FR15CR17

AS (2015) CR 17

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-septième séance

Jeudi 23 avril 2015 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Modification dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE – Une proposition de modification dans la composition des commissions a été publiée dans le document Commissions (2015) 04 Addendum 5.

En l’absence d’opposition, cette modification est adoptée.

2. Rapport annuel d’activité 2014 du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation par M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, de son rapport annuel d’activité 2014.

Je voudrais, Monsieur le Commissaire, vous souhaiter une très cordiale bienvenue, et vous dire combien nous apprécions votre travail. Nous vous lisons régulièrement et j’ai moi-même le grand plaisir de travailler régulièrement avec vous. Ce matin encore, nous avons eu, dans mon bureau, un échange de vues approfondi. Et, dans tous vos rapports, je lis que tous les pays donnent matière à réflexion, sinon à inquiétude, parce qu’on constate souvent une dégradation de la situation en termes de droits de l’homme.

Votre travail est donc plus important que jamais. Je sais que vous allez sur place, que vous discutez avec les gens. Vous êtes diplomate, mais vous êtes également très ferme lorsqu’il est nécessaire de l’être. Je tiens donc à vous remercier pour tout le travail que vous faites, et la coopération qui existe entre vous et l’Assemblée parlementaire est vraiment très, très importante.

Je me réjouis donc de vous voir revenir à la tribune de notre hémicycle, et c’est avec grand plaisir que je vous cède la parole, Monsieur le Commissaire.

M. MUIŽNIEKS, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les parlementaires, c’est un grand plaisir et un grand honneur d’être à nouveau parmi vous, dans cet hémicycle, pour débattre de ce troisième rapport annuel.

J’avais prévu, à vrai dire, une introduction différente, mais la tragédie de la migration qui se déroule en Méditerranée m’amène à parler de ses implications en termes de droits de l’homme. En tant que parlementaires, vous pouvez en effet jouer un rôle crucial pour pousser vos pays, c’est-à-dire l’ensemble de l’Europe, à avoir une approche différente de la migration, fondée sur les droits de l’homme plutôt que sur la sécurité. Nous savons tous ce qu’il faut entendre par là. Cela veut dire qu’il ne doit pas y avoir de refoulement, ni à la frontière ni en mer, et que des opérations de recherche et de sauvetage européennes doivent être menées. Il faut un Mare Nostrum européen – il ne faut pas laisser la marine italienne faire tout le travail. Il faut également ouvrir des possibilités juridiques de gagner l’Europe, faciliter le regroupement familial, faciliter davantage de réinstallations de réfugiés syriens et d’autres pays. Il faut aussi une véritable solidarité en Europe pour assumer la responsabilité des nouveaux arrivés. Hier, j’ai publié un texte exprimant ce point de vue, et j’espère que la réunion des dirigeants de l’Union européenne qui se tient aujourd’hui pourra enfin marquer un nouveau départ, vers une approche de l’immigration placée sous le signe des droits de l’homme.

Un deuxième sujet a occupé beaucoup de mon temps et de mon énergie ces derniers temps: l’Ukraine. Je m’y suis rendu à quatre reprises l’année dernière. Comme j’ai déjà participé à plusieurs débats thématiques à l’Assemblée sur la situation humanitaire, notamment sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays, je ne vais pas me répéter.

Je voudrais dire quelques mots de la Crimée. Je me suis rendu en Crimée au mois de septembre dernier, et je continue à suivre la situation des droits de l’homme en Crimée. Je suis très préoccupé: je n’ai pas vu de progrès notables dans les enquêtes sur les violations au titre des articles 2 et 3 ni en ce qui concerne la limitation des activités des forces d’autodéfense. En outre, les pressions sur les minorités, les médias et les défenseurs des droits de l’homme n’ont pas faibli. Deux dirigeants des Tatars de Crimée font toujours l’objet d’une interdiction d’entrer sur le territoire de la péninsule, tandis qu’un troisième, M. Tchigoz, que j’avais rencontré à Bakhchisaray, a été arrêté et accusé de délits qu’il aurait commis avant les changements politiques du mois de mars dernier. La télévision des Tatars de Crimée a récemment été fermée, et un certain nombre de journalistes ont été interrogés, leurs domiciles perquisitionnés. Tout cela a eu un effet tout à fait déplorable sur la liberté d’expression dans la péninsule de Crimée.

Je dirai quelques mots sur l’Azerbaïdjan. Depuis l’été dernier, la quasi-totalité des défenseurs des droits de l’homme de premier plan du pays ont été arrêtés ou conduits à se cacher, ou alors ils sont partis à l’étranger, poursuivis sous des chefs d’accusation qui ne sont pas crédibles. J’ai rendu visite à plusieurs personnes détenues, des défenseurs des droits de l’homme, au mois d’octobre dernier. Il y a en général deux types de chefs d’accusation qui pèsent sur eux. Le premier est la violation de la législation sur les ONG – une législation qui rend pratiquement impossible toute activité de défense des droits de l’homme dans le pays. La deuxième catégorie est constituée d’accusations d’espionnage, de trafic de stupéfiants, d’incitation à la haine et autres chefs d’accusation peu vraisemblables. Ces mesures de répression visent en réalité des personnes qui travaillent avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales de défense des droits de l’homme. Tout cela m’a poussé à intervenir en tant que tiers dans cinq affaires dont la Cour européenne des droits de l’homme est saisie pour montrer qu’il s’agissait d’un problème de nature systématique, non d’affaires individuelles: c’est, de toute évidence, un schéma répétitif. Deux des militants concernés viennent tout juste d’être condamnés à des peines de prison extrêmement longues pour violation de la législation sur les ONG. Hier, Intigam Aliyev, qui a coordonné un programme de formation juridique dans le pays, en partenariat avec le Conseil de l’Europe, et qui a été avocat dans des dizaines d’affaires traitées par la Cour européenne des droits de l’homme a été condamné à sept ans et demi de prison pour avoir violé la législation sur les ONG. La semaine dernière, Rasul Jafarov, qui avait lancé la campagne «Chanter pour la démocratie», avant l’Eurovision, et qui prévoyait d’organiser une campagne de sport pour la démocratie avant les Jeux olympiques, a été condamné à six ans et demi de prison.

Ce type de répression est, à mes yeux, totalement inacceptable dans un Etat membre du Conseil de l’Europe. Ces personnes doivent être libérées et il faut que les représailles à l’encontre de nos partenaires cessent.

À l’occasion d’autres visites dans les pays membres, j’ai essayé de traiter un large panel de questions relatives aux droits de l’homme. L’année dernière, outre les questions relatives à la migration et au droit d’asile, j’ai traité des droits des handicapés et des droits des Roms.

Dans le cadre de mon travail sur les personnes handicapées, j’essaie essentiellement de venir en aide à des personnes qui sont atteintes de handicaps mentaux ou psychosociaux. Les principaux problèmes que j’ai identifiés se rapportaient à la législation qui n’est pas conforme aux exigences de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. On recourt bien trop souvent à des mesures coercitives sur le plan psychiatrique et on viole le droit de ces personnes à vivre au sein de leur société en les plaçant dans de grandes institutions. Je vous recommande de vous rendre dans les institutions psychiatriques de vos pays respectifs. Elles sont un indicateur précis de la situation des droits de l’homme dans un pays.

S’agissant des Roms, j’ai essayé de m’attaquer au problème de la ségrégation des enfants roms dans des classes ou des écoles spéciales, d’un niveau inférieur à celui des classes réservées au reste de la population, aux problèmes de discrimination auxquels ils sont confrontés en matière de logement, d’emploi, d’accès à la santé, mais aussi contre les discours de haine à l’encontre les Roms, fréquents dans toute l’Europe.

Dans mon introduction au rapport annuel, j’ai insisté sur les pressions qui pèsent sur les ONG et sur les médias dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Ils sont des acteurs essentiels à la bonne application des droits de l’homme. Ils sont confrontés à des attaques physiques, à des intimidations, à des campagnes de dénigrement, à des calomnies, à des harcèlements judiciaires et à des pressions financières de divers types. De telles attaques se déroulent très souvent. Si vous vous rendez sur la nouvelle plateforme internet du Conseil de l’Europe sur la protection des journalistes, vous constaterez que des alertes ont lieu chaque jour – ou presque et pas uniquement dans un ou deux pays.

Ces attaques contre les journalistes et contre les défenseurs des droits de l’homme sont lancées contre nos démocraties. Il convient donc de les traiter avec le plus grand sérieux.

Je m’occupe enfin de protéger les droits de l’homme dans le cadre des campagnes de lutte contre le terrorisme. C’est ainsi que j’ai participé activement à des débats nationaux et internationaux sur ce thème très actuel. J’appelle l’ensemble des pays membres à tirer tous les enseignements des erreurs du passé.

D’abord, il ne faut pas aller trop vite quand on adopte de nouvelles lois et consulter les organisations des droits de l’homme, les défenseurs des droits de l’homme, les experts juridiques, cela afin que les lois adoptées soient bien formulées, précises pour qu’elles ne puissent être appliquées arbitrairement par la suite. Il faut veiller à ce que des mesures de garantie des droits de l’homme conservent toute leur place dans la législation, y compris dans le contrôle judiciaire et la supervision du fonctionnement judiciaire. À cet égard, votre rapport sur la surveillance massive m’aidera grandement dans cette tâche.

Dans l’ensemble, la situation des droits de l’homme au sein du Conseil de l’Europe n’est pas brillante. Je vois en vous des alliés. J’ai rencontré un certain nombre d’entre vous à l’occasion de mes visites dans vos pays respectifs ou ici à Strasbourg. Une lourde tâche nous attend tous ensemble pour renforcer les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit en Europe.

Je vous remercie de votre attention et je suis heureux de répondre à vos questions.

LA PRÉSIDENTE* – Merci, Monsieur le Commissaire, de votre rapport très succinct sur le travail formidable que vous réalisez. Un certain nombre de collègues ont manifesté le souhait de vous interroger.

M. FRANKEN (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Commissaire, en Europe, nous constatons bon nombre de situations d’instabilité. Ce seront des obstacles qui se dresseront sur votre chemin. Peut-être auriez-vous besoin de l’aide de l’Assemblée parlementaire pour avoir accès à certains pays en situation particulière.

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Pour l’heure, les pays coopèrent avec moi dans de bonnes conditions. Je vous l’ai indiqué, je me suis rendu en Crimée, ce qui n’a pu se réaliser que grâce à la coopération avec l’Ukraine et la Russie. Je les remercie de leur assistance.

Bien sûr, j’ai l’intention de me rendre dans des zones de conflit. Si je devais rencontrer des obstacles, je le signalerai. Le travail du Commissaire doit se réaliser sur l’ensemble de l’espace du Conseil de l’Europe, quels que soient les agissements sur le terrain. Un tel principe n’a pas varié. S’il devait en être autrement, je ferai appel à vous.

M. NICOLETTI (Italie), porte-parole du Groupe socialiste* – Merci, Monsieur le Commissaire, de votre rapport. J’ai particulièrement apprécié l’attention que vous avez portée aux droits sociaux, notamment en cette période de crise économique. Ils marquent la visibilité des droits de l’homme, pas uniquement les droits civils, mais également les droits sociaux.

Comment notre Assemblée et nous-mêmes, membres de parlements nationaux, pouvons-nous contribuer à améliorer la protection des droits sociaux et le rôle de Charte sociale européenne dans le cadre de ce processus?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Tous les pays n’ont pas ratifié la Charte sociale. Les parlementaires devraient demander à leur pays de ratifier la charte ainsi que les mécanismes qui y sont liés.

Par ailleurs, il y a peu, j’ai produit un document sur la sauvegarde des droits de l’homme en temps de crise économique. Les principales recommandations sont relativement simples à résumer: tout d’abord, en période de coupes budgétaires, il convient d’impliquer les médiateurs et les défenseurs des droits de l’homme, car ils connaissent la situation des enfants, des personnes handicapées et des différentes minorités. Ecoutez-les. Ensuite, assurez-vous que la protection sociale soit en place, que personne ne vive en situation de pauvreté ou souffre de la faim, car c’est encore possible en Europe.

Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer en coopération avec les structures de défense des droits de l’homme et la société civile. Peut-être la société civile n’est-elle plus en mesure de jouer son rôle traditionnel, mais il ne faut pas oublier les plus vulnérables de nos sociétés. Les parlementaires et les structures militant en faveur des droits de l’homme peuvent vous aider.

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je vous remercie, Monsieur le Commissaire, de votre rapport extrêmement intéressant.

Dans votre avant-propos, vous évoquez un sujet qui a été débattu dans le cadre de notre Assemblée ce matin même. Vous dites que l’opération Mare Nostrum a été un fardeau politique et financier et que l’opération Triton est totalement inadaptée. Quelles solutions proposez-vous donc?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Le montant des ressources financières nécessaires à Mare Nostrum, qui ne pouvait être assumé par un seul pays, est parfaitement gérable par l’ensemble de l’Europe. Ce qui compte, c’est que l’Europe dans son ensemble coordonne et finance ce type d’opération.

Les ressources financières de Triton sont bien plus réduites que celles octroyées à Mare Nostrum. Sa portée géographique est également très limitée et sa mission essentielle ne consiste pas à sauver des vies, mais à assurer le contrôle des frontières. C’est pourquoi j’ai lancé un appel en faveur d’un Mare Nostrum européen pour sauver des vies, faute de quoi la situation se poursuivra et nous continuerons de compter un grand nombre de morts en mer. En tentant de traverser la Méditerranée, ces personnes perdent la vie. Nous ne pouvons rester passifs et les voir mourir par dizaines de milliers. Il convient d’agir. Un Mare Nostrum européen forme une partie de la réponse. Dans mon propos introductif, j’ai donné les autres éléments de réponse.

Lord BALFE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais rebondir sur votre propos, Monsieur le Commissaire. Il est indubitable qu’admettre un grand nombre de réfugiés en Europe n’est pas une mesure très populaire pour les politiciens. Il est non moins certain que de nombreuses personnes s’enrichissent grâce à ce trafic d’êtres humains. Ne pensez-vous pas nécessaire de prendre un peu de recul en traitant la source des problèmes? Finalement, une petite proportion seulement des réfugiés du monde entier essayent de traverser la Méditerranée.

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Il y a une confusion entre le trafic d’êtres humains et l’activité des passeurs. Qui dit trafic, dit exploitation. Or s’agissant des migrants, il s’agit de personnes qui paient des passeurs pour entrer illégalement en Europe. S’attaquer à ces passeurs – ainsi qu’à la traite des êtres humains – n’est qu’une partie du problème. Et une partie de la solution est d’être actif dans les pays d’origine de ces migrants.

Ce qui est tragique, c’est de savoir que les Syriens n’ont pas d’autres choix, pour trouver un havre, que de se s’embarquer sur un bateau fragile et de se noyer en Méditerranée. Ceux qui arrivent en Europe reçoivent un statut de réfugiés, une protection subsidiaire. Mais en ne les autorisant pas à venir en Europe en sécurité, nous les obligeons à emprunter le chemin le plus dangereux. Pourquoi les forcer à prendre ces risques considérables? Alors, bien entendu, il faut agir dans les pays d’origine, mais en Syrie, nous savons que ce n’est pas possible.

Mme KATRIVANOU (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Que pouvez-vous dire concernant les critiques qui ont été faites à propos des pratiques de Frontex? Notamment que Frontex se concentre non pas sur le sauvetage des personnes en mer mais sur la surveillance des frontières des Etats membres.

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – J’ai entendu ces accusations à l’égard de Frontex. Il lui est reproché de ne pas intervenir dans certaines situations de détresse. Il est vrai que les opérations de Frontex ne sont pas toujours transparentes, mais des progrès ont été réalisés. Il y a aujourd’hui un responsable des droits de l’homme et même, me semble-t-il, un expert attentif au respect des droits fondamentaux et si des opérations ont été mal menées, il existe aujourd’hui des moyens de recours.

J’ai rencontré le médiateur européen il y a deux jours, et je puis vous dire qu’il travaille sur cette question. Mais Frontex ne peut faire que ce pour quoi il a été créé. Même si, effectivement, il doit être en situation de rendre des comptes et de respecter les droits de l’homme. Mais je l’ai dit, les Etats membres ont une approche fondée sur la sécurité. J’espère que les parlementaires vont encourager leurs Etats à s’intéresser davantage aux droits de l’homme.

M. LE BORGN’ (France) – Nous sommes nombreux à apprécier votre engagement en matière de protection des enfants, notamment des enfants défavorisés. Pouvez-vous nous donner votre point de vue s’agissant de la lutte contre la rétention administrative des enfants migrants? Nous avons débattu récemment de cette question et votre retour d’expérience serait très utile.

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – La détention, seul ou avec sa famille, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle peut être très traumatisante, même si elle ne dure pas longtemps. Un certain nombre d’Etats ont interdit la détention des enfants migrants. J’ai regretté, dans mes rapports sur la Hongrie et la France, que les mineurs isolés soient toujours privés de liberté lorsqu’ils arrivent illégalement à la frontière. Aux Pays-Bas, après ma visite, le ministre de l’Intérieur a pris des mesures pour supprimer la détention des mineurs.

Des alternatives ont été trouvées dans certains pays. Au Danemark, par exemple, les familles avec enfants ont la possibilité de résider à l’extérieur des centres d’accueil. Par ailleurs, une campagne internationale contre la détention des enfants est en cours. Pour ma part, je continue à militer pour des solutions alternatives à la détention.

M. ARIEV (Ukraine)* – En Russie, la xénophobie augmente. Il y a deux ans, un citoyen ukrainien a été tué près de Moscou pour des raisons xénophobes. Notre ministre des Affaires étrangères a demandé qu’une enquête soit ouverte, or rien n’a été fait. Allez-vous être davantage attentif à des événements de ce type qui ont lieu en Russie?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Il s’agit d’une question qui me préoccupe et que j’élargis au sort qui est réservé aux LGBT en Russie. Je soutiens ceux qui luttent contre la discrimination et la xénophobie, notamment les ONG, qui font l’objet de pressions.

Oui, je suis bien conscient de ce problème, et pas seulement à l’égard des Ukrainiens. Il y a une augmentation de ce type d’intolérance et c’est la raison pour laquelle je soutiens les ONG qui réalisent un énorme travail.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Monsieur le Commissaire, serez-vous en mesure de vous rendre dans les deux régions occupées de Géorgie, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, notamment pour examiner la situation des Géorgiens de Gali, qui se détériore depuis quelques mois?

