FR15CR16

AS (2015) CR 16

SESSION ORDINAIRE DE 2015

________________

(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la seizième séance

Jeudi 23 avril 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Limitation du temps de parole

Compte tenu du nombre d’orateurs inscrits pour les débats de ce matin, je propose de limiter le temps de parole à trois minutes, toute la matinée.

En l’absence d’objection, il en est ainsi décidé.

2. Projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe
pour la prévention du terrorisme (Débat selon la procédure d’urgence)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion, selon la procédure d’urgence, du rapport de Lord Tomlinson, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur le « Projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme » (Doc. 13763 et 13753).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 10 h 55. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 10 h 50, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Le thème dont nous débattons ce matin ne suscite visiblement pas beaucoup d’enthousiasme, mais peut-être y aura-t-il de nouveaux arrivants au fur et à mesure !

Il y a une semaine, le Comité des Ministres a invité l’Assemblée à lui transmettre un avis sur le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, en demandant que ce soit fait au cours de la partie de session du mois d’avril.

Lundi dernier, l’Assemblée a renvoyé cette demande à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, laquelle a adopté dès mardi un avis, sur la base de mon rapport. Je dois dire que ces délais très serrés ont demandé beaucoup de travail au secrétariat de la commission, que j’aimerais saluer non pas seulement pour sa rapidité, mais aussi pour sa bonne volonté, car le personnel a dû commencer à travailler très tôt le matin et poursuivre jusqu’à très tard dans la soirée.

Ce projet de protocole additionnel est une réponse au phénomène dit des « combattants terroristes étrangers », qui va croissant. En septembre 2014, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 2178, qui vise à prévenir et limiter ce phénomène et à obliger les Etats à incriminer certains comportements susceptibles d’être liés à la commission d’actes terroristes, tels que le fait de voyager à l’étranger dans le but de commettre un acte terroriste. Le projet de protocole additionnel vise à mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ; il a été élaboré en deux mois, peu après les attentats terroristes de Paris.

Comme vous vous en souvenez peut-être, j’étais déjà rapporteur sur « Les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme » au nom de notre commission, et c’est sur la base de mon rapport que l’Assemblée avait adopté la Résolution 1840 (2011), dans laquelle je soulignais que les Etats devaient se mettre en situation de prendre des mesures appropriées pour combattre le terrorisme, mais qu’il n’y avait pas besoin d’entrer dans une sorte de marchandage entre les droits de l’homme d’un côté et les mesures antiterroristes de l’autre : il existe, dans la législation sur les droits de l’homme, y compris dans la Convention européenne des droits de l’homme, des garanties suffisantes pour apporter des réponses souples aux situations d’urgence qui menacent nos sociétés.

J’aimerais également rappeler les mots de notre ancien collègue Dick Marty, qui a souligné à de nombreuses reprises que les terroristes doivent être traités comme des « criminels ordinaires » et que les efforts pour lutter contre la criminalité organisée doivent être renforcés pour éradiquer les sources, y compris financières, des comportements terroristes.

C’est la raison pour laquelle, Madame la Présidente, je ne vois aucune nécessité d’étendre le cadre juridique actuel pour combattre le terrorisme. Mais, à la lumière du rapport et des notes explicatives sur le projet de protocole additionnel, je considère que la convention comprend des sauvegardes suffisantes pour la prévention du terrorisme et que chacun des Etats parties pourra l’appliquer. Si ce protocole additionnel est adopté, il conviendra d’en faire une transposition dans les législations pénales nationales, si besoin est.

Lors du processus d’élaboration du protocole additionnel, certaines ONG internationales fort connues, telles qu’Amnesty International ou la Commission internationale de juristes, ont exprimé clairement leurs préoccupations face à l’impact négatif potentiel de ce texte sur le respect des droits de l’homme : liberté de circulation, présomption d’innocence, sécurité juridique et applicabilité du droit humanitaire international, qu’il est difficile d’appliquer dans le cas de combattants terroristes. Je suis pleinement conscient de leurs préoccupations.

C’est pourquoi dans mon rapport j’ai proposé des amendements qui visent à renforcer les garanties des droits de l’homme dans le projet de protocole additionnel – aux paragraphes 6.2 et 6.3 du projet d’avis préliminaire – et à éclaircir la relation entre ces aspects et la Convention n° 196 – au paragraphe 6.4 du projet d’avis préliminaire. En outre, je propose d’introduire une référence à l’avis de l’Assemblée dans le préambule – paragraphe 6.1 du projet d’avis préliminaire.

Ce rapport a été présenté au Comité mixte et, il l’est enfin, devant vous, afin d’obtenir votre soutien.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie infiniment, Lord Tomlinson, pour tout le travail que vous avez réalisé, avec l’aide du secrétariat de la commission, en un laps de temps très court.

La discussion générale est ouverte.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie tout d’abord Lord Tomlinson pour sa présentation. Nous avons bien entendu et lu dans le rapport que ces propositions sont formulées à la suite de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies de septembre dernier relative aux moyens de lutte contre le terrorisme. En conséquence, il convient de modifier des lois dans les Etats membres du Conseil de l’Europe pour rendre pénalement répréhensibles les actions et mouvements de personnes soupçonnées de s’engager dans des activités terroristes.

En principe, nous en sommes tous d’accord. Mais ce n’est pas le principe mais bien la pratique qui pèche. Cela a entraîné l’intervention du Commissaire aux droits de l’homme, M. Muižnieks, qui s’est déclaré attentif à la mise en œuvre d’un équilibre entre respect des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. La primauté du droit et les droits de l’homme doivent être défendus.

Le Commissaire aux droits de l’homme a, par ailleurs, souligné la nécessité de voir développer une sécurité juridique et des précisions dans les instruments de droit.

Notre tâche est de voir si nous avons réussi. Or j’en doute. En effet, certaines phrases restent floues, comme : « un Etat peut adopter des mesures qui peuvent se révéler nécessaires » ; d’autres, comme : « le principe de proportionnalité devant être respecté », sont ouvertes à toute interprétation. La définition même du terrorisme est difficile.

Nous sommes tous sensibles au fait que des attaques de drones militaires ont tué de nombreux innocents. Les communautés frappées par ces attaques de drones considèrent les agresseurs comme des terroristes. Or je crois que cette définition de terroriste ne conviendrait pas au Conseil de l’Europe ; je doute que le Conseil de l’Europe souhaite définir les Etats-Unis comme un Etat terroriste. Les séparatistes ukrainiens étant également définis comme des terroristes, toute communication avec eux doit également être considérée comme douteuse.

Quant à mon propre pays, l’Islande, il a connu en 2008 une crise économique. En octobre de cette année-là, le Gouvernement britannique avait décidé que la plus grande banque islandaise opérant en Grande-Bretagne devait être démantelée. Cela posait un problème de légalité sur le plan juridique. Aussi le Gouvernement britannique a-t-il trouvé la solution sans faille, définissant l’Islande comme Etat terroriste. Nous avons été mis, noir sur blanc, sur une liste officielle aux côtés d’Al-Qaida et de la Corée du Nord comme Etat terroriste !

Je vous raconte cela pour expliciter quels peuvent être les dangers en matière juridique quand on veut rendre pénalement répréhensible le terrorisme.

M. FRANKEN (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Madame la Présidente, nous sommes tous préoccupés par les effets terribles des attentats terroristes qui ont eu lieu dans nos Etats membres au cours des dernières années. Nous comprenons tout à fait qu’il faille prendre des mesures pour contrer et empêcher de nouveaux actes de terrorisme.

Nous savons, par ailleurs, que nous respectons dans nos communautés un certain nombre de droits fondamentaux, même lorsque des criminels doivent être punis et des actes illégaux réprimés. Il faut parvenir à trouver ce délicat équilibre entre l’intérêt des individus et l’application des instruments juridiques.

Notre Commissaire aux droits de l’homme a demandé davantage de clarté juridique et de précision en particulier dans le cadre de la Convention pour la prévention du terrorisme.

Nous voyons là le résultat d’une action rapide et adéquate qui s’efforce d’apporter plus de clarté par un projet de protocole additionnel à cette convention. Le rapport dont nous discutons ajoute quelques dispositions sur la pénalisation de certains actes liés au terrorisme : participer à des associations ou groupes visant perpétrer des actes terroristes ; recevoir une formation en tant que terroriste ; faciliter le voyage à l’étranger en vue de commettre des actes terroristes, créer et organiser ce type de voyages.

Notre tâche est de vérifier que les propositions de ce texte n’aient pas d’effet négatif sur les libertés et les droits fondamentaux, que ces derniers ne soient pas atteints. Je pense notamment à la présomption d’innocence, au lien entre des actes de préparation et les actes criminels eux-mêmes, à la sécurité juridique, à la liberté de mouvement, à l’applicabilité du droit humanitaire international et à la séparation entre les situations de paix et de guerre.

Le texte proposé me semble équilibré, mais il mériterait d’être encore approfondi. Le rapporteur a fait des propositions pertinentes. Gardant à l’esprit de les incorporer dans le texte du protocole additionnel, le groupe du Parti populaire européen appuie ces nouvelles règles destinées à mieux lutter contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme.

Je remercie le rapporteur et j’aimerais exprimer le souhait que le Comité des Ministres suive l’avis de l’Assemblée au plus tôt.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Le rapport de Lord Tomlinson contribue-t-il à renforcer le rôle du Conseil de l’Europe ? La réponse que le Groupe socialiste apporte à cette question est clairement affirmative.

Au sein de nos parlements nationaux, nous nous efforçons d’appliquer dans nos législations nationales les valeurs de l’Organisation. Ce rapport réaffirme, du point de vue juridique, l’importance des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de l’ensemble des principes défendus par le Conseil de l’Europe. Ce texte n’est pas un texte général sur la lutte contre le terrorisme. C’est un texte juridique pour la prévention du terrorisme, qui s’appuie sur la doctrine consolidée du Conseil de l’Europe.

Quand une organisation criminelle menace un territoire aussi grand de la France, rassemble 200 000 soldats, reçoit des millions de dollars chaque année, et réussit à persuader des femmes et des hommes jeunes qu’elle propose un projet de vie attrayant, alors qu’elle pratique l’esclavage, la tyrannie et les mutilations sexuelles, c’est que la jeunesse, dans nos sociétés, est en difficulté. Elle voit en ce type de criminalité un rite de passage vers l’âge adulte. Comment lutter contre un tel phénomène ? Nous ne devons pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Le bébé, ce sont nos libertés, nos démocraties et nos droits de l’homme. L’eau du bain, c’est la lutte contre la criminalité organisée.

Le Groupe socialiste félicite le rapporteur et la commission pour cet excellent rapport, auquel il apportera son soutien.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je voudrais, au nom de mon groupe, remercier sincèrement Lord Tomlinson et la commission pour leur travail en faveur de la défense des libertés et des droits des citoyens européens. Consulter l’Assemblée lorsque des instruments juridiques internationaux sont développés par l’Organisation constitue une bonne pratique. Je constate qu’aucun amendement n’a été déposé sur ce projet d’avis, ce qui témoigne du soutien unanime de l’Assemblée.

Pourtant, il n’y avait pas de nécessité particulière à adopter un nouveau protocole additionnel. En effet, les instruments déjà existants pourraient être mieux utilisés par les forces nationales de police et de justice. De même, la Convention européenne des droits de l’homme apporte toutes les garanties nécessaires pour sauvegarder les droits et les libertés des citoyens.

Si toutefois une décision était prise visant à ce que soit adopté ce protocole additionnel, il serait alors indispensable de faire référence à la nécessité de sauvegarder, pour toutes les personnes accusées d’actes terroristes, le droit à un procès équitable. Il serait tout aussi essentiel d’adopter des définitions suffisamment claires pour permettre le respect du principe de sécurité juridique des citoyens et le bon déroulement des poursuites civiles.

Il existe deux types d’Etats membres au Conseil de l’Europe : ceux qui appliquent pleinement les droits de l’homme et ceux qui font encore l’objet de procédures de suivi ou de postsuivi. Cette deuxième catégorie de pays adopte des normes minimales et ne respecte pas les libertés fondamentales, ni le droit à un procès équitable. Mon pays, la Géorgie, fait partie de ces pays et, malheureusement, chaque fois qu’une nouvelle loi répressive est adoptée, elle est utilisée de manière ciblée contre les partis de l’opposition, accusés d’actes subversifs contre l’Etat. Cette triste réalité est celle de nombreux Etats membres. Les membres de l’opposition sont jetés en prison parce qu’ils ont exprimé publiquement des avis critiques à l’égard du gouvernement. Les ONG sont également accusées d’actes subversifs contre le gouvernement. On peut imaginer à quelles nouvelles interdictions en matière de liberté de circulation et de liberté d’expression auront recours les dirigeants de la Géorgie après l’adoption de ce nouvel instrument juridique.

Pour conclure, nous demandons à l’Assemblée de soutenir ce rapport.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme constitue un nouvel instrument juridique qui permettra d’appuyer les Etats membres dans la lutte contre le terrorisme tout en défendant nos valeurs. Il conduit par ailleurs à la mise à jour d’un certain nombre de normes et de dispositions des codes pénaux nationaux.

La Résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations Unies fixe des obligations juridiques claires aux Etats dans le domaine de la lutte contre les combattants terroristes étrangers. Tant le projet de protocole additionnel que l’avis juridique et les amendements proposés par le rapporteur, respectent l’équilibre entre la nécessité de lutter contre le terrorisme et celle de protéger les libertés et les droits de l’homme décrits dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Je voudrais insister sur l’impact que pourrait avoir le protocole additionnel dans les Etats membres, en particulier sur le débat juridique interne en Roumanie. Au cours de l’année passée, les autorités compétentes roumaines en matière de sécurité intérieure et de renseignements ont été confrontées à des situations dans lesquelles des individus d’origine étrangère tentaient de développer des réseaux terroristes à l’intérieur du pays, de diffuser l’idéologie du groupe « Etat islamique » et de lever des financements pour leur activités. Les autorités ont pris les mesures qui s’imposaient et les tribunaux ont dû se prononcer sur la base de notre droit. Le Parlement roumain a adopté une nouvelle législation sur la rétention des données et les écoutes téléphoniques, mais celle-ci a été considérée anticonstitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Nous nous trouvons donc actuellement dans une impasse, car une nouvelle législation est nécessaire. Le protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme nous permettra d’adopter une nouvelle législation afin de mieux lutter contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme.

