FR15CR21

AS (2015) CR 21

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt et unième séance

Mardi 23 juin 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 9 h 55 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme
et Election du (de la) Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle l’élection, au scrutin secret, de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Arménie, de la Lettonie, du Luxembourg et de Monaco, ainsi que l’élection du (de la) Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe.

Pour les deux scrutins, le vote aura lieu dans la rotonde située derrière la Présidence.

Les scrutins seront clos à 13 heures. Ils reprendront cet après-midi à 15 h 30 et seront clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de deux scrutateurs, pour chacune des élections, que nous allons désigner par tirage au sort:

Pour l’élection de juges à la Cour européenne: Mme Durrieu et M. Matušić.

Pour l’élection du (de la) Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe, nous avons également besoin de deux scrutateurs. Le sort a désigné Mme Fresko-Rolfo et M. Karlsson.

Je rappelle aux quatre scrutateurs ainsi désignés qu’ils doivent se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Les résultats des scrutins seront annoncés si possible avant la levée de la séance de cet après-midi et, si besoin est, un second tour pour l’élection des juges sera organisé demain matin.

Pour chaque élection, je déclare le scrutin ouvert.

Entre-temps, nous poursuivons nos travaux.

2. Discours de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle le discours de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies.

Monsieur le Secrétaire général, je vous souhaite une très chaleureuse bienvenue au sein de cette assemblée paneuropéenne qui rassemble les représentants élus de 47 nations européennes.

C’est un privilège, un immense privilège pour chacun d’entre nous de vous recevoir ici aujourd’hui. C’est avec un plaisir tout particulier que je vous accueille ici, à Strasbourg, après avoir eu la chance de vous rencontrer à New York voici un an.

Cette année, alors que nous célébrons le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous célébrons aussi le 70e anniversaire des Nations Unies. Cet anniversaire est d’une importance cruciale pour le Conseil de l’Europe qui partage les objectifs politiques des Nations Unies, la consolidation de la paix, la promotion de la justice internationale et le développement de la coopération en s’appuyant sur les valeurs fondamentales qui unissent nos sociétés: les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie.

Aujourd’hui, ces valeurs sont contestées de bien des façons, notamment par l’émergence de nouvelles menaces qui visent la paix internationale, la sécurité et le développement. L’intolérance, la discrimination, la haine, l’extrémisme violent et le terrorisme progressent et c’est ensemble que nous devons les combattre.

L’espace où prévalent les droits et libertés fondamentaux se réduisent comme peau de chagrin alors que les poussées autoritaires menacent les processus démocratiques politiques.

Lorsque Sa Sainteté le pape François a pris la parole ici même en novembre dernier, il a évoqué la tragédie de l’immigration en renvoyant à la mondialisation de l’indifférence. Malheureusement, depuis, la situation s’est encore aggravée et nous sommes en train de passer de la mondialisation de l’indifférence à la mondialisation du rejet. Il est de notre devoir de stopper net cette évolution.

Le drame que connaissent les réfugiés et les phénomènes de migration exigent un plus grand partage des responsabilités et un grand mouvement de solidarité. Nous devons trouver une solution de portée mondiale à ce problème d’envergure mondiale et les Nations Unies doivent prendre la tête de cet effort. Vous êtes à notre tête, vous avez besoin de notre appui, mais l’Europe doit également assumer sa responsabilité.

Une nouvelle forme d’agenda du développement durable est nécessaire, notamment pour mettre un terme à la pauvreté, pour réduire les inégalités et promouvoir une croissance économique pérenne qui soit inclusive, pour lutter contre le réchauffement climatique, pour construire des sociétés pacifiques où règne le sentiment d’inclusion, pour s’assurer que chacun est tenu de rendre des comptes, pour garantir le plein respect de la primauté du droit et pour permettre l’accès à la justice de tous.

Depuis votre élection au poste de Secrétaire général en 2007, vous avez consacré beaucoup de temps et déployé de multiples efforts pour que les Nations Unies interviennent dans ces domaines comme dans de nombreux autres.

Votre doigté diplomatique au moment de construire la paix et de prévenir les conflits, associé à votre engagement en vue de l’action humanitaire, mérite notre plus grande reconnaissance. Vous n’avez pas hésité à prendre la parole sur des questions de défense des droits de l’homme, vous prononçant audacieusement pour soutenir les valeurs que nous partageons tous.

Vous avez pris la tête d’un mouvement de réforme des Nations Unies. Alors que celles-ci traversaient un moment historique difficile, vous avez voulu faire de cette Organisation une organisation capable de réactions plus adaptées aux nouveaux défis qui surgissent.

C’est avec un grand intérêt que nous allons donc vous écouter, et j’espère que notre échange de vues nous aidera à mieux comprendre comment unir nos forces et déployer ensemble des efforts qui nous permettront de surmonter ces défis multiples auxquels nous sommes confrontés.

Soyez-en sûr, Monsieur le Secrétaire général, le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire sont impatients d’être des partenaires inconditionnels de l’action des Nations Unies. Vous pouvez compter sur notre plein soutien.

Monsieur le Secrétaire général, j’ai le plaisir et l’honneur de vous donner la parole.

M. BAN Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies – Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Son Excellence Mme Anne Brasseur, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Son Excellence M. Thorbjørn Jagland, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs, il y a près d’un demi-siècle, U Thant, alors Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a pris la parole devant cette Assemblée et fait une prédiction: le Conseil de l’Europe allait montrer que l’Europe, appelée autrefois l’ancien monde, pouvait jouer un rôle moteur dans le nouveau monde.

Aujourd’hui, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est un des mécanismes régionaux de défense des droits de l’homme les plus efficaces du monde.

Je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous, à un moment où des crises nouvelles se déclenchent tandis que d’autres ne sont toujours pas réglées. En Syrie, en Irak, au Yémen, au Soudan du Sud et ailleurs, les souffrances sont immenses. L’Onu fait tout ce qu’elle peut pour sauver des vies et aider à faire revenir la paix partout où c’est possible.