Par ailleurs, s’agissant de la situation des défenseurs des droits de l’homme en Géorgie, un certain nombre d’avocats de la défense ont été menacés d’enquête et le Premier ministre a déclaré que les ONG agissaient de manière subversive. Seriez-vous disposé à suivre cette question de près?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Je suis cette situation de près et j’ai bien l’intention de donner une suite à ma visite en Géorgie – j’y retourne à la fin de l’année. Une partie de mon travail concernait justement la justice sélective et donc les avocats de la défense et les ONG. Je me suis par ailleurs engagé à me rendre en Abkhazie. Je suis justement en train de discuter avec les autorités géorgiennes des modalités. J’espère pouvoir, la prochaine fois, vous présenter un rapport sur cette question.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Je vous remercie, Monsieur le Commissaire, de vos propos sur l’Azerbaïdjan. Ce conflit bafoue les principes du Conseil de l’Europe, c’est pourquoi il était important que nous adoptions une résolution ferme à ce sujet. Avez-vous des espoirs par rapport aux enjeux européens qui vont se jouer à Bakou? Pensez-vous qu’une solution humanitaire pourra être trouvée pour Leyla et Arif Yunus qui souffrent, l’un et l’autre, de sévères problèmes de santé?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – J’espère évidemment que les considérations humanitaires joueront un rôle dans les décisions que prendront les autorités azerbaïdjanaises. Ces personnes ne devraient pas être en prison à cause de leur activité de défense des droits de l’homme. J’espère que le Président Hollande abordera cette question lors de sa visite en Azerbaïdjan, dans les jours qui viennent. J’espère également que, de retour dans vos pays respectifs, vous pourrez expliquer aux athlètes ce qu’est le pays où ils se rendent et les problèmes qui s’y posent en matière de droits de l’homme et qu’il ne faut pas ignorer. Je ne suis pas favorable au mélange du sport et de la politique, mais je ne crois pas que l’on puisse abstraire ces compétitions sportives de leur contexte. Sur place, des personnes qui sont des amis du Conseil de l’Europe, qui nous permettent de faire notre travail là-bas, souffrent à cause de cette coopération avec nous. Les athlètes, les politiques, les hommes d’affaires ne sauraient l’ignorer.

J’espère donc que cela appellera l’attention de la communauté mondiale sur la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan, qui est grave.

LA PRÉSIDENTE – M. Pintado, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. NIKOLOSKI («L’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – Il y a malheureusement un pays en Europe qui ne reconnaît toujours pas ses minorités nationales, culturelles ou linguistiques, mais uniquement les minorités religieuses: la Grèce. Etes-vous disposé à faire davantage pour remédier à ce problème?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Il me semble que la Grèce n’est pas la seule dans ce cas: elle partage avec la Turquie cette approche qui est celle du Traité de Lausanne. Le pays où nous nous trouvons, la France, a une approche comparable en matière de citoyenneté.

Cela dit, le problème des minorités en Grèce fait partie de mes préoccupations. Lors de ma visite sur place, je me suis intéressé en particulier à la situation des minorités qui avaient été visées par de violentes attaques racistes, notamment les Roms et les Juifs. Je suis heureux que le gouvernement ait pris des mesures contre le mouvement Aube dorée et lancé des réformes pour mieux combattre les crimes racistes. Il y a encore beaucoup à faire, et j’espère pouvoir bientôt poursuivre mon action. Les problèmes des minorités, en particulier des minorités menacées, seront pour moi une priorité.

M. KORODI (Roumanie)* – Monsieur le Commissaire, je me réjouis de votre attention à la question des Roms et à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Mais, dans certains Etats membres, les relations entre communautés ethniques majoritaires et minoritaires se sont récemment dégradées. Quelles sont vos propositions pour remédier à cette situation au cours de la période à venir?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Si possible sans faire doublon avec les travaux qui relèvent de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ou de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, je m’efforce d’insister sur leurs messages et sur leurs conclusions lorsque je me rends dans les différents pays.

Nous assistons aujourd’hui à un phénomène nouveau: les groupes majoritaires se sentent menacés. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est bien ce qui nourrit les mouvements racistes, xénophobes et d’extrême droite. Ce phénomène est en partie le fruit de la crise économique, mais résulte aussi de l’absence d’initiative politique visant à apaiser ces craintes. Le discours politique me paraît donc décisif. Les politiques au pouvoir devraient se garder de stigmatiser certains groupes et adopter une approche inclusive. Les dirigeants politiques doivent également protester chaque fois qu’une minorité est attaquée et dire clairement que c’est la démocratie qui est alors visée. L’action des structures de défense des droits de l’homme est elle aussi très utile.

La question va continuer de se poser du fait de l’émergence des mouvements d’extrême droite et de la banalisation de leur rhétorique anti-minorités et anti-immigrés. Elle va nous donner à tous beaucoup de travail au cours des années à venir et sera pour moi une priorité.

Mme KASIMATI (Grèce)* – Dans votre rapport pour 2013, vous mentionniez les mesures d’austérité qui mettent à mal les droits de l’homme. Pendant la crise économique, en effet, les droits fondamentaux n’ont pas été respectés. Cela reste vrai aujourd’hui, alors que la crise a pris des proportions considérables. Les institutions européennes agissent ainsi dans une zone grise, en ne respectant pas ces droits ni l’Etat de droit.

Pensez-vous pouvoir jouer un rôle plus important dans la négociation entre le nouveau Gouvernement grec, d’une part, et l’Union européenne ainsi que les autres créanciers de la Grèce, d’autre part, afin de préserver nos droits et l’acquis européen?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – C’est une idée intéressante. Je ne participe pas vraiment à ces négociations. J’ai tenté de souligner les conséquences sur les droits de l’homme de plusieurs des mesures qui ont été imposées au pays. Très souvent, les décisions ont d’ailleurs été rejetées par la cour constitutionnelle et par d’autres tribunaux parce qu’elles ne respectent pas les obligations découlant de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte sociale européenne.

Il est essentiel que ceux qui apportent une aide financière au pays s’assurent que les négociations et les discussions imposées au pays respectent les droits de l’homme et la Convention. Mais les structures de défense des droits de l’homme sur place sont peut-être les mieux placées pour agir, car elles connaissent bien mieux que moi les conséquences des coupes budgétaires sur les droits de l’homme dans leur pays. Je me suis donc efforcé de les aider à se faire mieux entendre, mais aussi à gagner en autonomie.

Je continuerai néanmoins à m’engager en ce sens et j’espère que l’on trouvera une solution satisfaisante en Grèce, pour que la population ne souffre pas davantage.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – J’espère que ma question ne paraîtra pas provocatrice, car elle est sincère.

Hier, au cours du débat sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres, le rapporteur a déclaré que le Commissaire aux droits de l’homme avait le droit de demander à la communauté scientifique et médicale de revoir la classification médicale des maladies. On peut évidemment ne pas être d’accord avec les médecins, mais la classification médicale est affaire de science, non de politique. Vous qui venez de vous dire défavorable au mélange de la politique et du sport, que pensez-vous de cette manière de mêler science et politique?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – Mon prédécesseur a publié il y a plusieurs années un document sur les droits des personnes transgenres qui reste largement d’actualité. Je publierai moi-même très bientôt un document sur les droits des personnes intersexes. C’est une nouvelle question concernant les droits de l’homme, ou plutôt une question nouvellement découverte, puisque la population concernée est restée très longtemps dans l’ombre.

En définitive, ce sont les droits de l’individu à l’autodétermination et le droit d’une personne à son intégrité physique qui doivent prévaloir sur toutes les autres préoccupations. Les personnes intéressées pourraient utilement consulter les travaux de mon prédécesseur, d’ailleurs cités, il me semble, au cours du débat d’hier.

Mme BLONDIN (France) – L’offensive menée par Moscou et Pékin contre la légitimité de la démocratie libérale et pluraliste est conduite sur le terrain des valeurs: la démocratie serait un produit d’importation visant uniquement à asseoir la domination occidentale.

Comment le Conseil de l’Europe peut-il agir pour contrer ce discours et réaffirmer le caractère universel de la démocratie et des droits de l’homme?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – Je ne peux m’exprimer sur la Chine dont le cas déborde mon domaine de compétence mais, pour ce qui concerne les Etats membres du Conseil de l’Europe, tous ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme et doivent appliquer sa jurisprudence, ce qui constitue une base d’accord minimum. Dans l’hypothèse où, sur certains thèmes religieux sensibles, il n’y a pas de consensus entre les Etats membres, chaque Etat bénéficie d’une certaine marge d’appréciation et son système judiciaire est le plus à même de juger de l’application du principe de proportionnalité.

Là où existe un consensus, et c’est le cas sur un nombre sans cesse croissant de points, les valeurs – qui découlent de la jurisprudence de la CEDH – ne font pas, par définition, l’objet de discussion. C’est pourquoi j’utilise cette jurisprudence comme plateforme de dialogue, notamment sur les valeurs morales, culturelles, et avec un certain succès, d’ailleurs.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – Je vous remercie, Monsieur le Commissaire, pour l’excellent travail que vous réalisez en faveur des droits de l’homme en Crimée.

Avez-vous prévu d’autres visites en Crimée où, vous le savez, la situation des droits de l’homme est catastrophique? Avez-vous prévu des sanctions contre la Fédération de Russie au cas où les autorités russes vous en interdiraient l’accès?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – Les sanctions ne font pas partie de ma boîte à outils: je ne peux infliger de sanction à personne. Je l’ai dit: les autorités russes ont assisté à ma visite en Crimée et je suis sûr qu’ils le feront à nouveau. Elles étaient semble-t-il satisfaites de mon rapport. Quand j’y retournerai, il me faudra vérifier si j’ai commis des erreurs. Il s’agira d’une visite de suivi. Le dernier rapport est trop récent pour que j’y retourne dans l’immédiat mais telle est bien mon intention. Si je ne le peux pas, vous en serez le premier informé.

M. HONCHARENKO (Ukraine)* – Je vous remercie, Monsieur le Commissaire, pour votre travail. Des personnes illégalement arrêtées sont actuellement détenues au sein de la Fédération de Russie. Je pense bien sûr à Nadiia Savchenko, membre de notre Assemblée. Comment pensez-vous pouvoir aider ces personnes?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – Mon mandat ne me permet pas de m’occuper d’affaires individuelles mais j’ai bien connaissance de certaines affaires concernant des Ukrainiens détenus au sein de la Fédération de Russie. J’en ai discuté, il y a peu, avec certains partenaires œuvrant dans le domaine des droits de l’homme en Russie et en Ukraine. On ne connaît pas le nombre exact de personnes incarcérées ni, donc, le nom de certaines d’entre elles. J’essaie par conséquent d’obtenir des informations pour mesurer l’ampleur de ce phénomène, pour savoir sur quels fondements ces personnes sont détenues et pour connaître le suivi dont elles peuvent bénéficier.

Reste, j’y insiste, que je ne peux pas m’occuper d’affaires individuelles. Je ne pourrais intervenir que si ces dernières prenaient un caractère systématique.

Mme KARAMANLI (France) – Monsieur le Commissaire, dans votre rapport 2014, au titre de vos activités thématiques, vous consacrez un développement à la sauvegarde des droits de l’homme en temps de crise économique et notez que les femmes sont les premières victimes de cette fragilisation, insistant sur le droit d’accès aux soins.

Affirmer que ce droit doit bénéficier aux plus modestes dans un contexte de grande raréfaction des personnels médicaux, des équipements et des soins qui deviennent, par cette rareté même, plus coûteux, revient à faire de ce droit une simple virtualité.

Selon vous, ne serait-il pas opportun de rendre certains droits opposables à la collectivité et à ceux qui prennent des décisions?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – Les femmes ont été parmi les plus touchées par les mesures prises dans le contexte de la crise: des services d’aide aux femmes victimes de violences ont été supprimés; souvent les dernières recrutées elles sont également les premières licenciées; elles souffrent d’un taux de chômage plus élevée... On n’a pas accordé suffisamment d’attention à ce phénomène.

Il faut veiller au maintien des droits de l’homme et à la préservation de l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’emploi, quand on procède à des coupes claires dans les budgets. Les normes en vigueur sont en général plutôt bonnes, c’est leur application qui pose problème et la crise sert de prétexte quand on ne parvient pas à atteindre les objectifs fixés, si bien qu’in fine les femmes subissent de façon disproportionnée les effets de la crise.

M. KVATCHANTIRADZE (Géorgie)* – Ma question porte sur la situation des droits de l’homme dans les territoires géorgiens occupés par la Russie, notamment en ce qui concerne l’enseignement de la langue géorgienne dans les écoles. On y enseigne en effet surtout le russe. Disposez-vous d’instruments efficaces pour protéger les droits de la population à cet égard?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – J’ai l’intention, je l’ai mentionné, de mener plus tard dans l’année un travail sur les droits de l’homme en Géorgie et en Abkhazie. J’aborderai à cette occasion les questions relatives aux minorités.

J’aimerais certes disposer de davantage d’outils, mais notre action a un impact sur les réformes politiques engagées par certains parlements. Il arrive ainsi qu’un ministre m’informe qu’un article que j’ai écrit ou un entretien que j’ai donné l’a aidé dans son argumentation dès lors que nous avions identifié dans un pays les bonnes pratiques pouvant valoir d’exemple pour le sien. Cela suffit-il? Sans doute pas. Mes ressources ne sont pas suffisantes pour mener un travail efficace concernant les minorités. Vous pouvez en revanche faire beaucoup en tant que parlementaires au niveau national.

J’espère en tout cas vous retrouver dans votre pays quand je m’y rendrai.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Ma question concerne les droits des personnes affectées de handicaps psychosociaux. Quelle est votre position sur le placement volontaire et le traitement donné à ces personnes sans leur consentement?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME – Comme je l’ai indiqué, j’ai déjà travaillé sur cette question. Pour ce qui est du placement et des soins psychiatriques, je me suis penché sur la situation du Danemark et de la Norvège.

Tous les pays du Conseil de l’Europe ont du mal à s’adapter au changement de paradigme exigé par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. De fait, c’est une tâche difficile.

La législation sur le placement et les soins exercés sans le consentement de la personne doit être non discriminatoire. Il faut pour cela appliquer des critères objectifs. Les Etats membres doivent être très vigilants sur ce point: le nombre de mesures de placement et l’utilisation de mesures coercitives en psychiatrie doivent décroître. Les traitements doivent être fondés sur le consentement libre et éclairé de la personne concernée, sauf bien sûr dans des cas d’urgence – mais ces cas sont rares. Il faut donc également veiller à mettre en conformité la législation en matière de faculté de décision. Les gens doivent être associés aux décisions les concernant. Je me suis penché sur la situation de bien des pays. Je puis donc dire que, souvent, on prive des personnes de ce droit: d’autres prennent ces décisions à leur place. C’est là une des choses qui doivent changer.

M. JÓNASSON (Islande)* – Je voudrais commencer par vous remercier pour le travail très important que vous effectuez.

Ce matin, nous avons parlé du projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. La raison en est que les Etats membres sont en train de changer leur législation et d’élargir les possibilités juridiques permettant de punir le terrorisme. Vous avez lancé un avertissement: vous voulez plus de clarté et une meilleure protection des droits de l’homme. Ma question est donc la suivante: est-ce que l’on répond à vos attentes?

M. LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME* – J’ai cru comprendre que des garde-fous supplémentaires avaient été proposés par l’Assemblée au Comité des Ministres; je salue cette démarche. Le texte voté parle expressément des droits de l’homme.

Selon moi, le processus est souvent tout aussi important que le résultat. En l’occurrence, le processus de rédaction du projet de protocole additionnel a permis d’ouvrir le débat sur un certain nombre de questions et d’engager la consultation des ONG. Je suis donc très heureux que l’on ait ajouté ces limitations et je lirai avec plaisir le document final.

L’une des clés est évidemment ce qui se passe au niveau national. Donner carte blanche aux services de sécurité est une mauvaise idée car, ce faisant, on ignore les enseignements d’Edward Snowden. La surveillance massive peut engendrer certains problèmes. En outre, il peut arriver que les lois ne soient pas appliquées de manière cohérente. Il vaut mieux avancer lentement, examiner la législation au regard des droits de l’homme pour éviter qu’il y ait des manquements dans l’exécution, ce qui risquerait de saper les valeurs que les terroristes veulent précisément détruire. Il faut évidemment lutter contre le terrorisme, mais en respectant les droits de l’homme. Ce travail n’est pas achevé, mais je salue d’ores et déjà les garde-fous qui ont été proposés par l’Assemblée parlementaire.

LA PRÉSIDENTE* – Merci beaucoup, Monsieur le Commissaire, pour votre travail, votre rapport et les réponses que vous avez apportées aux orateurs. Dans la première phrase de votre rapport, vous écriviez que 2014 avait été une mauvaise année pour les droits de l’homme en Europe. Or, en considérant la situation d’aujourd’hui, on ne peut que constater que les choses ne se sont pas améliorées. Il faut donc absolument que nous continuions à œuvrer, tous ensemble, pour inverser cette tendance.

3. Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect
des droits de l’homme et du droit international

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Díaz Tejera, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur «Les drones et les exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international» (Doc. 13731).

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen des textes, votes inclus, à 17 h 40. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 h 25, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle également aux orateurs qu’ils disposent d’un temps de parole de quatre minutes pour l’ensemble des débats de cet après-midi.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez la parole.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Ce rapport a été commencé par Mme Schuster et j’en ai pris la responsabilité par la suite. Pourquoi faire un rapport sur les drones? Tout simplement parce qu’ils constituent un progrès technologique, mais aussi une nouvelle arme. Cela suppose de nouveaux défis en termes de droits de l’homme et de droits fondamentaux, et ce pas seulement lorsqu’il s’agit de guerres et de conflits déclarés.

S’agissant d’ailleurs des conflits, il faut tenir compte des normes existantes – car, là aussi, des normes existent. On pourrait croire qu’en temps de guerre tout est permis. C’est faux: il y a des limites, des choses que l’on ne peut pas faire et des lignes que l’on ne peut pas franchir. Mais, lorsque l’on est en situation de guerre ou de conflit non déclarés, parler de dommages collatéraux est un euphémisme, car on désigne en fait par ce terme des dommages infligés aux populations civiles. Il faut donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger la population civile et faire en sorte que le principe de proportionnalité soit constamment présent. C’est essentiel. Il y a des limites; il y a des lois, qu’il convient de respecter.

Mais il ne s’agit pas seulement de ces nouvelles armes sophistiquées et des morts dans la population civile, il s’agit plus généralement de problématiques, de défis juridiques à relever et de risques pour les droits de l’homme.

Je pense, par exemple, à la base allemande. Les drones chargés sur cette base ont ensuite été utilisés en Afghanistan. Or des poursuites sont engagées devant les tribunaux en Allemagne parce que cette base a été utilisée pour projeter du matériel qui a explosé en Afghanistan.

À quoi voulons-nous aboutir concernant l’utilisation de cette arme sophistiquée?

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons interrogé des experts du terrorisme des Nations Unies. Il semblerait nécessaire d’instaurer un contrôle juridique de la Cour suprême et qu’une évaluation de ces armes sophistiquées soit effectuée par des organismes indépendants. Nous suggérons donc, lorsqu’il est fait usage de ces nouvelles technologies impliquant de nouveaux risques et de nouveaux défis pour les droits de l’homme, qu’un contrôle de la Cour suprême soit exercé et qu’un organisme indépendant soit consulté.

Mais il ne s’agit pas seulement de l’utilisation des drones en cas de conflit armé. Dans la pratique, nous nous sommes rendu compte que dans des films que tout le monde connaît ou dans des séries télévisées, on nous insuffle peu à peu l’idéologie selon laquelle la torture est parfois nécessaire parce qu’on ne peut lutter contre le mal en restant dans le cadre de la loi. On entre alors dans une idéologie toxique, anti-démocratique. Grâce à des moyens sophistiqués, on renforce l’idée qu’il est peut être justifié d’assassiner et de programmer une exécution à distance.

Nous voulons donc agir contre ceux qui n’ont pas respecté les droits de l’homme. Ces personnes doivent rendre des comptes devant un tribunal. Si vous me demandez si j’aurais été d’accord pour que Ben Laden ait droit à un jugement, je répondrai oui. Les droits fondamentaux ne souffrent aucune exception. Tous doivent être protégés. Il s’agit de l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unis de 1948.

Nous sommes présents ici pour réaffirmer cette évidence et prévoir de façon concrète qu’un contrôle soit exercé et qu’une évaluation de l’impact de ces armes sophistiquées soit réalisée par un organisme indépendant.

Plusieurs amendements ont été proposés aujourd’hui en commission. Je remercie tous ceux qui ont pris le temps d’améliorer le texte. Je remercie également la commission qui m’a permis de me pencher sur cette question et le secrétariat pour son assistance. J’avoue avoir particulièrement apprécié l’aide qui m’a été apportée dans l’élaboration du rapport.

Je m’en tiendrai là afin de disposer de temps pour répondre aux orateurs.

M. Lund, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* - Monsieur le rapporteur, il vous restera sept minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Je remercie expressément notre rapporteur d’avoir présenté cet important rapport. Je reprendrai les paroles de la jeune Malala de la vallée de Swat qui, à dix-sept ans, a reçu le prix Nobel de la paix. Invitée par Barak Obama, elle lui a dit que les attaques de drones qui tuent des civils ne contribuent qu’à grossir les rangs des terroristes et elle l’a exhorté à envoyer plutôt de l’éducation, remède plus durable.

Dans votre rapport, Monsieur le rapporteur, vous indiquez que sur les centaines de milliers de personnes tuées par les drones, 2 % sont des militaires, les autres étant des civils, dont une immense quantité d’enfants innocents en âge scolaire. Quand on regarde les lieux touchés au Pakistan, au Yémen, en Somalie, en Afghanistan et en Cisjordanie, peut-on vraiment faire croire que ces opérations ont été chirurgicales?

Je suis absolument convaincu que cette guerre des drones doit être stoppée. Un rapport consacré à ce sujet nous apprend que les frappes par des drones armés violent le droit international et qu’il y a quelques semaines, a été mise au point une technologie permettant l’utilisation de drones en escadron. Jusqu’à présent, on tuait par drone individuel; maintenant, ces escadrons permettront à une vingtaine de drones d’opérer en même temps, ce qui décuplera le nombre des victimes potentielles.

Je ne peux comprendre que, comme par le passé, des rapports sur des drones soient classés «secret défense» et ne soient pas accessibles au public. La République allemande est aujourd’hui accusée par des victimes du Yémen. Invités à une fête de mariage, ils ont subi une attaque de drone, alors qu’ils ne faisaient que nouer deux vies et 74 personnes ont succombé à cette frappe.

Nous ne pouvons qu’appuyer le rapporteur et adopter à l’unanimité cet important document.

M. GARÐARSSON (Islande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je voudrais en premier lieu remercier notre rapporteur pour ce remarquable rapport.

L’avantage, si je puis dire, que présente l’utilisation des drones télécommandés pour réaliser des exécutions ciblées a conduit à une augmentation rapide du nombre de ce type de frappes au cours des dernières années.

Si l’emploi de ces drones armés n’est pas considéré comme illégal et ne constitue pas un problème en tant que tel au regard des droits de l’homme, son utilisation accrue, occasionnant des dommages incidents considérables et un grand nombre de décès parmi les civils, soulève indubitablement de graves questions en matière de droits de l’homme et des questions en matière de droit international qu’il faut absolument traiter.

Les qualités techniques de ces drones et leur disponibilité vont sans doute augmenter tandis que leur coût ne va cesser de diminuer. On ne peut qu’en conclure que les drones de combat vont occuper une place de plus en plus importante dans l’arsenal d’un nombre croissant d’Etats.

Dans le même temps, il règne la plus grande opacité quant aux recours à ces frappes de drones armés.

Ce rapport appelle au respect des limites fixées aux meurtres ciblés par le droit international. Il demande également que l’on définisse des procédures claires pour l’autorisation de ce type de frappes, que ces procédés soient placés sous le contrôle d’une autorité judiciaire de haut niveau, qu’il y ait une évaluation a posteriori par un organe indépendant et qu’une enquête complète soit menée sur tous les cas de décès causés par un drone armé.

Toutes ces recommandations me semblent tout à fait opportunes. Il en va de même pour le projet de recommandation qui invite le Comité des Ministres: «à entreprendre une étude approfondie sur la légalité de l’utilisation des drones de combat à des fins d’exécutions ciblées, et si besoin est, à élaborer des lignes directrices à l’intention des Etats membres sur les exécutions ciblées, et plus spécialement sur celles qui sont menées à l’aide de drones de combat».

La précision croissante des frappes de drones, qui peuvent maintenant être fondées sur des informations exactes et actualisées, donne la possibilité d’améliorer le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.

À l’évidence, nous pouvons faire mieux, nous devons absolument faire mieux.

Lord BALFE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je veux remercier le rapporteur pour ce rapport particulièrement clair. Le problème auquel nous faisons face est nouveau: il ne concerne pas des armes utilisées pour des objectifs militaires, mais des armes perfectionnées et maniées à distance. Les pratiques d’utilisation des armes ont changé.

Les paragraphes 3 et 4 de l’exposé des motifs expliquent clairement les enjeux de l’utilisation des drones. D’une part, les gouvernements démocratiques pourraient bien se montrer moins hésitants à utiliser une arme qui n’expose pas leurs forces armées à la mort. D’autre part, la précision accrue des frappes offre une réelle possibilité de mieux respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme. On le voit, l’utilisation des drones est à double tranchant.

Permettez-moi, toutefois, de poser une question: en dehors du degré de précision, quelle est la différence entre un drone et une roquette palestinienne? Leur intention est la même: il s’agit de causer la mort de l’ennemi. Soyons particulièrement attentifs quand nous parlons des drones et tenons compte également des autres armes utilisées. Une roquette est tout aussi anonyme qu’un drone. Le tireur est tout autant protégé dans un cas que dans l’autre.

Comme le souligne le rapporteur, les Etats-Unis sont les principaux utilisateurs des drones, bien que les Français en utilisent également au Mali. Si ces armes fonctionnent, il ne fait aucun doute qu’elles seront de plus en plus utilisées dans un contexte militaire. Nous devrons être attentifs sur le plan juridique aux différentes catégories mises en place.

Pour conclure, je souhaite que cet excellent rapport soit adopté à l’unanimité et nous permette d’aller de l’avant.

Mme WERNER (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais, au nom de mon groupe, remercier le rapporteur pour son travail, que nous approuvons sur de nombreux points. Nous soutenons les demandes à l’égard des Etats membres et des Etats observateurs du Conseil de l’Europe. Les limitations aux exécutions ciblées au titre du droit international et des droits de l’homme doivent être respectées. La souveraineté nationale des Etats ne doit pas être violée par l’utilisation de drones. Le principe de l’obligation de protéger la population ne doit pas être utilisé pour justifier une exception.

Un magazine allemand, Der Spiegel, a publié des documents secrets provenant des services de renseignement américains. On peut lire que la base américaine de Ramstein, en Allemagne, à 200 kilomètres de Strasbourg, est le cœur de la guerre des drones menée par les Etats-Unis contre la terreur islamiste. J’approuve les amendements déposés par notre collègue M. Hunko en vue d’examiner l’utilisation par les Etats membres du Conseil de l’Europe des drones de combat et leur soutien aux opérations associées.

Le Gouvernement allemand a déclaré qu’il n’avait pas connaissance de ce qui se passait à Ramstein mais les documents secrets publiés par Der Spiegel contredisent cette version. Le gouvernement fédéral devait avoir eu en partie connaissance de ces opérations, mais il a choisi de fermer les yeux. Il n’est pas exclu que ces opérations télécommandées depuis le sol allemand violent le droit international.

Nous demandons au Gouvernement allemand, ainsi qu’aux autres Etats membres, d’interdire l’utilisation des drones de combat. Dans le sud de l’Italie, une base est en cours de création afin de remplacer sans doute la base de Ramstein. Le Gouvernement italien doit s’y opposer. Les Etats membres, ainsi que les Etats observateurs du Conseil de l’Europe, ne devraient pas fournir des données de leurs services de renseignement afin d’orienter les frappes de drones. Cela vaut particulièrement pour les données provenant des téléphones portables qui, toujours d’après Der Spiegel, ont permis de localiser les personnes visées par les frappes américaines.

LE PRÉSIDENT* – Le rapporteur exprime le souhait de répondre à l’ensemble des orateurs à la fin du débat.

M. VORUZ (Suisse) – Ce rapport révèle les graves libertés que se permettent de prendre de trop nombreux gouvernements pour justifier leurs agissements condamnables. J’ai constaté, à sa lecture, que les drones sont utilisés comme des armes de guerre ou pour procéder à des exécutions ciblées de personnes soupçonnées d’appartenir à des groupes terroristes. La lutte contre le terrorisme international est un devoir essentiel, mais elle ne saurait servir de prétexte pour justifier n’importe quelle opération. Le rapport indique que les frappes effectuées à l’aide de drones constituent, en fonction des circonstances, de graves violations du droit, de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale. L’intégrité territoriale est violée par des pays qui cherchent à retrouver leur puissance impériale. C’est le cas notamment de la Russie, mais d’autres pays prennent aussi des libertés inacceptables, ignorant les exigences de l’Onu et du droit international.

Comme le souligne le rapporteur, les violations doivent être dénoncées devant un tribunal spécial. Je vous demande donc de voter le projet de recommandation. Le Comité des Ministres devra ensuite agir rapidement, car le temps presse.

M. LE DÉAUT (France) – Mes chers collègues, je veux témoigner de la qualité du rapport discuté aujourd’hui et de l’excellence des propositions qui sont faites. Le rapport montre clairement comment la mise en œuvre d’une technologie innovante peut avoir des implications majeures sur les plans éthique et juridique, notamment au regard de nos valeurs européennes communes.

Il était a priori assez clair que la possibilité offerte par les drones armés de frapper un adversaire à une très grande distance constituerait un tournant dans la pratique de la guerre. Pour la première fois, cela a été dit, l’attaquant se trouve prémuni de tout risque pour lui-même. Quant à sa cible, elle se réduit à une ombre sur un écran. Faute d’avoir été pris en compte par une modification préventive des règles du droit international, tant dans le domaine humanitaire que dans celui des droits de l’homme, ce déséquilibre avait toutes les chances de conduire aux dérives constatées aujourd’hui, notamment à la mort de victimes innocentes.

Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que nos pays ne sont pas à l’abri d’un détournement de cette technologie. J’ai moi-même organisé une réunion au Parlement français sur le récent survol de centrales nucléaires par des drones dans notre pays. Ces incidents inquiètent, bien sûr, la population.

De fait, il est nécessaire de trouver un équilibre entre l’utilisation des drones pour éviter des actes terroristes ultérieurs, utilisation qui conduit à éliminer des individus potentiellement dangereux, et le respect des droits de la défense dans une procédure juridique équitable. Si nous n’y prenons garde, les lignes de conflit pourraient, par des vecteurs télécommandés, s’élargir à la totalité de la planète.

Je soutiens donc le projet de résolution proposé, mais je crois que nous devons, sans attendre, aller plus loin en tirant les leçons de la situation à laquelle nous nous trouvons aujourd’hui confrontés. Je veux parler de la prise en compte de la prochaine évolution des drones, sous la forme de robots capables de prendre de façon totalement autonome la décision de tuer. C’est un aspect évoqué brièvement dans le rapport que nous examinons aujourd’hui. Il ne s’agit pas de science-fiction. Des robots militaires autonomes ont fait leurs premières victimes. Il est vrai qu’il s’agissait d’accidents. Il fait peu de doute que des machines de ce type sont en cours de développement dans différents pays. Certains universitaires experts des domaines de l’éthique ou de la cybernétique justifient par avance leur déploiement, en arguant d’une possible réduction des risques d’erreur ou d’excès dans la violence.

Une réunion d’experts s’est tenue à Genève du 13 au 17 avril dernier au sujet des systèmes d’armes létaux autonomes, dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur certaines armes classiques. Une autre réunion sur ce même sujet est prévue en novembre prochain. Il s’agit donc d’une question tout à fait concrète dont nous devons nous préoccuper au plus tôt, pour des raisons d’efficacité.

C’est pourquoi je propose de compléter le projet de résolution qui nous est proposé – j’ai déposé un amendement oral – en appelant dès maintenant les Etats membres à soutenir dans les négociations internationales en cours ou à venir le principe d’un moratoire, non pas sur la recherche, mais sur l’utilisation de tels robots, tout spécialement sous la forme de drones. Ces derniers présentent les plus grands risques de dérives du fait de leur rayon d’action. Ce moratoire viserait à nous permettre de disposer du temps nécessaire pour concevoir et mettre en place des règles internationales encadrant la mise en œuvre de ces nouveaux armements. C’est précisément cette étape préalable qui a manqué pour les drones télécommandés, ce qui nous conduit à en débattre aujourd’hui. Ma proposition vise donc simplement à tirer les leçons du passé pour ne pas réitérer cette erreur.

M. CRUCHTEN (Luxembourg) – Tout d’abord, je voudrais féliciter M. Díaz Tejera, pour son rapport détaillé et précis.

Dans ce rapport, il se penche plus particulièrement sur les aspects et difficultés juridiques de l’utilisation de drones armés. En ce sens, le rapport est complet et soulève les bonnes questions. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui est justement repris dans ce rapport, mais je voudrais partager avec vous quelques considérations non juridiques, mais dont l’importance n’est pas moindre et qui sont relatives à l’utilisation de ces drones armés.

On nous vend ces drones tueurs comme des outils militaires indispensables, à haute précision, permettant ces fameuses frappes chirurgicales censées ne toucher que les cibles visées, sans dommages collatéraux. On nous laisse croire en une guerre ou un conflit propre. Or telle n’est pas la réalité. Régulièrement, nous sommes confrontés à des chiffres qui contredisent cette théorie. Récemment encore, dans The Guardian, nous avons pu lire que l’on a recensé au Yémen et au Pakistan seuls pas moins de 1 147 personnes tuées par des drones alors que le total des cibles effectivement visées n’était que de 41 personnes. Aussi faut-il avoir peur de l’utilisation de plus en plus fréquente de ces drones pour des assassinats à distance. On estime à plus de 500 le nombre des frappes qui ont causé la mort de 3 674 personnes en dehors de l’Irak et de l’Afghanistan. Combien de ces morts sont des dommages collatéraux? Combien étaient-ils, ces innocents, à se trouver au mauvais moment au mauvais endroit? Les chiffres confirment la crainte exprimée par M. Díaz Tejera d’un abaissement du seuil d’utilisation.

Un autre aspect est tout aussi inquiétant. Imaginez-vous que votre village, votre maison ou votre école soit constamment survolé par des engins armés pilotés à distance, des engins, tels des vautours, qui rôdent constamment au-dessus de votre tête, sachant que ces drones n’ont qu’un seul but: tuer. Les conséquences psychologiques pour la population civile, surtout pour les enfants, sont dramatiques.

Les drones sont pour le moment pilotés à distance par des militaires qui, comme dans des jeux vidéo, assistent aux carnages sur des écrans, manette à la main. C’est effrayant. Mais quelle sera l’étape suivante? Des drones armés autonomes, détectant leurs cibles grâce à des capteurs infrarouges? Nous savons que la technologie le permet déjà aujourd’hui. Tout cela ne doit pas nous laisser indifférents.

Le rapport que nous discutons traite du contrôle, de la supervision, de la responsabilité de ces frappes. Je soutiendrai le projet de résolution, tout en sachant qu’il s’agit d’un geste insuffisant au vu de la gravité du sujet. Je n’en espère pas moins qu’il encouragera tous ceux qui s’engagent à différent niveaux en vue d’accords internationaux interdisant l’utilisation généralisée et arbitraire de drones armés.

M. DOWNE (Canada, observateur)* – Je vous remercie, Monsieur le Président, de me fournir l’occasion de m’exprimer pendant ce débat. Je voudrais me joindre à tous ceux de mes collègues qui félicitent le rapporteur pour ce document d’excellente facture, qui présente la situation et les défis qui sont lancés à la liberté et aux droits fondamentaux. Il est des lignes qu’on ne saurait franchir. J’ai bien entendu la proposition selon laquelle les cours suprêmes doivent superviser l’utilisation de ces moyens. Nous devons la soutenir.

Mis à part les commentaires qui ont été faits sur les drones de combat, je crois qu’il faut réfléchir aux implications de ces drones pour beaucoup de pays. Des pays comme l’Inde envisagent l’utilisation de drones pour faire de la gestion de foules, voire des opérations anti-émeutes, en les armant de gaz au poivre. Il est vrai que les gouvernements hésitent moins à déployer les drones de combat, puisque cela leur permet d’épargner des dommages à leurs troupes.

Vous le savez, la Cour suprême du Canada interprète la Charte canadienne des droits et des libertés comme garantissant une protection au moins aussi grande que les dispositions des documents internationaux ratifiés par le pays. Alors, si les drones de combat permettent d’éliminer les terroristes tout en protégeant les civils, encore faut-il qu’ils soient utilisés de manière légitime et dans le respect des lois du pays. Je souscris d’ailleurs à l’appel du rapporteur: tous les membres du Conseil de l’Europe, observateurs compris, doivent respecter les principes du droit international dans l’utilisation des drones de combat.

M. RIVARD (Canada, observateur) – Je remercie l’Assemblée de me permettre d’aborder le sujet des drones et des exécutions ciblées, ainsi que la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international qui en découle. Je tiens également à remercier la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, en particulier le rapporteur, M. Díaz Tejera, de son important rapport sur ce sujet.

Les exécutions ciblées à l’aide de drones armés soulèvent des questions graves. Une des questions évoquées dans le rapport, et non la moindre, est le risque de banaliser ces interventions, autant le processus décisionnel qui mène à ces frappes que leurs conséquences. Or cette banalisation pourrait conduire à l’acceptation de l’idée d’exécuter des personnes sans qu’elles aient pu faire valoir leurs droits dans le cadre du système judiciaire.

Le rapport note que les avantages qu’offrent les drones, à savoir la capacité d’opérer des attaques à distance sans risquer d’être blessé ou capturé et la capacité de lancer une attaque à partir d’informations précises et actualisées, ont contribué à augmenter le nombre de frappes au cours de ces dernières années.

II est également intéressant de noter, comme le fait le rapport, que parallèlement à l’augmentation du nombre de frappes à l’aide de drones, leur précision accrue offrirait la possibilité de mieux respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme.

Le rapporteur a identifié certains points de droit soulevés par les frappes effectuées à l’aide de drones qui méritent notre attention, dont l’obligation de respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale au regard du droit international. Cette obligation n’étant pas absolue, le principe de la «responsabilité de protéger» permettrait la lutte contre le groupe terroriste «Etat islamique», par exemple. Il souligne aussi le fait qu’en vertu du droit international humanitaire, applicable aux situations de conflit armé, seuls les combattants représentent des cibles légitimes; le fait qu’en vertu du droit international des droits de l’homme – généralement applicable en temps de paix –, l’exécution par des agents de l’Etat est seulement légale si des vies humaines sont en danger et s’il n’existe aucun autre moyen d’éliminer ce danger; le risque de brouiller la frontière entre conflit armé et application des lois, au détriment des droits de l’homme.

Pour conclure, je constate que le rapport de M. Díaz Tejera fait ressortir le besoin d’obtenir plus de renseignements sur l’utilisation des drones de combat par les Etats.

Dans cet ordre d’idées, j’appuie sa recommandation d’entreprendre une étude approfondie sur la légalité de l’utilisation des drones de combat à des fins d’exécutions ciblées et de définir des lignes directrices à l’intention des Etats sur les exécutions ciblées menées à l’aide de drones de combat. Ces lignes directrices refléteraient les obligations qui découlent du droit international humanitaire et des droits de l’homme en matière de drones de combat et permettraient de nous rappeler, à tous, les principes fondamentaux qui sous-tendent les actions de nos pays à cet égard.

LE PRÉSIDENT* – Mme Quintanilla, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Nous en venons à la réplique de la commission. Monsieur le rapporteur, vous disposez de sept minutes.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – Je remercie toutes les personnes qui sont intervenues: M. Schennach, M. Garðarsson, Lord Balfe, Mme Werner, M. Voruz, M. Le Déaut, M. Downe, M. Rivard et, bien qu’elle soit absente de l’hémicycle, je remercie Mme Quintanilla d’avoir eu l’intention de participer au débat.

Vos interventions ont enrichi ce texte. Je préciserai certains points.

Le rapport a été rédigé d’après les informations dont nous disposions au moment de sa rédaction. Mme Werner a fait référence à la publication du rapport Intercept qui est intervenue après la fin de la rédaction de mon rapport. Quoi qu’il en soit, un amendement a été proposé et accepté et il reprend la formulation de Mme Werner.

Monsieur Le Déaut, avant que vous ne formuliez un amendement oral, nous avions déjà débattu du sujet au sein de la commission. Je vous invite à vous reporter au paragraphe 8.6.1. traitant des procédures automatiques. Votre proposition est noble puisque vous souhaitez améliorer le texte. C’est une préoccupation que nous partageons tous.

Nous travaillons avec les informations dont nous disposons. Nous ne pouvons accéder à certaines informations en raison du secret défense. Dans d’autres cas, nous avons accès à tous les éléments nécessaires.

Préciser la différence entre un drone et un missile nous conduirait à davantage de précision. En termes d’avancées technologiques, le contrôle, la manipulation, la vision, la distance, la précision et la gestion sont bien différents. Quant à moi, je suis contre l’utilisation de l’un et de l’autre. L’expression «dommages collatéraux» me révulse. Ce ne sont pas des dommages collatéraux, ce sont des personnes qui meurent, car ces instruments sophistiqués ne sont pas aussi sophistiqués que cela! C’est ce qui se produit dans le cadre des conflits armés déclarés.

Plus répugnantes encore, les exécutions programmées lorsque l’on sait par avance que l’envoi d’un drone entraînera la perte de vies humaines. Il ne faut pas oublier le principe de proportionnalité. Certes des protocoles régissent l’utilisation de ces instruments sophistiqués, mais aucun protocole n’autorise l’exécution programmée. J’utilise ce terme dans son sens juridique. Il peut y avoir une impulsion violente mais, en l’occurrence, l’acte est prévu, pensé, programmé. Dans le total irrespect des protocoles, on agit et on exécute.

J’ajouterai que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a pour vocation de soutenir la prééminence du droit, la démocratie parlementaire et les droits de l’homme. Si j’étais juriste dans un service de renseignement d’un Etat ou si je devais exécuter un mandat dans une zone opérationnelle, je serais au service de cette tâche. Mais en tant que parlementaire, mon rôle ne consiste pas à préparer une législation pour un Etat en particulier. Non, ici, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mon rôle est bien de réaffirmer ses valeurs.

Si nous jouons chacun notre rôle, si l’ensemble des interventions, des votes, des rapports réaffirment cette exigence, nous rappellerons alors la raison d’être de notre Assemblée parlementaire qui doit veiller à l’équilibre permanents des pouvoirs dans tous les cadres.

Il est essentiel de souligner ce point, en particulier dans ce domaine.

Voilà pourquoi je vous demande de soutenir les amendements que nous avons approuvés en commission et d’adopter les projets de résolution et de recommandation.

Il ne faut jamais oublier l’être humain. Et comme cela a été dit, on ne peut pas créer des écoles de terrorisme.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques* – Je voudrais dire notre gratitude au rapporteur pour son travail. Vous avez pu constater la passion qu’il a mise dans cette tâche. La commission est très favorable à son rapport. C’est un travail important pour notre Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel 4 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Nous commençons par l’examen du projet de résolution.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques proposait de considérer les amendements 2 et 1, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme WERNER (Allemagne)* – Les attaques par drones de combat à partir de l’Allemagne ou d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe doivent être analysées et faire l’objet d’investigation.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie de l’amendement oral suivant: Dans le paragraphe 8.6.1 du projet de résolution, après le mot «automatique», insérer le mot «(robotique)» entre parenthèses.

Je considère que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent. Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur* – Nous voulons introduire un moratoire par rapport aux robots tout en respectant les droits de l’homme. Avec cette formule, il me semble que la protection est réelle et qu’elle n’est pas limitée à la durée du moratoire. Elle permet également d’interdire «l’automatisme» contre la vie humaine.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est évidemment favorable à cet amendement.

L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

Mme WERNER (Allemagne)* – Il s’agit d’entamer la procédure au titre de l’article 52.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par M. Le Déaut de l’amendement oral suivant: «Dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.6.3, insérer un nouveau paragraphe ainsi rédigé: “Elle appelle les Etats membres à soutenir dans les négociations en cours ou à venir, le principe d’un moratoire sur l’utilisation des robots militaires autonomes, jusqu’à l’adoption de règles internationales encadrant la mise en œuvre de ces nouveaux types d’armements”».

En vertu de l’article 34.7.a du Règlement, le Président peut, à titre exceptionnel, déclarer recevable un amendement oral ou un sous-amendement oral s’il estime qu’il est destiné à apporter une clarification, à tenir compte de faits nouveaux ou à permettre une conciliation.

J’estime que cet amendement oral n’est pas recevable au regard des critères du Règlement.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13731, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (53 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13731.

Je vous rappelle que la majorité des deux tiers est requise.

Le projet de recommandation est adopté (55 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

4. Dialogue postsuivi avec Monaco

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Xuclà, au nom de la commission de suivi, sur le respect des obligations et des engagements de Monaco (Doc. 13739).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 20. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 15, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je souhaite tout d’abord la bienvenue à M. Nouvion, président du Conseil national de Monaco.

Monsieur le président, vous connaissez bien cette maison, comme ancien membre, et vous y êtes venu dès que vous avez pris vos fonctions à la présidence de votre parlement. Nous avons eu des contacts suivis, parfois personnellement plutôt tendus, mais cela a permis de faire avancer les choses. J’étais en effet, avant M. Xuclà, rapporteure du dialogue postsuivi avec Monaco. Ce travail a été enrichissant pour moi. Cela montre l’importance du dialogue et de la discussion: ce qui compte, c’est d’être d’accord pour dialoguer, s’écouter, essayer de se comprendre – ce qui est parfois difficile –, puis de trouver des solutions. Nous y sommes parvenus, je crois, et je tiens à vous en remercier, ainsi que de votre présence ici.

Je profite de l’occasion pour remercier également Madame l’ambassadeur, avec qui j’ai eu des relations excellentes lorsque j’étais rapporteure – elles le sont évidemment restées.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. XUCLÀ (Espagne), rapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)* – Madame la Présidente, Monsieur le président du Conseil national, chers collègues, Monaco est membre du Conseil de l’Europe depuis 2004. Pendant cinq ans, il a fait l’objet d’une procédure de suivi et a adopté une réforme constitutionnelle, nécessaire pour adhérer à cette organisation internationale. Puis, durant six ans, s’est déroulée la phase de postsuivi.

Il y a environ un an et demi, j’ai pris la responsabilité de rapporteur pour le postsuivi, à la suite d’Anne Brasseur, notre Présidente, collègue et amie. Au début, l’objectif semblait difficile à atteindre, mais nous nous sommes aperçus que notre coopération de onze ans avait généré un bénéfice réciproque: le fonctionnement des institutions monégasques s’est amélioré dans plusieurs domaines sur lesquels je reviendrai; le Conseil de l’Europe en a tiré profit puisque la délégation et le Gouvernement monégasques se sont impliqués très directement dans certains dossiers qui touchent de près notre organisation, dont la protection des droits des enfants. En outre, nous avons toujours constaté que les membres de la délégation monégasque participaient très activement à nos travaux.

J’ai étudié plusieurs points qui ont fait l’objet de discussions pendant un an. Cela a débouché sur la ratification de la Convention sur la cybercriminalité, ainsi que sur la nouvelle loi sur le fonctionnement et l’organisation du Conseil national permettant de tenir compte des modifications constitutionnelles intervenues en 2002, et qui, depuis 2009, était en stand-by au Conseil national dans l’attente d’un accord. Le président nous a annoncé le vote final de cette loi, ainsi que celui du règlement intérieur, pour les 16 et 17 juin prochains.

Nous sommes également parvenus au terme de la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale.

Un dernier point semblait totalement impossible à régler il y a un an et demi, mais nous avons abouti à un compromis au moment où nous sommes passés du suivi au postsuivi. Il s’agissait de l’implication du Conseil national dans la ratification des conventions et des traités internationaux qui n’ont pas de conséquences économiques pour le pays. Aux termes de l’article 14 de la Constitution de Monaco, en aucun cas le Conseil national ne pouvait être impliqué, en effet, dans la ratification de ces traités.

À en croire le ministre d’Etat, le conseiller de gouvernement pour les Relations extérieures et la coopération et d’autres conseillers de gouvernement, cela semblait tout simplement impossible. Or le 25 novembre, à la suite de la visite du pape et à la suite d’un déjeuner organisé par Mme l’ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe, nous sommes parvenus à un accord avec le conseiller de gouvernement pour les Relations extérieures et la coopération, ici, à Strasbourg. Ce qui semblait impossible, donc, est devenu réalité. Ainsi, la commission des relations extérieures du Conseil national, présidée par M. Allavena, est en train de travailler sur tous ces traités internationaux.

Il restait certes à analyser en profondeur la question de la ratification des Protocoles 1 et 12 à la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte sociale européenne révisée. Nous avons organisé deux réunions, une à huis clos et l’autre concernant la Charte sociale européenne. Une personne présente a particulièrement bien résumé ce qui s’est passé au cours de cette année et demie: Monaco a décidé de travailler. Un travail de fond était en effet nécessaire pour analyser ce qui était possible et ce qui ne l’était pas d’un simple point de vue technique, c’est-à-dire sans qu’interviennent passions politiques ni préjugés.

Nous avons ainsi travaillé avec des experts du Conseil de l’Europe pendant deux sessions, en décembre et en janvier, et tâché de rendre compatible la sauvegarde des aspects singuliers de Monaco avec la nécessité d’appliquer certaines règles à la principauté. Nous sommes parvenus à une solution, je l’ai dit, purement technique en tenant compte de l’avis des experts sur l’unité des traités internationaux et de l’avis des juristes du gouvernement. Ce dernier a publiquement déclaré sa volonté de maintenir ouvert le dialogue technique sur les protocoles n° 1 et 12.

Nous ne pouvons conclure le postsuivi sans continuer à évoquer, au niveau institutionnel, la Charte sociale européenne révisée. Le 17 mars 2015, à Paris, lorsque j’ai présenté le présent rapport à la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe, j’ai fait valoir que si nous maintenions ouvert le postsuivi à cause de ce seul aspect, il se pourrait qu’il devienne un objet de débat politique et donc qu’il divise au lieu d’unir les Monégasques, empêchant ainsi l’adoption de la Charte sociale. Et il me semblait que cela était plus ou moins en train de se passer.

Aussi ai-je eu un échange de lettres avec M. Roger, ministre d’Etat. Nous avons alors décidé de la constitution d’un groupe de travail afin de maintenir le dialogue avec l’Assemblée, M. Nicoletti, rapporteur général pour la Charte sociale européenne, étant tout particulièrement impliqué avec les personnes chargées de gérer le processus de Turin. Les représentants de la majorité et de la minorité monégasques, ainsi que M. Allavena et M. Pasquier, se sont montrés particulièrement actifs pour trouver les meilleures solutions possibles. Il fallait en effet dépasser les préjugés pour trouver un terrain d’entente. Il me semble, je le répète, que nous y sommes parvenus d’un point de vue technique. Il nous revient désormais de trouver une autre voie pour continuer d’avancer.

LA PRÉSIDENTE – Nous ouvrons la discussion générale en commençant par les porte-parole des groupes.

M. LE BORGN’ (France), porte-parole du Groupe socialiste – Vous me permettrez de commencer mon intervention par un message de sympathie pour nos amis monégasques après l’élimination de leur équipe, hier, en demi-finale de la Ligue des champions; j’espère que nos amis turinois présents dans l’hémicycle ne m’en voudront pas.

C’est en 1998 que la principauté de Monaco a demandé à adhérer au Conseil de l’Europe. En 2004, après de longues discussions, notre Assemblée a émis un avis dans lequel elle reconnaissait la situation particulière de ce pays et notait que le Conseil de l’Europe devrait en tenir compte «dans l’interprétation des engagements que Monaco honorera» après son adhésion.

C’est exactement ce que fait aujourd’hui M. Xuclà dans son excellent rapport qui rappelle la spécificité d’un pays de 2,2 kilomètres carrés, comptant 36 000 résidents dont 8 000 seulement ont la citoyenneté monégasque. C’est pour préserver l’existence même de ce pays que ces derniers bénéficient d’un régime préférentiel en matière d’emplois et de logements.

De nombreux progrès ont été accomplis depuis 2004. Monaco a acquis sa pleine indépendance par rapport à la France et intégré dans son ordre juridique de nombreuses conventions du Conseil de l’Europe. Le rapport relève ainsi que Monaco a honoré ou est sur le point d’honorer quatre engagements importants contractés en 2004: la ratification de la Convention sur la cybercriminalité; l’adoption d’une nouvelle loi sur le fonctionnement et l’organisation du Conseil national; la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale et l’implication du Conseil national dans la ratification des conventions et des traités internationaux. En tout, Monaco a ratifié 45 conventions depuis 2004.

Je serai plus nuancé que le rapporteur lorsqu’il affirme que le fait que le gouvernement soit responsable exclusivement devant le Prince et non devant le Conseil national «pose un véritable défi pour la démocratie». C’est en soi vrai, certes, mais les situations dramatiques pour les droits de l’homme et la démocratie dont il a été question tout au long de cette semaine au sein de cet hémicycle m’amènent à relativiser une appréciation que je juge un peu décalée. Mes préférences vont naturellement à un système parlementaire, comme chacun ici, et Monaco a sur ce point encore bien du chemin à parcourir. On ne peut toutefois qu’admettre que les droits de l’homme y sont respectés. Les deux derniers Etats européens – Monaco et le Liechtenstein – où un monarque dispose d’un pouvoir réel soulèvent infiniment moins de problèmes au regard de nos valeurs que certains grands Etats membres avec un «monarque» élu, issu parfois d’un clan aux pratiques politiques douteuses et à la relation souvent très distendue avec la démocratie.

Il n’y a pas de prisonniers politiques à Monaco et l’arrêt que la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme doit rendre prochainement sur Monaco concerne un recours de l’hebdomadaire Paris Match, condamné pour avoir publié des informations sur la vie privée du Prince Albert. Voilà qui met les choses en perspective.

Sur la Charte sociale révisée, il est probable que sa ratification formelle serait, comme le relève la proposition de résolution, de nature à porter atteinte au Pacte social qui fonde ce pays, qui bénéficie déjà de normes sociales élevées. À moins de trouver une solution juridique appropriée, la solution proposée par le rapport – l’intégration par Monaco dans son droit interne des droits garantis par la Charte – semble un très bon moyen de résoudre ce dilemme.

La non-ratification du Protocole n° 1 soulève une incontestable difficulté de principe puisque le seul autre Etat membre à ne pas l’avoir ratifié est la Suisse.

En même temps, sa ratification en l’état remettrait en cause les fondements mêmes de ce pays. La voie des réserves ne présenterait guère de garanties compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur ce point. J’espère que le groupe de travail créé d’un commun accord trouvera une solution technique.

Sur le protocole no 12, qu’y a-t-il à ajouter aux observations du rapporteur? En effet, seuls 18 Etats sur 47 l’ont ratifié, parmi lesquels beaucoup de nouveaux Etats membres, lesquels sont obligés de le faire, contrairement aux plus anciens.

Au vu de ces réflexions, le Groupe socialiste ne peut qu’approuver la proposition de la commission de suivi de clore le dialogue postsuivi avec Monaco, tout en assurant la principauté de la disponibilité du Conseil de l’Europe pour l’assister dans ses futures réformes.

M. PASQUIER (Monaco), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je commencerai par quelques paroles en anglais pour remercier mes amis de l’ADLE de m’avoir permis de prendre la parole au nom du groupe; étant membre de l’opposition, c’était la seule possibilité pour moi de m’exprimer devant vous aujourd’hui.

(Poursuivant en français) Je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur, M. Xuclà, ainsi que le personnel du Conseil de l’Europe pour leur travail qui a abouti à cet excellent rapport montrant leur capacité à comprendre les spécificités de Monaco. Je ne veux pas manquer de remercier également les précédents rapporteurs: M. Agramunt, M. Slutsky et vous-même, Madame la Présidente.

Je le dis sans ambiguïté: j’adhère pleinement à l’analyse et aux conclusions de ce rapport. Quelles sont-elles? «Assez bien» et «Peut mieux faire».

Je commencerai par le «Assez bien».

Assez bien pour sortir du processus de postsuivi, sans aucun doute. Les progrès accomplis depuis l’adhésion de Monaco, il y a dix ans déjà, sont réels et irréversibles, par exemple en ce qui concerne la motivation des actes administratifs et la possibilité pour les nationaux d’accéder à tous les postes dans la fonction publique. Il est vrai que les progrès réalisés depuis notre adhésion pour honorer nos engagements ont été lents, probablement parce que l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe a été un sujet très controversé et qu’il ne fallait surtout pas renforcer encore les craintes de ceux qui prônaient le repli sur soi et qui présentaient l’Europe comme un rouleau compresseur qui finirait par détruire le pays. Malgré cette prudence, les élections nationales de 2013 se sont soldées par les résultats que l’on sait.

Dans ce contexte, on ne peut que féliciter le rapporteur d’avoir compris que le fait de recommander la sortie de Monaco du postsuivi renforcerait les forces progressistes, et je suis content que Monaco ne compte plus que des forces politiques qui s’affirment pro-européennes. Merci à vous pour cela, Monsieur Allavena. J’espère sincèrement que le temps où certains brandissaient l’Europe en général, et le Conseil de l’Europe en particulier, comme un épouvantail, comme une pomme de discorde et d’anxiété au sein de la population monégasque, est bien révolu.

Après tout, Monaco est un pays prospère, dans lequel personne n’est laissé au bord de la route, un pays avec une économie dynamique qui permet d’employer des dizaines de milliers de personnes venant des pays voisins, un pays où aucun membre de l’opposition, aucun journaliste n’est en prison, où les élections ne sont pas truquées, où la liberté de parole est respectée, où la sécurité des biens et des personnes est garantie. Dans la cohorte des pays en postsuivi, combien peuvent en dire autant? Oui, pour toutes ces raisons, la sortie de Monaco du postsuivi est légitime.

Je finirai par le «Peut mieux faire».

Je ne dis pas que certaines craintes du gouvernement ne sont pas justifiées au vu des spécificités de notre pays. C’est en particulier le cas pour les questions touchant au logement et à l’emploi des nationaux. À cet égard, je crois que le rapporteur a bien compris la situation. Mais ces craintes ne doivent pas être des excuses pour ne pas avancer dans d’autres domaines. Par exemple, il existe encore, à Monaco, une discrimination envers les femmes pour l’accès aux prestations sociales. En outre, les couples de même sexe n’ont pas la possibilité de faire reconnaître leur union par la loi et se voient donc privées de certaines prestations, de même que les couples de sexe différent voulant opter pour d’autres formes d’union que le mariage. Par ailleurs, le gouvernement prend trop de libertés avec la constitution en matière de finances publiques, privant le Conseil national d’une partie de ses prérogatives. Enfin, le Conseil national n’a pas de droit d’amendement budgétaire. Une proposition de révision constitutionnelle et des propositions de loi visant à corriger ces anomalies ont été déposées par le groupe politique auquel j’appartiens.

L’important aujourd’hui est que le dialogue constructif qui s’est instauré entre le Conseil de l’Europe et Monaco continue sur sa lancée dans les prochains mois et les prochaines années, et que le Conseil de l’Europe continue à être un agent du changement, avec un esprit ouvert et en prenant en compte nos spécificités. Nous avons encore des progrès à faire, mais la graine que notre adhésion au Conseil de l’Europe a semée sur notre petit rocher il y a dix ans se porte bien; elle grandit lentement mais sûrement, et je vous demande de continuer à nous prodiguer des conseils pour que nous puissions nous en occuper au mieux.

M. WALTER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – J’aimerais tout d’abord féliciter le rapporteur pour son travail, qui débouche sur d’excellentes conclusions. Lorsque l’on considère la liste des autres pays faisant actuellement l’objet d’une procédure de postsuivi, il est presque ridicule de voir Monaco y figurer. Le pays compte 8 000 citoyens; il conserve des traditions qui ne plaisent peut-être pas toutes à certains d’entre nous – certainement pas, en tout cas, aux républicains présents parmi nous –, et le rôle du prince n’est pas tellement différent de celui que l’on observe dans d’autres monarchies. Mais ce qui est clair, c’est ce que veulent les Monégasques: ils soutiennent ces institutions.

Comme le souligne le rapporteur, un certain nombre de questions techniques doivent encore être examinées. Mais lorsque l’on sait que les Monégasques sont une minorité dans leur propre pays – seulement un habitant sur cinq est monégasque –, il convient d’être un peu plus compréhensif sur les différents défis auxquels ils sont confrontés. De toute manière, ils ne relèvent pas de la procédure de postsuivi.

Il faut être équilibré dans la manière dont nous examinons la situation des Etats membres. En l’espèce, il ne s’agit pas d’un Etat où les militants politiques sont arrêtés au petit matin et disparaissent définitivement, où des journalistes croupissent en prison pendant des années, où la liberté d’expression est rendue impossible, ni même difficile, où l’on n’a pas droit à un procès équitable, où il y a des prisonniers politiques, ou bien encore d’autres abus en matière de droits de l’homme.

Je félicite une fois encore le rapporteur pour son travail et ses conclusions, de même que tous ceux, à Monaco et au sein de cette Assemblée, qui ont fait preuve de patience. Nous devrions tous pouvoir soutenir les conclusions du rapport et le projet de résolution, mettant ainsi fin à la procédure de postsuivi.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je salue la présence parmi nous du président du Conseil national monégasque. J’ai été rapporteur pendant les cinq premières années de la procédure de suivi sur Monaco; après cela, Mme la Présidente a assumé cette fonction, actuellement exercée par M. Xuclà. Pour des raisons que tout le monde connaît, le corapporteur, M. Slutsky, n’est pas là: la délégation de la Fédération de Russie ne participe pas à nos travaux.

Je souhaite rappeler que, lorsque nous avons clos la procédure de suivi, la décision a été prise à l’unanimité. J’espère qu’il en ira de même aujourd’hui pour mettre fin au dialogue postsuivi.

Comme les intervenants précédents, je félicite moi aussi M. Xuclà. C’est bien logique, Monsieur le rapporteur: j’ai suivi vos travaux de très près, j’ai évoqué le dossier avec vous et je sais très bien quel immense travail cela représente. Votre travail est très précis, très détaillé, vous vous êtes attaché au moindre détail. C’est impressionnant et il sera très intéressant pour les autorités monégasques afin que Monaco puisse continuer d’avancer.

Monaco ne représente aucune menace pour les droits de l’homme, la coexistence, la démocratie et l’Etat de droit. J’insiste sur ce point car il est évident qu’en ces matières, Monaco est un pays exemplaire, même si des questions demeurent liées à ses particularités: peu d’habitants, prix exorbitant de l’immobilier qui oblige l’Etat à aider ses ressortissants nationaux afin qu’ils puissent continuer à vivre dans leur pays car, sinon, ceux-ci doivent s’exiler en France, les questions que nous connaissons parfaitement bien.

Pour autant, de nombreux progrès ont été réalisés grâce aux efforts déployés depuis onze ans par la principauté de Monaco. Il faut donc être réaliste et voir comment elle fonctionnait il y a onze ans et comment elle fonctionne aujourd’hui.

Un très long chemin a été parcouru, qui me pousse à dire que nous pouvons appuyer la décision proposée par notre rapporteur, M. Xuclà.

LA PRÉSIDENTE – Je crois comprendre que le rapporteur préfère répondre à tous les orateurs à la fin de la discussion générale.

M. MOTA AMARAL (Portugal)* – Madame la Présidente, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par féliciter et remercier notre rapporteur M. Xuclà, de Catalogne en Espagne, pour son excellent travail dans le cadre du dialogue de postsuivi avec les autorités monégasques et pour ce rapport qu’il soumet à l’Assemblée, étayé dans ses propositions et ses conclusions par un vote à l’unanimité de la commission de suivi placée sous la présidence de M. Stefan Schennach, d’Autriche.

Monaco est un petit Etat européen, marqué par une longue histoire de survie dans des conditions difficiles. Son accession aux Nations Unies et, dans un contexte très différent, au Conseil de l’Europe est une garantie de son indépendance nationale.

Vu de l’extérieur, Monaco étincelle par sa richesse mais, pour ses citoyens, le succès même de leur pays est source de difficultés, voire d’épreuves. Comme d’autres petits Etats, pour certains membres du Conseil de l’Europe également, Monaco doit recourir à des solutions particulières en matière d’organisation politique et sociale.

Tant que les aspects fondamentaux des droits de l’homme et de l’Etat de droit sont respectés, j’imagine que les particularités nationales et locales peuvent être comprises, acceptées, voire admirées, puisqu’elles témoignent de toute la variété des libertés des peuples européens et des points forts des sociétés européennes. C’est le cas de Monaco, une région en paix de notre continent.

À mon sens, conserver une suspicion à son égard ne serait pas raisonnable et il est temps de reconnaître Monaco en tant que membre à part entière du Conseil de l’Europe.

Pour ma part, je suis très heureux d’apporter mon soutien à Monaco puisque ma patrie, les Açores, garde cette principauté dans sa mémoire. Je pense notamment aux explorations scientifiques du prince Albert 1er au début du XXe siècle et j’emprunte toujours l’avenue du prince de Monaco lorsque je me rends à l’aéroport sur l’Ile de Sao Miguel.

Comme je l’ai fait en commission, je voterai dans cet hémicycle pour le projet de résolution visant à clore le dialogue de postsuivi avec Monaco.

Félicitations à Monaco, aux autorités monégasques et à leurs citoyens, et bonne chance!

M. ALLAVENA (Monaco) – Depuis un peu plus d’un an et plus encore le 17 mars dernier à Paris, Jordi Xuclà nous a donné une vraie leçon de politique.

Il aurait pu s’en tenir à la rédaction initiale du rapport, prendre acte des progrès réalisés depuis dix ans, mais considérer que le compte n’y était pas, et décider de poursuivre le postsuivi. Nombre de rapporteurs auraient fait ainsi, et personne ne lui en aurait fait reproche.

Mais il a choisi une autre voie, celle de la confiance, la confiance qu’il a su établir avec le souverain au fil de leurs entretiens, et il a jugé qu’on allait trouver la solution pour la part qui manque. Je le cite, de mémoire: «Je vous demande de faire confiance au souverain, et de ne pas donner aux anti-Européens l’opportunité d’un débat agressif sur le seul point restant.»

Si cette proposition audacieuse a convaincu la commission, avec un vote unanime pour mettre fin au postsuivi, c’est aussi parce que, depuis deux ans, mes collègues et moi-même passons notre temps à expliquer la réalité de Monaco, à tordre le cou à tant de préjugés. Et les arguments que j’ai entendus ce matin-là sont ceux que je porte depuis deux ans: pourquoi exiger de Monaco des choses que l’on ne demande pas à d’autres? Pourquoi continuer à passer autant de temps sur le dossier Monaco alors que nous assistons à des événements tellement plus graves ailleurs en Europe?

À ces deux questions, la commission a donc unanimement répondu «stop!», et j’espère que, tout à l’heure, cette Assemblée plénière en fera de même, unanimement aussi. Ce serait fort.

De plus, je prends le fait que nous soyons si peu nombreux dans cet hémicycle aujourd’hui, le fait qu’il n’y ait eu aucun amendement au rapport, comme la confirmation que Monaco n’est plus un vrai sujet pour l’APCE. Il est donc temps d’en finir.

Je voudrais conclure cette courte intervention en abordant deux derniers points. Tout d’abord, je m’étonne que, dans cette maison si attachée à la démocratie et à la représentativité des minorités, aujourd’hui, selon le Règlement, mon collègue de la minorité, Bernard Pasquier, n’avait pas le droit de s’exprimer. Il a pu le faire, via une décision inhabituelle de son groupe politique. Tant mieux et merci, mais il me semble bon de réfléchir à ce point du Règlement, et de le corriger, pour ceux qui viendront après nous. Je ne pense pas que «Faites ce que je dis, pas ce que je fais» soit une bonne devise pour l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.

Enfin, je voudrais évidemment remercier très sincèrement nos rapporteurs successifs, aux styles si différents, Pedro Agramunt et Leonid Slutsky qui ont été les premiers et ont mis le dossier sur les rails, ainsi que Jordi Xuclà qui va, nous l’espérons, le conclure avec succès. Je ne vous oublie pas non plus, Madame la Présidente; je n’ai pas l’habitude de l’hypocrisie ni de l’oubli factice. Nous avons eu avec vous de nombreuses divergences lorsque vous avez piloté ce dossier de postsuivi – vous les avez-vous-même rappelées dans votre introduction –, et je ne sais pas qui, de vous ou des Monégasques, est responsable de ce que j’appellerai un long rendez-vous raté. Cependant, quand je vous vois aujourd’hui diriger avec talent et efficacité notre Assemblée, je pense que l’on ne peut que regretter ce rendez-vous raté. C’était un accident, cela arrive. C’est dommage.

À tous les quatre et aux membres de la commission de suivi et à son président, Stefan Schennach, je dirai un grand merci d’avoir pris le temps de s’intéresser à notre pays et d’avoir essayé de le comprendre.

Il y a juste un peu plus de dix ans, environ un an après cette adhésion à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qu’il avait souhaitée, décidée, obtenue, le prince Rainier disparaissait, laissant à son fils le prince Albert et aux Monégasques, un pays prospère et en ordre de marche. Je pense qu’aujourd’hui, s’il nous observe, il serait satisfait du travail de notre délégation et de la confiance que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe va témoigner à son pays.

Mme FRESKO-ROLFO (Monaco) – Je tiens tout d’abord à remercier M. Xuclà pour sa détermination et son travail en sa qualité de rapporteur ainsi que pour ses efforts pour comprendre l’identité unique de notre principauté, nos institutions et bien évidemment nos spécificités en tant que deuxième Etat le plus petit au monde.

Je le remercie de nous avoir témoigné sa confiance en demandant à cette Assemblée de mettre un terme au dialogue postsuivi avec Monaco à la lumière des avancées importantes réalisées par notre pays depuis son adhésion en 2004 et surtout depuis 2013.

En effet, face à ses engagements, Monaco n’a cessé d’essayer, tout au long de son histoire avec le Conseil de l’Europe, de trouver le meilleur compromis pour les honorer. Ces engagements, nous les avons tenus pour respecter les standards de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et nous avons ratifié de nombreux traités internationaux du Conseil de l’Europe. Nous avons créé le Haut-Commissariat à la protection des droits et des libertés et à la médiation; nous voterons dans les semaines qui viennent la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil national, ainsi que son règlement intérieur; nous avons mis en place un modus operandi permettant une meilleure circulation des informations entre le gouvernement et le Conseil national quant à la ratification des traités ou conventions internationales. Tout cela, et je tiens à le dire, en disposant de moyens humains très limités et dans un temps tout à fait raisonnable.

Néanmoins, malgré cette bonne volonté exprimée au travers de ces réalisations par notre Prince souverain et les autorités monégasques, il est de mon devoir de vous rappeler que l’équilibre de la principauté repose sur un système de fonctionnement qui n’est pas compatible avec certains instruments du Conseil de l’Europe, parmi lesquels figurent les Protocoles additionnels 1 et 12 à la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne révisée.

En effet, ces trois instruments ne garantissent pas, dans leur intégralité, la protection de la première minorité de notre pays: les Monégasques eux-mêmes.

Quitte à nous répéter, je veux le dire encore et encore, car c’est une situation unique au monde: les Monégasques, nos nationaux, ne représentent que 20 % de la population totale résidant à Monaco, un territoire dont la superficie est inférieure à 2,5 km2. Oui, nous sommes minoritaires dans notre propre pays. Ce particularisme explique nos positions.

Il ne s’agit pas ici d’avoir un discours anti-européen ou réfractaire à toute évolution de notre modèle, il s’agit de rappeler une réalité: tous les pays ne sont pas égaux devant certains principes européens.

Pour garantir un emploi, un logement, une qualité de vie à nos nationaux et à leurs enfants, nous avons mis en place un système fondé sur des critères de «priorité nationale». Or qui dit «priorité nationale», dit dans une certaine mesure «discrimination», mais dans un sens positif, je le souligne, puisqu’il s’agit là de protéger ceux qui sont issus d’une situation inéquitable, inégale de fait.

En d’autres termes, c’est l’Etat qui apporte une protection supplémentaire aux droits d’une minorité en appliquant la préférence nationale.

Malgré cette réalité et cette impossibilité de ratifier ces trois textes en l’état, le Gouvernement princier de Monaco reste disposé et s’est engagé à continuer à coopérer avec le Conseil de l’Europe et son groupe d’experts pour rechercher des solutions.

C’est pourquoi je formule aujourd’hui le vœu que cette Assemblée nous accorde la même confiance que le rapporteur, tout en reconnaissant nos particularismes si singuliers.

Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur, il est clair pour moi que notre place n’est pas dans le dialogue postsuivi avec le Conseil de l’Europe car nous continuons à être disposés à honorer les engagements qui nous semblent pouvoir améliorer nos institutions sans mettre en danger notre équilibre politique, économique et le modèle sociétal adapté à la taille de notre pays et qui fonctionne bien: notre démocratie nationale vivante, les résultats économiques positifs, notre modèle social équilibré, le bien-être et la qualité de vie de nos compatriotes et des résidents étrangers, ne sont pas des vues de l’esprit.

Monaco est un Etat souverain et, en tant que tel, sa priorité, sa mission par-dessus toutes les autres, est celle de veiller au bien-être et au futur de ses citoyens.

En tant qu’élue du peuple monégasque, je veux vous dire notre volonté de continuer à avancer ensemble sur le chemin de la compréhension mutuelle en tenant compte de nos fondamentaux respectifs, condition indispensables au compromis constructif.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

Monsieur le rapporteur, il vous reste quatre minutes pour répondre aux intervenants.

M. XUCLÀ (Espagne), rapporteur* – La structure institutionnelle de Monaco, le rôle du chef de l’Etat et du Conseil national ont été évoqués à plusieurs reprises. Ce sont des sujets que nous avons déjà abordés en 2004 lors de la réforme constitutionnelle et sur lesquels je n’ai pas la capacité d’influer. Dans le cadre d’un dialogue constructif, nos partenaires pourront certainement tirer les fruits de nos observations, qui vont dans le sens de la démocratie.

Certaines remarques relèvent plutôt du débat interne qui sera mené à l’avenir au sein du Conseil national. Elles portent notamment sur la possibilité de présenter des amendements budgétaires et sur la Charte sociale européenne. L’important, me semble-t-il, est que le dialogue se poursuive dans le même climat de confiance, car nous avons travaillé dans un excellent esprit.

Monsieur Allavena, je ne veux aucunement vous donner des leçons. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour mettre en place un mécanisme original afin de continuer à travailler sur certains points sans poursuivre le dialogue postsuivi. Nous ne voulions pas de confrontation; nous voulions trouver des solutions.

Mesdames et Messieurs, je vous demande, encore une fois, de poursuivre le dialogue, de maintenir votre unité et de rester intellectuellement disposés à dialoguer sans préjugés. Lorsque les choses sont simples, évitons de les compliquer.

Je voudrais terminer en remerciant la Présidente de l’Assemblée, Mme Brasseur. Elle a été rapporteure sur Monaco avant moi et m’a ouvert la voie. Comme elle l’a souligné tout à l’heure, elle n’a pas eu une tâche aisée. Sans elle, nous ne serions pas arrivés si loin. Je tiens à remercier également les rapporteurs des cinq années de suivi, qui ont effectué un excellent travail, mais aussi les autorités monégasques, très coopératives et très positives à l’égard du Conseil de l’Europe. Le Prince Albert II de Monaco s’est lui-même impliqué pour relever les défis liés au dialogue postsuivi. Cela a beaucoup compté.

Je tiens à remercier aussi le Conseil national et son président, M. Nouvion, présent parmi nous. Il m’a assuré de son intention de poursuivre une coopération constructive avec le Conseil de l’Europe. Je veux remercier également M. Roger, le ministre d’Etat, qui n’est pas parmi nous aujourd’hui mais avec lequel j’ai travaillé main dans la main pendant un an et demi. Il a une grande expérience et a relevé déjà de nombreux défis au cours de sa carrière.

Je tiens également à remercier la commission de suivi pour son accompagnement, son soutien et sa disponibilité, son président M. Schennach, et la cheffe du secrétariat, Mme Ravaud, dont l’exigence intellectuelle et l’éthique m’ont été indispensables dans ma tâche. Nous avons travaillé tous ensemble dans un excellent climat.

Une personne, enfin, m’a accompagné dans la recherche de solutions intelligentes et créatives. Elle est d’ailleurs à l’origine de certaines de celles que je vous ai présentées. Il s’agit de Mme Affholder. Le travail que nous avons mené ensemble est enfin terminé et il s’achève de manière constructive.

Pendant un an et demi, je me suis senti extrêmement utile au service du Conseil de l’Europe, au service des objectifs qui sont les nôtres. Quel que soit le résultat du vote, et j’espère qu’il sera positif – je vous rappelle, mes chers collègues, qu’aujourd’hui c’est la Saint Georges! – je suis heureux des solutions que nous avons trouvées pour l’avenir.

M. Giovagnoli, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission de suivi* – Quand on préside la commission de suivi, on se rend compte que l’ordre du jour ne cesse de s’allonger, que les défis à relever pour défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit sont toujours plus nombreux. Je me réjouis d’autant plus que nous ayons pu, sous ma présidence, parvenir à conclure deux dossiers. Tout d’abord, nous avons trouvé une solution intermédiaire pour le Monténégro, petit pays passé du suivi au postsuivi. Et voici – le moment est solennel – que nous souhaitons aujourd’hui mettre un terme à onze années de suivi et de postsuivi avec Monaco, onze années d’un dialogue empreint de compréhension mutuelle, comme l’a dit Jordi Xùcla, un dialogue mené à très haut niveau.

Nous allons bientôt, chers collègues, nommer de nouveaux rapporteurs. L’exemple de Jordi Xùcla, qui avait succédé à Mme Brasseur, nous montre quel degré d’exigence la fonction de rapporteur implique pour ce type de dossier. Je ne peux que le féliciter.

Je tiens aussi à remercier M. Pasquier et M. Allavena. Vous venez, Messieurs, d’un petit pays, et vous vous êtes impliqués activement, c’est ce qu’il faut retenir, sur toutes les questions traitées par la commission de suivi. Vous en faites pleinement partie, Messieurs. Vous avez donc l’habitude de gérer des conflits et d’essayer de trouver des solutions à vos propres problèmes, et une véritable relation de confiance s’est installée. La preuve en est que le projet de résolution sur lequel nous allons nous prononcer n’est l’objet d’aucun amendement.

Les travaux continuent, nous le savons, mais, en ce moment solennel, nous partons, en toute confiance, du principe que vous continuerez les réformes.

Je remercie également le secrétariat, qui nous a énormément aidés et sans lequel, Jordi Xùcla l’a dit, tout ce travail n’aurait certainement pas été possible.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission de suivi a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Je propose donc que nous passions directement au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13739.

Le projet de résolution est adopté (56 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT* - Le projet de résolution est donc adopté à une très large majorité. C’est une bonne journée pour Jordi Xùcla! Permettez-moi de dire, en tant que parlementaire de la République de Saint-Marin, Etat membre le moins peuplé du Conseil de l’Europe, que je suis très heureux de ce vote concernant l’Etat le plus petit de notre Organisation. Nous félicitons Monaco.

5. La réforme de la gouvernance du football

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Connarty, au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, sur «la réforme de la gouvernance du football» (Doc. 13738).

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. CONNARTY (Royaume-Uni), rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – Ce rapport a été élaboré pendant deux ans. Ce que je vous présenterai repose sur des faits, il ne s’agit pas d’un rapport purement spéculatif. C’est un rapport de suivi, qui fait suite à un travail engagé par l’actuelle Présidente de l’Assemblée.

Permettez-moi tout d’abord de remercier le secrétariat de notre commission pour son soutien, ainsi que Mme Brasseur, qui a été la première ici à s’interroger sur la gouvernance du football.

Je remercie également mon collègue suédois, qui n’est plus membre de l’Assemblée et qui était président de la Fédération suédoise de judo lorsque je présidais la sous-commission de l’éducation, de la jeunesse et du sport. Nous nous sommes penchés sur la situation des droits humains dans les pays dans lesquels des manifestations sportives étaient organisées.

J’aimerais féliciter l’ensemble des parlementaires très au fait de la gouvernance du football – je recommande à cet égard un certain ouvrage sur la manière dont le pouvoir s’exerce dans le monde du football.

Je veux rappeler tout ce qu’a fait Andrew Jennings, un journaliste britannique infatigable qui enquête sur la FIFA qu’il a appelée «la mafia FIFA», ce qui lui a valu d’être interdit de toutes les manifestations organisées par la Fédération internationale.

Je remercie aussi M. Roberto Fasino, du Conseil de l’Europe, pour son soutien. Alors qu’il était parlementaire, il suivait attentivement les questions des droits de l’homme.

Je veux également évoquer Mme Heidi Black, journaliste au Sunday Times. Avec M. Johnson, ils ont ouvert leurs volumineux dossiers contenant des faits sur des virements bancaires afin que je puisse en prendre connaissance. Interrogés sur la possibilité d’avoir accès à quelques éléments du dossier, ils nous ont répondu que nous pouvions avoir accès à l’ensemble des documents. C’est ainsi que je dispose de la totalité du dossier sur ma clef USB – vous avez-vous-mêmes accès à l’ensemble des documents sous forme électronique.

Le rapport n’est donc nullement un écrit spéculatif. Il s’agit d’une critique fondée sur des faits. Tous ces documents sont d’ailleurs passés entre les mains des responsables du service juridique de l’Assemblée. Certains portent sur les virements bancaires, dont j’ai obtenu les copies. Ils concernent des dizaines de milliers de dollars, voire 100 000 dollars selon la personne en cause. Ces sommes ont été versées pour acheter le vote de personnes, afin qu’elles attribuent la Coupe du monde 2022 au Qatar. Souvenons-nous de ce qui s’est passé en 2010 lorsque ce pays s’est vu attribuer cette Coupe du monde!

Le rapport traite des conditions de travail réservées aux ouvriers qui construisent les stades dans des conditions climatiques extrêmes, la température pouvant monter jusqu’à 50 degrés. Venus de pays étrangers, ils travaillent 14 heures par jour dans des conditions déplorables, jusqu’à épuisement, jusqu’à la mort. Je n’exagère en rien, nous avons obtenu ces informations de l’Organisation internationale du travail. Au surplus, nous avons procédé à une audition d’une personne au mois de décembre de l’année 2014 au cours de laquelle nous avons appris que 1 000 ouvriers avaient trouvé la mort. Nombreuses étaient les familles qui avaient reçu des certificats de décès qui n’indiquaient pas la vraie raison de leur disparition afin d’éviter que des indemnités leur soient versées. Voilà ce qui se passe au Qatar.

Il nous a paru très important de pointer les phénomènes de corruption et l’application du système de la Kafala à l’œuvre dans ce pays. M. Steven Murphy, secrétaire général du syndicat britannique des ouvriers du bâtiment, qui s’est rendu sur place, s’est rendu compte que des ouvriers n’avaient pas reçu leur salaire pendant sept mois. Ils survivaient grâce aux dons d’une organisation caritative. On leur promettait toujours leur salaire dont ils ne voyaient pas le premier centime! Mais personne n’a le droit de protester dans ce pays, car il est impossible de récupérer son passeport. C’est cela le système de la Kafala.

Nous nous sommes penchés sur les recommandations du Comité indépendant de la gouvernance de la FIFA elle-même. Certaines ont été mises en œuvre. Les paragraphes 67, 68 et 73 font référence aux dispositions d’appel d’offres pour accueillir sur son territoire un championnat.

Le comité exécutif, constitué d’un petit groupe de personnes, ne devrait pas être manipulé par des pots-de-vin et la corruption. Mais la corruption est prouvée au même titre que les conditions de travail déplorables sur les chantiers de la Coupe du monde de 2022. C’est ainsi que l’on peut découvrir au paragraphe 31 que la FIFA doit ouvrir une nouvelle procédure et veiller à ce que cette dernière assure un traitement égal entre tous les pays candidats et que l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde doit intervenir selon des critères précis.

Nous demandons également qu’un seul pays soit choisi. Or, en 2010, contre toute attente, deux pays ont été annoncés. Mohammed Bin Hammam l’a confirmé: personne ne s’y attendait. Il n’en reste pas moins que c’est ce qui s’est passé.

Le rapport de la commission indépendante de la gouvernance montre que le président actuel n’aurait pu se porter candidat car il n’est pas possible de se présenter à une élection lorsqu’on est âgé de plus de 70 ans. En outre, il est impossible d’exercer deux mandats consécutifs. Sauf à constater que de vieux habitués contrôlent l’organisation, et ce de manière inappropriée. En l’absence de transparence, c’est la corruption organisée.

Les recommandations touchant à ces questions n’ont pas été mises en œuvre.

La chambre d’instruction de la commission d’éthique de la FIFA, présidée par M. Michael Garcia, avait produit un rapport, mais celui-ci n’a pas été publié. Et d’ailleurs M. Garcia a démissionné, car ce rapport – qui ne porte nullement sur la personnalité du président – restait imprécis sur l’attribution de la Coupe du monde au Qatar.

Des manigances visant à mettre un terme à ce rapport, se poursuivent. Or ce rapport est fondé sur des faits, sur les droits humains et sur la corruption. Ce sont précisément des phénomènes contre lesquels nous devons lutter en tant que membres du Conseil de l’Europe. Nous devons révéler la vérité et si nous ne sommes pas prêts à le faire, nous ne devrions pas siéger au sein de cette Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous restera quatre minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Nous voilà face à un rapport apparemment anodin et inoffensif, mais qui cependant fait l’objet de controverses. Apparemment, il ne devrait pas poser de difficultés, tant le phénomène du football est un phénomène de société. C’est un sport de masse qui réunit en communion des spectateurs des cinq continents.

Tout enfant, et surtout s’il s’agit d’un garçon, est un footballeur en herbe. C’est un sport, qu’on le veuille ou non, qui réunit des millions de personnes partout dans le monde, semaine après semaine, qui divise, mais qui permet aussi de fraterniser. Car, outre les championnats nationaux, rien qu’en Europe, se déroulent la Coupe de l’UEFA et la Ligue des champions, soit une moyenne de deux matches par semaine qui scotchent devant les écrans de télévision des millions de personnes et agglutinent dans les stades des milliers de supporters. Et là, on commence à comprendre que ce qui pourrait être anodin ne l’est pas. Car pour gérer tout cela, il faut des organisations, des structures, des Etats. Les appétits financiers et les intérêts des uns et des autres se font alors jour.

Aussi, ce rapport qui, certes a été adopté en janvier dernier par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, déçoit. Il déçoit dans son contenu – oui, Monsieur Connarty –, un contenu peu rigoureux: les sources ne sont que des journaux, The Sunday Times et France Football, et les auditions sont peu argumentées. Par ailleurs, on découvre que certaines affirmations du rapporteur sont déjà obsolètes et ne tiennent pas compte, par exemple, des lois fédérales de la Suisse.

Ce rapport, tel qu’il est présenté, fait un procès d’intention à la FIFA. Certes, depuis quelque temps, la FIFA est pointée du doigt pour différentes irrégularités liées à l’achat des voix et aux pots-de-vin pour l’octroi des droits de retransmission – je suis d’accord avec vous – ou de l’organisation des coupes du monde, notamment au Qatar. Cependant, je ne suis pas sûre que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soit l’organisation la plus légitime pour accuser la FIFA. D’autant que ce rapport a une approche manichéiste: la FIFA est la méchante et l’UEFA, la bonne et l’exemplaire. Hors de cet hémicycle, notre objectivité pourrait être remise en cause.

Cela étant, et malgré cette approche subjective du rapport, j’aurais au moins espéré qu’il soit procédé à une audition du président de la FIFA – quel qu’il soit. Or il n’en est rien. Je vous le demande: pourquoi présenter ce rapport maintenant, alors que le président de la FIFA n’a pas été auditionné?

Je ne m’attarderai pas sur le paragraphe 13 du projet de résolution, où nous, membres de l’Assemblée, disons aux autorités qataries ce qu’elles doivent faire et demandons à la FIFA de revoir la procédure d’octroi de la Coupe du monde de 2022. Je ne pense vraiment pas que ce soit le rôle de notre Assemblée. D’autres organisations, telles que l’Union interparlementaire, sont bien plus légitimes pour traiter de ces questions.

Pour toutes ces raisons, je demande le renvoi en commission du rapport, en application de l’article 37.1.d du Règlement.

LE PRÉSIDENT* – Souhaitez-vous que nous discutions du renvoi en commission maintenant?

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Nous le ferons plus tard, car chacun a le droit d’exprimer son point de vue. Je viens de présenter celui de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, il est donc normal que les autres groupes et les parlementaires inscrits dans le débat s’expriment.

LE PRÉSIDENT* – La décision sera donc prise à la fin du débat.

M. WALTER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais féliciter le rapporteur, non seulement pour son rapport, mais également pour sa détermination à inscrire ce point à l’ordre du jour.

Je ne suis pas un grand fan de football, je n’ai pas dû mettre les pieds dans un stade de foot depuis 10 ans. Personnellement, j’aime le rugby. Mais il n’y a que six pays, dans cet hémicycle, qui soutiennent le rugby: la France, l’Italie, l’Angleterre, l’Irlande, l’Ecosse et le pays de Galles. La Coupe du monde de rugby se déroulera au Royaume-Uni en septembre prochain, et 20 nations y participeront, y compris la Géorgie et la Roumanie. Dans mon pays, le football est considéré comme un sport de gentlemen joués par des hooligans, alors que c’est l’inverse pour le rugby. Mais je m’écarte du sujet.

Pourquoi les révélations contenues dans ce rapport sont-elles si importantes? Pourquoi en parler ici et aujourd’hui? La FIFA ne représente pas un sport minoritaire, puisqu’elle est composée de 209 associations nationales. Elle touche des milliards de personnes, fans de football, partout dans le monde. Nous pourrions même dire que la majorité de la population masculine mondiale – et beaucoup de femmes – suit les matches de la Coupe du monde.

Ce rapport parle de la gouvernance du football; cela concerne donc tous nos peuples. Or il s’agit surtout de corruption. Et personne ici ne ferme les yeux sur les actes de corruption qui sont commis dans nos Etats membres et nous avons un point de vue très affirmé sur ce que doit être la bonne gouvernance comme cet après-midi à propos de Monaco.

Ce que je vais dire peut ne pas plaire, mais les citoyens ont tendance à aimer plus le foot que la politique. Si nous voulons être en phase avec nos électeurs, nous devons nous y intéresser.

Je remercie The Sunday Times et le rapporteur pour avoir exposé les problèmes que connaît le football. Contrairement à ce que vient de dire notre amie et collègue de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, les preuves sont là: des déclarations, des courriers électroniques, des lettres – de remerciement – de ceux qui ont été éclaboussés par ce scandale. Et il ne faut d’ailleurs pas se limiter à l’attribution de la Coupe du monde de 2022, mais également à celle de 2018.

Je félicite le rapporteur qui défend les intérêts de milliards de supporters de football et vous demande de soutenir le rapport.

M. PANTZAS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je félicite le rapporteur pour son rapport. Il a le grand mérite de reconnaître la valeur sociale et éducative du sport et de souligner que la bonne gouvernance des organisations sportives est indispensable à la promotion du sport dans nos sociétés démocratiques.

Or la prise de décision au sein des organisations sportives a un caractère de secret et leur fonctionnement ne prévoit pas comment combattre les entorses au code d’éthique sportive. Il faut absolument combattre la corruption non seulement dans le sport, mais aussi dans les organisations sportives. Celles-ci doivent être administrées de manière claire et transparente grâce à des procédures internes stables facilitant la gestion de leurs ressources financières. Elles doivent également être contrôlées de façon sévère, afin d’éviter que chacun n’utilise ces ressources pour ses propres intérêts. D’une manière générale, il faut des mécanismes permettant d’éviter les infractions au code d’éthique sportive.

La FIFA ne semble pas capable de mettre un terme aux scandales de corruption. Sa Commission d’éthique a mené une enquête sur le choix de la Russie pour la Coupe du monde 2018 et du Qatar pour 2022. Ses résultats ne sont que partiellement publiés, mais il apparaît clairement que les pratiques douteuses font partie du système, voire qu’elles le constituent.

Amnesty International, l’Organisation internationale du travail, l’ambassadeur du Népal, d’autres organisations internationales de défense des droits de l’homme, des droits sociaux, du droit du travail dénoncent la manière dont les organisateurs réduisent en esclavage les travailleurs du Qatar. Ces derniers sont dépourvus d’identité, de droits, de toute possibilité de retour dans leur pays lorsqu’il s’agit d’immigrés. Quand l’injustice devient justice, quand l’illégalité fait loi, le Conseil de l’Europe doit pouvoir intervenir. Il faut lui confier une enquête indépendante et réfléchir à l’éventualité de transférer à un autre organisme l’organisation de la Coupe du monde si ses recommandations ne sont pas suivies.

M. PINTADO (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur Connarty, j’ai été surpris par votre intervention. Votre rapport est très dur; je n’en avais jamais lu d’aussi dur depuis trois ans que je siège ici. Vous parlez d’achats de votes, de corruption, de mafia au sein de la FIFA: ce sont des accusations graves. Si vous disposez de preuves, il aurait fallu les transmettre à la justice ordinaire.

Nous sommes ici pour défendre les valeurs démocratiques et pour faire aux organisations et aux pays des propositions positives. Mais votre manière de disqualifier un si grand nombre de personnes disqualifie aussi votre rapport. Je suis d’accord avec Mme Mateu Pi: ce rapport doit être renvoyé en commission.

Tout le monde sait que le football est un sport universel, doté d’une forte dimension sociale et médiatique. J’ai été joueur de football, et les pratiques dont on entend souvent parler à ce sujet me font honte. Elles ne relèvent d’ailleurs pas seulement d’organisations internationales mais aussi des organisations nationales. Je veux parler des truquages, du manque de transparence, des cas où les valeurs démocratiques et les droits de l’homme sont en jeu. Mais vous allez trop loin! Il existe des mesures positives que l’on pourrait proposer. Vous vous en êtes tenu à la dénonciation. En outre, vous avez semblé attaquer des personnes et des institutions précises, ce qui n’est pas acceptable.

Je suis également attristé par la façon dont vous parlez de ce qui se passe dans des pays qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe. Ils méritent tout de même un peu de respect. Dans nos relations avec eux, nous devons nous efforcer de les aider et leur faire des propositions positives afin de promouvoir les valeurs du sport et du football en particulier. C’est très important pour nos jeunes. Après tout, il s’agit également des valeurs de la démocratie, celles que nous défendons au sein du Conseil de l’Europe.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège), porte-parole du Groupe socialiste* – Ce rapport soulève trois importantes questions.

Premièrement, il demande qu’une nouvelle procédure d’attribution soit organisée en vue de la Coupe du monde 2022. La décision a été prise en décembre 2010. Les préparatifs sont très avancés. Une telle demande est-elle réaliste? Qui est prêt à payer les montants qu’il faudrait verser à titre de compensation?

Deuxièmement, le rapport souligne la nécessité d’améliorer la gouvernance et la transparence des processus décisionnels dans toutes les organisations sportives. Comme membre du conseil d’administration d’un club de football qui joue en première division en Norvège, je ne peux qu’être d’accord. Du reste, le processus qatari a déjà provoqué des changements dans la procédure appliquée par la FIFA: désormais, les procédures d’attribution des coupes du monde ne seront plus dirigées par le comité exécutif mais par le congrès.

Troisièmement, le rapport presse la FIFA d’inviter le Qatar à respecter les droits fondamentaux des travailleurs immigrés. Or nous pouvons faire beaucoup plus pour eux.

Ainsi, l’Association norvégienne de football reçoit de nombreuses questions de la part des ONG, des responsables politiques et d’autres partenaires qui se demandent ce qu’elle fait pour soulever le problème des droits des travailleurs au Qatar. Afin d’obtenir des réponses, elle a contacté les syndicats et la FIFA, et envoyé son secrétaire général au Qatar. Celui-ci a constaté que, pendant des décennies, les conditions de travail au Qatar ont été extrêmement dures; les entreprises norvégiennes sur place ne sont pas parvenues à les faire changer. D’autres compétitions sportives et coupes du monde ont été organisées dans ce pays. De nombreux stades, de nombreuses infrastructures ont été construits sans que l’on y prête attention. Dès que le Qatar a été désigné pour organiser la Coupe du monde de football, on s’est focalisé sur cet événement, et c’est seulement maintenant que l’on essaie d’en profiter pour changer les choses.

La FIFA a pris plusieurs initiatives vis-à-vis des autorités. Un ensemble de normes a été élaboré grâce à la consultation d’acteurs comme Amnesty International, Human Rights Watch, des syndicats internationaux et des agences des Nations Unies telles que l’Organisation internationale du travail. Des rapports établis en cours d’année portent sur les horaires de travail, la formation, les rémunérations, le logement, les transports, etc. Cela devrait avoir des conséquences sur les conditions de travail avant et après la Coupe du monde, dans l’intérêt des travailleurs immigrés au Qatar. Ce sera plus efficace à ce stade que de lancer une nouvelle procédure d’attribution.

Il faut également remarquer que la plupart des entreprises, au Qatar, sont européennes – allemandes, britanniques ou française. L’Association de football de la Norvège prévoit d’inviter des représentants du Parlement norvégien à une réunion avec la FIFA à Zurich. D’autres pourraient d’ailleurs s’inspirer de cette idée.

Je conclurai en citant Amnesty International en Norvège: la Coupe du monde est finalement la meilleure chose qui soit arrivée aux travailleurs immigrés au Qatar ces dernières décennies. Je suis heureuse de pouvoir affirmer que le changement est donc possible grâce à des pressions externes et internes au monde du football.

LE PRÉSIDENT - M. le rapporteur ne souhaite pas répondre tout de suite aux porte-parole des groupes.

Nous poursuivons la liste des orateurs.

M. SCHNEIDER (France) – Je félicite Michael Connarty, pour son rapport. Ce dernier est le fruit d’une enquête menée avec beaucoup de sérieux à laquelle tous les membres de la commission ont été associés. L’analyse est parfaitement étayée et toutes les propositions ont été longuement discutées et expliquées.

Pourquoi avons-nous choisi de centrer le rapport sur la gouvernance du football? Je dis «nous» car c’est un choix de notre commission. La réponse est que le football, c’est le sport par excellence vu sa diffusion de dimension planétaire: il touche des milliards de fans, ce qui représente des enjeux financiers, mais aussi politiques, colossaux.

Le rapport souligne sa relation étroite avec les valeurs du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, égalité, lutte contre toute forme de corruption. La proposition de résolution en fait d’ailleurs largement état.

Notre commission a encouragé le rapporteur dans sa démarche d’intégrer dans son travail l’analyse de l’épineuse question de la Coupe du monde au Qatar en 2022, non seulement en ce qui concerne la procédure au sein de la FIFA mais aussi, et surtout, pour ce qui est de la sauvegarde des droits de l’homme – en particulier, on l’a dit, en ce qui concerne les travailleurs migrants au Qatar. Nous avons entendu des témoignages accablants à cet égard.

Attention toutefois, chers collègues: ce rapport n’est pas un rapport à charge contre la FIFA. Rien dans le projet de résolution, ni dans l’exposé des motifs ne permet de l’affirmer. Bien au contraire, le rapporteur écrit que «la FIFA, le CIO, l’UEFA […] sont des atouts puissants, un moteur de changement». Je précise au passage, en réponse à une intervention précédente, que la sous-commission de l’éducation, de la jeunesse et du sport a rencontré à deux reprises M. Blatter et ses collaborateurs au siège de la FIFA à Zurich – certains d’entre nous, ici présents, y étaient.

C’est pourquoi nous encourageons vivement la FIFA à peser de tout son poids pour demander au Qatar de donner suite au rapport de l’OIT. Bien sûr, il faut que nos Etats montent en première ligne; mais ne soyons pas hypocrites au point de demander à la FIFA de faire ce que nous ne savons ou ne voulons pas faire.

La question se pose également de savoir si la procédure qui a amené à la décision d’attribuer la Coupe du monde de football 2022 au Qatar n’était pas viciée. Même au sein de la FIFA des voix se sont élevées en demandant plus de transparence ainsi que le renforcement des règles à respecter par les pays candidats. Nous ne faisons qu’écho à ces demandes légitimes. Avons-nous des preuves suffisantes pour soutenir que des manœuvres incorrectes ont eu lieu? La réponse est catégoriquement «oui».

La FIFA se sent attaquée au motif que nous estimons qu’elle doit réagir et qu’elle doit revoir le cas échéant ses procédures.

La vérité est que si la FIFA a réalisé de nombreux progrès ces dernières années, comme le rapport le reconnaît, il reste beaucoup à faire. M. Blatter lui-même a affirmé devant nous vouloir réformer le système. Aux dires de certains de ses proches, il serait même le seul à pouvoir le faire. Aussi, mes chers collègues, valorisons notre Assemblée: s’il était réélu, il pourrait nous remercier de l’avoir soutenu dans cette démarche en lui faisant toute une série de propositions concrètes. En effet, c’est toute notre expertise que nous avons mise gracieusement au service de la FIFA et de l’UEFA dans ce domaine.

Aussi, chers collègues, je vous invite à appuyer le travail de M. Connarty et de la commission de la culture. Ensemble nous nous battons pour la bonne cause.

LE PRÉSIDENT – M. Kandelaki, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme FIALA (Suisse) – L’article 27 du Règlement de l’Assemblée parlementaire permet que nous puissions, sans délai, ajouter un point à l’ordre du jour ou en retirer un. Nous ne devrions donc pas être agacés du fait que ce rapport sur la gouvernance du football présenté par M. Connarty, du Groupe socialiste, a été mis à l’ordre du jour de la présente séance de manière totalement inattendue lundi matin par 76 voix contre 34. Je rappelle cependant que le Bureau s’est exprimé très clairement contre cette idée à deux reprises, estimant qu’il ne revenait pas à notre Assemblée de vouloir influencer l’élection du président de la FIFA. Faire pression de cette manière, porter des accusations aussi graves que celles formulées posent en effet problème.

De nombreuses personnes se sont déjà demandé si le sport faisait partie du domaine de compétence du Conseil de l’Europe et si nous ne ferions pas mieux d’employer nos ressources à améliorer l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme et à lutter contre la corruption avant tout au sein de nos Etats membres.

S’il fallait absolument traiter du football au sein du Conseil de l’Europe, il me semble que notre interlocuteur privilégié devrait être l’UEFA et non l’organisation mondiale qu’est la FIFA. Je suis convaincue que la crédibilité de notre Assemblée serait atteinte si elle décidait de s’ingérer dans l’organisation de la FIFA qui, j’y insiste, ne relève pas de sa compétence. Je rappelle que le présent rapport va jusqu’à suggérer à l’Assemblée de dicter à la FIFA la manière dont elle doit renouveler ses instances dirigeantes!

En outre, je considère que le rapport n’est pas suffisamment documenté. Nous aurions donc dû avoir la possibilité de proposer des amendements en toute tranquillité et le fait qu’aucun n’ait été déposé montre bien que l’on a travaillé dans la précipitation et non pas que nous approuvons tous le rapport. Je regrette qu’on ait manqué l’occasion d’inviter le président en exercice de la FIFA afin de lui poser des questions; et, de fait, nous lui enlevons la possibilité d’apporter des précisions ainsi que d’éventuelles corrections. Cette attitude ne correspond certainement pas aux bonnes pratiques du dialogue tel que nous le défendons ici.

Pour toutes ces raisons, je rejetterai ce rapport et vous invite à faire de même, à moins que vous ne jugiez préférable de le renvoyer en commission.

Lady ECCLES (Royaume-Uni)* – Je me réjouis que nous discutions aujourd’hui de cet excellent rapport, préparé avec beaucoup de compétence par M. Connarty. Il faut veiller à protéger au mieux les droits de l’homme; nous voulons tout faire pour défendre l’Etat de droit et lutter contre la corruption. Ce sont là les principes auxquels nous croyons. Et voilà ce qui se passe lorsque nous demandons à la FIFA d’œuvrer dans ce sens! Certains d’entre nous pensent visiblement que ce n’est pas approprié.

Certains ont dit que le rapport n’était pas suffisamment étayé, que les sources n’avaient pas été vérifiées. Or le rapporteur a des preuves, comme il vient de nous le démontrer. Le problème est que la commission d’éthique de la FIFA, qui s’était vu offrir des informations par le Sunday Times, a estimé qu’elle avait effectué elle-même suffisamment de vérifications et qu’elle n’avait pas suffisamment d’éléments pour conclure que l’attribution de la Coupe du monde au Qatar ne s’était pas faite dans les règles. Or il existe des preuves démontrant que des paiements ont été effectués directement ou indirectement par M. Bin Hammam à un nombre extrêmement élevé de personnalités liées au football africain. Quelles autres preuves faut-il donc à la FIFA pour qu’elle décide que la procédure d’attribution ne s’est pas faite dans les règles? Cette question est certes importante, mais l’essentiel pour nous est d’essayer de sauver des centaines de vies au Qatar, de protéger la dignité de milliers de travailleurs migrants, là-bas comme dans d’autres pays.

Certains sont opposés à ce rapport, mais qu’ont-ils contre ses propositions? Nous reconnaissons les pouvoirs de la FIFA, du CIO et de l’UEFA et nous leur demandons leur aide et leur collaboration. J’ai été informée que l’UEFA et le CIO eux-mêmes envisageaient d’inclure le respect de normes en matière de droits de l’homme dans le cadre des candidatures, et cela avant même l’adoption de notre rapport. Si la FIFA pense qu’un trop grand nombre de pays seraient exclus si elle commençait à être plus stricte en matière de respect des droits de l’homme, c’est précisément pour cela qu’elle devrait travailler avec nous. Il est important que nos Etats membres continuent de mener cette bataille et ne s’en remettent pas seulement à la bonne volonté de la FIFA pour évoquer cette question. Selon moi, il faut nous y attaquer ensemble.

Le problème n’est pas d’ailleurs que la FIFA souhaite maintenir le statu quo, car nous savons qu’elle œuvre déjà pour faire évoluer les choses. La véritable pierre d’achoppement réside peut-être dans le fait que certains Etats membres savent que leurs entreprises risqueraient de perdre des millions si les conditions de travail au Qatar s’amélioraient.

Je suis donc déçue par ces réactions, mais je tiens à remercier M. Connarty pour cet excellent travail et je vous appelle tous à voter ce projet de résolution. En effet, nous sommes tous engagés dans la lutte pour les droits de l’homme et pour un sport sans corruption.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Comme je le disais lundi à un collègue, je ne pensais pas qu’un rapport pourrait déchaîner autant de passions. Ce n’est pas que le football soit le seul sport où l’on puisse exprimer sa passion sans aucune rationalité. Le problème est qu’il y a beaucoup d’enjeux de pouvoir dans le football, et voilà à quoi cela mène:

De quelle nationalité est le président de la FIFA? Tiens donc, la réponse est très intéressante!

La FIFA a un pouvoir énorme? Décidément, Monsieur Connarty, vous allez trop loin!

Les membres de la commission ont adopté ce rapport à l’unanimité et les personnes qui assurent le secrétariat de la commission ont beaucoup travaillé? Peu importe! Comment osez-vous donc mettre en question ce pouvoir, cet immense pouvoir économique et politique, le pouvoir du football?

Plusieurs porte-parole ont décrété que votre rapport ne leur plaisait pas? Ce ne serait plus la peine que les autres prennent la parole!

Aucun discours, jusqu’à présent, n’a réussi à modifier le vote des parlementaires? Eh bien, supprimons les commissions, voire les séances de l’Assemblée! Nous pourrions aussi faire tout par Facebook, voire par Twitter, en 140 caractères. Ce serait plus rapide!

Ce n’est pas là une affaire de gauche et de droite, de religion ou encore de pays. Ce qui est important, c’est un point clé, qui figure d’ailleurs dans l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme: tous les individus ont les mêmes droits, quelle que soit leur religion ou leur nation. Ce qui est important pour nous ici est de respecter le travail accompli par d’autres parlementaires, que ce soit le rapporteur, les membres de la commission, lesquels l’ont adopté à l’unanimité, ou encore le secrétariat. Moi, je fais confiance au personnel du Conseil de l’Europe: ce sont des gens très qualifiés. Cela ne m’empêche pas parfois de ne pas être d’accord. Dans ce cas, je le dis!

J’appelle donc à soutenir le rapport de M. Connarty, car c’est le résultat de deux ans de travail. Il était possible de présenter des amendements sur ce texte et, au final, il a été adopté à l’unanimité.

Encore une fois, c’est l’individu qui doit être au centre de tout lorsqu’il s’agit de droits. Dans ces conditions, je réclame la liberté individuelle au sein de ce temple des droits et je demande de soutenir avec enthousiasme le rapport de M. Connarty, que la commission a adopté à l’unanimité; il le mérite. Merci, Monsieur Connarty, d’avoir osé nous présenter ce rapport.

M. CRUCHTEN (Luxembourg) – Vous comprendrez qu’en tant que Luxembourgeois, je me sente un peu gêné de parler football après les orateurs de ces grandes nations du football que sont la France, l’Espagne et l’Angleterre. Néanmoins, notre équipe nationale ne doit pas être sous-estimée – les collègues suisses et italiens pourront le confirmer!

Le football et le sport en général occupent une place importante dans la vie de nombreux citoyens. Ce sont surtout les grands événements sportifs, telle la Coupe du monde de football, qui attirent l’attention des masses et suscitent des convoitises du côté des pays, notamment auprès des dirigeants politiques.

Le sport devient ainsi un outil politique populaire et, outre les retombées économiques, les dirigeants politiques des pays organisateurs d’événements de dimension mondiale en espèrent également des effets politiques. «Ne mélangeons pas sport, politique et droits de l’homme!», s’écrient tous ceux qui voient d’un mauvais œil toute intervention politique en faveur du respect des droits de l’homme. Or une telle dissociation est illusoire. Le sport – surtout à travers les compétitions de haut niveau – est toujours porteur de messages. Ignorer les conditions politiques et humaines qui entourent ces événements sportifs n’est pas un acte de neutralité politique; c’est un acte d’indifférence, qui entache les valeurs communément associées au sport, à savoir le respect, le fair-play, le refus de la tricherie et de la commercialisation à outrance.

Un pays, une ville qui accueille un événement sportif important et les personnalités politiques qui veulent profiter du prestige associé à cet événement devraient s’en montrer dignes. Les grandes organisations et fédérations internationales du monde sportif sont bien conscientes des enjeux qui accompagnent la désignation d’un pays pour la tenue d’une coupe du monde ou de jeux olympiques.

Pour cette raison, ces décisions doivent être prises en toute transparence et elles doivent être au-dessus de tout soupçon de corruption.

Malheureusement, la désignation du Qatar pour la tenue de la Coupe du monde de football en 2022 ne remplit pas ces critères. Il existe à ce jour toujours des doutes quant à la régularité du processus de décision interne de la FIFA. Des documents publiés notamment dans The Sunday Times nourrissent le doute : la décision serait entachée d’irrégularité, il y aurait même eu corruption.

Heureusement, nous voyons également, au sein de l’UEFA, par exemple, des personnalités intègres et de nombreuses fédérations nationales qui s’opposent à ces pratiques. Nous devons les soutenir dans leurs efforts pour combattre la corruption et également œuvrer pour plus de transparence.

Plus important encore, et cela nous implique encore d’avantage en tant que Conseil de l’Europe, est le fait que ce rapport pointe du doigt les conditions inhumaines infligées aux travailleurs engagés sur les sites de construction au Qatar. Ces esclaves modernes, pour la grande majorité des travailleurs immigrés, subissent un traitement inhumain, sont mal payés et vivent dans des camps surpeuplés et malsains. Le rapport parle pertinemment d’une atteinte à la dignité humaine et aux droits fondamentaux de ces quelque 1,4 million de travailleurs.

La FIFA est puissante et peut, si elle le veut, exercer une grande influence sur les pays qui veulent accueillir les compétitions. Elle doit faire usage de cette influence, de sa force, et demander avec fermeté au Qatar de respecter la dignité humaine des travailleurs engagés sur ses sites.

Je ne vois pas dans ce rapport une critique, mais plutôt un encouragement à nos fédérations nationales et à l’UEFA de continuer à œuvrer pour plus de transparence dans les mécanismes de décision. En tant qu’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous devons rappeler aux fédérations du sport international qu’elles aussi ont des obligations par rapport aux droits de l’homme.

C’est la raison pour laquelle j’appelle à soutenir ce rapport et le rapporteur ainsi que la recommandation à la FIFA d’ouvrir une nouvelle procédure pour l’attribution de la Coupe du monde de 2022.

M. ARIEV (Ukraine)* – Chers collègues, ces dernières années, le football, ce sport qui réunit des millions de personnes, n’a trop souvent bénéficié qu’à quelques centaines. La corruption, le trucage de matchs sont des sujets dont il est débattu régulièrement. Cela donne lieu à des inculpations et des sanctions sont imposées. Puis, nous sommes à nouveau les témoins de nouveaux scandales.

Reinhard Rauball, le président de la ligue de football allemande et du club de football Borussia Dortmund, a déclaré qu’il se pourrait que l’UEFA quitte la FIFA si les enquêtes révélaient des faits de corruption lors de l’attribution de la Coupe du monde à la Russie en 2018 et au Qatar en 2022. Diego Maradona a accusé la FIFA de corruption également. Mais nous n’avons toujours pas les réponses puisque le rapport d’enquête de Michael Garcia demeure confidentiel.

La question reste en suspens. Comment organiser une manifestation internationale de cette ampleur dans un pays où l’Etat de droit n’existe pas, qui ignore les règles et le droit internationaux. La Russie est un de ces Etats et s’est illustrée en tant que tel à plusieurs reprises ces dix-huit derniers mois.

La Coupe du monde en Russie est un défi majeur pour tous les participants. Le vice-président de la FIFA, Jeffrey Webb, a souligné le risque de racisme et s’est interrogé sur l’opportunité d’organiser un championnat dans ce pays. Je pourrais aussi évoquer la xénophobie qui règne en Russie où plusieurs cas d’attaques brutales sur des personnes asiatiques se sont produits. Le territoire russe est maintenant dangereux pour les Ukrainiens. Notre concitoyen, Roman Muzychenko, a été brutalement assassiné il y a deux mois dans la région de Moscou, tout simplement parce qu’il parlait ukrainien.

Nous assistons à l’émergence d’un climat extrêmement préoccupant en Russie et je pense que personne ne souhaite que la Coupe du monde de 2018 puisse se comparer à la Coupe du monde de 1934 dans l’Italie de Mussolini. Je vous rappelle que le premier match à Rome s’était déroulé dans un stade ayant pour nom Stadio Nazionale del Partido Nazionale Fascista, stade du parti national fasciste. Bien sûr, les stades russes portent d’autres noms, mais c’est néanmoins une source de préoccupation que de voir l’esprit des années 1930 ravivé par le gouvernement actuel.

Etant donné la haine dirigée contre l’Occident et l’hystérie que l’on voit tous les jours à la télévision russe, qui pourra garantir la sécurité des supporters et des équipes, sachant que ce ne sera pas la police puisque celle-ci n’a même pas vu le meurtrier de Boris Nemtsov qui a été abattu à quelques mètres du Kremlin dans une zone hyper sécurisée.

La FIFA doit prendre une décision extrêmement grave. Elle doit absolument faire preuve d’honnêteté.

D’ailleurs, nous-mêmes aussi devons faire preuve d’honnêteté. Dans le projet de résolution, au paragraphe 13.1, nous demandons une nouvelle procédure d’attribution de la Coupe du monde pour 2022, mais pas pour 2018. Pourquoi? Là aussi, il y aurait des choses à dire. Un amendement oral, appuyé par la commission et le rapporteur, sera présenté sur le sujet.

Mes chers collègues, nous aimons tous le football et nous voulons que ce sport soit un véritable sport. J’espère que ce soir, nous regarderons le match qui opposera la Fiorentina à une équipe proche de ma ville, le Dynamo de Kiev. Tout ce que je souhaite, c’est d’assister à un véritable football, compétitif, sans corruption et sans manigances douteuses.

M. HONCHARENKO (Ukraine) – Je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur pour le travail qu’il a accompli et pour le rapport qu’il nous a présenté.

Au sein de cette Organisation, nous défendons toujours les valeurs de base, que sont les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit. La corruption est nuisible à ces concepts. Malheureusement, au cours de ces dernières années, des scandales de corruption ont accompagné les grands événements sportifs.

Nous nous souvenons tous que les décisions de la FIFA sur les coupes du monde de 2018 et 2022 sont entachés par des soupçons et des accusations directes de corruption. Il est étonnant que, malgré les signes évidents de corruption concernant la Coupe du monde 2018, la Russie ait curieusement disparu de notre projet de résolution.

Mais cette affaire comporte un autre aspect. De mon point de vue, une coupe du monde de football doit être la fête de la paix et de l’unité des peuples de différents pays. Pourtant, la Russie d’aujourd’hui est à l’origine des agressions qui ont déclenché la guerre en Europe. Le régime de Poutine, comme tous les régimes totalitaires, aime les événements grandioses et somptueux comme les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi. Ils furent, je vous le rappelle, suivis, quelques semaines après, par l’annexion illégale de la Crimée.

Je crois que la Coupe du monde de 2018 a été achetée par Poutine. C’est une honte! Je considère que la Russie doit être privée de son droit d’organiser la Coupe du monde de football de 2018!

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur Connarty, vous disposez de quatre minutes.

M. CONNARTY (Royaume-Uni), rapporteur* – Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce débat équilibré. Il ne permet pas de dissiper tous les malentendus, mais il a été néanmoins très intéressant.

J’aimerais tout d’abord dire à notre collègue qui a proposé un renvoi en commission que, si elle s’était penchée sur les rapports précédents et posé la question de savoir pourquoi ce rapport avait été décidé, elle verrait que Mme Brasseur, qui était alors présidente du Groupe ADLE, avait dit que bien des éléments ne figuraient dans le rapport spécial et devraient être repris. J’étais membre de la commission à l’époque ainsi que M. Gross et M. Schneider, qui peuvent en témoigner.

Il fallait organiser des auditions. D’ailleurs, si vous lisez l’exposé des motifs, vous constaterez que nous nous sommes rendus à la FIFA. Nous sommes allés à la montagne puisque la montagne ne venait pas jusqu’à nous! Nous avons été aussi à l’UEFA et à l’Association européenne des clubs, et nous leur avons posé de nombreuses questions.

Lors de la réunion des ministres des sports européens, j’ai discuté avec un collègue écossais qui travaille au sein de la commission anti-dopage du CIO et nous avons évoqué le cas des pays qui ne présentent pas une situation satisfaisante en matière de respect des droits humains.

Quant à la «mafia FIFA», n’oublions pas que c’est un journaliste frustré mais bien informé qui en a parlé pour la première fois dans son livre. Je ne suis pas l’auteur de cette expression!

Les problèmes sont les mêmes pour tous. La situation au Qatar est abominable et j’ai beaucoup apprécié le discours de notre collègue norvégienne. Je suis préoccupé d’entendre dire que tout est pour le mieux dans ce pays et que l’attribution des grandes manifestations sportives ne doit pas tenir compte, en amont, de la situation des pays envisagés. Je pense tout le contraire.

J’ai des preuves de corruption et de versement de pots-de-vin. Je ne lance pas des accusations en l’air! La FIFA est basée en Suisse. Ce pays accueille donc sur son territoire une organisation qui autorise ce type de pratique. Si nous voulons faire respecter les principes de notre Organisation, alors commençons par nos propres pays. Si la FIFA était basée au Royaume-Uni, nous devrions agir également pour mettre fin à ces méthodes plutôt que de nier notre responsabilité. Chacun a une responsabilité, bien entendu! L’Onu est basée aux Etats-Unis: les Américains ne peuvent évidemment pas se défausser sur les autres pays et tourner le dos à leurs responsabilités.

Refuser de voir la réalité de la situation au Qatar serait totalement irresponsable. Nous ne pouvons ignorer quelles ont été les pratiques de M. Bin Hammam, qui a acheté le vote des représentants de la Confédération africaine du football au sein du comité exécutif de la FIFA.

M. Ariev a dénoncé l’agression dont son pays a été victime de la part d’un autre pays. A-t-il été écouté? Non, et nous devons en tirer une leçon. Je demande donc à l’Assemblée de bien vouloir appuyer ce rapport afin que ses recommandations soient mises en œuvre et utilisées par les associations sportives.

Mme GAMBARO (Italie), présidente de la commission de la culture* – Je voudrais simplement souligner que la commission s’est exprimée sur ce rapport au mois de janvier et qu’elle l’a soutenu à l’unanimité.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

Mme Mateu Pi demande le renvoi du rapport en commission.

S’agissant d’une motion de procédure, seuls peuvent être entendus l’auteur de la motion, un orateur contre et le rapporteur ou le président de la commission intéressée.

Madame Mateu Pi s’est déjà exprimée.

Quelqu’un demande-t-il la parole contre cette motion?

M. CONNARTY (Royaume-Uni), rapporteur* – Pour une raison qui m’échappe, la délégation suisse a cherché à influencer certains des groupes politiques de l’Assemblée afin de renvoyer ce rapport en commission. Je ne comprends pas! De tous les pays membres du Conseil de l’Europe, je pensais que la Suisse, attachée aux grands principes de notre Organisation, serait l’un de ceux qui soutiendraient le plus fermement les mesures proposées par le rapport! Nous en avons d’ailleurs débattu. Je suis opposé à ce renvoi.

LE PRÉSIDENT* – Quel est l’avis de la commission?

Mme GAMBARO (Italie), présidente de la commission de la culture* – La commission n’a pas eu le temps de réfléchir à cette motion. Toutefois, ayant voté à l’unanimité le rapport de M. Connarty, elle s’oppose à son renvoi en commission.

LE PRÉSIDENT* – L’Assemblée va maintenant se prononcer, à la majorité simple, sur la proposition de renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.

LE PRÉSIDENT* – Nous continuons l’examen du rapport.

La commission de la culture a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

La présidence a été saisie par M. Ariev de l’amendement oral suivant:

«Dans le projet de résolution, dans le paragraphe 13.1, après les mots ‟Coupe du mondeˮ insérer les mots ‟2018 etˮ.»

J’estime que cet amendement oral n’est pas recevable au regard des critères de l’article 34.7.a du Règlement puisqu’il n’est pas destiné à apporter une clarification, à tenir compte de faits nouveaux ou à permettre une conciliation. Il ne sera donc pas débattu.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13738.

Le projet de résolution est adopté (30 voix pour, 9 voix contre et 9 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Félicitations au rapporteur!

6. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 30.

SOMMAIRE

1. Modification dans la composition des commissions

2. Rapport annuel d’activité 2014 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme

Questions : MM. Franken, Nicoletti, Mme Mateu Pi, Lord Balfe, Mme Katrivanou, MM. Le Borgn’, Ariev, Mme Taktakishvili, MM. Schwabe, Nikoloski, Korodi, Mme Kasimati, M. Ghiletchi, Mme Blondin, MM. Logvynskyi, Honcharenko, Mme Karamanli, M. Kvatchantiradze, Mme Magradze, M. Jónasson.

3. Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international

Présentation par M. Díaz Tejera du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13731)

Orateurs: MM. Schennach, Garðarsson, Lord Balfe, Mme Werner, MM. Voruz, Le Déaut, Cruchten, Downe, Rivard

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

4. Dialogue postsuivi avec Monaco

Présentation par M. Xuclà du rapport de la commission de suivi (Doc. 13739)

Orateurs: MM. Le Borgn’, Pasquier, Walter, Agramunt, Mota Amaral, Allavena, Mme Fresko-Rolfo

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission de suivi

Vote sur un projet de résolution

5. La réforme de la gouvernance du football

Présentation par M. Connarty du rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (Doc. 13738)

Orateurs: Mme Mateu Pi, MM. Walter, Pantzas, Pintado, Mme Christoffersen, M. Schneider, Mme Fiala, Lady Eccles, MM. Diaz Tejera, Cruchten, Ariev, Honcharenko

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission de la culture

Vote sur une demande de renvoi en commission

Vote sur un projet de résolution

6. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU*

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Ben-Oni ARDELEAN*

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS/ Eirini Kasimati

David BAKRADZE/Chiora Taktakishvili

Gérard BAPT*

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON*

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR/Mónika Bartos

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO*

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC*

Sir Roger GALE/Lord Richard Balfe

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/André Reichardt

Andreas GROSS*

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON/Rait Maruste

Alfred HEER*

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH*

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV/Sevinj Fataliyeva

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS/Dalia Kuodytė

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Hans Fredrik Grøvan

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON/Boriana Åberg

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI/Eka Beselia

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN*

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR*

Attila KORODI

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX*

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA*

Zviad KVATCHANTIRADZE

Athina KYRIAKIDOU*

Serhiy LABAZIUK*

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE*

George LOUKAIDES*

Yuliya L’OVOCHKINA

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ*

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO*

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON*

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL*

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN/Armen Rustamyan

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH/Jenő Manninger

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Eva-Lena Jansson

Joseph O’REILLY*

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS*

Ganira PASHAYEVA/Fazil Mustafa

Florin Costin PÂSLARU*

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/André Schneider

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET*

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI*

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER*

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ*

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK*

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI/Andrzej Jaworski

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI/Georgios Pantzas

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN*

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Vladyslav Golub

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ/Pavel Holík

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

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Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Percy DOWNE

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Michel RIVARD

David TILSON

Partenaires pour la démocratie

Bernard SABELLA