M. SASI (Finlande)* – Le terrorisme est une menace contre la vie, et la vie est la plus haute valeur dans l’échelle des droits de l’homme. Il est donc extrêmement important de prévenir le terrorisme, et de ne pas se limiter à le réprimer a posteriori, quand le crime a été commis. Il me paraît donc très souhaitable que le Conseil de l’Europe dispose d’un protocole additionnel dédié. Nous sommes une organisation de défense des droits de l’homme et nous avons les compétences pour trouver le juste équilibre et pour que les droits de l’homme soient respectés dans un cadre équitable. Il me paraît également important que les règles européennes soient harmonisées et que nous fixions des orientations à tous les Etats membres. Mon propre pays, la Finlande, a adopté ces règles il y a déjà six mois, mais une harmonisation européenne est indispensable.

Je crois que le rapport a été bien préparé. Malheureusement, il reste beaucoup de lacunes dans certains pays, et de telles règles ne sauraient attendre. La question est extrêmement complexe sur le plan juridique. Les règles doivent être flexibles, et une rédaction très précise est difficile. À cet égard, les amendements proposés par Lord Tomlinson me paraissent excellents.

Il importe que les cours et tribunaux respectent toujours la présomption d’innocence. Les droits de l’homme exigent un strict respect de ce principe. Il faut respecter les droits de la personne accusée.

Par ailleurs, nous devons assurer un suivi de l’interprétation de ces règles par les juridictions des Etats membres. Si nous constatons des problèmes en la matière, nous devrons adopter des amendements de nature à assurer un meilleur respect des droits de l’homme et des droits de la défense.

Il n’y a pas de définition internationale du terrorisme. Il est extrêmement difficile de définir le terrorisme, mais le monde universitaire doit engager des recherches de grande ampleur pour tenter, d’une manière ou d’une autre de le définir, ce qui offrira une base que nos Etats pourraient retenir et mettre en pratique. Le mieux serait encore que le Conseil de l’Europe définisse dans ses propres règles le concept de terrorisme, dont chaque Etat membre pourrait s’inspirer.

Mme KORENJAK KRAMAR (Slovénie)* – La Slovénie est très active dans les négociations relatives au protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. Une mise à jour du cadre juridique pénal de la lutte contre le terrorisme est souhaitable. Une réglementation uniforme améliorerait, dans une certaine mesure, l’action des parquets. En particulier, en permettant des échanges transfrontaliers de preuves, elle faciliterait le travail de la police et la coopération administrative et permettrait d’établir un équilibre entre les règles pénales, le principe de proportionnalité et le respect des droits de l’homme.

La Slovénie s’est penchée sur ces questions et nous sommes convaincus qu’un travail intensif aboutira en peu de temps à la construction d’un mécanisme juridique adéquat. Le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme est une base de nature à offrir aux Etats parties un socle unifié pour faire face au terrorisme, en particulier grâce au concept de combattant terroriste étranger, introduit par la résolution 2178 adoptée l’an dernier par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le protocole offre également un rôle approprié au respect des droits fondamentaux, au principe de légalité, à la présomption d’innocence et au principe de proportionnalité. C’est pourquoi nous souhaitons que l’Assemblée parlementaire réponde à la demande du Comité des Ministres en rendant un avis favorable sur ce projet de protocole.

M. GOLUB (Ukraine)* – La question de la prévention du terrorisme est de plus en plus pressante. Le terrorisme, comme la société, change et s’adapte. Auparavant, le terrorisme ne se manifestait que par des actions individuelles, puis il prit la forme de structures organisées. Aujourd’hui, cette criminalité ne connaît plus de frontières et prend une dimension internationale.

J’aimerais remercier Lord Tomlinson pour les efforts qu’il a fournis pour parvenir à ce projet d’avis sur le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. Je pense cependant qu’une question doit être mise au premier plan aujourd’hui, celle de l’Etat terroriste.

Prenons l’exemple de mon pays. La Fédération de Russie fournit un soutien financier, un soutien militaire et d’autres aides encore aux organisations terroristes telles que les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. La plus évidente preuve de l’existence d’un programme terroriste de la Fédération de Russie nous a été donnée lors de l’annexion de la Crimée. Or, selon tous les traités internationaux, l’aide au terrorisme est elle-même du terrorisme.

L’Allemagne nazie est un autre exemple clair d’Etat terroriste. Comment cela a-t-il fini ? Par un terrorisme international.

Dès lors, il faut trouver les bonnes solutions, les bons mécanismes pour lutter contre les Etats terroristes et mettre en cause leur responsabilité. Il faut déterminer quel serait le niveau adéquat pour sanctionner les gouvernements des Etats qui assurent la promotion du terrorisme.

Pour conclure, je dirai que le projet de protocole additionnel est bien conçu, mais qu’il conviendrait d’y ajouter les éléments que je viens d’évoquer.

M. POZZO DI BORGO (France) – Notre Assemblée est appelée à donner son avis sur un texte particulièrement important dans le contexte que nous connaissons malheureusement : le projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme du 16 mai 2005.

Il s’agit de mettre en œuvre des dispositions de la Résolution 2178 du Conseil de sécurité de l’ONU du 24 septembre dernier qui portent essentiellement sur des incriminations pénales relatives à la prévention du terrorisme et aux poursuites contre les combattants terroristes étrangers. Le texte qui nous est soumis prévoit également de créer un « réseau 24/7 » entre les parties au protocole afin de permettre une assistance immédiate dans les enquêtes et procédures liées à des affaires de terrorisme. Le protocole devrait être adopté par le Comité des ministres lors de sa session ministérielle du 19 mai prochain.

Je me réjouis que ce texte donne l’occasion d’approfondir les relations entre notre Organisation et l’Union européenne. En effet, la Convention du Conseil de l’Europe et ce protocole additionnel sont étroitement liés à la décision-cadre de l’Union européenne relative à la lutte contre le terrorisme, qui date de 2002 et qui a été modifiée en 2008. Surtout, je rappelle que l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour la conclusion de ce protocole additionnel. Il s’agit en effet d’éviter que les règles communes soient affectées par des négociations intervenant en dehors du cadre institutionnel de l’Union. C’est pourquoi le texte sera négocié par la Commission européenne au nom des Etats membres. J’appelle toutefois l’attention sur le fait que, conformément aux Protocoles 21 et 22 du Traité sur l’Union européenne, le protocole additionnel liera tous les Etats membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark et, pour le Royaume-Uni et l’Irlande, uniquement dans la mesure où ces Etats membres auront notifié au Conseil leur souhait de participer à l’adoption et à l’application de ce texte.

D’une manière générale, la coopération internationale pénale est un enjeu crucial pour garantir une répression efficace du phénomène djihadiste, par nature transnational. La commission d’enquête mise en place sur ce sujet au Sénat français, qui a récemment rendu son rapport, a ainsi souhaité le développement d’une telle coopération au niveau européen mais aussi et surtout avec les pays non membres de l’Union européenne par le renforcement de relations conventionnelles bilatérales. Or le développement d’Eurojust se heurte à plusieurs obstacles, en particulier la conception minimale, permise par l’approche intergouvernementale retenue, que certains Etats membres ont de l’échange d’informations et de la coopération en matière d’infractions terroristes et un accès limité aux fichiers d’analyse criminelle d’Europol.

Par ailleurs, la signature de conventions d’entraide judiciaire en matière pénale devrait être encouragée afin de faciliter les échanges d’informations. Enfin, le renforcement des coopérations judiciaires permettrait d’améliorer l’effectivité des mandats d’arrêt et des mandats de recherche.

Il me paraît indispensable de valoriser toutes les initiatives visant à lutter contre le terrorisme. À cet égard, je tiens à saluer le rôle qu’a joué le Sénat dans l’adoption récente, le 30 mars dernier, de la déclaration de Paris sur la politique européenne de lutte contre le terrorisme à l’issue de la réunion interparlementaire avec les présidents et représentants des commissions des affaires européennes des principaux Etats membres concernés, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, le Royaume-Uni, et la France, donc.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste sept minutes de temps de parole.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni), rapporteur* – Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé au débat. Les accents mis sur la question étaient légèrement différents, mais ces nuances s’expliquent. En effet, le rapport indique que la mise en œuvre du protocole dépendra des Etats parties et de la transposition par les Etats des dispositions dans leur législation nationale. Il n’y a pas de solution unique applicable à tous, la transposition dans la législation nationale revient à chaque Etat partie.

Les quatre amendements adoptés par la commission des questions juridiques répondent aux critiques formulées sur le projet de protocole additionnel.

Le premier amendement invite le Comité des Ministres à tenir compte de notre avis.

Le deuxième amendement, à la fin de l’article 1er, tend à ajouter la phrase : « et leurs obligations en vertu du droit international des droits de l’homme. ». Il prend en compte les remarques des membres de la commission se référant aux propos du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe.

Le troisième amendement propose, au paragraphe 8, après l’adverbe « notamment », d’ajouter : « le droit à un procès équitable, le principe de la sécurité juridique. » ; après les mots « la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », d’ajouter : « et dans ses Protocoles additionnels. »

Ces amendements répondent bien à certaines critiques portant sur les lacunes du projet de protocole additionnel.

J’espère que le Comité des Ministres, lors de sa délibération le mois prochain, lira l’ensemble des interventions des membres de l’Assemblée parlementaire, estimera que nous avons avancé des orientations très claires quant à son action attendue.

Monsieur Jónasson, je suis entièrement d’accord avec votre propos, sauf en ce qui concerne la banqueroute de l’Islande. Je ne vous répondrai pas maintenant. Je vous invite à vous reporter au débat de l’Assemblée suscité par les membres islandais. Relisez mon intervention d’alors. À l’époque, je n’étais pas rapporteur de la commission des questions juridiques, mais je m’exprimais au nom de la délégation britannique. Ma vision de la banqueroute islandaise est très différente de la vôtre.

Je vous remercie de vos interventions, qui marquent, je crois, l’unanimité de l’Assemblée. Je vous propose donc d’adopter le rapport en remerciant tous ceux qui ont bien voulu participer à son élaboration.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Je voudrais dire à quel point nous avons apprécié le travail réalisé par Lord Tomlinson dans le délai très court qui lui était imparti et que nous appuyons pleinement ses propositions.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission a présenté un projet d’avis sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet d’avis, contenu dans le Doc. 13763.

Le projet d’avis est adopté (76 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Félicitations Lord Tomlinson !

3. La tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire
(Débat selon la procédure d’urgence)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion selon la procédure d’urgence du rapport de M. Mariani, au nom de la commission des migrations, sur « La tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire » (Doc. 13764).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 13 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 12 h 30.

Un grand nombre d’orateurs sont inscrits. Je demande à chacun de respecter son temps de parole de trois minutes pour permettre à un maximum de collègues de s’exprimer.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

C’est avec plaisir que je vous donne la parole.

M. MARIANI (France), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – Notre commission a travaillé dans l’urgence, mais nous avons essayé de faire en sorte que ce ne soit pas un rapport de plus. Nous vivons tous un drame qui ne peut nous laisser insensibles. Nous voyons chaque semaine plusieurs centaines de personnes perdre la vie en essayant de traverser la Méditerranée. Ce drame humain nous pousse à réagir. Mais si marquer une minute de silence après chaque drame est nécessaire, ce n’est toutefois pas une solution.

Chacun a conscience que si la générosité doit être réelle, il serait irresponsable de dire que nous pouvons ouvrir notre pays à tous ceux qui, poussés par la misère ou par la guerre, veulent immigrer.

Ce rapport présente des propositions à long terme que chacun d’entre nous peut partager. La meilleure manière serait de favoriser le codéveloppement. Toutefois, ainsi que le montre le Conseil européen dont les 28 Etats se réunissent en ce moment même, il est nécessaire que nous prenions également des mesures dans l’urgence. J’évoque la possibilité, qui a d’ailleurs été mentionnée par le Conseil des Ministres l’Union européenne d, de la destruction des bateaux, ainsi que la proposition, adoptée à la suite d’un amendement de M. Di Stefano, de revoir la réglementation de Schengen.

Mais nous avons bien conscience qu’une telle mesure ne pourra être mise en œuvre ni immédiatement ni dans l’urgence. Sur le fond, des pays sont en ligne de front. Je pense à l’Italie, à la Grèce, à la Turquie et à Malte, qui se retrouvent isolés, et ne reçoivent pas toujours la solidarité européenne qu’ils sont en droit d’attendre.

Enfin, il y a une faille évidente de l’Union européenne. L’opération Mare Nostrum, financée essentiellement par l’Italie, a permis de répondre, pendant un temps, aux problèmes rencontrés en Méditerranée. Mais depuis la fin de cette opération et sa substitution par une opération européenne, nous ne pouvons que constater que les moyens alloués ne sont pas à la hauteur des besoins. Nous devons convaincre l’Union européenne d’être plus active sur ce dossier qui est devenu, au sud de l’Europe, le dossier majeur.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. VITSAS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – « Alerte », « coopération internationale », « réalisme » et « droits de l'homme » sont les mots clés dans ce dossier. Selon les chiffres des Nations Unies, en 2014, toutes les 4 secondes un homme, une femme ou un enfant, venait grossir la longue liste des réfugiés. Aujourd’hui, les chiffres sont encore plus impressionnants : toute les secondes, ce sont plus de quatre personnes qui viennent grossir cette liste interminable.

Mais ici, nous parlons non pas de chiffres mais de personnes, et la Méditerranée, berceau de nombreuses civilisations, devient une tombe pour tous ces migrants. La maire de Lampedusa disait : « Comment puis-je encore étendre le cimetière de notre île ? »

Que devons-nous faire, après avoir constaté que la politique de l’immigration européenne est inefficace, insuffisante et dangereuse ? Inefficace, car même la mort, même les frontières ne peuvent arrêter cette vague de réfugiés. Les pays du sud de l’Union européenne ne peuvent plus faire face à ces arrivées massives, qu’ils sont obligés d’accepter quotidiennement. Autre conséquence dramatique, certains parlent de « solution finale » ; nous assistons à un renforcement des partis nazis et des partis extrémistes.

Les dirigeants européens se retrouvent aujourd’hui pour un sommet extraordinaire sur ce dossier. Il sera question d’une nouvelle opération de recherche et de sauvetage en Méditerranée, mais également de l’attribution d’une aide aux pays qui se trouvent en première ligne. Il convient également de faire des propositions pour soutenir et accentuer l’immigration légale et combattre les trafiquants.

LA PRÉSIDENTE – M. Correia, porte-parole du Groupe du Parti populaire européen, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

M. NICOLETTI (Italie), porte-parole du Groupe socialiste* – Les morts de ces derniers jours nous obligent à regarder ce que nous ne voulions pas voir : il s’agit de la plus grande tragédie humanitaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et demain, si nous ne faisons rien, on nous demandera pourquoi nous n’avons pas réagi, nous, membres des parlements nationaux et de cette Assemblée parlementaire. Parce qu’aux yeux des citoyens, c’est dans nos enceintes que se prennent les décisions, nous devons être en mesure d’apporter une réponse plus forte que ce que nous avons été capables de faire jusqu’à présent.

Il serait grave que ne sortent, du sommet de l’Union européenne et de notre Assemblée parlementaire de Conseil de l'Europe, que de belles paroles. Nous avons un devoir politique et moral d’agir. Nous ne pouvons pas laisser les démons de la haine et du racisme du XXe siècle être remplacés par les démons de l’indifférence. Ceux qui disent « vivre ou mourir, c’est la même chose » se trompent ; nous savons tous qu’il y a une différence entre vivre et mourir et nous avons tous l’obligation de porter secours à autrui, sous réserve d’être sanctionnés pénalement.

Juridiquement, l’un des fondements de la société européenne est le droit d’asile, qui est aussi important que le droit de la citoyenneté. Notre société actuelle est en partie fondée sur les idées du siècle des Lumières, sur les grands principaux moraux qui ont traversé les siècles et qui sont consacrés dans nos textes fondamentaux. La Commission européenne, dans le programme de Stockholm de 2010, l’exigeait. En outre, une réaction politique est indispensable : il faut lutter contre les trafiquants d’êtres humains qui spéculent sur la vie des personnes, en les traitant comme des objets pour en tirer bénéfice.

Par ailleurs, un plan Marshall de coopération économique entre l’Europe et le nord de l’Afrique est nécessaire, comme cela a été fait pour soutenir la transition de pays européens vers des régimes démocratiques après des dictatures. Sans une coopération économique, nous ne pourrons pas contrôler cette tragédie.

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je souhaiterais, au nom de mon groupe, remercier le rapporteur pour son travail et son projet de résolution. La situation dramatique en Méditerranée exige de nous une action concertée. Nous devons mettre un terme à toutes ces morts.

Les Accords de Dublin visent à protéger de jeunes migrants et à permettre le regroupement familial. Mais aujourd’hui, nous devons admettre, et c’est douloureux, que les pays riverains de la Méditerranée – l’Italie, la Grèce, Malte et l’Espagne – sont dépassés par la situation. Le flux ininterrompu de réfugiés ne peut être maîtrisé. Ces dernières années, la moitié de ces migrants venait d’Erythrée et de Syrie.

En 2014, 210 000 migrants illégaux ont traversé la mer, dont 170 000 sont arrivés en Italie, sans parler des 3 500 noyés. La situation tragique qui prévaut en Libye conduit de plus en plus de personnes à fuir au péril de leur vie sur des embarcations où les passagers sont beaucoup trop nombreux, ce qui explique que le nombre de morts augmente. Le fait que la mission européenne Mare Nostrum, qui a remplacé l’opération Triton, soit dotée de ressources, de personnels et de moyens très insuffisants aggrave la situation. Depuis octobre 2014, plus de 36 000 Syriens sont arrivés en Italie et plus de 23 000 en Grèce ; 3,2 millions de Syriens se sont fait enregistrer dans les pays voisins. L’annonce par l’« Etat islamique » de son intention d’envoyer des infiltrés parmi les réfugiés suscite des craintes et des interrogations justifiées.

Tous les Etats membres doivent faire davantage pour soutenir les pays riverains dans la conduite des opérations de recherche et de sauvetage. Le Règlement de Dublin doit être revu. Il faut aussi développer l’aide humanitaire et améliorer la situation administrative et juridique ainsi que la coopération dans ces domaines. Ceux qui disent oui à l’économie mondialisée doivent aussi accepter une solution mondiale commune.

Mme ERKAL KARA (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens – Nous sommes profondément attristés par la perte récente de vies en Méditerranée et préoccupés par la situation humanitaire actuelle des migrants en situation irrégulière.

L’année dernière, 3 500 personnes sont mortes en Méditerranée ; elles sont 1 600 depuis le début de cette année. Ces chiffres nécessitent des actions urgentes et concertées de la communauté internationale afin de prévenir d’autres tragédies humanitaires.

Face à l’immigration irrégulière, problème mondial aux répercussions mondiales, il faut une approche globale et des efforts conjoints de la part des pays.

Il est évident que les mesures de sécurité constituent l’un des piliers de la lutte contre l’immigration irrégulière. Ainsi, la lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains devrait certainement être intensifiée. Toutefois, en se concentrant uniquement sur de telles mesures sans s’attaquer aux causes profondes de l’immigration irrégulière que sont les instabilités sociales, économiques, politiques et les conflits, on n’obtiendrait qu’un succès temporaire et limité. Il est donc essentiel que les pays de destination soutiennent les processus de paix dans les zones touchées par le conflit et développent des projets d’aide humanitaire et de développement dans les pays d’origine et de transit pour y améliorer le niveau de vie.

En outre, de nouvelles mesures doivent être prises pour renforcer les opérations de recherche et de sauvetage en vue d’éviter davantage de décès en mer. Cependant, certains pays cibles ont tendance à attribuer la responsabilité du sauvetage aux seuls pays de transit ou de première entrée. Cette approche est non seulement injuste mais inefficace. Le fait de sauver et d’aider des personnes en détresse doit être considéré comme une responsabilité commune de l’humanité.

En tant que membre de la délégation turque, je conclurai par quelques informations statistiques qui soulignent la gravité du défi que nous devons relever. En 2014, près de 15 000 migrants irréguliers et 106 trafiquants ont été appréhendés par les autorités turques et, depuis le début de cette année, la garde côtière turque a sauvé des eaux 4 700 migrants en situation irrégulière.

LA PRÉSIDENTE – M. le rapporteur souhaite ne répondre qu’à la fin du débat.

Nous poursuivons donc la liste des orateurs.

M. MOTA AMARAL (Portugal)* – Nous sommes tous très choqués de ce qui vient d’arriver en Méditerranée et qui s’est déjà produit au cours des dernières années : des déplacements massifs de personnes désespérées, dont des femmes et des enfants, qui quittent les côtes africaines dans des conditions extrêmement précaires pour tenter d’atteindre les plages européennes, au risque de leur vie. Comme l’a dit le pape François, la Méditerranée devient un cimetière ; j’ajouterai que c’est une honte pour nous tous.

Quelle peut être la situation dans leur pays d’origine pour que ces personnes soient prêtes à endurer de telles souffrances ? Nous devrions nous le demander. La pauvreté, la famine, les violences de toutes sortes, la persécution et la guerre détruisent les fragiles nations subsahariennes. L’effondrement des institutions étatiques en Libye ouvre les frontières, permettant la traversée du désert et celle, aventureuse, de la mer. J’imagine que nombre de ces personnes n’ont jamais vu la mer, sans quoi elles ne mettraient pas un pied dans le type de bateaux qu’utilisent les passeurs sans scrupules. Ceux-ci devraient être traduits en justice et condamnés pour leur activité criminelle.

Un million d’hommes, de femmes et d’enfants se prépareraient, dit-on, à venir sur le sol européen par cette voie aventureuse. C’est une catastrophe humanitaire qui est devant nous !

L’Europe et la communauté internationale doivent agir d’urgence, c’est-à-dire maintenant ! Les organisations régionales africaines doivent être rappelées à leurs devoirs et à leurs responsabilités. L’Union africaine ne peut rester silencieuse et passive alors que cette tragédie a pour origine l’incapacité de certaines nations d’Afrique à apporter nourriture et sécurité à leur population. Il est notamment de sa responsabilité de chercher à remédier au chaos en Libye.

L’Organisation des Nations Unies et ses organes spécialisés sont eux aussi concernés.

Enfin, l’Union européenne peut légitimement, à la lumière de l’échec du Processus de Barcelone, définir une politique migratoire européenne et venir en aide à ceux qui ont un besoin urgent. C’est ce que nous attendons du Conseil européen qui a lieu aujourd’hui à Bruxelles.

Je félicite les autorités italiennes, grecques et maltaises du courage avec lequel elles font face à cette crise, ainsi que la Turquie qui fournit un havre sûr à plus d’un million de réfugiés syriens.

Au sein du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée parlementaire, il faut appeler à une action immédiate pour faire respecter les droits de l’homme dans cette situation. Je félicite et remercie notre rapporteur de l’avoir souligné.

LA PRÉSIDENTE* – Je donne la parole à M. Correia, porte-parole du Groupe du Parti populaire européen, qui n’était pas dans l’hémicycle au moment où les représentants des groupes se sont exprimés.

M. CORREIA (Portugal), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je soutiens le rapport et j’exprime mes condoléances aux proches de celles et de ceux qui ont perdu la vie encore récemment en Méditerranée. Soyons clairs : il s’agit moins de naufrages que d’une tragédie humanitaire sans précédent.

Il est inacceptable de laisser la charge de la crise à une seule nation : nous ne sommes pas confrontés à un problème italien mais européen, africain, international. On ne saurait non plus rendre l’Union européenne responsable de la situation. L’Europe, malgré toutes les crises qu’elle traverse, reste l’espoir, l’eldorado pour lequel ces personnes risquent et parfois perdent leur vie.

Il n’est qu’un mot pour décrire ce qui se passe, un mot fort : honte !

Comme l’a dit le pape François, après la tragédie de Lampedusa, il est inacceptable de voir la Méditerranée devenir le vaste cimetière d’une humanité désespérée. Il a ajouté que les migrants sont des femmes et des hommes comme nous, des frères qui meurent de faim, sont persécutés, blessés, exploités, victimes de guerre et qui cherchent une vie meilleure. Le pape a raison. C’est pourquoi le premier principe de toute solution est de faire preuve d’humanité – humanité en apportant de l’aide, humanité en sauvant des vies, humanité en aidant ceux qui cherchent légalement un travail, humanité dans la possibilité de réunir les familles. Humanité, donc, mais aussi rigueur dans la protection des frontières.

Aucune panacée n’existe pour résoudre un problème aussi complexe mais l’indifférence est inacceptable. Il faut appeler à l’action. Etablir un partenariat fort avec les Etats de l’autre côté de la Méditerranée est indispensable. Il est urgent d’instaurer un véritable dialogue méditerranéen pour le développement et le progrès, et essentiel de promouvoir la paix en Libye.

N’oublions jamais que nous traitons avec des organisations criminelles, des trafiquants d’êtres humains comparables à ceux du passé. L’Union européenne considère qu’il est indispensable de lutter fermement contre cette mafia qui envoie des migrants innocents à la mort. Il faut combattre ces gangs, en Libye en particulier. Je parlais de honte. Ne permettons plus, chers collègues, que cette honte se répète.

Mme JANSSON (Suède)* – La mort des demandeurs d’asile est une honte et donc nous choque. Il faut prendre des mesures. Malgré les promesses de l’Union européenne, on n’a pas fait grand-chose et, chaque semaine, des gens se noient. Après la fin de l’opération Mare Nostrum, le nombre de personnes sauvées a diminué. Tant que leurs droits seront violés, qu’elles seront victimes de violences, qu’elles souffriront de la faim, ces personnes chercheront à atteindre l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Or nous devons faire en sorte qu’elles y parviennent de façon légale.

Nombre de nos pays n’accueillent même pas leur quota minimum de demandeurs d’asile. Nous devons donc prendre nos responsabilités, soutenir la Jordanie, le Liban et la Turquie qui accueillent l’immense majorité des réfugiés. En Europe, seuls quelques Etats membres comme la Suède et l’Allemagne leur offrent une résidence permanente. La Suède héberge ainsi 80 000 réfugiés syriens. Nous devons examiner ensemble les moyens grâce auxquels ces migrants pourront atteindre plus sûrement l’Europe et y trouver la vie meilleure qu’ils cherchent.

Nous devons réfléchir à la manière de mieux contribuer à la paix, à la stabilité et à la démocratie dans la région méditerranéenne – au lieu de quoi nous entendons des commentaires sur le fait que les opérations de secours en Méditerranée provoqueraient davantage de victimes ! L’Europe doit faire davantage : tous les Etats membres, j’y insiste, devraient accueillir leur quota de réfugiés, tout en mettant en œuvre des moyens légaux permettant à ces derniers d’atteindre notre sol.

Mme GHASEMI (Suède)* – Ce qui se passe en Méditerranée est une tragédie, une catastrophe humanitaire, et la situation s’aggrave. Il est temps pour l’Europe de décider d’une politique sérieuse à même d’empêcher les réfugiés de risquer leur vie. La Suède a pris, à cet égard, ses responsabilités et continuera de le faire. Il ne suffira toutefois pas que l’Allemagne, par exemple, en fasse autant : beaucoup d’autres pays doivent prendre leur part.

Je suis d’accord avec la conclusion du rapporteur quant à la nécessité d’améliorer les canaux légaux de migration, à travers le regroupement familial notamment. Le système prévu par les Nations Unies, qui a fait ses preuves, devrait ainsi être élargi. Les personnes les plus vulnérables trouveront de cette manière la voie d’un asile sûr en Europe. Malheureusement, un nombre insuffisant de pays européens ont recours à ce système alors qu’il peut aider les réfugiés à entrer légalement en Europe. Les pays européens manquent de volonté. En effet, si tous les pays de l’UE acceptaient autant de réfugiés que la Suède, proportionnellement à leur population, 100 000 personnes pourraient mener une nouvelle vie chaque année.

Cela étant, ceux qui tentent le voyage vers l’Europe sont de plus en plus nombreux. Une grande part de responsabilité en revient aux trafiquants qui exploitent leur désespoir. Il est important que le Conseil de l’Europe agisse et envoie un message clair : nous devons en faire davantage pour soutenir le processus de paix en Libye, pour stabiliser la situation de ce pays. Nous devons mettre en œuvre un plan d’action destiné à empêcher les trafiquants d’agir. L’Union européenne doit donc assumer ses responsabilités pour aider les réfugiés à s’installer en Europe suivant une répartition plus harmonieuse.

Nous devons, en somme, chercher à sauver plus efficacement les migrants qui prennent la mer, combattre les trafiquants et soutenir la paix dans les régions ravagées par les conflits.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Nous sommes confrontés non à une mais à des catastrophes. Le pire est qu’elles étaient prévisibles. Toute personne, tout parlementaire qui s’est préoccupé de cette question ces derniers mois le sait bien. Or nous n’avons pas eu la force morale de l’empêcher. Nous devons le reconnaître avec tristesse. Nous pouvons ainsi, au-delà de la catastrophe humaine, parler de catastrophe morale pour l’Union européenne.

Il est indispensable, d’abord, d’agir contre la crise, la pauvreté dans le monde. Ensuite, les personnes qui fuient la guerre devraient pouvoir recevoir de notre part un soutien humanitaire afin de rester dans leur région. On peut chiffrer cette aide à quelque 20 milliards d’euros. Malheureusement, nous ne sommes pas toujours prêts à collecter ces fonds, alors qu’en Allemagne, par exemple, nous consacrons 30 milliards au seul budget de la défense.