Elle insiste aussi pour que le principe de responsabilité soit observé. Les crimes qui choquent notre conscience ne sauraient rester impunis.

Aujourd’hui, je vous demande de prendre part à une action mondiale portant sur quatre questions liées entre elles.

Premièrement, les restrictions imposées à la société civile.

Deuxièmement, les migrations.

Troisièmement, la montée de l’extrémisme violent.

Et quatrièmement, la nécessité de créer d’urgence les conditions d’un avenir placé sous le signe de la viabilité.

L’action ne peut aboutir sur chaque front que si les droits de l’homme sont respectés sur tous les fronts. Comme l’a dit le Secrétaire Général, M. Jagland, le Conseil de l’Europe s’inscrit dans la droite ligne de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Je vous exhorte à œuvrer dans ce sens en renforçant votre partenariat avec l’Onu.

(Poursuivant en anglais) Les jeunes démocraties de l’Europe plongent leurs racines dans la société civile – dans le mouvement Solidarność en Pologne, dans le mouvement écologique en Bulgarie, dans la révolution que l’on a parfois appelé la «révolution chantante» dans les Etats baltes et dans bien d’autres mouvements du même genre.

À l’échelle mondiale, la démocratie gagne du terrain. Cependant, dans certains pays du monde, le mouvement s’est inversé. On constate en effet l’érosion des institutions démocratiques. Nous voyons l’indépendance du pouvoir judiciaire et la liberté de la presse menacés. Nous voyons la place de la société civile diminuer, lorsqu’elle ne disparaît pas complètement. Nous devons élever la voix contre tous ceux qui bloquent l’action des associations, des organisations non gouvernementales et des défenseurs des droits de l’homme. Plus de 50 pays, y compris des pays européens, ont adopté près de 100 lois différentes qui limitent le fonctionnement et le financement des organisations non gouvernementales. J’exhorte le Conseil de l’Europe à joindre ses efforts aux miens et à lancer un appel pour qu’il soit mis un terme à cette limitation des libertés fondamentales.

Les mouvements de la société civile, les médias indépendants et les défenseurs des droits de l’homme jouent un rôle absolument essentiel pour combattre ce qui constitue l’une des menaces les plus graves de notre temps, à savoir la montée de l’extrémisme violent. Les Nations Unies mobilisent aujourd’hui un large éventail de pays et de partenaires pour combattre ce fléau. À cet égard, j’estime que les dirigeants religieux jouent un rôle essentiel, et j’ai récemment organisé une réunion des Nations Unies qui a débouché sur la création d’une plateforme contre l’intolérance. Les crimes qui sont commis au nom de la religion sont des crimes contre les religions elles-mêmes.

Les menaces que représentent Daech, Al-Chebab, Boko Haram, Al-Qaïda et d’autres groupes terroristes peuvent exiger des mesures de sécurité, voire une action militaire. Cependant, lorsque la lutte antiterroriste enfreint les droits de l’homme, les pays perdent leur bon droit sur le plan moral et cela réjouit les terroristes, car on leur offre ainsi, en quelque sorte, l’un de leurs meilleurs outils de recrutement. Bien souvent, les femmes sont la première cible, de même que les jeunes et même les enfants, qui sont recrutés comme combattants. Certains jeunes gens peuvent être vulnérables face à la radicalisation, mais la jeunesse est aussi un élément essentiel de notre réponse: si on les encadre, si on les soutient, les jeunes peuvent être une force de résistance au terrorisme; ils peuvent résister à l’appel du radicalisme violent. Nous sommes aux côtés de l’Europe dans sa lutte contre la montée de l’antisémitisme, les attaques et les discriminations antisémites et antimusulmans.

Votre continent doit défendre l’égalité, l’égalité des chances et les libertés démocratiques, surtout pour les minorités religieuses et ethniques, y compris les Roms. Au mois de novembre, je lancerai un plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent que je présenterai à l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce plan permettra de renforcer l’unité internationale autour des principes que nous partageons et que l’extrémisme violent cherche à saper.

Je me félicite des efforts entrepris par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour combattre sur ce front, y compris celui de la radicalisation conduisant au terrorisme. Je félicite le Conseil de l’Europe d’avoir adopté une déclaration politique, un plan d’action ainsi que le Protocole additionnel à la Convention pour la prévention du terrorisme. Je me félicite aussi de la création de l’Alliance parlementaire contre la haine, adoptée par votre Assemblée.

La pauvreté, la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l’homme alimentent les conflits et provoquent le déplacement de millions de personnes. Nombreux sont ceux qui risquent leur vie pour trouver un havre plus sûr. Je suis alarmé par le sort des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, en particulier en Méditerranée, dans la mer d’Andaman ainsi que dans le golfe du Bengale.

Je lance un appel pour que vous plaidiez en faveur de la protection et du respect des droits des personnes contraintes de fuir un conflit, les persécutions, la misère ou le manque de possibilités d’avoir accès à un travail digne de ce nom. Nous avons une responsabilité conjointe d’agir avant que davantage encore de personnes ne perdent la vie. C’est la raison pour laquelle l’Europe doit mettre en place des canaux sûrs et réguliers permettant la migration et la mobilité. Je comprends parfaitement les difficultés que cela suppose. Je les ai vues de mes propres yeux. Je me félicite de l’élargissement des opérations de recherche et de sauvetage qui sont menées en Méditerranée. J’ai pu constater également la valeur des moyens légaux comme les possibilités de réinstallation, de réunification familiale, ou encore les visas de travail et d’études. Le mois dernier, j’étais en Irlande. J’y ai rencontré des réfugiés réinstallés. J’ai pu évoquer avec eux ma propre histoire, car j’ai moi-même dû fuir mon foyer pendant la guerre de Corée, dans les années cinquante. J’ai dit à ces personnes: «Le monde est à vos côtés, les Nations Unies sont à vos côtés.»

