FR15CR14

AS (2015) CR 14

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quatorzième séance

Mercredi 22 avril 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l'Assemblée.

LA PRÉSIDENTE - La séance est ouverte.

1. La situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications
(Débat d’actualité)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle le débat d’actualité sur la situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications.

Au regard du Règlement, ce débat devrait durer 1 h 30. Je propose que nous le prolongions jusqu’à 12 h 15. J’interromprai alors la liste des orateurs, afin que nous écoutions la communication du Comité des Ministres ainsi que les questions qui suivront.

Je vous rappelle également que lors de sa séance d’hier après-midi, l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

En attendant l’arrivée de M. Xuclà, qui, premier orateur désigné par le Bureau, devait ouvrir le débat, je donne la parole au premier orateur inscrit.

M. MIGNON (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – C’est une lourde responsabilité que d’ouvrir un débat sur un sujet aussi sensible.

Je ne peux pas ne pas penser à notre collègue Nadiia Savchenko qui devrait être parmi nous aujourd’hui puisqu’elle est députée, quand bien même elle a été élue après avoir été emprisonnée – ou enlevée, si vous préférez. Je vous remercie des différentes actions que vous menez dans vos pays respectifs pour essayer d’obtenir sa libération. C’est très difficile mais nous ne pouvons pas l’abandonner et devons d’autant plus penser à elle que sa grève de la faim s’éternise et qu’elle est en train d’y perdre la santé ; espérons qu’elle n’aille pas jusqu’à perdre la vie, ce qui serait dramatique pour sa famille mais aussi pour les principes que nous défendons.

Avec notre collègue Mailis Reps, je me suis rendu en Ukraine, il y a quelques jours, en tant que corapporteur pour la commission de suivi, afin de constater sur place ce qui se passe. Il s’agit bien, ici, d’évoquer la situation politique et de sécurité en Ukraine à la suite des Accords de Minsk.

Je constate une réelle volonté, en Ukraine, de faire en sorte que les Accords de Minsk 2 – vous savez comment se sont terminés les Accords de Minsk 1 – soient respectés. Ils le sont globalement bien que nous assistions quotidiennement à des violations du cessez-le-feu. Nous avons pu rencontrer un certain nombre de dirigeants politiques qui nous ont confirmé leur volonté de faire progresser le train de réformes engagées. C’est très difficile : il faut partir de zéro – je pense notamment à la loi de décentralisation, condition clé pour le respect des Accords de Minsk, mais aussi à l’avancement des enquêtes sur les violences et les crimes commis sur le Maïdan ou à Odessa.

Je dis à mes amis ukrainiens et j’aurais aimé dire à mes amis russes également que nous ne pouvons pas faire plus que nous ne faisons et que chaque partie doit y mettre du sien, doit faire preuve de bonne volonté. Il faut rétablir le dialogue entre les parties de façon que ces accords, conclus dans des conditions très difficiles, soient respectés.

Je termine en ayant de nouveau une pensée pour Nadiia Savchenko.

LA PRÉSIDENTE – Merci, Monsieur Mignon, d’avoir accepté d’être le premier à intervenir. Entre-temps, M. Xuclà nous a rejoints. Je lui donne la parole.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Tout d’abord, Madame la Présidente, je tiens à m’excuser auprès de vous et des membres de l’Assemblée de ne pas avoir pu être là à l’ouverture de notre débat.

Nous débattons donc aujourd’hui de la situation politique, de la sécurité en Ukraine et des implications du conflit pour la stabilité de tout le continent européen. Depuis le mois d’avril de l’an dernier, chacune de nos parties de sessions aborde ce sujet par le biais des débats d’actualité et d’urgence. Je voudrais vous informer brièvement de ce qui s’est passé depuis notre partie de session de janvier.

Le conflit s’est encore envenimé, en particulier dans la partie orientale du pays. Les violations du cessez-le-feu sont nombreuses et des offensives ont été lancées contre Marioupol, contre l’aéroport de Donetsk et contre les infrastructures ferroviaires – toute la région a fait l’objet de nombreuses agressions de la part des différentes forces en présence juste avant la signature de ce qui constitue l’acte politique le plus important intervenu depuis le mois de janvier, à savoir les Accords dits de Minsk 2. La signature de cet accord ne signifie pas que le premier accord de Minsk est caduc, mais le texte entré en vigueur le 15 février va plus loin et entre plus dans les détails. C’est grâce au Président Hollande et à la chancelière Merkel que cette stratégie a abouti – le Gouvernement américain, de son côté, avait lui aussi essayé de trouver des solutions différentes.

Depuis le 15 février, le cessez-le-feu a été violé par les deux parties – il faut insister sur ce point. Certes, du matériel militaire a été retiré de la région du Donbass mais, si l’on en croit les informations fournies par les différents services de renseignement – notamment ceux de l’Otan – et les données objectives que constituent les images satellites, des troupes russes – car elles sont bel et bien russes, quand bien même il ne s’agirait pas de l’armée régulière – se trouvent toujours dans la partie orientale du pays. Cela ne peut que nous amener à conclure que les rebelles ont ainsi à leur disposition des armes sophistiquées. Par ailleurs, M. Alexandre Zakhartchenko, dirigeant de la république autoproclamée du Donbass, a fait savoir qu’il souhaitait élargir le périmètre de cette entité. Telle est la situation depuis le 15 février.

Le débat d’aujourd’hui doit porter sur d’autres aspects, tout aussi importants, qui figurent dans l’Accord de Minsk 2. Je pense en particulier aux clauses concernant les réformes absolument indispensables qui doivent être mises en œuvre en Ukraine par le Parlement. Selon les termes de l’Accord de Minsk, c’est une condition essentielle pour la résolution du conflit.

De fait, la question des élections locales est particulièrement importante. Le processus doit se dérouler dans le respect de la loi ukrainienne. Il faut que des représentants soient élus, y compris dans les zones sous contrôle séparatiste. C’est un processus déterminant pour légitimer les dirigeants. Or, à Kiev, on ne manifeste pas beaucoup d’intérêt pour faire avancer cette question, justement parce que le résultat pourrait, dans certaines régions de l’est du pays, légitimer certaines forces politiques. Quoi qu’il en soit, des élections doivent avoir lieu sur l’ensemble du territoire, sur la base d’une loi approuvée par le Parlement ukrainien.

Pour lancer cette réforme, il doit d’abord y avoir un accord au sein même du Gouvernement ukrainien. Par ailleurs, au parlement, la majorité des deux tiers est requise pour voter les révisions constitutionnelles. Enfin – et c’est un point dont j’ai eu l’occasion de parler avec nos amis ukrainiens –, la décentralisation est un élément essentiel. Sur cette question, le débat est ouvert, et rien n’a été décidé à ce stade. Là aussi, il convient d’appliquer les Accords de Minsk pour donner un statut particulier, voire asymétrique, aux régions de l’est du pays. C’est ce que demande ouvertement la Commission de Venise, comme l’a annoncé son président, M. Buquicchio. Mais il ne faut pas oublier qu’il n’est pas facile de dégager une majorité parlementaire pour obtenir cette décentralisation asymétrique.

La réforme que nous attendons comporte de nombreuses dimensions. Notre collègue, Mme Sotnyk, va présenter demain, devant le Parlement ukrainien, un texte portant sur la police, de manière à modifier radicalement son organisation. Vous savez probablement qu’une autre réforme doit avoir lieu ensuite, visant à réorganiser entièrement la justice, de manière à prévenir la corruption qui touche manifestement la totalité du système ukrainien.

J’ai parlé hier des jeunes de la société civile en Ukraine. Ils sont en attente de réformes. L’avenir du pays est entre leurs mains et, dans le cadre de la grande réforme en cours, ils souhaitent que nos critères s’appliquent. Il y a dix ans, cela avait été un échec, les mesures attendues n’avaient pas été prises. Une seconde chance s’offre à eux et ils pensent que le moment est venu de prendre les bonnes décisions à l’intérieur du pays.

De nombreux éléments positifs doivent inciter à lancer ce train de réformes et la communauté internationale doit les accompagner sur cette voie.

LA PRÉSIDENTE – Je vous remercie, Monsieur Xuclà, pour avoir introduit le sujet, pour avoir évoqué les nombreux problèmes qui se posent et que nous devons résoudre ensemble.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – J’interviens après MM. Mignon et Xuclà que je remercie de leur contribution et pour avoir évoqué les entraves à une réelle réforme constitutionnelle. Elles ne pourront être surmontées que grâce à un puissant effort de consensus, car de vrais problèmes se posent, notamment en termes de décentralisation.

Les membres des groupes rebelles étant opposés à la décentralisation, l’Ukraine se retrouve en situation de blocage. Même si une solution politique immédiate était possible, les nombreux morts et les dégâts aux infrastructures exigeraient un effort considérable, une sorte de plan Marshall. Mais, en ces temps d’austérité, mettre en place un plan Marshall en Europe pose problème, d’autant plus que nous avons aussi à répondre à d’autres demandes qui sont nombreuses.

Toutefois, à la différence d’un plan Marshall pour les pays d’Afrique du Nord, nous parlons là de l’Ukraine, l’un de nos Etats membres, de l’un de nos partenaires, dont les difficultés sont en grande partie dues à un autre de nos membres, la Russie. Les choses ne sont jamais simples en politique.

Si nous apportons plus d’aide à l’Ukraine, des conditions devront aussi être posées. L’Ukraine devra reconnaître les différentes cultures existant dans sa partie orientale.

L’Ukraine a manifesté sa volonté de se rapprocher de l’Otan, ce qui a constitué une provocation réelle pour la Fédération de Russie. Des assassinats ont encore eu lieu à Kiev, récemment, mais en analysant la situation, je constate que la crise est principalement due à la Fédération de Russie et à sa politique nationaliste, populiste et agressive qui s’est traduite par l’annexion de la Crimée.

L’Accord de Minsk 2 ne mentionne plus du tout la Crimée, comme si son annexion était d’ores et déjà acquise, ce qui pose tout de même problème. Ce que M. Poutine a accepté était bien préparé : après l’invasion et l’annexion de la Crimée, nous avons assisté à la déstabilisation de l’Ukraine. Les forces spéciales et le matériel militaire envoyés par la Russie ont donné lieu à une forme de guerre hybride.

Nous avons répondu en appliquant des sanctions, mais sanctionner est aussi risqué. J’en appelle à tous pour trouver les bonnes solutions. Je pense que la réaction du Conseil de l’Europe était une réaction adaptée. La Commission de Venise a été mentionnée, une bonne gouvernance est nécessaire. Les relations personnelles mises à mal sont évidemment délicates et nous savons que notre Assemblée aura à se pencher sur cette question à de nombreuses reprises. Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Nous devons tous nous préparer à fournir un effort sur le long terme parce que ce problème de longue haleine ne trouvera de solution immédiate.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Chers collègues, la crise en Ukraine revêt deux aspects : militaire et économique, qui sont cruciaux pour la stabilité interne de l’Ukraine et le développement de sa société civile.

Nous assistons à une réplique de l’effondrement de l’empire soviétique, dans sa dimension militaire et économique. C’est aussi un avertissement que la division post-guerre de l’Europe en blocs antagonistes continue d’exister dans les esprits de certains. Lorsque l’on parle de la Russie, nous constatons que ses chefs sont encore convaincus de l’existence de sphères d’influence et d’un droit de la Russie à appliquer la doctrine de la souveraineté limitée à ses voisins.

Dans la pratique, cela signifie que nous allons être confrontés à de nouveaux combats parce que la Russie est en train de transporter des armes et équipements dans la région séparatiste du Dombass. Elle est en train de prendre le commandement militaire dans la région et une offensive de printemps mènerait inexorablement à la défaite de l’Ukraine, qui n’est pas en mesure de se défendre contre les capacités illimitées de l’armée russe. Cela entraînerait de nouvelles pertes territoriales et une nouvelle déstabilisation de l’Ukraine. Son gouvernement central serait déstabilisé et des millions d’Ukrainiens seraient désespérés et se sentiraient abandonnés par le monde occidental.

Quand on parle de crise ukrainienne, il faut bien mesurer l’influence que cela peut avoir sur l’ensemble de l’Europe : que signifierait une nouvelle désintégration du Gouvernement ukrainien ? Que signifierait l’effondrement économique de l’Ukraine ? Et que signifieraient des troubles intérieurs en Ukraine pour l’Europe ?

Au-delà du soutien que nous exprimons à l’Ukraine, nous devons encourager ses efforts en matière de réformes constitutionnelle, administrative, judiciaire et économique. Le gouvernement actuel y travaille, mais il lui reste encore un long chemin à parcourir. En tant que rapporteur du Conseil de l’Europe sur les conséquences politiques de la crise en Ukraine, je me suis rendu compte qu’il reste encore énormément à faire. Il faudrait envoyer des experts dans tous ces secteurs en Ukraine afin qu’ils puissent aider à reconstruire le pays.

Ne soyons pas naïfs ! Plutôt que de continuer à chercher des solutions qui n’existent pas, nous devons aider l’Ukraine à mettre un terme à cette guerre, à transformer le pays. Parallèlement, toutes les réformes doivent être mises en œuvre pleinement. Nous devons montrer à la Russie que sa politique est mauvaise et que c’est elle qui devra en porter toutes les conséquences.

Mme L’OVOCHKINA (Ukraine), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Chers collègues, la guerre menée par la Russie est une grande préoccupation pour les Ukrainiens, mais ce n’est pas la seule. En plus de l’agression russe, nous sommes préoccupés de voir notre pays s’éloigner des principes de base de la démocratie.

Comme vous le savez, des suicides et des disparitions inexpliqués, en nombre extrêmement élevé, ont touché de membres des anciens partis au pouvoir. On assiste à une véritable régression des libertés qui rend difficile l’instauration de la démocratie en Ukraine. Nous luttons contre la corruption, mais celle-ci est tout aussi importante qu’auparavant. Plusieurs millions de mes compatriotes se trouvent dans un dénuement économique total et le gouvernement actuel ne fait rien pour les aider. Mon gouvernement devrait être le chantre de la liberté d’expression mais, à l’heure actuelle, nous avons un ministre de l’information qui juge ce qui est patriotique et ce qui ne l’est pas, la presse est plus dépendante que jamais et une forte répression est exercée sur l’opposition. De nombreux membres de l’opposition ont fait l’objet de harcèlement, ont été arrêtés et interrogés, très souvent sur la base de chefs d’inculpation falsifiés.

Comment, dans ces conditions, arriver à établir une paix durable et mettre un terme à l’érosion des droits fondamentaux en Ukraine ?

Nous devons envoyer de hauts représentants en Ukraine pour suivre la mise en œuvre des Accords de Minsk. La mission conjointe de l’OSCE et du Conseil de l’Europe doit quant à elle se pencher sur la situation des minorités, des médias et de l’opposition en Ukraine. Nous pouvons nous inspirer de ce qui a été fait par l’Union européenne dans plusieurs pays, dont la Lettonie. Pourquoi l’Ukraine bénéficierait-elle d’une moindre attention ?

Le Gouvernement ukrainien doit réformer les institutions et procéder à la décentralisation afin de donner davantage d’autonomie aux régions, dont les différentes cultures et langues doivent être respectées. À ce jour, rien n’a encore été fait, ce qui ne peut que conduire à une escalade du conflit. Le développement démocratique de l’Ukraine doit être surveillé par des experts indépendants. Il est difficile pour nous d’admettre que nos responsables politiques ont échoué après l’indépendance de notre pays en 1991. Nous ne pouvons laisser la guerre détruire nos valeurs en Ukraine. Je vous demande, mes chers collègues, d’entendre mon appel !

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le Groupe pour la gauche unitaire européenne est inquiet de la situation en Ukraine. Une partie du pays a été annexée et ne reconnaît pas la légitimité du gouvernement en place, qui répond à ses opposants par la répression. Les morts sont nombreux et le cessez-le-feu fragile. La situation est explosive dans la région est. Dans le reste du pays, le chômage et la corruption font rage, sans parler des groupuscules violents qui sèment la terreur. Le tableau est sombre mais bien réel. Certains s’obstinent pourtant à dépeindre la situation sous un autre jour.

Il est temps aujourd’hui d’aider l’Ukraine à surmonter la crise qu’elle traverse et d’y faire respecter la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, dans l’intérêt de tous les citoyens ukrainiens et des pays voisins. Je salue les efforts accomplis par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en vue de contribuer à un règlement du conflit. Notre Organisation peut faire beaucoup pour venir en aide à l’Ukraine. Certains responsables politiques ukrainiens, trop nombreux, prennent prétexte du conflit à l’est du pays pour ne pas engager les réformes indispensables. Ils agissent de manière irresponsable. Nous devons les rappeler à leur devoir. Ils doivent faire respecter la liberté d’expression et mettre fin aux agissements de certains groupes politiques, qui mettent à mal les valeurs fondamentales de notre Organisation. En devenant membre du Conseil de l’Europe, l’Ukraine s’est pourtant engagée à les défendre.

Depuis son indépendance, la situation de l’Ukraine a empiré dans de nombreux domaines. L’oligarchie ruine le pays. La Russie, l’Otan, les Etats-Unis et l’Union européenne sont largement responsables de cette situation. Nous devons le reconnaître. L’Assemblée parlementaire ne peut fermer les yeux sur la situation réelle du pays. Elle doit au contraire aider l’Ukraine à retrouver le chemin de la paix et de la prospérité en regardant les choses en face. Mon groupe soutiendra tous les efforts de notre Organisation en ce sens. Les Ukrainiens doivent prendre en main leur destin et construire un avenir meilleur pour leur pays.

Mme DURRIEU (France) – Les Accords de Minsk 2 ont abouti avec grande difficulté. Nous avons tous en mémoire les images d’Angela Merkel, de François Hollande et de Vladimir Poutine à l’issue d’une longue nuit de négociation. Comme tout compromis, celui-là ne satisfait pas entièrement les deux parties, l’Ukraine et la Russie. Si le cessez-le-feu est évidemment une bonne chose, ainsi que le retrait des armes lourdes et le suivi de la mise en œuvre des accords par l’OSCE, les points 4 à 7 du texte seront plus difficiles à respecter. Le quatrième point indique que l’Ukraine doit engager immédiatement le dialogue sur les modalités politiques d’élections locales en vue de l’exercice de l’autonomie. Le cinquième point prévoit le contrôle total de la frontière de l’est à la fin du processus. Le sixième point, enfin, porte sur le retrait des groupes illégaux, aujourd’hui fortement présents dans le pays.

Ces différents éléments rendent difficiles le débat politique à l’intérieur du Parlement ukrainien. À ce jour, aucune majorité n’a pu être trouvée au sein de la coalition, qui considère que ces accords ne peuvent aboutir sans confiance et respects réciproques. Les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui, si bien que Kiev n’a pas fait voter la loi sur l’organisation des élections locales dans la région est. En l’absence de contrôle effectif de la frontière est, puisque celui-ci est prévu à la fin du processus, le matériel continue à passer, voire les hommes. En outre, l’Ukraine ajoute des demandes qui ne figurent pas dans le texte de l’accord, notamment la mise en place du pluralisme politique dans la région est et l’autorisation de médias ukrainiens. Ces demandes sont légitimes, mais il est reproché à l’Ukraine de les ajouter a posteriori.

Nous sommes confrontés à une situation redoutable. Il est parfaitement inutile, dans ce contexte, que les Russes en rajoutent en menaçant Marioupol. Nous devons leur rappeler que la question de la Crimée n’a pas été incluse dans les Accords de Minsk 2. Au Conseil de l’Europe, nous nous élevons contre la mise en cause des frontières internationales et du droit international. L’usage de nouvelles dispositions pour lancer une guerre hybride ne saurait être accepté. Sans confiance, sans bonne volonté et sans responsabilité de la part des uns et des autres, et notamment de la Russie, un ultime défi sera posé à la communauté internationale, à l’Europe, mais aussi aux Etats-Unis, car la paix n’est pas garantie dans l’immédiat, ni en Ukraine, ni en Europe.

M. NÉMETH (Hongrie)* – Les deux assemblées parlementaires qui discutent le plus souvent de la situation de l’Ukraine sont l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Je voudrais féliciter chacun d’entre nous ici d’avoir refusé de fermer les yeux sur les événements dans ce pays. Le danger serait que l’on s’habitue à cette agression quotidienne faite à l’Ukraine par la Russie. Si l’on examine la situation du point de vue du conflit gelé en Ukraine, il faut se rendre à l’évidence : le pays est perdu. Je crois au contraire que nous devons continuer de nous battre pour l’Ukraine. En Europe, nous avons tous besoin des uns des autres. Le Sommet de Vilnius sera suivi par le Sommet du Partenariat oriental de Riga à la mi-mai. L’Europe hésite à proposer une vision européenne claire à l’Ukraine. C’est pourtant ce dont elle aurait besoin en ce moment.

L’Ukraine avait décidé de se forger un avenir européen. Si telle est sa décision, alors nous n’avons aucun droit de refuser de l’accueillir. Certes, la question militaire est compliquée, et même controversée en Europe, mais l’Europe peut, dans l’immédiat, proposer une solution en ce qui concerne l’octroi de visas. Saurons-nous, en Europe, ouvrir nos frontières aux citoyens ukrainiens ?

Pour ce qui est du Conseil de l’Europe, je félicite, tout d’abord, le Secrétaire Général. Comme nous le constatons, le Conseil de l’Europe fait de son mieux pour accompagner une décentralisation politique du pays. C’est une question cruciale, alors que l’heure des élections locales approche. En l’absence de telles élections, il ne pourra y avoir de vraie transformation politique.

En fait, si l’Ukraine a besoin de l’Europe, nous avons aussi besoin, nous, d’une Ukraine robuste. L’Ukraine se bat pour l’Europe et le succès de l’Europe dépend aussi, en grande partie, du succès de l’Ukraine. C’est l’intérêt de notre Organisation, et il faut que la question ukrainienne reste inscrite en tête de l’ordre du jour de nos travaux.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni)* – Le conflit, en Ukraine, continue de s’aggraver. La Crimée reste occupée, elle a même été annexée de force. Un Etat membre du Conseil de l’Europe s’est emparé du territoire d’un autre par la force. La délégation de la Russie au Conseil de l’Europe a choisi de ne pas participer aux travaux de l’Assemblée parlementaire pour le reste de l’année, dans l’espoir, peut-être vain, que la Russie échappe ainsi à ses responsabilités.

Côté ukrainien, la réforme constitutionnelle n’est pas seulement nécessaire, c’est un impératif, accepté par l’Ukraine dans le cadre du processus de Minsk, mais les progrès ne sont que très lents, et on n’en perçoit que très peu dans de nombreux domaines où la réforme s’impose pourtant, comme Lord Anderson l’a dit.

Si la situation actuelle trouve son origine dans l’attitude d’expansionnisme agressif de la Russie, je dois dire que la façon dont le Gouvernement ukrainien mène les choses est très préoccupante, voire désespérante, pour les amis de l’Ukraine. Je suis assez d’accord avec l’analyse de Tiny Kox, pour ce qui est de l’Ukraine. La situation nous désespère, certes, mais n’oublions pas quelle est la responsabilité de la Fédération de Russie. En tout cas, un certain nombre de membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont je suis, partageant un même sentiment d’impuissance, sont désespérés.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni)* – Comme rapporteur sur la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine, je suis de très près la situation dans ce pays, comme d’autres collègues. Vous savez peut-être, Madame la Présidente, que des élections auront très bientôt lieu au Royaume-Uni. L’un des thèmes de la campagne électorale est le maintien de certaines armes au Royaume-Uni. Ceux qui le souhaitent pensent précisément à la Russie et au comportement qui fut le sien à l’égard de l’Ukraine. Ils expriment une crainte : ce qui se produit en Ukraine pourrait se produire dans d’autres pays.

En tant que rapporteur, je me suis rendu à la fois en Ukraine et en Russie. Ce que j’ai vu est plutôt préoccupant. Les conditions de vie des personnes déplacées sont déplorables. On ne mettrait pas des animaux dans une telle situation, exposés à un froid glacial. Même de jeunes enfants se trouvent dans cette situation !

Nous nous sommes également rendus en Russie, où nous avons regardé à quoi ressemblaient les centres de réfugiés. Nous avons regardé ce qui était fait et mis en place pour venir en aide à toutes ces personnes. Là aussi, nous avons constaté l’absence de solution à long terme. De toute évidence, les personnes avec lesquelles nous avons parlé n’ont qu’un seul souhait : retourner chez elles, dans leurs familles, en Ukraine.

Dans la Résolution 2028 que nous avons adoptée au mois de janvier dernier, nous avons exprimé nos préoccupations concernant ce conflit militaire.

Parmi les points évoqués par le rapport que nous examinons, la détention de Nadiia Savchenko m’interpelle particulièrement. Nous demandons la libération immédiate de Nadiia Savchenko, qui est un membre de notre assemblée. Tant que les autorités russes n’auront pas décidé de l’avenir de Nadiia, il faudra continuer à militer pour sa liberté !

M. ARIEV (Ukraine)* – Chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’insister ici sur le plan de M. Poutine, qui visait à diviser l’Ukraine en une partie occidentale et une partie tournée vers la Russie. Ce plan a échoué. L’Ukraine montre qu’elle est unie et qu’elle souhaite revenir vers l’Europe. Cela rend le Kremlin furieux.

Depuis le mois d’avril 2014, plus de 6 000 personnes sont mortes, plus de 15 000 ont été blessées lors du conflit au Donbass. Ce sont là les chiffres des Nations Unies, mais la réalité est probablement bien pire.

Trois mois se sont écoulés depuis notre dernière discussion sur la crise en Ukraine. Comme je l’avais prédit alors, le conflit a empiré et ce malgré le deuxième cycle des négociations de Minsk dans le format Normandie. Au lendemain même de la signature des protocoles, les Russes et les terroristes menés par eux ont lancé une attaque totale sur Debaltsevo !

Plus tard, nous avons pu observer de nombreux cas de violation du cessez-le-feu. Si l’armée ukrainienne a retiré ses armes lourdes, comme convenu à Minsk, et fait son maximum, ce n’est pas le cas de la partie russe. Et nous n’avons pas de bataillons de volontaires : ceux-ci ont tous rejoint l’armée ukrainienne ou la garde nationale. La mission spéciale de suivi de l’OSCE a relevé de nombreuses violations des Accords de Minsk par la « République populaire de Donetsk » et la « République populaire de Lougansk ». Le 14 avril dernier, cette mission a indiqué que l’escorte de ladite République populaire de Lougansk lui avait refusé l’accès à la route menant au poste de contrôle sur la frontière russe. Plus généralement, elle a fait état de nombreux incidents. Et d’ailleurs, les Russes qui coordonnent les actions de ces deux prétendues républiques populaires n’ont aucune intention de mettre en œuvre les accords signés, comme le montrent les bombardements.

Les autorités russes et les terroristes menés par les Russes n’ont nullement la volonté de mettre en œuvre les conditions du Protocole de Minsk. Dès lors, que faire ? Penchons-nous sur les faits.

La Russie a armé les terroristes à un niveau sans précédent. En effet, leur armée est mieux équipée que l’armée suédoise ou autrichienne tant en combattants qu’en matériels.

Il convient également de garder à l’esprit le sort réservé aux accords signés par la partie russe dans des conflits aujourd’hui gelés : le Haut-Karabakh, la Transnistrie, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. N’oublions pas non plus la reconnaissance par le Président Poutine de sa responsabilité personnelle dans l’annexion de la Crimée et ses mensonges de l’année passée. L’ensemble de ces éléments ne peuvent nous conduire qu’à une seule conclusion : des forces de maintien de la paix internationales sont absolument nécessaires.

Gardons à l’esprit tout autant l’expérience de la Forpronu et de l’Onurc qui pourrait être utile pour trouver une solution au conflit ukrainien.

Mme LUNDGREN (Suède)* – L’Ukraine a le droit au respect de son intégrité territoriale et de décider de son avenir. L’agression, l’ingérence russes dans un contexte économique difficile, de corruption florissante, sont intentionnelles. La Russie a utilisé la fragilité de la situation en Ukraine. Nous avons tous entendu le Président Poutine dérouler son récit des événements intervenus en Ukraine et de la Crimée. J’espère que nous pourrons tous lire le rapport de M. Boris Nemtsov sur la guerre.

La situation en Ukraine nous concerne tous, elle touche à la sécurité de l’Europe. Evidemment, nous pourrions essayer de réduire la crise à une situation devant être réglée au sein du pays même. Mais cela serait une lourde erreur. Nous soutenons tous l’Accord de Minsk. Encore faut-il tirer les enseignements des événements en Géorgie.

Nous avons demandé aux pays agressés de respecter certaines conditions alors que l’agresseur niait même son ingérence, et nous n’avons rien dit. Aujourd’hui, nous demandons à l’Ukraine de respecter certaines règles alors qu’elle n’a pas le contrôle de ses frontières et que la Crimée ne fait pas partie de l’Accord. Nous demandons aux Ukrainiens de remanier leur constitution. Il s’agit d’une lutte en coulisses sur la fédéralisation. L’Accord de Minsk est conçu de telle façon qu’il alimente les tensions et la guerre. La guerre n’a pas cessé. Il s’agit simplement de regrouper les forces.

L’Accord de Minsk ne doit pas permettre de nous voiler la face, de dissimuler quelque chose que de toute façon nous ne voulons pas voir. Ne nous leurrons donc pas.

Pour conclure, j’appelle à la libération de Mme Savchenko.

M. GOLUB (Ukraine)* – L’Ukraine est confrontée à de nombreux défis, le fait central étant l’agression russe, l’annexion de la Crimée et celle des régions de Donetsk et de Lougansk.

Après la révolution Orange, nous ne parvenons pas à résoudre un cancer de l’économie et du système politique. Je veux parler des oligarques. Le Président ukrainien et le Parlement de l’Ukraine ont pris des mesures afin de résoudre cette question au cours des derniers mois. Ils ont déjà fait bien davantage que les gouvernements des décennies passées, en adoptant des lois sur la libéralisation du marché en matière d’approvisionnement de gaz, sur les services de distribution, sur les sociétés anonymes, sur la réforme judiciaire, sur le parquet. L’éviction des oligarques est donc en cours.

Autre élément important : le libre accès au système d’approvisionnement en gaz. L’Ukraine est progressivement en train de reprendre le contrôle de ses entreprises publiques qu’elle avait perdu en raison des circonstances artificielles qui prévalaient du temps des oligarques. À l’heure actuelle, la réforme judiciaire est en cours qui permettra de mettre en œuvre les mécanismes d’irréversibilité des sanctions.

Le début de la réforme de l’armée porte notamment sur la transformation des bataillons de volontaires dans l’armée régulière et la police. Ce qui interdira la création d’armées privées par les oligarques.

Il convient également d’instaurer un cadre juridique intégré en Ukraine afin que les mêmes règles s’appliquent à tous dans la société. Des personnes, telles que M. Kolomoyskyi, M. Akhmetov, M. Firtash et d’autres encore doivent décider s’ils acceptent de vivre dans ce système juridique intégré ou s’ils veulent être hors la loi.

Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour m’adresser à mes collègues de la délégation autrichienne. Si je comprends parfaitement que les Autrichiens ne veulent absolument pas que nous venions nous ingérer dans leur système judiciaire, je note que l’extradition de l’oligarque ukrainien M. Firash, suspecté de participer à des actes de corruption internationale, est toujours en suspens.

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Le débat de ce matin est frappé du sceau du réalisme. Les sanctions touchent l’Europe occidentale et centrale autant que la Russie. Les prix du pétrole ont certainement davantage porté atteinte à l’économie de la Finlande ou de la Grèce où ils ont atteint un niveau extrêmement élevé.

Il n’y a pas véritablement de volonté de l’Europe occidentale d’aller au-delà de ce qui est aujourd’hui entrepris, ce pour éviter toute escalade et pour éviter de se battre. Nous ne voulons pas armer un côté ou l’autre, et surtout pas les Ukrainiens. À partir de là, il convient de trouver une solution. Faire de l’Ukraine un pays où les citoyens russes ne pourraient pas vivre, cela signifie mettre en œuvre les mesures de l’Accord Minsk 2, surtout en matière de décentralisation. Les populations de l’Ukraine ne peuvent pas constamment vivre avec le sentiment d’être des citoyens de seconde classe. Elles doivent être intégrées. Un représentant a déclaré hier que les réformes ne progressent pas et qu’aucune volonté ne préside à leur accomplissement. Si l’Ukraine veut avancer, le gouvernement de Kiev doit déployer davantage d’efforts pour mettre en œuvre les réformes prévues par les Accords de Minsk et les intégrer dans son programme législatif. Trop des réformes figurant sur la liste qui nous a été fournie hier ne sont pas mises en œuvre ou bien elles attendent en dessous d’une pile, quelque part sur un bureau.

D’ici à la prochaine partie de session, j’espère que nos collègues ukrainiens auront progressé. Sans doute pourraient-ils dresser la liste des réformes à faire et nous indiquer ce qui a été réalisé et jusqu’à quel point.

Si nous apportons notre soutien, nous devons être certains que les propositions de la Commission de Venise et du groupe de Minsk seront soutenues et que les Ukrainiens essaieront de les mettre en œuvre avec sérieux.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Lorsqu’on parle de la situation en Ukraine, on ne peut passer sous silence la situation humanitaire catastrophique en Crimée. Le stalinisme est de retour en Crimée, avec des détentions arbitraires, des meurtres, des enlèvements et des tortures. La déportation des Tatars de Crimée est en cours. Le nombre des otages politiques de Poutine augmente – je pense à Nadiia Savchenko, à Nicola Karpiok et à d’autres encore – malgré tous les appels de la communauté internationale. Récemment, c’est Alexander Kostenko qui a été enlevé par les forces de sécurité russes et inculpé pour des faits commis en 2014 – il aurait notamment passé à tabac une personne à Maïdan. D’ailleurs, le nouveau procureur de Crimée, Mme Natalia Poklonskaïa, a lancé des poursuites contre tous les pro-Maïdan. Les autorités russes veulent faire croire qu’elles respectent la Constitution, alors qu’elles n’ont pas compétence pour traiter des affaires sur le territoire ukrainien.

Les valeurs démocratiques de notre Organisation sont menacées. Les actions menées en Ukraine sont contraires au droit international. Avec un agresseur, le dialogue ne peut être établi que si les deux parties parlent le même langage ; or notre langue est la langue de la démocratie, des droits humains et de l’Etat de droit, une langue qui n’est plus comprise par la Russie. Je lance un appel à tous mes collègues pour qu’ils utilisent les instruments juridiques contre le procureur Mme Paklonskaïa et tous ceux qui violent le droit international, afin qu’ils soient sanctionnés. Les sanctions juridiques sont un moyen de lutter contre cette zone de non-droit créée par la Russie au centre de l’Europe.

Je souhaite enfin inviter tous mes collègues à participer à une table ronde, avec le président de l’Assemblée tatare, à 13 heures, salle 5.

M. BEREZA (Ukraine)* – Je représente l’opposition ukrainienne qui se veut constructive et donc qui appuie le processus en œuvre en Ukraine.

J’étais présent à Maïdan et il est extrêmement difficile de définir qui était à l’origine des tirs. J’appuie à cet égard toutes les mesures qui sont prises afin d’enquêter sur les crimes commis. Je voudrais également dénoncer la création du parti anti-Maïdan, parti criminel, dont l’objectif est de harceler, voire de tuer les participants aux manifestations de Maïdan. Avec la police, les responsables de ce parti ont déjà tué ou gravement blessé de nombreuses personnes dans le parc de Mariinsky comme dans toute l’Ukraine.

Oleg Kalachnikov, organisateur du parti anti-Maïdan, a été tué après avoir accepté de coopérer avec les autorités ukrainiennes en échange de garanties pour sa sécurité ; apparemment, certains ne souhaitaient pas que les informations qu’il détenait soient rendues publiques. Les citoyens espèrent connaître la vérité. Nous devons la connaître, malgré la propagande russe qui parle de meurtre politique. Il faut également rappeler que le journaliste, Oles Bouzina, a lui aussi été assassiné, peu de temps après avoir interviewé Poutine. Que s’est-il passé ? Qui était véritablement ce journaliste ?

Les meurtres politiques dont parle la Russie n’ont aucun autre objet que de faire taire ceux qui détenaient des informations relatives à ce qui s’est passé à Maïdan, et nombreux à Moscou sont ceux qui ne souhaitent pas qu’elles soient rendues publiques. Tous ces noms, il faut qu’ils soient connus de tous et qu’on en parle.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Mes chers collègues, nous parlons ce matin, en présence des parents de Nadiia Savchenko, notre collègue enlevée et détenue par les Russes. À plusieurs reprises, nous avons demandé à la Russie de libérer notre collègue, mais les autorités russes ne répondent à aucune de nos demandes, pas même à celle de Mme Brasseur. Mais nous ne devons pas non plus oublier Boris Nemtsov, dont nous avons parlé pour la première fois en début de semaine depuis son meurtre, et qui se rendait fréquemment à Kiev pour militer en faveur de la démocratie.

Tous ces événements me ramènent à 1996, lorsque la Russie a été invitée à faire partie de notre Assemblée parlementaire. Une des conditions de son adhésion était qu’elle devait renoncer à toutes ses zones d’influence. Or aujourd’hui, elle fait tout son possible que l’Ukraine n’adhère pas à l’Union européenne.

J’ai participé à la préparation du sommet de Vilnius, considéré comme le début de Maïdan, et il convient maintenant de se concentrer sur le sommet de Riga. Je demande à mes collègues de l’Union européenne d’ouvrir les frontières à l’Ukraine afin de l‘aider à poursuivre ce chemin douloureux vers l’Europe.

L’Union européenne doit soutenir économiquement et politiquement l’Ukraine, d’autant que ce pays peut servir d’exemple à la Russie dans la mesure où, lors des dernières élections, ce n’est pas un parlement nationaliste qui a été choisi à Kiev, mais un système politique normal. Je remercie nos amis ukrainiens d’avoir fait ce choix en dépit de la situation qui prévaut chez eux.

M. ROUQUET (France) – Nous nous retrouvons à nouveau pour évoquer la situation en Ukraine. Depuis notre dernière partie de session, les Accords de Minsk 2 ont été signés, le 12 février. Il s’agit en fait d’un « paquet de mesures en vue de l’application des Accords de Minsk » de septembre 2014. Cette nouvelle négociation a connu un certain succès, avec un cessez-le-feu et des discussions entre les deux parties sur le retrait des armes lourdes après la bataille de Debaltsevo.

La situation à Marioupol est toujours critique et pose la question des intentions réelles des séparatistes et du risque d’une prolongation de la lutte sous d’autres formes, notamment par le terrorisme.

Au-delà du volet militaire et de la question des armes, les Accords de Minsk comptaient également un volet politique.

Certes, la loi d’amnistie a été adoptée, mais elle est imparfaite et n’apporte pas toutes les garanties concernant les droits de l’homme.

Mais le point important reste la réforme constitutionnelle et électorale, indispensable au rétablissement de la paix en Ukraine. Sur ces deux points, des groupes de travail ont été constitués à la Rada. Pour avoir observé plusieurs fois des élections en Ukraine, j’ai toujours été frappé par la multiplication des règles applicables en matière électorale. Quant à la réforme constitutionnelle qui devra entrer en vigueur avant la fin 2015, son élément clé est une décentralisation, tenant compte des spécificités de certains arrondissements des régions de Donetsk et de Lougansk.

Vous le voyez, chers collègues, le front interne en Ukraine n’est pas seulement une zone de conflit : c’est également un défi juridique, d’autant plus grand que les réformes économiques, notamment en matière de lutte contre le système oligarchique, qui se perpétue, n’ont pas beaucoup avancé. Je regrette l’adoption par la Rada de lois symboliques qui heurtent de fait la partie russophone. Cela ne va pas dans le sens d’un dialogue apaisé, indispensable à l’application des Accords de Minsk.

Et la Russie ? L’Europe a décidé des sanctions et sa position est claire. La militarisation accrue de la Crimée et les incursions d’avions militaires russes dans nos espaces aériens ne sont pas prises à la légère. De même, nous ne pouvons que nous inquiéter de la présence de mercenaires étrangers parmi les armées séparatistes.

Enfin, je me réjouis du fait que la Croix-Rouge accède plus facilement aux réfugiés internes mais aussi à ceux qui se trouvent en Russie. L’amélioration de la situation humanitaire dépend elle aussi de l’application intégrale des Accords de Minsk et de la restauration du dialogue.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Madame la Présidente, chers collègues, vous ne serez pas surpris d’entendre que l’Ukraine est confrontée à des menaces à la fois internes et externes.

Dans les territoires de l’Est, de nombreux groupes terroristes sont à l’œuvre ; les villes sont sous la menace permanente d’attaques terroristes et d’explosions dans les lieux publics. Dans ce contexte, les armes manquent pour protéger efficacement les frontières ukrainiennes et européennes. Le rassemblement des forces militaires russes à proximité de notre territoire est d’autant plus inquiétant.

Par ailleurs, la guerre de la communication se poursuit et notre réputation est entachée par la propagande de la Fédération de Russie.

J’aimerais surtout appeler votre attention sur la question du Donbass. Le premier défi est la réunification de la nation ukrainienne, qui ne peut réussir sans le soutien des médias. Or, de ce point de vue, le Donbass est isolé : aucune presse indépendante n’y est diffusée, ni ukrainienne ni internationale, mais uniquement des médias russes ; les habitants n’ont pas accès à d’autres sources d’information. De ce fait, ils s’éloignent de l’Ukraine et ne peuvent se faire leur idée sur leur propre rôle dans cette guerre.

Dans la région du Donbass, il faudra des investissements considérables pour rétablir les infrastructures, rénover les bâtiments et les routes, bref pour restaurer les conditions d’une vie décente. Rappelons qu’elle était la région la plus peuplée d’Ukraine ; toutes les personnes déplacées devront pouvoir y revenir en toute sécurité.

J’appelle également votre attention sur les cas de torture et de meurtre de personnes tout simplement parce qu’elles se sont montrées loyales, et cela sur leur propre territoire.

Hier, en séance plénière, le Parlement ukrainien a adopté une résolution concernant une déclaration de la Verkhovna Rada « sur la résistance à l’agression armée de la Fédération de Russie » et ses conséquences. C’est le premier vrai document issu du Parlement ukrainien qui retrace clairement la chronologie de l’agression armée de la Russie contre l’Ukraine. C’est aussi le premier document juridique où figure la date du début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Car c’est bien d’une guerre qu’il s’agit, et non d’un conflit.

Enfin, de nombreuses sources, dont la mission de suivi de l’OSCE, confirment qu’à ce jour la Russie n’a pas mis en œuvre une seule clause des Accords de Minsk.

Nous attendons donc du Conseil de l’Europe qu’il fasse pression non seulement sur l’Ukraine, mais aussi et surtout sur la Fédération de Russie. Nous voulons qu’un message clair et fort soit adressé à la Russie pour qu’elle mette en œuvre les Accords de Minsk. La sécurité européenne est en jeu !

Mme IONOVA (Ukraine)* – J’aimerais parler de la situation humanitaire et vous livrer quelques chiffres.

En près d’une année, on compte plus de un million de personnes déplacées à l’intérieur, c’est-à-dire enregistrées comme PDI. Selon les dernières données de l’Onu, 6 000 personnes ont été tuées et plus de 15 000 ont été blessées. La communauté humanitaire estime que 5 millions de personnes ont besoin d’aide, parmi lesquelles 3,2 millions sont particulièrement vulnérables. La plupart sont des enfants et des femmes : les femmes et les petites filles représentent plus de 66 % des PDI. Rappelons que 70 enfants ont été tués et 180 blessés.

Ce sont 2,5 millions de personnes qui sont otages dans les territoires occupés. J’appelle votre attention sur cette question et sur la violation des droits des femmes et des enfants dans ces territoires. On nous parle de violences sexuelles. Il s’agit de nos citoyens, nous devons les défendre.

Mais, bien entendu, nous ne pouvons amorcer le dialogue avec ces territoires ni organiser des élections. Plus de 400 kilomètres de frontière russo-ukrainienne sont contrôlés par les Russes et par les terroristes. Comment dialoguer lorsque l’on est bombardé par les terroristes ?

Après les Accords de Minsk 2, plus de 2 665 bombardements ont eu lieu, 95 personnes ont été tuées et plus de 500 ont été blessées. Nous travaillons sur le statut spécial du Donbass ; nous organiserons des élections ; mais, pour ce faire, il faut que les conditions conformes aux normes de l’OSCE soient réunies. C’est pourquoi il faut faire pression sur la Fédération de Russie afin qu’elle retire ses armes du territoire.

Encore un exemple : avant la prise de Debaltsevo, nous avons essayé de travailler avec ces territoires et l’OSCE était prête à établir un couloir humanitaire. Côté russe, il n’y avait que 30 personnes contre plus de 700 côté ukrainien. Ces données montrent bien où les gens veulent vivre.

Il faut absolument fournir une aide humanitaire via, je le précise, le territoire ukrainien. Nous insistons vraiment sur le fait que nos frontières doivent être respectées. L’Ukraine est un pays responsable et respecte ses obligations découlant de l’Accord de Minsk et nous souhaitons que toutes les parties agissent de même.

Mme KANELLI (Grèce)* – Je suis toujours désolée de nous entendre parler ainsi. Je suis Grecque et, comme beaucoup d’autres, je suis à la recherche, depuis 35 ans, d’une solution viable pour Chypre de la même façon qu’ici nous cherchons une solution viable pour l’Etat palestinien et, aujourd’hui, pour 45 millions d’Ukrainiens. Nous en appelons aux sentiments humanitaires des uns et des autres pour intervenir, mais ils ont surtout besoin de sages européens, voire des forces de l’Otan.

Et pendant que les nationalistes et les populistes des deux pays sont en conflit, les classes dirigeantes d’Ukraine et de Russie continuent leurs affaires – je pense au gaz russe. Pendant ce temps, les peuples concernés souffrent.

Ainsi, en Ukraine de l’est, les pensions ont été réduites, les prestations sociales supprimées. Qui est concerné ? Les personnes âgées, mais en fait, les Ukrainiens sont tous plus ou moins privés de leurs droits. Ils nous soumettent des listes de doléances et nous nous contentons de regarder le dictionnaire au mot « guerre civile ».

Nous sommes le 22 avril : il y a 145 ans naissait Lénine. Suis-je coupable de prononcer ce nom au sein de cet hémicycle ? Eh bien, si je me trouvais en Ukraine, j’aurais été privée du droit de le mentionner. Et si j’étais en Russie, j’entendrais certainement des paroles différentes. On essaie ainsi de réécrire l’histoire en faisant couler le sang et en cherchant à imposer de nouvelles situations par la force armée. Cela nous a donné les réfugiés grecs en Syrie il y a un siècle, puis les réfugiés grecs à Marioupol, des conflits religieux en maints endroits… et, pendant ce temps, les affaires continuent, en particulier le commerce des armes.

N’oublions pas que nous sommes le Conseil de l’Europe et non une banque qui met des étiquettes de prix sur la vie des gens. Il faut trouver des solutions sans la pression de tireurs embusqués. Sinon ce sera les nationalistes contre les communistes et les Russes, lesquels sont aujourd’hui absents alors que nous sommes plus pauvres sans eux.

M. TILSON (Canada, observateur)* – Le Canada a pris de nombreuses mesures pour appuyer le peuple ukrainien qui essaie de restaurer la stabilité politique et économique du pays face à l’agression militaire russe et à l’occupation illégale de son territoire. Notre ministre des Affaires étrangères l’a souligné le mois dernier : le Canada ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale de la Crimée et continuera d’en appeler au régime de Vladimir Poutine pour qu’il cesse sa campagne de déstabilisation et pour qu’il se retire complètement de l’Ukraine dont il doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale.

Notre gouvernement s’engage à aider l’Ukraine et à coopérer avec ses partenaires pour exercer une pression afin d’isoler la Russie sur les plans économique et politique. Depuis janvier 2014, le Canada a annoncé plus de 575 millions de dollars canadiens d’aide à l’Ukraine dont 200 millions au titre d’accords de prêts à taux intéressant, conclus au mois de mars. Le Canada a joué un rôle actif dans le cadre de l’Otan en déployant en particulier 6 chasseurs CF18 et le bâtiment de guerre « Frederickson » en mer Noire. Le Canada travaille également avec les centres d’excellence de l’Otan dans la région des pays baltes, sur la cybersécurité, sur la sécurité énergétique… Par ailleurs, le Canada envoie des équipements non létaux et est en train de fournir des équipements militaires supplémentaires à l’Ukraine.

Notre ministre de la Défense a indiqué que le gouvernement du Canada avait signé un protocole d’accord avec l’Ukraine pour fournir des images obtenues par notre satellite Radarsat-2 sur différents sites de l’est de l’Ukraine, ce qui permettra au commandement militaire ukrainien d’identifier les mouvements étrangers dont ceux d’équipements lourds.

Au mois de mars dernier, le Canada a contribué à hauteur de 2 millions de dollars à la mission spéciale de suivi de l’OCSE. Notre pays participe en outre à une commission conjointe sur la réforme de la défense et sur la coopération bilatérale avec les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et l’Ukraine.

Notre Premier ministre s’est rendu en Ukraine aux mois de mars et juin 2014 pour manifester le soutien du peuple canadien au peuple ukrainien. À l’occasion du premier anniversaire de ce qu’on a appelé le référendum en Crimée, il a déclaré que, dans 5 ans comme dans 50 ans, le Canada ne reconnaîtra jamais cette annexion comme le fruit de la volonté du peuple ukrainien. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé que le Canada allait déployer 200 soldats en Ukraine d’ici à la fin de l’année 2017 afin de fournir une formation militaire à l’armée ukrainienne.

Je conclurai en soulignant que, pendant le sommet du G20, au mois de novembre dernier, le Premier ministre canadien a demandé au président russe de quitter l’Ukraine.

LE PRÉSIDENT - M. Pâslaru, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. POZZO DI BORGO (France) – La situation en Ukraine demeure difficile. Elle doit être analysée à l’aune de la mise en œuvre des Accords de Minsk du 12 février dernier, signés suivant le format dit « Normandie » au sein duquel la France et l’Allemagne jouent un rôle majeur. Il se trouve que le hasard a voulu que je me trouve dans l’avion du Président Hollande lorsqu’il s’est rendu, après Astana, à Moscou, et je puis témoigner que l’action de Mme Merkel et la sienne ont été décisives.

Depuis lors, le cessez–le–feu est globalement respecté, même si les tensions n’ont malheureusement pas disparu. Il reste en revanche, comme l’a souligné notre collègue, Mme Durrieu, à appliquer le volet politique des accords, c’est-à-dire la révision de la Constitution ukrainienne – qui paraît assez laborieuse –, le Conseil de l’Europe ayant un rôle important pour aider l’Ukraine dans cette voie.

Les Accords de Minsk et le cadre diplomatique qui y a abouti ont permis aux Européens de reprendre la main sur ce dossier qui les concerne au premier chef, grâce à l’action du couple franco-allemand.

Il était temps que l’Europe s’investisse de façon positive et constructive dans un dossier qui nous concerne d’abord, nous, Européens – et non les Américains qui interviennent un peu trop souvent dans ce dossier qui nous concerne au premier chef.

Je voudrais évoquer aussi la question des sanctions. L’ensemble des économistes qui analysent leurs conséquences estiment qu’elles pèsent pour 20 % à 25 % de la crise qui touche la Russie – le reste est lié à la chute du rouble et à la baisse du prix du pétrole. Mais il faut aussi prendre conscience du fait que les sanctions ont des conséquences pour l’Europe, notamment l’Union européenne : les économistes estiment que l’impact de ces sanctions sur l’économie européenne représente 0,2 % du PIB, soit l’équivalent de ce que l’on espère du plan Juncker de 300 milliards. C’est beaucoup d’argent envolé ; j’aurais préféré qu’il soit donné à nos amis Ukrainiens pour relancer leur économie moribonde. Quoi qu’il en soit, attendons la suite, en espérant que l’issue soit positive.

Il faut pourtant engager une réflexion prospective. En effet, l’Europe ne peut en rester là. L’un des axes majeurs de la politique internationale de l’Union européenne doit résider dans l’amélioration des relations, actuellement difficiles, avec son voisin, la Russie, car l’une et l’autre sont largement interdépendantes, en matière énergétique notamment. Elles ont un intérêt commun à affronter ensemble les défis du monde multipolaire, dans la continuité des réflexions géopolitiques du général de Gaulle et de François Mitterrand. De même, je suis convaincu que des coopérations sont possibles entre l’Union européenne et l’Union économique eurasiatique. Cette approche coopérative, fondée sur une relation privilégiée entre l’Union européenne et la Russie, doit être la nôtre ; elle présente bien plus d’avantages que la tension provoquée par le dossier ukrainien.

M. HONCHARENKO (Ukraine)* – J’aimerais tout d’abord réagir à certaines interventions car, même si la délégation russe n’est pas présente dans l’hémicycle, j’entends l’écho du Kremlin dans certains propos. Malheureusement, notre collègue grecque Mme Kanelli est partie après son intervention. J’aurais aimé lui dire, entre autres choses, que notre parlement n’a pas interdit le communisme. En revanche, nous avons interdit certains symboles qui sont particulièrement douloureux pour l’Ukraine, car ils renvoient à ce qui s’est passé notamment dans les années 1930.

On nous dit que l’Ukraine est un Etat en échec, marqué par la corruption. Telle n’est pas la réalité. Après la révolution de Maïdan, nous avons eu deux élections – présidentielle et législatives –, auxquelles ont assisté des centaines d’observateurs internationaux. De nombreux médias du monde entier ont reconnu qu’elles ont été libres, transparentes et équitables. Pour ce qui est de la corruption, il est certain que celle-ci ne peut pas disparaître en un an, mais nous luttons contre ces pratiques.

J’aimerais vous parler davantage d’une réforme à laquelle je participe en tant que secrétaire de la commission parlementaire sur la gouvernance locale et la politique régionale. Au cours des cinq mois d’activité du nouveau parlement, lequel a commencé à siéger au mois de décembre, nous avons réussi à adopter plusieurs lois sur la décentralisation et la politique régionale.

Tout d’abord, la fusion volontaire des collectivités nous permettra de passer de plus de 10 000 à moins de 2 000 collectivités ; toutes jouiront d’une autonomie financière, sachant qu’elles sont incitées à fusionner afin de disposer ainsi de plus de facilités financières. Nous avons également adopté une nouvelle loi sur la politique régionale, préparée avec l’aide de spécialistes de l’Union européenne. En outre, le principe d’une décentralisation budgétaire et fiscale a été entériné. Plus de 26 milliards de grivnya, soit plus de 1 milliard d’euros, seront allouées aux collectivités pour leur permettre d’exercer leurs responsabilités.

Par ailleurs, des révisions constitutionnelles extrêmement importantes ont d’ores été déjà été lancées. À cet égard, le Conseil de l’Europe nous a apporté un soutien important, en particulier le Congrès des pouvoirs locaux, qui contribue à la révision du chapitre sur l’autonomie des régions, afin d’ancrer dans notre législation interne le principe de subsidiarité. Merci beaucoup pour votre soutien. Je puis vous assurer qu’un nouvel Etat européen émerge à l’est de l’Europe.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Ce débat concerne l’Ukraine et le destin européen de ce pays –
j’exprime d’ailleurs mon soutien à son effort d’intégration européenne –, mais l’agression russe touche aussi l’ensemble de la région de la mer Noire, y compris mon pays, la Roumanie.

La Russie a créé un cercle de conflits gelés – en Moldavie, avec la Transnistrie, mais aussi en Géorgie, avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, où des troupes russes sont déployées. En Ukraine, l’annexion illégale de la Crimée se traduit par la présence de troupes russes à 300 kilomètres du point le plus avancé de la frontière roumaine – c’est-à-dire aussi de la frontière de l’Union européenne. Tout cela a modifié fondamentalement la sécurité de la région de la Mer noire. N’oubliez pas que, il y a deux ans encore, nous discutions, au sein du Conseil et en présence de la délégation russe, d’un partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Fédération de Russie et de projets concrets de coopération de ce pays avec l’Otan. Du fait de l’agression contre l’Ukraine, la situation a changé de fond en comble.

Des représentants russes de très haut niveau ont même déclaré que des pays comme la Roumanie et la Pologne sont devenus des cibles militaires pour la Russie du fait du système de missiles balistiques de défense. Or nos pays sont souverains et ont le droit d’assurer leur propre sécurité.

On ne répétera jamais assez que la Russie a violé tous les principes du droit international. En effet, l’idée selon laquelle aucune frontière ne peut être modifiée par des actions militaires constitue le fondement même des sociétés issues de la Seconde Guerre mondiale. Or l’intégrité territoriale d’un pays a été mise à mal. La possibilité pour lui de choisir librement son avenir a été mise en cause par des actions militaires.

Nous devons donc réaffirmer l’importance fondamentale de certains principes, apporter notre soutien à l’Ukraine dans son intention de se rapprocher de l’Europe – pour peu, bien sûr, que des réformes aient lieu et que les minorités soient respectées. Ce débat concerne l’Ukraine ; il nous concerne nous ; il touche aussi aux valeurs – des valeurs sur lesquelles nous ne transigerons pas.

M. DIVINA (Italie)* – Sans chercher à refaire l’histoire, force est de constater que l’Ukraine était relativement stable, avec un président qui, quoique élu régulièrement – Viktor Ianoukovitch –, a été victime d’un coup d’Etat. En effet, on prétend qu’il était hostile à son peuple mais, dans ce cas, on aurait dû attendre la prochaine élection. Les choses ne se sont pas passées ainsi : un coup d’Etat est intervenu, et le Président Porochenko n’est certainement pas le dirigeant que souhaitait une partie des citoyens ukrainiens.

Au mois de mai dernier a eu lieu le fameux référendum, qui a été suivi de graves erreurs de la part de la communauté internationale, car il y a eu deux poids, deux mesures : la majorité des pays n’ont pas reconnu le référendum en Crimée en invoquant l’intégrité territoriale de l’Ukraine, alors même que les choses avaient été différentes pour le Kosovo et la Serbie, ou encore pour le Haut-Karabakh, qui est et demeure une partie du territoire de l’Azerbaïdjan. Certaines situations de ce type durent depuis plus de quarante ans.

Deux poids, deux mesures également, quand il s’agit de l’information sur la répression des dissidents. Là, on ne met l’accent que sur une partie au conflit et, finalement, cela ne fait qu’empirer les relations entre l’Ukraine et la Russie.

Certains principes, ceux des droits de l’homme, existaient avant la reconnaissance des Etats. Mais quand on parle de ces droits, il y a également des droits collectifs, notamment l’autodétermination des peuples, droit qui signifie que l’on peut être qui l’on veut et appartenir au groupe que l’on souhaite. Dès lors, le problème de la Russie et de l’Ukraine est résolu : chaque peuple, dans chaque région, décide avec qui il veut être. Ce serait la solution la plus démocratique pour résoudre ce conflit.

M. FOURNIER (France) – Plus d’un an après l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, et alors que la situation reste tendue dans le Donbass en dépit de l’accalmie relative qui y règne depuis les Accords de Minsk 2, la question de la stratégie de Moscou reste entière. Que cherchait le Kremlin en armant et en organisant des groupes séparatistes dans l’est de l’Ukraine, puis en y envoyant des troupes régulières quelques mois plus tard : la neutralisation ou la partition du pays ? S’agissait-il de démontrer que l’Ukraine est un non-Etat aux autorités illégitimes, ou de reconquérir un empire perdu ?

Avec le recul, l’aventure militaire en Ukraine peut sembler une erreur stratégique, qui a placé la Russie sous un régime de sanctions aux conséquences bien plus importantes que le Kremlin ne veut bien le dire et qui a des répercussions sur son positionnement géopolitique. Le plus grave est sans doute que le Président russe a entraîné son pays dans un processus de radicalisation et d’auto-isolement dont il ne sait plus comment sortir.

Aussi la situation en Ukraine a-t-elle des implications également en Russie.

Des atermoiements dans la conduite des opérations militaires conduisent à s’interroger sur la capacité du Kremlin à définir une ligne claire et respectée par tous. Quel est le degré de contrôle véritable de l’état-major russe sur les séparatistes du Donbass ? Il est aussi probable, dans un tel contexte, que les nombreux services impliqués dans les opérations militaires, le ministère de la défense, entre autres, cherchent à faire prévaloir leurs vues et leurs intérêts, au risque d’un désordre certain.

Par ailleurs, le facteur humain ne doit pas être négligé. Le conflit en Ukraine se traduit par des pertes significatives, d’autant plus que les troupes ukrainiennes sont désormais mieux équipées et entraînées, même s’il n’existe pas de bilan officiel sur le nombre de victimes russes. Combien de temps la société civile le supportera-t-elle, alors que les combats sont livrés non pas contre un ennemi traditionnel de la Russie, mais entre deux peuples extrêmement proches ? Rappelons-nous l’engagement des mères de soldats pendant les guerres de Tchétchénie.

La crise humanitaire dramatique dans laquelle le Donbass est plongé n’est pas sans conséquences sur la Russie. Celle-ci subviendra-t-elle aux besoins des républiques auto-proclamées ? Il n’est pas du tout certain qu’elle en ait les moyens, ni surtout l’envie. Le risque est que ces territoires deviennent des zones de non-droit propices aux trafics en tous genres qui accentuent encore l’instabilité à la frontière russe dans cette région, qui n’en a pas vraiment besoin.

Mais le plus inquiétant tient sans doute aux implications du conflit ukrainien sur la situation politique intérieure en Russie. Les libertés fondamentales y ont fortement reculé. Depuis l’assassinat de Boris Nemtsov, le 27 février dernier, la peur s’est installée en Russie. Le climat d’exaltation nationale est favorable aux nationalistes, mais tous sont résolument hostiles au modèle occidental et à ses valeurs, dont les nôtres. Pourtant, l’instrumentalisation du nationalisme est dangereuse dans un pays d’une aussi grande diversité ethnique et confessionnelle.

Mme Korenjak Kramar, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. REIMANN (Suisse)* – Chers collègues, permettez-moi une remarque préalable. Je représente un pays neutre, qui a prêté ses bons services pour trouver une solution au conflit, malheureusement sans succès. Aujourd’hui, je m’en tiendrai à ce principe de neutralité, c’est-à-dire que je ne montrerai personne du doigt, et me bornerai à regretter que nos collègues de la Fédération de Russie ne soient pas présents dans cet hémicycle. Notre Assemblée parlementaire a contribué à cette situation et nous ne pouvons même plus discuter ensemble de ce sujet avec des représentants des deux pays concernés, l’Ukraine et la Fédération de Russie.

C’est de toute évidence une lacune préjudiciable, parce c’était pour nous une possibilité de faire entendre notre voix au Kremlin. C’est une possibilité que nous n’avons plus, puisque nous n’avons plus d’hommes de confiance nous permettant de faire savoir ce que nous pensons de la situation ici à Strasbourg. Mais en Ukraine également, il faudra aussi remettre les pendules à l’heure.

J’ai appris avec satisfaction que le Comité des Ministres et le Congrès des pouvoirs locaux continuent de fonctionner avec nos collègues russes. J’espère que cela se poursuivra.

À mon avis, le Conseil de l’Europe est la plateforme adéquate pour en parler, bien plus que l’OSCE, car nous y sommes entre Européens pour parler d’un conflit européen, sans qu’un policier, tel que les Etats-Unis, ait à intervenir en défendant ses intérêts sur la scène internationale, venant ainsi compliquer encore la situation.

Je suis curieux de connaître les premiers arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sur les conséquences de l’annexion de la Crimée. Ce sera un moment de vérité. Ces deux mondes qui s’affrontent vont-ils s’éloigner encore davantage ? Nous n’en savons rien, mais ce pourrait aussi être une épreuve pour notre Organisation si l’un de ses membres décidait de quitter notre maison. Ce ne serait pas bon pour notre avenir ni pour l’avenir de la démocratie, des droits de l’homme et de la paix sur notre continent.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – J’aimerais rappeler à tous pourquoi nous discutons de ce thème : dans notre Résolution 2034, 17 points concrets devaient permettre à la délégation russe de revenir dans cet hémicycle.

J’en relèverai les principaux.

Premièrement, annuler l’annexion illégale de la Crimée. Or, en ce moment, M. Poutine envisage la présence d’armes nucléaires sur ce territoire qu’il considère comme faisant partie de la Fédération de Russie.

Deuxièmement, mettre fin à la violation des droits des Tatars de Crimée. À l’heure actuelle, sont enregistrés des centaines de cas concrets de violation de leurs droits.

Troisièmement, mettre fin à la violence faites aux Ukrainiens dans l’est du pays. Les troupes russes doivent quitter ce territoire. D’après les informations de toutes les organisations, plus de 10 000 soldats russes se trouveraient sur les territoires de Donetsk et Lugansk, et Boris Nemtsov est mort parce qu’il condamnait la présence de ces troupes.

Quatrièmement, résoudre la question des 400 kilomètres de frontière contrôlés par les terroristes et par les envahisseurs russes – sachant déjà que ces derniers n’ont pas respecté leur engagement de se retirer de l’Ossétie du Sud, de l’Abkhazie et de la Transnistrie – alors que la situation dans la région est de l’Ukraine a engendré un important problème humanitaire.

Enfin, nous n’avons toujours pas obtenu la libération de Nadiia Savchenko. Le dirigeant actuel de la prétendue République de Lougansk est celui qui a organisé son enlèvement du territoire de l’Ukraine !

Mes chers collègues, tous ces éléments devront être pris en compte pour analyser la situation actuelle de l’Ukraine.

Mme SCHOU (Norvège)* – La conséquence la plus immédiate de la situation politique et de sécurité en Ukraine aujourd’hui est la déstabilisation du pays et la souffrance du peuple ukrainien. L’Europe est inquiète et l’évolution de sa politique de sécurité est une autre des conséquences de la crise ukrainienne. Les Accords de Minsk sont très importants. Nous demandons aux différentes parties de les respecter.

La Norvège possède une frontière commune avec la Russie et depuis près de 110 ans, nous entretenons des relations régulières avec notre voisin russe. La Norvège mène une politique claire et la visite non sollicitée d’un dirigeant russe à Svalbard n’y changera rien. En Ukraine, la Russie a enfreint les principes fondamentaux qui conditionnent de bonnes relations entre les gouvernements. Elle a défié les bases de l’ordre juridique international. Ne pas réagir face à ses agissements conduirait à compromettre les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

La souveraineté et l’égalité sont les principes fondamentaux du droit international. La Russie a tenté de modifier les frontières de l’Ukraine et d’empêcher le pays de se forger son propre avenir. En Norvège, nous pensons que le droit à l’autodétermination est inviolable, quel que soit le pays concerné. Nous en appelons donc à la Russie afin qu’elle cesse de soutenir les séparatistes de l’est de l’Ukraine. Elle doit respecter le droit international et ses obligations au regard des Accords de Minsk. Elle doit s’efforcer aussi de restaurer la confiance. De notre côté, il est important que nous soutenions l’Ukraine dans ses efforts de réformes sur la voie de la démocratisation. Les mesures prises par la communauté internationale contre la Russie étaient indispensables. Elles ont constitué un signal clair : la Russie doit savoir que ses choix ont un prix. Il est essentiel que nous restions unis lorsqu’un de nos voisins sape la sécurité européenne. Le large soutien international dont bénéficient les mesures prises à l’égard de la Russie leur donne toute leur légitimité et renforce leur efficacité.

M. VOVK (Ukraine)* – Au cours des derniers mois, le Parlement ukrainien a adopté trois lois fondamentales.

D’après l’article 3 de la Résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée en 1974, l’usage de la force par la Russie à l’encontre de l’Ukraine représente une véritable guerre d’agression. Le Parlement ukrainien a ainsi adopté une résolution reconnaissant la Fédération de Russie en tant qu’Etat agresseur, qui soutient des activités terroristes et fait obstruction au Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette résolution demande à la communauté internationale de reconnaître la Russie en tant qu’Etat agresseur.

D’après les rapports des organisations des droits de l’homme et les médias en Ukraine, les crimes commis par les séparatistes ukrainiens et les forces armées régulières russes sont définis dans les articles 7 et 8 du Statut de Rome comme crimes contre l’humanité et crimes de guerre, d’où la responsabilité pénale internationale de leurs auteurs. Le Parlement ukrainien a ainsi adopté une résolution reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale relative aux crimes contre l’humanité et aux crimes militaires commis par les dirigeants de la Fédération de Russie et par les chefs des organisations terroristes DNR et LNR.

Enfin, l’Assemblée parlementaire a adopté en 1996 une résolution sur les mesures visant à démanteler l’héritage des systèmes totalitaires communistes et, en 2006, une résolution sur la nécessité de condamner au niveau international les crimes des régimes communistes totalitaires, ainsi qu’une autre visant à lutter contre la résurgence de l’idéologie nazie. L’Assemblée parlementaire de l’OSCE a adopté en 2009 la Déclaration de Vilnius condamnant toute glorification des régimes totalitaires quelle que soit leur idéologie. Ainsi, le 9 avril dernier, le Parlement ukrainien a adopté une loi sur la condamnation des régimes totalitaires communistes et nazis en Ukraine et sur l’interdiction de la propagande autour de leurs symboles. Cette loi est en totale conformité avec les textes internationaux que je viens d’évoquer.

M. D’ARCY (Irlande)* – Le cessez-le-feu prévu par les Accords de Minsk du 12 février 2015 est entré en vigueur le 14 février. Les deux parties se sont par ailleurs engagées à retirer les armements lourds de la ligne de front. Le cessez-le-feu a permis une réduction de la violence, mais il n’est pas pleinement respecté et d’importantes tensions demeurent le long de la ligne de contact. Les échanges de prisonniers et le retrait des armements lourds ont été effectués, mais la situation reste préoccupante, la mission de suivi de l’OSCE n’ayant que partiellement accès aux zones de conflit.

Sur le plan politique, il faut noter les progrès réalisés depuis les Accords de Minsk du 12 février. Le 17 mars, le Parlement ukrainien a donné le statut de gouvernement local à certaines parties des régions de Lougansk et de Donetsk, à la condition que des élections transparentes soient organisées conformément à la législation ukrainienne. Les 19 et 20 mars, le Conseil européen a décidé de maintenir les sanctions de l’Union européenne contre la Russie jusqu’à la mise en œuvre complète des Accords de Minsk. Je propose que cette décision serve de référence à notre Assemblée lorsqu’elle envisagera d’assouplir notre position concernant les droits de vote de la délégation russe.

Parallèlement, le gouvernement ukrainien devrait renforcer ses efforts pour débarrasser le pays de la corruption endémique qui sévit encore partout, malheureusement, dans la société ukrainienne. Soulignons cependant que cela ne saurait fournir aux Russes une excuse de nature à justifier leur agression. De nombreux parlementaires l’ont rappelé dans cette enceinte : l’intégrité territoriale et l’unité d’un pays doivent être pleinement respectées. Il s’agit là d’un principe fondamental qui doit prévaloir dans toute évaluation de la situation actuelle en Ukraine, quelles que soient les autres variables.

M. JÓNASSON (Islande)* – Nous sommes tous préoccupés par la situation en Ukraine, où une guerre sévit. Plus de un million de personnes ont été déplacées, et des milliers, dans l’est du pays, sont privées de l’essentiel, notamment de services de santé et de versements sociaux, toutes choses évidemment essentielles d’un point de vue humanitaire. Cela n’est-il dû qu’à des raisons logistiques ou techniques ou bien des facteurs politiques interviennent-ils ?

Nous sommes aussi très préoccupés, il faut le dire, par le procès intenté au Parti communiste. Interdisez des idéologies, des idées, des symboles, et tous ceux qui partagent ces idées et arborent ces symboles devront comparaître devant les juridictions. Certes, des crimes ont été perpétrés, dans le passé, c’est vrai, au nom des idéologies, au nom des religions, mais nous n’allons pas pour autant interdire le christianisme à cause de l’inquisition espagnole !

Nous sommes préoccupés par l’évolution de la situation en Ukraine, mais nous avons tout autant de raisons d’être préoccupés par celle du Conseil de l’Europe, notamment de l’Assemblée parlementaire. J’ai parfois l’impression que nous devenons une espèce de mini-OTAN, de mini-Union européenne. Je le dis, au risque d’être accusé de me faire l’écho du Kremlin.

Dans son introduction, M. Xuclà a parlé de la décentralisation. Il a dit que c’était essentiel pour respecter l’Accord de Minsk. Je veux précisément appeler votre attention sur le fait que nous, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, avons précisément voté contre l’idée d’un Etat fédéral, considérant que la question ne relevait pas de notre compétence et qu’elle devait être réglée ailleurs que dans cet hémicycle.

N’oublions pas, tout de même, que le Conseil de l’Europe représente les peuples, par opposition aux gouvernements. Nous sommes là pour défendre, justement, les minorités face aux Etats, et il ne faut pas exclure les milliers de Russes qui pourraient saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut respecter l’avis des citoyens qui viennent de pays auparavant sous le joug communiste, mais il ne faut pas, je crois, réinventer la guerre froide sous une autre forme.

M. CHISU (Canada, observateur)* – J’aimerais vous remercier, Madame la Présidente, de me donner l’occasion de parler de la situation politique et de sécurité en Ukraine et de ses implications.

En 2014, l’économie de l’Ukraine a été réduite d’à peu près 10 %. Sa devise a perdu la moitié de sa valeur contre le dollar, et l’inflation approche les 25 %. En réponse à cette situation économique difficile, l’Ukraine a fait des efforts considérables pour instaurer une économie de marché plus transparente et plus ouverte. Le Canada soutient l’Ukraine dans la stabilisation de son économie et dans la mise en œuvre de réformes systématiques pour rétablir la croissance. Malheureusement, l’agression de la Russie en Ukraine de l’Est et le conflit qui a suivi sont autant d’obstacles supplémentaires. J’aimerais souligner que les mesures déjà prises par le Gouvernement ukrainien sont des développements positifs susceptibles de déboucher sur de vrais changements en Ukraine. Une mise en œuvre rapide de ces réformes est cruciale et le Canada continuera à soutenir l’Ukraine dans ses efforts.

Si l’Accord de Minsk conclu au mois de février dernier représente un premier pas vers la paix, il faudra néanmoins rester vigilant et juger la Russie à l’aune de ses actions et non des mots. Il est important de maintenir la pression sur la Russie pour résoudre la situation en Ukraine. Nous croirons que la Russie travaille et œuvre pour la paix lorsqu’il n’y aura plus de troupes russes en Ukraine ou à la frontière, lorsque la Russie arrêtera de soutenir les insurgés et lorsque l’Ukraine aura le contrôle de ses frontières.

J’aimerais citer quelques exemples de l’engagement de mon pays pour soutenir l’Ukraine face à l’agression, pour soutenir, aussi, les efforts faits pour construire un pays prospère, stable et démocratique. Nous avons engagé plus de 400 millions de dollars en assistance à l’Ukraine pour la stabilisation économique et les réformes, annoncé plus de 139 millions de dollars pour le développement bilatéral de projets permettant de renforcer la démocratie, l’Etat de droit, la croissance économique durable et de soutenir les réformes nécessaires pour assurer stabilité et prospérité à long terme. Nous avons soutenu, en termes financiers et en moyens humains, les missions de l’OSCE. Nous avons fourni des équipements militaires non létaux au Gouvernement ukrainien pour répondre à des besoins critiques. Nous avons pris des sanctions contre plus de 270 personnes et entités russes et ukrainiennes. Le Premier ministre a engagé un certain nombre de militaires pour permettre de former l’armée ukrainienne.

Il est important d’insister sur le fait que le Canada ne reconnaît pas les élections de novembre dans les Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. Nous considérons que seules des autorités approuvées par les autorités ukrainiennes peuvent être considérées légitimes. À cet égard, le point de vue de la Russie sur ces élections est un autre obstacle à la mise en œuvre des Accords de Minsk. Le Canada souhaite que la crise en Ukraine de l’est trouve une solution politique, et nous sommes prêts à entamer d’autres actions, de manière coordonnée avec nos alliés et partenaires, afin que la Russie n’échappe pas à sa responsabilité.

Je vous assure que le Canada continuera à soutenir l’Ukraine dans ses efforts pour la paix et la prospérité.

M. KORODI (Roumanie)* – Il s’est passé un an, chers collègues, depuis l’annexion de la Crimée. Depuis lors, la situation des droits de l’homme dans la péninsule de Crimée ne cesse d’empirer.

Je suis convaincu que la seule solution durable réside dans le renforcement de l’Etat de droit et des mécanismes démocratiques permettant le dialogue politique et le dialogue entre les communautés ethniques. C’est ainsi que nous parviendrons à une solution durable. La seule réponse possible est de nature politique. C’est donc à un véritable dialogue entre le gouvernement et l’opposition, d’une part, et entre le gouvernement et les différentes régions, d’autre part, qu’il faut parvenir. Encore faut-il que les institutions et les mécanismes démocratiques deviennent plus viables, encore faut-il que les gens aient confiance en l’Etat de droit. C’est là que le dialogue politique sera efficace. Les autorités doivent veiller à ce que l’on entende la voix de la rue, la voix du peuple, et je tiens à rappeler quel rôle la diplomatie parlementaire peut jouer lorsqu’il s’agit d’offrir expertise et assistance pour la mise en place d’un dialogue politique.

Nous devons veiller à ce qu’aucun pays ne soit contraint, sur le plan économique ou un autre plan, de signer des accords internationaux. Aucun pays ne peut être forcé de prendre des décisions contre la volonté de son peuple. C’est au peuple ukrainien qu’il appartient de résoudre les difficultés intérieures du pays, c’est à lui qu’il appartient de choisir sa constitution, de choisir quels accords internationaux doivent être signés. L’Ukraine est un pays européen sur le plan géographique et sur le plan politique, et nous devons l’aider à s’engager sur la voie européenne de manière efficace, en ne nous contentant pas de simples déclarations, mais il revient à l’Ukraine et à son peuple, je le répète, de choisir sur quelle voie politique et économique le pays doit s’engager.

Mais l’Europe et l’Union européenne ont parallèlement la responsabilité d’offrir un soutien approprié aux pays contraints de relever des défis économiques considérables et dont les populations reflètent une grande diversité culturelle.

Je demande le plein respect et la mise en œuvre de l’Accord de Minsk du 12 février 2015 qui prévoyait un cessez-le-feu, un échange de prisonniers et le retrait des armements lourds.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit maintenir sa position et continuer à demander la libération de la pilote ukrainienne Nadiia Savchenko, détenue de manière illicite.

La protection des populations civiles doit rester la priorité des belligérants.

M. COZMANCIUC (Roumanie)* – L’Europe fait l’expérience de l’agression militaire continue et inacceptable de l’Ukraine par la Russie. Je suis préoccupé par la situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine ainsi qu’en Crimée.

Les derniers rapports des Nations Unies, du Conseil de l'Europe, de l’OSCE ou d’autres organisations internationales montrent que la situation sur le terrain est loin d’être une solution au problème immédiat que connaissent les personnes déplacées internes et les réfugiés ukrainiens. Il nous faut encourager toutes les parties pour, ensemble, trouver une solution fondée sur les principes de l’Etat de droit et des droits de l’homme, tout en respectant l’unité et la souveraineté de l’Ukraine.

Nous devons également appeler instamment toutes les parties à ne pas utiliser la violence, à œuvrer dans le sens d’une désescalade et en faveur d’un dialogue national inclusif pour trouver une solution politique et diplomatique. Toute détérioration de la situation aurait des répercussions extrêmement graves pour la population ukrainienne, pour la région et au-delà.

La protection de la vie des civils devrait être la première des priorités de tous les belligérants. Les violations incessantes des droits humains sont l’une des raisons principales qui explique la situation en Ukraine ces derniers mois.

Pendant de nombreuses années, nos préoccupations ont porté sur l’Etat de droit, le manque de responsabilité et donc l’impunité. Il faut absolument que toutes les mesures prises respectent l’Etat de droit et les droits de l’homme.

J’appelle tous les Ukrainiens à construire l’avenir de leur pays, à participer au développement économique et social de leur pays et à assurer sa paix et sa sécurité sur la base du respect des droits humains.

M. KVATCHANTIRADZE (Géorgie)* – Nous sommes tous préoccupés par la situation en Ukraine et tous favorables à l’intégrité territoriale et à la souveraineté. En Géorgie, nous considérons l’Ukraine comme un partenaire, un ami et nous souhaitons coopérer davantage dans les domaines qui vont dans le sens de notre intérêt commun.

Nous attachons une grande importance à des relations proches entre les deux pays qui sont confrontés à des défis communs. Depuis le début de la crise, un certain nombre de mesures ont été prises pour aider l’Ukraine dans le domaine humanitaire, de nombreuses déclarations ont été faites. Notamment, la résolution des Nations Unies portant sur la souveraineté et l’intégrité territoriale a été adoptée. Nous allons, bien sûr, continuer à soutenir l’Ukraine, partout où nous le pouvons.

Nous tous, ici, chers collègues, condamnons l’annexion et l’occupation de la Crimée ainsi que l’agression militaire dans la partie orientale du pays. Nous sommes tous là pour demander une solution politique au conflit actuel, une solution fondée sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales ainsi que sur le respect des frontières actuelles.

Le cessez-le-feu doit, par ailleurs, être respecté. La Géorgie a fait une dure expérience – et je remercie en particulier mes amis de la Suède, de la Roumanie et de l’Ukraine qui ont évoqué le sujet. Il est essentiel de renforcer la pression exercée au plan international sur la Fédération de Russie pour que cette dernière respecte ce cessez-le-feu.

Nous soutenons les progrès envisagés pour l’Ukraine et sommes favorables à la réforme en cours.

Madame la Présidente, permettez-moi une petite suggestion : faites de votre mieux pour ne pas répéter les erreurs commises en Géorgie, car elles sont parfois impardonnables.

Je lance enfin un appel à Vladimir Poutine pour qu’il libère Nadiia Savchenko ainsi que tous les autres détenus politiques. Il est également nécessaire que, ensemble, nous lancions à un appel à la société russe afin qu’elle défende la libération de Nadiia Savchenko.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je suis entièrement d’accord avec l’intervention de mon collègue au Parlement géorgien, M. Cozmanciuc. Je précise toutefois que telle n’est pas la position officielle de la Géorgie qui ne s’est pas associée aux sanctions à l’encontre de la Russie, elle n’a pas même donné son aval. Le chef du gouvernement s’est exprimé contre la fourniture d’armes à l’Ukraine. C’était là une petite note de bas de page.

La plupart des personnes ici présentes sont, je pense, d’accord pour dire que les événements survenus en 2008 n’étaient pas un avatar, une anomalie de l’histoire, mais faisaient bien partie d’un plan réfléchi, d’une volonté révisionniste de M. Poutine de faire évoluer la situation née de la fin de la guerre froide et de lui donner une base idéologique.

La plupart d’entre nous connaissent les enjeux. Si l’Ukraine échoue, si Vladimir Poutine conserve les régions annexées, ce seront autant de prémices à d’autres difficultés ailleurs et à autant de morts annoncées. Je rappelle ces mots de Winston Churchill : « Un pacifiste, c’est celui qui nourrit un crocodile en espérant qu’il sera le dernier à être mangé. »

Il faut contrecarrer la fausse évidence qui circule en Russie selon laquelle la démocratie n’est pas la voie à suivre. La perspective d’une Russie normalisée doit se réaliser, elle peut être à notre portée. Conservons-la à l’esprit.

Pour toutes ces raisons, il nous appartient de soutenir l’Ukraine comme nous devons soutenir dans toute la mesure du possible les réformes entreprises en période de guerre. C’est un effort courageux. Beaucoup en dépend. Nous, Géorgiens, mon parti en particulier, faisons tout ce qui en notre pouvoir à un niveau international pour soutenir l’Ukraine. D’anciens représentants géorgiens du parti que je représente travaillent dans les ministères ukrainiens pour partager leur expérience et œuvrer dans le sens d’un objectif commun, qui est celui de la paix et de la stabilité.

LA PRÉSIDENTE* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs afin que nous disposions de temps pour poser des questions au Président du Comité des Ministres, auquel je souhaite la bienvenue.

Je vous rappelle qu’à l'issue du débat d’actualité, l’Assemblée n’est pas appelée à voter. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit renvoyée à la commission compétente pour rapport.

Je remercie M. Xuclà qui a introduit le débat et tous ceux qui y ont participé.

2. Communication du Comité des Ministres

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue dans notre hémicycle. Hier, vous accompagniez Sa Majesté le roi des Belges et Sa Majesté la reine, aujourd’hui, vous venez en tant que Président du Comité des Ministres ; soyez le bienvenu.

Le temps nous est compté, je ne vais pas donc pas faire une longue introduction, mais vous céder la parole dès à présent.

M. REYNDERS, ministre des Affaires étrangères et européennes de la Belgique, Président du Comité des Ministres – Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je me réjouis de continuer aujourd’hui le dialogue que nous avons entamé dès le début de la Présidence, avec vous, avec le Bureau lors de sa visite à Bruxelles, début novembre et avec l’Assemblée entière, ici, au mois de janvier.

Je vous remercie de votre compréhension pour mon absence ce lundi. Une réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et des ministres de l’Intérieur de l’Union européenne a été convoquée d’urgence, suite aux naufrages ayant fait des centaines de morts en Méditerranée ce week-end. Ma présence était donc requise à Luxembourg où l’Union européenne a défini une série de mesures supplémentaires pour lutter contre ce phénomène. La crise aiguë en Méditerranée constitue avant tout un drame humain, alors que des individus en quête d’une amélioration de leurs conditions de vie se retrouvent victimes de trafiquants sans scrupules. Elle constitue un défi pour les pays d’origine, pour les pays d’accueil, mais aussi pour les organisations européennes, y compris le Conseil de l’Europe. Bien que le Conseil n’ait ni la vocation ni le mandat d’intervenir directement pour sauver les naufragés, les réfugiés, dès qu’ils se trouvent sur le territoire européen, doivent pouvoir bénéficier des droits de l’homme définis par la Convention. Le Conseil de l’Europe est par ailleurs engagé depuis longtemps pour lutter contre les discriminations et veiller particulièrement à la situation des plus vulnérables. Que le berceau de notre civilisation, de notre démocratie devienne le cimetière de celles et de ceux qui aspirent à en faire partie est totalement contraire à notre vision et à nos valeurs.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, à un mois de la conclusion de la Présidence belge du Comité des Ministres, il est prématuré d’en établir un bilan. La session ministérielle du 19 mai à Bruxelles sera le moment le plus opportun pour déterminer de quelle façon nous avons réussi à progresser vers les objectifs que nous nous étions fixés.

Dès à présent, nous pouvons toutefois confirmer qu’avec le Comité des Ministres, le Secrétaire Général et votre Assemblée, nous avons réussi à permettre au Conseil de mieux affronter les défis auxquels nous sommes confrontés.

Vous serez d’accord avec moi pour estimer que les défis sont nombreux et de taille. En effet, malgré certains développements encourageants, le cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine reste extrêmement fragile. La pleine mise en œuvre du paquet de mesures en soutien des Accords de Minsk, par toutes les parties impliquées, doit être accélérée et renforcée. La Présidence belge du Comité des Ministres, s’est concentrée de manière spécifique sur les actions à entreprendre, de manière coordonnée entre autres avec l’OSCE, dans le cadre de la crise ukrainienne. C’est ainsi que j’ai dès le début de notre présidence entamé des consultations à Kiev et à Moscou. J’ai entrepris de nouvelles consultations à Moscou le 9 avril dernier pendant lesquelles j’ai eu l’occasion de m’entretenir à nouveau avec mon homologue russe, Sergueï Lavrov. À cette occasion, j’ai pu relayer les attentes du Conseil de l’Europe, qui reste en effet un endroit de dialogue, particulièrement important en ces périodes de tension. Il fournit de plus, des instruments essentiels pour le renforcement des institutions démocratiques. Je souligne dans ce contexte en particulier le rôle d’accompagnement des Accords de Minsk que le Conseil, notamment la Commission de Venise, peut jouer, en particulier dans le cadre de la réforme de la constitution, de la décentralisation et de l’organisation d’élections locales.

Les instruments de monitoring des droits de l’homme du Conseil de l’Europe devraient par ailleurs jouer pleinement leur rôle en Crimée et dans le Donbass, mais aussi dans tous les autres territoires qui échappent au contrôle effectif des autorités nationales concernées, y compris dans d’autres régions, comme la Transnistrie, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud ou le Nagorny-Karabakh.

Je me rendrai en Arménie et en Azerbaïdjan la semaine prochaine. J’aurai à cœur de promouvoir la coopération entre le Conseil de l’Europe et chacun de ces pays, mais également de souligner ma préoccupation concernant les nombreux incidents le long de la ligne de contact, en rappelant que, là également, il n’y a pas de solution militaire au conflit, mais que le dialogue doit prévaloir, dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE.

D’autres problèmes, de nature différente, sont aussi préoccupants : bien que le pire de la crise économique semble progressivement derrière nous, le chômage, qui frappe surtout des jeunes, reste dans beaucoup de pays à un niveau inacceptable. Dans leur désillusion, certains de ces jeunes risquent de se tourner contre la construction européenne et vers des chantres extrémistes. Les manifestations croissantes d’intolérance et de discrimination ainsi que les atteintes de plus en plus fréquentes aux droits fondamentaux et les phénomènes de la radicalisation et de l’extrémisme violent menacent nos sociétés de l’intérieur comme de l’extérieur.

En tant que responsable politique d’un petit pays au cœur de l’Europe, j’ai, en ma capacité de Président du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, continué dans la ligne de la politique européenne de la Belgique. Premièrement, les principes de base de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit doivent guider toutes nos démarches. Ensuite, nos programmes et nos actions doivent être dirigés vers l’origine des problèmes et avoir comme moteur les valeurs qui unissent les Etats membres du Conseil de l’Europe. Enfin, les organisations internationales, qui ont été construites sur le continent européen après la Seconde Guerre mondiale, ont intérêt à se concentrer sur leurs spécificités, leur permettant de renforcer leurs plus-values. En parallèle, il faut activement renforcer les synergies entre ces différentes organisations. Ainsi que j’ai eu l’occasion de vous le faire savoir en janvier, je me suis investi sur cette question de manière concrète et opérationnelle. J’ai ainsi été présenté le travail du Comité des Ministres – et en particulier de la Présidence belge – à l’OSCE en mars dernier. J’y ai eu des entretiens très fructueux avec le Secrétaire général de l’OSCE et le Directeur du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme. J’ai l’intention de poursuivre mes efforts jusqu’à la date où je passerai le flambeau de la présidence du Comité des Ministres à mon collègue de Bosnie-Herzégovine. Je me suis entretenu à ce sujet avec mon homologue lors de la visite de travail que j’ai effectuée il y a deux semaines à Sarajevo.

Au vu de ces priorités claires, le programme de la présidence belge du Comité des Ministres a mis l’accent sur la poursuite de la réforme du Conseil de l’Europe et spécialement l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce cadre, la conférence à haut niveau, organisée par la Belgique en collaboration avec le Conseil de l’Europe, a adopté le 27 mars la « Déclaration de Bruxelles », par laquelle les Etats membres souscrivent à leur responsabilité partagée avec la Cour pour la mise en œuvre efficace de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette déclaration a souligné l’ampleur des défis auxquels la Cour fait face, tout en mettant l’accent sur le principe de subsidiarité et la responsabilité première des Etats, que ce soit à titre préventif, dans la mise en œuvre des arrêts ou dans le cadre de leur responsabilité collective au sein du Comité des Ministres.

La dimension sociale de l’Europe a été mise en exergue lors de la Conférence sur l’avenir de la protection des droits sociaux qui s’est tenue à Bruxelles les 12 et 13 février. Ses résultats feront partie intégrante du « Processus de Turin ». Dans ce contexte, la 12e Conférence des administrations électorales qui a eu lieu à Bruxelles fin mars s’est concentrée sur le rôle des administrations en vue de garantir la neutralité, l’impartialité et la transparence des élections. La 2e convention sur le travail des jeunes aura lieu du 27 au 30 avril.

Dans le même ordre d’idées, un autre objet d’attention de notre présidence est le suivi du rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe.

Plusieurs sujets transversaux ont fait l’objet d’actions concrètes, notamment la protection des personnes les plus vulnérables, en particulier les enfants et les personnes handicapées. La dimension culturelle de notre programme a également été riche et variée.

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, les attentats de Bruxelles, de Paris, de Copenhague ont fait de la prévention du radicalisme et de l’extrémisme l’une des principales priorités de notre présidence. Notre objectif est de définir concrètement la réponse que les valeurs fondamentales et les instruments du Conseil de l’Europe permettent d’apporter aux phénomènes de radicalisation et d’extrémisme qui peuvent mener au terrorisme. Le Secrétaire Général Jagland et moi-même nous sommes fixés pour objectif de clôturer la présidence belge, lors de la session ministérielle du 19 mai prochain, par une déclaration politique et un plan d’action. Le Comité des Ministres y travaille avec assiduité. Nous envisageons également d’adopter à la session ministérielle de Bruxelles un protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme, prévoyant la criminalisation du fait d’être recruté, de former au terrorisme ou de le financer.

Je l’ai déjà mentionné, la Présidence belge souhaite se concentrer sur les causes profondes de ces problèmes. L’aspect sécuritaire et juridique de la lutte contre le radicalisme est important, mais nous devons regarder au-delà et prendre en considération les défis à long terme pour favoriser la tolérance et l’inclusion, développer des outils d’éducation et lutter contre la radicalisation, notamment en prison. Les médias, classiques ou « sociaux », ont un rôle particulier à jouer dans ce domaine. De la même façon, la discrimination sur les lieux de travail et le racisme dans les loisirs doivent être combattues de la façon la plus vigoureuse et les initiatives favorisant le « vivre-ensemble » doivent être encouragées et multipliées.

Face à ces questions de long terme, le Conseil de l’Europe dispose d’outils cruciaux. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative d’organiser une conférence à haut niveau sous le titre « La tolérance est plus forte que la haine ». Des représentants de la société civile et du monde des affaires, du monde académique, des organisations internationales et, bien sûr, du monde politique participeront à la conférence organisée, en étroite collaboration avec le Conseil de l’Europe, à Bruxelles, le 8 mai, date symbolique pour l’Europe tout entière. Des jeunes des 47 pays membres du Conseil de l’Europe y ont été conviés et y seront associés de manière étroite. J’espère y accueillir de nombreux représentants de haut niveau venus de vos différentes capitales.

Madame la Présidente, chers collègues, Mesdames, Messieurs, nous avons pour valeurs communes la démocratie, les droits de l’homme, l’Etat de droit. Je tiens à y ajouter l’ouverture sur le monde et la tolérance qui font de la diversité un atout. C’est bien pour cette raison que la tolérance est plus forte que le terrorisme, qui trouve son origine dans la haine et le rejet de l’autre.

Je voudrais conclure en soulignant l’attachement de la Belgique aux valeurs qui nous réunissent au sein du Conseil de l’Europe. L’importance que la Belgique accorde aux institutions du Conseil a été soulignée une nouvelle fois par la visite du couple royal belge à Strasbourg hier et par l’intervention de Sa Majesté le roi des Belges. Hier, dans cet hémicycle, Sa Majesté a mis l’accent sur l’importance de protéger activement l’édifice de démocratie et d’Etat de droit que nous avons patiemment construit au cours des dernières décennies.

Je vous remercie de votre attention et je suis bien entendu prêt à répondre à vos questions.

LA PRÉSIDENTE – Merci, Monsieur le ministre, pour votre intervention, et merci pour votre engagement personnel. Nous connaissons vos talents de diplomate, mais vous pouvez aussi être intransigeant quand il s’agit de défendre nos valeurs. Soyez-en remercié de tout cœur.

Je donnerai d’abord la parole aux porte-parole des groupes politiques. Je rappelle que chaque membre a 30 secondes pour poser sa question.

M. CONDE (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Merci, Madame la Présidente, et merci, Monsieur le ministre. Soyez le bienvenu dans notre Assemblée parlementaire !

(Poursuivant en espagnol) Nous sommes tout à fait d’accord pour dire que l’un des grands problèmes auxquels l’Europe est aujourd’hui confrontée est le fait que plusieurs centaines de migrants meurent en traversant la Méditerranée. De nombreuses préoccupations se sont déjà exprimées. Mais quelles mesures pensez-vous pouvoir prendre à la suite du désastre survenu tout récemment ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je vous remercie de revenir sur le drame qui s’est déroulé il y a quelques jours en Méditerranée et, plus généralement, sur les phénomènes de migration. Dans cet hémicycle, les premières pensées ne peuvent qu’aller aux victimes et à leurs familles.

Nous avons pris plusieurs mesures au niveau de l’Union européenne ; je n’y reviens pas en détail. J’ai vu que les Nations Unies avaient également fait part d’un certain nombre de préoccupations, mais aussi de propositions.

Le Conseil de l’Europe a ici un double rôle à jouer. Il importe de favoriser la croissance économique dans les pays d’origine, ce qui implique également une démocratisation politique. Le Conseil peut y contribuer par sa politique à l’égard des régions voisines, mais aussi en s’efforçant de promouvoir la bonne gouvernance. Il faut veiller à ce que les obligations relatives aux droits de l’homme qui découlent de la Convention européenne des droits de l’homme soient respectées lorsque les réfugiés arrivent en Europe ou lorsqu’ils sont éloignés en vue du retour dans leur pays d’origine. Il existe de très nombreux instruments juridiques du Conseil de l’Europe pour agir en ces matières, à l’égard des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile. Nous devons partager équitablement en Europe la responsabilité de l’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile, mais être aussi très attentifs au respect des droits de l’homme dans ce cadre.

Je soulignerai pour conclure que les partenariats conclus, en matière de voisinage, avec la Jordanie, le Maroc et la Tunisie devraient nous donner des éléments complémentaires d’action. J’espère qu’il sera également possible d’agir dans d’autres territoires.

Mme KORUN (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Le nombre de morts en Méditerranée, depuis des années, n’est pas seulement une catastrophe humanitaire et politique, c’est aussi un scandale. Pourquoi les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne s’intéressent-ils si peu à la question de savoir pour quelles raisons il n’y a aucun moyen légal pour des personnes persécutées d’arriver en Europe si bien qu’elles ont besoin de passeurs ? Pourquoi les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne n’évoquent-ils pas l’établissement d’un corridor de sécurité de manière à permettre aux réfugiés de venir de façon sûre et légale en Europe et de façon à lutter contre les passeurs ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je suis prêt à passer d’une assemblée à l’autre et à répondre de ce que nous faisons au sein du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne…

Je souhaite rassurer Mme Korun : c’est au cours de chaque réunion du Conseil que les ministres des Affaires étrangères s’intéressent à cette situation. Reste qu’il faut cesser de croire que ce qui se passe en Méditerranée serait de la seule responsabilité des Européens – et je ne parle pas ici que des membres de l’Union européenne. Il y a en effet un vrai problème dans les pays d’origine des réfugiés, je viens de l’évoquer. Il faut par conséquent mettre fin à des conflits armés, faire respecter les droits de l’homme et améliorer la gouvernance dans ces pays.

Il faut également tenir compte, vous l’avez mentionné, d’un trafic organisé par des personnes sans scrupules. Je ne développerai pas les mesures que nous venons de prendre pour renforcer la lutte contre ces personnes, à l’image de ce que nous faisons pour lutter contre le terrorisme avec une détermination sans faille.

En ce qui concerne l’accueil des réfugiés, l’effort doit être partagé, celui fourni par certains Etats européens étant déjà particulièrement important. Il faut pouvoir accueillir des personnes qui ont réellement le droit de demander l’asile et qui sont « en nécessité », ce que nous faisons très régulièrement avec, en particulier, les personnes persécutées en Syrie. Le Conseil européen se réunira jeudi prochain pour demander à tous les Etats européens de s’efforcer d’accueillir des réfugiés en plus grand nombre.

Tel jour, la plupart de nos concitoyens, de nos médias, des politiques sont horrifiés par des actes de terrorisme et réclament qu’on restreigne l’accès au territoire et renforce les contrôles ; le lendemain, les mêmes sont horrifiés par un naufrage en Méditerranée et demandent qu’on accroisse l’aide et augmente les capacités d’accueil. À nous, responsables politiques, de faire en sorte que l’on puisse travailler sur les deux plans : sécuriser nos territoires et montrer que nous sommes capables d’accueillir les personnes en nécessité et qui souffrent dans leur propre pays parce qu’à cause des conflits qui y ont cours, elles subissent des violences et des discriminations inqualifiables.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole du Groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je vous remercie, Monsieur le ministre, de votre appel à libérer notre collègue Nadiia Savchenko. Vous vous êtes rendu à deux reprises à Moscou. Quels progrès ont été réalisés entre ces deux visites ? Les autorités russes ont-elles adopté une attitude différente lors de votre second voyage ? D’ici, nous constatons qu’elles restent sourdes à nos appels et nous demandent d’atténuer notre pression.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Les visites à Moscou ont un impact important, surtout lorsqu’on peut s’appuyer sur les débats, les résolutions, les demandes provenant du Conseil de l’Europe. Le fait de présider le Comité des Ministres m’a aidé sur deux plans.

En ce qui concerne Mme Savchenko, d’abord, nous n’avons certes pas pu obtenir sa libération mais un droit de visite pour différentes autorités et pour sa famille. En outre, mon homologue russe, Sergueï Lavrov, avec lequel l’échange a été très direct, m’a donné un certain nombre de précisions sur la situation de Nadiia Savchenko et en particulier sur son état de santé qui nous préoccupait beaucoup. Pour le reste, j’ai bien entendu réitéré notre demande de libération, sans succès pour l’instant.

Des progrès ont par ailleurs été obtenus au sujet d’ONG actives sur le territoire russe. Je citerai le cas de l’organisation « Mémorial », qui réunit des mères de militaires, alors placée sur la liste des agents étrangers et qui désormais peut agir. J’avais abordé la question au mois de décembre de l’année dernière et nous avons constaté, au début du mois d’avril, que des progrès avaient été réalisés pour cette ONG comme pour de nombreuses autres organisations.

M. WALTER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Il est préoccupant de constater que la communauté internationale semble considérer l’annexion de la Crimée par la Russie comme un fait accompli. Pouvez-vous assurer à l’Assemblée parlementaire que les droits de l’homme y sont respectés ? Tous ceux qui les auront violés devront répondre de leurs actes.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Notre démarche est très claire : il n’est pas possible de reconnaître l’annexion de la Crimée. Le Comité des Ministres s’est prononcé à plusieurs reprises sur le sujet. Nous demandons la reconnaissance de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine dans tous ses aspects. La Fédération de Russie doit bien entendu retirer ses troupes et éviter toute ingérence militaire.

L’annexion de la Crimée est considérée sans ambiguïté, j’y insiste, comme illégale et des démarches ont été entreprises pour y avoir accès, pour vérifier sur place la situation des droits de l’homme. La commission de Venise participe à un travail de réflexion sur les modifications constitutionnelles, et en particulier sur la décentralisation ; or il va de soi qu’il devra concerner l’ensemble du territoire ukrainien.

Sachez que lors de chaque visite bilatérale, à Kiev comme à Moscou, c’est le même discours qui est tenu.

Mme BLONDIN (France) – Je souhaite savoir où en sont les négociations entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et l’Union européenne concernant le projet d’accord sur l’adhésion de cette dernière à la Convention européenne des droits de l’homme. Quelles sont nos marges de manœuvre ? Quelles sont les éventuelles échéances ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Des décisions doivent, à un moment donné, pouvoir être prises sur le fondement d’une analyse juridique solide. La Cour de Justice s’étant exprimée sur le sujet, le traité de Lisbonne étant pour sa part très explicite, la Commission européenne est en train de préparer son analyse juridique. En attendant que ne s’expriment le Conseil européen ou certaines de ses formations, je rappellerai la volonté très claire de l’ensemble des membres de l’Union européenne d’une adhésion à la Convention – c’est le cas de la Belgique. Reste à savoir comment concilier les différents points de vue juridiques. Je ne puis pour l’heure vous donner de calendrier mais je ne manquerai pas d’interroger de nouveau la Commission sur le sujet.

LE PRÉSIDENT – M. Sobolev, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Les Européens n’ont pas à se protéger de personnes qui cherchent désespérément refuge quelque part. Dans ce drame, les seuls innocents, ce sont ceux qui meurent en mer. Les autres ont tous, sans exception aucune, une part de responsabilité. Un jour, nous, pays riches, devrons changer nos relations avec les pays pauvres.

À votre avis, que faudrait-il changer dans les politiques de coopération et d’aide au développement afin que nous ne revivions plus de tels drames ? Ne serait-il pas mieux, comme le suggérait ma collègue Mme Korun, d’instaurer des corridors humanitaires permettant d’accueillir les réfugiés plutôt que de les forcer à passer par des filières relevant du crime organisé ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Vous avez parlé de couloirs humanitaires. Ce n’est pas vraiment le lieu de parler des modalités permettant d’en instaurer. Pour prendre un seul exemple, et sans entrer dans le détail des discussions concernant de tels dispositifs, si nous voulions en créer en Syrie, il faudrait que le Conseil de sécurité des Nations Unies puisse se prononcer sur le sujet. Or jusqu’à présent, à ma connaissance, des vetos ont été posés régulièrement à l’encontre de cette démarche.

En ce qui concerne la coopération, il y a, là encore, d’autres lieux pour parler des efforts de coopération bilatérale que font les différents Etats, ou même de ceux que déploie l’Union européenne, laquelle est le premier contributeur au niveau mondial en matière de coopération. En tout état de cause, les efforts doivent porter sur le développement économique et l’éducation, mais aussi – je l’ai dit tout à l’heure – sur la gouvernance, la démocratie, l’organisation des Etats et le renforcement des institutions démocratiques.

Je tiens à rappeler que, s’agissant de coopération, ce que fait le Conseil de l’Europe n’est pas négligeable. Les accords conclus avec le Maroc, la Tunisie et la Jordanie vont dans ce sens. Il y a peut-être là une piste à suivre pour étendre la capacité d’influence du Conseil de l’Europe en direction des pays partenaires situés dans le voisinage, de manière à ce que les recommandations de l’Organisation soient mises en œuvre. Voilà ce que je peux dire sur ce sujet ; le reste dépend d’autres organisations mais, comme je souhaite une bonne collaboration entre les différentes institutions, ce thème sera de nouveau évoqué, que ce soit lors des réunions de l’Assemblée générale des Nations Unies, ou à l’occasion des réunions mensuelles qui ont lieu au niveau de l’Union européenne.

Mme OEHRI (Liechtenstein)* – On ne cesse de critiquer les conditions de détention dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. L’arrêt rendu dans l’affaire Vasilescu c. Belgique, par exemple, dénonce les conditions de détention dans votre pays, alors même que ce n’est pas là, j’en suis sûre, qu’elles sont les plus mauvaises. Que fait donc le Comité des Ministres pour améliorer les conditions de détention dans les pays membres, surtout ceux qui sont en crise ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – D’une façon générale, s’agissant de l’intervention du Comité des Ministres, il existe un programme d’aide aux pays en crise destiné à soutenir les actions visant à améliorer les conditions de détention. En outre, dans un certain nombre de cas, le Comité des Ministres tente d’intervenir directement pour éviter la mise en détention de certaines personnes ou pour qu’elle ne se prolonge pas. Nous avons formellement présenté des demandes de libération, comme je l’ai rappelé tout à l’heure en réponse à une question.

Au-delà, il est très important pour le Conseil de l’Europe et, dès lors, pour le Comité des Ministres, qu’un accès systématique soit autorisé pour contrôler les conditions dans lesquelles les prisonniers sont détenus. Or, aujourd’hui encore, dans certaines régions de pays membres du Conseil de l’Europe, il est difficile de contrôler la situation des droits de l’homme, en particulier s’agissant des conditions de détention.

Puisque vous avez évoqué la situation de mon propre pays, la Belgique, je dois vous dire que nous sommes très attentifs aux conditions de détention. En Belgique comme ailleurs, deux pistes sont explorées : la manière de limiter le nombre de personnes détenues – chez nous, le problème réside surtout dans le nombre important de mises en détention préventive – et la manière d’améliorer les conditions de détention, ce qui passe essentiellement par une transformation des lieux de détention existants ou la création de nouveaux locaux offrant de meilleures conditions d’accueil aux détenus. Le Comité des Ministres essaie de promouvoir ces idées auprès de tous les pays membres du Conseil de l’Europe.

Mme ERKAL KARA (Turquie) – Monsieur le Président du Comité des Ministres, nous sommes tous préoccupés par le récent retrait de la licence accordée à la chaîne de télévision ATR, destinée aux Tatars de Crimée. M. Jagland a souligné que la pluralité de l’offre des médias et la diversité des contenus sont tout aussi importantes en Crimée que partout ailleurs en Europe. Quelles mesures concrètes avez-vous mises en œuvre en votre qualité de Président du Comité des Ministres afin de faire respecter la liberté des médias en Europe, laquelle est garantie par la Convention européenne des droits de l’homme ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je partage tout à fait l’analyse du Secrétaire Général et j’approuve ses démarches en ce qui concerne les mesures restrictives prises en Crimée à l’encontre de la chaîne de télévision ATR. À plusieurs reprises, y compris dans les dernières décisions prises la semaine dernière au sujet de la situation en Ukraine, le Comité des Ministres a évoqué la situation des droits de l’homme pour tous ceux qui vivent en Crimée, en particulier les Tatars, et rappelé que la diversité des médias, laquelle participe de la liberté d’expression, doit être respectée.

Le Comité des Ministres a notamment invité le Secrétaire Général à mener des consultations politiques avec la Fédération de Russie et l’Ukraine afin que toutes les instances pertinentes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme puissent mener à bien, sans entrave, leurs activités de suivi. Mes propres démarches, dans le cadre de contacts bilatéraux, ont visé aux mêmes fins. Comme je le disais à propos des conditions de détention, l’accès, sur le terrain, pour contrôler la situation, est évidemment un élément important. Au-delà, vous savez que la liberté d’expression, qui inclut la liberté d’information, est garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est une règle qui ne souffre aucune exception en dehors de celles qui sont visées expressément et, en tout état de cause, rien ne peut justifier des discriminations comme celles que l’on observe aujourd’hui dans certaines régions. Il faut également rester dans le cadre strict défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, je profite de ma présence dans cet hémicycle pour inviter une nouvelle fois tous les Etats membres à respecter la Convention, notamment son article 10, et la jurisprudence qui y est attachée. Cela vaut en particulier pour la liberté des médias en Crimée.

M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* – L’Azerbaïdjan fait aujourd’hui face aux besoins sociaux de plus de un million de réfugiés et de déplacés. Qui peut être tenu responsable des violations des droits de ces réfugiés ? Quelles mesures peuvent être prises afin de trouver une solution au Haut-Karabakh ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Comme je l’ai dit tout à l’heure dans mon intervention, je me rendrai la semaine prochaine en Arménie et en Azerbaïdjan. Comme l’ensemble des membres de cette Assemblée, je suis particulièrement préoccupé par les incidents qui continuent de se produire le long de la ligne de conflit. La solution, je tiens à le rappeler, sera politique et non militaire ; elle passe par le Groupe de Minsk et la capacité d’organiser des médiations – l’OSCE prime évidemment sur le Conseil de l’Europe en la matière.

En ce qui concerne les réfugiés, la première des préoccupations est l’accès ; il faut pouvoir contrôler leur situation sur le terrain. J’invite donc de nouveau toutes les autorités, qu’elles exercent sur ces territoires une responsabilité de droit ou de fait, à donner accès aux zones où se trouvent les réfugiés, afin de nous permettre de constater la situation exacte en matière de droits de l’homme. Au-delà, toute une série d’organisations, européennes ou non européennes, peuvent venir en aide et accentuer l’effort mais, j’en conviens, cela dépasse le cadre de notre débat sur le rôle du Conseil de l’Europe. Quoi qu’il en soit, j’évoquerai une nouvelle fois, la semaine prochaine, la question spécifique des réfugiés lors de ma visite en Arménie et en Azerbaïdjan.

M. MIGNON (France) – Monsieur le Président du Comité des Ministres, le dialogue entre les pays du Nord et du Sud est de plus en plus indispensable. Le Conseil de l’Europe mène, depuis plusieurs années, une politique de voisinage intelligente et ambitieuse, notamment par l’intermédiaire du partenariat pour la démocratie. Nous disposons également d’un outil tout à fait remarquable : le Centre Nord-Sud. J’aimerais que vous nous rassuriez sur son avenir.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je vous avoue que, comme pour ce qui est d’autres instruments du Conseil de l’Europe, je n’ai pris connaissance qu’assez récemment du développement de ce Centre. Je suis donc heureux que vous apportiez un coup de projecteur sur le Centre Nord-Sud, dont une nouvelle ligne d’action devrait être mise en œuvre d’ici à la fin 2015 afin de donner à davantage de membres l’occasion d’y adhérer.

Le Comité des Ministres a récemment pris note d’un rapport intérimaire portant sur la mise en œuvre de cette nouvelle ligne d’action.

Suite à l’adhésion de la Tunisie, deux nouveaux retraits sont devenus effectifs en 2015, ceux de la Slovénie et de l’Italie. Le Centre Nord-Sud compte désormais seize Etats parties. Un rapport d’évaluation indépendant, qui a été demandé par le Comité des Ministres, devrait nous être présenté d’ici le mois de juin. Le Comité des Ministres en tirera les conclusions dans les meilleurs délais, à la lumière de toutes les informations pertinentes qui nous auront été transmises.

Mais la ligne d’action est claire et je vous invite, comme d’autres, à militer pour convaincre les Etats membres à participer.

M. LE BORGN’ (France) – Monsieur le Président, vous nous avez indiqué que vous prépariez un déplacement en Azerbaïdjan la semaine prochaine. Lorsque vous rencontrerez les autorités de ce pays, quel message leur porterez-vous quant à la situation des défenseurs des droits de l’homme dans ce pays dont il faut regretter qu’ils soient tous en prison, en exil ou l’hôpital, notamment depuis la fin de la présidence azerbaïdjanaise ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de nos entretiens bilatéraux, je ne qualifierai pas le lien qui peut être établi entre le fait d’être reçu dans un lieu symbolisant et actif en matière de droits de l’homme et les arrestations qui peuvent intervenir par la suite. Je peux toutefois vous affirmer que cette situation sera au cœur de tous les entretiens et les démarches que j’entreprendrai lors de ma visite prochaine.

Je serai présent en Azerbaïdjan en qualité de président du Comité des Ministres. Or ce dernier a exprimé, à plusieurs reprises, non seulement sa préoccupation, mais sa demande expresse de voir des libérations intervenir et, parfois, des conditions de détention s’améliorer.

Il est évident que cette démarche sera au cœur de ma visite de la semaine prochaine.

Mon impression, mais il s’agit sans doute d’une vision à long terme qui concernera les prochaines présidences, est que présider le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe peut être l’occasion de prendre une orientation très favorable à la défense de ceux qui, tous les jours, se battent pour promouvoir les droits de l’homme. L’évaluation n’est peut-être pas celle-là au sortir de chacune des présidences. J’espère que ce sera le cas au sortir de la présidence belge.

Mme L’OVOCHKINA (Ukraine)* – Au cours de la dernière année, le Comité des Ministres mais aussi l’Assemblée parlementaire ont adopté des décisions concernant l’Ukraine, demandant notamment à la Fédération de Russie de se retirer de Crimée et de libérer les prisonniers politiques. De même, la Cour, en application de l’article 39 du Règlement, a invité le Gouvernement russe à respecter les droits de M. Hayser Dzhemilov.

La Fédération de Russie ne s’est pas engagée dans cette voie.

Ma question est donc la suivante : quel niveau de pression politique le Comité des Ministres a-t-il exercé ou compte-t-il exercer pour inciter la Russie à respecter ses engagements ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je vous confirme que tous les éléments que vous venez de rappeler, et qui font partie des prises de position du Comité des Ministres, se trouvent systématiquement rappelés aux autorités de la Fédération de Russie lors de tout contact que nous avons avec elle.

Les pressions exercées sont de différents ordres. Nous engageons régulièrement des démarches politiques et diplomatiques, mais d’autres instances sont allées bien plus loin. Je pense là notamment aux démarches de sanction organisées dans le cadre de l’Union européenne.

Je précise qu’à l’occasion de notre présidence du Comité des Ministres, nous poursuivrons la démarche pour faire en sorte que des réformes puissent intervenir et soient mises en œuvre à l’intérieur de l’Ukraine et sur l’ensemble de son territoire, à l’ouest comme à l’est ou encore en Crimée. En la matière, le Conseil de l’Europe a aussi un rôle à jouer.

Nous jouons donc notre rôle à la fois à l’égard de la Fédération de Russie, mais aussi à l’égard des autorités de Kiev afin qu’un processus de réforme soit réellement mis en œuvre. A cet égard, je suis heureux que des représentants du Conseil de l’Europe aient pu être intégrés dans les équipes en charge de la réforme constitutionnelle qui se prépare.

Mais je vous rassure, lorsqu’une rencontre a lieu avec la Fédération de Russie, tout ce qui a été dit et rappelé par le Comité des Ministres est régulièrement remis sur la table. C’est le cas lors de tous les contacts, que ce soit au Comité des Ministres ou à l’intérieur d’autres organisations internationales.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Au mois de mai, sous l’égide du Comité des Ministres, se tiendra à Bruxelles la réunion annuelle des ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres. Cette réunion est un grand événement politique et diplomatique.

Vous serez d’accord, Monsieur le Président du Comité des Ministres, pour dire que L’Europe traverse actuellement une terrible crise, tout simplement due au fait que l’un de ces 47 Etats membres viole tous les principes du Conseil de l’Europe. Que penseriez-vous d’inscrire la situation de l’Ukraine à l’ordre du jour de cette prochaine réunion du Comité des Ministres ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – J’apporterai trois éléments de réponse.

Premièrement, lors de cette session ministérielle qui se tiendra le 19 mai à Bruxelles, le thème central portera sur le radicalisme, l’extrémisme et le terrorisme, puisque nous avons prévu avec le Secrétaire Général d’aller, si possible, vers une déclaration politique et un plan d’action en la matière, auxquels s’ajoutera un protocole additionnel. Je l’ai déjà dit, je n’y reviens donc pas.

Deuxièmement, l’Ukraine, on ne l’inscrit pas nécessairement à l’ordre du jour mais, souvent, elle s’y invite. Nous verrons donc, d’ici cette session ministérielle, comment organiser les débats et s’ils devaient concerner l’Ukraine, nous nous interrogerions sur le rôle que le Conseil de l’Europe peut jouer dans la mise en œuvre des Accords de Minsk, qui en est un élément déterminant. Je ne manquerai pas d’évoquer ce sujet avec l’ensemble de nos partenaires, dont les partenaires russes puisque, vous le savez, au sein du Comité des Ministres, nous avons encore la capacité de discuter et de négocier avec l’ensemble du Conseil de l’Europe, en ceux compris la Fédération de Russie.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Monsieur le Président du Comité des Ministres, vous avez déjà répondu à la question que je voulais vous poser et qui concernait l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Je prends donc note de votre réponse et de l’énergie tout à fait positive que vous déployez pour appuyer le processus de mise en œuvre de la Convention européenne, à savoir la Conférence de Bruxelles, la déclaration et le plan d’action sur lesquels j’ai achevé de rédiger il y a deux jours à peine un article pour la Revue juridique roumaine.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES – Je lirai avec un grand intérêt cette publication, le même intérêt avec lequel j’ai écouté les interventions développées autour de la table du Comité des Ministres. Le travail réalisé à Bruxelles, que nous avons évoqué hier avec le Président de la Cour européenne des droits de l’homme, peut permettre de poursuivre une activité de long terme, améliorant la mise en œuvre des décisions de la Cour.

Je suis ravi que l’on puisse franchir de nouvelles étapes. La publication d’articles aidera certainement aussi à convaincre.

LA PRÉSIDENTE – Je vous remercie, Monsieur le Président, pour les réponses que vous avez accepté de nous apporter.

Je tiens également à vous remercier pour tous les efforts que vous déployez dans le cadre de votre Présidence, face à des situations extrêmement délicates, car les défis sont immenses. Ce n’est qu’ensemble et par le dialogue que nous réussirons à trouver des solutions.

En tout cas, je vous souhaite bonne chance dans la poursuite de votre Présidence, difficile et délicate.

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 16 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 10.

SOMMAIRE

1. La situation politique et de sécurité en Ukraine et ses implications (débat d’actualité)

Orateurs : MM. Mignon, Xuclà, Lord Anderson, Mmes Zelienková, L’Ovochkina, M. Kox, Mme Durrieu, M. Németh, Lord Tomlinson, MM. Sheridan, Ariev, Mme Lundgren, M. Golub, Lord Balfe, MM. Logvynskyi, Bereza, Zingeris, Rouquet, Mmes Sotnyk, Ionova, Kanelli, MM. Tilson, Pozzo di Borgo, Honcharenko, Corlăţean, Divina, Fournier, Reimann, Sobolev, Mme Schou, MM. Vovk, d’Arcy, Jónasson, Chisu, Korodi, Cozmanciuc, Kvatchantiradze, Kandelaki.

2. Communication du Comité des Ministres

M. Reynders, ministre des Affaires étrangères et européennes de la Belgique, Président du Comité des Ministres

Questions : M. Conde, Mmes Korun, Taktakishvili, M. Walter, Mme Blondin, M. Diaz Tejera, Mmes Oehri, Erkal Kara, MM. Rzayev, Mignon, Le Borgn’, Mmes L’Ovochkina, Sotnyk, M. Corlăţean.

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU*

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Ben-Oni ARDELEAN

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS/Liana Kanelli

David BAKRADZE*

Gérard BAPT/ Philippe Bies

Doris BARNETT/Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART/Dirk Van Der Maelen

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL/Yves Pozzo Di Borgo

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN

Beata BUBLEWICZ/Michał Stuligrosz

Gerold BÜCHEL

André BUGNON/Maximilian Reimann

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI/ Giorgi Kandelaki

Vannino CHITI

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON

Igor CORMAN

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY/Hendrik Daems

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON/Marie-Christine Dalloz

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Ivana Dobešová

Ute FINCKH-KRÄMER/Gabriela Heinrich

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO/Christian Barilaro

Martin FRONC*

Sir Roger GALE/Lord Richard Balfe

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO/Mariia Ionova

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI/Khalid Chaouki

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/Jacques Legendre

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON/Rait Maruste

Alfred HEER

Michael HENNRICH/Volkmar Vogel

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH/Marcel Oberweis

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV/Sevinj Fataliyeva

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Damien Abad

Gediminas JAKAVONIS/Dalia Kuodytė

Gordan JANDROKOVIĆ/Ingrid Antičević Marinović

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Hans Fredrik Grøvan

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA*

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV/Kancho Filipov

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA/ Killion Munyama

Zviad KVATCHANTIRADZE

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK/ Sergiy Vlasenko

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON/ Kerstin Lundgren

Pierre-Yves LE BORGN

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA/Jim D'arcy

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA/Imer Aliu

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY/Gábor Harangozó

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Jagna Marczułajtis-Walczak

Sandra OSBORNE*

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA*

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Frédéric Reiss

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI*

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT/Franz Josef Jung

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Theodora TZAKRI

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY

Stefaan VERCAMER/Petra De Sutter

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN*

Dimitris VITSAS*

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Vladyslav Golub

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Agustín CONDE

Andrzej JAWORSKI

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Don DAVIES

Percy DOWNE

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Michel RIVARD

David TILSON

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

El Mokhtar GHAMBOU

Omar HEJIRA

Mohamed YATIM