Nous devons aussi nous préoccuper des voies de circulation, telles que la Méditerranée, utilisées par les migrants pour fuir. Nous ne pouvons pas laisser les gens se noyer ; il faut les sauver.

Enfin, dès lors qu’elles sont arrivées chez nous, il faut aider ces personnes à s’intégrer. Les parlementaires allemands et italiens ont lancé conjointement une initiative. Je vous invite à vous joindre à notre effort – vous avez reçu nos propositions.

Arrêtons de fermer les yeux et de dire : « Nous n’y sommes pour rien ! ». Il faut ouvrir des voies légales d’arrivée ; des visas humanitaires doivent être octroyés. Nous devons aussi nous doter d’un véritable instrument de recherche et de sauvetage en mer et le financer de manière solidaire par l’intermédiaire de l’Union européenne.

Quoi qu’il en soit, il est bon que nous adoptions cette résolution qui comprend d’excellentes propositions, même si l’on trouve dans le texte une ou deux formulations problématiques, notamment dans la description de la situation. À cet égard, un point est totalement faux : on fait comme si Mare Nostrum avait été une incitation à la fuite. Ce n’est pas vrai. Les chiffres de l’UNHCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) et de l’Office des migrations prouvent bien que Mare Nostrum n’a en aucun cas encouragé les migrants à se lancer sur les mers. Il convient donc de corriger ces points dans le texte, par ailleurs excellent.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Madame la Présidente, samedi dernier, un nouveau drame s’est ajouté à une liste déjà longue. Il s’agit de la pire tragédie de ce type en Méditerranée ; elle remet en question tous les discours, tous les programmes mis en place pour remédier au phénomène des flux d’immigrants en provenance des pays du Sud. Après le drame de Lampedusa, l’Europe avait déjà semblé vouloir prendre à bras-le-corps le problème de l’immigration en Méditerranée. À l’époque, tout le monde allait répétant : « Plus jamais ça ! » Force est pourtant de constater que, malgré les réunions des dirigeants européens et la mise en place de l’opération Triton qui vise à contrôler les frontières, des centaines de migrants continuent à périr en mer.

Les discours de plusieurs dirigeants européens tournent autour des mêmes idées, épousent la même démarche : comment renforcer les frontières européennes, comment attribuer aux pays du Sud le rôle de gendarme, comment défaire les réseaux mafieux qui exploitent les malheurs d’immigrés fuyant des zones de tension, les guerres civiles et les conditions de vie déplorables ? Comme l’a déclaré récemment le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, la crédibilité de l’Europe sera irrémédiablement atteinte aux yeux du monde entier – et particulièrement des pays du Sud et des pays de transit – si elle s’avère incapable de mettre un terme une fois pour toutes aux situations dramatiques que l’on déplore tous les jours. D’ores et déjà, un certain nombre d’organisations internationales se montrent très critiques envers l’Europe. Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme , Zeid Ra’ad Al Hussein, a ainsi déclaré récemment : « L’Europe tourne le dos à certains des migrants les plus vulnérables dans le monde, et risque de transformer la Méditerranée en un vaste cimetière. » Les Européens devraient plutôt reconnaître leur besoin en main-d’œuvre peu qualifiée et admettre que les réfugiés ont le droit de recevoir une protection.

Le haut-commissaire a également exhorté les gouvernements des pays de l’Union Européenne à adopter une approche plus courageuse et moins cynique. L’Europe doit développer davantage de voies légales pour les migrants et les demandeurs d’asile. Il faut noter, comme l’a exprimé le roi du Maroc dans son discours au Forum mondial des droits de l’homme à Marrakech, que le rejet des migrants et de leurs descendants se développe, à l’instigation des mouvements politiques extrémistes, dans toute la société. Il a également expliqué que la question du vivre ensemble se pose avec acuité. Il est temps que l’Europe prenne ses responsabilités pour stabiliser politiquement et économiquement les pays du Sud.

Permettez-moi enfin de lancer un appel aux parlementaires européens par l’intermédiaire des délégations qui siègent au sein de cette Assemblée : il est temps de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, principal outil juridique pour faire respecter les droits de l’homme en la matière.

M. Wach, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. BADEA (Roumanie)* – Chers collègues, je suis profondément préoccupé par la situation des immigrants et des réfugiés qui arrivent du nord de l’Afrique afin d’atteindre au péril de leur vie la rive sud de l’Europe. Les déclarations de l’un d’entre eux, rendues publiques il y a quelques jours à peine en première page du Guardian, me semblent éloquentes : « Si je meurs en mer, ce ne sera pas un problème. Au moins je ne serai pas torturé. »

Nous ne pouvons pas laisser la responsabilité d’agir aux seuls pays de l’autre rive de la Méditerranée. Les tragédies répétées qui se produisent en Méditerranée nous montrent bien que la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne pose problème. La diminution constante des financements européens destinés à répondre à ce problème a des effets négatifs, surtout pour des pays tels que l’Italie, l’Espagne, Malte et même la Grèce, lesquels consacrent des ressources substantielles pour relever le défi de l’immigration clandestine. Il faut donc revoir de fond en comble, au niveau de l’Union européenne, le Règlement de Dublin et coordonner nos actions dans le respect de l’article 80 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En effet, selon cet article, la gestion de la politique de l’Union européenne dans le domaine du contrôle des frontières, de l’assistance et de l’immigration doit être fondé sur le principe de solidarité et sur une répartition des responsabilités entre tous les Etats membres, y compris sur le plan financier. La diplomatie européenne et, plus largement, la communauté internationale doivent faire face à l’urgence dans cette région, tout en œuvrant dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement et l’après-2015, ce qui contribuerait à réduire le flux de migrants.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Nous sommes confrontés à des tragédies humanitaires effrayantes qui brisent toutes nos illusions. De fait, nous avons tendance à croire que nous, au Nord, nous pouvons laisser le Sud avec tous ses problèmes, sans partager leurs difficultés, que nous pouvons faire tomber des dictateurs comme Kadhafi sans nous préoccuper des conséquences de nos actes. Or il existe un monde pauvre, au Sud, où les conflits abondent, et dont les habitants voient à la télévision les gens du Nord, riches et jouissant de la sécurité. Il va de soi que ces personnes cherchent à vivre mieux. Dans le même temps, la demande est telle que l’on ne saurait y répondre. En la matière, il n’y a pas de panacée, et si les pays riches du nord de l’Europe veulent conclure des accords avec les pays riverains, ils devront les financer.

Quant à détruire les navires, il pourrait s’agir, pour certains, de bateaux servant vraiment à la pêche. C’est tout le problème que posent les bateaux de pirates.

Nous pouvons par ailleurs toujours renforcer la recherche et le sauvetage en mer, le danger est que cela encourage les migrants et les trafiquants.

De même, il est clair que le retour rapide vers le pays d’origine – l’Erythrée, le Mali, la Syrie ? – n’est pas vraiment envisageable.

Pareillement, si deux trafiquants seulement sont traduits en justice, tous les autres y trouveront leur compte. De l’argent restera toujours disponible et il y aura toujours des disparités.

Il faut donc lutter en amont. Cela demandera du temps, en particulier s’il faut stabiliser des situations extrêmement chaotiques comme en Syrie ou en Libye. Mais cela fait partie de la solution.

En Europe, il y a des décisions difficiles à prendre : plus de fonds doivent être mis à disposition, et ce en ces temps d’austérité ; plus de visas doivent être octroyés, et ce au moment où l’immigration est une question très controversée dans de nombreux pays ; plus de marchés doivent être ouverts aux produits de l’agriculture afin de stabiliser les pays producteurs, et ce alors que l’Europe cherche à s’abriter derrière le protectionnisme.

La plupart de ces questions doivent être traitées sur le long terme. À court terme, nous ne pouvons rester passifs face à cette vaste tragédie humaine et nous contenter, cyniquement, de regarder les uns se noyer pour décourager les autres. Il s’agit de notre prochain, au sens biblique du terme, et nous devrions avoir véritablement honte. Nous serons condamnés par l’histoire si nous n’utilisons pas nos ressources pour sauver les vies de ces personnes désespérées.

Nous devons donc, ensemble, chercher des solutions à long terme. Et, à court terme, nous ne pouvons pas fermer les yeux.

M. DI STEFANO (Italie)* – Cela fait des décennies que nous assistons à des tragédies en Méditerranée, qui sont provoqués par la politique des gouvernements européens. Les dirigeants européens préfèrent sauver les banques que les vies humaines. Nous devons sauver ces vies et préserver aussi le bien-être des Européens.

Qui sont ces migrants ? Ce sont notamment des Afghans. Et qui a ravagé l’Afghanistan ?... Ceux qui sont à l’origine du mal devraient en assumer les conséquences.

Le Mouvement Cinq Etoiles italien a formulé des propositions sur le sujet, que nous avons réitérées dans le cadre de ce rapport.

Parmi celles-ci, nous envisageons tout d’abord l’instauration d’un quota par pays en fonction des capacités d’accueil des pays de l’Union européenne. Actuellement, pour l’essentiel, cinq pays accueillent ces migrants, dont l’Italie qui est sur le point de s’effondrer économiquement et sociétalement. Nous connaissons une véritable crise. En tant qu’Européens, nous devons arriver à faire comprendre à nos populations que le migrant a un droit d’asile mais qu’il peut aussi, si la situation est bien gérée, être une ressource.

Nous pouvons, ensuite, remédier aux causes du phénomène. En la matière, le Mouvement Cinq Etoiles prône la création d’une agence internationale qui contrôlerait ce qui se passe géopolitiquement. Il faudrait, bien évidemment, des relais dans les pays d’origine et de transit afin que les migrants puissent demander directement un visa ou un accès à nos pays sans avoir à se lancer dans ces épopées tragiques ou devoir s’engager dans un périple dangereux.

Puis, il nous faut évidemment lutter contre les passeurs, qui sont une véritable plaie.

Enfin, il faut cesser de tenir des discours islamophobes. On cite les quelques cas de chrétiens tués par des musulmans ; depuis 2001, au moins un million de musulmans sont morts sous les bombes des chrétiens.

Le réservoir de migrants est encore considérable sur les rives du sud de la Méditerranée et les délinquants sont déjà parmi nous, qui cherchent à exploiter ces migrants, à mettre des bateaux à disposition et à vendre des passages. Nous devons absolument éradiquer ces réseaux qui s’enrichissent sur le dos de ces malheureux. Ce sont des réseaux mafieux, qui organisent les transports mais aussi les centres d’accueil. C’est tout ce trafic qu’il nous tarir si l’on veut mettre un terme à ces tragédies humaines et à ces décès.

LE PRÉSIDENT* - M. Pâslaru, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. SPAUTZ (Luxembourg) – Le Conseil de l’Europe a toujours été aussi le Conseil des réfugiés. Aujourd’hui, avec cette résolution, il l’est plus que jamais. Félicitations au rapporteur pour la résolution qu’il nous présente !

En effet, ici à Strasbourg, nous ne luttons pas seulement pour les droits de l’homme. Nous luttons tout d’abord pour la personne humaine. C’est cela, le vrai fondement de notre Organisation.

La résolution parle à juste titre des « migrants en situation irrégulière ». Mais avant d’être des « migrants en situation irrégulière », il s’agit d’hommes et de femmes, d’enfants et de bébés, car même des bébés ont trouvé une mort absolument indigne et inhumaine dans les profondeurs de la Méditerranée. Après la tragédie humaine – qui est, en fait, une tragédie profondément inhumaine – de ces derniers jours en Méditerranée, nous devons agir.

Mais avant de reconstruire la vie, il nous faut arrêter la mort !

Il nous faut donc avant tout et immédiatement arrêter la mort en Méditerranée. Cette mer magnifique doit cesser d’être un cimetière humain. Pas dans un avenir proche, mais, je le répète, immédiatement. Pour ce faire, l’Europe et l’Union européenne doivent renforcer les opérations de recherche et de sauvetage. L’approche Frontex n’est pas suffisante, car la mort en mer est strictement inacceptable !

De même, nous devons renforcer la lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, qui sont de vrais criminels.

Après avoir arrêté la mort, nous devrons également repenser le Règlement de Dublin.

Le problème des réfugiés n’est pas seulement le problème des pays de la Méditerranée : il est celui de tous les pays européens. Je tire à ce propos mon chapeau à la Turquie, mais, et je tiens à le redire, le problème des réfugiés est avant tout un problème humain et humanitaire. L’asile ne doit pas rester un droit abstrait : l’asile doit redevenir un droit concret. Eh oui, il nous faut aussi repenser nos politiques d’asile !

Bref, il nous faut légaliser l’espoir, et il nous faut repolitiser l’espoir. Car l’Europe – le Conseil de l’Europe mais aussi l’Union européenne – doit à nouveau donner de l’espoir aux citoyens en Europe, et dans le monde. Cet espoir passe avant tout par la solidarité et par l’équité de notre système politico-économique.

La solidarité est en effet un « impératif international », comme le note si bien l’UNHCR. Mais la solidarité de l’Europe ne doit pas s’arrêter aux côtes de la Méditerranée. Elle doit être transnationale et globale, tout comme les flux migratoires dans un monde de plus en plus globalisé. Car, pour conclure avec le long terme, les flux migratoires involontaires connaissent trois grandes raisons : la faim et la pauvreté ; l’instabilité politique et démocratique ; la guerre entre Etats et la guerre civile.

Aucune solution durable au problème des réfugiés ne sera possible sans pain, sans stabilité et sans paix – bref, sans espoir social, politique et sociétal. Le droit à l’espoir est aussi un droit humain. C’est donc aussi un devoir pour notre Conseil de l’Europe, qui doit rester et redevenir aussi une terre d’asile et un Conseil de l’espoir.

M. BRAGA (Portugal)* – Plus que la preuve de la faiblesse de la coopération entre les Etats membres de l’Union européenne, les tragédies et les pertes de vie en Méditerranée sont une façon intolérable d’ignorer un problème, qui doit nécessairement concerner les Etats des deux côtés de la Méditerranée si nous voulons trouver une réponse juste. Aucun pays ne peut rester passif ; faute de quoi, nous serons tous coupables.

Dans le cadre de ses responsabilités politiques, cette Assemblée parlementaire doit, là encore, s’efforcer de trouver un consensus qui permette de définir des initiatives pour mettre un terme à ce qui est l’un des plus grands cauchemars de notre époque, et d’exhorter les Etats membres à coopérer pour trouver des réponses résolues à différents niveaux.

Ce nouveau millénaire est marqué par l’émergence de nouveaux problèmes de migration, qui soulèvent des questions essentielles dans le cadre des relations internationales. La migration est devenue un facteur social et économique majeur dans le monde actuel. La croissance de la population mondiale et le vieillissement de la population dans certaines régions ont un impact significatif sur le marché du travail.

L’ancienne séparation entre le Nord et le Sud n’est plus pertinente aujourd’hui. De nouveaux flux sont apparus du Sud vers le Sud, du Nord vers le Nord, et du Nord vers le Sud. Les migrations irrégulières constituent l’un des principaux défis de la gestion des migrations en Europe. L’augmentation constante du nombre des migrants clandestins démontre que l’Europe a échoué à répondre à ce problème. De nouvelles politiques sont donc nécessaires pour améliorer la gestion des flux migratoires en Europe.

Comment faire pour à la fois protéger les migrants et les intérêts nationaux légitimes ? L’Europe se doit de mettre au point des procédures d’admission claires et transparentes et d’offrir des opportunités de migration légales, y compris par le biais du regroupement familial. Des solutions partagées doivent être identifiées pour les réfugiés. L’augmentation de la traite des migrants exige par ailleurs de l’Europe une réponse forte, immédiate et efficace. Ce n’est que sur la base d’une responsabilité commune, en rationnalisant les ressources, que l’on pourra trouver une solution efficace.

Le fait de ne pas répondre à ces défis est catastrophique. Pourtant, nous avons la capacité de trouver des solutions grâce à des investissements, à des liens culturels et à des transferts de connaissances et de technologies, permettant de contribuer au processus de réconciliation politique dans certains pays.

M. BENSAID (Maroc, partenaire pour la démocratie) – J’aimerais tout d'abord commencer par rendre hommage à ces hommes, ces femmes et trop souvent ces enfants, qui ont péri sur ces embarcations de la mort.

Et à l'heure où les différents acteurs cherchent des responsables à ces drames, en pointant tantôt les trafiquants, tantôt les voyageurs eux-mêmes et tantôt la mer, il est aujourd'hui primordial de rappeler, que sans remettre en cause le rôle assassin de tous les trafiquants d'êtres humains, chacune des parties dans ce drame détient sa part de responsabilité.

Non, ces drames ne sont pas des accidents, ce ne sont pas non plus l'unique résultante de faits criminels perpétrés par des passeurs véreux. Ils sont également la conséquence indirecte de la faillite de certains Etats d'Afrique du Nord, des difficultés sécuritaires auxquels d'autres font face, de la pauvreté extrême dans laquelle s'enlisent certaines populations d'Afrique, et d'erreurs d'appréciation commises dans l'élaboration et l'application des politiques et des mécanismes visant à endiguer les départs clandestins vers l'Europe, notamment le fait de laisser aux pays riverains seuls la responsabilité de surveiller leurs frontières.

Les pays d'Afrique du Nord assument, ou pour certains ont assumé, le rôle de gendarme du littoral en tentant d'empêcher les flux migratoires de traverser cette mer-cimetière que devient la Méditerranée. Dans un contexte où certains de ces Etats font face à une situation intérieure difficile et devant l’échec de ces politiques qui n’ont jamais réellement réduit les flux vers l’Europe, l’heure doit être au changement. L’Europe des valeurs doit reprendre le pas sur l’Europe de la peur. La justice et l’équité ne sont pas liées à la géographie. La solution n’est pas l’ouverture totale des frontières : elle serait injuste pour l’Afrique et difficile à supporter pour l’Europe. La solution n’est pas non plus dans une approche sécuritaire de tolérance zéro, mais chaque citoyen européen est en droit de savoir que tant que les déséquilibres sont béants, que les échanges n’obéissent à aucune égalité, le fossé entre l’Europe et l’Afrique se creusera et la mer Méditerranée enterrera d’autres rêves et engloutira d’autres corps.

Je voudrais conclure en vous disant toute mon adhésion à la nécessité de la mise en place d’actions immédiates afin d’endiguer le drame qui se répète régulièrement dans cette mer qui sépare nos deux continents. L’action est nécessaire mais ne peut être exclusive à l’Europe ou à l’Afrique, ni aux pays riverains de part et d’autre. Elle doit être concertée et menée efficacement et solidairement par l’ensemble des parties. Sauver les victimes de la Méditerranée et du rêve européen passe obligatoirement par la réduction des inégalités entre les deux continents, par l’encouragement des expériences démocratiques en Afrique, car il n’est plus à démontrer que la démocratie agit comme une locomotive de l’économie, à même d’augmenter la prospérité des pays et d’assurer une meilleure répartition des richesses.

Aussi, prévenir les départs clandestins vers l’Europe passe par un rééquilibrage des partenariats entre les Etats africains et leurs partenaires européens. Mettre en place des partenariats construits sur un rapport d'égal à égal n'est pas systématique dans les relations entre les deux continents. Il est donc crucial de mettre en place des partenariats gagnant-gagnant, bâtis sur l'égalité et le respect entre les Etats.

Faut-il le rappeler ? Ces drames ne sont ni ceux de l'Europe, ni ceux de l'Afrique, ce sont ceux de tous, et c'est ensemble que l'Afrique et l'Europe doivent faire preuve de solidarité afin de mettre un terme à ce qui se joue sous nos yeux, et dont personne ne sortira gagnant.

M. D’ARCY (Irlande)* – Les tragédies auxquelles nous venons d’assister en Méditerranée et qui ont coûté la vie à 700 voire 950 migrants lors d’un seul naufrage, appellent une réaction immédiate. Le rapport de M. Mariani tombe à point nommé et nous devons lui réserver un bon accueil.

L’Irlande est particulièrement bien placée pour comprendre le drame des migrants. Pendant la grande famine du XIXe siècle, plus d’un million de personnes ont quitté l’île, dans ce que l’on a appelé plus tard des bateaux cercueils, pour tenter une vie meilleure en Amérique. Malheureusement, seul un petit nombre d’entre eux sont parvenus à destination. De nombreux bateaux étaient inaptes à la navigation et ont sombré. Comme disent les Français : plus cela change, plus c’est la même chose…

L’instabilité politique des pays de la Corne de l’Afrique, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient a créé des flux migratoires d’une ampleur sans précédent. De plus en plus de personnes cherchent à atteindre l’Europe par la mer. Une réponse humanitaire est évidemment nécessaire. Nous devons augmenter les ressources pour venir en aide aux personnes les plus directement concernées.

Il existe en outre une dimension crapuleuse au problème. Les organisations criminelles se sont en effet emparées du phénomène des migrations en Europe. Il faudrait faire en sorte que les gens puissent vivre en sécurité chez eux, dans leur pays d’origine, en trouvant à cet effet des solutions politiques durables aux conflits.

Plus de 3 400 personnes sont mortes en tentant la traversée de la Méditerranée en 2014, mais 170 000 ont été sauvées. Cette année, en deux mois, quelque 1 600 migrants se sont noyés en voulant gagner l’Europe. Nous devons venir en aide aux victimes des conflits et des persécutions, et faire surtout en sorte que les gens ne soient plus obligés de risquer leur vie en tentant de gagner l’Europe.

Mme ANAGNOSTOPOULOU (Grèce) – Les images de la tragédie survenue en mer Méditerranée touchent nos cœurs, mais il est temps qu’elles touchent aussi nos esprits et que nous nous mobilisions pour agir. Le rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tout en développant une approche humanitaire, comporte des éléments irrationnels et contradictoires, qui pourraient se révéler dangereux si le projet de résolution était voté en l’état.

Le rapport comporte l’idée que la tragédie de la Méditerranée est due aux trafiquants. Pourtant, il fait aussi le constat que le nombre des émigrés a dramatiquement augmenté depuis un an. Nous devons admettre, mes chers collègues, que les trafiquants ne sont pas à l’origine de cette tragédie, même s’ils y contribuent de manière décisive. Cette tragédie est annoncée depuis que les Etats du Moyen-Orient et de l’Afrique se sont écroulés, les uns après les autres, sous le coup de crises économiques et politiques, et malgré le soutien de l’Union européenne.

La vague migratoire qui a grossi ces dernières années n’est pas constituée uniquement d’émigrés irréguliers, mais plutôt d’êtres humains en fuite, notamment de Syrie et plus récemment du Yémen. La vague humaine vers l’Europe ne va pas s’arrêter.

L’Europe doit donc tout d’abord renforcer les moyens de sauvetage des personnes en péril en Méditerranée. La Grèce, l’Italie, Malte ne peuvent, seuls, faire face à cette tragédie humanitaire. Il est complétement inadmissible que le rapport laisse entendre que le sauvetage encourage les immigrés irréguliers à traverser la Méditerranée, la formule « immigrés irréguliers » légitimant la fermeture inhumaine et militarisée de la Méditerranée. Il faut que l’Union européenne élabore immédiatement un plan de passages légaux que les réfugiés emprunteront pour traverser sains et saufs la Méditerranée. Les îles de Lampedusa, Rhodes, etc., de cimetières des réfugiés qu’ils sont, doivent devenir des escales de civilisation.

Par ailleurs, il faut élaborer un plan de redistribution des immigrés et réfugiés dans tous les pays de l’Union européenne. Il faut aussi que le Conseil de l’Europe exerce une grande pression sur l’Union européenne afin qu’elle révise et adapte à la nouvelle réalité l’Accord de Dublin.

Ce rapport soulève un autre problème. Il fait la distinction entre immigrés chrétiens et immigrés musulmans. C’est un langage qui peine à dissimuler une musulmanophobie criante. Leur religion ne fait pas des réfugiés musulmans des djihadistes en puissance. La pauvreté, chers collègues, n’a pas de religion et ne constitue pas un élément de barbarie qui menacerait notre monde civilisé. Face à une Europe où les phénomènes de la xénophobie et du fascisme sont en croissance, la seule arme n’est pas la peur et la fermeture, mais le respect de la vie et du bien-être de tous.

M. RIVARD (Canada, observateur) – Je vous remercie, Monsieur le Président, de me permettre de m’adresser à cette assemblée pour aborder la question de la tragédie humaine en Méditerranée. Je remercie également la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées pour son travail sur cette question, plus particulièrement son rapporteur, M. Mariani, pour son rapport publié avec diligence.

En tant que membre de la délégation canadienne, qui possède le statut d’observateur dans cette Assemblée, je tiens à ajouter ma voix à celle de nos partenaires européens en exprimant ma vive préoccupation pour la situation des migrants en mer Méditerranée.

Tout comme l’a souligné le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, il faut féliciter les garde-côtes italiens pour leur travail. Ils portent secours à des milliers de migrants et de réfugiés en Méditerranée.

On évalue à plus de 1 500 le nombre de décès en mer depuis le début de l’année, soit 30 fois plus qu’à la même époque l’an dernier. Il est clair que d’autres personnes, à la recherche de la sécurité et des opportunités qu’ils ne trouvent pas dans leur pays d’origine ou de transit, tenteront la traversée périlleuse. Je suis d’avis qu’une des solutions consiste à réduire le nombre de personnes prêtes à risquer les voyages en mer et qu’il faut travailler avec les pays d’origine et de transit concernés afin de réduire cette migration risquée.

Le Canada a procédé à des réformes législatives importantes au cours des dernières années, et il s’est engagé à accueillir un plus grand nombre de réfugiés attendant dans des camps gérés par le Haut-Commissariat des Nations Unies, et dont la situation empêche tout retour dans le pays d’origine. Par le biais notamment du Programme alimentaire mondial et du Comité international de la Croix-Rouge, ainsi qu’en partenariat avec des organisations non-gouvernementales comme Médecins sans frontières, le Canada offre de l’aide humanitaire en Afrique, dans les pays accueillant des réfugiés à la suite de conflits qui ont éclaté dans les pays avoisinants. L’aide canadienne en Afrique a également pour objectif le développement durable et le soutien aux petites et moyennes entreprises pour que les jeunes et les femmes aient la formation nécessaire pour s’investir dans leur pays d’origine. Ces projets de plus grande envergure sont confiés à des organisations comme le Programme des Nations Unies pour le développement, l’Organisation internationale du travail et la commission économique pour l’Afrique des Nations Unies. Le Programme canadien des bourses de la francophonie est un autre moyen qui s’est révélé positif pour renforcer les capacités institutionnelles des pays en développement membres de la francophonie.

Pour conclure, |je tiens à exprimer ma plus sincère sympathie aux personnes touchées par ce drame.

Mme KARAMANLI (France) – Une situation tragique s’aggrave. Face à ce constat, quoi faire ? La réponse paraît évidente : accompagner fortement tous les pays en mesure d’accueillir cette immigration ; sauver ceux qui sont victimes des réseaux de traite des étrangers ; démanteler les trafics et arrêter les trafiquants, passeurs, receleurs de l’argent volé et des vies mises volontairement en danger ; accueillir et insérer les nouveaux arrivants et faire droit aux demandes d’asile.

En fait, les problèmes posés aux Etats diffèrent selon leur situation géographique et économique. Les pays voisins estiment ne pas pouvoir ou ne pas avoir les moyens d’accueillir les réfugiés, et certains Etats font valoir des arguments de sécurité nationale pour limiter l’entrée des personnes en danger. Des Etats plus lointains estiment ne devoir accepter qu’une immigration choisie et très limitée. Enfin, d’autres Etats encore contribuent seulement financièrement et délèguent en quelque sorte la gestion du problème aux grandes organisations internationales.

À l’évidence, donc, la solidarité ne joue que de façon limitée.

Dire que rien n’est fait est erroné. À la suite aux drames les plus récents, plusieurs initiatives européennes ont été prises, comme un système européen de surveillance des frontières, Eurosur, ou le déploiement des forces d’intervention nationales ou européennes. Le sort des personnes naufragées a entraîné une évolution du partage des compétences entre les Etats nationaux avec une coopération autour du bateau portant secours. À l’instar d’autres parlementaires, je soutiens aussi l’idée de créer un corps européen de gardes-frontières, et je considère comme indispensable d’augmenter le budget de Frontex pour répondre aux ambitions exprimées et aux besoins constatés sur le terrain.

Par ailleurs, la réforme du régime d’asile commune européen doit être accélérée.

La nature même du phénomène a changé en quelques mois, ce qui appelle à l’intensification de tous les efforts et à une action diplomatique d’ampleur nouvelle.

Il n’échappe à personne ici que, si l’idéologie dominante au sein de l’Europe est celle d’une coopération économique entre les Etats, ceux-ci gardent la main pour les sujets d’ordre public et de sécurité. Il faut donc une gestion plus solidaire des frontières. À ce titre, l’immigration de masse, notamment par la mer, doit être reconnue comme un sujet à part entière.

Il faut aussi une réévaluation des politiques d’asile et d’immigration de l’Union européenne. La politique à mettre en œuvre doit se fonder sur le postulat que nos frontières extérieures, qu’elles soient maritimes ou terrestres, sont les frontières de tous et doivent être gérées sur la base d’une solidarité réelle entre Etats membres, comme le garantit l’article 80 du traité de l’Union européenne.

Il faut enfin un approfondissement de la coopération au service de la paix sous l’égide de l’Europe et de l’Organisation des Nations Unies et une appréhension innovante, plus fine et plus opérationnelle des conflits dans cette partie du monde, qui sont souvent des conflits sociaux en ce sens qu’ils sont internes avant de s’internationaliser.

Le Conseil de l’Europe doit donc appeler à une nouvelle feuille de route sur ces questions importantes et difficiles.

Emile Durkheim disait « Il ne suffit […] pas que les sentiments soient forts, il faut qu'ils soient précis ». Je conclurai en disant que ce travail collectif consiste non seulement à proclamer des principes mais à en préciser et à en réaliser l’application.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je crois que nous avons pris la bonne décision en décidant, quelques jours après ce nouveau naufrage catastrophique, de tenir ce débat.

Je suis un peu déçu. Notre principal défi devrait toujours de sauver des vies humaines. Ce n’est que dans un second temps que l’on devrait songer à arrêter les passeurs. Si l’on se place sur le plan humanitaire, reconnaissons que Mare Nostrum a été un succès. Pourquoi dénoncer Mare Nostrum dans le rapport ? Nous avons besoin de lancer une nouvelle opération Mare Nostrum du côté européen. Une fois que Mare Nostrum sera à nouveau en place, nous pourrons envisager le volet sécuritaire.

Les migrants viennent essentiellement de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Nigeria, mais n’oublions pas que certains petits pays abritent bien plus de réfugiés et de migrants que l’Europe entière.

En Europe, j’admire grandement la Suède. C’est un pays très accueillant. Il convient également de rendre hommage à l’Italie, mais aussi à l’Allemagne qui, en valeur absolue, accueille le plus grand nombre de migrants. La Turquie, pour sa part, héberge 2,5 millions de migrants. Si l’Europe accueillait autant de migrants proportionnellement à la petite Turquie, nous aurions quasiment trouvé la solution.

Il existe des plaques tournantes de l’immigration. Khartoum est l’une d’elles. Notons également des postes sous-régionaux de transit de migrants en Afrique sub-saharienne qui passent par là pour atteindre les côtes de Libye où ils tentent de s’embarquer.

Il convient donc de coopérer avec les pays devenus des centres de transit quasi obligés. Cela ne nous empêche nullement de relancer l’opération Mare Nostrum et de faire bien davantage pour une répartition plus équilibrée du fardeau.

M. PINTADO (Espagne)* – Je soutiens le rapport présenté par M. Mariani, un rapport équilibré qui cherche à définir une compatibilité entre les mesures juridiques en matière de politique d’asile et d’immigration dans les pays membres du Conseil de l'Europe, en tenant compte aussi du besoin d’apporter une souplesse à nos politiques et d’endiguer les flux migratoires qui se soldent par des pertes de vies en Méditerranée. Notre priorité doit être de sauver les vies. Pour cela, il faut plus d’argent, rechercher des formules pour lutter contre les mafias impliquées, mais aussi, comme l’a souligné M. Braga, travailler dans les pays d’origine et dans les pays intermédiaires. En effet, si nous ne nous attelons pas aux causes réelles des problèmes, et en l’occurrence des conflits, peut-être risquons-nous de contribuer à entretenir l’illusion chez les personnes qui cherchent à traverser la Méditerranée dans ces embarcations au risque de leur vie. Les politiques de coopération en ce domaine me paraissent essentielles.

Je voudrais également évoquer une politique qui a été appliquée par le Gouvernement espagnol en 2007. Des accords ont été signés à l’époque avec des pays d’immigration dont les populations débarquaient aux Canaries. C’est ainsi qu’en quelques années, nous avons réussi à tarir le flux de 30 000 personnes à zéro. C’est possible avec une volonté politique affirmée. Nombre de ces migrants viennent de pays dont l’Etat est en faillite. À l’échelon de l’Union européenne, des mesures ont été prises cette semaine pour renforcer la coordination, améliorer les politiques d’asile, mieux identifier les migrants et pour agir de façon coordonnée, et ce toujours en respectant la dignité de ces personnes. Il est parfois aisé de « sombrer » dans des considérations d’ordre idéologique en s’interrogeant sur la religion des personnes migrantes. Cela ne nous concerne pas. Ces populations présentent différentes caractéristiques, mais l’essentiel est de préserver la dignité de ces personnes. Il faut aussi être conscient de la nécessité de s’atteler aux racines des flux migratoires.

M. AMEUR (Maroc, partenaire pour la démocratie) – La Méditerranée s’est transformée en un gigantesque cimetière marin. Le spectacle des chalutiers surchargés de migrants qui sombrent et qui entraînent des milliers de victimes devient fréquent. Le nombre de morts a atteint ces derniers mois un niveau sans précédent. C’est une tragédie sans fin.

Du Proche-Orient, de l’Afrique sub-saharienne, de la Libye, des hommes, des jeunes, des familles entières fuient la guerre et la misère.

Avant d’arriver sur les côtes de la rive sud de la Méditerranée, ces migrants constituent des proies faciles pour ces nouveaux esclavagistes que sont les réseaux de passeurs criminels. À cela s’ajoutent aujourd’hui les menaces de l’organisation de l’Etat islamique.

Ce déferlement sans égal des populations depuis la Seconde Guerre mondiale est le résultat de la conjonction de trois facteurs importants : le bouleversement de l’ordre régional et l’effondrement des Etats, tels que la Syrie, l’Irak, la Libye, la pauvreté et la précarité extrêmes qui frappent durement plusieurs régions d’Afrique ; enfin, la déstabilisation djihadiste qui sévit dans une large partie de l’Afrique.

Face à l’ampleur du phénomène et de ses multiples ramifications, la lutte contre les réseaux de trafic des êtres humains ne peut être dissociée de la lutte contre les réseaux terroristes. La bataille doit être menée sur plusieurs fronts :

Sur le front humanitaire, la solidarité devrait être plus active pour secourir des personnes en détresse et assurer leur accueil dans des conditions dignes.

Sur le front sécuritaire, une lutte sans merci doit être menée pour démanteler les réseaux criminels. La coopération entre les pays de la rive nord et de la rive sud doit être renforcée.

Sur le front politique, une nouvelle politique migratoire européenne, globale et solidaire, devient une urgence, une politique moins hypocrite qui dépasserait la tension existante entre les besoins des entreprises qui souhaiteraient plus de migrants et les souhaits des électeurs qui rejettent les étrangers.

Nombreuses sont les voix qui aujourd’hui s’élèvent pour appeler à une organisation intelligente, humaine et humanitaire de l’arrivée des réfugiés. Il serait temps que l’Europe se souvienne et assume le fait qu’elle est une terre d’immigration.

Sur le front stratégique, l’Europe doit œuvrer pour le désamorcement des conflits et mettre fin aux guerres dévastatrices. Le cas libyen est une urgence. Le dialogue politique en cours à Rabat, mérite d’être soutenu.

Une action de longue haleine doit être privilégiée en direction des pays d’origine des migrants. Elle doit privilégier les réformes démocratiques, le développement économique, le respect des droits de l’homme. C’est seulement à travers une telle approche que l’on pourrait assurer une gestion durable de la mobilité.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

Mme RODRÍGUEZ (Espagne)* – De Lampedusa à Catane, une catastrophe humanitaire se produit chaque jour. Et si nous avons entendu de grands discours, peu d’actions ont été menées. Or si nous voulons éviter une nouvelle tragédie, c’est aujourd’hui que l’Europe doit agir.

Il est important d’insister sur le fait qu’il s’agit d’êtres humains qui, à un moment de leur vie, deviennent des migrants ou des réfugiés. Ces personnes doivent pouvoir jouir de leurs droits fondamentaux. L’Europe doit apporter, en urgence, une réponse à cette tragédie humanitaire, et en premier lieu, sauver les vies ; elle en a les moyens. De nombreux navires, qui croisent en Méditerranée, récupèrent déjà des corps de ces migrants, mais ils doivent aussi participer à leur sauvetage.

Il convient également de mettre au point des mécanismes humanitaires pour que les personnes qui fuient les guerres en Syrie, au Liban et dans la Corne de l’Afrique ne se retrouvent pas entre les mains des trafiquants. Et ensuite trouver des moyens de les accueillir, en les répartissant, de façon égale, entre tous les pays membres de l’Union européenne. Bien entendu, tout cela suppose des moyens financiers, mais nous devons apporter un engagement proportionnel et solidaire dans le cadre des budgets nationaux pour mettre en place ces opérations d’urgence.

Par ailleurs, il faut lutter contre la criminalité organisée, en détruisant notamment les embarcations qui servent à transporter ces personnes et en mettant fin aux paradis fiscaux où ces négriers du XXIe siècle placent leur argent taché de sang. Nous devons coopérer avec les pays d’origine qui doivent mieux contrôler leurs frontières. Pour cela aussi, un effort budgétaire doit être consenti par les pays européens. Nous devons enfin aider au développement économique de ces pays, notamment par le biais d’accords commerciaux et cesser de faire croire que Mare Nostrum crée un appel d’air.

Tout doit être fait pour préserver la dignité de ces personnes et sauver leur vie.

Mme LESKAJ (Albanie)* – Cette tragédie horrible qui se déroule aux portes de l’Europe m’émeut beaucoup. Je suis Albanaise et mon pays a connu une situation similaire, il y a quelques années.

Certains responsables d’extrême droite ont dit qu’il fallait « couler les bateaux ». Un autre a publié une déclaration allant dans le même sens sur son compte Twitter, à propos des migrants albanais qui ont trouvé refuge en Italie. Ces propos cyniques et racistes doivent être condamnés. D’autant que l’Italie a accueilli les migrants albanais et apporté son soutien à l’Albanie. Aujourd’hui, la mer Adriatique est un trait d’union entre les deux pays et il existe désormais une véritable coopération économique et culturelle. Plus de 9 000 jeunes Albanais étudient en Italie et plus de 20 000 Italiens travaillent en Albanie ; et je m’en réjouis.

S’agissant des événements actuels en Méditerranée, n’oublions pas que nous avons affaire à des êtres humains qui fuient des zones déchirées par des conflits de plus en plus violents, dont nous ne percevons pas la fin. Beaucoup d’entre eux sont les victimes de passeurs et même s’il existe des routes bien établies, de nouveaux itinéraires sont sans arrêt créés.

Nous ne devons pas abandonner ces migrants aux mains des criminels ; le partage du fardeau est essentiel. L’Italie, la Grèce ou Malte ne doivent pas être seuls à faire face à cet afflux de migrants. Nous avons besoin d’une solution coordonnée.

Voisins du Monténégro et de la Grèce, nous sentons les tensions s’accroître à nos frontières. L’année dernière, plus de 3 5000 migrants sont arrivés en Albanie. Le Gouvernement a créé des centres d’accueil, de la nourriture et du matériel de première nécessité ont été distribués, mais tout cela ne suffit pas ; contrôler les frontières non plus.

Ces personnes fuient leur pays en raison des conflits et des persécutions, mais également pour des raisons économiques. Nous avons besoin de trouver des réponses globales.

M. VORUZ (Suisse) – Face à ces tragédies, il y a bien longtemps que l'alerte a été lancée mais peu d'actions ont été entreprises, laissant l'Italie notamment, mais aussi Malte et d’autres pays de l'Europe du Sud se débrouiller seuls. J'ai présenté un rapport devant la Commission permanente à Bruxelles, rapport demandant une plus grande solidarité entre tous les pays européens en vue de mieux répartir les demandeurs d'asile, pour ne pas laisser les pays concernés par les Accords de Dublin se débrouiller seuls. D'ailleurs, ces accords, que l’on pourrait qualifiés d’être à la Ponce Pilate, sont une immense hypocrisie.

D'autres tragédies se déroulent également ailleurs. Il faut donc absolument trouver des solutions. Voici quelques propositions : renégocier les Accords de Dublin dans le sens d'un accueil quantitatif et qualitatif des réfugiés, que les pays du Conseil de l'Europe devraient assumer en proportion de leurs forces économiques ; lutter contre l'immense corruption qui sévit dans de nombreux pays africains et ailleurs ; cesser d'alimenter ces pays corrompus et prendre des mesures fermes pour remettre sur les rails ces pays, qui sont pourtant riches en matières premières.

Pour cela, il convient de prendre les mesures qui s'imposent pour rendre aux peuples concernés la démocratie et les emplois. Enfin, il faut bloquer tous les fonds des dictateurs qui sont dissimulés en Europe, en Suisse ou ailleurs, et saisir leurs avoirs et leurs patrimoines où qu'ils se trouvent. Ce sont là les seules mesures qui pourraient nous sortir du marasme politique et qui pourraient rendre leur dignité aux peuples mutilés et assassinés. En attendant, tous les pays européens, y compris le mien, doivent tout entreprendre pour aider l'Italie, en particulier, à prendre des mesures sanitaires et d'hébergement dignes de ce nom.

Mme TZAKRI (Grèce)* – Si la mort des 700 personnes qui se sont noyées au large des côtes de Lampedusa est une tragédie, nous ne pouvons pas nous focaliser uniquement sur cet événement et sur les flux migratoires en Méditerranée. Il s’agit d’un problème qui concerne tous les pays d’Europe. Nous savons aujourd’hui que des milliers de personnes se trouvent sur la côte turque et attendent de trouver un moyen de passer en Europe. La Grèce n’a jamais été la porte d’entrée principale pour l’immigration européenne. Il s’agit là d’un phénomène unique qui dépasse nos capacités de gestion, quels que soient les efforts d’amélioration. La Grèce n’est pas une porte d’entrée parmi d’autres ; je dirais même qu’elle a été la porte d’entrée principale au cours des deux dernières années, ce qui entraîne des conséquences tragiques du fait de la crise économique.

La plupart des mesures proposées ont déjà été plus ou moins utilisées, de manière plus ou moins efficace. Mais celles qui n’ont pas été appliquées pourraient-elles l’être à l’avenir ? Pourquoi n’y avons-nous pas eu recours pendant toutes ces années ? Pourquoi avons-nous laissé les pays qui se trouvent en première ligne seuls face à ces problèmes ? Nous devons parvenir à une solution européenne qui soit comprise de la même façon par tous les pays.

Aujourd’hui, si un immigré passe nos frontières et se retrouve chez nous, nous sommes obligés de l’accueillir, car ceux qui décident de venir en Europe ne vont pas retourner chez eux : ils sont obligés de rester et nous sommes tenus de trouver une solution. Et nous devons évidemment le faire selon les règles européennes.

L’Union européenne est le plus grand donateur au monde, mais cela ne change rien aux flux migratoires. Quelles possibilités s’offrent donc à nous ? Quelles nouvelles initiatives pouvons-nous prendre ? Quelle est notre politique extérieure, compte tenu du fait que l’Union européenne ne veut pas se tourner vers la Russie ni vers d’autres partenaires pour trouver des solutions ?

Je l’ai dit hier, je le répète aujourd’hui : nous devons proposer aux réfugiés une aide humanitaire en nous assurant qu’ils savent dans quel pays ils veulent aller. Nous devons également soutenir l’immigration régulière.

Toute l’Europe doit prendre ses responsabilités et faire preuve de solidarité face aux problèmes graves, et non simplement face à ceux qu’il nous semble plus facile de résoudre.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Le débat que nous tenons ce matin est nécessaire et capital. Ces derniers jours encore, des naufrages sont survenus dont les images nous hantent. Comme l’a écrit hier un mouvement d’aide aux migrants : « Dormez tranquilles, nous ne viendrons pas vous embêter : nous sommes noyés ! » C’est dramatique. Nous sommes une centaine dans cet hémicycle : imaginez 700 victimes d’un seul coup, hommes, femmes, enfants ! Il y a peu, la maire de Lampedusa demandait dans quelles proportions elle allait devoir étendre encore son cimetière, combien de victimes encore elle allait devoir y enterrer.

Les désastres en Méditerranée sont de plus en plus fréquents, mais cela nous paraît presque normal, comme s’il s’agissait d’un séisme, de n’importe quel phénomène naturel. En réalité, cela nous déshumanise tous, y compris nous, Européens. Cela bat en brèche toutes nos valeurs, tout ce dont nous pouvions être fiers.

Nous devrions avant tout nous montrer accueillants et responsables. Il faut évidemment mettre un terme aux conflits là où ils font rage, mais surtout sauver les gens qui sont en train de se noyer, par des programmes tels que Mare Nostrum. On dit que Mare Nostrum a créé un appel d’air, mais les rapports d’Amnesty International montrent que le nombre de migrants a continué d’augmenter même après l’arrêt de cette opération. Ce n’est donc pas Mare Nostrum qui fait venir les gens : s’ils tentent de rejoindre nos pays, c’est parce qu’ils sont poussés hors de chez eux, non parce qu’on les attire chez nous ! Il faut que l’Europe s’adapte et modifie son point de vue.

Nous devons faire ce que dit le Haut Commissaire aux réfugiés de l’Organisation des Nations Unies, entre autres organisations : mettre en place des opérations de recherche et de sauvetage efficaces en Méditerranée, et faire preuve de solidarité intra-européenne, pour éviter de laisser l’accueil des migrants à une poignée de pays. Il faut donc revoir les mécanismes de Dublin. Sinon, il y aura de plus en plus de noyés et ce sera une défaite pour chacun d’entre nous. Mais si nous gagnons, nous gagnerons tous ensemble, et ce sera un triomphe de la démocratie contre le fascisme dont notre organisation et l’Europe tout entière pourront s’honorer.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Un grand merci aux Italiens pour leur cœur méditerranéen plein de chaleur humaine ! Ils sont tout seuls, tous les jours, face au drame des migrants qui fuient la guerre et la pauvreté dans leur pays et rêvent de trouver en Europe liberté et dignité ; hélas, la plupart d’entre eux ne trouveront même pas de moyens de survie, quand ils n’auront pas été avalés par les vagues.

Des milliers de personnes, hommes, femmes, enfants, sont mortes dans le canal de Sicile depuis 2010. La tragédie la plus meurtrière a eu lieu le 19 avril, mais ce n’était pas la première et ce ne sera malheureusement pas la dernière. Ces gens fuient la guerre civile en Syrie, les conflits dans la corne de l’Afrique, la crise irakienne, la crise libyenne ; ce sont des déplacés et des réfugiés au sens du droit international, des demandeurs d’asile potentiels.

L’Europe ne pourra jamais être une forteresse ; c’est contraire à son histoire, à sa géographie, à ses valeurs. Elle doit agir pour éviter les tragédies en Méditerranée. La solution sécuritaire est importante, mais n’est pas suffisante. Le meilleur moyen de se défendre est de faire régner plus de justice de part et d’autre de la Méditerranée. Plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour améliorer les politiques d’asile, mais les parlements nationaux devraient également entamer un dialogue et analyser les véritables causes de ces flux : la destruction de l’Etat dans toutes ses dimensions, les crises liées à la transition politique.

En conséquence, l’Europe doit définir des pistes de soutien stratégique pour assurer une certaine stabilité géopolitique au Sud, par exemple en appuyant le dialogue politique entre les parties au conflit libyen, qui se déroule à Skhirat, au Maroc, pays qui a assumé ses responsabilités en faisant tout pour favoriser ces discussions.

L’Europe doit aussi apporter à ce drame une réponse politique, en contribuant à améliorer la situation en Afrique et au Moyen-Orient, à stimuler l’économie et l’instauration de régimes stables dans les pays d’origine. Cela seul pourra mettre fin aux tragédies en mer.

Pour ce faire, l’Union européenne devrait abandonner la voie du protectionnisme et ouvrir ses marchés aux produits agricoles et autres en provenance d’Afrique et du Moyen Orient. Il est par ailleurs temps de renforcer la coopération Sud-Sud afin de conforter cette orientation.

À cet égard, le Maroc, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2013, a lancé la création de l’Alliance africaine pour la migration et le développement. En effet, sur le long terme, c’est bien une réponse stratégique en matière de développement qui doit être apportée à cette tragédie.

Mme KAVVADIA (Grèce)* – Le problème des réfugiés est très grave et dure depuis longtemps. Les récits des migrants sur les guerres qu’ils ont fuies ont révélé une situation des plus tragiques, nombre d’entre eux ayant même fini leur vie dans la Méditerranée : pour ce seul mois, on compte quelque 1 260 morts, 1 000 s’étant noyés en un seul jour. On ne saurait se contenter du fait que ces événements font les unes des journaux télévisés du soir.

Il revient à plusieurs pays de prendre leurs responsabilités. En effet, où se trouve l’Europe censée promouvoir les principes de solidarité, de respect de la vie ? Plus que d’une question culturelle, c’est de vies humaines qu’il s’agit ici. On ne saurait se satisfaire de déclarations de sympathie dans les médias – quand on n’en vient pas à émettre, hélas de plus en plus, des considérations xénophobes…

Or, même aujourd’hui, l’obligation morale d’agir pour l’Europe reste lettre morte. Elle ne fait pas son devoir. Il faut sauver les migrants et leur offrir l’asile. La Commission européenne a présenté 10 propositions à Luxembourg, l’autre jour, mais tout en insistant sur le crime organisé et donc sur la nécessité de réduire les flux migratoires – et, certes, il faut détruire les réseaux des passeurs –, mais sans penser à sauver les réfugiés et à les répartir dans tous les Etats membres. La collaboration des pays européens en matière de sécurité neutralise, d’une certaine manière, tout élan de solidarité.

Il n’y a pourtant plus de temps à perdre – on l’a dit à plusieurs reprises. Chaque retard coûte des vies humaines. Les migrants n’ont pas besoin de nos larmes mais de trouver un endroit où vivre. Nous devons faire en sorte d’éviter les guerres afin qu’ils puissent rester chez eux.

M. GHAMBOU (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Si nous avons bonne mémoire, nous nous rappellerons l’avertissement lancé il y a quelques mois par le pape : la Méditerranée est devenue un tombeau. Cette métaphore a peut-être parlé à nos cœurs mais pas suffisamment à nos esprits. Cependant, je suis heureux d’entendre qu’en dépit de nos différences politiques, nous sommes tous d’accord pour considérer que la crise actuelle requiert une approche plus complète, devant réunir les dirigeants des pays du Nord comme du Sud, afin qu’ils définissent des politiques concrètes.

Prenant appui sur la récente expérience du Maroc, confronté à des flux migratoires en provenance de l’Afrique subsaharienne et du Moyen Orient, je pense nécessaire de développer une stratégie fondée sur les trois phases de la migration irrégulière.

La première concerne le pays d’origine dont l’instabilité politique et la crise de l’emploi provoquent le départ de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Nous avons à maintes reprises proposé que la coopération économique entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne soit la solution à envisager. Certes l’aide humanitaire peut fournir un soulagement temporaire mais elle ne mettra pas un terme à la migration illégale. Nous devons réfléchir ensemble à des programmes d’investissement et à la réforme des systèmes d’éducation pour promouvoir l’emploi des jeunes notamment.

La deuxième phase concerne le pays de transit. Les relations bilatérales entre les pays du Nord et ceux du Sud, des deux côtés de la Méditerranée, doivent être renforcées. L’exemple de l’Accord de coopération pour la sécurité aux frontières, conclu entre l’Espagne et le Maroc est un bon exemple dont pourraient s’inspirer la Libye et l’Italie, d’une part, la Turquie et la Grèce de l’autre.

Enfin, troisième phase, les pays de destination, en l’occurrence les pays européens, doivent se doter de politiques migratoires communes. Le message doit être clair : avons-nous besoin de travailleurs migrants ou non ? Si oui, où ? La mobilité est-elle un droit de l’homme ou un crime ?

Il est urgent qu’une enceinte internationale réunisse les chefs d’Etat, les décideurs politiques et les organisations de la société civile de tous les pays riverains de la Méditerranée afin qu’ils réfléchissent ensemble au problème de la migration qui leur est commun. Le Maroc se féliciterait d’une telle initiative. La Méditerranée ne doit plus être le lieu où tant de personnes meurent, mais un lieu de solidarité.

LA PRÉSIDENTE – Nous en arrivons à la réplique de la commission.

M. MARIANI (France), rapporteur – Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés. Le constat est terrible : la Méditerranée, à cette heure, a tué presque autant que le virus Ebola et il est à craindre que, dans quelques semaines, elle n’ait tué bien davantage. Un seul chiffre est éloquent : 1 750 personnes sont mortes depuis le début de l’année, à savoir, selon les estimations, entre 30 à 40 fois plus que l’année dernière, alors que, pour des raisons météorologiques, peu de bateaux ont pris la mer depuis le mois de janvier. Donc, j’y insiste, le constat est accablant et insoutenable.

Les responsabilités sont partagées. Je m’accorde avec l’analyse de M. Bensaid qui a bien fait la part des choses : certes l’Europe a des responsabilités mais une partie des Etats africains également. La faillite de certains d’entre eux jette nombre de pauvres gens sur les routes. Il faut a contrario saluer ceux qui ont fait des efforts et je pense avant tout au Maroc dont la politique en matière d’immigration est exemplaire – il s’agit d’un cas unique qu’il faut encourager. On ne saurait bien sûr passer sous silence la responsabilité des passeurs, mais il faut bien admettre que la lutte contre eux est sans fin.

Quelles solutions ? Nous sommes dans le temps de l’action pour sauver des vies humaines, pour trouver une solution durable et non pas dans le temps de l’incantation.

Sur le long terme, cette question représente certainement le défi le plus important que l’Europe aura à relever. En effet, comme chacun sait, l’Afrique connaîtra une poussée démographique qui ne sera pas compensée par l’évolution économique, même si l’économie de certains Etats décolle. À cet égard, la poussée migratoire d’aujourd’hui n’est qu’un début. Il est à craindre que, au cours des vingt prochaines années, cette question agite encore notre hémicycle – en espérant que les victimes soient moins nombreuses.

Nous connaissons tous les solutions de long terme, qu’un grand nombre d’orateurs ont évoquées : le codéveloppement, mais aussi un effort pour stabiliser les Etats, car la stabilité est la première condition du développement économique, lequel est quant à lui le meilleur moyen de faire en sorte que les gens restent dans leur pays. Mais ce sont là des solutions de long terme. Cela dit, les choses peuvent être fragiles. Pensons à ce qui s’est passé dans certains Etats d’Afrique du Nord : alors qu’on les croyait sur la bonne voie depuis des années, on s’est aperçu que tout peut s’effondrer très rapidement.

Au-delà de ces actions de long terme, nous avons aussi l’obligation d’agir à court terme. À cet égard, la priorité est de sauver des vies. Je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu sur ce que j’écris dans mon rapport à propos de Mare Nostrum. L’opération, pour ce qui est de sauver des vies, est un succès, même si l’on peut le juger insuffisant dans la mesure où il y a quand même eu des vies perdues.

Pour ceux qui ont la curiosité d’étudier les graphiques indiquant les moyens alloués aux deux dispositifs, la comparaison avec l’opération Triton est éclairante : un seul vaisseau de gardes-frontières pour Triton, contre quatre pour Mare Nostrum ; un vaisseau amphibie pouvant recueillir un grand nombre de migrants pour Mare Nostrum, zéro pour Triton ; trois avions et six hélicoptères de patrouille pour Mare Nostrum, un avion et un hélicoptère pour Triton. Je ne veux donc pas qu’il y ait de malentendu, surtout avec nos amis italiens, qui ont supporté à eux seuls un poids que l’Europe dans son ensemble n’assume pas aujourd’hui. S’il y a un Etat que je ne mets pas en accusation, c’est bien l’Italie. Il en va de même pour la Turquie, qui est certainement, au sein du Conseil de l’Europe, le pays qui, du fait des événements dramatiques au Moyen-Orient, accueille en proportion le plus de réfugiés. Deux chiffres encore, pour en terminer avec Mare Nostrum et lever toute ambiguïté : selon Amnesty International, ce sont quasiment 10 millions d’euros qui ont été consacrés à Mare Nostrum, contre moins de 3 millions à Triton. Même si nous ne sommes pas ici pour désigner un coupable, s’il y a une insuffisance évidente et dramatique, elle émane bien de l’Europe : 3 millions, quand on connaît le budget de l’Europe, c’est une somme tout à fait insuffisante.

Reconnaissons aussi que, même si nous sommes entrés dans un cercle vertueux, les effets en sont contradictoires. Certains ont dénoncé un paragraphe du rapport où il est écrit que Mare Nostrum alimente l’immigration irrégulière. Ce n’est bien sûr pas le cas, mais reconnaissons – c’est d’ailleurs ce qu’a dit indirectement notre collègue grecque Mme Tzakri – qu’il y a aujourd’hui un paradoxe. Quelqu’un qui monte sur un bateau n’a que deux solutions. La première est inadmissible : disparaître en mer ; la seconde est regrettable : sauver sa vie, mais entrer en Europe de manière irrégulière. On ne peut évidemment se satisfaire de n’avoir que ces deux solutions.

Je sais qu’un certain nombre de personnes, sur ces bancs et ailleurs – je l’ai lu dans la presse française d’hier –, pensent qu’il faut s’ouvrir complètement à l’immigration. Selon moi, l’Europe doit être ouverte à une immigration contrôlée et respectant certaines lois. Je suis désolé de le dire, mais on ne peut à la fois demander une ouverture générale de l’immigration et condamner la montée de la xénophobie et de l’extrême droite, car on sait bien qu’une immigration incontrôlée a des conséquences au sein de nos populations.

Nous devons donc avant tout sauver des vies, bien sûr, fixer des règles plus ouvertes mais aussi tenir compte de la capacité des différents Etats. Certains Etats sont plus généreux que d’autres – je ne sais pas si le terme est adapté – s’agissant des réfugiés politiques. On a parlé de la Suède ou encore de l’Allemagne. Même si je n’entends pas me faire l’avocat de mon pays, vous me permettrez de rappeler que la France, qui se trouve sans doute, pour ce qui est des réfugiés, au milieu du tableau, accorde, tout compris, 200 000 titres de séjour chaque année. Il faut donc prendre en compte l’ensemble de l’effort consenti et non pas se limiter au nombre des réfugiés.

Des solutions de court terme existent. L’Europe va prendre un certain nombre de mesures, dont j’estime qu’elles vont dans la bonne direction. Il est vrai que, par le passé, on a connu des exemples de crises ayant trouvé des solutions. Mme Leskaj faisait référence tout à l’heure à la crise qui a secoué l’Albanie et l’Italie. Même si elle était limitée, il est vrai que les deux Etats ont réussi à trouver une solution. M. Pintado, quant à lui, faisait référence à la crise de 2007 entre le Sénégal et l’Espagne. Là encore, on a trouvé une solution, mais la crise était elle aussi limitée. Je constate que certains Etats ont pris des mesures beaucoup plus radicales et parfois condamnables au regard des droits de l’homme. Je pense à l’Australie, qui a envoyé, à un certain moment, un message très clair : aucune personne arrivée illégalement sur un bateau ne serait régularisée. Là-bas aussi il y avait à l’époque un certain nombre de victimes. Eh bien aujourd’hui, du fait d’une politique claire, cette immigration clandestine et meurtrière passant par la voie maritime a cessé. La générosité et l’humanisme sont certes indispensables, mais à certains moments, compte tenu de l’ampleur du problème, il faut aussi fixer certaines règles. Nos Etats doivent savoir prendre des mesures contre les passeurs et lutter contre la tendance à ouvrir les frontières trop largement.

Pour conclure, le rapport s’efforce de faire un compromis entre l’obligation, qui est la nôtre à tous ici, de faire preuve d’humanité et de générosité, et la nécessité, que l’on peut certes regretter, de n’accueillir l’immigration qu’à la mesure de nos moyens, de manière à ce que les nouveaux arrivants s’intègrent et ne suscitent pas le rejet. Enfin, il ne faut jamais oublier que seuls la paix et le développement à long terme de l’Afrique et du Moyen-Orient fourniront une solution durable.

LA PRÉSIDENTE – Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre travail et pour vos réponses. Merci également à la commission pour le travail extraordinaire qui a été accompli dans les moments difficiles que nous vivons.

La discussion générale est close.

La commission a présenté un projet de résolution sur lequel 14 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des migrations proposait de considérer les amendements 1 et 2, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. MARIANI (France), président de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – En l’absence d’objection, les amendements 1 et 2 sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Nous en venons à l’amendement 3.

M. KATRIVANOU (Grèce)* – Chers collègues, ne donnons pas l’impression que nous ignorons la réalité. Les passeurs sont un symptôme, mais si les migrants ont recours aux passeurs, s’ils s’en remettent à eux, c’est que les frontières sont difficiles à franchir. Le problème réel est qu’il n’existe pas de moyens légaux d’entrer en Europe. Les passeurs sont certes un fléau, mais que cela ne nous cache surtout pas les causes profondes : il n’existe pas de moyens légaux d’entrer en Europe.

M. MARIANI (France), rapporteur – Je suis contre cet amendement. Son auteur argue de l’absence de moyens légaux permettant d’entrer en Europe, mais ces moyens existent. Certes, l’Europe a des frontières, et l’on peut le regretter, mais je vous laisse deviner ce que seraient les conséquences d’une absence totale de frontières.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 3 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 13.

M. NICOLETTI (Italie)* – Nous avons beaucoup apprécié la fin du rapport ainsi que les derniers propos tenus par le rapporteur lors de sa réplique. Mais, pour insister sur la nécessité de renforcer les moyens de recherche et de secours, il faut éviter tout malentendu.

C’est la raison pour laquelle nous suggérons de supprimer la fin de ce paragraphe, qui laisse à penser que l’opération Mare Nostrum aurait des effets secondaires indésirables, et voulons reformuler la fin de ce paragraphe afin que notre demande de bénéficier d’un soutien plus massif soit mieux comprise à Strasbourg et Bruxelles.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 13 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons à l’amendement 4.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Prétendre, comme cela est écrit dans le paragraphe visé, que Mare Nostrum attire des migrants est tout simplement faux ! Les statistiques montrent le contraire, Mme Katrivanou a d’ailleurs cité des chiffres à ce propos durant son intervention.

Monsieur Mariani ne conteste apparemment pas les chiffres de l’Onu, mais je vous invite vivement à voter pour cet amendement.

M. MARIANI (France), rapporteur – Je répète que je n’ai jamais prétendu que Mare Nostrum attirait les immigrants mais simplement qu’il y avait un effet que chacun peut constater. Je m’en suis déjà expliqué. Je suis contre l’amendement.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est opposée à cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons à l’amendement 5.

M. KATRIVANOU (Grèce)* – Je ne comprends pas comment le paragraphe visé peut avoir sa place dans ce projet de résolution. Nous parlons de la tragédie humaine vécue en Méditerranée et de la nécessité de sauver des vies. Notre Assemblée n’a pas à se faire le relais d’un message de l’Etat islamique et des terroristes.

L’Etat islamique menace notre sécurité, c’est incontestable. Mais cet aspect doit être traité dans une autre résolution que celle-ci. Nous en avons d’ailleurs parlé dans une autre séance, toute récente. Ici, il s’agit d’empêcher les noyades.

M. MARIANI (France), rapporteur – Je suis contre cet amendement, car nier l’importance de ce qui se passe en ce moment au Moyen-Orient serait être aveugle. Cette phrase ne fait que rappeler les propos de l’Etat islamique, à savoir que ce dossier comporte effectivement un risque.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous passons aux amendements 6 de Mme Katrivanou et 10 de M. Di Stefano, qui sont identiques.

L’amendement 6 ayant été déposé avant l’amendement 10, je donne la parole à Mme Katrivanou pour soutenir ces deux amendements.

M. KATRIVANOU (Grèce)* – En fait, ce sera Mme Korun qui les défendra.

Mme KORUN (Autriche)* – Ce projet de résolution vise à faire cesser ces tragédies mortelles en Méditerranée Or, dans ce paragraphe, il est question d’un incident ponctuel, qui ne fait même pas l’objet d’une enquête définitivement bouclée. Un juge enquête encore à l’heure actuelle. Dans un rapport dont les sauvetages en Méditerranée sont le sujet principal, généraliser ainsi me semble déplacé.

Afin d’éviter tout malentendu et toute généralisation abusive, nous vous proposons de supprimer ce paragraphe.

M. MARIANI (France), rapporteur – Ma réponse sera la même : on ne peut nier l’environnement géopolitiquement qui cause ces migrations. C’est un fait sur lequel, à l’heure actuelle, la justice italienne enquête.

Nous proposerons par la suite dans l’amendement suivant d’écrire cette phrase au conditionnel, pour exprimer quelques réserves, mais le fait est que l’Italie enquête.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est défavorable à ces amendements.

Les amendements 6 et 10 ne sont pas adoptés.

LA PRÉSIDENTE – Nous passons à l’amendement 14.

M. NICOLETTI (Italie)* – Cet amendement ne nie pas un incident tragique, dont nous prenons acte. Mais une enquête judiciaire est actuellement en cours en Italie et nous voudrions, d’une part, mettre le verbe au conditionnel dans la mesure où l’enquête n’est pas close et, d’autre part, supprimer la fin du texte afin qu’il n’y ait aucune zone d’ombre et que personne ne pense que les réfugiés pourraient menacer la paix religieuse en Europe.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

L’amendement 14 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 7.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Le principal défi ne consiste pas à réduire le nombre de personnes qui entreprennent un périlleux voyage en mer, mais à éviter tout décès et à garantir l’accès à une protection internationale. En l’état, le paragraphe 9 laisse penser que l’Assemblée veut empêcher ces personnes de demander l’asile pour réduire le nombre des réfugiés en Europe. C’est hors sujet dans le cadre de la résolution, qui traite de la coopération entre les pays pour sauver les migrants et non des moyens de réduire les migrations.

M. MARIANI (France), rapporteur – Nous sommes tous d’accord sur ces bancs sur le fait que le principal défi est de stopper l’hémorragie en vies humaines. Cet article rappelle simplement que l’une des mesures consiste d’abord à réduire le nombre des personnes qui tentent de traverser la Méditerranée par bateau. Je suis contre cet amendement.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est contre l’amendement.

L'amendement 7 n'est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 11.

M. DI STEFANO (Italie)* – Avec ce projet de résolution, nous nous efforçons de faire progresser l’Europe sociale et l’Europe des peuples. En ce sens, un partage des responsabilités et des coûts concernant l’accueil et la prise en charge des migrants est nécessaire. La répartition du fardeau doit s’exercer sur la base de quotas qui touchent tous les pays et pas seulement ceux qui font déjà le plus d’efforts. Je remercie la commission d’avoir approuvé cet amendement ce matin.

LA PRÉSIDENTE – Si je comprends bien, la commission est donc favorable à cet amendement ?

M. MARIANI (France), rapporteur – En effet, Madame la Présidente. Il s’agit d’un amendement important, qui marque une petite révolution dans l’application du Règlement de Dublin. Le mot « quota » n’est pas entièrement satisfaisant mais c’est l’idée qui est à retenir.

L'amendement 11 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 12.

M. DI STEFANO (Italie)* – Cet amendement pourrait apparaître comme une provocation mais ce n’en est pas une. Les Européens ont des responsabilités communes mais ils oublient que certaines causes ne concernent pas tous les pays. Songez aux bombardements de la Libye. Selon moi, ceux qui ont détruit doivent réparer plus que les autres.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Cet amendement n’a aucun sens. Il vise les pays responsables mais, en réalité, d’où proviennent les flux de migrants les plus importants ? D’Irak, de Syrie, d’Erythrée, du Mali et du Nigeria. Or quels sont les pays responsables de la situation dans ces Etats ? Je pose la question.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – Avis défavorable.

L'amendement 12 n'est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 8.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Cet amendement propose une modification de forme. Il s’agit de remplacer les termes « des conclusions » par « plan d’action » pour être conforme au titre du document du Conseil européen actuellement en cours d’examen. Si ce texte est adopté après-demain, son titre officiel sera « Plan d’action sur les migrations ».

M. MARIANI (France), rapporteur – Je suis contre cet amendement. Les conclusions du Conseil des ministres de l’Union européenne sont des propositions. Le plan d’action est le programme à long terme élaboré par la Commission depuis plusieurs mois. Je maintiens que la bonne rédaction est celle qui est proposé dans le texte.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – La commission est favorable à l’amendement.

L'amendement 8 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 9.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Nous proposons de supprimer le mot « irrégulières » après le mot « migrations » afin de mieux refléter, une fois encore, les termes du document de l’Union européenne.

M. MARIANI (France), rapporteur – Une personne qui prend le bateau pour rentrer irrégulièrement en Europe est en situation de migration irrégulière. C’est une évidence.

Mme ERKAL KARA (Turquie), vice-présidente de la commission – Avis défavorable.

L'amendement 9 n'est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13764, tel qu'il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (88 voix pour, 1 voix contre et 12 abstentions).

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Limitation du temps de parole

2. Projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (Débat selon la procédure d’urgence)

Présentation par Lord Tomlinson du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc.13763 et 13753)

Orateurs : MM. Jónasson, Franken, Díaz Tejera, Mme Taktakishvili, MM. Corlăţean, Sasi, Mme Korenjak Kramar, MM. Golub, Pozzo di Borgo

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet d’avis

3. La tragédie humaine en Méditerranée : une action immédiate est nécessaire (Débat selon la procédure d’urgence)

Présentation par M. Mariani du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc.13764)

Orateurs : MM. Vitsas, Nicoletti, Mmes Fiala, Erkal Kara, M. Mota Amaral, Correia, Mmes Jansson, Ghasemi, MM. Schwabe, Yatim, Badea, Lord Anderson, MM. Di Stefano, Spautz, Braga, Bensaid, D’Arcy, Mme Anagnostopoulou, M. Rivard, Mme Karamanli, MM. Schennach, Pintado, Ameur, Mmes Rodríguez, Leskaj, M. Voruz, Mmes Tzakri, Katrivanou, El Ouafi, Kavvadia, M. Ghambou

Réponse de M. le rapporteur

Vote sur un projet de résolution amendé

4. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Ben-Oni ARDELEAN

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Chiora Taktakishvili

Gérard BAPT*

Doris BARNETT/Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL/Yves Pozzo Di Borgo

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON*

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON*

Igor CORMAN

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR/Mónika Bartos

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE/Lord Richard Balfe

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER*

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON/Rait Maruste

Alfred HEER

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH/Marcel Oberweis

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV/Sevinj Fataliyeva

Vitaly IGNATENKO

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS/Dalia Kuodytė

Gordan JANDROKOVIĆ/Ingrid Antičević Marinović

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Hans Fredrik Grøvan

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV/Kancho Filipov

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI*

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX*

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA/Killion Munyama

Zviad KVATCHANTIRADZE*

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK*

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ*

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO*

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA/Jim D'arcy

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN/Armen Rustamyan

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH/Jenő Manninger

Miroslav NENUTIL*

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Eva-Lena Jansson

Joseph O'REILLY

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA/Fazil Mustafa

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET*

Rovshan RZAYEV*

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI

Nadiia SAVCHENKO*

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER*

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ*

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK*

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI/Andrzej Jaworski

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Theodora TZAKRI

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ/Gabriela Pecková

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ*

Anne-Mari VIROLAINEN*

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Vladyslav Golub

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS*

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN/Vahan Babayan

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Kerstin LUNDGREN

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Percy DOWNE

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Michel RIVARD

David TILSON

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Abdelmalek AFERIAT

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Mohammed Mehdi BENSAID

Nezha EL OUAFI.

El Mokhtar GHAMBOU

Omar HEJIRA

Abdelmajid LAMHACHI

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM