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AS (2014) CR 13
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la treizième séance

8 avril 2014 à 15 heures 30

ADDENDUM 1

La situation et les droits des minorités nationales traditionnelles

en Europe

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par des orateurs qui, inscrits et présents en séance, n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

Mme BONET PEROT (Andorre) – En ce qui concerne la situation des langues régionales ou minoritaires, l'Andorre partage la préoccupation des différents organes du Conseil de l'Europe et soutient la protection de cet héritage culturel en tant qu'aspect menacé du patrimoine culturel européen, ainsi que la valeur de l'interculturel et du plurilinguisme. En ce sens, l'Andorre fait partie de la Convention culturelle européenne depuis 1995 et de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco depuis 2007.

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a recommandé en diverses occasions au Gouvernement de l'Andorre l'adoption de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Le Gouvernement de l'Andorre a réalisé une étude juridique de ces textes pour évaluer l'adéquation de leurs dispositions à l'ordre juridique andorran.

En premier lieu il faut souligner que l'ordre juridique andorran, et plus particulièrement la Constitution et le Code pénal, respecte les principes fondamentaux énoncés par la Convention-cadre et par la Charte.

Néanmoins, la spécificité de l'Etat andorran laisse sans objet l'application de ces deux conventions en Andorre.

Ainsi, pour ce qui est de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, l'article 1 définit l'expression « langues régionales ou minoritaires » comme s’appliquant aux langues pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un Etat par des ressortissants de cet Etat qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l'Etat. Elles sont différentes de la langue officielle de cet Etat ; n'incluent ni les dialectes de la langue officielle de l'Etat ni les langues des migrants.

Le rapport explicatif du Conseil de l'Europe met en garde les Etats membres et souligne que « le but de la charte n'est pas d'apporter une réponse aux problèmes nés des phénomènes récents d'immigration qui aboutissent à l'existence de groupes pratiquant une langue étrangère dans le pays d'immigration ou parfois dans le pays d'origine en cas de retour ».

La charte couvre donc seulement des langues historiques, parlées depuis une longue période dans l'Etat en question.

La langue officielle en Andorre est le catalan. La population de l'Andorre s'est accrue à partir de la deuxième moitié du XXe siècle en passant de 35 460 habitants en 1980 à 84 484 habitants en 2008. Cette forte croissance provient essentiellement de l'immigration. Les vagues d'immigration ont en effet apporté de nouvelles langues dont l'espagnol, le français, le portugais et l'anglais. Cependant il n'existe pas, mis à part le catalan, d'autres langues parlées traditionnellement par les ressortissants andorrans.

Quant à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, elle ne contient aucune définition de la notion de « minorité nationale ». Ce faisant, il a été décidé par le Conseil de l'Europe d'adopter une approche pragmatique, fondée sur le constat qu'il n'était pas possible de parvenir à une définition susceptible de recueillir le soutien global de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Dans la Recommandation 1201 relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme sur les droits des minorités nationales (qui n'a finalement pas abouti), le Conseil de l'Europe définissait comme membres d'une minorité nationale les individus qui :

- résident sur le territoire national d'un Etat dont ils possèdent également la citoyenneté ;

- possèdent des liens anciens, durables et solides avec cet Etat, présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques ;

- sont en nombre suffisant, bien que moins nombreux que le reste de la population de cet Etat ou d'une région de cet Etat ;

- sont déterminés à préserver les caractéristiques formant leur identité, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue.

En ce sens, il n'existe pas, en Andorre, de collectif qui réponde aux critères cités. L'Andorre est un Etat de petite dimension territoriale où cohabitent plus de 100 nationalités différentes, parmi lesquelles nous pouvons mentionner la communauté espagnole (32,31 %), la communauté portugaise (16,32 %), la communauté française (6,17 %) et la communauté anglaise (1,28 %). La communauté andorrane reste donc minoritaire par rapport à la communauté migrante. Force est de constater qu'il n'existe aucune distinction entre les membres de la communauté andorrane.

Ainsi, la Convention–cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sont des instruments juridiques élémentaires consacrés à la protection des minorités et des langues régionales et minoritaires historiques, mais qui ne sont pas applicables à la réalité andorrane.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Je voudrais féliciter le rapporteur d’avoir traité d’un sujet qui restera encore longtemps d’une actualité impérissable, car les différences nous séparent, même si les efforts des institutions internationales sont dirigés vers la neutralisation de ces différences, neutralisation qui devrait conduire à une tolérance, et même à une acceptation de l’autre.

La problématique des minorités nationales traditionnelles repose aussi sur les spécificités historiques qui ont généré le phénomène. Dans mon discours, je vais me référer au cas très particulier des minorités nationales dans les pays post-totalitaires. Je crois que cette partie de session se déroule sous le signe de la Crimée, car, hélas, l’annexion de la Crimée par la Russie, sous prétexte de défendre les droits de la minorité russe, nous incite tous à nous interroger : puisque dans notre pays il existe une minorité russe, faut-il s’attendre à ce que l’armée russe l’envahisse un beau jour ? A suivre la logique de la Douma russe, la réponse serait affirmative. Malheureusement, dans les pays post–soviétiques, je cite le cas de la République de Moldova, mais la situation est identique en Ukraine, au Bélarus, au Kazakhstan et ailleurs encore, une minorité russophone, très importante, qui englobe, par ailleurs, les autres minorités moins importantes, s’est constituée sous le régime soviétique grâce aux migrations planifiées. En République de Moldova cette minorité de 20 % de la population bénéficie des droits très larges : enseignement en langue maternelle jusqu’à l’université, accès aux sources d’information en langue maternelle. En dépit de cet accès facile aux droits sociaux, économiques et culturels, le plus souvent, cette minorité refuse de s’intégrer dans la société d’accueil.

S’intégrer dans la société d’accueil ne veut point dire être assimilé. Les projets de résolution et de recommandation ne contiennent pas, à notre vif regret, des références ponctuelles sur la nécessité que les minorités nationales traditionnelles s’intègrent dans les sociétés d’accueil. Pourtant, nous nous souvenons tous de la recommandation sur le rapport « Vivre ensemble », présenté par notre Présidente en 2012 – l’article 6 en parle très précisément. Je mentionne cela dans le contexte des événements en Ukraine, car, compte tenu du fait que l’intérêt de la Russie surgit là où au moins « un citoyen russe » nécessite d’être protégé, mon pays, la République de Moldova, s’avère être très vulnérable, car nous avons un conflit gelé en Transnistrie, région séparatiste, mais aussi des tendances séparatistes au sud du pays, dans l’autonomie administrative Gagauz Yeri.

L’exemple de Gagauz Yeri, autonomie territoriale en République de Moldova, est devenu proverbial en tant qu’exemple positif à suivre en matière de respect des droits des minorités nationales et ethniques en Europe. Cette région a obtenu son autonomie en 1994 ; les citoyens bénéficient de vastes droits sociaux, économiques, linguistiques et politiques. Imaginez-vous, que, dernièrement les Gagaouzes ont revendiqué le rattachement à la Russie ! Une minorité turcoïde christianisée ! Je vous raconte ces détails pour vous convaincre du fait que même l’octroi des droits larges aux minorités nationales et ethniques traditionnelles ne suffit pas pour installer la paix sociale. Après les événements de Crimée, tout a changé, y compris la perception même de la problématique des minorités nationales, et je fais surtout référence aux pays post-soviétiques.

M. ADAM (Luxembourg) – Le projet de rapport dit, à juste titre, que le Luxembourg est un des Etats, parmi bien d’autres, qui ont signé mais non encore ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

Bien que non–membre de cette Convention, nous avons toujours soutenu qu’il s’agissait d’un instrument très important du corpus normatif du Conseil de l’Europe. Son impact dans de nombreux Etats membres doit être reconnu, le respect des minorités nationales étant fondamental pour la stabilité d’une société démocratique. De nombreuses crises nationales trouvent leur origine dans les divergences entre les peuples qui forment une seule et même société. La Convention–cadre est dans ce contexte un instrument qui a fait ses preuves.

Le grand intérêt que le Luxembourg porte à cet instrument est démontré par notre signature par solidarité, tout comme nous avons signé et ratifié la Charte des langues minoritaires par solidarité pour les Etats concernés par le problème.

Au Luxembourg, la situation linguistique est très particulière, j’y reviendrai dans un instant. Ainsi, pour nous, les définitions de minorité nationale et de minorité nationale traditionnelle sont d’une grande importance.

En ce qui concerne la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, le Luxembourg a défini les minorités nationales comme un groupe de personnes installées depuis de nombreuses générations sur notre territoire, qui ont la nationalité luxembourgeoise et qui ont conservé des caractéristiques distinctes du point de vue ethnique et linguistique. Sur la base de cette définition, le Grand-Duché de Luxembourg est amené à constater qu’il n’existe pas de « minorité nationale » sur son territoire. Cette définition a été acceptée par le Conseil de l’Europe, et les autorités du Luxembourg sont félicitées pour l’engagement et la solidarité au niveau européen dont elles ont fait preuve en ratifiant la Charte.

Le comité d’experts conclut qu’au vu de la situation linguistique du Luxembourg il ne proposera pas au Comité des Ministres d’adresser au Grand-Duché de Luxembourg quelque recommandation que ce soit.

Nous avons un système linguistique basé sur l’utilisation simultanée de trois langues : le luxembourgeois est la langue nationale ; le français est la langue de la législation ; le français, l'allemand et le luxembourgeois ont le statut de langues administratives et judiciaires.

La population au Luxembourg se compose de 150 nationalités différentes, qui font plus de 43% de la population totale et dépassent 65 % dans la capitale.

Ce sont les Portugais, avec quelque 37 % des personnes de nationalité étrangère, qui forment la plus grande communauté étrangère au Luxembourg. En deuxième place viennent les Français avec 14 %, ensuite les Italiens, les Belges et les Allemands.

Il s’ensuit un formidable mélange de nationalités et de cultures qui se traduit dans tous les aspects de la société, dans la restauration, les arts, les loisirs, les sports, etc.

Dans nos écoles maternelles, une majorité d’enfants ne parlent pas le luxembourgeois comme première langue à leur domicile. A peu près la moitié des enfants n’ont pas la nationalité luxembourgeoise. Tout en admettant que les langues des migrants ne sont pas visées par ce rapport, il faut constater que le chapitre du rapport touchant le droit à l’enseignement dans sa propre langue n’est pas compatible avec la situation au Luxembourg.

De plus, le rapport ne définit pas clairement et de façon systématique ce qu’il faut entendre par minorité nationale, ce que l’on doit regretter.