans eux.

Le problème est que la vie des migrants reste le plus souvent très difficile. Ils vivent et travaillent dans des conditions très pénibles ; ils sont victimes de discriminations et doivent accepter des emplois tout à fait indignes.

Il faut être très prudent dans la rédaction de rapports et de recommandations en la matière. A cet égard, j’ai moi-même déposé un amendement qui a été accepté par la commission des migrations. Cela dit, le présent rapport nous fournit de bonnes informations ; il est équilibré et insiste sur le fait que l’intégration doit bénéficier aux migrants comme au pays d’accueil. Je le soutiens donc.

De la même façon, au nom de mon groupe, j’apporte mon soutien au rapport sur les tests d’intégration : ce document d’excellente qualité nous fait réfléchir et nous met en garde. En effet, alors que ces tests sont censés faciliter l’intégration, ils ont souvent l’effet inverse, empêchant même, parfois, le regroupement familial. Il faut prendre ces mises en garde au sérieux. En la matière, il est important d’avoir des propositions concrètes, comme celles qui ont été faites par le rapporteur et par la commission des migrations.

Mme GUZENINA-RICHARDSON (Finlande), porte-parole du Groupe socialiste* – Je suis très heureuse de dire, au nom de mon groupe, que nos rapporteures ont fait un excellent travail.

Je suis moi-même une descendante de migrants : ma mère est née à Oulan-Oude, en Russie, et mon père a des racines familiales en Allemagne. Ils ont réussi à surmonter tous les obstacles et ont travaillé très dur pour assurer la subsistance de notre famille. Quant à moi, je suis devenue ministre en Finlande. Comme vous pouvez le constater, les migrants qui s’intègrent bien dans leur pays d’accueil peuvent apporter une contribution importante – ce que le rapport souligne bien.

La meilleure façon de faire face aux craintes et aux préjugés est de leur opposer des faits, qu’il s’agisse de statistiques ou de récits de vie des migrants. J’aimerais bien, à cet égard, que les journalistes se fassent l’écho de tels récits. Quand on donne aux migrants des visages, quand on explique d’où ils viennent, quand on raconte leur passé et ce qu’ils sont devenus, cela encourage d’autres migrants à redoubler d’efforts et à tracer leur propre voie dans la société qu’ils se sont choisie.

Comme le dit le rapport, les migrants apportent une contribution considérable sur le marché du travail : sans eux, un grand nombre de nos sociétés européennes seraient en train de dépérir. Mais au-delà des migrants qui occupent les emplois que d’autres membres de la société refusent, nous devons aussi penser à l’avenir, car le nombre d’emplois destinés aux personnes peu qualifiées a de toute façon tendance à diminuer. Et l’Europe dans son ensemble est confrontée à une crise grave. Si le nombre des migrants augmente et que dans le même temps les mesures d’austérité pèsent sur les mesures de nature à les aider à s’intégrer dans nos sociétés, le résultat pourrait ne pas être supportable, surtout si par ailleurs on sape les bases de la protection sociale et de l’Etat providence.

Si, par exemple, à l’école, les enfants de migrants ne bénéficient pas d’une aussi bonne éducation que les autres, nous créerons des problèmes pour l’avenir. Nous devons être bien conscients qu’en menant des politiques de ce genre, en acceptant des carences dans les mesures qui aident les migrants à s’intégrer dans nos sociétés et dans celles qui aident les ressortissants du pays à les accepter comme des égaux, nous allons vers des problèmes à l’avenir et les solutions ne seront pas durables.

C’est un défi que nous devons tous relever et l’excellent travail des rapporteures peut nous y aider.

Mme QUINTANILLA (Espagne), porte-parole du groupe du Parti populaire européen* – Je m’associe également à mes collègues des différents groupes parlementaires qui viennent de s’exprimer pour féliciter nos deux rapporteures de leur excellent travail.

Je souhaiterais pour ma part vous livrer quelques éléments qui me semblent importants, mais pas seulement au nom de mon groupe parlementaire, disons de façon plus personnelle. En effet, selon une étude des Nations Unies, l’Espagne fait aujourd’hui partie des dix pays du monde comptant la plus forte proportion de migrants : six millions d’immigrants sont en effet arrivés en Espagne ces dernières années et nous avons beaucoup travaillé à leur intégration. Les dernières études montrent que 88 % d’entre eux se sentent bien en Espagne, s’y sont bien intégrés et bénéficient de tous les services publics espagnols au même titre que les autres ressortissants. Ils ont droit aux services de santé, aux services sociaux et 70 % de la population, migrants mais population autochtone également, considèrent d’ailleurs que l’intégration est l’affaire de la société tout entière.

Ce rapport, et je parle là au nom de mon groupe parlementaire, souligne l’importance que la société dans son ensemble doit accorder à l’intégration des migrants. Il nous faut une immigration qui favorise cette intégration et qui permette aussi un changement de mentalité, et si l’on veut construire une société toujours plus juste et égalitaire, ce changement de mentalité est essentiel dans tous les pays membres de cette Assemblée.

Je souhaiterais féliciter particulièrement notre rapporteure, Mme Kyriakidou, et dire à Mme Strik que cette immigration s’explique par la pauvreté. Ces personnes ont dû quitter leur pays d’origine pour bâtir un avenir meilleur, pouvoir éduquer leurs enfants et s’intégrer dans une société d’accueil. Mais, derrière chacun de ces migrants, il y a toujours un véritable drame humain. Nous avons assisté à des tragédies comme celle, récente, de Lampedusa, mais combien d’autres accidents similaires se sont produits sans que nous n’en ayons entendu parler. Il nous faut donc parvenir à susciter un véritable changement de mentalité ici, en Europe.

Ces rapports soulignent tout l’intérêt de l’intégration dans nos pays, mais il est également nécessaire d’aider les pays de départ, les pays du Sud. L’Union européenne doit apporter davantage d’aide et de coopération à ces pays dont les citoyens sont obligés de partir pour aller vers un monde meilleur. Voilà la grande question qui doit occuper cette Assemblée parlementaire car, s’il faut bien évidemment reconnaître l’importance de l’immigration dans les pays membres du Conseil de l’Europe et la nécessité de l’intégration de ces migrants, il faut aussi parler de la pauvreté et des drames humains que rencontrent ces citoyens contraints de quitter leur pays pour trouver un avenir meilleur.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Chers collègues, ce rapport sur les migrations peut être vu en lien avec le rapport traité hier sur la stratégie à mettre en œuvre pour lutter contre l’intolérance et le racisme en Europe. Si nous en suivons les recommandations, en faisant plus pour optimiser le bénéfice que représentent les migrants et en luttant contre les préjugés selon lesquels les migrants seraient un fardeau pour les finances publiques, nous ferions un grand pas dans la lutte contre l’intolérance et la xénophobie. Les préjugés naissent souvent d’un manque de connaissance et, comme le rapport le recommande, il est important que les autorités décrivent bien la situation et parlent de l’impact positif des migrants sur l’économie.

En Norvège, comme dans d’autres pays européens, l’immigration est en hausse. La crise financière et l’élargissement de l’Union européenne attirent de plus en plus de personnes vers mon pays. Récemment, nous avons connu une augmentation des nouveaux emplois, dont 60 % sont occupés par des travailleurs migrants. Ceux-ci nous permettent de garantir notre croissance économique. C’était déjà le cas avant la crise financière et, ces deux ou trois dernières années, ces travailleurs migrants nous ont permis d’accroître nos capacités de production et de mieux restructurer l’économie norvégienne. De plus, je souligne qu’en 2011, 21 % des entrepreneurs étaient des migrants alors qu’ils ne représentaient que 12 % de la totalité de la population en Norvège.

Toutefois, d’un autre côté, il faut bien reconnaître que le chômage est plus élevé parmi certains groupes de migrants. Mais si l’on arrive à réduire cet écart, les migrants pourront contribuer au titre d’un tiers à la main d’œuvre qui sera nécessaire dans les cinquante prochaines années. Les chiffres sont clairs : les migrants représentent un véritable bénéfice pour notre société et, grâce à des mesures adaptées, leur contribution pourrait être plus forte encore.

C’est un aspect particulièrement important quand il s’agit des demandeurs d’asile et des réfugiés. A cet égard, le Parlement norvégien a autorisé le Gouvernement à renégocier les accords de Dublin afin de parvenir à une meilleure distribution des migrants partout en Europe.

Enfin, pour terminer sur un point positif, une étude annuelle montre que la majorité de la population norvégienne voit les migrants d’un bon œil. En décembre dernier, sept personnes sur dix étaient d’accord pour dire que les migrants étaient un enrichissement de notre vie culturelle et 86 % estimaient que les migrants devraient avoir les mêmes possibilités d’emploi que les Norvégiens. Finalement, le tableau n’est pas si négatif, mais il n’empêche qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la situation.

M. LE BORGN' (France) – Madame la rapporteure, chère Mme Kyriakidou, le rapport que vous nous présentez aujourd’hui est bienvenu. C’est un migrant qui vous le dit.

J’ai travaillé pendant plus de vingt ans à l’étranger. Je sais ce que le départ vers un autre pays signifie d’incertitudes personnelles et de craintes souvent diffuses et pourtant bien réelles. Etre accepté dans le pays de résidence, s’y intégrer, y construire sa famille et sa vie n’est jamais un long fleuve tranquille.

Je suis inquiet de l’émergence, ces dernières années, en particulier à la faveur des difficultés économiques de nos pays, d’un discours délibérément hostile aux migrants, présentés comme une charge pour la puissance publique, une menace pour la cohésion sociale, un danger pour la société. J’avais été consterné par la création dans mon pays, sous la précédente mandature présidentielle, d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale, comme si la première menaçait la seconde. L’instrumentalisation des peurs à des fins politiques m’apparaît infiniment méprisable. La xénophobie se combat, elle ne s’entretient pas. Elle s’alimente encore moins !

Et si l’on regardait l’immigration comme une chance, un enrichissement pour tous, migrants et pays d’accueil ? C’est ce que vous faites, Madame la rapporteure, et je vous en remercie. L’OCDE et la Commission européenne ont montré que l’immigration ne constitue une lourde charge ni pour les finances publiques, ni pour les régimes de sécurité sociale. Que deviendraient certains secteurs de nos économies sans les migrants, à commencer par ceux de ces secteurs qui connaissent une pénurie de main-d’œuvre ? Combien de marchés extérieurs manquerions-nous sans les migrants et leur connaissance intime des pays et des régions dont ils proviennent ? Quel serait, sans les migrants, l’avenir d’une Europe menacée par le vieillissement et le recul démographique ? Qu’adviendrait-il du monde de la création si la rencontre des idées, des arts et de la diversité venait à faire retraite parce que les migrants n’en seraient plus ? Qu’aurait été mon pays, la France, sans l’apport de Marie Curie la Polonaise, de Pablo Picasso l’Espagnol, de Lino Ventura l’Italien ou de Mohamed Dib l’Algérien ?

La libre circulation et le libre établissement sont au cœur même du projet européen. Nous vivons dans des économies et des sociétés ouvertes. La migration peut être une chance dès lors que les devoirs et les droits des migrants sont clairement précisés, respectés et protégés. Il faut lever tous les obstacles de l’accès à l’emploi. Il faut ouvrir l’accès aux universités et aux écoles de formation par une politique de visa juste et ambitieuse. Il faut, partout, lutter pour la mixité sociale et contre les discriminations, en nous inspirant du travail conduit par les institutions du Conseil de l’Europe, la Cour Européenne des droits de l’homme, bien sûr, mais aussi la commission européenne contre le racisme et l’intolérance. Il faut enfin reconnaître, au niveau local, le droit de vote et d’éligibilité aux migrants.

L’histoire de l’Europe est fondamentalement une histoire de migrations. Voir dans les migrations une chance, c’est inscrire l’action publique au cœur des valeurs européennes qui nous rassemblent.

M. KALMÁR (Hongrie)* – La question des migrants est l’une des questions les plus débattues en Europe, pas seulement au niveau officiel, mais également au sein de la société, parmi les simples citoyens.

Il existe deux types de migration, qui doivent être traités séparément : la migration légale et la migration illégale. Je viens d’une ville du sud de la Hongrie située à 15 kilomètres seulement de la frontière avec la Serbie. Cette frontière est également celle de l’Union européenne. Depuis le début du conflit syrien, le nombre de migrants clandestins a augmenté de façon dramatique. Ils sont souvent victimes de trafiquants et les autorités serbes et hongroises peinent à contrôler la situation. Les clandestins arrêtés sont placés dans des camps, conformément à la réglementation européenne. Ils cherchent à fuir vers les pays de l’Europe occidentale, même lorsqu’ils souffrent de maladies contagieuses et qu’ils n’ont reçu aucun traitement.

La migration à l’intérieur de l’Europe concerne les citoyens de pays de l’Est qui vont chercher des salaires plus élevés dans les pays de l’Ouest. Ce phénomène pose d’importants problèmes aux pays de l’Europe centrale et orientale, dont certains secteurs économiques connaissent une pénurie de main- d’œuvre. Après avoir été formés gratuitement dans leurs pays, les citoyens des pays de l’Europe de l’Est vont travailler à l’Ouest. Ainsi la Hongrie est-elle actuellement confrontée à une grave pénurie de médecins.

D’après le rapport, l’Europe devra accueillir entre 40 à 50 millions de migrants supplémentaires d’ici à 2050 pour faire fonctionner l’économie et les institutions européennes à leur niveau actuel. Ce chiffre représente 10 % de la population actuelle de l’Union européenne. Nous le savons tous, les tendances démographiques de nos pays sont catastrophiques. Afin de les inverser, il me paraît important de revenir à nos valeurs traditionnelles, issues du christianisme. Le rôle essentiel de la famille, et en particulier de la mère, doit être retrouvé.

Compte tenu de son faible taux de natalité, l’Europe a donc besoin de migrants et nos sociétés doivent se préparer à en accueillir un plus grand nombre à l’avenir. La résolution adoptée hier soir contre le racisme et l’intolérance est, de ce point de vue, essentielle. L’Europe va changer considérablement dans les prochaines années. Ce changement influencera notre culture et notre manière de vivre. Les langues seront aussi différentes, mais c’est le prix à payer pour maintenir notre niveau de vie.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Je tiens à féliciter mon collègue, Monsieur Binley, qui a tenté d’injecter un peu de raison dans ce débat. Ce rapport est certes excellent. Nous sommes tous des descendants de migrants et, pour ce qui me concerne, mes parents ont été forcés de quitter la France en juin 1940. Quant à la famille de mon épouse, elle a fui la Russie. C’était donc également une famille de migrants. Nous avons tous des histoires similaires et nous savons tous que les migrants apportent de la diversité culturelle et qu’ils revigorent les sociétés d’accueil. Oui, les migrants sont essentiels. Ils l’ont toujours été. Néanmoins, dans la réalité, et chacun d’entre nous le sait bien ici, l’immigration doit être régulée. Elle doit être équilibrée.

Le problème d’un rapport tel que celui-ci est qu’il n’évoque pas les dangers pour la cohésion sociale, ni les pressions sur les infrastructures, qui accompagnent l’arrivée de nouveaux migrants. Lorsque la Pologne a adhéré à l’Union européenne, le Royaume-Uni est l’un des seuls pays européens à avoir accueilli des ressortissants polonais. Ils sont aujourd’hui près de 600 000 dans mon pays et ont apporté beaucoup à la société britannique. Ceux qui osent critiquer le nombre d’immigrés extra-européens au Royaume-Uni sont immédiatement accusés de racisme, mais les services publics, notamment les écoles et les établissements médicaux, de la côte est ont subi une pression énorme du fait de cette immigration. Il faut l’admettre. Ce n’est pas être raciste que d’appeler à une immigration maîtrisée. C’est le simple bon sens !

Pour conclure, je me félicite de ce rapport, mais j’aurais souhaité qu’il insiste davantage sur l’importance de réguler la migration afin qu’elle ne pèse pas excessivement sur les sociétés d’accueil et que les pays européens puissent continuer d’aider les pays les moins favorisés dans le monde. Nous ne devons pas oublier les préoccupations légitimes de nos concitoyens. En les ignorant, les partis de centre gauche et de centre droit ne font rien d’autre que d’encourager les partis extrémistes. Nous avons besoin d’un débat équilibré. Et c’est pourquoi j’approuve les propos de mon ami Brian Binley.

Mme VIROLAINEN (Finlande)* – Des rapports comme celui de Mme Kyriakidou sont trop rares et les migrants bien trop souvent présentés de manière négative. Les migrants représentent une véritable chance pour les sociétés d’accueil. J’encourage chacun d’entre nous à consacrer plus d’énergie à le démontrer.

A quoi ressembleraient les Etats-Unis aujourd’hui sans les millions de migrants qui en ont fait une démocratie moderne ? L’Europe elle-même n’existerait pas sans la diversité de ses habitants. Le processus continue aujourd’hui et, plutôt que d’accuser les migrants de nous prendre nos emplois, reconnaissons qu’ils portent sur leurs épaules le poids de nos sociétés en assumant des tâches dont nous ne voulons pas.

Ils travaillent souvent dans des bureaux sales, ils n’ont pas toujours accès aux transports publics. Pourtant, bien des secteurs ne fonctionneraient pas sans eux. Dans les pays du Nord, la proportion d’entrepreneurs est plus élevée parmi eux que chez les autochtones. Mais on leur demande d’en faire plus pour montrer qu’ils font vraiment partie de la société. À quel moment cesse-t-on donc d’être stigmatisé parce que l’on est un migrant ?

Les parlementaires ont un rôle fondamental à jouer pour que les migrants soient présentés de façon juste et objective. J’espère que la campagne pour les élections européennes se concentrera sur les vrais problèmes – la crise économique, la croissance – au lieu de servir de prétexte pour stigmatiser certains groupes. En la matière, les médias détiennent une responsabilité particulière : ils doivent contrecarrer le populisme et assurer une couverture objective des événements.

Rappelons que, selon un représentant du ministère suisse de l’Intégration, chaque franc suisse investi dans l’intégration rapporte, à terme, le triple. L’intégration ne relève pas de la seule responsabilité des migrants : il s’agit d’un processus réciproque, qui suppose que nous leur offrions les mêmes possibilités d’accès à l’emploi, à l’éducation et à toutes les activités qu’aux autres habitants de nos pays. Soyons honnêtes : puisque l’Europe ne peut pas se permettre de tourner le dos aux migrants, essayons d’en voir les avantages au lieu de toujours souligner les aspects négatifs.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – 2014 sera une année particulièrement importante pour la réaffirmation des principes démocratiques. Les élections européennes vont mettre à jour notre connaissance des préférences des citoyens. Or, comme les scrutins nationaux qui s’annoncent, elles semblent déjà marquées par la publicité donnée à un thème qui est lié aux migrations : la levée des mesures restreignant l’accès des ressortissants roumains et bulgares au marché du travail européen.

Attentive à ce débat comme ressortissante roumaine et comme responsable politique, je suis très inquiète des discours discriminatoires et insultants qu’il nous est donné d’entendre à ce sujet tous les jours, de la part de politiciens qui, pour des raisons purement électoralistes, font fi des grands principes – égalité des chances, non-discrimination, liberté de circulation, etc. Depuis plusieurs années, les thèmes de la migration et de la libre circulation des travailleurs ont été politisés, ce qui alimente les discours de haine et d’intolérance. En début d’année, certains journaux britanniques ont ainsi pris pour cible les travailleurs roumains et bulgares, déclarés indésirables au motif qu’ils pourraient devenir un fardeau insupportable pour les services sociaux britanniques. Cet argument douteux nous donne un exemple de ce que des médias honnêtes et responsables ne devraient jamais faire.

Depuis les tragédies du xxe siècle, nous savons pourtant que répandre la peur, la méfiance et la xénophobie sape les valeurs fondamentales de la démocratie, que nous défendons tous. Je ne citerai pas les noms des responsables politiques et des médias qui se sont montrés hostiles aux migrants. En revanche, je tiens à saluer la campagne publique lancée par le Guardian, qui invite ses lecteurs à faire part de leur expérience de la Roumanie afin de faire mieux connaître ce pays.

Certes, le rapport qui nous est soumis ne concerne pas la liberté de circulation dans l’Union européenne, ni les cas roumain et bulgare, mais cet exemple illustre les difficultés soulignées plus généralement par la rapporteure – que je félicite pour son travail. Les peurs non fondées qu’inspirent les migrants ont ainsi été ravivées à propos des Roumains et des Bulgares, qui pouvaient enfin accéder au marché du travail dans les pays de l’Union.

Comme Roumaine, comme femme politique et comme membre de cette Assemblée, je vous invite tous à œuvrer dans vos parlements nationaux pour que l’on respecte enfin les droits et libertés des migrants, quels que soient leur origine et leur sexe. Luttons contre l’intolérance et les discours de haine et de xénophobie !

M. NICOLETTI (Italie)* – Ce rapport touche à un aspect fondamental des politiques d’intégration des migrants : la lutte contre les préjugés dont ils sont victimes. Selon l’un des plus fréquents, leur présence au sein des sociétés européennes représenterait un dommage économique et social.

Bien des responsables publics avancent cet argument alors qu’ils ont accès aux données officielles ; c’est inacceptable. La défense des droits de ces personnes doit s’inscrire dans un cadre juridique et éthique ; elle ne doit pas être liée à la question de leur utilité. Je le dis ici, au sein du Conseil de l’Europe, qui défend les droits de toute personne quelle que soit son origine. Dans l’histoire de notre institution, et plus généralement de notre civilisation, le droit des personnes résulte d’une approche universelle, qui n’a rien à voir avec l’usage qu’une société peut faire d’elles. C’est leur dignité qui en est le fondement, et non l’avantage social qu’elles peuvent procurer au groupe auquel elles appartiennent.

Le déni de cette dignité, surtout celle des personnes les plus vulnérables, résulte de stéréotypes et de préjugés qui nourrissent un climat d’hostilité et des tensions sociales. La présence de migrants est souvent jugée néfaste du point de vue social et économique ; on les voit comme des parasites alors que les données économiques, démographiques, culturelles témoignent du contraire. En Italie, ce genre de préjugés est très répandu ; on accuse notamment les migrants de représenter une lourde charge pour les services de protection sociale, que l’on ne pourrait pourtant pas administrer sans leur aide. Il en va de même en matière économique. En 2011, l’Italie a dépensé 11,9 milliards d’euros en politiques d’intégration, mais en a encaissé 13,3 au titre des contributions sociales et fiscales, ce qui représente une marge de 1,4 milliard. Dès lors, nous devrions plutôt nous demander comment les personnes qui ont cotisé dans nos pays peuvent récupérer leur dû pour rentrer dans leur pays d’origine avant de prendre leur retraite. Il faudra bien entendu développer le travail légal et relever bien d’autres défis pour parvenir à la société de reconnaissance dans laquelle nous voudrions tous vivre.

M. CHAOUKI (Italie)* – Je remercie nos deux collègues pour leurs rapports et leurs propositions qui montrent bien la nature complexe du phénomène de l’immigration, surtout ces dernières années. Nous sommes conscients de la contribution importante de l’immigration à l’économie, à la survie et même à la croissance de nos pays, mais dans certains cas, il est difficile de faire comprendre à tous les citoyens cette contribution.

S’agissant des tests d’intégration, chacun comprend la nécessité de s’assurer que les migrants disposent de cet instrument d’intégration et de dialogue qu’est la langue du pays d’accueil, mais d’autre part il faut éviter que ces tests deviennent un instrument de chantage, voire un obstacle à l’insertion des migrants dans nos communautés.

La convivialité et la coexistence dans nos sociétés multiculturelles sont aujourd’hui à la peine. Nous avons tous un effort à faire, les migrants mais aussi les sociétés autochtones, qui doivent être plus ouvertes, plus favorables à l’accueil. Il faut donc plutôt encourager les gens à apprendre la langue des pays d’accueil que prévoir des tests trop difficiles ! Dans certaines villes d’Italie, 40 % des migrants ne les réussissent pas, dans d’autres le taux de réussite est très différent. Cette évaluation n’est pas parfaitement objective, alors que ces tests sont déterminants pour l’obtention d’un permis de séjour ou de la citoyenneté.

Autre sujet important : les femmes. Il faut favoriser leur apprentissage de la langue, surtout pour celles qui n’y sont pas poussées par leur communauté d’origine. Et pour cela, je suis d’accord avec le projet de résolution, il faut assurer la gratuité de ces cours.

Pour conclure, nous devons avoir le courage de déclarer que le pluralisme est une source d’enrichissement pour nos pays. Grâce aux deuxième, troisième, quatrième générations d’émigrés, on parvient parfois à maintenir la langue d’origine qui peut jouer un rôle dans l’économie européenne. Certains peuvent devenir des ambassadeurs dans leur pays d’origine, pour favoriser le développement de l’Europe qui malheureusement est en crise.

M. BADEA (Roumanie)* – Je félicite les auteurs de ces rapports. Ils rendent compte de la situation de l’immigration en Europe, phénomène extrêmement complexe. Je suis sénateur et je travaille dans ce domaine depuis plus de 15 ans. Pendant toute cette période, j’ai appris à mieux comprendre les communautés, pas seulement la communauté roumaine. J’ai constaté au cours de cette période que la grande majorité des migrants sont souvent ceux qui respectent le mieux les lois et qui paient le plus scrupuleusement leurs impôts. Ce sont eux aussi qui maintiennent le PIB.

Pour certains, ces migrants sont comme une créature à deux faces. Lorsqu’ils travaillent et qu’ils assument ce que personne d’autre ne veut faire, on les trouve formidables. Mais pendant les campagnes électorales, on les montre du doigt. Tous les quatre ans, parfois plus fréquemment, les migrants sont ainsi accusés de tous les défauts par tel ou tel parti.

Un collègue a rappelé tout à l’heure qu’un responsable politique doit tenir compte du point de vue de ses électeurs. Certes, mais en vérité beaucoup de responsables politiques ont une dent contre les immigrés et ce sont eux qui influencent la population, comme le font aussi certains journaux et certaines chaînes de télévision.

Lorsque je m’entretiens avec les hauts responsables d’un pays, tout le monde fait l’éloge des migrants. Mais en période électorale, tous ces beaux discours disparaissent !

Je souhaite faire une proposition. Dans mon pays comme dans d’autres, des organismes surveillent le comportement des médias. Lorsque l’on rend compte d’un délit, je ne trouve pas normal que l’on précise que le présumé coupable est marocain, allemand ou autre. C’est un délinquant, point final. Indiquer la nationalité incite à la xénophobie.

Mme MULIĆ (Croatie)* – Chers collègues, je suis tout à fait consciente que le rapport peut être considéré comme faisant preuve d’un certain romantisme ou d’un certain idéalisme. Cependant, il est bien argumenté et pour ma part, je rejoins les collègues qui ont souhaité plus de rapports de ce type et de cette qualité.

En Europe, 8,7 % des personnes sont des migrants, ce qui fait beaucoup de monde. Et l’Europe est de plus en plus confrontée à des discours de haine visant ces migrants, discours de haine qui peuvent hélas déboucher sur des crimes. Au sein de cette Organisation, nous essayons d’élaborer des stratégies pour mieux combattre le racisme et l’intolérance.

Trop souvent, les migrants sont décrits comme un fardeau pour notre système de financement public. Ils créeraient dans les sociétés européennes des tensions et des déséquilibres. Ces discours sont tout à fait injustes. Je ne vais pas rappeler tous les avantages que les migrants représentent pour nos sociétés.

Lorsque nous avons examiné le projet de résolution en commission, le titre proposé était différent. On se demandait si les migrants représentaient un avantage ou une charge pour les sociétés européennes. Finalement nous avons enlevé le point d’interrogation, car il nous semble évident que nos sociétés peuvent tirer un énorme bénéfice des migrants, dès lors qu’on assure leur bonne intégration. Un collègue était pour une émigration équilibrée. Je suis d’accord, mais il nous faut des modèles qui mènent à la réussite de l’intégration.

Le rapport de Mme Strik est technique, mais il nous montre très clairement que les tests de langue peuvent être un bon outil d’intégration s’ils sont bien utilisés. Il s’agit d’un outil parmi tant d’autres, et si l’on adoptait un plus grand nombre de mesures de ce type, nos sociétés bénéficieraient pleinement du potentiel que représentent les migrations en Europe.

M. MARIANI (France– Au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, je remercie les orateurs qui se sont exprimés sur ces deux rapports, ainsi que les deux rapporteures pour leur excellent travail.

Il va sans dire que la question de l’intégration est au centre du problème et qu’en particulier les tests d’intégration ne constituent en rien une forme de contrôle migratoire.

J’ai moi-même été rapporteur de la loi qui a permis la mise en place d’un parcours d’intégration dans mon pays ; en France toutefois, les tests sont gratuits et ne sont pas sanctionnés par un examen. La maîtrise de la langue conditionne en effet l’intégration effective des étrangers ; notamment, pour ce qui concerne les femmes immigrées, elle leur permet de suivre la scolarité de leurs enfants et leur donne la possibilité d’avoir plus d’autonomie. Le but principal des tests est donc d’aider au mieux les migrants à s’intégrer dans la société d’accueil.

S’agissant du rapport présenté par Mme Kyriakidou, je pense que nous ne pouvons pas en rester là et que nous devrons poursuivre nos réflexions sur cette question. Il s’agit effectivement d’un véritable problème et il nous appartient de faire changer les mentalités et de combattre les idées reçues par certains politiques et par certains médias. Nous avons encore du chemin à faire.

M. SELVİ (Turquie)* – C’est une question importante dont nous débattons ce soir. D’importantes communautés turques vivent dans un grand nombre de pays européens ; en tant que parlementaire turc, j’ai donc lu ces deux rapports avec grand intérêt.

Je commencerai par parler de celui de Mme Strik. L’exposé des motifs, très riche en informations, brosse un tableau complet de la situation.

Je crois que nous sommes tous d’accord pour souligner l’importance d’apprendre la langue du pays de résidence. La langue est la clef pour une intégration réussie. Cependant, les tests d’intégration n’ont pas fait leurs preuves, et l’existence même d’exigences préalables est juridiquement peu fondée.

Dans l’exposé des motifs, il est fait référence à l’Accord d’association CEE-Turquie ; certains tests d’intégration sont, en effet, contraires à la législation européenne. Les Pays-Bas ont été le premier pays à y renoncer, et j’attends la même attitude de la part de l’Allemagne. En outre, les tests d’intégration risquent de violer d’autres textes fondamentaux du Conseil de l’Europe, comme la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne.

Le rapport intitulé « Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes » apporte des informations fort éclairantes et, à cette époque où le populisme gagne du terrain, inhabituelles. Cela est à saluer.

Il est en effet salutaire de saluer que les migrants apportent une contribution supérieure à ce dont ils bénéficient dans le cadre des systèmes sociaux – c’est particulièrement vrai pour ceux de la première génération. Je suis conscient qu’il s’agit d’une question politiquement sensible dans un grand nombre de pays : les milieux populistes sont prêts à exploiter toute information négative sur les immigrés et un grand nombre de responsables politiques aiment à se livrer à la démagogie. Il convient donc d’intensifier nos efforts afin que nous ayons des politiques d’intégration qui puissent, à terme, bénéficier aux migrants comme aux pays d’accueil.

LE PRÉSIDENT* – M. Chikovani, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. PÂSLARU (Roumanie) – Si l’on se fonde sur les principes fondamentaux de l’Union européenne rappelés dans les traités, on ne peut pas parler de migrations à l’intérieur de celle-ci, étant donné que les ressortissants des Etats membres jouissent de la liberté de circulation et de séjour sur le territoire de l’Union, ainsi que du droit de travailler à n’importe quel poste dans tout Etat membre. On ne peut donc parler que des migrations des personnes provenant d’Etats non membres de l’Union.

La migration de la force de travail constitue à la fois une opportunité et une provocation pour l’Europe. Ses effets à l’intérieur de l’espace européen sont complexes, et ont une dimension à la fois économique et démographique.

Dans les années à venir, le phénomène migratoire aura un rôle tout aussi important, avec des conséquences économiques, financières, sociales, culturelles, qui ne seront pas toutes positives. Aussi, accepter les migrants venus comme force d’appui économique sera un défi pour l’espace européen. Il convient donc de mettre en place une collaboration étroite entre les Etats membres de l’Union et ceux qui sont hors de l’espace européen. La Roumanie continuera à défendre les principes fondamentaux de l’Union européenne et à assurer un contrôle de la migration des personnes extérieures à celle-ci.

Madame Kyriakidou, merci pour votre rapport.

M. CHISU (Canada, observateur)* – Je suis heureux d’avoir la possibilité de m’exprimer une nouvelle fois dans cet hémicycle sur le sujet des migrations.

Peut-être du fait de notre expérience très positive en matière d’immigration et de multiculturalisme, la question de savoir si les migrants sont un fardeau ou un avantage ne fait pas vraiment débat au Canada. La société canadienne considère en général que l’immigration est une bonne chose pour le pays, du point de vue économique comme du point de vue social, et une majorité de Canadiens souhaite la maintenir à son niveau actuel, soit environ 250 000 nouveaux immigrants par an.

L’idée que l’immigration permet d’apporter les compétences manquantes et de remédier au vieillissement démographique est communément acceptée chez nous. Mais l’immigration ne soutient pas seulement le développement économique du pays : elle enrichit aussi sa culture et renforce son tissu social.

Il y a également des motifs d’ordre humanitaire qui sous-tendent cette politique d’ouverture aux migrants. Il importe que nos pays accueillent les réfugiés qui cherchent à fuir les persécutions et qu’ils autorisent le regroupement familial, et cela parce qu’il est nécessaire de le faire, même si, à court terme, cela suscite des charges.

Les immigrants, qu’ils soient réguliers, réfugiés ou bénéficiaires du regroupement familial, deviennent des membres de nos sociétés et contribuent à leur devenir. Telle est en tout cas l’expérience dominante que nous avons au Canada.

Le projet de résolution dont vous êtes saisis souligne que l’intégration est essentielle pour que l’immigration puisse vraiment porter tous ses fruits. Les faits montrent qu’il existe un rapport étroit entre des facteurs tels que les compétences à pourvoir, la maîtrise de la langue et l’intégration réussie dans le pays d’accueil.

Il existe au Canada un statut de résident permanent et nous encourageons ensuite les immigrés à demander la nationalité canadienne. Le pourcentage des nouveaux venus qui acquièrent la nationalité canadienne est très élevé – jusqu’à 86 % en 2011. Pour obtenir la citoyenneté, il faut faire preuve d’une bonne connaissance des langues et du pays. Néanmoins, des aides sont prévues, comme la possibilité de bénéficier de cours de langue gratuits et de rencontrer un juge de la citoyenneté après deux échecs consécutifs aux tests.

Avec plus de 200 langues d’origine selon notre dernier recensement, la diversité est une évidence au Canada. C’est un avantage considérable pour notre pays, que nous essayons de maintenir par nos politiques et par des interactions quotidiennes.

Qu’on les sélectionne sur la base de leurs compétences, de leurs liens familiaux ou par devoir de protection, les immigrants ont ainsi prouvé qu’ils avaient la capacité d’apporter une contribution économique et sociale au pays et de devenir des citoyens actifs. Il importe de ne pas oublier ces aspects positifs de l’immigration.

Je remercie l’Assemblée de nous avoir autorisés à participer à ce débat important.

M. FABRITIUS (Allemagne)* – On ne peut être que d’accord avec le fil directeur du projet de résolution qui nous est soumis. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit lutter contre toute forme de xénophobie, de racisme et contre les stéréotypes. Il faut prendre les bonnes mesures afin de surmonter les préjugés qui existent. Le projet de résolution nous permet d’atteindre cet objectif. Nous sommes tous d’accord pour dire que la libre circulation et les migrations sont des normes acquises en Europe. Mais n’oublions pas une chose : s’il y a beaucoup d’avantages liés aux migrations, il y a aussi beaucoup d’inconvénients et d’abus. Passer cela sous silence ne fait que porter préjudice à l’acceptation des migrants.

De nombreuses initiatives ont été prises à l’échelle européenne comme à l’échelle nationale. La Commission européenne a présenté en novembre 2013 un plan en cinq points pour lutter contre la libre circulation. La présidence grecque de l’Union européenne souhaite fixer en 2014 comme priorité l’immigration, les frontières et la mobilité. Et en Allemagne, il y a quelques semaines, une commission a été créée avec des représentants du ministère de l’Intérieur, du ministère du Travail et le responsable fédéral des migrations. Il s’agit de se pencher sur les prestations sociales dont bénéficient les migrants. S’il n’y avait pas d’abus, on n’en aurait pas besoin.

Il faut donc plus de règles, à l’échelle nationale et européenne. Nous sommes parvenus à un consensus au sein de notre accord de coalition en Allemagne. Nous voulons maintenir la libre circulation au sein de l’Union européenne, mais il faut lutter contre les abus dans le bénéfice des prestations sociales.

On dit souvent que ce type d’attitude est contraire à la libre circulation – c’est ce que semble dire d’ailleurs le projet de résolution –, mais cela n’est pas vrai ; bien au contraire. S’il y a moins d’abus, il y aura une meilleure acceptation. Et lutter contre les abus, c’est se battre pour l’Europe.

Autre point important : il ne doit pas seulement s’agir d’un avantage pour les pays d’accueil. Il faut aussi parler des inconvénients. La pauvreté ne va pas se résoudre par l’immigration. Il faut créer d’autres perspectives dans les pays d’origine pour éviter que les gens ne fuient leur pays. Et ces pays ne peuvent pas être considérés comme des réservoirs à main-d’œuvre pour les pays développés. Il convient donc ici de dresser un tableau complet et de tenir compte de tous ces aspects.

LE PRÉSIDENT* – Mme Seara et M. Jakavonis, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Je voudrais tout d’abord féliciter les rapporteures pour les deux rapports conjointement débattus aujourd’hui. Je voudrais surtout aborder la question qui vise la pax socialis – ou la paix sociale, pour reprendre les termes de Roland Barthes – car la problématique linguistique est essentielle pour assurer cette paix sociale. Il est vrai que dans les sociétés où plusieurs langues fonctionnent, plusieurs langues interagissent, plusieurs communautés ethniques cohabitent, il faut assurer l’absence de conflit linguistique.

L'esprit des valeurs du Conseil de l'Europe nous invite à garantir les droits des migrants et les textes des deux projets de résolution sont très clairs : les Etats d'accueil doivent éviter toute discrimination, y compris selon le critère linguistique, et dans ce sens les tests pour obtenir la citoyenneté d'un pays ne doivent pas être le seul critère, ni les plus compliqués à réussir, afin de s'intégrer. De ce point de vue, le renvoi au cadre européen commun de référence des langues est assez judicieux.

Je voudrais reparler de la situation linguistique, génératrice d'intolérance et même de rejet de la langue officielle d'un pays par les migrants de troisième ou quatrième génération dans les pays de l’ex-Yougoslavie, et notamment en République de Moldova. La République de Moldova est une démocratie émergente, qui a eu le malheur d'être un espace victime de l'occupation soviétique, où la problématique identitaire et linguistique continue d'être exploitée à des fins politiques. En République de Moldova, la dénomination correcte de la langue officielle du pays constitue l'objet générant un discours de haine et de xénophobie de la part de certains représentants des migrants des troisième et quatrième générations.

Le 5 décembre 2013, la Cour constitutionnelle de la République de Moldova s'est prononcée positivement à propos de mon interpellation sur la possibilité de constitutionnaliser la Déclaration d'Indépendance de la République de Moldova de 1991, où le nom de la langue est indiqué correctement – la langue qui est parlée dans notre pays est le roumain. Le roumain est aussi la langue officielle en Roumanie. Pourquoi ne pas parler dans cette situation de la violation des droits de l’homme des citoyens moldaves, des élèves moldaves dans la zone sécessionniste de la Transnistrie, où ils n’ont pas le droit d’apprendre leur langue maternelle sans subir les pressions des autorités autoproclamées de cette zone ?

Je vais bien entendu soutenir les rapports qui nous ont été soumis aujourd’hui, mais il ne faut pas oublier le rapport « Vivre ensemble », débattu dans cette Assemblée en 2011, qui recommande que toutes les communautés qui cohabitent dans un pays multilingue doivent s’entendre dans un esprit de tolérance et d’acceptation mutuelle.

Mme El OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je voudrais féliciter et remercier les deux rapporteures pour leur excellent travail.

Permettez-moi, dans le cadre de ma réflexion, de partager avec vous trois éléments d’approche à propos de ces deux rapports.

Premièrement, le phénomène de migration ne saurait se borner à une question de chiffres ou d’argent. C’est avant tout une approche politique, culturelle, sociale, commerciale et économique. Pour que l’immigration soit une richesse pour les sociétés européennes, il est urgent d’accomplir de réels efforts pour valoriser la conception de notre société interculturelle. Dans ce cadre, je pense que la voie de la valorisation de cette diversité, enrichissante pour l’Europe, passe par un travail sur des programmes et des politiques publiques en matière d’éducation.

Malgré une compétence émergente dans le domaine de l’éducation, le dernier rapport de l’ENAR, le réseau européen contre le racisme, dont j’ai eu l’honneur d’être membre en tant qu’immigrée en Italie, démontre que, jusqu’à présent, l’Union européenne n’a pas fait les efforts nécessaires de changement en matière d’éducation à la diversité, en reconnaissant le rôle crucial que l’éducation joue au sein de ces sociétés. On a malheureusement tendance aujourd’hui à considérer celui qui est différent comme une menace au lieu d’avoir une approche globale humaine et citoyenne.

Le Maroc, en tant que pays d’origine de 6 millions de migrants, dont 86 % résident en Europe, veille à cela en œuvrant avec les pays d’accueil à la réalisation d’un projet culturel s’appuyant sur une coopération qui trace une expérience migratoire pleine de richesse pour tous.

Deuxièmement, tirer profit de la richesse de l’immigration signifie aussi appréhender, en toute conscience et intelligence, la diversité comme s’appliquant à des êtres humains. Il s’agit de faire en sorte que les campagnes d’accusation et les discours discriminatoires sur l’identité de millions de citoyens européens des deuxième et troisième générations et de rejet de l’autre cessent. L’Europe a la capacité et la responsabilité de gérer la diversité d’une manière citoyenne. Cela exige de sortir et de plonger dans la vie réelle. Dans ce cadre, l’incessant retour sur des questions relatives à l’islam, qui est maintenant un islam européen, est la balle de ping-pong avec laquelle des partis jouent, malheureusement, pour tenter de mettre à mal leurs adversaires politiques et attirer à eux des électeurs, dans des campagnes racistes et xénophobes qui se généralisent. En reniant le passé, en niant à cet islam l’acquis européen, on lui dénie la moindre participation à la formation de l’identité européenne, désormais considérée comme purement gréco-romaine et judéo-chrétienne, et l’on fait passer des examens aux frontières qui testent arbitrairement la flexibilité morale des immigrés et qui reposent sur des lois sécuritaires malheureusement très limitatives.

Troisièmement, rien ne sert de condamner le racisme et la discrimination, si l’on ne fait pas d’efforts et si l’on ne met pas en place une politique de coopération avec les pays d’origine, et surtout avec le Maroc, qui permette de joindre les paroles aux actes.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie)* – Plusieurs politiques de l’immigration en Europe allant dans le sens du renforcement de l’étanchéité des frontières des pays européens ont été fondés sur des arguments qui ne résistent pas à l’analyse scientifique. Ils se basent dans la plupart des cas sur la crise qui frappe l’Europe, dans d’autres sur des considérations politiques qui courtisent l’électorat de l’extrême droite. Les rapports que nous sommes en train d’examiner sont d’une grande portée scientifique et pédagogique. Ils défendent l’approche de l’intégration politique, économique et culturelle des immigrés, mais déstabilisent aussi l’argumentaire et les discours de discrimination, de racisme et d’exclusion.

Cette approche intégratrice ne contient en elle-même que des arguments positifs et démontre que l’immigration est une solution et non un problème. Les études scientifiques, telles que celles qui sont décrites dans le rapport, démontrent l’apport bénéfique des travailleurs étrangers dans les économies des pays ciblés par les flux migratoires. L’immigration réduit le fardeau fiscal lié au vieillissement démographique, l’immigration assure la pérennité des systèmes de protection sociale et les systèmes de retraite par l’apport d’une population active jeune.

Les immigrés jouent également un rôle décisif dans la croissance économique. Les bienfaits de l’immigration ne sont pas seulement économiques. Sans parler de la richesse biologique, démontrée scientifiquement à la suite des métissages et des mariages mixtes, prenons en compte la richesse culturelle que génère l’émigration. En tissant des liens de parenté biologique, l’émigration permet des liens de parenté et de métissage culturels, autrement dit lancent des ponts entre les civilisations et les cultures, offrent plus d’opportunités d’entente et de paix dans le monde.

Le Maroc n’a jamais connu le modèle de l’Etat-providence et continue d’être confronté à divers défis de développement. Le Maroc, qui a longtemps été une source d’immigration et un pays de transit d’immigrés venus de pays africains, est contraint, en raison des politiques protectionnistes adoptées par les pays européens, à opter pour une politique migratoire très avancée, fondée sur trois dimensions : une politique objective, une politique migratoire globale et une politique qui respecte les droits de l’homme.

Le Maroc a opté pour une politique migratoire, pour l’intégration des immigrés, et ce pour une raison simple : nous avons toujours défendu l’intégration de nos immigrés en Europe parce que nous avons toujours défendu l’idée que l’immigration est une richesse et non un problème. C’est pourquoi nous félicitons les deux rapporteures.

LE PRÉSIDENT – M. Ameur, inscrit dans le débat, est absent de l’hémicycle.

(Poursuivant en anglais). La liste des orateurs est épuisée.

Madame Strik, vous disposez de cinq minutes pour répondre aux orateurs.

Mme STRIK (Pays-Bas)rapporteure* – Je remercie l’ensemble des mes collègues de l’appui qu’ils ont apporté au principe illustré dans les deux rapports.

Je suis très contente que nombre d’entre vous aient fait part de leur propre expérience et souligné que nos rapports se fondent sur la réalité, sur les faits. Nous avons, en effet, recherché un équilibre, ce qui diffère des déclarations rhétoriques habituelles que l’on entend dans les débats sur les migrants dans nos pays.

Je comprends Mme Gorghiu. Dans mon pays, la résistance vis-à-vis de la libre circulation des ressortissants de l’Europe de l’Est est extrêmement forte. Ce débat très négatif ne se fonde pas sur des raisonnements ni même sur des faits.

Monsieur Fabritius a évoqué la coalition des Etats membres qui plaident en faveur de la modification des règles de la libre-circulation. Mme la commissaire Reding a déjà répondu que cette idée ne se fondait pas sur les faits. Bien sûr, il faut lutter contre les abus. Il n’y a là aucun lien avec la liberté de mouvement. Nous bénéficions tous du marché intérieur.

La tonalité du débat et les positions adoptées par les uns et par les autres constituent un grand soulagement, en tout cas pour moi. Le débat a été très nuancé, équilibré, et j’aimerais que ce type de débat puisse avoir lieu plus souvent dans mon pays. Je crois que la plupart d’entre nous sommes d’accord pour dire que si les migrants ont une position forte, ont accès au marché du travail, participent à la vie politique et font venir leur famille dans la société d’accueil, leur contribution à la société d’accueil n’en sera que plus solide. C’est le thème commun des deux rapports.

Le Parlement est au service de toute la société. Un accès facile à un statut ou à une nationalité est essentiel pour que les migrants puissent jouer un rôle réel. Ils peuvent devenir des électeurs, ce qui est également susceptible d’avoir un impact sur le discours des responsables politiques qui voudront peut-être alors s’attirer les suffrages de ces nouveaux électeurs.

Je suis d’accord avec Mme Virolainen pour dire que les migrants ont deux fois plus d’efforts à faire que la population autochtone, ce qui nous ramène au débat que nous avions hier sur le racisme. Mme Christoffersen en a parlé. Si l’on est exclu ou détesté, si l’on n’est pas pris au sérieux, comment peut-on éprouver un sentiment d’appartenance au pays d’accueil ?

Je voudrais féliciter Mme Kyriakidou qui a élaboré un rapport courageux et qui a suscité le débat très positif que nous avons eu. J’espère que nous pourrons en faire plus au nom de la commission des migrations.

Mon rapport était plus technique, cela fut dit. C’est aussi un avertissement qui est lancé. L’abus et la mauvaise utilisation des tests d’intégration, l’établissement d’un lien direct avec le statut de résident seraient susceptibles d’avoir un effet très négatif sur l’intégration. Cela reviendrait à entraver les droits des migrants et à les affaiblir.

Il s’agit d’un rapport technique, mais c’est un rapport substantiel néanmoins, et je tenais à l’élaborer, car l’usage des tests d’intégration se développe très rapidement sans que l’on ne s’interroge beaucoup sur les conséquences de leur utilisation.

Le président de notre commission a cité l’exemple de la France. La France est également mentionnée positivement dans le rapport, puisque ce pays a recours aux tests d’intégration. Cependant, en cas d’échec aux tests, cela n’empêche pas l’intéressé d’entrer sur le territoire français, où il suivra des cours d’intégration. Les tests ne sont jamais un prétexte pour refuser l’intégration.

Essayons de nous inspirer des bonnes pratiques de chacun de nos pays et retenons les politiques qui favorisent réellement l’intégration, car c’est ce que nous voulons tous.

LE PRÉSIDENT* – Madame Kyriakidou, vous disposez de trois minutes pour répondre.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre), rapporteure* – Je remercie mes collègues pour leur contribution positive et pour leur soutien.

Au début, notre travail avait pour but, comme l’a rappelé l’une de nos collègues, de voir si les migrants étaient un avantage ou un fardeau pour nos sociétés. Or, au fur et à mesure de la réflexion, nous nous sommes rendu compte que leur apport était positif. Nous avons donc modifié le titre du rapport pour nous concentrer sur les avantages que représentent les migrants pour nos sociétés.

Même si ceux de nos collègues britanniques qui se sont exprimés tout à l’heure ne sont plus parmi nous, je tiens à dire, comme je l’avais d’ailleurs fait dans mon intervention liminaire, que la mobilité des étudiants – européens et non européens – a constitué un avantage considérable pour l’économie britannique. J’en veux pour preuve un exemple tiré de mon expérience personnelle. Avant même que Chypre n’entre dans l’Union européenne, on acceptait des étudiants non européens dans les universités britanniques. Mes trois enfants sont ainsi partis étudier en Grande-Bretagne. Il m’en a coûté 60 000 livres sterling pour les trois années d’études de mon fils aîné. J’ai moi-même fait mes études en France. Je veux dire par là que le fait de recevoir des étudiants étrangers a un effet positif sur l’économie d’un pays. Maintenant que Chypre fait partie de l’Union européenne, il est évident que de tels cours sont moins chers pour nous.

Je voudrais remercier M. Jónasson qui a dit que l’intégration passe par l’éducation. Je le remercie également pour son très bon amendement qui a été accepté par la commission.

Je suis d’accord avec Mme Christoffersen pour considérer qu’il faut améliorer les programmes d’intégration. Cela contribuera à la croissance de l’économie norvégienne et cela constituera aussi un exemple à suivre pour d’autres pays européens.

L’un des intervenants a déclaré qu’investir dans l’intégration entraîne un retour sur investissement trois fois supérieur. C’est une formule excellente qu’il nous faut retenir.

Monsieur Kalmár, vous avez parlé des migrants illégaux qui sont souvent victimes de la traite des êtres humains. C’est vrai. Il faut prendre ce problème très au sérieux. S’agissant des migrants illégaux, nous ne disposons cependant que d’estimations.

Pour conclure, je dirai que, en tant qu’élus, il nous revient de conduire le débat sur cette question et non de suivre l’opinion. Nous devons être des leaders d’opinion, contribuer à forger l’opinion. A cet égard, il faut faire comprendre à nos peuples quelle est la réalité quand il est question de migrants.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Mariani, souhaitez-vous reprendre la parole en qualité de président de la commission, en dépit du fait que vous vous êtes déjà exprimé tout à l’heure ?

M. MARIANI (France), président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Monsieur le Président, il m’avait momentanément échappé, tout à l’heure, que j’étais président de la commission. Je me suis exprimé au mauvais moment.

LE PRÉSIDENT* – La discussion est donc close.

Nous en venons au premier rapport intitulé « Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes » (Doc. 13367).

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a présenté un projet de résolution sur lequel trois amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées demande l’application de l’article 33-11 du Règlement, ces trois amendements ayant été adoptés à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. MARIANI (France), président de la commission* – Tout à fait, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – En l’absence d’opposition, les amendements 1, 2 et 3 sur le projet de résolution sont déclarés adoptés définitivement.

Ils sont ainsi libellés :

L’amendement 1, déposé par MM. Jónasson, Gür, Valen, Villumsen, Mmes Groth, Dourou, MM. Loukaides, Papadimoulis, Hunko, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7, première phrase, remplacer les mots « et en acceptant », par le texte suivant : «. Ils se retrouvent dans la position de devoir accepter ».

L’amendement 2, déposé par Mmes Strik, Virolainen, Groth, Reps, M. Gunnarsson, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 10.2.4, à insérer le paragraphe suivant : « promouvoir la diversité en tant qu’avantage apporté par l’immigration et l’intégration, les migrants étant considérés comme une ressource pour le développement économique, social et culturel local, et non uniquement comme des groupes vulnérables ayant besoin d’aide et de services sociaux ni comme une menace pour la cohésion sociale ; »

L’amendement 3, déposé par Mmes Strik, Virolainen, Groth, Reps, M. Gunnarsson, tend, dans le projet de résolution, avant le paragraphe 10.3, à insérer le paragraphe suivant : « sachant que l’intégration s’opère principalement à l’échelon local, de tirer parti de l’expérience du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ainsi que du programme “Cités interculturelles” du Conseil de l’Europe et de l’INDEX des cités interculturelles créé dans ce cadre ; »

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (56 voix pour, 3 voix contre et 0 abstention).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au deuxième rapport intitulé « Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ? » (Doc. 13361).

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a présenté un projet de résolution et un projet de recommandation sur lesquels aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc procéder directement au vote sur le projet de résolution.

Le projet de résolution est adopté (56 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (53 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Félicitations aux rapporteures et merci à vous tous pour votre participation.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 35.

S O M M A I R E

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l’aide internationale ?

Présentation par M. Bockel du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13372)

Présentation par M. Dişli du rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, saisie pour avis (Doc. 13403)

Intervention de M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Orateurs : Mme Virolainen, M. Morozov, Mme Lundgren, M. Gür, Mmes Strik, Osborne, M. Pfister, Mme Durrieu, MM. Fournier, Shlegel, Mme Mattila, MM. Michel, Sasi, Schennach, Chaouki, Mignon, Makhmutov, Mmes Ambler, Schou, M. Rouquet, Mme Johnsen, Sir Edward Leigh, Mme Mulić, MM. Triantafyllos, Sabella, Yatim, Mme Al-Astal.

Réponses de M. le Commissaire aux droits de l’homme et de M. le rapporteur

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Les migrants : faire en sorte qu’ils constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

Les tests d’intégration : aide ou entrave à l’intégration ?

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Kyriakidou du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13367)

Présentation par Mme Strik du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13361)

Orateurs : MM. Binley, Stroe, Jónasson, Mmes Guzenina-Richardson, Quintanilla, Christoffersen, MM. Le Borgn’, Kalmar, Sir Edward Leigh, Mmes Virolainen, Gorghiu, MM. Nicoletti, Chaouki, Badea, Mme Mulić, MM. Mariani, Selvi, Chikovani, Pâslaru, Chisu, Fabritius, Mme Guţu, El Ouafi, M. Yatim

Réponses de Mmes les rapporteures

Vote sur un projet de résolution amendé

Votes sur un projet de résolution et un projet de recommandation

4. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT*

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Daniel BACQUELAINE*

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE*

Taulant BALLA*

Gérard BAPT/ Pierre-Yves Le Borgn'

Gerard BARCIA DUEDRA/Sílvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Teresa BERTUZZI

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ/Snežana Jonica

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI/ Khalid Chaouki

Márton BRAUN*

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA

Nunzia CATALFO

Mikael CEDERBRATT

Elena CENTEMERO*

Lorenzo CESA*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH/Grzegorz Czelej

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE*

Agustín CONDE*

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO

Jonny CROSIO

Yves CRUCHTEN

Katalin CSÖBÖR*

Milena DAMYANOVA*

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER/Fatma Pehlivan

Reha DENEMEÇ*

Roel DESEYN*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA*

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN/Michael Connarty

Ioannis DRAGASAKIS*

Damian DRĂGHICI

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY/Sabine Vermeulen

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA*

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Krejča

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO*

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON*

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE/Sir Edward Leigh

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Tamás GAUDI NAGY*

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Jarosław GÓRCZYŃSKI

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA/Alexander Romanovich

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF/Tineke Strik

Patrick De GROOTE*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Mehmet Kasim GÜLPINAR/Ahmet Berat Çonkar

Gergely GULYÁS*

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Maria GUZENINA-RICHARDSON

Carina HÄGG/Jonas Gunnarsson

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Elżbieta Radziszewska

Hamid HAMID*

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN/Mher Shahgeldyan

Alfred HEER/Eric Voruz

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL/Ester Tuiksoo

Françoise HETTO-GAASCH

Adam HOFMAN*

Jim HOOD

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER*

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO/Olga Kazakova

Vladimir ILIĆ*

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Stella JANTUAN*

Tedo JAPARIDZE*

Ramón JÁUREGUI/Laura Seara

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN/Kristin Ørmen Johnsen

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN/Jussi Halla-Aho

Ferenc KALMÁR

Mariusz KAMIŃSKI

Deniza KARADJOVA*

Marietta KARAMANLI/Jean-Pierre Michel

Ulrika KARLSSON/Kerstin Lundgren

Jan KAŹMIERCZAK/Zbigniew Girzyński

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH/Marek Borowski

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Kateřina KONEČNÁ/Pavel Lebeda

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Attila KORODI/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Dmitry KRYVITSKY/Anvar Makhmutov

Athina KYRIAKIDOU

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Christophe LÉONARD*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Trine Pertou MACH/Nikolaj Villumsen

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Philipp MIßFELDER*

Rubén MORENO PALANQUES

Igor MOROZOV

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR/André Reichardt

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Marian NEACŞU/Ana Birchall

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Elena NIKOLAEVA/Robert Shlegel

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL/Tomasz Lenz

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Lesia OROBETS*

Sandra OSBORNE

José Ignacio PALACIOS*

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS

Ganira PASHAYEVA*

Foteini PIPILI

Stanislav POLČÁK*

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Jakob PRESEČNIK*

Gabino PUCHE/Carmen Quintanilla

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Pavlo RYABIKIN*

Rovshan RZAYEV

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER/Gerhard Pfister

Ömer SELVİ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO*

Bernd SIEBERT*

Arturas SKARDŽIUS*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV*

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON*

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Mihai TUDOSE/Florin Costin Pâslaru

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS

Ilyas UMAKHANOV/Tamerlan Aguzarov

Dana VÁHALOVÁ*

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ*

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Zoran VUKČEVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Jordi XUCLÀ

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV/Vassiliy Likhachev

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Croatie*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Spyridon TALIADOUROS

Observateurs

Stella AMBLER

Marjolaine BOUTIN-SWEET

Corneliu CHISU

Michel RIVARD

Partenaires pour la démocratie

Azzam AL-AHMAD

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Abdelkebir BERKIA

Nezha EL OUAFI

Bernard SABELLA

Bassam SALHI

Mohamed YATIM