FR14CR17

AS (2014) CR 17

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-septième séance

Jeudi 10 avril 2014 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l'Assemblée.

1. Organisation des débats

LE PRÉSIDENT – Compte tenu du grand nombre d’orateurs inscrits dans les trois débats de cet après-midi, nous devrons interrompre la liste des orateurs à 16 h 5 pour le premier texte, à 16 h 55 pour le deuxième et à 19 h 30 pour le troisième afin de pouvoir entendre la réplique des commissions et de procéder aux votes nécessaires.

2. Nécessité de s’occuper d’urgence des nouveaux cas de défaut de coopération
avec la Cour européenne des droits de l’homme

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Sasi au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur la nécessité de s’occuper d’urgence des nouveaux cas de défaut de coopération avec la Cour européenne des droits de l’homme (Doc. 13435).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SASI (Finlande), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Chers collègues, encore une fois, on nous demande d’être les soutiens parlementaires de la Cour européenne des droits de l’homme, les amis de la Cour en quelque sorte, en rappelant les Etats membres à leurs devoirs vis-à-vis de celle-ci. En 2007, pour la première fois, nous avons adopté une résolution invitant les Etats membres à coopérer pleinement avec la CEDH, en nous fondant sur un rapport préparé par notre éminent ancien collègue Christos Pourgourides. Encore une fois, nous devons rappeler aux Etats membres du Conseil de l’Europe qu’ils ont le devoir de coopérer avec la Cour. Aujourd’hui comme hier, nous devons défendre le droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme. Acquis très important pour nos concitoyens et électeurs, ce droit est protégé par les mesures provisoires édictées par la Cour en vertu de l’article 39 de son règlement.

Ces mesures sont conçues pour éviter le fait accompli avant qu’une affaire soit étudiée au fond par la Cour. Toute violation de ces mesures ordonnées par la Cour, telles que les mesures provisoires en application de l’article 39, doit être condamnée, car il s’agit d’une violation du système de protection des droits de l’homme tel que prévu par la convention. Il nous faut par conséquent condamner les violations flagrantes commises par des Etats parties à la convention, notamment l’Italie, la Fédération de Russie, la République slovaque, la Turquie. Ces pays, en effet, ont ignoré des mesures de protection qui avaient été décidées pour empêcher l’extradition ou l’expulsion des requérants vers des pays où ils étaient notamment menacés de tortures. J’ai donc invité les délégations nationales des pays cités dans le projet de résolution à fournir des explications des cas figurant dans le rapport. Je dois dire que les explications étaient peu convaincantes.

J’ai reçu une réponse de la délégation ukrainienne, mais c’était au moment de l’agitation créée par la fuite de M. Ianoukovitch. Je déposerai un amendement pour supprimer l’Ukraine de la liste des principaux pays qui ne sont pas en conformité avec les décisions de la Cour. La violation de l’article 34 n’a pas été constatée dans l’affaire en cause, celle-ci est toujours pendante. Il m’a été répondu que se posait un problème d’achat de billets d’avion. J’ai quelques doutes. Quoi qu’il en soit, il est encourageant que l’Ukraine ait indiqué dans sa réponse qu’elle tenait à respecter totalement les mesures provisoires décidées par la Cour.

Un pays ne figure pas sur la liste des pays qui ne respectent pas les décisions de la Cour. L’affaire m’a été soumise par Amnesty International et un professeur de droit belge : l’affaire Trabelsi c. Belgique. L’extradition de M. Trabelsi le 3 octobre 2013 vers les Etats-Unis a été prise délibérément par le gouvernement belge, violant une mesure provisoire qui interdisait son extradition. Un représentant du gouvernement belge a reconnu, en réponse à une question parlementaire, que le non-respect de la mesure provisoire n’était pas accidentelle. Il convient donc d’ajouter la Belgique à l’énumération des pays figurant au paragraphe 4 du projet de résolution. La Belgique a clairement violé le droit de requête individuelle, article 34, dans une affaire qui est actuellement devant la Cour. Je n’hésiterai pas à dénoncer tous les cas de violations manifestes des mesures provisoires.

Un mot sur la Fédération de Russie. Nous avons constaté la disparition temporaire d’un certain nombre de requérants protégés par des mesures provisoires et leur réapparition dans le pays qui avait demandé leur extradition. Ces méthodes clandestines montrent que les autorités savaient parfaitement que les extraditions étaient illégales. On peut assimiler le fait aux restitutions extraordinaires que nous avions condamnées à propos des pratiques de la CIA.

Outre que nous désignons les Etats coupables de non-coopération avec la Cour, nous devrions demander que ces mesures soient mieux respectées à l’avenir. Nous félicitons la Cour de sa réaction face à ces cas de non-respect.

Certains pays ne fournissent pas des réponses franches, complètes, équitables à la demande de la Cour. Celle-ci a donc décidé d’appliquer la présomption de fait et le renversement de la charge de la preuve afin de surmonter les entraves opposées par les Etats membres, ce qui est une très bonne chose. De même, il est positif que la Cour précise ces mesures afin de garantir leur efficacité. La Cour devrait même aller plus loin dans le sens de la protection des requérants.

Nous devons envoyer un message très fort aux autorités de nos Etats membres afin qu’ils respectent la Cour et qu’ils protègent, tel qu’indiqué par la Cour, les personnes faisant l’objet de menaces.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera six minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Nous en venons à la discussion générale.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Le présent rapport me semble pouvoir contribuer au prestige de notre éminente Assemblée parlementaire. Ce rapport reflète les qualités de son auteur : il s’appuie sur des faits établis, des données précises concernant chaque Etat partie, confronté à des affaires comme celles qui viennent décrites à l’instant par M. Sasi. Je tiens donc à le féliciter pour la teneur de ce rapport, pour sa rigueur et pour la minutie qui a présidé à sa rédaction. Je l’incite vivement à poursuivre sur cette voie.

Evoquant la Cour européenne, on parle du « joyau de la couronne », mais une question d’efficacité se pose. Si la Cour prend de grandes résolutions, des arrêts très importants, elle péche parfois sur le plan de l’efficacité, marquant là quelque faiblesse. Comment traduire dans la vie quotidienne des populations de superbes décisions judiciaires ? Je pose ici la question de l’exécution des arrêts. Les réactions sont diverses et j’aimerais que l’on procède à une évaluation, car, en dernière analyse, le Conseil de l'Europe peut contribuer à aider la Cour européenne des droits de l’homme.

Autre contribution, nous pouvons coopérer. Il ne s’agit pas de « se substituer à », mais de coopérer avec les nouvelles démocraties et les démocraties émergentes.

Cet après-midi, alors que j’ai l’honneur de m’exprimer au nom du Groupe socialiste, je vous invite à soutenir ce rapport et le fruit des travaux de ce matin lorsque nous avons étudié les différents amendements. À la suite des demandes formulées, M. le président de la commission a précisé très exactement le nom des pays en question. Il serait bon qu’à l’avenir nous suivions cette ligne de raisonnement minutieux. Cela nous évitera ainsi de présenter un rapport de même nature dans quelques années.

Je renouvelle toutes mes félicitations à M. Sasi ainsi qu’au secrétariat pour le travail accompli. Je souhaite que nous poursuivions sur cette voie. Des responsabilités incombent à la Cour elle-même, mais se pose la question des Etats parties qui doivent veiller à exécuter les arrêts rendus par la Cour européenne à Strasbourg.

Mme SCHOU (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je félicite notre collègue Sasi qui a accepté de relever un défi en préparant ce rapport.

Le titre du rapport ne dit pas à quel point ce thème est technique. Avant d’aborder ces aspects techniques, je formulerai quelques commentaires.

En tant que membres du Conseil de l'Europe, nous sommes tenus de respecter les décisions et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

Cela devrait être clair pour tous les Etats membres. Mais le grand nombre d’affaires pendantes devant la Cour et les différents rappels de l’Assemblée parlementaire comme du Comité des Ministres nous prouvent qu’il n’en est pas ainsi.

La Convention européenne des droits de l’homme est le fondement même de notre Organisation et la Cour européenne des droits de l’homme en est le gardien.

Je ferai quelques remarques concernant le droit de requête individuelle. Ce droit est la pierre angulaire de notre Convention, la base du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme. En tant que personne, nous sommes tous soumis à nos cadres juridiques nationaux, mais en tant qu’Européens, nous jouissons d’une protection supplémentaire grâce aux garanties du Tribunal et de la Cour de Strasbourg, par le biais du droit de requête individuelle.

Lorsque nous sommes confrontés à des violations des droits de l’homme de la part de nos Etats, nous savons à quelle porte aller frapper. Dans le processus de réforme en cours à la Cour, le Gouvernement norvégien s’est concentré sur ce point. Ce droit doit être souligné en envoyant un message fort par le biais de la résolution et de la recommandation que nous propose M. Sasi.

Les tableaux, figurant dans les deux dernières pages du rapport, énumèrent les affaires dans lesquelles l’article 39 de la Cour a été violé. Pour bon nombre d’entre nous, cet article est très technique, il est nécessaire de bien l’étudier pour le comprendre. Mais ce qui me semble évident, c’est que pour toutes les personnes qui ont introduit une affaire devant la Cour, cet article est important. Il leur permet d’être protégées de l’extradition et de l’expulsion vers des lieux où elles risquent, par exemple, d’être soumises à la torture, alors que leur affaire est encore pendante devant la Cour. Voilà pourquoi il est particulièrement inquiétant de voir que beaucoup d’affaires concernent cette violation.

Les exemples de M. Sasi dans le rapport nous inquiètent au plus haut point, comme les pratiques qui ont lieu au sein de la Fédération de Russie ou dans d’autres Etats membres que l’on voit souvent sur la liste, car ce sont des pays contre lesquels un grand nombre d’affaires sont introduites devant la Cour.

J’encourage tous mes collègues à soutenir aussi bien la résolution que la recommandation, qui précisent que les arrêts doivent être exécutés, afin que nous puissions envoyer un message fort à tous les Etats membres.

M. BINLEY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je ne suis malheureusement pas en mesure de féliciter le rapporteur pour son travail. D’abord, parce qu’il n’a pas répondu aux obligations en vertu des normes internationales s’agissant de la liberté d’association, de la liberté religieuse, etc. Ensuite, parce qu’il viole la neutralité en matière religieuse et de croyance et se fonde uniquement sur des informations partiales qui émanent de sources qui répriment certaines minorités religieuses.

Je m’appuie sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme pour dire que stigmatiser certaines minorités religieuses…

LE PRÉSIDENT – Vous n’intervenez pas sur le bon texte, Monsieur Binley.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Eh bien je reviendrai tout à l’heure !

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, je voudrais vous remercier, Monsieur Sasi, pour votre travail très intéressant et important. Vous avez abordé un sujet très difficile, à savoir les défauts de coopération avec la Cour européenne des droits de l’homme.

Mon groupe est effectivement inquiet. Il constate que certains Etats membres, comme la Russie, mettent en œuvre des pratiques très inquiétantes, notamment la disparition temporaire de requérants. Des pratiques qui ont été condamnées à plusieurs reprises par l’Assemblée parlementaire. Nous condamnons les Etats qui ne respectent pas les décisions de la Cour. Mais plus qu’un problème juridique, c’est un problème politique. Et nous devons continuer de mettre, à chaque fois, les Etats devant leurs responsabilités, en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne leur obligation de coopérer avec la Cour pour faire en sorte que les personnes qui sont sous leur juridiction soient dûment protégées. Les Etats doivent respecter la loi.

Permettez-moi de donner un exemple des défis qui se posent parfois. Il concerne la Suisse et les objecteurs de conscience, ces gens qui ne veulent pas porter les armes mais qui ne peuvent pas obtenir le droit d’asile. Dans certains cas on ne peut pas les renvoyer chez eux – en Erythrée par exemple – sinon ils seraient torturés, voire assassinés. Il s’agit là de cas troublants, mais nous devons respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et nos principes en matière de droits de l’homme.

Je plaide pour l’adoption du rapport de M. Sasi.

M. RECORDON (Suisse) – Je suis largement satisfait du rapport de M. Sasi que je remercie et félicite. Je pense que l’on pourrait aller plus loin, et qu’on devra même à un moment donné aller plus loin. Le rapport indique une première piste au paragraphe 8.1, lorsqu’il est question d’éventuels dommages et intérêts. Lorsque nous avons affaire à des pays qui se font « attraper » pour ne pas avoir exécuté les mesures qu’ils devaient exécuter sur ordre de la Cour, nous pouvons nous contenter en effet d’un rappel à l’ordre. Mais quand il s’agit de récidives, que les rappels à l’ordre ne donnent rien et qu’il s’agit de cas graves où la sûreté personnelle d’une personne est en jeu, il pourrait être envisagé – selon un mécanisme à trouver – que nous ordonnions des mesures sanctionnatrices plus fermes.

Nous pourrions aussi prononcer des mesures contre le pays lui-même, lorsque nous avons affaire à un non-respect de masse des injonctions de la Cour.

Ce rapport est excellent, il vient à son heure, mais risque de n’être qu’une étape sur la voie de ce que nous devrons faire pour renforcer l’autorité matérielle informelle et faire appliquer les décisions de la Cour.

J’en profite pour dire que ce n’est pas uniquement dans ce domaine que la question se pose. La mise en œuvre effective, l’efficacité des décisions que prennent les institutions du Conseil de l’Europe, de ces très beaux textes que nous adoptons et qui font parfois ensuite l’objet de conventions internationales, sont fondamentales. Peut-être n’y accordons-nous pas encore tout à fait l’attention et l’énergie nécessaires.

Je ne pense pas que les amendements déposés apportent grand-chose. Le rapport est très bon.

M. POZZO DI BORGO (France) – La question du respect du droit de requête individuelle garanti par l’article 34 de la convention et de la conformité aux mesures provisoires indiquées au titre de l’article 39 du règlement de la Cour n’est malheureusement pas une nouveauté dans les travaux du Conseil de l’Europe : la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité des Ministres et l’Assemblée ont plusieurs fois analysé ce problème.

C’est un phénomène relativement récent : depuis une dizaine d’années, les Etats qui soupçonnent quelqu’un de terrorisme ou d’autres activités criminelles et qui veulent transférer le suspect dans un autre Etat pour le faire arrêter, emprisonner ou interroger, privilégient la restitution plutôt que l’extradition, qui est pourtant la procédure juridique ordinaire. Le risque de tortures dans le pays demandeur rendant toute extradition illégale, l’Etat d’origine opère alors une restitution en dehors de tout fondement juridique, privant ainsi la personne de toute contestation possible devant son appareil judiciaire.

La jurisprudence élaborée en réponse par la Cour européenne des droits de l’homme est pourtant claire : sur la base de l’article 39 du Règlement de la Cour, des mesures provisoires ont été indiquées qui visent à protéger les requérants contre toute extradition ou expulsion vers des pays où ils risqueraient notamment d’être torturés. L’inobservation de ces mesures provisoires porte atteinte à l’effectivité du droit de recours individuel garanti par l’article 34 de la Convention, sauf existence d’un obstacle objectif ayant empêché l’Etat concerné de s’y conformer.

Que constate-t-on aujourd’hui ? Les exemples de non-respect de cette jurisprudence, pourtant juridiquement contraignante, abondent. Face au défaut de coopération de plusieurs Etats, consistant à ne pas communiquer intégralement, franchement et honnêtement des éléments d’information demandés, la Cour a même dû développer des techniques juridiques telles que la présomption de fait ou le renversement de la charge de la preuve. L’Italie a ainsi plusieurs fois porté atteinte à la Convention. C’est désormais la Russie qui multiplie les violations.

Je trouve ces exemples gênants, pour ne pas dire inquiétants. Ils nuisent à la crédibilité de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à celle de notre Assemblée. Leur répétition contribue par ailleurs largement à l’accumulation de dossiers devant la Cour ; elle est donc responsable de cet engorgement qui paralyse son action. Comme l’ont dit certains de mes collègues ainsi que le rapporteur, le respect des décisions de la Cour est pourtant un élément clé au sein du Conseil de l’Europe : il permet de garantir la protection effective des droits de l’homme, ainsi que la prééminence du droit et de la démocratie.

M. MICHEL (France) – Je remercie notre collègue Sasi pour son excellent rapport, ainsi que pour ses projets de résolution et de recommandation. Il faut inciter le Comité des Ministres à contrôler plus étroitement l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Au moins, le Comité des Ministres montrera ainsi qu’il sert à quelque chose !

Notre Assemblée examine, une fois encore, la question du défaut de coopération de certains Etats parties avec la Cour. On le sait, cette dernière est engagée depuis une dizaine d’années dans un processus de réformes de longue haleine destiné à lui permettre de faire face à une charge de travail dont la croissance est exponentielle. Les réformes engagées ont porté leurs fruits. En effet, en 2013, qualifiée d’« année remarquable » par le Président Spielmann, la Cour a obtenu de très bons résultats, avec l’élimination de l’arriéré des requêtes manifestement irrecevables, la diminution du nombre de requêtes pendantes, en particulier celles qui concernent la Turquie et la Russie, et l’augmentation du nombre de requêtes ayant fait l’objet d’une décision. La Cour n’en doit pas moins relever encore plusieurs défis, tels que la poursuite de la réduction de l’arriéré des affaires de juge unique, les affaires répétitives et la réduction de la durée de la procédure. Il convient à cet égard de souligner l’importance du travail de la section de filtrage et de la formation des juges, des avocats et des forces de police dans les Etats membres, à propos de laquelle je présenterai un rapport lors d’une prochaine partie de session.

Parmi les défis à relever figure également la nécessité urgente d’une meilleure application des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ensemble des États parties. L’objet du rapport de M. Sasi est une illustration parfaite de ce problème. La Cour est moins victime de son succès que des défaillances des Etats membres. Je suis au regret de rappeler, ce qui ne fera pas plaisir à tout le monde, que, depuis sa création, la Cour a rendu plus de 15 000 arrêts, dont près de la moitié étaient dirigés contre quatre Etats : la Turquie, l’Italie, la Russie et la Pologne.

Certains Etats parties, à commencer par la Russie, contournent les mesures provisoires que la Cour peut prendre contre un Etat, sur le fondement de l’article 39 de son Règlement, lorsqu’elle estime que le requérant court un risque réel de subir un préjudice grave et irréversible si cette mesure n’est pas appliquée, en particulier dans les cas de déplacement, d’expulsion ou d’extradition. Ce faisant, ces Etats portent atteinte au droit de requête individuelle et font perdre toute effectivité à la protection accordée au requérant par la Convention. Le rapport relate plusieurs affaires de transferts « secrets » de requérants bénéficiant de ces mesures provisoires et qui se retrouvent néanmoins dans le pays qui avait demandé leur extradition, alors même qu’ils risquaient de mauvais traitements et la torture, voire pire.

Ces cas sont d’autant plus graves pour les personnes concernées, et inadmissibles du point de vue du respect des principes les plus élémentaires de l’Etat de droit, qu’ils sont motivés non par des raisons juridiques, mais par des questions strictement politiques. Cette situation, qui, comme l’indique notre rapporteur, est le résultat du cynisme des autorités nationales concernées, porte très gravement atteinte à la crédibilité de la Cour de Strasbourg. Notre rapporteur a raison de la condamner.

LE PRÉSIDENT – M. Sobolev, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle, non plus que M. Xuclà et M. Labaziuk.

Mme KARAMANLI (France) – La question dont nous débattons aujourd’hui est, malgré son apparence technique, fondamentale pour la protection des droits de l’homme et les garanties reconnues aux individus pour faire valoir ces droits auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans son très intéressant rapport, Kimmo Sasi met en évidence le caractère essentiel du recours individuel et des dispositions conventionnelles qui le soutiennent ; la place progressivement prise par l’article 39 du Règlement de la Cour dans le dispositif ; enfin, l’ambivalence de la diminution du nombre de cas de non-respect des mesures provisoires prises en application de cet article.

Il rappelle en outre les demandes émises par le Conseil et notre Assemblée pour améliorer la coopération entre la Cour et les Etats concernés.

Il mentionne aussi les réponses juridiques apportées pour améliorer l’examen des situations et mettre en cause les Etats quand ils sont réticents ou tentent de fausser la coopération loyale résultant de leurs engagements. Je pense notamment à la présomption de fait et, si besoin est, au renversement de la charge de la preuve qui pèse sur les Etats « récalcitrants ».

Il pose enfin la question des intérêts politiques qui motivent lesdits Etats.

J’insisterai ici sur deux éléments.

D’abord, l’origine du développement de cette coopération. Le nombre de demandes formulées en application de l’article 39 du règlement de la Cour a connu une croissance considérable dans la seconde moitié de la précédente décennie. Ces demandes visaient pour une grande part des étrangers ou des demandeurs d’asile qui soutenaient qu’ils seraient soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans leur pays. Ces toutes dernières années, les demandes concernent aussi des membres de minorités religieuses et politiques dont certaines activités sont poursuivies au plan pénal ou dont l’extradition est possible au titre d’une coopération entre Etats.

Dans ces deux cas, l’enjeu est le même. La Cour doit prendre une décision très rapidement, car les délais sont brefs et les conséquences d’une non-protection peuvent être lourdes ou irréversibles.

Cette évolution du nombre d’affaires est elle-même, au moins en partie, l’effet de jurisprudences de la Cour qui ont condamné les Etats pour ne pas s’être conformés à une mesure indiquée au titre de l’ article 39 de son règlement, ce qui a renforcé la portée de cette disposition.

Comme le notait le président Jean-Paul Costa, cela s’inscrit d’ailleurs dans une évolution jurisprudentielle de l’ensemble du droit international.

Le rapport rappelle l’intérêt objectif et politique, au demeurant condamnable, des Etats de prendre des décisions impropres pour faire prévaloir leur intérêt sur les droits des personnes et non pour les concilier avec eux.

La période, qui est une période de recomposition d’Etats au sein d’ensemble régionaux plus vastes ainsi qu’une période où les migrations politiques et économiques sont appelées à augmenter, verra probablement à l’ordre du jour la question du nombre d’individus concernés et l’augmentation des décisions étatiques prises à leur égard.

Nos appels posent donc des jalons importants dans l’interaction née de ce double mouvement.

Très clairement, dans le domaine des relations internationales et des ensembles d’association entre Etats, les principes, qu’ils soient ceux de bonne foi ou ceux de coopération loyale, ont une double signification : négative, ne pas violer les obligations auxquelles ils se sont engagés, et positive, faciliter la vie des institutions dans lesquelles ils ont porté leur confiance.

Il est du devoir de notre Assemblée de le rappeler. Je remercie notre rapporteur d’avoir pris cette initiative avec son travail.

LE PRÉSIDENT – Mme Mulić et M. Biedroń, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. G. DAVIES (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, lorsque l’austérité que nous connaissons en Europe rend les personnes plus vulnérables aux abus par rapport aux droits de l’homme, il est important que nous soyons tous unis pour les défendre. La Cour européenne des droits de l’homme doit être encore plus rigoureuse dans ses arrêts, ce qui est le cas. Mais il ne faut pas que cela serve d’alibi aux Etats désireux de contourner leurs obligations au regard des droits de l’homme.

En Grande-Bretagne comme ailleurs, l’austérité a créé des conditions qui font que des jeunes vulnérables, un peu abandonnés à eux-mêmes, adoptent des points de vue d’extrême droite. Ils reprochent aux immigrants leurs prétendus droits de l’homme et les rendent responsables des difficultés auxquelles ils font face, qui viennent en fait des coupes budgétaires opérées par les conservateurs et les libéraux-démocrates. On assiste à la montée d’un parti dit d’indépendance, version douce fasciste, style Royaume-Uni, qui essaie de passer pour un parti modéré mais qui n’est en fait qu’une résurgence moderne des disciples de Oswald Mosley, ceux qui avant la guerre ont accompagné la montée du nazisme en Allemagne. Ce parti offre des solutions simples, tribales, dans un contexte qui interprète toute référence aux droits de l’homme comme une ingérence extérieure.

En Grande-Bretagne, ce séparatisme tribal est la genèse même de ce qu’on appelle l’UKIP, le parti national écossais, qui bat le rappel en matière de séparatisme et, au Pays de Galles, le Plaid Cymru, qui est également motivé par un séparatisme tribal, faisant appel à une mentalité du « Eux contre nous », qui ne va évidemment pas très bien avec les droits de l’homme.

Au Parlement britannique, un groupe bien organisé d’eurosceptiques conservateurs s’est rassemblé comme des mouches, dans le cadre du comité d’examen des élections européennes, pour prétendre que la Grande-Bretagne doit cesser d’appliquer la Charte européenne des droits fondamentaux, utilisée pour protéger les personnes.

Le ministre de la justice, Chris Graylin, a parlé de la nécessité de limiter le rôle de la Cour au Royaume Uni et de se débarrasser de la loi sur les droits de l’homme, de la remplacer, pour qu’on ne puisse faire appel des décisions de la Cour suprême du Royaume-Uni auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui violerait un principe fondamental de la Convention, le droit de requête individuelle.

Les conservateurs envisagent même de se retirer entièrement de la Convention européenne sur les droits de l’homme, ce qui ferait de la Grande-Bretagne et du Bélarus les seuls pays européens en dehors de la Convention. À un moment où ce qui se passe en Ukraine nous interpelle sur les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe, les droits de l’homme, la démocratie, la primauté du droit, nous devons plus que jamais continuer à les défendre. L’austérité encourage la montée du nationalisme d’extrême droite et pousse certains à ne plus prendre les droits de l’homme en considération.

Les obligations en matière de droits de l’homme, et surtout les droits sociaux, existent. Les pauvres tombent dans la misère, comme en témoignent les banques alimentaires. Donc ces droits doivent plus que jamais être respectés pour l’accès à la justice.

Le Conseil de l’Europe a le choix de marmonner sans être entendu ou de porter haut la bannière des droits de l’homme au-dessus de la puanteur de l’austérité, sur le champ de bataille économique ! Il doit être ferme en matière de principes dans tous nos pays.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée.

La discussion générale est close.

J’appelle la réplique de la commission. Monsieur le rapporteur, il vous reste six minutes.

M. SASI (Finlande), rapporteur* – Je remercie les collègues pour leur soutien, non pas à moi, mais à la Cour. Des avis ont été exprimés. J’en tiendrai compte. Je suivrai tous les développements, comme à l’automne dernier cette affaire concernant la Belgique. Je suivrai en particulier la situation en Ukraine.

Le système doit être efficace. Comme cela est écrit dans le rapport, nous prenons acte des derniers développements, du renversement de la charge de la preuve, qui est important lorsqu’il s’agit de voir si les arrêts ont été exécutés ou pas.

Les dernières statistiques nous montrent que pour les mesures provisoires, moins de décisions ont été prises. Le temps nécessaire à la Cour pour traiter les affaires a diminué. Il n’est plus autant nécessaire de recourir aux décisions provisoires, sinon il faut traiter l’affaire au plus vite.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Notre commission a adopté ce rapport au mois de décembre l’année dernière. On critique un certain nombre de pays, qui ont répondu, mais seule l’Ukraine a fourni une réponse convaincante pour le rapporteur.

M. Sasi a le soutien total de la commission pour son travail présenté aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT – J’ai le plaisir de vous annoncer que le prix de l’Europe 2014 vient d’être attribué à la ville de Slupsk en Pologne. Nous lui adressons toutes nos félicitations.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté : un projet de résolution sur lequel quatre amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

S’agissant du projet de résolution, le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur l’amendement 1 qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

Est-bien cela, Monsieur le président ?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission *- Oui, Monsieur le Président ?

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’objection. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

J’en donne lecture :

L’amendement 1, déposé par Mmes Taktakishvili, Lībiņa-Egnere, Mateu Pi, M. Kandelaki, Mmes Reps, Čigāne, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 4, après le mot « torturés », à ajouter les mots suivants : « ainsi que des mesures provisoires en rapport avec les opérations militaires de la Russie en Géorgie (cf. Géorgie c. Russie II) ».

LE PRÉSIDENT – Nous en venons à la discussion des autres amendements.

L’amendement 3, déposé par MM. Dişli, A. K. Türkeş, Önal, Selvi, Denemeç, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à supprimer les mots « (Italie, Fédération de Russie, République slovaque, Turquie et Ukraine) ».

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je demande au rapporteur de supprimer la parenthèse ou d’ajouter les noms d’autres pays pour qu’ils soient dans cette parenthèse.

M. SASI (Finlande), rapporteur* – Nous devons citer les pays qui ne suivent pas les décisions de la Cour, parmi lesquels figure la Turquie. Une liste d’affaires est présentée en annexe pour étayer ce paragraphe. En revanche, l’affaire qui concerne l’Ukraine est en cours ; il vaudrait donc mieux éviter de citer ce pays. Au total, je suis contre cet amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

LE PRÉSIDENT – Il semble que nous ayons un problème technique avec le vote électronique. Nous allons donc procéder à main levée.

L'amendement 3, mis aux voix à main levée, n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 4, déposé par MM. Sasi, Chope, Díaz Tejera, McNamara, Clappison, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à supprimer le mot « et Ukraine ».

M. SASI (Finlande), rapporteur* – Comme je viens de le dire, l’affaire qui concerne l’Ukraine est pendante. Aucune décision n’a encore été prise. C’est pourquoi nous proposons de supprimer la référence à ce pays.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis favorable.

LE PRÉSIDENT – Le problème technique n’étant pas réglé, le vote va avoir lieu à main levée.

L'amendement 4, mis aux voix à main levée, est adopté.

LE PRÉSIDENT – J’ai cru comprendre que Mme Taktakishvili avait retiré l’amendement 2. Est-ce bien le cas, Madame ?

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Oui, Monsieur le Président. Son contenu a été intégré dans un autre amendement.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 2 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le document 13435, tel qu'il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (50 voix pour, 5 voix contre et 4 abstentions).

LE PRÉSIDENT - Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le document 13435. Je rappelle qu’une majorité des deux tiers est requise.

Le projet de recommandation est adopté (53 voix pour, 4 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT – Félicitations, Monsieur le rapporteur et Monsieur le président de la commission.

M. Walter, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Rouquet au fauteuil présidentiel.

3. La protection des mineurs contre les dérives sectaires

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport relatif à la protection des mineurs contre les dérives sectaires présenté par M. Salles, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13441). Nous entendrons ensuite l’avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable présenté par M. Bugnon (Doc. 13467).

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Je vous rappelle aussi que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 55. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 16 h 55, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SALLES (France), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – Mon mandat résulte d’une proposition de résolution mettant l’accent sur la nécessité d’examiner la question de l’influence des sectes sur les mineurs au niveau européen.

Etant donné que le terme « secte » est considéré comme péjoratif et qu’il ne peut être défini juridiquement, les sectes étant généralement constituées sous forme d’associations, je me suis penché sur la question des « dérives sectaires », à savoir les comportements et, plus précisément, les pressions et techniques de manipulation visant à la sujétion de la personne, plutôt que sur les mouvements sectaires eux-mêmes.

Il est évident que les dérives sectaires peuvent influer sur les relations familiales et sociales des mineurs, leur éducation, leur bien-être social, spirituel et moral, ainsi que leur santé, ou qu’elles peuvent engendrer des violences, y compris sexuelles, sous couvert de doctrine ou d’éducation. Ces comportements peuvent donc impliquer des violations des droits de l’homme tels que le droit à la vie, le droit au respect de la vie privée ou le droit à l’éducation, sans parler d’un certain nombre de traitements inhumains.

L’Assemblée parlementaire s’est déjà penchée sur la question de la lutte contre les activités illégales des sectes, notamment en 1992 et 1999. Cependant, il n’y a eu, jusqu’ici, aucun progrès. Ce qui est le plus frappant, c’est l’absence d’informations sur l’ampleur du phénomène sectaire. Le Conseil de l’Europe peut-il se tenir à l’écart de menaces se développant à l’égard des mineurs ?

Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai donc essayé de combler ces lacunes. Ainsi, j’ai organisé une audition avec des experts et j’ai effectué des visites d’information en Suède et en Allemagne. J’ai également envoyé un questionnaire aux délégations parlementaires ; 25 Etats membres y ont répondu.

Il s’est avéré qu’en Europe le niveau de la protection des mineurs contre les dérives sectaires et l’étendue des informations à ce sujet varient considérablement d’un pays à un autre. Seuls quelques Etats membres ont pris des mesures législatives pour contrer ce problème, dont la France, la Belgique et le Luxembourg. Quelques autres, dont l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont pris ou soutenu des mesures d’observation des dérives sectaires. En ce qui concerne plusieurs pays, nous n’avons pas obtenu de données.

À la lumière de ce bilan, le projet de résolution invite les Etats membres à élaborer des statistiques sur les dérives sectaires, créer des centres nationaux sur les mouvements religieux et spirituels et faciliter l’échange de données entre ces organismes ; prendre des mesures de sensibilisation des services sociaux, des juges ou encore de la police pour mieux détecter les dangers pour le bien-être des mineurs ; renforcer le contrôle étatique des écoles privées et de la scolarité à domicile et enfin pénaliser l’abus de faiblesse psychologique ou physique – voire les deux – de la personne, en introduisant une disposition explicite dans le code pénal.

Le projet de résolution préconise également de créer des groupes d’étude parlementaire sur le phénomène sectaire pour informer, éclairer et sensibiliser les décideurs politiques et la société à ce problème. Bien entendu, cette préconisation n’a aucun caractère obligatoire : chaque parlement national doit rester maître de son organisation. Au cours des quatre dernières décennies, les parlements nationaux de plusieurs Etats membres ont pris des initiatives dans ce sens. Il faut encourager l’ensemble de nos parlements à œuvrer dans cette direction.

En outre, il serait utile que le Comité des Ministres réalise une étude sur l’ampleur du phénomène sectaire touchant les mineurs au niveau européen et mette en place un groupe de travail pour échanger des informations sur ce sujet.

Je suis convaincu qu’il ne faut pas abandonner l’idée d’établir des règles et de mener des politiques au niveau européen pour protéger les mineurs contre les dérives sectaires, toujours en préconisant l’intérêt supérieur de l’enfant en raison de sa vulnérabilité.

Je suis conscient du fait que plusieurs plaintes, dont certaines très virulentes, vous ont été adressées, dont les auteurs estiment que mon rapport porte atteinte aux groupes religieux minoritaires. J’ai moi-même été soumis à des pressions inadmissibles tendant à m’empêcher de poursuivre la mission que vous m’avez confiée. J’ai même pu constater les moyens considérables utilisés pour discréditer notre travail, notamment à travers l’édition d’une revue en couleurs sur papier glacé. Cette offensive me paraît trop bien menée pour être tout à fait spontanée.

Je tiens à souligner que mon rapport ne vise nullement à mettre en cause la liberté de religion et de conscience, qui est une liberté publique fondamentale, tant dans mon pays qu’au sein du Conseil de l’Europe. Il s’agit de protéger les mineurs vis-à-vis des mouvements utilisant des techniques de manipulation, le plus souvent sous couvert d’une idéologie. Je tiens à rappeler notre attachement profond à la liberté de conscience, y compris pour les religions minoritaires, de même que pour tout groupe philosophique agissant dans le respect des lois. Dois-je rappeler que la principale différence entre les sectes et les religions – quelles qu’elles soient – est que, d’une religion, on sort quand on veut, alors que, d’une secte, on ne sort malheureusement pas ? C’est pourquoi je veux vous sensibiliser à l’importance du débat qui est le nôtre cet après-midi ; il doit nous mobiliser tous pour assurer la protection des mineurs contre les dérives sectaires.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera environ sept minutes pour répondre aux orateurs inscrits dans le débat.

M. BUGNON (Suisse), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, saisie pour avis – La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable soutient dans l’ensemble le rapport préparé par M. Rudy Salles au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Ce texte analyse de manière approfondie les réponses normatives et législatives données au niveau européen et national pour protéger les enfants contre les dérives sectaires. Ce faisant, il se penche sur un aspect important de la protection de l’enfance.

Néanmoins, il serait souhaitable que le rapport de la commission des questions juridiques, ainsi que la résolution et la recommandation qui en résultent, établissent un lien plus étroit entre les normes européennes et les situations de vie des enfants, et situent la problématique dans un contexte social et politique plus large. Les mesures à prendre pour protéger les enfants pourraient également être légèrement plus détaillées.

Comme vient de l’expliquer le rapporteur, il s’agit ici de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant et non de mettre en cause la liberté de conscience et de religion, laquelle fait partie des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Néanmoins, force est de constater qu’un certain nombre de groupes connaissent des dérives. Afin de mieux protéger les mineurs, la commission des questions sociales vous propose des amendements que nous examinerons tout à l’heure.

LE PRÉSIDENT* – Nous en arrivons à la discussion générale.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. MICHEL (France), porte-parole du Groupe socialiste – Je voudrais d’abord remercier mon collègue Rudy Salles pour son rapport très complet et pour le courage dont il a fait preuve en résistant aux pressions inadmissibles dont il a fait l’objet et qu’un certain nombre d’entre nous – y compris moi – ont également subi.

Il est vrai qu’il s’agit d’un sujet sensible. En effet, les données statistiques et l’information manquent, les termes « sectes » et « dérives sectaires » ne sont pas bien définis et, force est de le reconnaître, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est à la fois peu abondante, très libérale et peu fiable. L’action des Etats membres est également très inégale en la matière.

Pourtant, ces dérives sont susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme – ceux des adultes, mais surtout ceux des mineurs, lesquels sont plus faciles à convaincre et sont, dès lors, le terrain d’action privilégié des sectes.

La difficulté de lutter contre le phénomène des dérives sectaires est liée à celle de placer le curseur entre, d’une part, la liberté religieuse et de conscience, à laquelle nous sommes tous attachés, et, d’autre part, la conscience captive. Pour respecter les libertés publiques et la neutralité de l’Etat, le diagnostic d’un risque ou d’un phénomène sectaire doit être établi avec une grande prudence : une attitude, un fait, un contenu doctrinal peut difficilement être en lui-même révélateur d’une dérive sectaire. Voilà pourquoi il convient de retenir un faisceau de critères de risques que notre rapporteur a fort utilement exposé.

Il s’agit, je le rappelle, de lutter contre les dérives sectaires touchant les mineurs et non pas de s’attaquer à une quelconque liberté religieuse, y compris des religions dites « minoritaires ».

À cet égard, je m’étonne, d’une part, des pressions dont nous avons fait l’objet et, d’autre part, de certains amendements présentés en commission des questions juridiques qui viennent totalement bouleverser le texte, parlant à tout moment de liberté religieuse alors qu’il ne s’agit pas de cela. J’incite donc mes collègues à suivre les avis du rapporteur sur les amendements lorsque ceux-ci seront soumis au vote de l’Assemblée.

Il est toutefois dommage qu’il ait fallu attendre une initiative des organisations non gouvernementales plutôt que des autorités nationales pour alerter sur les violations des droits de l’homme inhérentes aux dérives sectaires par une manipulation des libertés publiques – notamment le plus souvent, j’en conviens, de la liberté de religion. Cela démontre une certaine inertie, quand ce n’est pas de l’indifférence, de la part de trop d’Etats membres.

Le rapport comporte des informations comparées très intéressantes qui, comme l’exposait M. Salles, montrent que, dans certains Etats dont le mien, des mesures ont été prises. Mais ce n’est pas le lieu d’en parler ici.

Au niveau parlementaire, j’ai eu l’occasion à titre personnel de présider une commission du Sénat français qui s’intéressait à un phénomène très particulier : l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Il est vrai que ces sectes sont souvent présidées par des médecins, y compris par des professeurs de médecine qui, à force de diffuser un certain nombre de théories, portent atteinte à la vie des adultes et des enfants. Ce sont là des faits patents, qui doivent être condamnés.

Il est grand temps de protéger nos enfants, nos mineurs, contre ces dérives et de refuser le dévoiement de la liberté religieuse et de conscience – et donc, d’adopter la résolution et la recommandation contenues dans ce rapport, ainsi que tous les amendements proposés et soutenus par le rapporteur.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Schneider, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur le Président, c’est moi qui devais m’exprimer au nom de mon groupe.

LE PRÉSIDENT* – Excusez-moi, il semble qu’il y ait eu confusion. Monsieur Ghiletchi, vous étiez effectivement inscrit initialement, puis l’on m’a averti que ce serait M. Schneider qui parlerait au nom du PPE. Le secrétaire de votre groupe doit le savoir. Cela étant, nous pourrions essayer de vous inscrire dans la liste des orateurs.

M. SCHNEIDER (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Monsieur le rapporteur, je voudrais vous féliciter pour votre travail approfondi et votre projet de résolution, qui tente de proposer des mesures efficaces pour protéger les mineurs contre les dérives sectaires.

Les enfants constituent une proie facile pour les organisations sectaires de par leur dépendance affective et leur perméabilité psychologique. La manipulation mentale, l’embrigadement même des mineurs par des mouvements que nous pouvons qualifier de sectaires, est déjà en soi une atteinte à leurs droits fondamentaux. Mais la réalité est parfois bien plus cruelle : des enfants sont victimes des dérives sectaires de leurs parents, qui les font vivre dans des communautés coupées du monde, et la maltraitance est leur quotidien.

Mais ces dérives sectaires peuvent également venir de soi-disant praticiens médicaux ou de tenants de discours qui, sous des dehors très humanistes, visent en réalité une captation des biens et de l’esprit.

Plusieurs propositions du rapporteur me semblent particulièrement importantes : l’obligation de scolarité et son contrôle, y compris lorsque la scolarité est donnée à domicile, car cette obligation permet de lutter contre l’enfermement dont sont victimes ces mineurs et de pouvoir signaler, le cas échéant, des changements dans leur comportement ; la formation des professionnels afin que ces dérives sectaires soient rapidement repérées et les mineurs mieux protégés ; la possibilité pour des associations de se porter partie civile. En effet, nous savons que, souvent, par peur des représailles ou simplement parce qu’elles sont trop atteintes, les victimes ne peuvent pas se rendre au procès. Cette dernière proposition n’a de sens que si nous adoptons dans nos parlements nationaux des dispositions pénalisant l’abus de faiblesse psychologique ou physique.

J’ai entendu ces derniers temps les inquiétudes de plusieurs représentants de religions minoritaires dans leur pays. Je voudrais les rassurer. J’ai travaillé sur l’interreligieux au sein de cette Assemblée et j’ai toujours défendu la liberté de conscience. Sur notre terre alsacienne, nous avons souvent accueilli ceux qui étaient persécutés et la liberté de religion est pour nous une valeur particulièrement importante. Pour ma part, je fais une différence fondamentale entre les religions et les mouvements sectaires auxquels ce rapport fait référence. Lorsqu’on adhère à une religion, quelle qu’elle soit, on a toujours la possibilité d’en sortir ou de se convertir à une autre librement. On ne sort pas d’une organisation sectaire, ses gourous et autres prédicateurs ne vous en laissent pas le droit. Les religions ne constituent pas un danger pour les mineurs, les mouvements sectaires oui !

Chers collègues, le poète français Jacques Prévert disait que « les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève ».

C’est pour cette raison qu’il est important de soutenir les propositions de M. Salles. Aucun mineur dans notre Grande Europe des droits de l’homme ne devrait voir son enfance volée par des mouvements sectaires !

LE PRÉSIDENT* – Je rassure M. Ghiletchi, je vais inscrire son nom sur la liste des orateurs.

M. BINLEY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je suis au bon moment au bon endroit cette fois !

Malheureusement, ce rapport franco-français arrive très peu de temps après une réunion sur les droits de l’homme en termes de liberté de religion, de tolérance et de pluralisme, toutes valeurs que le Conseil de l’Europe défend. Il viole le devoir de neutralité de l’Etat concernant la religion et les croyances et se concentre exclusivement sur des informations sélectives et biaisées, émanant de sources qui soutiennent l’action répressive contre les religions minoritaires, violent les libertés fondamentales et fomentent l’hostilité en stigmatisant des groupes ciblés.

Le rapport fait allusion à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors que la stigmatisation des mouvements de religions minoritaires en tant que sectes a été condamnée par les institutions qui défendent les droits de l’homme. Au même article, au lieu de protéger les droits de l’enfant, il les viole « ainsi que ceux de leurs parents à élever les enfants selon leur croyance religieuse » et ce alors que l’article 2 du Protocole additionnel de la Convention, dit, je cite : « l’Etat respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement, conformément à leurs convictions religieuses et philosophique. »

Le rapport se fonde sur des faits généraux et des allégations vagues pour conclure que des mesures spécifiques devraient être prises contre les groupes minoritaires en utilisant le terme péjoratif de « secte ». Cette liste noire de prétendues sectes a été utilisée en France pour refuser par exemple, la location de salles, l’ouverture de comptes bancaires, l’ouverture de structures d’accueil ou encore la garde d’enfants à des membres de minorités religieuses, tels que des Témoins de Jéhovah, des membres de l’Eglise Pentecôtiste et autres.

Laissez-moi vous citer un exemple parmi tant d’autres : en 2008, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, Miviludes, s’est concentrée sur des minorités qui avaient leurs propres écoles et, bien que les autorités aient constaté les bons résultats obtenus dans ces établissements, ces minorités ont été accusées de manipulation mentale et certains de ces établissements ont été fermés. Pourtant, selon la loi française, les parents sont responsables de l’éducation de leurs enfants. Heureusement, cette décision a été cassée, mais à quel coût !

Malheureusement, le rapporteur semble être de parti pris. Il fait preuve de manque de logique, comme le prouve le paragraphe 5 du projet de résolution : « L’Assemblée observe que le phénomène des dérives sectaires touchant les mineurs est de plus en plus présent en Europe. Elle déplore l’absence de données complètes à ce sujet. » La seconde phrase vient contredire la première. De telles déclarations font de ce rapport un document illogique et dangereux, qui doit être rejeté dans sa totalité.

M. ROUQUET (France) – Le texte que nous examinons cet après-midi est particulièrement important parce qu’il s’agit de protéger les mineurs qui sont, comme le disait le rapporteur, les plus vulnérables contre les agissements de mouvements sectaires.

Face aux mouvements sectaires, les mineurs ne peuvent pas se défendre. C’est pourquoi les propositions du rapporteur représentent une réelle avancée ; elles sont concrètes et offrent une véritable boite à outils aux Etats pour protéger efficacement nos enfants des dérives sectaires.

Nous ne pouvons laisser perdurer des situations dans lesquelles les mineurs, sous couvert du respect des libertés de leurs parents, sont victimes d’un véritable enfermement social et psychologique, parfois même de violences physiques. Nous ne pouvons plus accepter que, sous couvert de thérapies non conventionnelles, des mineurs soient privés de soins médicaux, parfois au péril de leur vie. Et je pourrais bien sûr citer beaucoup d’exemples !

Pour toutes ces raisons, je ne peux accepter les allégations selon lesquelles les mouvements sectaires ne poseraient aucun problème pour les mineurs. Si elles offrent des visages bien différents, les dérives sectaires ont toutes un point commun : elles arrêtent le temps de l’enfance.

Malgré tous ces éléments en faveur des arguments du rapporteur, que je tiens à remercier pour le travail précis et complet qu’il a accompli, certains de nos collègues ont fait part de leurs inquiétudes. Elles portent essentiellement sur l’amalgame qui pourrait être fait entre les mouvements sectaires et les religions minoritaires.

Face à ces inquiétudes, nous devons affirmer avec force que la logique des mouvements sectaires est tout autre que celle des religions, quelles qu’elles soient. Une religion laisse toujours la liberté de choix à ses membres. Les organisations sectaires distribuent dans toute l’Europe de la souffrance, ce qui n’est pas le cas des religions.

L’expérience du Conseil de l’Europe en matière de protection de l’enfance est reconnue de tous. Notre assemblée a toujours été en pointe sur ce sujet, en particulier dans le cadre de son réseau contre les violences sexuelles infligées aux enfants. Nous avons toujours fait prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à ce que la Convention européenne des droits de l’homme préconise.

Aujourd’hui, avec ce texte qu’a présenté M. Salles, nous pouvons encore renforcer la protection des mineurs en Europe. Je vous engage, mes chers collègues, à l’adopter.

LE PRÉSIDENT* – Mme Hovhannisyan, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme KARAMANLI (France) – La question dont nous débattons aujourd’hui est d’une grande importance, car elle concerne à la fois la liberté de conscience, les libertés collectives et la jeunesse.

Dans son rapport très complet, M. Salles met en évidence l’absence d’une définition commune du phénomène sectaire ; les effets destructeurs, mentalement et socialement, pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, de la manipulation dont ils sont victimes et l’absence d’approche homogène de ce phénomène.

Après avoir rappelé qu’il s’agit d’une préoccupation déjà ancienne du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée, il propose plusieurs orientations, que je qualifierai de pratiques, visant à assurer l’information du public, à mieux comprendre le phénomène, à garantir une réelle effectivité des législations protégeant les mineurs, notamment celles visant à assurer leur sociabilité et leur scolarité, à encourager, aussi, la convergence des actions des services intervenant en faveur des jeunes et à limiter les dérives de mouvements religieux ou pseudo-religieux. Il souligne in fine le caractère très sensible du sujet, eu égard au fait qu’est interrogée la conscience des individus.

Je souhaite m’arrêter sur deux points.

Le premier est la question de la définition juridique, le second est l’ampleur du phénomène.

En France, la seule définition existant est celle donnée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui considère comme sectes les mouvements se présentant ou non comme des religions dont les pratiques sont susceptibles de tomber sous le coup de la législation protectrice des personnes et de contrevenir aux règles de l’Etat de droit. Elle me paraît constituer un élément intéressant en ce sens qu’elle met l’accent sur la protection des personnes et la constitution d’infractions qui, elles, existent en dehors de toute appréciation, de tout jugement sur le caractère religieux de l’auteur des actes mettant en cause l’intégrité des personnes.

Quant à l’ampleur du phénomène, plusieurs spécialistes mettent en évidence que, dans un monde globalisé comme le nôtre, où chacun peut se sentir isolé mais aussi mis en concurrence avec tous les autres, où les identités familiale, locale, religieuse traditionnelles ne valent plus reconnaissance automatique et personnelle, la peur de l’insignifiance est plus grande. Dans un tel contexte, les jeunes s’interrogent sur le sens des décisions à prendre et leur devenir. Une façon de calmer ces interrogations existentielles est de se réfugier dans un fondamentalisme qui recrée un environnement cadré mais destructeur. Le mal-être que répand un monde où le sens est changeant et peu assuré nourrit des inquiétudes que certains mouvements, religieux ou non, peuvent tenter de maîtriser, en soumettant les individus les plus fragiles, parmi eux les plus jeunes, en les aliénant c’est-à-dire, littéralement, en faisant qu’ils ne s’appartiennent plus.

Il est donc de notre devoir de protéger leur conscience et leur liberté.

Notre Assemblée, par sa capacité à diffuser cette préoccupation et à soutenir les initiatives, peut y contribuer largement.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner généreusement la possibilité de m’exprimer sur ce rapport. Je suis désolé pour l’incident de tout à l’heure. J’ai l’impression qu’une combine visait à m’empêcher de m’exprimer sur ce rapport, j’en suis navré.

La protection des mineurs contre les dérives sectaires suscite des inquiétudes légitimes, mais le rapport Salles n’est pas à la hauteur. Il a provoqué une vive controverse et rencontre de fortes oppositions, comme en témoignent les nombreuses lettres reçues, y compris par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. De nombreuses pétitions contre ce rapport ont recueilli des milliers de signatures en quelques semaines.

Des termes non définis tels que « sectes », « dérives sectaires », « mouvements sectaires » sont employés. Je crois que c’est contraire aux bonnes pratiques de l’Assemblée parlementaire. Demander aux Etats de déclencher des poursuites pénales pour des motifs aussi flous, c’est bafouer nos principes : la primauté du droit et les droits de l’homme. L’insécurité juridique remet en cause ces principes et les citoyens ne savent plus sur quel pied danser, ils sont exposés à l’arbitraire.

Je précise aussi que, ce matin, il y a eu énormément de votes très serrés, de matchs nuls, et, pour la moitié des amendements, la commission n’était pas en mesure de se prononcer. Il faut évidemment lutter contre les pratiques criminelles, mais il ne s’agit pas de prendre des mesures contre des actions ou des groupes qui ne sont pas définis et qui seraient susceptibles d’être l’objet d’enquêtes. Le droit à la protection des enfants, évidemment, doit être respecté, mais sans discrimination, sans arbitraire, sans que les gens doivent craindre l’arbitraire. Or le rapport de M. Salles n’est pas satisfaisant de ce point de vue. Il ne respecte pas ce principe de non-discrimination. Apparemment, certaines allégations, selon lesquelles les abus commis sur les mineurs par tel ou tel groupe – ces groupes qu’on appelle sectes – seraient beaucoup plus nombreux, ne sont pas prouvées. Ce qui est avancé l’est sans preuve. Les mesures de répression exigées ne sont donc ni proportionnées ni justes.

Encore une fois, on cherche à réprimer certains mouvements en les qualifiant de sectes. Un tel rapport n’a pas sa place dans une organisation qui se targue de défendre les droits de l’homme.

En plusieurs endroits du texte, nous avions décidé de remplacer le terme « sectes » par l’expression « groupes religieux, ésotériques ou spirituels ». Si cette terminologie n’est pas acceptée, nous ne pourrons pas approuver le texte.

M. WOLD (Norvège)* – Le thème que doit traiter l’Assemblée aujourd’hui est particulièrement compliqué.

Lorsque les croyances d’une personne, sa morale, ses principes sont attaqués, les réactions sont fortes. Il en va de même aujourd’hui à la présentation de ce rapport. Selon un communiqué de presse paru ce jour, plus de 10 000 personnes ont signé une pétition contre ce rapport.

Je suis un chrétien norvégien. Je ne pratique pas régulièrement, mais je sais où je me place et j’estime que le rapport ne tient pas compte du fantastique travail réalisé sur une base volontaire pour toutes les personnes croyantes liées à une paroisse.

De nombreuses enquêtes ont été menées auprès des différents membres de l’Assemblée sur le rapport présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, y compris même avant cette séance plénière.

La volonté forte qui anime les membres de cette Assemblée devrait permettre de rejeter le rapport. En effet, le projet de résolution recommande des mesures qui inciteront les gouvernements à des limitations de la pratique de croyances et, sur un plan social, attiseront l’hostilité à l’encontre des organisations religieuses minoritaires et des communautés, menaçant de fait les droits de l’homme et les libertés fondamentales de millions de membres de groupes aux croyances minoritaires dans les différents pays membres du Conseil de l'Europe.

L’utilisation du terme « secte », qui s’assortit d’un système de classification restrictif, stigmatisera et marginalisera les différents groupes minoritaires.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté des religions en 2005 était critique face à la tentative française de stigmatiser des groupes minoritaires chrétiens en les qualifiant de « sectes ». Cela peut conduire, comme je l’ai dit, à une discrimination et à une limitation des libertés fondamentales. Le rapport semble avoir été écrit en faveur de la protection des enfants et des jeunes gens, mais il inclut des mesures émanant de la France, qui n’ont pas été discriminatoires, certes, mais qui ont eu des conséquences non négligeables pour certaines familles françaises aux croyances minoritaires. Nous ne souhaitons pas que les mêmes conditions soient appliquées dans les autres Etats membres de notre Assemblée.

Au surplus, le rapport est rédigé par M. Salles, qui travaille officiellement avec des groupes antireligieux tels que la Miviludes – il l’a lui-même confirmé aux médias.

Ne considérons pas les croyances minoritaires en Europe comme des cultes pratiqués par des sectes dangereuses.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent déposer, dans les 24 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance pour publication au compte rendu.

J’appelle la réplique de la commission.

(Poursuivant en français) Monsieur Salles, il vous reste sept minutes.

M. SALLES (France), rapporteur – Je voudrais rétablir un certain nombre de vérités car si des parlementaires se sont exprimés pour soutenir notre démarche – il s’agit d’un travail approfondi qui a été mené pendant plus de deux ans et demi au sein du Conseil de l'Europe et un sujet sur lequel je travaille au Parlement français depuis près de vingt ans –, j’ai malheureusement également entendu beaucoup de contrevérités.

M. Binley a déclaré qu’il s’agissait d’un rapport franco-français. Je suis désolé, mais, ici, nous travaillons pour l’Europe, au sein du Conseil de l'Europe, et nous ne faisons pas des rapports franco-français. M. Binley et M. Wold ont même mis en cause la Miviludes. Vous ne savez probablement pas ce qu’est la Miviludes, puisque vous avez déclaré qu’il s’agissait d’un mouvement antireligieux alors qu’il s’agit d’un organe public de la République française, au sein duquel siègent les parlementaires pour assurer une bonne information. Je tiens à vous dire que le Parlement français a beaucoup travaillé sur ces questions. Tout le monde sait combien nous sommes respectueux en France de la liberté de conscience, qui est une liberté publique fondamentale, inscrite dans notre Constitution. Mais s’agissant des sectes, le Parlement français a toujours voté à l’unanimité. Si cette question était aussi épineuse que certains le prétendent, on retrouverait les clivages politiques traditionnels ! Or, sur ce sujet des sectes, nous n’avons jamais eu de votes autres qu’unanimes. C’est un fait qui devrait vous interpeller, car, que je sache, rares sont les votes unanimes dans nos parlements démocratiques.

Vous avez parlé de l’insécurité juridique. M. Ghiletchi prétend qu’il n’existe pas de définition du mot « secte ». En général, les sectes sont des associations, que l’on ne peut par conséquent interdire. Mais nous n’avons pas fait le procès des sectes, nous avons voulu mettre en relief les dérives sectaires qui risquent de porter atteinte et qui portent atteinte à la protection des mineurs. Je vais vous donner lecture de quelques-unes de ces atteintes. Vous serez édifiés ! D’ailleurs, toutes ces dérives figurent dans les codes pénaux de nos Etats : la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières, la rupture induite avec l’environnement d’origine, les atteintes à l’intégrité physique, l’embrigadement des enfants, le discours plus ou moins antisocial, les troubles à l’ordre public, l’importance des démêlés judiciaires, l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels, les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics. Vous pouvez toujours dire que cela n’existe pas – et nous préférerions que cela n’existe pas –, mais cela existe !

Depuis 20 ans, nous produisons des rapports en France. Notre pays compte quelque 200 mouvements sectaires et 300 000 adeptes. À eux seuls, les Témoins de Jéhovah représentent 180 000 personnes en France.

Les victimes qui ont réussi à s’en sortir n’ont pas toujours la force d’aller en justice. Atteintes sur le plan moral, psychique, voire physique, elles n’ont pas la capacité d’aller jusqu’au bout de leur démarche. Les personnes auditionnées disent notamment que, chez les Témoins de Jéhovah, les enfants doivent donner 23 heures par semaine de leur temps pour distribuer des documents et pour faire de la propagande.

Vous pouvez donc penser que ce travail est inutile, qu’il est contre-productif, que nous travaillons contre les religions, y compris minoritaires, mais tout cela est archifaux ! Dans notre pays, la France, cela serait passible des tribunaux et nous n’aurions pas la possibilité d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous sommes là pour défendre les enfants et leur l’intégrité. Si le Conseil de l'Europe n’adopte pas une telle résolution, eh bien, il se montrera complice de celles et de ceux qui veulent asservir la jeunesse !

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je veux exprimer notre soutien au projet de résolution et au projet de recommandation qui visent à la prise de mesures supplémentaires pour contrecarrer les excès de mouvements sectaires affectant les mineurs, notamment afin d’empêcher les dommages physiques et psychologiques, et pour combattre les dérives sectaires.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté :

- un projet de résolution sur lequel 42 amendements et 4 sous-amendements ont été déposés

- et un projet de recommandation sur lequel 16 amendements ont été déposés.

Nous commençons par le projet de résolution (Doc. 13441). Le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur les amendements 2 et 9, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Oui. Mais d’autres amendements ont été adoptés à l’unanimité, me semble-t-il...

LE PRÉSIDENT* – C’est vrai, Monsieur Clappison, mais les autres amendements dont vous parlez font l’objet de sous-amendements et ne peuvent donc pas être déclarés définitivement adoptés.

Y a-t-il une objection ?

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Oui, j’ai déposé plusieurs amendements concernant le mot « secte ». Or ce mot figure dans l’amendement 2, je souhaiterais donc pouvoir développer mes arguments également sur cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – Il y a une objection, la demande du président de la commission est rejetée. Tous les amendements seront donc discutés selon les modalités habituelles. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

L’amendement 1, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 1, à remplacer le mot « mineurs » par le mot « enfants ».

M. BUGNON (Suisse), rapporteur pour avis – Vous l’avez entendu dans le débat, les termes « mineur » et « enfant » sont souvent utilisés. Le paragraphe 1 fait référence à des textes de résolution qui ont déjà été adoptés, il est donc important ici que l’on cadre l’utilisation de ces deux termes. Selon la Convention des Nations Unies, le terme « enfant » s’applique à tout être humain de moins de 18 ans. Pour être clair avec les autres conventions, je vous propose donc d’employer le terme « enfant » plutôt que « mineur ».

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L'amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 2, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 1, à ajouter les mots suivants : «, et qui peuvent être pertinentes là où les dérives sectaires mènent à l’exploitation, à l’abus ou au trafic d’enfants ou au non-respect de leurs droits dans le cadre de procédures judiciaires. »

M. BUGNON (Suisse), rapporteur pour avis – Cet amendement a été voté à l’unanimité par la commission des questions juridiques, mais il a été contesté par Lord Anderson parce qu’il parle de « dérives sectaires ». Il faut appeler un chat un chat ! La liberté religieuse n’est pas remise en question, mais un certain nombre de mouvements religieux sont des sectes, nous faisons donc référence à des « dérives sectaires ».

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je vais proposer plusieurs sous-amendements relatifs à l’utilisation des termes « secte » et « dérives sectaires », qu’il convient, selon moi, de remplacer par d’autres plus appropriés.

LE PRÉSIDENT* – Vous avez parlé contre l’amendement plutôt que proposé un sous-amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est favorable à l’amendement.

L'amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 41, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la protection des mineurs, notamment ceux qui appartiennent à des minorités religieuses. Elle prône une politique de respect de la liberté de religion ou de croyance telle qu’elle est consacrée à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et condamne l’intolérance et la discrimination à l’encontre des enfants pour des motifs de religion ou de croyance, en particulier dans le système éducatif. »

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Par cet amendement, nous nous préoccupons du sort des enfants. Nous voulons nous assurer que leur liberté, et celle de leurs parents, est dûment respectée, conformément à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – Le sous-amendement 1 à l’amendement 41, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans l’amendement 41, à la fin de la première phrase, après les mots « minorités religieuses », à ajouter les mots suivants : « y compris les sectes ».

M. SALLES (France), rapporteur – Il s’agit en effet d’ajouter à la fin de la première phrase, après les mots « minorités religieuses », les mots : « y compris les sectes ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je suis contre ce sous-amendement, car le mot « secte » n’est pas défini. Je ne pense donc pas que l’ajouter apporte une valeur ajoutée à cet article.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable au sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement modifié.

L'amendement 41, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 42, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 1, à insérer le paragraphe suivant : « Le Conseil de l’Europe est aussi engagé en faveur d’une politique de protection des droits mentionnés à l’article 2 du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, pour respecter les droits des parents de veiller à ce que leurs enfants soient élevés et éduqués conformément à leurs propres convictions religieuses et philosophiques. L’Assemblée s’est déclarée préoccupée par la discrimination que risquent d’entraîner des restrictions apportées inutilement aux droits des parents d’élever et d’éduquer leurs enfants conformément à leurs propres convictions religieuses et philosophiques. L’Assemblée parlementaire rappelle donc la Recommandation 1720 (2005) intitulée “Education et religion”, la Recommandation 1396 (1999) intitulée “Religion et démocratie”, la Résolution 1928 (2013) intitulée “Sauvegarder les droits de l’homme en relation avec la religion et la conviction, et protéger les communautés religieuses de la violence” (en particulier le paragraphe 9.11) et la Résolution 1904 (2012) intitulée “Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe” ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je propose cet amendement afin que l’on fasse référence aux documents adoptés par l’Assemblée, récemment ou il y a plus longtemps, documents essentiels car ils traitent de la protection des enfants. Je vous demande d’adopter cet amendement, cela fera un rapport plus équilibré et montrera notre volonté de traiter de la protection des enfants et non pas seulement du problème des sectes.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L'amendement 42 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 9, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de résolution, paragraphes 3, 5, 6.2, 6.6, 6.7 et 6.8, à remplacer les mots « dérives sectaires » par les mots suivants : « violations de la loi par des sectes ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il est important d’employer le bon terme. Si quelqu’un viole la loi, il doit être puni.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 9 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 30, déposé par Lord Anderson, MM. Binley, Benton, Donaldson, Dobbin, tend, dans le projet de résolution, aux paragraphes 3, 5, 6.1, 6.3, 6.6, 6.8 et 7, à remplacer le mot « secte(s) » par les mots suivants : « groupes religieux, ésotériques et spirituels ».

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Le mot « secte » est péjoratif. Le rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme préconise de le bannir autant que possible du vocabulaire juridique. Pourquoi ignorer ce conseil ? Pourquoi ne pas tenir compte des précédents ?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 30 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 43, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 3.

S’il est adopté, les amendements 33, 10, 3 et 4 n’ont plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il n’existe pas de preuve de ce qui est affirmé dans ce paragraphe. Il ouvre la boîte de Pandore en attaquant les minorités religieuses.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 43 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 33, déposé par M. Binley, Lord Anderson, MM. Donaldson, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 3 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée est préoccupée chaque fois que des mineurs subissent des abus, quels qu’ils soient. Il est indispensable que la législation en vigueur soit fermement appliquée, et ceci est fait dans le contexte du respect des droits des enfants et de leurs parents, conformément aux articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. »

Si cet amendement est adopté, les amendements 3, 4 et 10 n’ont plus d’objet.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Les affirmations du paragraphe 3 ne sont pas prouvées dans le rapport. En outre, sa terminologie est discriminatoire et préjudiciable. Il faut défendre les droits de l’homme en respectant les principes du Conseil de l’Europe. L’auteur ne semble pas comprendre les valeurs du droit anglais, où ce sont les individus qui sont responsables et non les groupes.

M. SALLES (France), rapporteur – Bien entendu, nous respectons les principes du Conseil de l’Europe. L’amendement est donc inutile.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission était favorable à l’amendement.

L’amendement 33 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Par conséquent, les amendements 3, 4 et 10 n’ont plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Rappel au Règlement. L’amendement 4 de la commission des questions sociales – que j’ai l’honneur de présider – ne devrait pas tomber, puisqu’il ne fait que modifier l’ordre des paragraphes sans toucher à leur substance. Cet amendement a été approuvé par la commission saisie au fond.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Ghiletchi, le secrétariat me confirme que le contenu du paragraphe 3 a été totalement modifié, de sorte que cet amendement ne s’applique plus.

L’amendement 34, déposé par Lord Anderson, MM. Donaldson, Binley, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à remplacer la dernière phrase par la phrase suivante : « L’Assemblée estime que toute organisation religieuse ou quasi religieuse devrait être comptable envers le public de toute infraction au droit pénal et constate avec satisfaction que des organisations religieuses établies ont annoncé que des éléments concernant des sévices à enfant dans ces organisations devraient être signalés à la police aux fins d’enquête. De l’avis de l’Assemblée, rien ne justifie de faire la distinction entre les religions établies et les autres, y compris les religions et confessions minoritaires, dans l’application de ces principes. »

Si cet amendement est adopté, l’amendement 11 n’a plus d’objet.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – En tant que chrétien, j’ai honte quand quelqu’un agit contre l’intérêt des mineurs au nom de la religion, quelle qu’elle soit. Il ne faut évidemment pas distinguer de ce point de vue les grandes religions et les religions minoritaires. Le droit pénal doit s’appliquer à tous sans discrimination.

M. SALLES (France), rapporteur – Contre l’amendement. Nous ne parlons pas ici des religions majoritaires ou minoritaires, mais des sectes, cela dût-il déplaire à M. Anderson.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 34 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Par conséquent, l’amendement 11 n’a plus d’objet.

L’amendement 44, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 4, à ajouter la phrase suivante : « Ces Recommandations s’appliquent aux mineurs et leur protection en tant qu’individus ou en tant que membres d’un groupe religieux doit être traitée. »

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement est défendu.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 44 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 5, déposé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 4, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée rappelle qu’à partir du moment où les mineurs entrent en contact avec les sectes d’une manière ou d’une autre, un équilibre est à trouver entre différentes catégories de droits humains. En effet, face à la liberté de pensée, de conscience et de religion en tant que droit humain pour tous, les enfants eux-mêmes peuvent également prétendre à ce même droit (sans être contraints par des influences qui limitent leur liberté de pensée), tout en ayant le droit d’être protégés contre toute forme de violence. Là où il est nécessaire de trancher, l’intérêt supérieur des enfants doit être la considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, tel que stipulé par l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations-Unies ».

M. BUGNON (Suisse), rapporteur pour avis – Il peut exister une contradiction entre différents droits : la liberté de pensée, de conscience et de religion, d’une part, et le droit des mineurs à être protégés des sectes, d’autre part. Nous voulons souligner que c’est l’intérêt supérieur des enfants qui doit primer lorsqu’un enfant est entré dans une secte.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 35, déposé par Lord Anderson, MM. Donaldson, Binley, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 5 par les paragraphes suivants : « L’Assemblée rappelle qu’en 1992, lorsqu’elle avait examiné la question de la liberté de religion et des minorités religieuses, elle avait choisi de cesser d’utiliser le mot “ secte ” et de le remplacer par “ groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel ” (Recommandation 1412 (1999). Cette décision reconnaissait que le mot “ secte ” et d’autres libellés péjoratifs ou stigmatisants ne devraient pas être utilisés dans les rapports du Conseil de l’Europe. Cette conclusion de l’Assemblée reflétait des normes internationales telles que les normes des Nations-Unies concernant la liberté de religion et les minorités religieuses.

S’il est adopté, les amendements 45 et 12 n’ont plus d’objet.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – C’est un amendement assez long qui parle de lui-même. Il s’agit de refléter des informations exactes concernant l’Assemblée, la Cour européenne et leurs positions au sujet des minorités religieuses.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 35 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 45, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 5 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée note que, conformément à la Résolution 1530 (2007), paragraphe 1, la protection des mineurs, les droits parentaux et la liberté de religion ou de croyance doivent être promus quelle que soit la sphère d’activités, qu’elle soit publique (notamment dans les établissements scolaires publics, hôpitaux, etc.) ou privée (notamment les systèmes privés d’éducation, la famille, le sport et autres activités de loisir, les activités religieuses, etc.). »

S’il est adopté, l’amendement 12 n’a plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement améliore le projet de résolution. Il s’agit de penser avant tout au bien-être des enfants et à leurs parents.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 45 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Par conséquent, l’amendement 12 n’a plus d’objet.

L’amendement 36, déposé par M. Binley, Lord Anderson, MM. Donaldson, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 6 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée invite donc les Etats membres à signer et/ou ratifier les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe sur la protection et le bien-être des enfants s’ils ne l’ont pas déjà fait. »

S’il est adopté, les amendements 13, 46, 47, 14, 48, 6, 49, 15, 16, 7, 50, 8, 51, 17, 18 et 52 n’auront plus d’objet.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Cet amendement est tout à fait simple et clair. Il n’a pas besoin d’explication sauf à rappeler que tous les Etats membres doivent veiller au bien-être et à la protection des enfants si ce n’est déjà fait.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 36 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Par conséquent les amendements 13, 46, 47, 14, 48, 6, 49, 15, 16, 7, 50, 8, 51, 17, 18 et 52 n’ont plus d’objet.

L’amendement 19, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 7.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je propose cet amendement parce que je pense qu’il incombe aux parlements nationaux de décider des groupes d’études à créer et des phénomènes à examiner. Ce n’est pas à nous d’indiquer aux parlements nationaux ce qu’ils doivent faire. Nous devons les respecter. A priori, ils doivent connaître les problèmes de leur pays.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 19 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 53, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 7, à remplacer les mots « le phénomène sectaire et son impact sur les mineurs » par les mots suivants : « la protection des mineurs, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités religieuses. »

Si cet amendement est adopté, l’amendement 20 n’aura plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Nous n’avons pas de définition d’une secte. Précédemment nous avions utilisé d’autres termes. On ne peut employer une terminologie qui n’est pas définie. Songeons aux enfants et à ceux qui appartiennent à des minorités religieuses.

M. SALLES (France), rapporteur – C’est le même débat depuis le début avec ceux qui refusent la reconnaissance du phénomène sectaire, qui estiment qu’il n’existe pas et qui veulent travestir la vérité. Je suis donc contre.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 53 est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Par conséquent, l’amendement 20 n’a plus d’objet.

L’amendement 21, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 7, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée invite les Etats membres à veiller à ce qu’aucune discrimination ne soit autorisée en raison du fait qu’un mouvement est considéré ou non comme une secte, à ce qu’aucune distinction ne soit faite entre les religions traditionnelles et des mouvements religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou des “ sectes ” s’agissant de l’application du droit civil et pénal, et à ce que chaque mesure prise à l’encontre de mouvements religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou de “ sectes ” soit alignée sur les normes des droits de l’homme telles qu’elles sont consacrées par la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres instruments pertinents protégeant la dignité inhérente à tous les êtres humains et l’égalité de leurs droits inaliénables. »

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Rappel au Règlement, Monsieur le Président. En commission, on a mis aux voix l’amendement 20 parce qu’il ajoute quelque chose au paragraphe. Je ne crois pas que les deux amendements s’excluent mutuellement. La fin de l’amendement 20 reste valable.

LE PRÉSIDENT* – Dans l’amendement 53, on supprime le mot « secte », donc votre amendement devient sans objet, dans sa totalité. C’est pourquoi nous examinons l’amendement 21.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Par cet amendement nous demandons aux Etats membres d’éviter toute discrimination selon que l’on considère un mouvement comme une secte ou pas. Nous voulons respecter une valeur fondamentale de cette Assemblée, la non-discrimination.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Si on n’exclut pas le mot secte, on ne peut pas voter ce texte. Nous ne sommes pas Dieu ! On ne peut décider quelle religion est une secte ou pas. Les orthodoxes, les juifs ou bien d’autres peuvent être considérés par certains comme appartenant à des sectes lorsqu’ils forment des minorités. La liberté religieuse est aussi un principe fondamental.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 21 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 22, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, à remplacer le titre du projet de résolution par les mots suivants : « Traiter la question des mineurs et des groupes religieux, spirituels et ésotériques ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement vise à modifier le titre du projet de résolution. Nous devons utiliser un vocabulaire connu à l’Assemblée et dans les Etats membres. C’était d’ailleurs celui utilisé par la Recommandation 1412 (2009).

M. SALLES (France), rapporteur – Les sectes vont bien au-delà des « groupes religieux, spirituels et ésotériques » puisqu’il existe des sectes médicales et sportives. Cet amendement cherche purement et simplement à dénaturer le texte.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 22 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 40, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le titre du projet de résolution, à remplacer les mots « contre les dérives sectaires » par les mots suivants : « appartenant à des minorités religieuses ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il s’agit à nouveau d’améliorer le titre du projet de résolution.

M. SALLES (France), rapporteur – Les sectes ne sont pas uniquement des mouvements religieux ou ésotériques.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 40 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 29, déposé par Lord Anderson, MM. Binley, Benton, Donaldson, Dobbin, tend, dans le titre de la résolution, à remplacer le mot « sectaires » par les mots suivants : « de groupes religieux, ésotériques et spirituels ».

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Nous affirmons que nous voulons lutter contre les sectes, mais nous ne savons pas ce qu’elles sont vraiment. Le mot « sectes » n’est pas clair. Utilisons plutôt les termes connus.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 29 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons à la demande de renvoi en commission présentée par M. Ghiletchi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Conformément au Règlement, je demande le renvoi en commission de ce rapport. Faute de définition claire du mot « secte », la discussion ne peut aboutir de manière satisfaisante. Il paraît nécessaire que la commission des questions juridiques se penche à nouveau sur le sujet.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Je suis contre ce renvoi. Je respecte toutes les religions quelles qu’elles soient. J’ai approuvé plusieurs des amendements déposés par M. Ghiletchi car ils me paraissaient compléter utilement le texte. Je comprends par ailleurs les arguments du rapporteur. Ce rapport est globalement satisfaisant. Il a demandé beaucoup de travail à M. Salles et au secrétariat de la commission.

M. SALLES (France), rapporteur – Je m’oppose au renvoi du rapport en commission. Je considère qu’un véritable travail de destruction a été mené cet après-midi pour vider le texte de son sens. Nous aurons néanmoins fait un petit peu avancer les choses. Je constate une fois de plus que le Conseil de l’Europe est très en retrait dans la lutte contre les dérives sectaires dont celles qui touchent les enfants. Je le regrette profondément.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Il est honteux d’accuser ainsi les autres parlementaires !

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Binley, vous avez déjà eu l’occasion d’intervenir au cours de ce débat.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission a adopté les projets de résolution et de recommandation et examiné les amendements avec attention. Je ne peux en dire plus car la commission ne s’est pas exprimée sur cette question de procédure.

La proposition de renvoi du rapport en commission n’est pas adoptée

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le document 13441, tel qu'il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (29 voix pour, 14 voix contre et 11 abstentions).

M. Giovagnoli, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Walter au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Nous en arrivons au projet de recommandation.

Le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme demande l’application de l’article 33-11 du Règlement à l’amendement 24 qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’objection. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

J’en donne lecture :

 L’amendement 24, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de recommandation, aux paragraphes 1, 1.2 et 1.3, à remplacer les mots « dérives » par les mots suivants : « violations de la loi par des groupes ».

Je suis saisi de deux amendements, 23 et 32, qui sont identiques.

L’amendement 23, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de recommandation, aux paragraphes 1, 1.1, 1.2 et 1.3, à remplacer le mot : « sectaire(s) » par les mots suivants : « de groupes religieux, spirituels et ésotériques ».

L’amendement 32, déposé par Lord Anderson, MM. Binley, Benton, Donaldson, Dobbin, tend, dans le projet de recommandation, paragraphes 1, 1.2 et 1.3, à remplacer le mot : « sectaires » par les mots suivants : « de groupes religieux, ésotériques et spirituels », et, au paragraphe 1.1, à remplacer le mot « sectaire » par les mots suivants : « des groupes religieux, ésotériques et spirituels ».

L’amendement 23 ayant été déposé en premier, c’est l’un de ses auteurs qui défendra les deux amendements.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Nous avons exclu du texte un terme qui n’est pas défini, celui de « dérives » ; c’est une très bonne chose. Mais un autre terme non défini doit être lui aussi exclu : le mot « sectaire ». Une recommandation adoptée en 1999 utilise une autre terminologie : « groupes religieux, ésotériques et spirituels ». Nous devons donc remplacer le terme « sectaire » par cette expression, sinon ne pourrons tout simplement pas adopter le texte.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à ces amendements identiques.

Les amendements identiques 23 et 32 ne sont pas adoptés.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 55, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1, à remplacer les mots : « des mineurs contre les dérives sectaires » par les mots suivants : « des droits des mineurs appartenant à des minorités religieuses ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’argumentation est la même que précédemment : nous devons protéger les enfants appartenant à des minorités religieuses. Il ne faut ni les attaquer ni les mettre en danger. C’est la raison pour laquelle je vous propose de remplacer les mots : « des mineurs contre les dérives sectaires » par les mots suivants : « des droits des mineurs appartenant à des minorités religieuses ».

M. SALLES (France), rapporteur – Adopter un tel amendement reviendrait à stigmatiser les minorités religieuses, ce que nous refusons de faire. Voilà précisément pourquoi nous insistons sur le terme de « secte », qui recouvre une réalité totalement différente.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 55 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 37, déposé par M. Binley, Lord Anderson, M. Donaldson, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 1.1 par le paragraphe suivant : « de réaliser une enquête par l’intermédiaire de leurs ministères de l’Intérieur pour déterminer s’il y a un quelconque problème, dans leurs propres pays, qui emporte violation des normes internationales des droits de l’homme en ce qui concerne les groupes religieux et les droits de l’enfant, et de formuler des recommandations s’il y avait des motifs de préoccupation ; »

Si cet amendement est adopté, les amendements 56 et 25 n’ont plus d’objet.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Dans le texte du projet de recommandation, la formulation employée est péjorative. Nous devrions le modifier afin que des enquêtes soient menées à l’intérieur du cadre juridique de la défense des droits de l’homme. Cela rendrait les choses plus claires.

M. SALLES (France), rapporteur – Il n’y a pas lieu de faire de telles enquêtes, dans la mesure où les dérives sectaires tombent toutes sous le coup de loi.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 37 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 56, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1.1, à remplacer les mots : « du phénomène sectaire » par les mots suivants : « des abus, de la violence et des délits pénaux », et à ajouter à la fin les mots suivants : «, en particulier concernant les mineurs appartenant à des minorités religieuses ».

Si cet amendement est adopté, l’amendement 25 n’a plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur Salles, si vous ne voulez pas stigmatiser les sectes ou d’autres groupes, acceptez cet amendement qui utilise des termes extrêmement clairs, puisqu’il y est question d’abus, de violence et de délits pénaux – autant de termes qui figurent dans nos différents codes pénaux. Des personnes peuvent donc être poursuivies pour avoir commis ces délits. Il ne faut pas utiliser des termes qui stigmatisent des groupes et, de surcroît, ne sont pas définis.

M. SALLES (France), rapporteur – C’est votre amendement qui vise à stigmatiser. Voilà pourquoi j’y suis totalement opposé.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 56 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 25, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1.1, à remplacer le mot : « sectaire » par les mots suivants : « de groupes religieux, spirituels ou ésotériques » et, à la fin de la phrase, à insérer les mots suivants : «, en partenariat avec la Commission de Venise ; ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Le présent amendement apporte un élément supplémentaire par rapport aux arguments que j’ai déjà avancés : il s’agit de travailler en partenariat avec la Commission de Venise, c’est-à-dire l’organe qui peut nous aider à élaborer une définition juridique. Je ne vois pas pour quelle raison on n’accepterait pas de coopérer avec elle sur ce sujet, dans la mesure où c’est ce que nous faisons chaque fois que l’on a besoin d’un avis juridique.

M. SALLES (France), rapporteur – Monsieur Ghiletchi, la Commission de Venise n’est tout simplement pas compétente en la matière.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 25 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 38, déposé par M. Binley, Lord Anderson, M. Donaldson, Benton, Dobbin, tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 1.2 par le paragraphe suivant : « d’établir un groupe de travail au sein de la Commission de Venise pour déterminer s’il y a des conflits fondamentaux, juridiques ou relatifs aux droits de l’homme, en ce qui concerne l’utilisation de mots comme “ sectes ” ou “ culte ” et s’il faudrait faire la distinction entre religions traditionnelles, nouvelles, minoritaires ou majoritaires lorsqu’il s’agit de déterminer si elles se sont livrées à des activités illégales ; »

Si cet amendement est adopté, les amendements 26 et 57 n’ont plus d’objet.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Le rapporteur est certain que tout le monde comprend le terme de « secte ». Je dois dire que, dans mon pays, ce terme est très péjoratif. Il me semble donc que l’employer nuirait à ses intentions en matière de protection des mineurs. Lorsque l’on débat de questions juridiques, il faut utiliser les termes appropriés. Adoptons donc la terminologie de la Commission de Venise.

M. SALLES (France), rapporteur – Je suis opposé à cet amendement pour les raisons que j’ai déjà exposées : tout le monde comprend le sens du mot « secte ». Je suis désolé que ce ne soit pas le cas de M. Wold.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 38 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 26, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 1.2 par le paragraphe suivant : « de mettre en place un groupe de travail chargé d’échanger entre les Etats membres des informations relatives aux groupes religieux, spirituels ou ésotériques, d’élaborer des bonnes pratiques sur la prévention des problèmes susceptibles de surgir dans ce domaine et qui affectent les mineurs, et d’y associer pour ce faire des experts de la religion et du droit qui pourraient être amplement consultés ; »

Si cet amendement est adopté, l’amendement 57 n’a plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Comment peut-on demander aux Etats membres de procéder à l’échange d’informations sur les dérives des sectes alors que la majorité d’entre eux n’utilisent pas cette terminologie ? Il est ridicule de nous demander d’échanger des informations sur des choses que nous ne comprenons pas de cette façon. Encore une fois, peu de pays utilisent le terme de « secte ». Je propose donc que l’on récrive le paragraphe 1.2.

M. SALLES (France), rapporteur – Pour les mêmes raisons que précédemment, je m’oppose à cet amendement. Les sectes, malheureusement, existent bel et bien, même si vous voulez éviter de le savoir ou si vous dites que vous ne le savez pas.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 26 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 57, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1.2, à remplacer les mots « dérives sectaires touchant les mineurs » par les mots suivants : « cas d’abus sur des enfants, en particulier les mineurs appartenant à des minorités religieuses, et à la protection des mineurs. »

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Nous voulons remplacer l’expression « dérives sectaires touchant les mineurs ». M. Salles part, là encore, du principe que tout le monde sait de quoi il s’agit. Or il est le seul à savoir ce qu’il a à l’esprit. Monsieur Salles, respectez les membres des autres Etats membres de l’Assemblée. Il n’y a pas de définition admise par tous. Or, c’est ce qui importe au bout du compte. Ne partez donc pas du principe que tout le monde l’entend comme vous.

M. SALLES (France), rapporteur – Monsieur Ghiletchi, je respecte absolument tout le monde au sein de cette Assemblée. Le propre de cette Assemblée est justement de permettre d’échanger des informations, parce que, malheureusement, les sectes ne connaissent pas de frontières.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission s’est prononcée contre à cet amendement.

L'amendement 57 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 39, déposé par Lord Anderson, MM. Donaldson, Benton, Dobbin, Binley, tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 1.3 par le paragraphe suivant : « d’inviter des experts universitaires et juridiques de renom dans le domaine des religions à se réunir pour s’efforcer d’améliorer la coopération au niveau européen afin de donner un éclairage sur les activités de mouvements religieux, ésotériques ou spirituels et de se pencher sur tout domaine de préoccupation exprimé par le Comité des Ministres ; »

Si cet amendement est adopté, les amendements 27 et 58 n’auront plus d’objet.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Même nos collègues français ne sont pas capables de définir les sectes qu’ils visent. C’est comme si l’on disait « culte ». Ils ne savent pas très bien de quelles sectes il s’agit. Dès lors, pour éviter toute arrogance, pourquoi ne pas se tourner vers les experts universitaires et juridiques qui pourraient nous aider en la matière ?

M. SALLES (France), rapporteur – Si M. Anderson ne connaît pas les sectes ni la définition des sectes, les victimes, elles, savent très bien de quoi il s’agit. Quant à faire appel à de grands experts, croyez-moi, les grandes sectes se paient les meilleurs experts et rédigent les plus grands rapports en faveur du mouvement sectaire. Donc, faisons très attention.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L'amendement 39 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 27, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1.3, remplacer les mots « de prévention et de protection des mineurs contre les dérives sectaires » par les mots suivants : « afin de recueillir des informations fiables sur les groupes religieux, spirituels ou ésotériques et la manière dont ils affectent les mineurs, tout en respectant le droit des parents d’éduquer leurs enfants conformément à leurs propres croyances religieuses ou non religieuses ».

Si cet amendement était adopté, l’amendement 58 n’aurait plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Si, au sein de cette Assemblée, nous ne sommes pas capables de faire preuve de respect, imaginez-vous ce qui se passera dans nos sociétés si nous n’avons pas de définition claire de ce qu’est une secte.

Monsieur Gross, vous êtes toujours pour une approche non discriminatoire. Alors votons sur un texte qui défendra la liberté de religion de manière non discriminatoire.

M. SALLES (France), rapporteur – Je répondrai la même chose que depuis le début : malheureusement, si M. Ghiletchi ne connaît pas les sectes, ceux qui en souffrent et en sont victimes les connaissent bien.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L'amendement 27 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 58, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le projet de recommandation, au paragraphe 1.3, à remplacer les mots « de prévention et de protection des mineurs contre les dérives sectaires » par les mots suivants : « pour protéger les mineurs, en particulier les mineurs appartenant à des minorités religieuses ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – J’ai déjà soutenu cet amendement. Je n’ai pas besoin de me répéter. Si certains ne veulent pas voir le danger d’un tel rapport et de l’utilisation d’une telle terminologie, que voulez-vous que je fasse ?

M. SALLES (France), rapporteur – L’adoption de cet amendement supprimerait la prévention. En la matière, cela me paraît extrêmement dangereux.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 58 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 28, déposé par MM. Ghiletchi, Badea, Preda, Mme Guţu, M. Wadephul, tend, à remplacer le titre de la recommandation par les mots suivants : « Traiter la question des mineurs et des groupes religieux, spirituels et ésotériques ».

Si l’amendement est adopté, les amendements 31 et 54 n’auront plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Chers collègues, cher M. Salles, c’est une triste journée pour moi. J’appartiens à une minorité religieuse. À l’époque, en Union soviétique, on disait que j’appartenais à une secte. Je regrette qu’aujourd’hui, une telle recommandation puisse être présentée par notre Assemblée. Si nous ne voulons pas mettre en danger nos citoyens, il faut rejeter cette recommandation. Comment voulez-vous accepter un texte qui attaque les personnes sur la base de leurs convictions religieuses ? C’est extrêmement triste.

M. SALLES (France), rapporteur – Je vous rappelle que le titre est « La protection des mineurs contre les dérives sectaires ». Les dérives sectaires figurent toutes dans le code pénal de chacun de nos pays. On ne peut pas s’opposer à une évidence.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

L'amendement 28 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 54, déposé par MM. Dobbin, Ghiletchi, Sir Alan Meale, MM. Donaldson, Benton, tend, dans le titre du projet de recommandation, à remplacer le mots « contre les dérives sectaires » par les mots suivants:: « appartenant à des minorités religieuses ».

J’informe l’Assemblée que si cet amendement était adopté, l’amendement 31 n’aurait plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il n’est même pas besoin d’en parler !

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est opposée à cet amendement.

L'amendement 54 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 31, déposé par Lord Anderson, MM. Binley, Benton, Donaldson, Dobbin, tend, dans le titre du projet de recommandation, à remplacer le mot « sectaires » par les mots suivants : « de groupes religieux, ésotériques et spirituels »

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Nos collègues français disent que tout ce qui n’est pas clair dans le texte n’est pas français. Alors, ils utilisent « secte » comme « culte », sans définition claire. Ils ne sont capables de produire une définition. Pourquoi, dans ce cas, ne pas utiliser les termes déjà employés par le passé par cette Assemblée ? Car dans les langues anglo-saxonnes, le mot secte n’équivaut pas à culte. Il s’agit donc ici d’impérialisme français.

M. SALLES (France), rapporteur – Je regrette que Lord Anderson termine ce débat par une insulte à mon pays. Il n’y a pas d’impérialisme français en la matière. Il y a simplement du réalisme face à une situation qui fait souffrir des milliers et des milliers d’enfants.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je voudrais faire un rappel au Règlement.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut avancer, je suis désolé.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 31 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le document 13441, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité des deux tiers est requise.

Le projet de recommandation, amendé, n’est pas adopté (28 voix pour, 18 voix contre et 13 abstentions).

M. Seyidov, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Giovagnoli au fauteuil présidentiel.

4. Un travail décent pour tous

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport intitulé « Un travail décent pour tous » présenté par M. Roel Deseyn au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13456).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 30, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Je remercie tous les collègues encore présents dans l’hémicycle. Nous voulons défendre le concept de travail décent pour tous, mais il serait peut-être utile que j’en rappelle les différents volets. Il s’agit de l’accès à l’emploi mais aussi des conditions de travail, -les conditions physiques, mais également les conditions psychologiques, car on ne peut fermer les yeux sur le phénomène du stress lié au travail, qui prend de plus en plus d’ampleur. Les droits sociaux constituent le troisième volet de la notion de travail décent.

Ce texte retient l’option de fixer des orientations à la Grande Europe. Il s’agit de faire avancer l’ensemble de la société. Sinon, comment parler décemment de progrès ? Et il n’y a pas non plus de progrès si employeurs et travailleurs ne peuvent avancer ensemble.

Pour y parvenir, il faut définir des normes sociales et de grandes orientations. Celles que nous proposons sont claires : nous voulons que les personnes vivent et travaillent dans la dignité, que le salaire qu’elles reçoivent leur permette une vie digne, que la vie au travail se passe bien et soit équilibrée, qu’il y ait un contrat social.

Certes, il faut envisager plus de flexibilité, mais de manière équilibrée. De même, nous sommes évidemment favorables au libre-échange. C’est une bonne chose à condition que tout un chacun, dans le monde, puisse en tirer profit. Par voie de conséquence, nous refusons le dumping social. En nous intéressant suffisamment aux conditions de travail ailleurs, dans les pays partenaires de l’Europe, nous pourrons créer un marché mondial sans dumping social.

Le rapport évoque ces grands équilibres et leur intérêt pour tous. Il aborde aussi le travail des enfants. Nous invitons tous les pays à signer la Charte sociale européenne. Certes 43 Etats membres l’ont déjà fait, mais seuls 15 pays ont reconnu la procédure des réclamations collectives, ce qui pose problème.

Nous avons longuement travaillé longtemps. Je remercie le secrétariat, ainsi que mes collègues qui y ont contribué, de même que l’Organisation internationale du travail et l’Organisation mondiale du commerce.

En résumé, la protection des normes en matière de droit du travail, ce n’est pas du protectionnisme. Au contraire, c’est donner plus d’opportunités au plus grand nombre. La proposition de résolution que nous vous soumettons est pertinente, et s’inscrit parfaitement dans le cadre des droits des êtres humains et des droits sociaux.

M. PINTADO (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie M. Deseyn pour son rapport très équilibré, qui présente des concepts nous aidant à comprendre ce que l’on entend par « travail décent » et surtout quels sont les enjeux sous-jacents.

Dans son intervention, M. Deseyn a évoqué la mondialisation, et son incidence sur le travail, les moyens d’éviter le dumping social et les effets négatifs de la concurrence dans certaines régions du monde.

Des données, des chiffres nous sont fournis. Le travail indécent existe encore en Europe. De plus en plus d’enfants travaillent. Ce phénomène en voie de réapparition est certainement lié à la crise que nous vivons depuis ces dernières années. Nombre de pays se sont libéralisés, nombre de jeunes sont venus y chercher un emploi. Cela ne constitue toutefois pas toujours un danger, dès lors qu’ils ne sont pas exploités. M. Deseyn évoque aussi le rôle du FMI.

Nous sommes d’accord avec le rapporteur lorsqu’il souligne la nécessité d’introduire des améliorations d’ordre social. Notre Assemblée y participe au titre de la Charte sociale du Conseil de l'Europe.

Le rapport évoque le renforcement de la concurrence et de la compétitivité, lesquels sont indissociables des conditions d’un travail décent et digne, car n’oublions pas que des conditions favorables aux salariés ont une incidence positive sur l’ensemble de la société. Ce rapport ouvre donc des perspectives intéressantes.

Le travail est considéré comme un droit social, un droit fondamental. L’emploi ouvre les portes de la liberté et permet aux personnes d’avoir un projet de vie.

Ce projet de résolution nous semble bon et nous le soutiendrons.

Mme GORGHIU (Roumanie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je citerai un proverbe roumain : « Le travail est comme un bracelet en or. » La crise économique fait resurgir la crainte de l’avenir et efface les priorités que sont les droits et libertés des salariés que, l’employeur se doit de respecter, mais que les individus eux-mêmes ne prennent plus en compte. En effet, si par le passé, la plupart des gens choisissaient leur emploi en fonction de la proximité de leur domicile, du salaire ou des avantages sociaux, aujourd’hui, nombreux sont ceux qui acceptent n’importe quel emploi. Du coup, le travail n’est pas une activité annexe. Heureusement pour certains, malheureusement pour d’autres, il occupe toute la vie, à tel point qu’une soixantaine de salariés d’une société de télécommunications ont décidé de mettre fin à leurs jours à la suite de licenciements et de pressions exercées par la direction.

Le travail doit être décent et accessible à tous. Nous soutenons donc les instruments de nature à aider les salariés et à développer de nouveaux moyens de communication et à protéger les travailleurs.

Dans le même temps, nous soulignons l’importance de la coordination et de la coopération entre les autorités compétentes afin que le code du travail soit respecté.

Nous nous fondons aussi sur la bonne foi et la volonté de chacun de faire son travail correctement et de respecter les droits et libertés des salariés.

Dans un système commercial mondialisé, les pays européens devraient faire pression sur les autres pays pour encourager la mobilité et la concurrence internationales. Les citoyens ont besoin de nouveaux emplois bien payés, en conformité avec la loi. Malheureusement, 1,1 milliard de personnes vivent dans la pauvreté, dont 200 millions de sans-emploi en Europe. Rappelons que la moitié des familles pauvres vivent d’un seul revenu.

L’Alliance des démocrates et des libéraux suggère que les stratégies soient porteuses de solutions identifiées aux plans international et national pour répondre aux problèmes spécifiques qui se posent, ainsi que l’indique le rapporteur, que nous remercions de son rapport très complet.

Sa conclusion nous paraît parfaite : un travail décent ne doit pas être une utopie du législateur.

M. ELZINGA (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – L’Agenda pour le travail décent, c’est-à-dire la promotion d’un travail décent pour tous, est au cœur de la mission de l’Organisation internationale du travail. Cet agenda a donné lieu à un consensus entre les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et la société civile. Des emplois productifs et un travail décent sont des éléments clés pour une mondialisation juste visant à réduire la pauvreté et à assurer un développement durable et inclusif.

Cet agenda reflète les priorités en matière sociale, économique et politique des pays et du système international. Cela dit, malgré le large consensus international sur ces priorités, force est de constater qu’il existe actuellement des écarts considérables en Europe et dans le reste du monde.

Selon l’OIT, après un faible rebond économique depuis la crise financière, le chômage repart à la hausse. Hier, l’OCDE a publié des statistiques montrant que le chômage augmente de nouveau dans les pays riches alors même qu’il avait déjà atteint un niveau inacceptable en particulier chez les jeunes. Au Forum économique mondial, la question des générations de jeunes sans travail a été évoquée.

Dans d’autres parties du monde, le travail décent devient de plus en plus l’exception dans l’économie formelle et la précarité la norme dans le secteur informel. Pratiquement partout, y compris en Europe, le travail précaire progresse dans l’économie formelle et informelle. Nous devons y mettre un terme, en protégeant les emplois décents ainsi que les conditions de travail.

Lutter en faveur du travail décent, pour les droits des syndicats fait partie intégrante de notre action au même titre que notre action pour les droits humains, sociaux et économiques. La liberté d’association, le droit à la négociation collective sont des droits humains essentiels. Ils font partie des normes de l’OIT et sont reconnus comme tels.

Je complimente le rapporteur pour ce rapport équilibré en faveur d’un travail décent pour tous. Il convient de lancer un appel pressant à nos gouvernements pour qu’ils mettent en œuvre des programmes intégrés, pour qu’ils développent le dialogue social et créent des emplois décents et non des emplois précaires, pour que le droit du travail soit garanti, pour que les droits sociaux et économiques des travailleurs soient respectés et pour étendre la protection sociale partout.

Cette bataille n’est pas un luxe, car l’absence de travail décent signifie la fin de la cohésion sociale et des menaces sur les droits humains.

Mme BONET PEROT (Andorre), porte-parole du Groupe socialiste* – Je remercie le rapporteur pour ce rapport parfait qui fixe un cadre à tous les pays pour œuvrer en faveur d’un travail décent pour tous.

L'actuelle situation de crise économique et financière où la destruction d'emplois est constante, les taux d'emplois temporaires inabordables et l'écart entre les hommes et les femmes, les jeunes, les personnes âgées, de plus en plus large, prouve que le modèle économique actuel a échoué en ne contribuant pas à promouvoir une société plus démocratique, plus juste, plus équitable et plus durable sur le plan de l’environnement.

Bien que certains gouvernements commencent à parler de reprise, il y a peu de signes que la crise de l'emploi soit terminée.

Chaque poste de travail supprimé représente un drame humain. Or on parle de millions d'emplois perdus en raison de la crise économique, et les personnes touchées se retrouvent dans l’extrême pauvreté.

Dans les résolutions adoptées lors du deuxième Congrès mondial de la conférence syndicale internationale, est soulignée l'importance du travail décent pour tous, de la contribution au développement économique et social et d’une répartition plus équitable des bénéfices de la croissance, sans oublier l'inclusion sociale, le respect des travailleurs et la défense du niveau de vie des citoyens.

Un travail décent n'est pas un travail quelconque. Le travail sans respect des principes et des droits fondamentaux du travail n'est pas décent, ni celui qui ne permet pas un revenu juste et proportionnel à l'effort accompli, sans distinction de sexe ou autre, ni celui effectué sans protection sociale ou excluant le dialogue social. Font obstacle au travail décent les bas salaires, les journées de travail excessives, le taux de chômage, le nombre d'enfants non scolarisés, le chômage des jeunes et l'écart entre les taux d'activité masculine et d’activité féminine.

Le Programme de travail décent de l'OIT propose quatre objectifs stratégiques : la création d'emplois décents et productifs ; la promotion de l'accès au système de protection sociale ; le respect des normes fondamentales du travail ; un renforcement du dialogue entre les partenaires sociaux.

Ceux-ci doivent être appliqués transversalement et inclure des éléments tels que l’égalité des sexes, les jeunes, les travailleurs migrants et le développement durable qui génère des emplois décents pour tous et réduit la pauvreté.

Le respect des droits fondamentaux des travailleurs, figurant dans la Charte sociale européenne, doit être la pierre angulaire du processus économique et commercial. Le droit au travail est un droit fondamental et la défense des droits fondamentaux est essentielle pour qu’ils soient mis en œuvre partout à l’échelle mondiale.

Les politiques qui favorisent la flexibilité de l’emploi et des changements dans la réglementation du travail encouragent l'instabilité de l'emploi, la précarisation, le chômage et le manque de protection. Le rôle de l'Etat comme allocataire de ressources pour assurer la croissance économique, fournir des biens publics et assurer la protection sociale, permettant aux personnes de mieux vivre, diminue.

Les jeunes sont les plus touchés par la crise économique, qui a multiplié de façon exponentielle les obstacles à l'accès à un travail décent. Les inégalités entre hommes et femmes font que les secondes ont beaucoup plus de mal que les premiers à accéder à un travail décent.

M. D. DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Ce qui fait défaut dans ce rapport, ce sont le développement durable et la protection de l’environnement qui ont détruit tellement d’emplois. On commence à douter de la théorie selon laquelle le dioxyde de carbone serait la cause du réchauffement de la planète. Mais il faut parler ici de la manière dont les politiques européennes ont une incidence sur nos industries.

Au Royaume-Uni et en Europe occidentale, on a choisi de taxer les énergies traditionnelles pour favoriser les sources dites alternatives, ce qui a eu un effet catastrophique sur l’emploi dans l’industrie, notamment dans la sidérurgie et la céramique, particulièrement énergivores. De nombreux représentants de ces secteurs m’ont dit avoir été taxés plusieurs fois. Les dirigeants d’une société m’ont dit qu’ils étaient fiscalisés par différents régimes : taxe sur l’électricité, taxes pour le renouvellement des énergies... Un sidérurgiste important a délocalisé ses emplois et ses usines. Grâce à des systèmes très compliqués, ils achètent des droits à polluer qu’ils revendent ; il est donc très intéressant pour une entreprise de délocaliser des usines à l’extérieur de l’Union européenne.

Même si l’on croit ce que l’on dit à propos du dioxyde de carbone et du réchauffement de la planète, il est absurde pour les nations européennes d’introduire seules toutes ces taxes alors que d’autres pays, tels que la Chine et l’Inde, rejettent la fiscalité sur le carbone.

Nous aidons nos entreprises à se délocaliser dans des endroits où elles continuent à émettre les mêmes quantités de dioxyde de carbone, délocalisant par la même tous les emplois. C’est donc catastrophique pour l’industrie manufacturière européenne.

La commission devrait examiner ce point, demander des analyses du rapport coût/bénéfices des politiques environnementales. On nous dit que dans 100 ans, le réchauffement coûtera 2 % du PIB, mais dans un monde beaucoup plus riche que celui d’aujourd’hui. Un pays comme le Bangladesh a assez d’argent pour régler le problème de l’augmentation du niveau de la mer. Si les Néerlandais ont pu le faire il y a deux siècles, le Bangladesh peut le faire aujourd’hui.

L’idéologie non polluante est dangereuse. L’Europe est le berceau de la révolution industrielle et j’espère qu’elle ne sera pas le cimetière de nos industries.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Je souhaiterais faire une brève observation. M. Davies a parlé d’économie durable. Or celle-ci devrait créer des emplois. Beaucoup d’initiatives sont prises en matière d’énergie, de questions liées à l’environnement, mais cela n’est pas le vrai sujet du rapport.

(Poursuivant en français) Nos destins sont liés, tous les pays du Conseil de l'Europe sont dans le même bateau.

À juste titre, il a été dit que des familles ne pouvaient compter que sur un seul salaire pour vivre. Or elles ont besoin d’une certaine forme de prédictibilité pour organiser leur vie.

Plusieurs collègues ont dit que le rapport était équilibré. Il est vrai que l’équilibre n’est jamais facile, mais dans ce cas, il était nécessaire car c’est cet équilibre qui inspirera notre action en matière de politique internationale.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Les détenteurs des droits en matière d’environnement ne sont pas des individus, c’est toute la société.

Dans un autre rapport, il était dit qu’il ne fallait pas intervenir dans le domaine privé et respecter l’orientation religieuse de chaque personne. Chacun pratique le culte qu’il souhaite. Une personne n’est pas mieux ou moins bien parce qu’elle pratique telle ou telle religion.

M. Davies a parlé du Bangladesh. Un immeuble s’est écroulé et 1 000 travailleurs sont morts. Les entreprises, suite aux délocalisations, sont parties y travailler. Or il n’y avait pas, là-bas, de droits de troisième génération pour ces personnes. Cela serait pourtant nécessaire, car une entreprise a intérêt à ce que tout le monde vive bien.

On parle de droits économiques, sociaux et culturels. La porte-parole du Groupe socialiste l’a dit, il y a de moins en moins de travail et de moins en moins de travail décent. Pour gagner un peu d’argent, on accepte certaines conditions de travail que l’on n’aurait pas acceptées sans la crise.

Ce ne sont pas seulement les partis politiques qui le constatent, mais aussi les syndicats. Tout cela relève néanmoins d’une forme de propagande.

Le rapport souligne à juste titre que tout le monde a droit à un travail décent. Mais est-ce aux pouvoirs publics d’établir des règles en la matière ? Le droit au travail et à la sécurité sociale doit-il être réglementé par l’Etat ou est-ce aux entreprises, au secteur privé, au marché de tout réguler automatiquement ? Car le travail ne relève pas de la vie privée au même titre que la liberté de culte, par exemple. Il concerne toute la société et il est nécessaire à l’existence d’une vie familiale comme à l’épanouissement personnel. Il faut que ce droit au travail décent, qui, comme le dit le rapporteur, ne devrait pas rester une utopie, devienne une réalité pour la plupart des Européens. Parmi ces derniers, beaucoup n’ont pas de travail et, quand ils en ont un, celui-ci n’est pas décent mais infâme. Pourtant, chacun a besoin d’un travail décent pour se projeter dans l’avenir.

M. SPAUTZ (Luxembourg) – Je félicite le rapporteur pour son rapport. Mais je regrette beaucoup que, à en juger par le taux de présence, son thème intéresse si peu de membres de notre Assemblée.

Le travail, c’est la dignité de l’homme. Faut-il ajouter que le droit au travail est l’un des droits élémentaires de l’homme ? J’ai été moi-même sensibilisé aux questions d’emploi et de travail dans ma carrière non seulement professionnelle, mais aussi politique. En effet, j’ai grandi et vécu dans un bassin industriel qui se trouve aujourd’hui confronté à de grandes difficultés à la suite de la crise économique. Depuis des années, je m’engage pour des conditions de travail justes et équitables, et je suis d’avis que cette garantie donnée à tout salarié devrait être promue de manière générale et que l’Europe devrait être un élève modèle en la matière.

Le Luxembourg possède une tradition bien ancrée de dialogue entre partenaires sociaux : les syndicats et le patronat d’un côté, les politiques de l’autre. C’est le fondement de toute négociation touchant les intérêts des salariés, au niveau privé ou public.

En période de crise économique surtout, j’estime que le travail des syndicats est d’une importance cruciale pour éviter toute forme d’injustice ou de préjudice infligé aux employés, par exemple sous prétexte d’économies structurelles. Dans ce contexte, j’approuve le recours, au sein de l’entreprise, à un processus extrajudiciaire tel que la médiation.

Le chômage en Europe continue de nous préoccuper énormément. Les plus récentes statistiques nous ont appris que, dans l’Union européenne, son taux est tout juste passé sous la barre des 11 %, atteinte en mai 2013. À titre de comparaison, le taux de chômage aux Etats-Unis s’élève actuellement à 6,7%. Ce n’est pas négligeable, mais c’est nettement moins que chez son plus grand partenaire économique, l’Union européenne.

Chaque citoyen a droit au travail, à un travail décent, condition de son épanouissement personnel, mais aussi de sa participation active à la vie sociale et familiale et surtout de sa protection en cas de maladie, d’invalidité ou de vieillesse. Le chômage engendre, outre la perte de compétitivité économique, une multitude de problèmes sociaux : pauvreté, exclusion sociale, précarité familiale, sans-abri, contrebande, criminalité, etc. La lutte contre le chômage doit être abordée dès la formation de notre jeunesse.

J’aimerais enfin rappeler quelques objectifs que l’Union européenne s’est fixés dans le domaine de la politique sociale et de l’emploi d’ici à 2020 : porter à 75 % le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans ; réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 % et porter à 40 % le taux de diplômés de l’enseignement supérieur ; diminuer d’au moins 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté ou l’exclusion sociale. Je tiens personnellement beaucoup à ces objectifs. Or pour obtenir des résultats significatifs, il faut s’efforcer ensemble de les atteindre en adoptant une approche globale, une stratégie commune, tout en agissant localement.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je félicite notre rapporteur pour son rapport très bien écrit, qui s’appuie sur l’Agenda de l’OIT pour le travail décent. Je ne peux qu’être entièrement d’accord avec sa description de la situation actuelle comme avec ses recommandations.

Comme social-démocrate, je suis agréablement surprise, car cette question donne lieu à des débats politiques animés dans mon pays. Depuis la seconde guerre mondiale, nous avons construit en Norvège une société du Welfare fondée sur le modèle dit nordique, défini par la coopération tripartite entre les syndicats, les organisations d’employeurs et les autorités publiques. L’objectif de ce modèle est d’assurer l’équilibre entre travail décent, rémunération décente et productivité élevée. Le revenu minimum national est fixé par la législation. Les salaires résultent de la négociation collective et des conventions collectives.

Jusqu’à présent, notre modèle a été un véritable succès. Il existe peu de conflits au travail, pas plus que dans l’ensemble de la société. Mais ce modèle, qui repose sur la confiance mutuelle des trois parties, a été soumis au cours de la dernière décennie à de fortes pressions en raison du taux élevé de chômage et d’une hausse régulière de l’immigration de travail. Nous dépendons totalement de ces flux migratoires. Mais nous constatons leurs effets collatéraux, dont le dumping social, le travail illégal et d’autres, plus graves, impliquant des réseaux criminels. Face à certains employeurs qui se comportent mal, les travailleurs immigrés sont particulièrement vulnérables car ils connaissent rarement leurs droits et sont très peu syndiqués. Les employeurs sérieux ne sont pas compétitifs sur ce terrain. Cela risque de saper la stabilité de notre marché du travail, ainsi que notre système de Welfare.

La lutte contre le dumping social a donc fait l’objet de plans incluant des mesures relatives à la mise en œuvre des conventions collectives dans les branches les plus exposées : la construction, le nettoyage, l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration, les transports. Il s’agit également de défendre le droit de se syndiquer et d’instaurer des mécanismes de contrôle. Néanmoins, le dumping social est de plus en plus répandu. Cette semaine, les syndicats ont donc demandé des efforts supplémentaires afin de lutter contre les délits et d’imposer des restrictions encore plus fortes en matière d’emploi temporaire. Je soutiens cette demande.

Mais il est évident que nous ne pouvons résoudre le problème au seul niveau national. L’un des principaux obstacles auxquels nous sommes confrontés est la fragmentation de la législation sociale sur l’ensemble du territoire européen. Il faudrait donc commencer par s’engager plus fortement en faveur de la Charte sociale européenne, comme le souligne le rapport.

M. TRIANTAFYLLOS (Grèce)* – Je remercie le rapporteur pour ce rapport très complet, ainsi que pour l’ouverture d’esprit dont il a fait preuve en écoutant tous les points de vue qui se sont exprimés. Je tiens également à le remercier personnellement, ainsi que la commission, d’avoir accepté des amendements que nous avons déposés afin de souligner le taux très élevé de chômage des jeunes.

Mesdames et Messieurs, tous les commentaires soulignent que le travail décent assure une vie décente et la cohésion sociale. C’est une condition préalable à la justice sociale et pour que les chances soient égales pour tous.

Avons-nous du travail décent actuellement en Europe ? On y constate des asymétries économiques et sociales, du chômage, de l’insécurité dans le travail. Nous sommes obligés très souvent de travailler avec des salaires très bas. Il faut arrêter de parler et agir, pour faire face au marché monétaire international et au marché globalisé du travail et des services.

L’Union européenne doit examiner si les gouvernements ont mis en œuvre les indicateurs sociaux de l’Europe. Il faut obtenir une collaboration entre la société civile et les gouvernements. Il ne faut pas d’antagonisme entre les trois piliers. Il faut favoriser le contrôle du travail pour qu’il soit juste pour tous. Il faut aussi de la formation, promouvoir les stages, s’occuper des personnes âgées, trouver du travail pour les jeunes.

Nous ne pouvons dire au citoyen moyen que nous avons une culture particulière concernant les droits de l’homme car il est très stressé. Il n’a plus de travail décent. Il faut l’aider.

Mme CATALFO (Italie)* – Depuis neuf mois j’ai l’honneur de faire partie du Conseil de l’Europe, de la maison des droits de l’homme. Nous avons entendu parler de la lutte contre la traite des femmes, contre la pauvreté des enfants, des droits des minorités, de la participation des citoyens à la vie politique et sociale dans tous les pays d’Europe. Tous ces thèmes sont dignes de l’attention des députés présents ici. Ils sont directement liés à la crise économique mondiale et à une vie digne à laquelle tout le monde a droit.

La Charte sociale européenne, la Convention européenne des droits de l’homme, l’Organisation internationale du travail le disent régulièrement : il faut garantir la liberté, donc un travail digne. Pourtant les mesures d’austérité appliquées depuis quelques années ont entrainé une augmentation du risque d’exclusion sociale et de pauvreté. Il faut donc imposer un salaire minimum là où il n’existe pas. Combien de gouvernements appliqueront les résolutions du Conseil de l’Europe ? Il faut lutter dans nos pays pour l’application de nos résolutions.

Je dois parler de mon pays cité négativement dans le rapport. Je veux vous informer de ce qui se passe en Italie sous l’impulsion du président du conseil des ministres, M. Renzi, et de M. Poletti, ministre du Travail. Le gouvernement a ratifié un décret mettant à mal le droit du travail. Un contrat à durée déterminée peut être annulé sans motif de licenciement. Trente-six mesures ont été prises pour rendre les contrats de travail de plus en plus flexibles, notamment les contrats d’apprentis. L’employeur devait auparavant contractualiser un plan de formation mais ce n’est plus le cas, ce qui dénature l’idée même d’apprentissage. Tout cela est en violation d’une directive européenne qui impose de motiver le licenciement, ou l’interruption d’un contrat de travail. Ce sont aussi des violations de la charte sociale européenne.

Le président de la commission des questions sociales a affirmé que la flexibilité devait être examinée sous un angle très critique. Alors que partout en Europe on s’oriente vers la protection des droits des travailleurs, l’Italie fait le contraire. Nous devons reconnaître l’autorité de cette Assemblée. Je parlerai de cette résolution dans mon pays. J’invite tous mes collègues à faire de même en rentrant chez eux.

Mme ČRNAK MEGLIČ (Slovénie)* – Nous examinons un excellent rapport qui nous rappelle que l’Europe est aujourd’hui confrontée à un phénomène capable de détruire nos valeurs communes dont nous sommes si fiers. Les gens sont de plus en plus préoccupés par l’érosion du droit du travail. Il y a de plus en plus d’insécurité pour l’emploi, de moins en moins de perspectives d’avenir. On ne parle pas ici seulement de la suppression d’emplois, mais de problèmes structurels beaucoup plus néfastes.

Au lieu d’avancer, nous reculons sur nos valeurs fondamentales. La solidarité sociale, le droit au travail, à un environnement de travail sûr perdent du terrain en Europe. Je ne peux qu’être d’accord avec le rapporteur pour dire que l’Europe doit miser davantage sur la qualité, la valeur ajoutée, l’innovation que sur la diminution des coûts du travail.

On est allé trop loin dans la logique de l’économie de marché. Le rapporteur souligne que cela permet aux entreprises, en particulier aux groupes multinationaux, d’augmenter leurs pouvoirs et d’amoindrir le rôle de l’Etat dans les économies nationales. À un moment, les décideurs ont commencé à plier devant la pression du capital ce qui a entraîné une stagnation économique, la destruction de l’emploi, le développement du sous-emploi précaire. Il est donc urgent que l’Etat reprenne son rôle dans les économies nationales. Un travail décent n’est une utopie. Les décideurs politiques doivent créer les conditions pour que cela se réalise.

Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les chiffres sur le travail des enfants en Europe. Cela se passe chez nous, dans les pays de l’Union européenne dont certains sont fiers d’une longue tradition de développement démocratique. J’ai été choqué par les statistiques à ce sujet que cite le rapport. Si nous n’enrayons pas immédiatement ce phénomène, nous aurons échoué. Tous ces problèmes nous concernent tous. On ne peut pas les régler à l’échelle nationale. La coopération internationale est nécessaire pour que tout citoyen européen dispose d’un travail décent.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, c’est un plaisir de siéger sous votre présidence.

En présentant ce document, le rapporteur a souligné une contradiction : la promotion du libre-échange assortie du refus du dumping social. Pourtant il décrit ce dernier comme l’ensemble des pratiques visant à acquérir un avantage économique dans la compétitivité. D’un côté, il est pour le libre-échange et, de l’autre, il n’est pas favorable à la compétitivité des échanges avec les partenaires économiques.

C’est une question mondiale. C’est pourquoi il faut prendre en compte d’autres pays que les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, dans lesquels les individus n’ont pas accès à un emploi décent.

Au Royaume-Uni, le chômage a atteint un niveau record. En France, où la protection sociale est plus développée, il continue également d’augmenter, notamment chez les jeunes. Quant à l’Allemagne, elle a bénéficié au cours des dernières années d’un des taux de croissance les plus élevés en Europe, sans doute parce qu’elle n’a pas mis en place de législation sur un revenu minimum. Le Royaume-Uni a perdu des milliers d’emplois dans le secteur manufacturier car les syndicats ont réclamé des mesures protectionnistes, totalement anti-compétitives. Ces mesures se sont soldées par la perte de millions d’emplois. Aujourd’hui, nous avons une approche beaucoup plus raisonnable.

Je partage la préoccupation du rapporteur quant au travail des enfants, mais je pense qu’il a raté une occasion d’attirer l’attention de l’Assemblée sur le fléau de l’esclavage moderne. L’Indice mondial de l’esclavage montre qu’environ 30 millions de personnes sont réduites à l’esclavage dans 162 pays. Or un quart de ces pays sont membres du Conseil de l’Europe. Nous ferions mieux de nous concentrer sur ce point plutôt que sur le dumping social.

Mme TURMEL (Canada, observateur) – Ayant évolué dans le milieu syndical avant d'avoir le privilège de représenter les citoyens de Hull-Aylmer à la Chambre des communes du Canada, je suis évidemment très préoccupée par le sort des travailleurs et des travailleuses. Le rapport dont il est question aujourd'hui fait état d'une pratique extrêmement préoccupante : le dumping social. Même si la définition de ce concept ne fait pas encore l'objet d'un consensus, nous sommes tous conscients de la réalité dont il rend compte. Le fait de soutirer un avantage économique des droits, conditions de travail et salaires plus faibles qui existent dans un pays tiers, est inacceptable. Je suis convaincue que nous partageons tous ici la conviction que la liberté, l'équité, la sécurité et la dignité doivent être au cœur des conditions de tous les travailleurs.

Récemment, la mort de plus de 1 000 travailleurs du textile au Bangladesh a rappelé aux entreprises, aux gouvernements et aux consommateurs leurs responsabilités en matière de droit du travail. Cet événement tragique a donné naissance à l'Accord sur la sécurité et la prévention des incendies dans les ateliers de textile du Bangladesh, signé par des syndicats et plus de 150 entreprises de 20 pays. Cet accord témoigne qu'il est possible de prendre dès aujourd'hui des mesures concrètes pour renforcer les droits des travailleurs.

J'aimerais attirer votre attention sur deux autres exemples d'actions qui peuvent être prises dans ce domaine. Il s'agit d'initiatives soutenues par des collègues du Nouveau parti démocratique du Canada. A la suite à la tragédie au Bangladesh, le porte-parole du NPD en matière d'affaires étrangères, M. Paul Dewar, a déposé une motion à la Chambre des communes demandant la tenue d'une étude parlementaire sur ce drame et l'adoption d'un plan d'action visant à éviter que des événements similaires se reproduisent à l'avenir. Pour sa part, Mme Eve Péclet a présenté tout récemment un projet de loi portant sur la responsabilité sociale des entreprises. Ce projet a pour objectif d'améliorer la transparence dans les activités extractives canadiennes à l'étranger, ce qui facilitera le contrôle du respect du droit du travail par nos entreprises.

Ces initiatives répondent à la volonté clairement exprimée par les Canadiens de voir leur gouvernement adopter des mesures pour mettre un terme au dumping social. En effet, un sondage effectué en 2013 a démontré que 80 % des Canadiens sont prêts à faire un geste pour s'assurer que les biens qu'ils consomment ne nuisent pas aux travailleurs d'autres pays. Je suis convaincue que ce désir dépasse les frontières et est partagé par l’ensemble de la population en Europe.

Considérant qu'il s'agit d'une responsabilité partagée entre pays développés et pays en développement, j'unis ma voix à celles qui s'élèvent aujourd'hui pour réclamer d'avantage de coopération et de solidarité sur ce dossier prioritaire.

LE PRÉSIDENT* – M. Yatim, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée. J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, vous disposez de huit minutes.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Je vous remercie, Monsieur Díaz Tejera, d’avoir, comme plusieurs autres de nos collègues, mentionné le Bangladesh. Il est important de sensibiliser les gens à la situation dans ce pays. Il n’est pas normal de trouver des tee-shirts à deux euros dans certains magasins.

(Poursuivant en français) Monsieur Spautz, vous avez eu raison de souligner que la question du dialogue social est essentielle pour aborder le thème du travail décent pour tous. Vous avez cité l’exemple luxembourgeois : dans votre pays, le dialogue social est institutionnalisé et la responsabilité partagée.

(Poursuivant en anglais) Madame Christoffersen, vous avez souligné la productivité du modèle scandinave, qui se caractérise par un fort niveau de protection sociale et une fiscalité relativement élevée, bien acceptée par la population. Il est certainement utile d’adopter des plans d’action contre le dumping social. En Belgique, nous avons envisagé des mesures de ce type, mais la mobilité sur le continent européen est un phénomène difficile à estimer.

Notre collègue grecque nous a parlé des actions entreprises dans son pays pour promouvoir l’emploi des jeunes. Comme l’a souligné M. Chope, nous ne devons pas être naïfs. Pour aboutir à une Europe sociale digne de ce nom, il faudra des transferts de compétences que tout le monde n’est pas prêt à accepter.

(Poursuivant en italien) Madame Catalfo, vous nous avez présenté la situation de l’Italie. Il existe en effet peu d’études sur le travail des jeunes et des enfants. Les contrats emplois-jeunes sont sans doute un exemple à suivre.

(Poursuivant en anglais) Mme Črnak Meglič a parlé du travail des enfants. Il est vrai qu’il mérite un plan d’action spécifique. Monsieur Chope, s’agissant du libre-échange, je ne vois pas comme vous de contradiction. La pratique d’une liberté n’a rien d’absolu. Prenons comme exemple la liberté d’expression. Elle a des limites : on ne peut pas insulter les gens, pas davantage qu’on ne peut tenir des propos racistes. La liberté d’expression, elle non plus, n’est donc pas absolue. De même que certaines paroles peuvent heurter, le dumping social peut blesser les gens. Il doit donc y avoir des limites sur le plan social.

Le revenu minimum est un sujet intéressant. On note, à cet égard, une évolution récente : un consensus assez large commence à se dégager en Europe en sa faveur. De nombreux pays se rendent compte que les écarts entre les classes sociales ne cessent de se creuser et que nos sociétés ne peuvent continuer à évoluer dans ce sens. Votre intervention sur l’esclavage moderne est intéressante, mais un rapport a déjà été consacré à ce phénomène si regrettable.

(Poursuivant en français) Je remercie Mme Turmel, d’avoir dit qu’elle avait apprécié ce rapport. Je la remercie également pour son témoignage sur le suivi politique du drame intervenu au Bangladesh.

Pour conclure, je remercie l’ensemble des intervenants. Tout le monde a été très courageux, car il ne s’agit pas là d’un thème très évident. Les solutions politiques qu’il faut lui apporter ne sont pas non plus faciles à mettre en œuvre. Je rappelle toutefois que, lors de la réunion de la commission des affaires sociales qui s’est tenue il y a quelques semaines à Paris, ce texte a été adopté à l’unanimité.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – La journée a été longue et fatigante. Toutefois, même si l’on est fatigué, on ressent, quand on sait que l’on a fait quelque chose d’utile ou de bon pour sa famille, pour son pays ou pour soi-même, un sentiment d’accomplissement. Dans cette période de crise, bien des personnes aimeraient être fatiguées à la fin de la journée. Encore faudrait-il pour cela qu’elles aient un emploi.

Ce rapport sur « Un travail décent pour tous » doit aider tous nos Etats à proposer un emploi à chacun. M. Deseyn a accompli un travail extraordinaire en rédigeant ce rapport. Il dit, non pas que les solutions proposées sont parfaites, mais qu’elles méritent d’être examinées. Ce rapport contient de bons principes qui, appliqués de bonne foi, produiront de bons résultats. J’aimerais donc féliciter M. Deseyn pour ce travail sur un sujet qui le passionne, de la même façon qu’il a passionné la commission. Je vous invite donc à soutenir le projet de la résolution. De cette manière, nous pourrons faire des progrès sur ce sujet qui est un motif de préoccupation dans tous nos pays.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de résolution sur lequel 9 amendements et 2 amendements oraux ont été déposés.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur chaque amendement est limité à 30 secondes.

Le président de la commission des questions sociales demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur l’amendement 5 qui a été adopté à l’unanimité par la commission.

En est-il bien ainsi, Monsieur le président ?

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – Tout à fait, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’objection. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

J’en donne lecture :

L’amendement 5, déposé par MM. Triantafyllos, Tzavaras, Mme Catalfo, M. Nicolaides, Mme Seara, M. Costa Neves, Mme Kyriakides, M. Deseyn, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.12, à insérer le paragraphe suivant : « de lutter efficacement contre le chômage des jeunes, et en particulier de ceux qui ne sont ni au travail, ni scolarisés, ni en formation, en intervenant sur le marché du travail et dans l’éducation par le biais de programmes pour l’éducation et l’emploi ».

Nous en arrivons à l’examen des autres amendements.

L’amendement 6, déposé par M. Chope, Earl of Dundee, Sir Roger Gale, MM. Walter, Wold, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 2.

Si cet amendement est adopté, l’amendement 4 n’aura plus d’objet.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Si je vous propose de supprimer le paragraphe 2, c’est parce qu’il contient toute une série d’affirmations sans fondement.

Qu’est-ce qui prouve que la dérégulation du marché a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créés ? Rien. De la même manière, qu’est-ce qui démontre que l’anxiété publique ne cesse d’augmenter à l’égard de l’érosion du droit du travail ? En vérité, il y a plus d’anxiété là où il y a moins de possibilités pour les jeunes de trouver un travail. Pour ces raisons, je demande à l’Assemblée de rejeter cette formulation qui n’est pas assez resserrée.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur – Pour répondre à M. Chope, il suffit de regarder autour de nous : partout l’on observe les conséquences économiques de la déréglementation des marchés financiers, à commencer par la destruction des emplois. La mondialisation est une bonne chose, mais le dumping social dans certains secteurs constitue un défi à relever : les rémunérations sont plus basses et les emplois disparaissent. La raison d’être de ce texte est donc évidente.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 4, déposé par MM. Triantafyllos, Tzavaras, Mme Catalfo, M. Nicolaides, Mme Seara, M. Costa Neves, Mme Kyriakides, M. Deseyn, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 2, à insérer la phrase suivante : « Dans certains Etats membres, le taux de chômage des jeunes est très élevé et reflète la difficulté des jeunes à trouver un emploi. Le nombre important de jeunes qui ne sont ni au travail, ni scolarisés, ni en formation constitue une menace pour la cohésion sociale ».

M. TRIANTAFYLLOS (Grèce)* – Un certain nombre de problèmes sociaux sont la conséquence de la crise économique et sociale. Ainsi, le chômage des jeunes est l’un des problèmes les plus aigus dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe. D’où cet amendement, approuvé par la commission.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – La commission est effectivement favorable à cet amendement.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 7, déposé par M. Chope, Earl of Dundee, Sir Roger Gale, MM. Walter, Wold, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 4.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Cet amendement vise à supprimer le paragraphe 4. En effet, les Etats membres sont libres d’adhérer ou non à la Charte sociale européenne, dans la mesure où, précisément, il s’agit seulement d’une charte. Lorsqu’un pays fait le choix de ne pas y adhérer, cela devrait être respecté, en vertu du principe de subsidiarité.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Pour moi, un traité est comme un contrat. Il est donc logique d’avoir un mécanisme de suivi contraignant. Nous devons tout faire pour arriver à une communauté des valeurs, car si l’on donne trop de place à la souveraineté nationale, il ne sert plus à rien de venir à Strasbourg. Je suis donc opposé à cet amendement.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 8, déposé par M. Chope, Earl of Dundee, Sir Roger Gale, MM. Walter, Wold, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 7.2.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Le libre échange est la meilleure façon d’augmenter la prospérité. Essayer de le restreindre ne sert à rien, c’est pourtant l’objectif de ce paragraphe 7.2.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Lorsque des restrictions peuvent sauver une vie, cela vaut la peine. Dès lors, je suis contre cet amendement.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L'amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 1, déposé par MM. Kox, Petrenco, Hunko, Jónasson, Villumsen, Mme Konečná, MM. Gür, Elzinga, Loukaides, Mme Valavani, M. Dragasakis, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.2, à insérer le paragraphe suivant : « d’assurer aux jeunes une protection spéciale. A la lumière de la situation catastrophique des jeunes en Europe, l’Assemblée recommande de consentir des investissements supplémentaires dans les infrastructures et les secteurs sans but lucratif pour offrir non seulement une formation professionnelle aux jeunes, mais aussi davantage d’emplois à la population des moins de 25 ans; »

M. ELZINGA (Pays-Bas)* – En commission, j’avais proposé que l’on retire cet amendement en faveur de l’amendement 5, qui touche également au chômage des jeunes, et que nous avons adopté. Nous retirons donc l’amendement.

LE PRÉSIDENT* – Merci pour votre approche constructive. L’amendement 1 est retiré.

L’amendement 9, déposé par M. Chope, Earl of Dundee, Sir Roger Gale, MM. Walter, Wold, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 7.4.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Il est extrêmement regrettable que ce texte ne dise pas clairement que seuls 13 pays ont signé la Charte sociale européenne, ou du moins sa procédure de réclamation collective. La majorité, qui est contre cette procédure, devrait pouvoir s’en tenir à cela.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Je suis absolument contre cet amendement. Il s’agit effectivement d’un des textes fondamentaux du Conseil de l’Europe, qu’il est de notre devoir de promouvoir.

(Poursuivant en français) Peut-être la Cour européenne des droits de l’homme pourra-t-elle se pencher sur la question. Quoi qu’il en soit, il s’agit de promouvoir la Charte sociale européenne et notre objectif est que tous les Etats la ratifient.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – Avis défavorable.

L'amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable de l’amendement oral 1 suivant qui tend, au paragraphe 7.5 après le mot : « employeurs » à insérer les mots : « et les syndicats ».

J’estime que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Il est toujours bien d’avoir un texte équilibré. Que les deux partenaires figurent dans la même phrase me paraît préférable. Compte tenu de toutes les possibilités offertes par le texte, il me semble logique d’introduire cet équilibre et de considérer les employeurs et les syndicats comme des partenaires équivalents.

LE PRÉSIDENT* – L’avis de la commission est, bien sûr, favorable.

L’amendement oral 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 2, déposé par MM. Kox, Petrenco, Hunko, Jónasson, Villumsen, Mme Konečná, MM. Gür, Elzinga, Loukaides, Mme Valavani, M. Dragasakis, tend dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.5, à insérer le paragraphe suivant : « de mettre à profit les relations avec les syndicats et d’instaurer un dialogue afin de comprendre leurs revendications et de garantir la participation des travailleurs aux discussions relatives à leurs droits; »

M. ELZINGA (Pays-Bas)* – Compte tenu de l’adoption de l’amendement oral 1, l’amendement 2 ne sert plus à rien. Nous le retirons donc.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 2 est retiré.

La présidence a été saisie par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable de l’amendement oral suivant qui tend, au paragraphe 7.7, à remplacer le mot : « minimum » par les mots : « de subsistance ».

J’estime que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. DESEYN (Belgique), rapporteur* – Il s’agit d’une excellente idée de notre collègue Elzinga, que je remercie pour cette contribution. Sa proposition a recueilli un consensus et, ainsi, nous respectons la terminologie employée par l’OIT. Il ne s’agit pas seulement de se référer au terme technique de salaire « minimum », mais de disposer d’un revenu qui permette effectivement de subsister.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Il n’existe pas de définition du « revenu de subsistance » : ce qui est un revenu de subsistance pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Un jeune sans charges particulières a besoin de moins qu’une personne supportant beaucoup de charges, familiales ou autres.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – La commission a émis un avis favorable.

L'amendement oral 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement oral 2 est retiré.

 L’amendement 3, déposé par MM. Kox, Petrenco, Hunko, Jónasson, Villumsen, Mme Konečná, MM. Gür, Elzinga, Loukaides, Mme Valavani, M. Dragasakis, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 7.7, à supprimer les mots « à un niveau adapté aux besoins de développement du pays ».

M. ELZINGA (Pays-Bas)* – Compte tenu de l’adoption de l’amendement oral 2, nous retirons cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – L’amendement 3 est retiré.

 Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le document 13456, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (35 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions).

5. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu demain, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 30.

SOMMAIRE

1. Organisation des débats

2. Nécessité de s’occuper d’urgence des nouveaux cas de défaut de coopération avec la Cour européenne des droits de l’homme

Présentation par M. Sasi du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13435)

Orateurs : M. Díaz Tejera, Mme Schou, M. Binley, Mme Fiala, MM. Recordon, Pozzo di Borgo, Michel, Mme Karamanli, M. G. Davies

Réponse de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

3. La protection des mineurs contre les dérives sectaires

Présentation par M. Salles du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13441)

Présentation par M. Bugnon du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, saisie pour avis (Doc. 13467)

Orateurs : MM. Michel, Schneider, Binley, Rouquet, Mme Karamanli, MM. Ghiletchi, Wold

Réponse de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation amendé

4. Un travail décent pour tous

Présentation par M. Deseyn du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13456)

Orateurs : M. Pintado, Mme Gorghiu, M. Elzinga, Mme Bonet Perot, MM. D. Davies, Diaz Tejera, Spautz, Mme Christoffersen, MM. Triantafyllos, Mmes Catalfo, Črnak Meglič, M. Chope, Mme Turmel

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions sociales

      Vote sur un projet de résolution amendé

5. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Miloš ALIGRUDIĆ*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Francisco ASSIS/Ana Catarina Mendonça

Danielle AUROI*

Daniel BACQUELAINE*

Egemen BAĞIŞ/Suat Önal

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE*

Taulant BALLA*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Silvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Teresa BERTUZZI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Márton BRAUN*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Mikael CEDERBRATT/Lennart Axelsson

Elena CENTEMERO*

Lorenzo CESA*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS*

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE*

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Katalin CSÖBÖR*

Milena DAMYANOVA*

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER*

Reha DENEMEÇ

Roel DESEYN

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN*

Ioannis DRAGASAKIS*

Damian DRĂGHICI*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA*

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO*

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON*

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC

Sir Roger GALE*

Adele GAMBARO*

Karl GARÐARSSON*

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA*

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF/Tuur Elzinga

Patrick De GROOTE*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Maria GUZENINA-RICHARDSON

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI*

Hamid HAMID*

Mike HANCOCK*

Margus HANSON*

Davit HARUTYUNYAN*

Alfred HEER

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Adam HOFMAN/Zbigniew Girzyński

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER*

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Vladimir ILIĆ*

Florin IORDACHE*

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/André Schneider

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Stella JANTUAN

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ*

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Ferenc KALMÁR*

Mariusz KAMIŃSKI*

Deniza KARADJOVA*

Marietta KARAMANLI

Ulrika KARLSSON/Kerstin Lundgren

Jan KAŹMIERCZAK

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH*

Serhiy KLYUEV*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Kateřina KONEČNÁ/Pavel Holík

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Attila KORODI*

Alev KORUN*

Tiny KOX

Astrid KRAG*

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Athina KYRIAKIDOU*

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Christophe LÉONARD*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Lone LOKLINDT*

François LONCLE/Jean-Pierre Michel

George LOUKAIDES*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Trine Pertou MACH

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS*

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA*

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Luc Recordon

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

José MENDES BOTA*

Jean-Claude MIGNON*

Djordje MILIĆEVIĆ*

Philipp MIßFELDER*

Rubén MORENO PALANQUES*

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR/Yves Pozzo Di Borgo

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Marian NEACŞU*

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL*

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON*

Joseph O'REILLY*

Lesia OROBETS/Andriy Shevchenko

Sandra OSBORNE/Geraint Davies

Liisa-Ly PAKOSTA*

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI*

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA/Aydin Abbasov

Foteini PIPILI*

Stanislav POLČÁK/Miroslav Krejča

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE/Rudy Salles

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Pavlo RYABIKIN*

Rovshan RZAYEV

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH*

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER/Elisabeth Schneider-Schneiter

Laura SEARA

Predrag SEKULIĆ*

Ömer SELVİ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Oleksandr SHEVCHENKO

Bernd SIEBERT*

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Björn von SYDOW/Jonas Gunnarsson

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO*

Romana TOMC

Lord John E. TOMLINSON*

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Tore Hagebakken

Petrit VASILI*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ*

Anne-Mari VIROLAINEN/Jaana Pelkonen

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/David Davies

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD

Gisela WURM

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Barbara ŽGAJNER TAVŠ/Andreja Črnak Meglič

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

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Observateurs

Corneliu CHISU

Percy DOWNE

Nycole TURMEL

Partenaires pour la démocratie

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