FR14CR12

AS (2014) CR 12

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la douzième séance

Mardi 8 avril 2014 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Walter, Vice-Président de l'Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1 Prostitution, traite et esclavage moderne en Europe

LE PRÉSIDENT* – – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Mendes Bota, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, sur la prostitution, la traite et l’esclavage moderne en Europe (Doc. 13446).

L’Assemblée avait décidé, au cours de sa séance de lundi matin de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes, mais compte tenu du nombre d’orateurs et d’amendements, j’ai décidé d’allouer, pour ce débat, un temps de parole de quatre minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 13 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 12 h 45, afin d’entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. MENDES BOTA (Portugal), rapporteur* – Le Portugal est le premier Etat au monde à avoir aboli l’esclavage en 1761. La France l’a suivie dès 1848. Néanmoins, à peine 14 années plus tard, en 1862, le grand écrivain Victor Hugo, dans son œuvre majeure Les Misérables, écrivait : « Ils disent que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une erreur. L’esclavage existe toujours, mais il ne pèse que sur les femmes et il s’appelle prostitution. » Il ajoutait : « La prostitution, c’est la société achetant une esclave. A qui ? A la misère, à la faim, au froid, à l’abandon, au dénuement. Une âme pour un morceau de pain. La misère offre, la société accepte. »

Ces propos écrits il y a longtemps restent d’actualité et s’appliquent à la vaste majorité de ceux qui vivent de la prostitution aujourd’hui et qui se nourrissent de la traite des êtres humains.

Il y a ce que l’on appelle « la troïka du diable » qui joint la migration à la traite et à l’exploitation sexuelle. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les statistiques disponibles font apparaître que les deux tiers des victimes de la traite sont destinés à l’exploitation sexuelle et à la prostitution forcée et que les deux tiers de ces victimes sont des femmes et des jeunes filles.

Légaliser la prostitution n’a pas été une solution couronnée de succès : la protection du statut des prostituées n’a pas amélioré leur situation. En effet, les organisations criminelles sont plus prospères que jamais. De la même façon, la pénalisation des services sexuels a été un véritable exercice de mystification et d’hypocrisie.

De nombreux de pays de l’Europe de l’Est, y compris la Roumanie, la Bulgarie et la Fédération de Russie, qui sont des fournisseurs de l’industrie de la traite des êtres humains, interdisent toute forme de prostitution chez eux, mais elle fleurit dans tout le pays : dans les hôtels, les salons de massage, les spas ou sous la forme de services d’escorts.

C’est pourquoi je propose un ensemble de mesures pour interdire l’exploitation sexuelle. Des services de conseils doivent être mis à disposition des prostitués, notamment sur les questions juridiques et de santé. Sont également importants les programmes qui devraient être établis pour les travailleurs du sexe qui veulent s’en sortir. Si parfois la prostitution est un choix, souvent elle devient un esclavage.

Après toutes ces études, je suis absolument convaincu que l’adoption de politiques sur la prostitution est un outil efficace pour lutter contre la traite des êtres humains. La grande majorité des travailleurs du sexe sont forcés de se prostituer. Nous pouvons donc avoir un impact positif avec des politiques : en réduisant la demande, on réduira le nombre de victimes d’exploitation sexuelle et de trafics.

Plusieurs pays européens ont choisi cette voie. La Suède l’a fait depuis 15 ans. La législation suédoise sanctionne en effet non pas les travailleurs sexuels mais les clients. On peut d’ailleurs constater les résultats positifs d’une telle législation. La prostitution de rue a disparu et la prostitution en général a diminué de moitié. Les jeunes Suédois considèrent que la prostitution n’est pas acceptable et sont conscients du fait qu’elle est une forme d’exploitation et une atteinte à la dignité humaine, notamment des femmes et des jeunes filles. Les organisations criminelles ne trouvent d’ailleurs plus en Suède un marché attractif. Des conversations entre trafiquants, écoutées par Interpol, le montrent parfaitement.

Nous devons également trouver des moyens pour décourager toute personne d’entrer dans la prostitution. Il s’agit d’un débat philosophique, il n’y a aucun jugement moral. Le Conseil de l'Europe doit promouvoir les droits de l’homme et intervenir dans les domaines où ils sont en jeu. Toute société est autonome et souveraine et peut faire ses choix. Mais je propose aux législateurs de toute l’Europe d’examiner la situation, de débattre, de faire des recherches et de suivre l’exemple de la Suède et d’autres pays nordiques qui ont pénalisé l’achat de services sexuels. Je pense qu’il s’agit là de la mesure la plus efficace pour lutter contre la traite des êtres humains. Et ce n’est pas une question idéologique, mais la meilleure pratique que j’ai pu trouver dans les pays que j’ai visités pour préparer mon rapport. D’où le projet de résolution qui donne des indications dans ce sens.

Par ailleurs, il me semble que l’âge pour être légalement prostitué devrait augmenter et passer de 18 à 21 ans. Cette mesure pourrait réduire le risque d’endommager à jamais la vie d’une jeune personne et cela réduirait le nombre de personnes qui entrent dans la prostitution.

Il serait également utile de faire prendre conscience de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les prostitués. En Europe, nous ne sommes pas conscients que les travailleurs du sexe sont victimes de trafiquants et souvent forcés à entrer dans cette activité. Nous devons donc donner des chiffres fiables et comparables sur la prostitution et la traite des êtres humains. Si nous voulons avoir des politiques efficaces, elles doivent s’appuyer sur la réalité. Et si nous voulons gagner cette bataille difficile, il faut s’attaquer à toutes ces formes de criminalité.

La prostitution volontaire est un mythe. La grande majorité des prostituées le sont du fait de leur extrême pauvreté ou parce qu’elles sont victimes de violences. Le nombre de victimes de trafics humains est estimé entre 70 000 et 140 000 par an en Europe. Quand je pense à ces femmes, je réalise que je ne veux pas contribuer, ni en tant qu’homme, ni en tant que politique, par action ou par inaction, à enrichir les proxénètes et les trafiquants.

J’ai été écœuré par les histoires de gangbangs et de viols collectifs. Or je me rends compte que nos sociétés sont devenues indifférentes et que l’on peut trouver dans les journaux ou sur internet des annonces comme celle-ci : « de la chair fraiche est arrivée en ville ». Autrement dit, de nouvelles victimes.

Stop à l’esclavage, stop à la traite des êtres humains.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous reste quatre minutes et demie pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Nous en venons à la discussion générale.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je félicite et remercie M. le rapporteur pour son rapport constructif contenant un grand nombre d’informations.

La question qui est soumise à notre débat est très grave aujourd’hui en Europe. Différents avis ont été exprimés au sujet du rapport, certains ayant trait à l’impossibilité d’imposer la morale à différents individus. Mais le rapporteur a choisi de ne pas traiter de cet aspect, au contraire, son approche est fondée sur les droits de l’homme et en particulier les droits des victimes de la traite.

Il est mentionné dans le rapport que la traite des êtres humains est une violation horrible des droits de l’homme et une activité lucrative pour les organisations mafieuses. Le rapporteur souligne le fait que la traite des êtres humains est une forme moderne de l’esclavage, des siècles après l’abolition de l’esclavage dans notre partie du monde. Il note en particulier que l’exploitation sexuelle est, en Europe, la forme la plus répandue de l’esclavage. En effet, 84 % des victimes font l’objet d’une traite aux fins de prostitution. Ce sont des femmes, des hommes, des enfants, mais les femmes sont le plus touchées par ce phénomène.

Le Conseil de l'Europe est une organisation dont le cœur de l’activité est lié à la protection des valeurs démocratiques, la défense des droits de l’homme, et nous sommes gravement préoccupés par les violations des droits de la femme. Dans le droit international, les femmes sont d’ailleurs considérées comme méritant des garanties particulières dans la mise en œuvre de leurs droits. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que la mise en œuvre des droits déclarés échoue dans de nombreux cas, parce qu’il n’existe pas de véritable égalité des chances. Pour que ces valeurs théoriques soient véritablement concrétisées, nous devons conjuguer nos efforts.

Il existe des situations très différentes dans les pays du Conseil de l'Europe. J’aimerais donc saisir cette occasion pour vous dire ce qu’il en est dans mon pays. Un plan d’action national pour lutter contre la traite a été décidé par décret présidentiel en 2004. Une loi en la matière a pu être adoptée avec un plan d’action et un coordonnateur de la lutte contre la traite des êtres humains.

Le département de lutte contre la traite des êtres humains est un organe structurel qui assure la prévention de la traite, qui combat ce fléau, qui protège les femmes et qui assure la défense des droits civiques, conformément à la Constitution et à la législation de l’Azerbaïdjan.

Le Conseil de l'Europe et ses Etats membres possèdent une expérience et un arsenal suffisant pour éliminer ces problèmes. Nous devons persévérer dans nos efforts. La traite des êtres humains est inacceptable. Il faut trouver de nouveaux moyens pour lutter contre ce phénomène. Le rapport et le projet de résolution nous donnent tous les repères nécessaires pour combattre ce fléau.

LE PRÉSIDENT* - Je dois rappeler à ceux de nos collègues qui n’étaient pas présents au début de la séance que le temps de parole est limité à 4 minutes.

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe * – José Mendes Bota a rédigé un rapport très important sur un sujet malheureusement d’actualité. Je le remercie au nom de mon groupe pour cet excellent travail.

La traite des êtres humains est un drame qu’il convient de combattre. Les souffrances, les risques sont divers, multiples et inacceptables. Le travail forcé, le trafic d’organes, l’exploitation sexuelle sont des violations inacceptables des droits de l’homme, une forme d’esclavage moderne.

Ce rapport étudie différents Etats membres du Conseil de l’Europe. Tous n’ont pas signé la convention de lutte contre la traite des êtres humains, notamment le Liechtenstein, Monaco, la Turquie et la Fédération de Russie. Le rapport montre que la légalisation de la prostitution pourrait avoir des effets négatifs. Nous avons des données sur 150 Etats qui montrent que cette légalisation entraînerait plutôt une augmentation de la traite des êtres humains. Les libéraux auront peut-être du mal à accepter une interdiction de la prostitution. Ils estiment qu’elle mettrait les prostituées dans une situation bien plus grave. Concernant mon pays qui est de structure fédérale, la situation est encore plus complexe parce que le droit varie d’un canton à l’autre.

Dans ce rapport, trois propositions peuvent être concrétisées.

La première concerne la ratification de la convention contre la traite des êtres humains par les pays qui n’y ont pas encore procédé.

La deuxième est d’exiger la création d’une collecte de données européennes sur la prostitution et la traite des êtres humains. C’est une condition essentielle pour prendre des mesures politiques et les évaluer.

La troisième proposition porte sur l’approche retenue dans le Sex Purchase Act, l’achat des actes sexuels. On ne punit pas l’offre de service mais l’achat. Cette approche permet de protéger les femmes, de réduire la demande de prostitution. En Suède elle a été couronnée de succès.

J’appuie les conclusions de ce rapport.

Mme WERNER (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne * – Mon groupe politique remercie le rapporteur pour ses analyses. Nous sommes d’accord avec bon nombre de ses conclusions.

Concernant le point 8, avec des sensibilités différentes, il est difficile d’avoir une seule réglementation de la prostitution. Dans tous les groupes politiques, les avis sont partagés. Nous sommes tous d’accord pour combattre la traite des êtres humains. M. Bota estime que la prostitution et la traite des êtres humains sont deux choses différentes. Mais il y a des recoupements et on efface un peu les limites décisives entre les deux. Je pense qu’il y a une confusion. Je ne peux donc suivre cette recommandation concernant le modèle suédois.

Vous pensez que la pénalisation de la prostitution est une condition nécessaire pour lutter contre elle. C’est une conclusion erronée, car on a la prostitution d’un côté et la traite de l’autre. Ce sont deux phénomènes différents par leur origine, il faut donc les traiter différemment.

Je ne partage pas votre approche selon laquelle le modèle suédois qui pénalise l’achat des actes sexuels serait un instrument efficace pour prévenir la traite. La prostitution forcée et la traite des êtres humains ne peuvent être combattues que si on analyse leurs causes. On les évoque, mais on ne les étudie pas suffisamment.

Il faut aussi parler du racisme, de l’exode, de la misère, de l’association des travailleurs sexuels qui existe en Allemagne. S’il n’y a pas de consentement, c’est un viol qui peut être sanctionné pénalement. La prostitution et la traite des êtres humains ne sont pas sur le même plan, contrairement à ce qui est sous-entendu à plusieurs reprises dans le rapport.

Pour moi, votre rapport, Monsieur Mendes Bota, suscite surtout des questions. En commission, vous avez présenté votre avis personnel. Vous pensez que l’approche suédoise est la bonne, car elle a entraîné un changement de mentalité dans la société. Mais ce changement résulte-t-il de l’adoption de la loi ?

En Suède, des mesures sont-elles prises pour lutter contre la prostitution forcée ? Est-ce qu’il y a eu des avancées ? A-t-on déplacé le problème dans le secteur privé ? Quels sont les effets sur le tourisme sexuel ? Aux Pays-Bas, 50 à 90 % des personnes ne se livreraient pas à la prostitution de leur plein gré. Vous citez aussi des chiffres pour l’Allemagne. Ces chiffres mériteraient d’être précisés.

Votre rapport soulève beaucoup de questions. L’Allemagne et la Suisse sont des pays fédéraux. D’où plus de problèmes pour adopter une législation unique. Je m’abstiendrai lors du vote.

LE PRÉSIDENT* - Chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter votre temps de parole.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Traiter l’humain comme une marchandise : c’est en cela que consiste la traite, qui constitue une grave violation des droits de la personne humaine. Les membres du Groupe socialiste sont donc unanimes sur le fait qu’il faut à tout prix renforcer la protection des victimes de la traite et le respect de leurs droits, et qu’il faut, bien sûr, combattre ce phénomène, conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Comme le souligne M. Mendes Bota – que je tiens à féliciter pour la sensibilité dont il a fait preuve pour rédiger un rapport sur cette question délicate –, la traite à des fins sexuelles est fortement répandue et le lien entre traite et prostitution est, par conséquent, étroit. Au vu de la diversité des lois et des pratiques sur le continent européen, le rapporteur souligne, page 15 du rapport, qu’à son avis « il ne serait guère possible de proposer une politique unique en matière de prostitution pouvant convenir à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ». Et effectivement, au sein même du Groupe socialiste, les avis divergent sur les manières de réglementer la prostitution pour mieux protéger les victimes de la traite. Certains et certaines penchent pour l’incrimination des clients, selon le modèle suédois, quand d’autres, dont je fais partie, privilégient une réglementation pragmatique et libérale de la prostitution.

Au-delà de ces différents chemins vers un objectif partagé, les membres du Groupe socialiste appuient toutes et tous, sans réserve, la nécessité de développer la collecte de données et les recherches sur la prostitution, sur la traite et sur les effets des différentes réglementations. De même, les offres d’accueil et de conseil pour les travailleurs et travailleuses du sexe, tout comme les mesures de sensibilisation, d’information et de formation du public et des professionnels concernés, le tout en étroite collaboration avec la société civile, suscitent notre pleine adhésion. Sans oublier les mesures légales permettant aux victimes étrangères de déposer plainte sans crainte de renvoi dans leur pays d’origine, ni la prise en compte de la dimension économique de ces filières.

Comme le souligne le rapport sur la base du cas de l’Allemagne, le fait de légiférer sur la prostitution ne contribue pas automatiquement à réduire la traite des êtres humains, ni ne garantit l’amélioration des conditions de travail des travailleuses et travailleurs du sexe. Aucune législation n’a d’ailleurs de tels effets magiques. La manière de mettre en œuvre cette législation est, je le crois, plus décisive, comme le montre le cas de la Suisse, mon pays, où la législation actuelle, qui tolère la prostitution et permet aux cantons de la réglementer, bénéficie d’un large soutien. Si la loi fonctionne de manière satisfaisante, c’est en grande partie parce que sa mise en œuvre se fait de concert entre les organisations de travailleuses et travailleurs du sexe, les associations de protection des victimes potentielles, les forces de l’ordre et le système judiciaire, tout ce qui concerne spécifiquement la lutte contre la traite faisant l’objet d’un plan d’action national cohérent contre la traite des êtres humains.

Mais si nous voulons lutter efficacement contre ce fléau, il est nécessaire de changer la vision générale de la société et de changer les rapports entre hommes et femmes. Il faut aussi éviter l’hypersexualisation des enfants. L’interdiction de la prostitution ne fait que reporter le problème, soit dans la clandestinité, soit dans les pays de tourisme sexuel.

Il ne s’agit pas pour moi de citer mon pays en exemple, mais de montrer qu’entre moralisation et indifférence de nombreuses approches sont possibles. Au-delà de la législation adoptée, l’application de la loi et l’implication d’un large spectre d’acteurs sont déterminantes. Le rapport aussi complet qu’intéressant de M. Mendes Bota le montre bien. Puisse ce travail, pour lequel nous le remercions, nous aider à atteindre nos objectifs : l’amélioration de la situation des travailleurs et travailleuses du sexe, la lutte contre la traite et la protection des victimes.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais tout d’abord féliciter M. Mendes Bota pour son excellent rapport. Comme il l’a indiqué tout à l’heure, son travail se caractérise par un esprit d’ouverture. Ses conclusions et ses recommandations n’en sont que plus pertinentes. On a souvent tendance en effet, sur des questions si difficiles, à avoir des idées toutes faites.

Je voudrais saluer le travail entrepris par les Nations Unies, le Conseil de l’Europe, le Commissaire aux droits de l’homme et le Greta, mais aussi par la Commission européenne et le Parlement européen, sur la prostitution, la traite et l’esclavage moderne en Europe. Leurs différents travaux sont très novateurs. La traite des êtres humains est une terrible violation des droits de l’homme. C’est aussi une industrie extrêmement profitable pour des groupes criminels qui pratiquent également d’autres formes de criminalité, telles que le trafic d’organes par exemple. La traite à des fins d’exploitation sexuelle est la forme la plus répandue de traite en Europe. On estime que 84 % des victimes de la traite sont exploitées à des fins sexuelles. Malgré les efforts conjugués pour lutter contre ces crimes et les déclarations d’intention, il n’y a pas d’unanimité sur l’approche juridique à adopter à l’égard de la prostitution et de la traite des êtres humains.

Je partage l’avis du rapporteur : la prostitution volontaire est un mythe. Nous devons le dire haut et fort. Nous devons aussi soutenir ceux qui affirment qu’elle est une forme de violence contre les femmes. Certes, il y a peut-être dans certains pays des comportements plus sexuellement libérés. La prostitution n’y est peut-être pas aussi stigmatisée que dans d’autres et certaines femmes décident de se prostituer de leur plein gré. Néanmoins, c’est loin d’être la majorité des cas. La prostitution et la traite des êtres humains résultent la plupart du temps de la pauvreté, de son exploitation et de l’inégalité entre les hommes et les femmes, mais aussi de politiques publiques défaillantes ou même inexistantes. C’est pourquoi je pense nécessaire d’aborder cette question du point de vue des droits de l’homme et du côté des victimes.

Comme le souligne le rapport, il existe un consensus croissant autour de l’idée que la criminalisation de la demande de services sexuels pourrait permettre de freiner la prostitution et de mettre fin à la traite. Cette mesure a bien fonctionné en Suède et dans d’autres pays nordiques. Toutefois, dans les pays où le cadre juridique est plus favorable aux trafiquants, cette criminalité est malheureusement loin de connaître une baisse. Exporter le problème n’est évidemment pas la solution.

En tant que rapporteure générale sur les enfants auprès de l’Assemblée parlementaire, je tiens à rappeler qu’il ne peut y avoir aucune tolérance vis-à-vis de la prostitution et de la traite d’enfants et d’adolescents. De tels crimes se produisent souvent devant nos yeux. Plus on est jeune, plus on est vulnérable et plus la demande est élevée. Pour les enfants et les adolescents, aucun choix n’est possible. Ils sont confrontés uniquement à la peur, à l’humiliation et à la perte de l’estime de soi. Les traumatismes s’inscrivent de manière permanente dans le parcours de ces enfants et de ces adolescents, détruisant leur vie. Un enfant exploité sexuellement de la part d’une personne censée représenter l’autorité n’est pas en mesure de résister ou de fuir. Il se trouve dans une totale impasse.

Corriger le cadre juridique existant doit être pour nous une priorité. Nous devons en effet tenir compte des nouvelles menaces et des nouveaux défis engendrés par internet.

Mme BOURZAI (France) – Je souhaite féliciter M. Mendes Bota pour son excellent rapport, qu’il a longuement préparé. C’est un fait, et c’est regrettable : la prostitution prospère. Un rapport de 2008 de l’Organisation internationale du travail montrait ainsi que le profit annuel généré par le trafic des êtres humains s’élevait dans le monde à 32 milliards d’euros. En 2010, une étude de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime évaluait à 3 milliards de dollars le marché potentiel de l’exploitation sexuelle en Europe. Ces chiffres ne traduisent pas la misère, la violence et l’esclavage réel des personnes prostituées, qu’elles soient femmes, hommes ou enfants.

Pourtant, la traite des êtres humains est sévèrement – et depuis longtemps – condamnée par le droit international. Dès 1921, la Convention internationale pour la répression de la traite des femmes et des enfants entendait lutter contre le trafic des femmes et des enfants et leur exploitation sexuelle. Ont suivi : en 1949, la Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui ; en 1979, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; en 2000, le Protocole de Palerme et, enfin, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui est entrée en vigueur le 1er février 2008.

Quel bilan tirer aujourd’hui de la mise en œuvre de ce corpus de textes et des législations nationales qui en ont découlé ? Une seule mesure a véritablement permis de réduire l’exploitation sexuelle d’autrui : je veux parler de ce que l’on a pu qualifier d’abolitionnisme. Les rapports du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, le Greta, montrent clairement que le fait de mettre un terme à toute forme de réglementation de la prostitution afin de ne pas l’encourager par une quelconque reconnaissance juridique fonctionne. La reconnaissance des personnes exploitées en tant que victimes et la répression systématique de toute exploitation sexuelle sont les seuls mécanismes qui ont permis à la fois de réduire la prostitution et de modifier la perception qu’en avaient les populations.

C’est le cas de la Suède qui a adopté, en 1998, une législation très restrictive prévoyant une amende et une peine d’emprisonnement de six mois au plus à l’encontre de quiconque tenterait d’obtenir des rapports sexuels occasionnels en échange d’un paiement. On a pu observer qu’en 2008, 71 % de la population étaient favorables à la pénalisation de l’achat d’actes sexuels, alors qu’en 1996, 67 % y étaient défavorables.

La France s’est engagée volontairement sur la voie de l’abolitionnisme. En 2013, elle a transposé la directive européenne relative à la traite des êtres humains. Alors que seulement 20 % des personnes prostituées dans l’espace public étaient de nationalité étrangère en 1990, elles représentaient en 2013 près de 90 % – essentiellement en provenance du Nigéria, de Chine et de Roumanie –, ce qui démontre l’emprise croissante des réseaux de traite sur la prostitution. Le gouvernement français a décidé d’aller plus loin : une proposition de loi prévoyant de punir d’une amende l’achat d’actes sexuels a ainsi été adoptée au mois de décembre dernier par l’Assemblée nationale ; elle est actuellement en cours d’examen au Sénat. Le texte prévoit par ailleurs des mesures d’accompagnement social et professionnel pour les personnes qui veulent quitter la prostitution, sans oublier des mesures de protection au titre du séjour pour celles qui acceptent de témoigner.

Je pense que seule une approche de ce type peut être efficace. En votant aujourd’hui en faveur du projet de résolution, notre Assemblée encouragerait d’autres pays à s’engager dans cette voie. C’est pourquoi je soutiens ce rapport.

Mme MITCHELL (Irlande)* – Je me réjouis d’avoir la possibilité d’appuyer les propositions et recommandations contenues dans le rapport. À cet égard, je félicite M. Mendes Bota pour son approche à la fois ouverte, sensible et équilibrée qui permet d’établir les liens de cause à effet entre les différentes formes de prostitution et la traite.

Il existe en Europe des politiques et des législations différentes en la matière, de même que des approches culturelles et sociales différentes. L’absence de cohérence et de données fiables fait qu’il est difficile de tirer des conclusions définitives. Néanmoins, il est possible d’établir quelques constats clairs et de parvenir à un équilibre ; c’est ce que fait le rapport qui montre par exemple clairement que mettre un terme à la prostitution n’arrête pas la traite et que, réciproquement, supprimer la traite n’éradique pas la prostitution. Néanmoins, comme une immense majorité des victimes de la traite sont des femmes et qu’elles finissent dans la prostitution forcée, une réduction de la demande en matière de prostitution entraîne automatiquement une diminution de la traite.

Dans certains pays, la prostitution n’est qu’une forme d’emploi, alors que, ailleurs, on considère qu’il s’agit d’exploitation – en particulier des femmes. Tous les pays, en revanche, souhaitent réduire la traite. De fait, tout le monde considère qu’il s’agit là d’une violation flagrante des droits de l’homme. Dans les pays où prévaut un régime libéral à l’égard de la prostitution, celle-ci a augmenté, de même que la traite. Au contraire, ceux qui ont suivi le modèle suédois ont vu diminuer l’une et l’autre. Néanmoins, dans les deux cas, une sorte de glissement rend difficile d’évaluer l’effet qu’aurait sur la traite une adoption du modèle suédois dans l’ensemble des pays européens.

Cela dit, selon moi, un fait ressort clairement de ce rapport : malgré les mesures prises au niveau national et international contre la traite des êtres humains – y compris notre propre convention –, celle-ci continue d’exister. De plus, les politiques menées contre la prostitution sont aussi un outil de lutte contre le trafic d’êtres humains, lequel est aujourd’hui un vrai commerce, puisqu’il rapporte 2,3 milliards par an en Europe. Pour lutter contre ce phénomène, il faut prendre des mesures plus importantes. Certes, Europol lutte contre la traite mais, si nous voulons combattre sérieusement cette violation des droits de l’homme, nous devons y consacrer des ressources importantes, au niveau national et international.

Mme CROZON (France) – Vos analyses et conclusions, Monsieur le rapporteur, rejoignent largement les positions exprimées à plusieurs reprises depuis 2011 par le Parlement français, lesquelles, au-delà des alternances politiques, font aujourd’hui l’objet d’un consensus dans notre pays, au moins sur le constat.

Consensus, tout d’abord, sur l’évolution de la prostitution. Si l’ampleur du phénomène demeure difficile à mesurer, chacun s’accorde pour constater l’émergence de réseaux de traite, venant principalement d’Afrique de l’Ouest, d’Europe de l’Est et, de plus en plus, d’Asie. La part des étrangères parmi les prostituées en France dépasse largement 85 %. Si toutes ne sont pas amenées par des réseaux, les indépendantes, poussées par la nécessité financière et qui voient dans la prostitution un moyen de subsistance temporaire, rencontrent bien souvent des souteneurs, et des contraintes les maintiennent durablement dans la dépendance à l’égard de cette activité.

Consensus, ensuite, sur l’échec des politiques pénalisant les personnes prostituées. La stigmatisation des prostituées et la pénalisation du racolage ont pour seul objectif le maintien de l’ordre public. Dès lors, elles échouent à lutter contre le proxénétisme, renforcent l’isolement et la marginalisation des personnes prostituées au détriment de leur insertion, de leur santé et de leur sécurité.

Consensus, enfin, sur la nécessité de changer le regard de la société. En effet, l’idée d’un droit à la sexualité et la revendication d’une liberté d’accès à la prostitution persistent. Je veux le répéter ici : le droit à disposer de son corps n’est pas la liberté de disposer du corps d’autrui et encore moins d’en tirer un quelconque profit.

La France, vous le savez, Monsieur le rapporteur, a fait un premier pas vers le modèle suédois en examinant une proposition de loi qui dépénalise le racolage et responsabilise les clients en les pénalisant financièrement, mais aussi en créant une peine à vocation éducative.

C’est un premier pas nécessaire pour casser le marché. Toutefois, nous savons bien que c’est insuffisant. Sur le terrain, le contrôle et l’évaluation de ces mesures devra s’appuyer sur l’expertise des associations pour vérifier que la législation n’a pas pour effet de fragiliser plus encore les personnes qui se maintiennent dans la prostitution. Il faut développer de réelles solutions de rechange, garantissant à ces personnes un droit au séjour facilitant leur insertion sociale, pour permettre de véritables parcours de sortie de la prostitution. La dimension européenne du phénomène ne peut pas non plus être négligée.

Face à des réseaux qui ne connaissent pas de frontières, la volonté de combattre les trafics sexuels doit, elle aussi, s’en affranchir, faute de quoi nous ne ferons que déplacer les flux et mettre nos politiques nationales en concurrence. La recherche d’une philosophie commune, considérant les personnes prostituées comme des victimes et ayant pour objectif leur affranchissement doit être au cœur de nos politiques publiques, par-delà nos différentes façons d’appréhender la question. C’est la philosophie de votre rapport et je voulais, Monsieur le rapporteur, vous en remercier.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Permettez-moi de commencer par exprimer mes félicitations à M. José Mendes Bota, pour son rapport très pertinent et qui arrive à point nommé.

Pour être tout à fait honnête, je suis extrêmement déçu qu’il faille, ici et maintenant, organiser un débat sur ce sujet, alors que le progrès économique n’a jamais été aussi avancé dans toute l’histoire de l’humanité, et que nous aurions aujourd’hui plus de possibilités que jamais de ne pas subir ce fléau.

Mon pays connaît un taux élevé de traite des êtres humains et j’entends souvent des histoires terrifiantes de jeunes femmes auxquelles avait été promis un bon travail à l’étranger mais qui ont été piégées par l’industrie de l’esclavage sexuel, sans aucune possibilité de rentrer chez elles et sans espoir de voir leur vie s’améliorer.

Comme l’indique le rapporteur dans son exposé des motifs, la Suède a adopté en 1999 une loi qui ne punit plus les personnes qui fournissent des services sexuels, c’est-à-dire les femmes sans défense victimes de la traite, mais qui criminalise ceux qui paient pour ces services. Récemment, des experts de l’Institut allemand de recherches économiques ont réalisé une étude. Cette institution académique de haut rang a conclu que les pays ayant légalisé la prostitution connaissent plus d’entrées de personnes ayant fait l’objet de la traite des êtres humains.

On peut en conclure que l’exemple de la Suède qui rend pénalement répréhensible l’achat de services sexuels mérite d’être suivi, non seulement parce que c’est souhaitable sur le plan moral, mais aussi parce que cela limite la possibilité pour les trafiquants d’exploiter des femmes en provenance de pays pauvres. Cela signifie aussi que la légalisation de la prostitution dans les pays développés aura, sans nul doute, un impact sur les pays dont les économies sont émergentes. Là encore, ce n’est pas acceptable sur le plan moral mais c’est surtout injuste pour les nations en développement qui doivent déjà relever de nombreux défis sociaux, notamment le départ de leurs élites intellectuelles et l’émigration économique. Le rapport montre que les pays les plus pauvres sont les plus exposés à la traite aux fins de prostitution.

C’est la raison pour laquelle, pour obtenir des résultats tangibles dans la lutte contre ce grave problème, les pays doivent coordonner leurs efforts. Les nations développées, qui sont la destination d’un grand nombre de femmes faisant l’objet d’une traite, doivent jouer leur rôle. Elles doivent mettre en œuvre une législation efficace et fournir des informations aux autorités des pays en développement pour les aider à lutter contre la chaîne des trafiquants. De même, ces pays doivent manifester leur volonté de rompre la chaîne du crime organisé qui se trouve derrière ces nombreux réseaux de trafic et de traite. L’effort harmonisé de toutes les parties prenantes est la seule manière de lutter contre la traite des êtres humains et de redonner espoir aux centaines de milliers de personnes victimes de la traite chaque année.

En conclusion, j’appelle les membres de l’Assemblée à soutenir la résolution sans la diluer. Les amendements 3 et 4 affaiblissant l’instrument, je vous invite à adopter la résolution telle que proposée par le rapporteur.

M. S. KALASHNIKOV (Fédération de Russie)* – Parler de l’existence de deux modèles ne correspond pas exactement à la réalité. Disons plutôt qu’il existe deux expériences de vie : celle des pays européens riches et celle des pays pauvres. Le rapporteur a posé le doigt sur le problème, parce que nous considérons tous que l’esclavage sexuel est inacceptable en ce siècle, que c’est une dégradation de la société, le mal absolu.

Mais quelles sont les causes de la prostitution et de la traite des êtres humains ? Un rapport ne peut tout dire, mais le rapporteur a réussi à décrire les principaux problèmes. La traite des êtres humains recouvre la prostitution. À l’heure actuelle, ce fléau s’aggrave. Liée aux conditions économiques, la traite des êtres humains ne cesse de croître et l’on constate qu’au-delà de la prostitution, l’esclavage et le travail forcé augmentent.

Mais pour en revenir à la prostitution elle-même, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas d’une activité librement entreprise. Pour les pays en voie de développement, il ne s’agit pas d’un luxe, mais d’un moyen de survie. C’est une obligation, un travail forcé lié à la situation économique. Ces personnes sont contraintes de se soumettre à ce travail pour des raisons économiques. La littérature classique européenne du XIXe siècle décrit d’ailleurs très bien ce phénomène.

Chers collègues, il existe aujourd’hui différentes sources de prostitution. Pour la combattre, il faut avant tout lutter contre la pauvreté dans les pays d’importation des personnes faisant l’objet de traite sexuelle. Le rapport parle de criminalité. Il faut lutter contre les criminels, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Nul ne conteste que ces femmes sans défense doivent être protégées. Mais ce fléau qu’est la prostitution se criminalise de plus en plus. Il ne s’agit donc pas de chasser aux marges, mais de lutter contre ses sources mêmes.

La question n’est pas de savoir si la prostitution est morale ou non. La prostitution est un mal. Des mesures strictement policières ne pourront pas avoir un effet suffisant. L’expérience mondiale a malheureusement montré que cela ne suffisait pas.

Quant au rapport, il prévoit des dispositions qui suscitent en moi quelques doutes. Ainsi, est-il nécessaire de former des bataillons de policiers, d’assurer des formations professionnelles dans les formations policières ? Il s’agit surtout d’améliorer le fonctionnement de l’ensemble des services administratifs.

Concernant le financement, au paragraphe 12.2, il est proposé de renforcer la coopération avec Europol et d’augmenter les moyens financiers des organismes et services agissant pour la prévention de la traite des êtres humains. Peut-être pourrait-on parler, plus généralement, d’améliorer leur efficacité. À quoi bon leur accorder plus de financement s’ils n’enregistrent pas de bons résultats ? Il faut que ces fonds soient utilisés de manière efficace.

Enfin, au point 12.2.6., il est envisagé que des moyens soient prévus pour la réhabilitation de ces personnes à leur retour dans leur pays d’origine. Je doute que les pays d’origine des femmes victimes de la traite disposent de moyens financiers. Qui doit payer pour leur réhabilitation ?

Par ailleurs, le rapport n’évoque que la Roumanie et la Bulgarie en tant que pays sources. Je ne sais pourquoi, car en Russie, plus de 60 % des prostituées viennent de Moldova ou d’Ukraine et l’on constate un trafic très fort de ces pauvres jeunes filles vers l’Europe.

M. HEER (Suisse)* – Je vous remercie, Monsieur Mendes Bota, pour votre rapport concernant la prostitution en Europe.

Comme ma collègue Mme Fiala l’a dit, en Suisse, nous avons une approche libérale. Une loi réglemente la prostitution, qui n’est pas interdite comme en Suède. Nous sommes quelque peu surpris des considérations, inspirées du modèle suédois, qui visent à pénaliser l’achat de services sexuels.

Prenez le point 12 du projet de résolution. Il exige que les lois, les réglementations en matière de sécurité sociale ou d’imposition soient revues et appliquées à tous les échelons de l’administration. Comment pouvez-vous mettre en pratique ce paragraphe si vous décidez de pénaliser la prostitution ? C’est impossible ! Si la prostitution devient illégale, vous ne pourrez pas percevoir des cotisations sociales, des impôts, et vous n’aurez plus accès aux hommes et aux femmes qui se prostituent. Cela compromettra aussi le travail des ONG.

Ensuite, mon collègue russe l’a dit très clairement, la pénalisation de la prostitution ouvre la porte au crime organisé, le renforce et conforte ceux qui en vivent.

Chez nous, c’est légal. Nous avons des lois, une police spécialisée, des ONG qui peuvent avoir accès aux maisons closes, et nous savons parfaitement qui travaille en Suisse. Nous savons si les travailleurs du sexe exercent de plein gré ou non.

Quant à la traite des êtres humains, c’est un phénomène terrible. Ce crime est passible d’une peine de réclusion pouvant aller jusqu’à quinze ans. Dans plusieurs cas, une peine très sévère a effectivement été prononcée. Ainsi, des personnes qui avaient fait venir des transsexuels de Thaïlande dans le canton de Berne et d’autres qui avaient fait venir des personnes de Bulgarie ou de Roumanie ont été condamnées à quatorze ans d’emprisonnement. Si l’on avait rendu la prostitution illégale chez nous, eh bien, ces personnes seraient quand même venues en Suisse, mais il serait plus difficile pour la police de faire son travail et de mener des enquêtes. De même, les travailleurs sociaux auraient beaucoup plus de mal à rencontrer ces personnes, notamment les femmes, et à les convaincre de déposer en justice et à dénoncer les auteurs de faits relevant d’une traite des êtres humains.

C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer le point 12.1.1 du projet de résolution, qui recommande de suivre le modèle suédois. Je ne pense pas qu’un seul et même modèle puisse s’appliquer à l’ensemble du continent. Chaque pays doit pouvoir décider s’il souhaite libéraliser ou non la prostitution.

En outre, la traite des êtres humains est une réalité, et il faut préserver l’accès des travailleurs sociaux aux prostituées.

Mme SPADONI (Italie)* – La prostitution est un sujet complexe qui suscite des approches très différentes : d’un côté, la pénalisation pure et simple ; de l’autre, la réglementation. Pour aborder ce problème, il ne faut pas tomber dans l’erreur consistant à considérer les travailleurs du sexe comme des victimes de la traite. La distinction entre une personne adulte qui vend son corps et une personne dont le corps est exploité est importante. Une personne pauvre qui vient d’un pays tiers et se prostitue, ce n’est pas la même chose qu’une femme désœuvrée qui vend son corps.

En Italie, les dernières données officielles remontent à 2010. La prostitution représente un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros. La majorité des prostituées en Italie sont des étrangères, et la plupart d’entre elles exercent leur activité dans le cadre de réseaux criminels. Il faut réduire, bien sûr, les conséquences dommageables de la prostitution sur l’hygiène et la santé, et, pour y parvenir, un contrôle doit s’exercer.

En outre, pour réduire le phénomène, il faut que les travailleuses du sexe aient des droits, et la possibilité de s’organiser entre elles. Avec la plateforme européenne Services For Sex Workers, nous disposons de données précises, en particulier dans le cadre du projet TAMPEP.

Nous sommes face à un phénomène de traite des êtres humains, des êtres humains exploités par des trafiquants, qui viennent sous la menace de leur pays d’origine au pays d’accueil en passant par des pays de transit. Ce trafic représente 10 milliards d’euros, et des millions d’enfants font l’objet de cette traite. D’après l’organisation Trafic of Human Beings, qui a étudié le phénomène en 2008, 2009 et 2010, l’Italie est le pays qui compte le plus grand nombre de victimes identifiées ou présumées de la traite des êtres humains.

Toutefois on ne dispose généralement pas de données fiables pour déterminer les meilleures stratégies de prévention et poursuivre les trafiquants. Pour résoudre le problème, il faut donc déjà mettre à jour les données qui concernent les pays membres, tous les pays membres, du Conseil de l’Europe, et avoir une approche comparative. Nous pourrons ensuite élaborer une stratégie commune.

Mme BLANCO (Espagne)* – Permettez-moi tout d’abord de féliciter la commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire, notamment M. Mendes Bota, dont le rapport est très détaillé.

Non seulement le nombre de femmes et de mineurs - car il s’agit essentiellement de femmes et de mineurs - victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne n’a pas baissé, mais il augmente, phénomène qu’aggrave la crise. L’Espagne est un pays de transit et de destination pour les mafias qui se livrent à la traite des femmes comme elles se livrent à d’autres commerces, si j’ose dire, tel le trafic de stupéfiants ou d’armes. Ce sont généralement les mêmes trafiquants qui pratiquent ces trois formes de criminalité !

La traite des êtres humains est une forme d’esclavage que nous ne pensions pas connaître au XXIe siècle. Or au cours de ces premières décennies du siècle, le phénomène s’aggrave. La crise touche toute l’Europe mais aussi beaucoup de pays émergents et peu développés d’où proviennent les femmes et les mineurs. Sans une législation harmonisée dans tous les pays du Conseil de l’Europe, il sera extrêmement difficile de lutter. Six personnes travaillent à plein temps à Interpol sur la traite des êtres humains, mais l’éradication du phénomène requiert un effort plus important. En outre, si les victimes, dont l’identité est souvent modifiée, doivent être protégées dans leurs pays, dans les pays de transit et dans les pays de destination.

Or, si la procédure n’arrive pas à son terme, nous ne parviendrons pas à éliminer ces trafiquants. N’oublions pas que la traite est étroitement liée aux violences exercées contre les femmes en général. À cet égard, un chiffre fait froid dans le dos : 60 millions de femmes européennes ont été menacées, agressées, humiliées ou frappées au cours de leur vie. Les chiffres dont nous disposons sur les femmes et les enfants qui font l’objet de traite sur notre propre continent sont absolument effrayants. Au surplus, en dépit de la législation en vigueur pour lutter contre la violence et la prostitution forcée, les mafias se livrant à l’exploitation sexuelle continuent d’opérer dans les pays membres du Conseil de l'Europe dans une relative impunité. Je citerai la difficulté pour les procédures d’aboutir en Espagne, qui s’est pourtant dotée d’une bonne législation pénale pour lutter contre la traite et contre ces réseaux mafieux.

Bien sûr, il faut accorder le statut de témoin protégé aux victimes, mais elles supportent souvent très mal ces procédures. C’est pourquoi mettre en place des mesures et une législation harmonisée s’impose pour les aider à porter plainte.

L’opinion a besoin de réponses de la part des élus. Il est rare d’entendre un chef d’Etat parler de la violence contre les femmes et des mafias de traite des êtres humains. Ce phénomène doit être ouvertement abordé, y compris dans l’opinion publique. Tout cela ne peut continuer à se faire dans l’ombre. L’Assemblée se doit d’accomplir son devoir.

Mme SEARA (Espagne)* – Je félicite la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour son rapport.

Mes collègues ont évoqué différentes actions possibles de lutte contre la traite des êtres humains. À mon tour, je vous livrerai l’expérience de l’Espagne.

Le précédent gouvernement espagnol, pour la première fois dans l’histoire, a instauré un plan complet de lutte contre la traite des êtres humains, fondé sur trois piliers : la sensibilisation, la protection des victimes avec la poursuite des délinquants, et la prévention. Ce plan qui impliquait plusieurs ministères s’accompagnait de divers instruments. L’Espagne a également créé une sous-commission au sein de la commission sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

Nous pensons que le projet libérateur et universel de protection des droits de l’homme ne peut oublier la moitié de l’humanité. S’il le faisait, il perdrait de sa force émancipatrice, de son élan moral et politique, car l’égalité entre les sexes met en jeu l’égalité des droits humains. Les droits de l’homme sont universels ou ne sont pas. Or la traite esclavagiste de milliers de femmes et de filles de par le monde s’accompagne de vexations, de viols, de tortures, d’exactions. Ces femmes sont extraites de leur milieu et sont contraints, par la violence, à exercer la prostitution.

Contrairement à ce que l’on dit, ce n’est pas le plus vieux le métier du monde : c’est l’une des formes d’esclavage les plus anciennes de l’humanité et la seule qui ait perduré au fil des siècles. La traite, c’est l’esclavage sans frontière : 84% des victimes de la traite sont obligées d’exercer la prostitution. Dans trop de pays, l’exploitation sexuelle des femmes et des filles est utilisée comme monnaie de corruption. Elles ne peuvent obtenir de passeport, un emploi ou engager une procédure de divorce sans l’autorisation de leur mari. Des femmes sont tuées par leur proxénète, des femmes se suicident faute d’avoir une vie digne, certaines font l’objet de mutilations génitales, d’autres sont soumises au mariage forcé, y compris dans des Etats membres du Conseil de l'Europe. Notre tâche est par conséquent immense.

Des pays membres aux bonnes pratiques obtiennent de bons résultats car ils ont une législation efficace. Mais cela ne suffit pas, il faut continuer à travailler. La crise économique mondiale qui fait suite à une crise alimentaire montre qu’il faut aller plus loin. Tout cela est le produit d’un système inégalitaire et déréglementé, qui a oublié l’existence des êtres humains. La traite est un exemple de ce qui se produit quand on oublie des êtres humains, phénomène qui s’est retourné contre les femmes.

Le rapport qui nous est présenté est un bon point de départ pour poursuivre nos travaux en la matière.

Mme JOHNSEN (Norvège)* – Je remercie M. Mendes Bota de son rapport qui donne une bonne idée de la situation en Europe. Le sujet est complexe et nombre de mesures doivent être prises.

La traite est une violation des droits de l’homme et une nouvelle forme d’esclavage. Ainsi qu’il est indiqué dans le rapport, traite et prostitution sont étroitement liées et progressent fortement. Selon le rapport, 84% des victimes sont contraintes de se prostituer, principalement des femmes, parfois des enfants, ce qui est particulièrement préoccupant. Ils représentent un groupe très vulnérable qui est exploité telle une denrée.

Les organisations criminelles qui contrôlent cette forme de traite sont également très souvent impliquées dans le trafic des stupéfiants.

Il y a traite lorsque l’on exploite une personne par le travail forcé. Les réseaux recrutent et exploitent des personnes pour qu’elles travaillent illégalement pour un salaire minimum dans des conditions déplorables, dans des commerces, tels que des restaurants, ou encore dans le bâtiment, la construction, l’agriculture. D’où la nécessité d’instaurer des mécanismes efficaces pour combattre ce travail illégal.

La tâche est immense. Se saisir du problème à bras-le-corps nécessite de développer une coopération internationale et d’adopter des normes juridiques. Le point 12.2.1 du projet de résolution recommande aux Etats de signer, ratifier, mettre en œuvre la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. La Norvège l’a ratifiée en 2008. La traite a été une priorité pour le gouvernement précédent comme il reste une priorité pour l’actuel. Les plans d’action de lutte contre la traite ont été lancés. La Norvège pénalise l’achat de services sexuels.

Il est difficile de mesurer l’effet de ces différentes réglementations sur la prostitution et la traite. C’est la raison pour laquelle il convient de collecter davantage de données et d’approfondir les études. Etudier la législation et les sanctions criminelles permettrait de déterminer si les différentes mesures prises ont un effet sur la traite. C’est ainsi que l’actuel gouvernement norvégien procédera à une évaluation de la pénalisation mise en place et présentera un Livre blanc au Parlement. Il renforcera également certains instruments de politique sociale.

Je soutiens les différentes mesures présentées et j’encourage de poursuivre la recherche en ce domaine. Il faut protéger les victimes, sensibiliser et coopérer avec les ONG, car la législation n’est pas la seule solution.

Mme NIKOLAEVA (Fédération de Russie)* – Je remercie M. Mendes Bota pour son très intéressant rapport sur un thème extrêmement sensible.

Il a traité avec beaucoup de professionnalisme les questions concernant l’esclavage, la prostitution, la traite. S’il existe des liens entre ces trois phénomènes, ils sont pourtant différents. Nous devons établir une distinction entre l’exploitation d’une femme qui a été obligée de se prostituer et une autre prostituée.

Je suis entièrement d’accord avec mon collègue qui dit que les pays les plus pauvres souffrent davantage de la prostitution. Parfois, les familles pauvres envoient elles-mêmes leurs filles dans des pays étrangers pour les soutenir financièrement grâce à la prostitution. Il faut faire la différence entre ce phénomène motivé par un souci financier et les réseaux de prostitution mafieux qui trompent les jeunes filles et confisquent leur passeport pour qu’elles ne puissent pas s’enfuir. J’ai personnellement aidé des jeunes filles à revenir dans leur pays. Il est très difficile de faire sortir de l’esclavage ces femmes qui ont été forcées, battues et menacées. Malheureusement, je connais même une jeune fille qui en est morte.

Ce rapport est d’une grande importance pour éviter que d’autres femmes ne soient contraintes de se prostituer alors qu’elles n’ont pas fait ce choix. Un certain nombre de propositions et de mesures importantes sont présentées dans le rapport. Les méthodes répressives ne suffisent pas. La prostitution forcée est un crime. Le syndicat du crime étend son réseau dans toute l’Europe et exerce son business lucratif. Afin de lutter dans tous les pays du monde contre ce crime, il faut établir une base de données commune, mettre en place des actions policières communes et des mesures de prévention contre l’établissement de réseaux criminels.

Par ailleurs, il est convient d’aider les femmes victimes de cette situation. Je considère d’ailleurs que les mesures préconisées par le rapporteur sont importantes, mais nous devons proposer des mécanismes bien plus étendus que ceux qui existent à l’heure actuelle. Il convient également de prévenir en limitant la demande. Tant qu’il y aura une demande, il y aura une offre.

Personne ne l’a encore dit, mais la seule façon de lutter contre la prostitution est l’éducation au sein de la cellule familiale.

Il faut éclairer la société avec plus d’informations et condamner ce phénomène, pour soutenir ces femmes et les sauver de l’exploitation et de la prostitution.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – La prostitution a toujours été une question controversée et délicate. C’est une pratique illégale en Roumanie au regard des dispositions du nouveau code pénal qui est entré en vigueur le 1er février 2014.

La société roumaine n’est pas prête à légaliser la prostitution. Il est donc difficile de quantifier les personnes qui se livrent à l’achat et à la vente de services sexuels. Nous disposons néanmoins d’un indicateur intéressant qui est le nombre d’infractions pénales identifiées par les autorités. En 2013, 896 victimes de la traite d’êtres humains ont été identifiées, soit 14 % de moins qu’en 2012.

Quant à la répartition des victimes de la traite en 2013, 77 % sont des femmes et seules 52 % des victimes de cette chaîne de traite des êtres humains sont majeures. Le profil le plus représentatif de la victime de la traite des êtres humains en Roumanie est donc une jeune femme mineure, une catégorie déjà exposée à des inégalités socio-économiques.

Je vous livre toutes ces données pour démontrer que les autorités roumaines déploient des efforts pour lutter contre cette forme de criminalité et la prévenir, criminalité qui a des effets délétères sur les individus et la communauté au plan national et international, y compris dans le domaine économique et du point de vue de la santé publique.

Outre le fait d’imposer des amendes, les autorités publiques roumaines ont entamé un difficile processus d’éradication de la prostitution. Elles souhaitent mettre un terme à cette traite, en faisant appel à du personnel spécialisé, notamment pour conseiller et accompagner les victimes. Je suis convaincue qu’à l’avenir, les autorités roumaines et les autorités de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, opteront pour des projets visant à réhabiliter les victimes et à leur offrir une autre solution de vie.

Je suis reconnaissante au rapporteur d’avoir prêté une attention particulière aux femmes de Roumanie victimes de la traite. Je voudrais vous assurer que nous continuerons de respecter la loi et de traduire en justice les personnes qui participent à la perpétuation de cet esclavage moderne qu’est la traite.

La législation suédoise ne doit pas nécessairement servir de modèle. Nous n’avons pas suffisamment de recul et d’éléments pour en décider ainsi. Je crois aussi que les institutions publiques roumaines sont aujourd’hui en mesure de partager leurs expériences positives et les enseignements qu’elles ont tirés. J’encourage le rapporteur à en tenir compte en prévoyant un éventuel suivi à ce rapport.

Mme ANTIČEVIĆ MARINOVIĆ (Croatie)* – Je remercie M. Mendes Bota pour cet excellent travail que j’appuie pleinement.

Alors qu’à travers l’Europe, l’économie se relève avec peine de la crise, l’industrie du sexe est florissante. C’est une forme d’esclavage moderne. Nombre de femmes optent pour cette activité parce qu’elles sont pauvres. La pauvreté est le principal motif de la prostitution.

La prostitution et la traite des êtres humains pour l’exploitation sexuelle sont une atteinte à l’égalité des genres et aux groupes les plus vulnérables. Il est facile de manipuler une personne qui fait l’objet de trafic, qui est battue, privée de nourriture et de toute dignité. Parfois les criminels la menacent même de tuer les membres de sa famille.

Je ne connais pas beaucoup de femmes qui envisagent de devenir prostituées de leur propre volonté. Connaissez-vous beaucoup de petites filles qui souhaitent devenir prostituées quand elles seront adultes ?

Pour combattre la prostitution, certains préconisent de la légaliser afin de différencier la prostitution libre et la prostitution forcée. Mais les clients ne font pas la différence et les criminels peuvent continuer à jouer les hommes d’affaires légitimes et à travailler dans le marketing de leur activité.

Dans les pays où la prostitution est légale, les deux tiers des femmes sont des étrangères.

La légalisation n’a abouti qu’au développement de la prostitution. Il faut donc poursuivre les clients. Toute réforme législative doit partir de là. Il faut permettre des recherches sur les trafiquants, des enquêtes et la répression. Il faut aussi créer des abris pour accueillir celles qui veulent arrêter la prostitution.

Chers collègues, cessons de répéter que les femmes ont le droit de faire ce qu’elles veulent avec leur corps. Apprenons-leur à le respecter.

LE PRÉSIDENT* - M. Belyakov, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. TILSON (Canada, observateur)* – Je remercie M. Mendes Bota pour son rapport qui m’intéresse particulièrement car le Canada revoit sa législation.

La traite est un crime grave, une violation des droits de l’homme. Conformément au code pénal du Canada, la traite concerne le recrutement, le transport, l’hébergement ou l’exercice de contrôle ou d’influence sur le déplacement d’une personne pour l’exploiter. En février 2013, on comptait 77 procédures pénales en cours sur ces bases. Plus de 90 % concernaient le commerce du sexe.

On compte de plus en plus de victimes du travail forcé, très souvent des étrangers. La plupart de ces victimes sont des femmes et des enfants ou des membres des groupes les plus vulnérables de nos sociétés, notamment les migrants et les personnes socialement défavorisées. Pour lutter contre ce fléau, le gouvernement a engagé un nouveau plan d’action qui met l’accent sur la sensibilisation, l’aide aux victimes et renforce les moyens de poursuite des trafiquants.

Compte tenu des liens entre la traite et la prostitution, je suis tout à fait d’accord avec le projet de résolution pour que les lois contribuent à la lutte. Le Canada a opté pour une approche hybride. La prostitution est légale mais nombre des activités associées sont pénalisées. En décembre 2013, la Cour suprême du Canada a estimé que certaines dispositions du code pénal violaient les droits des prostitués et la charte des droits et libertés. La Cour a donné une année au parlement pour revoir sa législation ; des consultations sont en cours. C’est pourquoi le Canada devrait s’inspirer du modèle nordique qui pénalise l’achat de services sexuels par les clients, tout en dépénalisant la prostitution en tant que telle.

Les études ont montré que les Etats qui ont adopté cette approche comptent moins de victimes de la traite pour l’exploitation sexuelle. Non seulement ce modèle réduit considérablement la demande de services sexuels mais il reconnaît la prostitution comme une forme de violence à l’encontre des femmes. Comme l’a indiqué la Cour suprême, pour beaucoup, la prostitution n’est pas un choix mais une obligation imposée par les circonstances.

Nous devons soutenir toutes les mesures ayant pour but d’éliminer la prostitution et toutes les autres formes d’exploitation sexuelle.

Mme SCHOU (Norvège)* – La plupart des Européens s’imaginent que l’esclavage est une abomination du passé. Tel n’est pas le cas. Le rapport montre clairement que la traite des êtres humains est un esclavage des temps modernes. Des victimes sont forcées de se prostituer. Elles sont contrôlées par leurs trafiquants, leurs employeurs. Elles ne sont pas libres de partir ou de prendre des décisions. Ce sont bien des esclaves des temps modernes. Leurs droits humains sont piétinés.

La traite des êtres humains est une forme de criminalité transfrontalière. Les Etats individuels ne peuvent pas lutter en se contentant d’agir à l’intérieur de leurs frontières. La criminalité transfrontalière doit être combattue par la coopération internationale. Il est donc d’une grande importance que nous débattions de la traite des êtres humains dans notre assemblée.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est un instrument important. Je suis heureuse que M. Mendes Bota encourage les Etats membres à signer et ratifier cette convention. Je le soutiens entièrement dans cette démarche.

Pour lutter contre la traite des êtres humains, il faut des plans d’actions nationaux et que les Etats coopèrent entre eux. Les pays d’origine et de transit, ainsi que les pays de destination doivent travailler ensemble. La Norvège a ratifié la convention du Conseil de l’Europe. Elle a contribué au fonctionnement de son organe de suivi, le Greta, déterminant pour la coopération internationale dans la lutte contre la traite des êtres humains. Il est indispensable d’améliorer les enquêtes pour interrompre les flux internationaux et saisir les capitaux de la traite. C’est une des mesures du plan d’action norvégien.

Les victimes de la traite sont vulnérables et non libres. Dans leur situation, il est extrêmement difficile de trouver de l’aide. Ces victimes recherchent rarement l’aide des autorités et de la police. Il est donc particulièrement difficile de les aider. Le plan d’action norvégien met l’accent sur les mesures d’aide aux victimes pour qu’elles retournent dans leur pays d’origine dans des conditions de sécurité.

En tant que parlementaires, nous avons tous une responsabilité. Nous devons attirer l’attention sur cet esclavage moderne et faire de notre mieux pour lutter contre la traite des êtres humains.

Mme MATTILA (Finlande)* – Je remercie le rapporteur pour son excellent travail.

Nous devons rejeter ce phénomène répugnant qu’est la traite des êtres humains, dégradante pour la dignité humaine et incompatible avec la primauté du droit en vigueur dans nos Etats. Les victimes sont des personnes vulnérables, des femmes, des enfants affaiblis. La prostitution s’inscrit fortement dans ce phénomène avec des activités criminelles totalement inacceptables. Je me félicite que M. Mendes Bota ait tenu compte, dans son rapport, de l’esclavage domestique, de l’exploitation des travailleurs et du trafic d’organes.

La Finlande estime que tous les gouvernements devraient désigner une autorité officielle responsable de la lutte contre la traite. Dans mon pays, c’est l’ombudsman pour les minorités qui s’occupe de cela. Il y a de bonnes pratiques dans d’autres Etats européens, en particulier les pays nordiques, comme cela a été mentionné à de nombreuses reprises aujourd’hui, pour rendre ce problème plus visible.

Il est en effet important d’améliorer la visibilité de ce problème, faute de quoi nous ne parviendrons pas à aider les victimes, ni à empêcher les activités criminelles. La Finlande a renforcé la coopération entre les pouvoirs publics et la police. Elle est de ce fait mieux armée aujourd’hui pour lutter contre la traite des êtres humains. Les victimes de cette traite ont besoin de soins de santé adaptés pour se remettre de la terrible expérience qu’elles ont traversée et qui a porté atteinte à leur dignité. Un travail de réinsertion est donc nécessaire pour leur redonner le sentiment d’appartenir à la communauté du pays.

La sensibilisation des travailleurs sociaux, des policiers et des douaniers est également une priorité. Les autorités publiques ont un gros travail à mener dans ce domaine. Malheureusement, le cadre juridique permettant de lutter contre les activités criminelles reste encore insuffisant. La législation internationale mériterait d’être mise à jour au plus vite.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à la légalisation de la prostitution. Bien que certains pays l’aient décidée, je ne crois pas qu’il puisse exister une prostitution volontaire. Quant à internet, il constitue une menace pour nos enfants. Une protection spécifique doit être mise en place en ce qui les concerne et j’appelle tous les pays membres du Conseil de l’Europe à traiter la question de la cybersécurité. Commençons dès maintenant à élaborer des stratégies nationales de lutte contre la cyberprostitution !

Mme MULIĆ (Croatie)* – Cette discussion montre combien la réglementation politique de la prostitution est une question sensible et difficile. M. Mendes Bota propose d’appliquer le modèle suédois dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. J’ai pensé au départ qu’une telle proposition était très courageuse, puis j’ai compris, à la lecture du rapport, qu’elle s’imposait comme la seule solution logique pour garantir la protection des droits de l’homme.

Certains de nos collègues souhaitent une distinction plus nette entre la traite des êtres humains et la prostitution. Le rapporteur a pourtant clairement démontré que ces deux phénomènes sont étroitement liés : 84 % de la traite des êtres humains en Europe visent l’exploitation sexuelle. Il faut ajouter qu’un pourcentage se situant entre 50 % et 90 % de la prostitution autorisée n’est pas volontaire. En réalité, la prostitution volontaire n’existe pas vraiment. Et quand bien même il en existerait une, d’ailleurs, elle porterait atteinte au principe d’égalité entre les sexes, et donc aux droits de l’homme. Or le Conseil de l’Europe a pour mission principale de défendre ces droits. C’est pourquoi j’appelle chacun d’entre vous à soutenir le projet de résolution, sans les amendements proposés.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Bien que ne partageant pas toutes les conclusions du rapporteur, je tiens tout d’abord à le remercier pour son travail. Personnellement, je pense qu’il faut distinguer la prostitution de la traite des êtres humains. En tant que travailleur social, je connais très bien le sujet. Nous devons nous garder de priver les prostituées de leur dignité. J’en ai rencontré beaucoup. Ce sont des femmes courageuses. Certaines d’entre elles se sont organisées en créant des syndicats. Elles défendent leurs intérêts et considèrent leur activité comme un véritable travail.

Toutefois, M. Mendes Bota a raison de dénoncer le phénomène croissant de la traite des êtres humains en Europe, alors que les formes modernes de l’esclavage ont été abolies en 1926. Les chiffres de la prostitution, du tourisme et des emplois à domicile impliquant la traite d’êtres humains sont alarmants.

La question est avant tout sociale. Que pouvons-nous faire face à la pauvreté ? Dans certains pays, les réfugiés, qui n’ont pas accès au marché du travail, n’ont d’autre choix que de faire commerce de leur corps pour survivre. Le législateur, en adoptant certaines dispositions, ne fait que les encourager sur cette voie.

L’approche suédoise n’est pas une solution miracle pour l’Europe. Ayant travaillé dans le secteur de la justice, je suis bien placé pour savoir qu’il est important de pouvoir recueillir des informations, fussent-elles anonymes, pour lutter contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains. Or, les mafias retirent aux prostituées leurs passeports : elles ne peuvent donc déposer de recours en justice et sont expulsées du pays d’accueil. Au Royaume-Uni, en revanche, une femme forcée à se prostituer reçoit immédiatement une protection et une identité. Les approches sont très différentes selon les pays. Je pense très important de choisir un système qui prévoit une protection sociale pour les victimes, ainsi que des normes sanitaires.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – La traite des êtres humains est l’une des formes les plus abominables de violation des droits de l’homme. Elle doit être combattue par tous les moyens. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Le rapport décrit deux grandes approches dans les politiques vis-à-vis de la prostitution en Europe. La première consiste à légaliser toutes les activités liées à la prostitution. La seconde criminalise l’achat de services sexuels. La Norvège a opté pour cette seconde voie après un très long débat, à l’intérieur et entre les partis politiques. La décision de criminaliser les clients de la prostitution a été prise par le congrès du parti travailliste de 2007. Bien que la loi ait été promulguée en 2008, le débat entre ceux qui la soutiennent et ceux qui la combattent n’a pas cessé depuis.

Les deux partis conservateurs au pouvoir, ainsi que le parti libéral, ont promis d’abroger cette loi et, ensemble, ils ont la majorité au Parlement. Or les avis sur le sujet sont partagés, y compris en leur sein. Certains maires conservateurs de nos grandes villes ont adressé au gouvernement un message fort pour protester contre l’abrogation de la loi et l’ont même mis en garde contre les conséquences de cette mesure.

Le rapport de M. Mendes Bota reflète bien ce débat politique en Norvège. Il montre également que la criminalisation a eu des effets positifs, au contraire de la légalisation, laquelle n’a eu que des conséquences négatives. J’espère donc que cette Assemblée choisira de soutenir l’appel en faveur de la criminalisation de l’achat de services sexuels. Au-delà, il est important que nous nous posions tous la question, chez nous, au sein de nos parlements.

Toutefois, la criminalisation de la traite et la pénalisation des acheteurs ne sont pas suffisantes. L’année dernière, le Greta, notre groupe d’experts spécialisé sur cette question, s’est rendu en Norvège, qui est l’un des pays de destination des victimes, les pays d’origine étant quant à eux surtout le Nigeria, la Roumanie et la Lituanie. Chez nous, le phénomène concerne environ 200 victimes par an, surtout des femmes – mais, sur ce nombre, on compte également 70 à 80 mineurs, garçons et filles. Le Greta s’est félicité de certaines mesures importantes prises par notre gouvernement pour lutter contre la traite des êtres humains, mais il a également énuméré les défis qu’il nous reste à relever pour nous conformer à l’approche retenue dans la convention du Conseil de l’Europe, laquelle est fondée avant tout sur les droits de l’homme. L’une des recommandations principales formulées à propos de la Norvège est la mise en place d’un mécanisme national permettant de repérer les victimes et de les aider.

Le Greta exerce un suivi thématique qui concerne tous les Etats membres. Récemment, il a été obligé de réfléchir aux modalités de ce suivi. Quoi qu’il en soit, il est essentiel que nous prenions au sérieux nos obligations, à commencer par celle de se soumettre à ce suivi.

Mme HETTO-GAASCH (Luxembourg) – Mesdames, Messieurs, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter M. Mendes Bota pour son rapport très détaillé sur la prostitution et la traite des êtres humains en Europe.

Nous sommes toutes et tous d’accord pour dire qu’il existe un lien étroit entre la prostitution et la traite. Etant donné les différences dans les approches juridiques et les sensibilités culturelles, il est très difficile de proposer un modèle unique de réglementation de la prostitution qui conviendrait à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Pourtant, le fait d’instaurer le modèle suédois dans tous les Etats membres serait un signal très fort ; cela éviterait que le phénomène se déplace d’un pays vers un autre. Surtout, cela montrerait clairement que l’Europe n’est pas une plaque tournante pour les services sexuels.

Je salue les propositions formulées dans la résolution de M. Mendes Bota, parmi lesquelles figurent l’interdiction de la publicité sur les services sexuels ; l’établissement de centres d’accueil pour les prostituées ; la mise en place de programmes de sortie, ce qui est particulièrement important ; la coopération ciblée avec la société civile ; la collaboration internationale, ou encore le renforcement des moyens donnés aux forces de police spécialisées et la sensibilisation accrue des jeunes – pour ne citer que quelques-unes des propositions de l’honorable député.

Lors des réunions qui se sont tenues à Strasbourg à la fin du mois de janvier, nous avons eu la possibilité de rencontrer des personnes travaillant étroitement avec des prostituées. J’aimerais revenir sur quelques points soulevés par ces femmes très engagées. Beaucoup de jeunes filles – mineures dans la majorité des cas – sont issues de familles très pauvres, voire en situation de détresse et dans lesquelles la violence est de règle. Ces jeunes filles grandissent sans soutien affectif et ont un amour-propre très peu développé. Elles deviennent facilement la proie de prétendus lover boys qui leur promettent l’amour et la belle vie.

Dès lors, je pense qu’il est indispensable de travailler en étroite collaboration avec les écoles et les lycées, d’informer et de sensibiliser les instituteurs et les professeurs à ce phénomène, d’identifier avec eux des victimes potentielles pour les mettre en garde, leur signaler l’existence de personnes de confiance dans leur quartier, leur proposer un vrai dialogue et – surtout – fournir le soutien nécessaire aux familles.

Mes chers collègues, unissons nos forces et appliquons le cadre juridique de nos pays respectifs de manière systématique et cohérente pour éradiquer cette forme d’esclavage moderne.

M. Flego, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Walter au fauteuil présidentiel.

Mme COSTANTINO (Italie)* – Comme l’affirme à juste titre M. Mendes Bota dans son rapport, aucune discussion politique sur la prostitution ne peut nous amener à faire une différence entre la traite et l’exploitation. Cela dit, le rapport n’évoque pas suffisamment, selon moi, les deux grands modèles en présence.

Il y a, d’une part, celui de la Suède, qui consiste à pénaliser les clients. Le rapport affirme que ce modèle est censé protéger les personnes prostituées. En réalité, il augmente leur vulnérabilité. A cet égard, ses effets sont identiques à ceux de la pénalisation pure et simple des personnes prostituées. Cela conduit à une augmentation de la prévalence des maladies sexuellement transmissibles et à une aggravation des conditions de travail des prostituées.

Il y a, d’autre part, le modèle – appliqué notamment en Suisse – qui consiste à légaliser et à réglementer le travail du sexe. Ce modèle a lui aussi ses limites, car ceux qui n’ont pas de carte de séjour sont obligés de travailler au noir.

Il existe un autre modèle, malheureusement inconnu en Europe : celui de la Nouvelle-Zélande, où les personnes prostituées participent en quelque sorte à leur propre défense. Il existe là-bas un médiateur chargé de s’occuper d’elles ; on leur offre une aide sanitaire et on lutte contre l’exploitation.

La question de la traite est, quant à elle, entièrement différente. La législation italienne en la matière pourrait d’ailleurs constituer un modèle pour le monde entier. Elle prend en compte les victimes ; son originalité réside dans le fait que celles-ci, sans avoir à dénoncer en échange leurs bourreaux, ont droit à un titre de séjour, à un permis de travail et à une protection. Elles sont insérées dans un parcours d’immigration légale. Cette législation devrait être adoptée dans l’ensemble de l’Europe, car elle constitue un moyen efficace de protéger les victimes et de lutter contre les mafias exploitant les femmes dans le monde entier.

Le Parlement européen s’est récemment doté d’une commission spéciale anti-mafias. Le Conseil de l’Europe devrait lui aussi s’attaquer à ce problème. En effet, actuellement, nous nous concentrons sur ce qui constitue le dernier maillon de la chaîne, au lieu de nous attaquer à l’origine du problème, à savoir les mafias. C’est pourquoi, Monsieur Mendes Bota, votre rapport me laisse perplexe : même si vous parlez de l’exploitation, vous vous trompez en érigeant le système suédois en modèle pour toute l’Europe.

M. FISCHER (Allemagne)* – Je voudrais tout d’abord féliciter mon ami M. Mendes Bota. C’est une très bonne chose de parler de la prostitution forcée et de la traite des êtres humains au Conseil de l’Europe et d’adopter sur ces sujets une position claire et nette.

Cela dit, mon cher collègue, j’ai l’impression que vous jetez le bébé avec l’eau du bain. En effet, j’ai l’impression que vous faites la confusion entre la prostitution volontaire, la prostitution forcée et la traite. Or, comme on l’a déjà souligné, il existe des différences entre ces phénomènes.

Selon moi, on ne peut pas interdire purement et simplement la prostitution.

Elle est un des plus vieux commerces, une des professions les plus anciennes au monde. On le sait bien. Au vu des répercussions constatées dans les pays où elle a été interdite, on ne sait si l’interdiction est la bonne solution. Le rapport indique qu’une évaluation sera faite en Suède en 2015. Pourtant, le rapporteur propose d’ores et déjà ce pays comme modèle.

Je me souviens pour ma part d’une excursion que nous avions faite avec mon école à Amsterdam. Nous étions déjà de jeunes adultes et nous avions rencontré là-bas de jeunes Suédois, qui buvaient beaucoup d’alcool. Au début, je n’en comprenais pas bien les raisons. J’ai eu la possibilité d’en discuter avec eux et ils m’ont dit qu’en Suède, il n’était pas bien de boire de l’alcool et que c’était très cher. Mais étant ailleurs, dans un autre pays, ils se laissaient aller.

On s’étonne de voir en face de certains grands aéroports de grandes maisons closes. Mais aujourd’hui, on va d’un pays à l’autre grâce à des billets d’avion qui ne coûtent qu’une trentaine d’euros, et l’on passe ainsi une excellente journée pour une soixantaine d’euros, ou un peu plus. Voilà bien le problème ! Notre collègue Mme Fiala l’a très clairement dit, lorsque l’on parle de prostitution forcée et de traite, il faut réfléchir à ses causes, à la misère et la pauvreté qui poussent certaines personnes à vendre leur corps et les placent dans ces situations forcées.

Il ne sert à rien de dire au Conseil de l’Europe que nous souhaitons imposer le modèle suédois partout. Ce serait pratiquer la politique de l’autruche et ignorer les répercussions qu’aurait une telle politique. C’est la raison pour laquelle je suis favorable aux amendements qui, malheureusement, n’ont pas trouvé de majorité. Le modèle suédois ne peut être la solution unique. Il en existe d’autres et il ne sert à rien de transférer les problèmes d’un pays à l’autre.

M. CHITI (Italie)* – Après avoir écouté cette discussion et examiné la résolution de M. Mendes Bota, j’en arrive à la conclusion que la traite des êtres humains est sous-estimée et constitue une violation épouvantable des droits de l’homme.

Elle fait aujourd’hui, selon le rapport, 140 000 victimes. Beaucoup d’immigrés, en quête d’une vie meilleure, sont obligés de se vendre, mais il y a aussi un grand nombre de citoyens de l’Union européen, des Roumains et des Bulgares notamment, qui se retrouvent contraints à se prostituer.

Il est frappant de constater que ce phénomène augmente en Europe alors que le nombre de condamnations diminue. Des jeunes femmes et des enfants en sont les premières victimes et il est aussi frappant de voir que 84 % des victimes de la traite sont destinées à la prostitution. Il existe un lien clair entre les deux. La résolution souligne qu’il faut tenir compte de la diversité des législations de nos pays, mais aussi que nous sommes face à une violation des droits de l’homme – et que c’est là l’essentiel.

Cela dit, je ne partage pas tous les aspects de la résolution. Mme Costantino parlait de deux modèles, celui des pays nordiques et celui des Pays-Bas. Il existe aussi une législation italienne de lutte contre la traite. Pour ma part, je me demande s’il est vraiment réaliste de proposer un modèle unique alors que les législations de nos pays sont si diverses. Ne serait-il pas plus pragmatique de comparer les résultats des différentes législations pour vérifier concrètement quelles sont les législations les plus efficaces ? C’est sur de telles études que l’on se fonderait pour lutter contre cette atteinte à la dignité humaine.

Dans ce cadre, nous devrions, à mon avis, élaborer une banque de données commune sur la prostitution et la traite des êtres humains pour disposer de données fiables et comparables entre les pays du Conseil de l’Europe. J’ai entendu des idées intéressantes au cours de ce débat, notamment celle d’un programme pour celles et ceux qui veulent abandonner la prostitution, un programme qui les aide à s’insérer dans le monde du travail et la société. Et s’il ne me semble pas possible de retenir un modèle unique, il convient malgré tout d’inviter tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait à signer, ratifier et appliquer la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Ce serait un acte fort de notre Assemblée.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Permettez-moi de féliciter notre ami M. Mendes Bota pour son remarquable travail. Son rapport développe dans son intitulé une idée remarquable : la modernité n’a pas qu’une seule facette, celle de la rationalité, de la démocratie et de l’Etat de droit, elle présente aussi la facette de l’esclavage, de la traite et du commerce des êtres humains.

Malgré les nombreux mécanismes et instruments juridiques nationaux et internationaux mis en place pour le combattre, l’esclavage moderne est un phénomène qui ne cesse, malheureusement, de se répandre. Mais fort heureusement, il y a aussi des consciences et des forces vives sensibles à cette forme d’esclavagisme, que l’on a pu entendre s’exprimer au cours de cette matinée ainsi que dans la résolution qui sera, je l’espère, votée aujourd’hui.

Je reviens un instant sur quelques préconisations de cette résolution : criminaliser l’achat de services sexuels, comme cela se fait dans le modèle suédois, outil efficace de lutte contre la traite des êtres humains ; interdire la publicité, y compris déguisée, pour des services sexuels ; ériger le proxénétisme en infraction pénale, si cela n’a pas déjà été fait ; créer des centres de conseil offrant aux personnes qui se prostituent une aide juridique et de santé indépendamment de leur statut légal d’immigration ; renforcer la coopération internationale ; impliquer la société civile ; informer, former, sensibiliser et accompagner.

Comme vous le savez, le Maroc figure parmi les pays où le commerce des êtres humains est en pleine expansion. Le fait qu’il soit devenu un pays de destination migratoire et de transit vient en effet aggraver le phénomène. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la nouvelle politique d’immigration, un projet de loi sur la traite des êtres humains est en cours d’élaboration. Une proposition de loi en ce sens a également été déposée auprès du bureau de notre chambre par le Groupe du progrès et du socialisme et nous veillerons à que cette loi voie le jour dans les meilleurs délais.

Le Maroc a ratifié plusieurs conventions ayant pour objet la lutte contre la traite. Parmi celles-ci figurent la Convention de Palerme et son protocole additionnel pour la répression de la traite des personnes et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, ainsi que la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Nous espérons que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe les ont ratifiées.

Je confirme, au nom de ma délégation, Monsieur le Président, que nous prendrons en compte et en considération le contenu de la présente résolution dans notre travail législatif qui va bientôt voir le jour. Nous comptons sur la coopération avec le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire dans notre combat commun contre cette forme d’esclavagisme moderne.

Mme RAWERT (Allemagne)* – Le rapport sur la prostitution, la traite et l’esclavage moderne en Europe souligne clairement, et à juste titre, le fait que la traite des êtres humains est une grave violation des droits de l’homme, en particulier des femmes et des enfants. Il faut lutter de manière effective contre traite et prostitution forcée, qui doivent être l’objet d’incriminations pénales et de poursuites judiciaires. Les auteurs de ces faits doivent être traduits en justice. Les victimes de la traite des êtres humains et de la prostitution forcée doivent, quant à elles, être protégées, et il faut élargir le champ de leurs droits.

C’est pourquoi je ne partage pas l’avis du rapporteur quant au fait que le modèle suédois est le meilleur dans la lutte contre la traite des êtres humains. La science n’a pas encore apporté de preuve en la matière. Le tourisme sexuel ne fera l’objet d’une étude définitive qu’en 2015. Je soutiens donc les arguments développés ici, en séance plénière, selon lesquels plus d’études, plus de données fiables nous sont nécessaires.

Avec des collègues, nous avons donc déposé des amendements en commission, qui ont été examinés. Le caractère répréhensible de l’achat de services sexuels, en particulier, est actuellement controversé. Cette question ne fait pas l’objet d’un consensus. Le travail sexuel n’est pas nécessairement la traite d’êtres humains. Ce n’est certes pas un travail classique, au sens d’autres métiers, mais, en Allemagne, d’après la Cour constitutionnelle fédérale, il bénéficie de la liberté d’exercice reconnue par la Loi fondamentale. D’ailleurs, la loi sur la prostitution de 2002 n’a pas fait croître le phénomène.

Le vrai problème est plutôt la lutte contre la traite des êtres humains, compte tenu du fait que les victimes ne sont effectivement pas prêtes à témoigner. C’est pourquoi les droits dont elles jouissent en matière de séjour doivent être améliorés. Ainsi les auteurs pourront-ils vraiment être poursuivis en justice.

En Allemagne, la loi sur la prostitution adoptée en 2002 a marqué un véritable pas sur la voie de l’amélioration de la condition juridique et sanitaire des prostituées. L’objectif était de rendre légale la prostitution, de faciliter l’accès à la sécurité sociale, à la protection sanitaire, d’améliorer les conditions de travail. Ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous poursuivons notre travail sur cette loi. Nous n’avons encore atteint qu’une partie de nos objectifs et il faut un plus grand contrôle politique, plus de résultats. Cependant, même si nous ne sommes pas encore parvenus à nos fins, la prostitution n’a pas nécessairement augmenté. Il s’agit donc pour nous d’améliorer notre appareil législatif. Nous voulons, en particulier, mettre en place plus de postes de conseiller, au profit des personnes concernées par l’industrie du sexe, nous voulons plus de dialogue, plus de réglementation du métier, pour que les auteurs d’infractions soient, quant à eux, punis. Nous voulons en particulier renforcer la protection des mineurs et développer des programmes qui aident ceux qui le souhaitent à sortir de la prostitution.

Dernière question, que voulons-nous faire des femmes qui ont trouvé la force de s’exprimer contre les auteurs de faits de traite des êtres humains ? Faut-il les renvoyer dans leur pays d’origine et dans la pauvreté ? Ou bien faut-il leur permettre de fonder un nouveau foyer, de trouver chez nous un nouveau chez-elles ainsi qu’un emploi dans un autre domaine que celui du travail sexuel ? Un nouveau débat s’impose, non seulement sur la traite des êtres humains, mais sur le droit au séjour.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre)* – La traite des êtres humains est effectivement une forme d’esclavage moderne. Ce phénomène se caractérise par le contrôle et l’exploitation d’un individu, souvent accompagnés de violence. Cet individu peut être une femme, un homme, un enfant ou, comme l’explique aussi le rapporteur, une personne transgenre. Voilà une tragédie qui frappe des milliers de personnes, pas uniquement en Europe mais sur toute la planète. Bien que des efforts concertés, aux plans national, européen et international, aient été déployés pour lutter contre cette réalité honteuse et que certaines améliorations soient intervenues, cette forme d’exploitation humaine n’a malheureusement toujours pas disparu, alors même qu’elle prive les individus de leur dignité et de leur droit à disposer librement de leur corps.

Les statistiques sont extrêmement inquiétantes. Malgré les progrès réalisés dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, il se trouve que la traite des êtres humains, avec tout ce qu’elle emporte de conséquences, continue de prospérer dans la plupart des pays de notre continent, et ce en lien étroit avec l’exploitation sexuelle. En effet, quelque 85 % des victimes de cette traite sont l’objet d’un trafic à des fins d’exploitation sexuelle.

Les raisons de cette exploitation, a fortiori celles de l’exploitation sexuelle, sont simples : c’est l’argent qui est le nerf de la guerre. Comme l’ont annoncé les Nations Unies il y a un certain temps, la traite des êtres humains est l’une des entreprises criminelles les plus lucratives au monde, après le trafic de stupéfiants. Il y a évidemment une autre raison, qu’explique bien le rapport, qui est que la législation n’est pas bien appliquée. Pire encore, elle est parfois inexistante. Il est donc impératif – je suis tout à fait de l’avis du rapporteur sur ce point – que tous les Etats membres de notre Organisation entreprennent une action concertée sans retard. Il faut d’abord adopter des instruments juridiques, et prendre d’autres mesures, dans une perspective de prévention. Il faut aussi sanctionner fermement. Tout cela nous permettra une plus grande efficacité dans notre combat contre ce phénomène inacceptable. C’est ainsi que mon pays, Chypre, qui a signé, ratifié et mis en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, mon pays, qui connaît aussi ce phénomène, poursuit ses efforts pour lutter contre ces activités illégales dans toute la mesure possible.

Plus récemment, un nouveau projet de loi qui a pour objet de remplacer deux textes précédents et de transposer la nouvelle directive de l’Union européenne 2011/36. La commission compétente du Parlement est saisie de ce texte et j’ai bon espoir qu’il soit bientôt promulgué. Cette loi se traduira notamment par l’incrimination de services sexuels, selon le modèle suédois, qui est une réussite.

Je veux enfin dire haut et fort que la traite des êtres humains est un crime qui nous fait honte à tous, un crime qui ne doit pas avoir sa place dans un monde civilisé. Notre tâche est d’abord de soutenir le projet de résolution de M. Mendes Bota, mais c’est aussi de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre un terme, sur un plan national comme sur un plan international, à ce phénomène honteux, qui détruit des vies et qui bafoue le droit à la liberté et à la dignité. Je veux très sincèrement féliciter notre collègue, M. Mendes Bota, pour ce rapport très important. Je soutiendrai son projet de résolution.

Mme MILADINOVIĆ (Serbie)* – Merci, Monsieur Mendes Bota, de nous avoir donné l’occasion de discuter de cette question. La traite des êtres humains est l’une des violations les plus graves des droits de l’homme. Elle compromet la liberté de mouvement, la liberté d’exister. Les personnes deviennent des esclaves. C’est un phénomène mondial.

Les pays en transition économique et politique, les pays en développement, les pays en conflit sont en général les pays d’origine des victimes. Mais le phénomène affecte également les pays développés, qui sont les pays de destination. C’est une chaîne de causes à effets qui lie prostitution et traite des êtres humains. Dans des situations de crise économique, la demande de travail bon marché progresse et cet esclavage moderne affecte tout le monde, quels que soient l’âge, la race, le sexe. Reste que l’une des grandes causes de la traite est l’inégalité des genres. C’est ainsi que les femmes sont plus souvent victimes du travail forcé et de l’exploitation sexuelle. En période de crise économique et de chômage, les femmes ne sont-elles pas les premières à être licenciées et les dernières à être embauchées ? Elles sont alors parfois obligées de se tourner vers le marché noir et risquent plus facilement de devenir victimes de l’exploitation sexuelle. C’est pourquoi l’exploitation et l’industrie sexuelles sont à la fois la cause et la conséquence de l’inégalité entre les genres. C’est là une forme de violence extrêmement grave à l’encontre des femmes et des filles et une violation grave de ce droit de l’homme qu’est le droit à l’égalité et à la non-discrimination. Il est donc de notre devoir de protéger les victimes.

Bien sûr, les approches sont diverses et varient selon les cultures et les sensibilités. Il est par conséquent difficile de proposer un modèle unique de réglementation. Il n’en reste pas moins que toutes les réglementations doivent se fonder sur la protection des droits de l’homme. Le modèle nordique interdisant aux hommes d’acheter des services sexuels et protégeant les femmes vise à réduire la demande qui augmente le trafic et à promouvoir l’égalité entre les genres. Il appartient au Conseil de l'Europe de promouvoir tout système efficace visant à réduire l’exploitation sexuelle, la traite et la prostitution.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni)* – Je joins mes félicitations à celles que mes collègues ont adressées à M. Mendes Bota.

La prostitution, la traite des êtres humains et l’esclavage sont inacceptables. En raison de la nature souterraine de ces phénomènes, on n’en sait que trop peu sur eux. Notre pire cauchemar serait que nos enfants, nos femmes, des personnes de notre famille se trouvent confrontés aux situations décrites dans le rapport. Toute femme, toute fille, tout garçon, tout homme vulnérable qui a subi de tels abus et de telles contraintes est la fille, la sœur, le fils, le frère de quelqu’un, une personne de la famille, un ami…

Toute traite est inacceptable. Et quoique nous connaissions quelques améliorations, nous sommes toujours en situation d’échec s’agissant des dizaines de milliers de victimes qui font l’objet de la traite en Europe. Le rapport montre également que certains Etats membres n’ont toujours ni signé, ni ratifié, ni mis en œuvre la Convention contre le trafic des êtres humains. J’appelle donc mes amis parlementaires ici présents à apporter leur soutien à cet instrument et à mobiliser les leaders de leurs pays en ce sens. La traite des êtres humains étant un problème international, il convient de l’aborder par une approche coordonnée. Nous faisons ce que nous pouvons dans nos pays respectifs, mais nous ne luttons que contre la pointe de l’iceberg.

Je suis d’accord avec M. Mendes Bota pour dire qu’il nous faut collecter plus de données, engager des recherches plus approfondies sur la prostitution et sur la traite. Il semblerait que l’on tâtonne dans le noir et que l’on ne lutte pas contre la traite, car trop souvent on ignore même son existence. Au Royaume-Uni, nous avons voté des lois et nos fonctionnaires s’efforcent de prendre les mesures nécessaires. Je ne veux pas critiquer ici nos fonctionnaires, mais ce travail doit être mieux coordonné pour mesurer toute l’ampleur du problème.

Au Royaume-Uni, on estime à 4 000 le nombre de victimes de la traite à des fins sexuelles – la Chambre des communes avance même le nombre de 5 000. Mais en réalité, une forte proportion des cas ne sont ni répertoriés ni enregistrés nulle part, ne figurent dans aucune statistique. On ne mesure donc pas la gravité et l’ampleur du problème.

La prostitution est le but final de l’essentiel de la traite des êtres humains. Mais je veux dire aussi quelques mots du travail forcé. Au Royaume-Uni, j’ai présenté un projet visant à lutter contre l’exploitation des êtres humains et à s’assurer de l’égalité de traitement entre les travailleurs, ce après le décès, à Morecambe, de 23 Chinois qui faisaient l’objet d’une exploitation forcenée : ils ne recevaient que onze pence l’heure, alors qu’ils réalisaient un travail extrêmement dangereux.

Le rapport n’aborde pas tous les aspects de la traite. Attachons-nous à les répertorier et assurons-nous que nous protégeons toutes les victimes de celle-ci.

Mme ČRNAK MEGLIČ (Slovénie)* – A mon tour, je remercie M. Mendes Bota de son excellent rapport sur un problème de dimension internationale.

Je voudrais mettre l’accent sur deux points : d’abord, la prostitution choisie n’est, dans la plupart des cas, qu’un mythe. Ensuite, chaque système de réglementation présente des avantages et des inconvénients, mais les politiques qui interdisent l’achat de services sexuels sont celles qui ont le plus grand impact et qui réduisent le plus la traite.

Premier constat : c’est une hypocrisie de dire que la prostitution peut-être une activité choisie. Bien des chiffres alarmants militent contre un tel argument. D’après Eurostat, 84 % des victimes sont des femmes et des filles et 15 % des enfants. Au plan international, 98 % des victimes sont des femmes et des enfants.

Cette activité présente pour les trafiquants un faible risque en même temps qu’elle assure de gros bénéfices. Selon l’OIT, elle génère 32 milliards de dollars et selon les informations de la Commission européenne, des centaines de milliers de personnes font l’objet tous les ans d’un trafic en Europe. A ce sérieux problème, il convient de s’atteler rapidement pour éviter les souffrances subies tous les jours par des personnes, des femmes et des enfants en particulier.

Après avoir étudié différents modèles, je suis d’accord avec le rapporteur pour dire que l’approche suédoise qui pénalise les clients est la plus apte à lutter contre cette monstrueuse violation des droits de l’homme. Dans tous les pays, les décideurs devraient s’attaquer à ce problème et prévoir des approches adaptées, prenant en compte les différences juridiques et les sensibilités culturelles.

La pénalisation de la vente des services sexuels n’est pas une bonne chose, car les victimes ont besoin d’assistance et certainement pas d’être sanctionnées. Réfléchir à une meilleure protection des victimes nécessiterait la rédaction d’un autre rapport.

LE PRÉSIDENT* – Mme Arib, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme OHLSSON (Suède)* – Je commencerai par vous féliciter, Monsieur Mendes Bota, pour ce rapport important.

La loi suédoise, qui pénalise l’achat de services sexuels, est entrée en vigueur après plus de deux décennies de débats publics et d’études par les commissions gouvernementales. Comment fallait-il répondre juridiquement à la prostitution ? Elle était de plus en plus considérée – depuis la fin des années 70 – par notre Parlement et notre Gouvernement comme un problème d’inégalité entre les hommes et les femmes. Les mouvements de femmes ont d’ailleurs joué un rôle important dans le processus. En 1998, le Parlement suédois a donc adopté un texte sur la violence contre les femmes. Le problème de la prostitution a ainsi été traité dans le cadre de l’inégalité entre les genres plutôt que sous l’angle de la moralité, de l’indécence ou du trouble à l’ordre public. La violence contre les femmes n’est en effet tout simplement pas compatible avec les aspirations à une société démocratique et égalitaire entre les hommes et les femmes. Il est inacceptable et indigne que les hommes puissent obtenir des services sexuels de la part de femmes contre rémunération.

La dernière enquête du Gouvernement suédois montre que l’achat de services sexuels est plus un crime contre une personne que contre l’ordre public, même si le contexte contient des éléments appartenant aux deux catégories. Il n’y a tout simplement rien de bon dans la prostitution.

Il a été aussi reconnu que les femmes qui se livrent à la prostitution ont souvent subi des sévices ou des abandons pendant l’enfance et ont perdu toute estime d’elles-mêmes. Il est démontré qu’il existe un lien fort entre les abus sexuels et la prostitution.

En criminalisant l’acheteur et en dépénalisant la prostitution, l’Etat reconnaît clairement que la prostitution est profondément inacceptable. Bien entendu, l’incrimination de l’achat de services sexuels ne suffit pas à résoudre le problème et à assurer des vies meilleures à plus d’un million de femmes et d’enfants qui sont achetés et vendus dans le monde entier à des fins d’exploitation sexuelle. Ce n’est pas suffisant non plus pour résoudre le problème de la violence des hommes contre les femmes.

Mais une législation doit exister afin de pouvoir condamner la demande, qui émane essentiellement des hommes. Une telle législation a en outre le mérite d’offrir des possibilités aux personnes voulant échapper à leur situation et des outils pour lutter contre leur proxénète.

La loi doit également tenir compte de la communauté LGBT de façon plus efficace. Tant d’histoires ne sont pas racontées ! Les hommes homosexuels et les personnes transgenres sont très vulnérables et nous devons les inclure dans notre analyse.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Il est tout à fait pertinent que les derniers intervenants dans ce débat soient des Suédois. Je remercie M. Mendes Bota et l’ensemble de la commission pour leur excellent travail.

Cela fait longtemps déjà que nous examinons cette question, et c'est un travail très intéressant. Il est également intéressant de noter que beaucoup d’hommes prennent la parole dans un débat qui porte sur l’égalité entre les sexes. Parce qu’en fait, c’est nous, les hommes, le problème. Vous trouverez d’ailleurs dans l’exposé des motifs une excellente citation qui explique la motivation de la législation suédoise. Il est bien dit que sans la demande des hommes, la prostitution internationale et son industrie ne pourraient pas continuer de s’étendre.

Je ne comptais pas prendre la parole dans ce débat, mais après avoir entendu des discussions ces derniers jours, j’ai pensé qu’il était nécessaire que j’explique pourquoi la Suède a choisi cette voie. Certains ici affirment qu’aucune preuve ne démontre que ce modèle fonctionne. Mais si, il en existe ! Et cela est d’ailleurs bien dit dans l’exposé des motifs.

En Suède, on constate que le soutien à cette loi va croissant ces dernières années. Elle a un véritable effet normatif sur le comportement des hommes à l’égard de l’achat du sexe. On considère aujourd’hui un tel achat comme inacceptable. Rares sont les personnes qui pensent que l’on peut acheter un acte sexuel. Il y a donc eu un grand changement de mentalité.

Par ailleurs, la Suède est devenue un pays qui n’est plus intéressant pour les trafiquants. Cette législation est donc un succès.

Je vous appelle à voter en faveur de ce rapport et à rejeter les amendements qui videraient de sa substance le projet de résolution. L’occasion nous est donnée ici d’utiliser ce modèle contre la traite et contre la prostitution, qui est en soi une violation des droits de l’homme. En effet, personne n’a le droit d’acheter le corps d’une autre personne !

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission. Monsieur le rapporteur, il vous reste cinq minutes.

M. MENDES BOTA (Portugal), rapporteur* – Je rends tout d’abord hommage à l’équipe de la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour son fantastique travail, et en particulier à Giorgio Loddo, qui m’a accompagné depuis le début. Il a une mémoire incroyable, nous avons réalisé des dizaines de rencontres, de visites et il se souvient de tous les messages que nous avons reçus.

Nous avons eu aujourd’hui un excellent débat : 36 orateurs l’ont enrichi, avec parfois des avis divergents. Je souhaite que tous les pays mènent une réflexion sur ce phénomène et sur les modèles possibles pour lutter contre lui.

Nous avons assurément besoin de davantage de données, plus fiables et plus fournies, pour mieux connaître le phénomène, pour savoir combien de personnes se prostituent, d’où elles viennent, combien elles gagnent, qui les exploite et quels sont les réseaux des mafias et des trafiquants.

Nous devons en savoir davantage. Mais le problème, Mesdames et Messieurs, c’est que je ne vais pas attendre dix ans et ravaler ma dignité. Des choses contradictoires m’ont été dites et j’en suis arrivé à une conclusion.

Le modèle suédois n’est pas le seul possible. On en compte trois, le suédois, le prohibitionniste et la légalisation. Nous ne sommes pas ici pour discuter du modèle suédois. Je ne prétends pas être expert mais après ce que j’ai entendu et lu, j’ai dû tirer des conclusions. Le modèle le plus efficace pour lutter contre la traite des êtres humains, c’est celui de la Suède. Bien sûr qu’il a des points faibles. Peut-être que les Suédois exportent le problème mais c’est parce que des gens sont intéressés pour l’importer. Quand on légalise dans un pays, on ouvre les portes. Il est donc important que nous discutions tous ensemble de l’implication des décisions prises.

Certains affirment que la prostitution et la traite n’ont pas de lien. Avec tout ce que nous savons, quelqu’un peut-il soutenir sérieusement un tel point de vue ?

Je n’ai pas trop mis l’accent sur ce point, mais la prostitution comme la traite impliquent de la violence contre les femmes.

Le rapport et le projet de résolution ont cherché le système le plus efficace pour lutter contre la traite des êtres humains.

Cher ami Fischer, vous savez que je vous aime beaucoup. Vous affirmez que la prostitution est le plus vieux métier du monde. L’assassinat, le vol, existent aussi depuis le début de l’humanité, mais pour autant ces actes ne sont ni bons ni acceptables. Nous avons le devoir de lutter contre eux.

On voudrait établir une différence entre la prostitution forcée et la prostitution volontaire. Mais cette dernière est un mythe ! La plupart des prostituées sont forcées de l’être. Je suis allé à Berlin rencontrer une ONG qui m’a montré une enquête sur le quartier concerné. Elle est arrivée à la conclusion que 80 % des femmes et jeunes filles forcées de se prostituer sont venus volontairement pour un travail. Mais le problème c’est d’en sortir, la plupart d’entre elles ne le peuvent pas. Certaines ont réussi, elles disent que c’était sortir de l’enfer.

Chers collègues, je vous remercie pour vos contributions. Même ceux qui ne sont pas d’accord avec mes propositions ont contribué à l’enrichissement du débat.

Mme WURM (Autriche), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* - Monsieur Bota je vous félicite au nom de la commission pour cet excellent rapport. Nous avons discuté, des points de vue différents se sont exprimés. Nous remercions M. Mendes Bota d’avoir présenté les différentes réponses. Nous avons organisé plusieurs auditions. Nous avons étudié le sujet de manière approfondie.

Cela fait deux ans que nous travaillons. Nous sommes mieux informés. Ce qui est important c’est la protection des victimes. La Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains doit encore être signée par certains pays. Il est possible de le faire depuis 2005.

Il faut combattre le crime organisé, il faut recueillir plus d’informations pour savoir exactement ce qui se passe dans chacun de nos pays.

Le rapport a recueilli une grande majorité en commission. Monsieur Mendes Bota, je vous félicite pour ce travail capital qui permet à l’Assemblée parlementaire de faire un pas en avant.

LE PRÉSIDENT* - La discussion générale est close.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination a présenté un projet de résolution (Doc. 13446) sur lequel quatre amendements et un sous-amendement oral ont été déposés.

La présidente de cette commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur l’amendement 2 sur le projet de résolution qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente ?

Mme WURM (Autriche), présidente de la commission * - Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT*- Il n’y a pas d’objection. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

J’en donne lecture :

L’amendement 2, déposé par Mme Ohlsson, MM. Debono Grech, Bonnici, Fenech Adami, Mmes Bilgehan, Fresko-Rolfo, Spadoni, Saïdi, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 12.1.6.6, à insérer le paragraphe suivant : « à sensibiliser davantage le grand public à la nécessité de changer d’attitude envers l’achat de services sexuels et de réduire la demande, y compris en luttant contre l’encouragement social, notamment sur le lieu de travail ».

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 3, déposé par Mme Werner, MM. Fischer, Hunko, Schennach, Kox, Gross, Mmes Rawert, Drobinski-Weiß, Finckh-Krämer, Groth, Fiala, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 5, à remplacer les mots « dans le vain espoir que l’existence d’un secteur légal de travail sexuel en diminue l’attrait pour la criminalité organisée ou puisse améliorer les conditions de travail des travailleurs(euses) du sexe » par les mots suivants : « dans le but d’en diminuer l’attrait pour la criminalité organisée et d’améliorer les conditions de travail des travailleurs(euses) du sexe ».

Mme WERNER (Allemagne)* – Nous voulons ajouter que la légalisation a pour objectif d’améliorer les conditions de travail, mais que cet objectif ne s’est pas concrétisé pour l’instant.

LE PRÉSIDENT* - La présidence a été saisie par M. Mendes Bota, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, du sous-amendement oral suivant :

« Compléter l’amendement n° 3 par les mots : “avec des résultats limités” ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas.

M. MENDES BOTA (Portugal), rapporteur* – Il s’agit de préciser l’amendement.

LE PRÉSIDENT* - Mme Werner est d’accord sur ce sous-amendement.

Avis naturellement favorable de la commission.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous en revenons à l’amendement ainsi sous-amendé.

Mme WURM (Autriche), présidente de la commission* – Avis favorable.

L'amendement 3, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 4, déposé par Mmes Werner, Groth, M. Hunko, Mme Rawert, MM. Fischer, Kox, Mmes Fiala, Drobinski-Weiß, M. Schennach, Mme Finckh-Krämer, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 12.1.1.

Si cet amendement est adopté, l’amendement 1 n’aura plus d’objet.

Mme WERNER (Allemagne)* – Nous demandons la suppression du paragraphe12.1.1. En effet, plusieurs approches doivent être envisagées en Europe, d’autant que l’évaluation du dispositif suédois n’interviendra qu’en 2015.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Je suis opposé à cet amendement, qui priverait de son sens une grande partie du rapport. Comme l’a dit le rapporteur, cette approche suédoise est la plus efficace qui ait été trouvée jusqu’à maintenant. Pourquoi, alors, ne pas l’étendre à d’autres pays européens ?

Mme WURM (Autriche), présidente de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 4 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 1, déposé par MM. Fabritius, Ullrich, Mme Strenz, MM. Hennrich, Fischer, Pushkov, Wellmann, Hardt, Wadephul, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 12.1.1, à remplacer les mots « le plus efficace » par les mots suivants : « plus efficace ».

M. FABRITIUS (Allemagne)* – La pénalisation ne doit pas être présentée comme le mécanisme le plus efficace. C’est difficile à dire pour le moment. En revanche, on peut souligner qu’elle constitue un mécanisme efficace.

Mme WURM (Autriche), présidente de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 1 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* - Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13446, tel qu'il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (82 voix pour, 17 voix contre et 25 abstentions).

LE PRÉSIDENT* - Je remercie le rapporteur, ses collaborateurs et la commission. Merci à tous, chers collègues, pour vos contributions.

2. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 55.

SOMMAIRE

1. Prostitution, traite et esclavage moderne en Europe

Présentation par M. Mendes Bota du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc. 13446)

Orateurs : Mmes Gafarova,  Fiala, Werner, Maury Pasquier, Kyriakides, Bourzai, Mitchell, Crozon, MM. Ghiletchi, S. Kalashnikov, Heer, Mmes Spadoni, Blanco, Seara, Johnsen, Nikolaeva, Gorghiu, Antičević Marinović, M.Tilson, Mmes Schou, Mattila, Mulić, M. Schennach, Mmes Christoffersen, Hetto-Gaasch, Costantino, MM. Fischer, Chiti, Yatim, Mmes Rawert, Kyriakidou, Miladinović, M. Sheridan, Mmes Črnak Meglič, Ohlsson, M. Gunnarsson.

Réponse de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Vote sur un projet de résolution amendé

2. Prochaine séance publique

Annexe

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV/Anton Belyakov

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON

Luise AMTSBERG

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB

Volodymyr ARIEV*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI/Bernadette Bourzai

Daniel BACQUELAINE*

Egemen BAĞIŞ/Suat Önal

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE*

Taulant BALLA*

Gérard BAPT/Pascale Crozon

Gerard BARCIA DUEDRA/Silvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT/Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Teresa BERTUZZI

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART/Fatiha Saïdi

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL/Jacques Legendre

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ/Snežana Jonica

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ/Ismeta Dervoz

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/ Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Márton BRAUN*

Gerold BÜCHEL/Rainer Gopp

André BUGNON

Natalia BURYKINA

Nunzia CATALFO

Mikael CEDERBRATT/Lennart Axelsson

Elena CENTEMERO

Lorenzo CESA/Milena Santerini

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH/Grzegorz Czelej

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE/Olivia Mitchell

Agustín CONDE*

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO

Jonny CROSIO

Yves CRUCHTEN

Katalin CSÖBÖR*

Milena DAMYANOVA/Irena Sokolova

Joseph DEBONO GRECH

Armand De DECKER*

Reha DENEMEÇ

Roel DESEYN*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN

Ioannis DRAGASAKIS

Damian DRĂGHICI*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Bernd FABRITIUS

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON*

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA/Olga Kazakova

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

Patrick De GROOTE*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST/Frédéric Reiss

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ

Ana GUŢU

Maria GUZENINA-RICHARDSON/Jouko Skinnari

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Beata Bublewicz

Hamid HAMID

Mike HANCOCK*

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN/

Alfred HEER

Michael HENNRICH

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Adam HOFMAN/Zbigniew Girzyński

Jim HOOD

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER/Johann Wadephul

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Vladimir ILIĆ*

Florin IORDACHE*

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*/ Marie-Jo Zimmermann

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ/Ingrid Antičević Marinović

Stella JANTUAN

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Kristin Ørmen Johnsen

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ*

Josip JURATOVIC/Gabriela Heinrich

Antti KAIKKONEN

Ferenc KALMÁR*

Mariusz KAMIŃSKI

Deniza KARADJOVA

Marietta KARAMANLI*

Ulrika KARLSSON/Kerstin Lundgren

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH/Marek Borowski

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Kateřina KONEČNÁ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Attila KORODI*

Alev KORUN

Tiny KOX

Astrid KRAG*

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY/Igor Chernyshenko

Athina KYRIAKIDOU

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV/Sergey Kalashnikov

Christophe LÉONARD*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Lone LOKLINDT/Nikolaj Villumsen

François LONCLE*

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Yuliya L'OVOCHKINA*

Trine Pertou MACH*

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV/Robert Shlegel

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Philipp MIßFELDER

Rubén MORENO PALANQUES*

Igor MOROZOV

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Marian NEACŞU/Florin Costin Pâslaru

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Elena NIKOLAEVA

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL/Iwona Guzowska

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS*

Sandra OSBORNE*

Liisa-Ly PAKOSTA

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA*

Ganira PASHAYEVA*

Foteini PIPILI

Stanislav POLČÁK

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/David Crausby

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS

Eva RICHTROVÁ*

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Pavlo RYABIKIN/Iryna Gerashchenko

Rovshan RZAYEV

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER*

Laura SEARA

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Bernd SIEBERT/Jürgen Hardt

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV*

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW/Jonas Gunnarsson

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC/Iva Dimic

Lord John E. TOMLINSON

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS

Ilyas UMAKHANOV

Dana VÁHALOVÁ/Simeon Karamazov

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN/Jaana Pelkonen

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Karl-Georg WELLMANN

Katrin WERNER

Morten WOLD

Gisela WURM

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ/Ivana Dobešová

Barbara ŽGAJNER TAVŠ/Andreja Črnak Meglič

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV/Vassiliy Likhachev

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Christian BARILARO

Hans Fredrik GRØVAN

Elvira KOVÁCS

Rait MARUSTE

Valery PONOMAREV

Barbara ROSENKRANZ

Spyridon TALIADOUROS

Observateurs

Sean CASEY

Corneliu CHISU

Percy DOWNE

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Michel RIVARD

Mr David TILSON

Nycole TURMEL

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Mohammed Mehdi BENSAID

Abdelkebir BERKIA

Hassan BOUHRIZ

Nezha EL OUAFI

El Mokhtar GHAMBOU

Omar HEJIRA

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM