FR14CR17ADD1

AS (2014) CR 17
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2014

________________

(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-septième séance

Jeudi 10 avril 2014 à 15 h 30

ADDENDUM 1

La protection des mineurs contre les dérives sectaires

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par des orateurs qui, inscrits et présents en séance, n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Combien de familles auront été détruites, combien de vies d’adolescents auront été perdues avant que notre Assemblée ne revienne sur le sujet des sectes et de leurs effets néfastes !

Je salue le rapport présenté par notre collègue Rudy Salles, mais honnêtement, je le trouve un peu tardif. Il y a deux ans, avec quelques collègues du Parlement arménien, nous avons présenté un projet de loi similaire qui donnait la définition de la « chasse d’âme » et qui permettait de protéger par la loi nos citoyens, surtout les mineurs, des sectes dangereuses. Toutefois, à ce moment-là, la Commission de Venise a fait du bruit autour de notre projet de loi en le considérant comme une violation de la liberté de conscience. Aujourd’hui, notre collègue a présenté un projet avec une tonalité plus sévère, ainsi qu’avec plus d’exigence dans la lutte contre les sectes, et c’est tout à fait acceptable.

Si nous parlons des droits de l’homme, et si nous ne luttons pas contre les sectes qui transforment les gens en esclaves, en bafouant tous leurs droits, tout ce que nous faisons n’est qu’hypocrisie. Je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur pour dire qu’il faut renforcer les articles du code pénal qui prévoient des sanctions pour les actes et les techniques visant à la sujétion des personnes, surtout les mineurs, sur le plan physique et/ou psychologique. À l’époque, mes collègues et moi proposions le même dispositif avec des accents moins sévères, mais le « verdict » venu du Conseil de l’Europe était étonnamment libéral envers les sectes dangereuses.

J’espère qu’aujourd’hui on a pris conscience que la situation est différente en voyant combien de mal ces sectes causent. Quand les intérêts des citoyens, des mineurs sont en danger, il faut trouver le juste équilibre entre les valeurs fondamentales de l’homme et la liberté de religion. Je vous incite donc à voter en faveur de ce rapport très important et appelle les parlements nationaux à s’engager urgemment dans l’élaboration d’une législation pour lutter contre ces sectes dangereuses.

Mme TURMEL (Canada, observateur) – Au Canada, comme ailleurs dans le monde, ces questions délicates font les manchettes des journaux et sont à l’ordre du jour des assemblées législatives.

Au centre de ce débat se trouve le conflit entre la protection des enfants et le droit à la liberté de religion. Les autorités canadiennes sont actuellement aux prises avec un dossier de cette nature impliquant la communauté juive ultra-orthodoxe Lev Tahor. Une enquête au sein de cette communauté en 2013 avait donné lieu à des allégations de mariage forcé, d’absence d’éducation appropriée et de négligence.

Le gouvernement provincial québécois avait alors ordonné que les enfants concernés soient temporairement confiés aux services de placement en famille d’accueil. En réaction, les membres de la communauté Lev Tahor ont invoqué une violation de leur droit à la liberté de religion avant de quitter le pays.

Au Canada, la liberté de conscience et de religion est essentiellement garantie par le paragraphe 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, les tribunaux ont estimé que, dans certains cas, l’intérêt supérieur de l’enfant limite le droit à la liberté de religion. Par exemple, la cour d’appel de l’Ontario a déjà estimé qu’un enfant devait obtenir la protection de l’Etat parce que ses parents refusaient qu’il subisse une transfusion sanguine au motif que, en tant que témoins de Jéhovah, cette pratique allait à l’encontre de leurs croyances religieuses.

Toutefois, les choses se compliquent lorsqu’il s’agit du droit à la liberté de religion d’enfants plus âgés, parce que les décisions relatives à la protection de leur intérêt supérieur doivent tenir compte de leurs points de vue.

Dans une affaire semblable concernant, cette fois-ci, une jeune fille de 14 ans qui avait refusé une transfusion sanguine pour des motifs religieux, la Cour suprême du Canada a expliqué que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant devait aussi comprendre une analyse de la capacité de la jeune personne à exercer son jugement de façon mature et indépendante.

Si ces décisions judiciaires indiquent que l’intérêt supérieur de l’enfant demeure primordial dans les cas impliquant des sectes religieuses au Canada, il reste que la situation des enfants de la communauté Lev Tahor démontre que le véritable défi pourrait résider dans l’application des lois sur la protection des enfants.

Il est essentiel de préserver les enfants contre l’endoctrinement, la déstabilisation mentale et les éventuelles atteintes à leur intégrité physique. Toutefois, ce combat ne pourra pas être mené efficacement si nous ne disposons pas d’outils plus élaborés pour l’observation et la prévention des dérives sectaires.

À cet égard, je tiens à saluer certaines initiatives européennes. Je pense notamment à la France qui a, entre autres, mis en place la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Je crois que nous devons nous inspirer de ces initiatives et miser sur le partage de nos expertises afin de travailler ensemble pour mieux protéger nos enfants contre les dérives sectaires.