Je compte sur l’Europe pour jouer un rôle moteur dans la solidarité globale. Je compte sur le Conseil de l’Europe et j’en appelle à lui pour aider ceux qui tournent leur regard vers l’Europe pour lui demander une protection contre la tyrannie, l’anarchie, l’absence de lois et les privations. Nous devons rejeter la rhétorique anti-migrants. Nous devons reconnaître les contributions positives qu’apportent les migrants à nos sociétés. À l’échelle du monde entier, l’année dernière, près de 60 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer. C’est un chiffre sans précédent, qui exige une réponse elle aussi sans précédent. D’autres régions qui comptent beaucoup plus de réfugiés ont elles aussi les yeux tournés vers votre continent. Les Nations Unies continueront à travailler avec vous pour défendre les droits des migrants, pour défendre les valeurs européennes et pour promouvoir une plus grande sécurité pour tous.

Plus de un million de citoyens européens vivent dans une situation de flou juridique, dans des territoires dont le statut est contesté et sur lesquels les autorités gouvernementales n’ont pas d’emprise réelle. Les Etats ont l’obligation de protéger les droits humains de chacun, de même que les autorités de fait dans tel ou tel territoire.

En Ukraine, plus de 6 000 personnes ont perdu la vie en à peine plus d’un an. De graves violations des droits de l’homme continuent à se produire, en particulier dans l’est de l’Ukraine. À l’échelle du pays dans son ensemble, les droits de l’homme de millions de personnes sont menacés. Je lance donc un nouvel appel à chacun pour que tous les efforts nécessaires soient faits afin de faire pression sur les parties pour qu’elles appliquent pleinement les Accords de Minsk et qu’elles parviennent à un règlement politique.

Tout règlement pacifique doit être fondé sur la protection des droits de l’homme, le principe de responsabilité et la justice pour les victimes, le tout dans une Ukraine souveraine, indépendante et unifiée. C’est absolument indispensable si l’on veut établir une paix durable. Il faut également que davantage de progrès soient accomplis sur le plan des réformes internes. Il faut redoubler d’efforts pour combattre la corruption et les abus qui ont été commis dans le passé.

Je remercie le Conseil de l’Europe d’avoir joint ses efforts à ceux du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme afin de soutenir l’Ukraine dans la préparation de sa stratégie nationale en matière de droits de l’homme. La prochaine étape cruciale sera la préparation d’un plan d’action sur les droits de l’homme.

(Reprenant en français) Mesdames et messieurs, ce sont les droits de l’homme et le principe de dignité humaine qui sous-tendent notre action en faveur du développement durable.

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement ont changé des centaines de millions de vies. À présent, nous mettons la dernière main à une série d’objectifs de développement durable devant permettre d’éliminer la pauvreté, d’accroître la prospérité et de protéger la planète dans l’intérêt des générations futures.

L’objet du Sommet extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui se tiendra à New-York en septembre, sera de susciter des changements profonds.

Je remercie les pays européens de défendre cette cause aux plus hauts niveaux, y compris dans le cadre de la Conférence sur le financement du développement qui se tiendra le mois prochain à Addis-Abeba.

Un autre de nos objectifs est de parvenir à un nouvel accord sur le changement climatique, ici en France, en décembre de cette année.

Nous devons trouver une voie politiquement crédible pour parvenir à mobiliser 100 milliards de dollars chaque année d’ici à 2020. Les progrès du Fonds vert pour le climat sont de bon augure.

Les gouvernements doivent mettre en place des politiques, des règlements et des mesures d’incitation pour encourager le secteur privé à contribuer à la réduction des émissions de carbone.

Pour que Paris soit un succès, il faudra que soit élaboré un dispositif global de financement du développement qui favorise l’adoption, au niveau mondial, de pratiques économiques compatibles avec le maintien de la hausse de la température planétaire en deçà de 2° C.

(Reprenant en anglais) Les parlementaires ont un pouvoir bien réel d’améliorer la situation dans leurs pays et dans le monde. Vous êtes la preuve vivante de la valeur de la démocratie. Votre tâche consiste à protéger et préserver les droits de l’homme. Ici, à Strasbourg, votre mission s’inscrit dans le cadre plus vaste de la Grande Europe. Je compte sur vous pour vous faire les porte-parole de cet esprit dans vos pays respectifs, pour défendre les idéaux que nous partageons, et pour contribuer à façonner notre avenir commun.

Mesdames et Messieurs, œuvrons ensemble pour rendre notre monde meilleur, pour obtenir la justice pour tous et préserver la dignité de l’être humain.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Secrétaire général, je vous remercie de cet appel très clair. Nous vous avons bien entendu: les parlementaires sont dotés de vrais pouvoirs.

Je lance à mon tour un appel à mes collègues. Insistez sur ce pouvoir dans vos parlements nationaux, pour que nos collègues comprennent que nous sommes un des éléments de la solution, que nous devons partager ces valeurs qui nous réunissent ici et faire nôtres les valeurs des Nations Unies. Nous avons besoin de parler haut et fort au sein de nos parlements nationaux. Vous êtes les ambassadeurs à l’échelon national du message de M. le Secrétaire général des Nations Unies.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.

Je leur rappelle que les questions doivent avoir un caractère interrogatif et ne peuvent dépasser 30 secondes.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme DURRIEU (France), porte-parole du Groupe socialiste – Nous sommes tous alarmés par des mouvements massifs et dramatiques de migration. Les causes sont diverses: famine, pauvreté, dérèglement climatique et guerres. La communauté internationale réagit toujours dans l’urgence et de façon incertaine.

Monsieur le Secrétaire général, quel rôle incomberait aux Nations Unies pour prévenir et écarter les menaces, pour faire évoluer le droit humanitaire, et surtout pour mettre en œuvre une coopération internationale organisée, rapide et efficace?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – Je vous remercie pour cette question ô combien pertinente. J’ai appelé instamment l’Union européenne et tous les pays concernés par ces phénomènes de migration à se pencher sur les causes profondes de ce phénomène. Pourquoi tant de personnes risquent-elles leurs vies, en partant sur les hautes mers, sachant bien qu’elles peuvent mourir? Ces personnes fuient la guerre, fuient les persécutions, le chômage et l’absence d’horizon. Qu’elles restent chez elles ou qu’elles s’engagent dans ce périple en haute mer, c’est finalement un peu la même chose. Mais elles savent qu’en partant sur les hautes mers, elles peuvent trouver de nouvelles chances pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Elles risquent alors leur vie.

C’est une gageure pour les pays de l’Union européenne, mais vous avez, vous, pays parmi les plus prospères de la planète, les moyens de partager votre prospérité avec les plus démunis.

Je me suis tourné vers les dirigeants européens, pour les appeler à se pencher sur les causes profondes de ce phénomène. La première priorité de chacun d’entre nous doit être la protection des vies humaines. Il faut sauver ces personnes, il faut apporter une aide humanitaire à ces personnes, qui sont en grande détresse vitale. Il faut que des voies régulières de prise en charge de ces personnes soient mises en place: intégration des familles, mise à disposition de bourses d’étude, création d’emplois en bonne et due forme. Voilà qui devrait nous aider à réduire le nombre de ces personnes qui sont prêtes à risquer leur vie. Les Nations Unies, avec l’aide de l’Union européenne, travaillent d’arrache-pied pour promouvoir la stabilité politique de ces pays. 90% des réfugiés viennent de Libye ou passent par ce pays. Partant, il est indispensable de promouvoir l’émergence d’une vraie stabilité politique, d’une vraie sécurité en Libye. Il faut travailler sur ces deux fronts simultanément.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen * – La semaine dernière j’ai eu la possibilité de me rendre dans un certain nombre de camps de réfugiés syriens en Turquie. Je me suis rendu à Elbeyli et Nizip avec mes collègues membres de groupes politiques et de délégations nationales de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il faut reconnaître que la Turquie déploie des efforts considérables pour accueillir ces milliers de personnes qui fuient l’horreur de la guerre qui fait rage en Syrie. Il est nécessaire que tous les protagonistes gouvernementaux unissent leurs efforts pour gérer ces camps de réfugiés, qui sont des champs de recrutement.

Il faut lutter également contre les mafias qui transportent les migrants dans la plus totale illégalité pour leur faire traverser la mer Méditerranée. Les Nations Unies accepteront-elles que l’Union européenne se lance dans la lutte contre ces mafias et leurs navires?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – Je voudrais tout d’abord remercier tous les parlementaires ici, à Strasbourg, qui représentent la Turquie, la Jordanie, le Liban, l’Irak et l’Égypte, et d’autres pays encore de l’Afrique du Nord. Vos pays accueillent très généreusement des millions de réfugiés venant de Syrie.

La Turquie accueille quelque 2 millions de réfugiés, ce qui entraîne d’énormes problèmes politiques, sans parler des problèmes sociaux et économiques. Le Gouvernement turc s’est montré d’une très grande hospitalité et d’une très grande générosité. Il a accepté de porter seul le fardeau. La communauté internationale ne l’a que très peu aidé. La Turquie, me dit-on, a dépensé près de 6 milliards de dollars à ce jour. Je me suis moi-même rendu dans certains camps de réfugiés en Turquie. Sans doute ne répondent-ils pas entièrement à certains critères, mais les réfugiés y reçoivent un accueil et de la nourriture et y trouvent des structures sanitaires.

Depuis trois ans, j’ai tenté de mobiliser des ressources humanitaires et financières, avec l’aide de plusieurs gouvernements. J’ai organisé une conférence sur la situation des réfugiés syriens. Toutefois, je voudrais rappeler qu’il ne s’agit pas seulement du sort des réfugiés syriens. La Syrie a généré 4 millions de réfugiés, mais il existe 12 millions de personnes déplacées au sein de ce pays qui ont également besoin de notre appui.

Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, 60 millions de personnes ont quitté leur pays et ont besoin aujourd’hui de notre aide. Les Nations Unies essaient de leur fournir ce dont ils ont besoin, de la nourriture, de l’eau, des structures sanitaires, des écoles pour les enfants. Nous affrontons des problèmes d’une envergure impressionnante. Nous avons besoin de mobiliser tous les efforts et nous avons besoin de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle les Nations Unies vont pour la première fois organiser un sommet humanitaire mondial à Istanbul l’année prochaine. Je compte sur votre générosité à tous.

M. DENEMEÇ (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Secrétaire général, notre monde est en proie à de nombreux troubles et nos électeurs s’interrogent sur la capacité des Nations Unies et du Conseil de Sécurité à résoudre des problèmes tels que celui des migrations à l’échelle mondiale, causé par des déséquilibres économiques, par les terroristes de Daech et par l’absence d’un gouvernement digne de ce nom à Damas.

La Turquie accueille aujourd’hui plus de 2 millions de réfugiés venus de Syrie et d’Irak. Nous avons dépensé plus de 6 milliards de dollars alors que nous étions privés de toute aide de la communauté internationale. Pensez-vous qu’il serait possible d’utiliser les avoirs gelés du régime syrien pour répondre aux besoins d’assistance humanitaire des Syriens?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – La question de l’utilisation des avoirs gelés du régime syrien doit être réglée dans le cadre d’une discussion politique. Nous ne l’avons pas encore abordée.

Il est important que cette crise épouvantable arrive à son terme. Cette crise est à la fois humanitaire et politique, elle touche également les droits de l’homme. Les Nations Unies ne ménagent pas leurs efforts, grâce à mon envoyé spécial, pour dégager un espace politique afin de mettre un terme aux violences, ne serait-ce que provisoirement, à des fins humanitaires. Il y a un très grand nombre de problèmes à régler. Aussi longtemps qu’ils resteront en suspens, nous ne pourrons pas agir. C’est pourquoi j’en appelle aux pays du monde entier pour mobiliser des ressources. Nous avons la responsabilité morale de protéger les victimes et de leur apporter une assistance humanitaire. De nombreux jeunes et femmes, en particulier, ont besoin d’une aide urgente de la communauté internationale.

Je veux dire, encore une fois, que nous sommes très reconnaissants à la Turquie, à la Jordanie, au Liban et à l’Irak pour leurs efforts. Mais nous devons tous contribuer à l’effort et apporter des ressources pour l’aide humanitaire.

M. DESTEXHE (Belgique), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je constate qu’il n’y a pas d’objectif en termes de démocratie et de droits de l’homme dans les objectifs de développement durable (SDG), qui d’ailleurs comprennent désormais 17 objectifs et plus de 169 buts à atteindre: est-ce bien réaliste? De même, la croissance démographique n’est pas abordée. Or la population africaine va doubler pour atteindre 4 milliards de personnes d’ici à la fin du siècle. Si ces problèmes ne sont pas traités, il est probable que les objectifs ne pourront pas être atteints.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – Les Etats discutent des objectifs de développement durable dans le cadre d’un agenda dédié et dans la perspective de 2030: 17 objectifs ont été identifiés à titre provisoire dans le cadre des négociations et 169 buts sont à atteindre par ailleurs. On peut en effet s’interroger: 17 objectifs, est-ce trop ou pas assez? 169 buts à atteindre, est-ce trop ou trop peu?

Pendant neuf mois, un groupe de travail ouvert a réfléchi et ses membres ont recherché une solution optimale pour traiter des problèmes qui ont un impact sur l’être humain et sur la planète. En tant que Secrétaire général, j’ai désigné trois personnalités éminentes pour examiner la question de la durabilité. J’ai organisé des réunions aux Nations Unies et j’ai entendu tous les acteurs. Nous avons consulté 8 millions de personnes grâce aux réseaux sociaux et nous avons reçu 8 millions de réponses. L’idée était de comprendre quel avenir elles souhaitaient. Il n’y a pas que les fonctionnaires des gouvernements ou les économistes qui doivent être consultés. Nous avons souhaité une consultation très large et nous sommes allés au-devant de la société civile, en consultant les citoyens lambda, les étudiants, les femmes, les groupes vulnérables. C’est sur cette base que j’ai construit mon rapport à l’Assemblée générale.

Les 17 objectifs à atteindre couvrent tout le périmètre de notre vie: la vie économique, sociale, environnementale. Ces objectifs sont axés sur l’être humain et le respect de la planète.

Comment les êtres humains peuvent-ils vivre en harmonie avec la nature, avec la planète entière? Tout n’est pas parfait s’agissant des buts à atteindre: des progrès sont encore possibles, qui justifient la poursuite de négociations. Nous réfléchissons aux grands principes, tels que la démocratie et les moyens de vivre dans des sociétés paisibles et respectueuses des droits de l’homme.

La Déclaration universelle des droits de l’homme régit nos vies. Il y a, conformément à la Charte des Nations Unies, trois piliers: paix et sécurité; développement; droits de l’homme. Encore une fois ces buts, s’ils ne sont pas parfaits, seront adoptés en septembre par les chefs d’Etat et de gouvernement; ils constitueront un guide visionnaire pour nos vies et pour notre planète.

Mme KAVVADIA (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La solidarité est un principe fondamental de l’idéal européen. À votre avis, l’Europe le respecte-t-elle et, dans l’affirmative, à quel degré? En raison de la montée des flux migratoires, de l’afflux de réfugiés et de la crise humanitaire que traversent les pays du Sud à cause de l’austérité, nous observons un déclin des valeurs de solidarité et de justice, sans parler du principe d’égalité. Les grands Etats se sentiront-ils coupables de ces évolutions, de cette profonde crise économique, politique, éthique, humanitaire et culturelle? Pendant combien de temps pensez-vous que l’on puisse ignorer la question des peuples?

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – Les questions que vous soulevez sont importantes. Comment faire preuve de solidarité et de générosité en ces temps d’austérité? La générosité fait encore plus sens en période d’austérité: les dons sont d’autant plus précieux qu’ils s’adressent à ceux qui en ont encore plus besoin. C’est pourquoi je me félicite de l’engagement très généreux de l’Union européenne.

Les critiques sont toujours utiles dès lors qu’elles sont constructives, car elles incitent les uns et les autres à faire toujours plus. Entre les pays européens, les avis divergent assurément sur la façon de faire; mais les Nations Unies se félicitent de la solidarité dont vos pays font preuve en matière de migrations.

LA PRÉSIDENTE* – Si vous en êtes d’accord, Monsieur le Secrétaire général, je regrouperai maintenant les questions par trois: cela permettra à davantage d’intervenants de s’exprimer; vous répondrez alors à chaque groupe de questions.

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES* – J’en suis d’accord.

LA PRÉSIDENTE* - Je vous remercie.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Merci, monsieur le Secrétaire général, d’avoir pris l’initiative d’un sommet mondial sur l’aide humanitaire. Je ne vois pas pourquoi le monde ne pourrait pas consacrer 30 milliards d’euros à cette cause.

Que faire pour les réfugiés? Cette année se tiendront des sommets sur les objectifs de développement durable et sur le climat. Quel est votre message? Vous avez salué la politique de l’Union européenne en matière climatique. Que faire de plus pour convaincre les parties prenantes de conclure un accord international sur le climat?

M. BOCKEL (France) – L’immigration clandestine se traduit en Méditerranée par l’une des pires crises humanitaires depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 1 700 morts depuis le début de l’année.

Je voudrais savoir où en sont les négociations avec l’Union européenne en vue de l’opération navale projetée contre les passeurs sur les côtes libyennes, qui requiert l’accord de l’ONU. Quelles sont les avancées? Quelles difficultés demeurent? Pour sauver des vies, il est indispensable d’agir.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Depuis vingt ans, l’Arménie occupe 20 % du territoire azéri. Aujourd’hui, 1 millions de réfugiés souhaitent revenir sur leurs terres. Aux termes du droit international, le Haut-Karabakh fait partie intégrante de l’Azerbaïdjan. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a ainsi adopté quatre résolutions pour exiger le retrait des forces arméniennes mais, malheureusement, ces textes n’ont pas encore été mis en œuvre.

Les résolutions des Nations Unies ne sont pas toujours appliquées. En l’occurrence, cela fait donc vingt ans que l’Arménie les ignore, comme elle ignore les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Quelles mesures doit-on prendre pour la contraindre à respecter le droit international?

LE SECRÉTAIRE GÉNERAL DES NATIONS UNIES* – Le sommet mondial consacré à l’aide humanitaire est le premier en son genre organisé par les Nations Unies. Les problèmes visés sont nombreux, et ils concernent beaucoup de pays, à commencer par la Syrie.

Les dévastations, qu’il s’agisse des cataclysmes naturels, des inondations ou des tremblements de terre, ne peuvent malheureusement être traitées dans chacun des pays concernés. C’est pourquoi il faut mobiliser l’aide humanitaire. Bien sûr, le système a des limites, sans parler de la lassitude des donateurs qui, la plupart du temps, sont les pays membres de l’OCDE ou les Etats-Unis. Les autres pays sont indifférents, sauf s’ils sont voisins des pays touchés. Il faut donc un soutien mondial car, je le répète, on ne peut malheureusement procéder seul. C’est tout particulièrement vrai de l’impact du changement climatique. Comment limiter les dégâts? Comment s’adapter? C’est là un défi considérable pour tous les pays, même pour les plus riches. Le sujet doit donc être traité de façon globale.

Des consultations régionales sont en cours. De grands donateurs sont consultés. Maintenant, l’objectif est de déterminer un cadre pour dispenser cette aide humanitaire de façon plus cohérente, plus structurée et plus systématique. Et nous comptons sur le soutien de l’Union européenne.

Quel message souhaiterais-je adresser à l’Union européenne? D’abord qu’elle réunit le groupe de pays le plus puissant, disposant d’un moteur extraordinaire, ensuite qu’elle est devenue chef de file mondial. Les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne sont des moteurs, ils sont la source de notre prospérité, la source de notre croissance. Il conviendra donc de se mobiliser, chacun d’entre vous à la hauteur de ses ressources.

S’agissant de la question de M. Bockel, nous avons effectivement engagé avec l’Union européenne une opération navale en Méditerranée pour secourir les gens. Je me suis rendu en mer Méditerranée avec le Premier ministre italien, M. Renzi, et la haute représentante pour la politique extérieure de l’Union européenne, Mme Mogherini, voir comment ces opérations navales se déroulaient. La zone à couvrir est très importante, c’est donc une mission difficile. Il s’agit en outre de petites embarcations transportant des centaines de personnes. Je l’ai dit aux leaders européens, il faut développer les opérations de sauvetage. Les droits de l’homme c’est la priorité; mais sauver ces gens est la priorité des priorités.

Par ailleurs, ce ne sont pas les demandeurs d’asile qu’il faut poursuivre, mais les passeurs, ceux qui participent à la traite des êtres humains; ce sont eux qui doivent être sanctionnés.

Concernant le conflit du Haut-Karabakh, je suis préoccupé par les violations quasi quotidiennes du cessez-le-feu. Des gens meurent, et on voit ce qui se passe à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Par ailleurs, la rhétorique utilisée de tous côtés est hostile, ce qui fait monter en puissance les tensions entre ces pays. Je les exhorte donc à trouver une solution pacifique, car toute confrontation militaire serait dévastatrice – pour les deux pays comme pour l’ensemble de la région.

Le Groupe de Minsk de l’OSCE s’emploie à trouver une solution à ce conflit, l’idée étant, par le dialogue, d’en arriver à de négociations plus concrètes pour aboutir à une solution durable.

Mme SCHOU (Norvège)* – Ici même, au sein du Conseil de l’Europe, des Etats membres violent systématiquement les droits de l’homme les plus fondamentaux. Il s’agit également d’Etats membres des Nations Unies.

Comment les Nations Unies et le Conseil de l’Europe pourraient coopérer de façon à mieux défendre la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit en Europe?

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Lorsque des migrants ont débarqué aux Canaries, ce ne sont pas les Nations Unies ou l’Union européenne qui sont intervenues; l’Espagne s’est tournée vers les pays d’origine de ces migrants. Aujourd’hui, l’Italie est seule face à la situation que nous connaissons. Ne pensez-vous pas que le système des Nations Unies en matière d’aide humanitaire est un peu en difficulté face à de telles crises politiques? Ne devrions-nous pas nous tourner vers les Etats d’origine? Le factuel ne l’emporte-t-il pas à l’heure actuelle sur le juridique? Ne faut-il pas, au sein des Nations Unies, trouver un système qui assurera une meilleure protection de tous les êtres humains sans exception?

M. JAPARIDZE (Géorgie)* – Ma question est à la fois simple et complexe. L’Onu joue un rôle très important en matière de sécurité dans différentes régions du monde. Pourtant, elle est moins active à l’heure actuelle, pourquoi?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES – S’agissant de la question posée par la représentante de la Norvège, je l’ai dit, la protection des droits de l’homme est l’un des trois piliers des Nations Unies. C’est la raison pour laquelle les Etats membres se sont mis d’accord pour réformer la Commission des droits de l’homme, dont l’efficacité n’a convaincu personne. Nous l’avons donc réformée en 2006, et nous avons désormais un Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Par ailleurs, nous avons mis en place l’examen périodique universel – EPU –, lequel ne souffre aucune exception en ce sens que tous les Etats membres doivent s’y soumettre, ceux de l’Union européenne comme les autres. Il s’agit de sessions de travail intensives où tous les aspects relatifs aux droits de l’homme sont passés à la loupe sans exception. Le premier cycle d’examens a été mené à bien, et nous entamons, le deuxième cycle. Chaque pays reçoit en général plus de 100 recommandations de la part du Conseil des droits de l’homme qu’il doit mettre en œuvre.

Parallèlement, le Conseil des droits de l’homme a constitué une sorte de commission d’enquête qui intervient lorsque des abus particulièrement graves des droits de l’homme ont lieu. Cette commission est déjà intervenue dans un certain nombre de pays dont je ne peux donner ici les noms.

C’est peut être un rêve, il reste que lentement mais sûrement, nous améliorons la situation dans tous les Etats membres des Nations Unies en matière de respect des droits de l’homme ; il nous faut poursuivre sur cette voie.

S’agissant de la protection des migrants, différentes façons d’intervenir existent. Nous pouvons intervenir juridiquement, politiquement et moralement. Ce sont tous ces éléments qu’il faut avoir à l’esprit au moment d’assurer la protection des droits de l’homme de ces personnes qui aspirent à la liberté à et un meilleur avenir.

Tout être humain veut vivre en sécurité, en un lieu prospère, tout être humain veut assurer à ses enfants un avenir meilleur. De telles espérances sont profondément ancrées dans la nature humaine, elles font partie des aspirations de chacun. Il est donc bien naturel que nous agissions pour les rendre possibles.

Je répondrai à M. Japaridze que nous sommes très préoccupés par la situation qui fait suite à la crise géorgienne de 2008 et qui prévaut actuellement dans le Caucase. Nous espérons sincèrement que l’ensemble des questions évoquées seront réglées par les voies du dialogue politique afin de permettre l’émergence d’une compréhension mutuelle. Nous espérons que cela se fera dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international.

J’ai pris note de la signature récente du Traité d’alliance et de partenariat stratégique intervenue entre l’Ossétie du sud, l’Abkhazie et la Fédération de Russie. J’ai également pris note de la situation que connaît le Gouvernement géorgien et de la prise de position de la communauté internationale eu égard à l’impact de cette situation susceptible d’avoir des répercussions négatives sur le processus de Genève. Fondées sur le respect mutuel, le droit international et la Charte des Nations Unies, les discussions de Genève au plan international doivent se poursuivre. C’est ainsi que nous pourrons apporter une solution à toutes ces questions.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, j’ai le regret de vous annoncer que nous devons interrompre la liste des questions. M. Le Secrétaire général doit en effet prendre un train et, comme l’on sait, les trains n’attendent pas!

Monsieur Ban Ki-moon a fort aimablement accepté de répondre aussi, par écrit, aux membres inscrits et présents dans le débat, mais qui n’ont pas pu poser leur question. Ces questions peuvent être déposées, sous forme dactylographiée, et si possible par voie électronique, avant la fin de la présente partie de session, au service de la séance, qui les transmettra au Secrétariat général des Nations Unies, pour une réponse écrite.

(Poursuivant en anglais) Monsieur le Secrétaire général, en notre nom à tous, je tiens à vous remercier du fond cœur d’avoir accepté notre invitation et d’avoir répondu aux questions des parlementaires.

(Reprenant en français) Mes chers collègues, je vous rappelle que deux scrutins sont en cours: l’un pour l’élection de juges à la CEDH; l’autre pour l’élection du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe. Ils seront clos à 13 heures; ils reprendront cet après-midi à 15 heures 30 et seront clos à 17 heures.

Ce matin, nous avons procédé au tirage au sort des scrutateurs. Mme Durrieu étant prise par d’autres obligations à 17 heures dans le cadre de la préparation de son rapport sur le Maroc, elle n’est pas disponible. Nous devons donc procéder au tirage au sort d’un nouveau scrutateur.

(S’exprimant en anglais) Madame Schou, vous êtes désignée scrutatrice. Vous êtes invitée à vous trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

3. Modification dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE – Une proposition de modification dans la composition de commission sur l’égalité a été publiée dans le document Commissions (2015 06 Addendum 2).

Il n’y a pas d’opposition à cette modification. Elle est adoptée.

4. Améliorer la protection des donneurs d’alerte

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Omtzigt, au nom de la commission des questions juridiques, sur «Améliorer la protection des donneurs d’alerte» (Doc. 13791).

Au cours de sa séance de lundi matin, l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes, mais compte tenu du nombre d’orateurs inscrits dans ce débat et du temps qu’il nous reste, je vous propose de revenir à quatre minutes.

Il n’y a pas d’objection. Il en est ainsi décidé.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Le débat d’aujourd’hui sur la protection des donneurs d’alerte s’inscrit dans le prolongement de deux débats que nous avons tenus ici même. Au mois d’avril, nous avons tenu un débat sur les opérations de surveillance massive. Les révélations par M. Edward Snowden sur la surveillance et les pratiques d’intrusion de la NSA et de ses partenaires européens ont conduit à des modifications dans les droits et les pratiques, notamment aux Etats-Unis, ce qui ne se serait pas produit sans ses révélations.

Les donneurs d’alerte mettent en garde contre de tels abus, tout d’abord en interne, ou publiquement si cela reste sans effet. Les donneurs d’alerte méritent d’être protégés contre les mesures de rétorsion prises par leurs employeurs et, davantage encore, de toutes procédures judiciaires. La meilleure récompense que peuvent recevoir les donneurs d’alerte est que les abus et les pratiques répréhensibles qu’ils dénoncent donnent lieu à de véritables enquêtes afin qu’il y soit mis fin. Si cela avait été le cas à la Fifa lorsque les donneurs d’alerte ont révélé les pratiques de corruption qui ont présidé à l’octroi de la Coupe du monde en 2022 au Qatar, cela aurait fait le plus grand bien à la Fifa, au football ainsi qu’aux grands amateurs de ce sport. Et pourtant, ces abus se poursuivent – mais vous savez ce qui s’est passé ces dernières semaines.

Nous pouvons également évoquer le statisticien grec très courageux qui avait transmis à Bruxelles les vrais chiffres relatifs à la dette de son pays sans passer par le processus démocratique: il est un grand patriote pour avoir abandonné un emploi très confortable au sein du FMI afin d’aider sa patrie à mettre de l’ordre dans ses statistiques. Or il est aujourd’hui menacé d’une procédure judiciaire pour haute trahison: rien que cela!

Les donneurs d’alerte ne bénéficient pas toujours d’une véritable protection dans de nombreux pays européens. Pensons à ceux qui ont alerté notre attention sur des milliards détournés ou rappelons-nous les plaintes relatives à l’alimentation inappropriée qui est donnée à de nombreux bébés. Or tous ces donneurs d’alerte n’ont pas été récompensés pour leur action et ne bénéficient pas, je le répète, d’une vraie protection en dépit de la première résolution que l’Assemblée parlementaire a adoptée en la matière en 2009. Le Comité des Ministres a également adopté en 2014 sa première recommandation sur les donneurs d’alerte, qui s’inspire largement de notre résolution.

Ce nouveau rapport explore d’autres pistes pour améliorer le système: c’est notamment nécessaire pour ceux qui travaillent dans le secteur de la sécurité nationale et qui sont exclus de la Recommandation du Comité des Ministres. L’affaire Snowden a montré combien le sujet est important. J’ai été très impressionné par les propos de M. Geiger, l’ancien chef du BND, le service de renseignement allemand: lors de son audition, il nous a affirmé que le meilleur moyen de lutter contre d’éventuelles violations est le recours à l’épée de Damoclès. Nos collègues du Bundestag se rendent compte actuellement à quel point il est difficile de contrôler les services de renseignement alors même qu’ils sont parlementaires. Au moins essaient-ils: c’est pourquoi je leur témoigne le plus grand respect.

Au lendemain de l’analyse indépendante de la législation de lutte contre le terrorisme au Royaume-Uni, une campagne a été menée la semaine dernière dans les médias affirmant que certains agents devaient être démis. Des experts dans la protection des données estiment en effet que les services de renseignement ont été l’objet d’un piratage. Ce n’est pas la première fois: je vous rappelle qu’en avril dernier les Chinois ont piraté des ordinateurs et obtenu les plans du nouvel avion de chasse à charge nucléaire des Etats-Unis. Ce sont ces défauts au cœur du système que révèlent les donneurs d’alerte, défauts qui rendent vulnérables les services de renseignement. Si on avait écouté les donneurs d’alerte, ces fuites ne se seraient pas produites et les Chinois n’auraient pas obtenu le plan de l’avion de chasse.

J’aimerais appeler votre attention sur un des points les plus importants du projet de résolution proposé par la commission des questions juridiques: prévoir une exception de défense de l’intérêt public permettant de se prémunir contre les procédures en cas de violation de la loi du secret. L’Assemblée a déjà appuyé cette exigence lorsqu’elle a adopté l’an passé le rapport de M. Díaz Tejera sur l’accès à l’information et la sécurité nationale, approuvant ainsi les Principes de Tshwane. Ce moyen de défense est essentiel pour les donneurs d’alerte. La loi américaine de 1917 sur l’espionnage ne prévoit pas de tels moyens de défense. Un donneur d’alerte prend dès lors un risque car les autorités pensent qu’il espionne au profit d’une puissance étrangère. Même lorsqu’une telle protection existe, les donneurs d’alerte prennent néanmoins des risques. C’est pourquoi il conviendrait de leur accorder au moins l’asile politique: à mon sens, M. Snowden devrait en bénéficier. Ce serait préférable pour lui alors qu’il est contraint de rester à Moscou, les autorités des Etats-Unis lui ayant pris son passeport, l’empêchant ainsi de se rendre en Amérique latine, comme il le souhaitait.

Je m’arrête à ce point de mon intervention, souhaitant disposer d’un peu de temps afin de pouvoir répondre aux questions. Je me réjouis par avance du débat qui va avoir lieu.

LA PRÉSIDENTE* - Monsieur le rapporteur, il vous reste cinq minutes et quarante-trois secondes pour répondre aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole est tout d’abord aux porte-parole des groupes.

M. NIKOLOSKI («L’ex-République yougoslave de Macédoine»), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen * – Je tiens à remercier M. Omtzigt de son excellent rapport.

Les donneurs d’alerte jouent un rôle important pour promouvoir la bonne gouvernance, la protection de la vie privée, la liberté de parole et la lutte contre la corruption.

Au cours de la deuxième partie de session, au mois d’avril dernier, nous avons adopté une résolution relative aux opérations de surveillance massive, qui mettent à mal les droits de l’homme, lesquels incluent le droit à la vie privée, la liberté d’information et d’expression ainsi que les droits à un procès équitable et la liberté de religion. Comme l’établit la Résolution, ces menaces nuisent aux valeurs démocratiques. La mise sur écoute constitue également une menace contre la démocratie et vous reconnaîtrez avec moi que la corruption sape ses valeurs tout en menaçant le développement durable et l’Etat de droit. Si on veut lutter contre la corruption institutionnelle, il est nécessaire de prévoir une protection systématique des personnes qui divulguent des actes de corruption ou tout autre acte illégal.

La lutte institutionnelle ne peut pas être mise en œuvre sans protéger les donneurs d’alerte. Cela dit, leur protection est complexe qui exige une approche pluridisciplinaire.

Le système des donneurs d’alerte n’existe pas dans de nombreux pays. Toutefois, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et le Comité des Ministres ont adopté des résolutions et des recommandations invitant tous les Etats membres à passer en revue leur législation en la matière, l’idée étant la création d’un cadre juridique approprié permettant de protéger les donneurs d’alerte. Seuls quelques Etats membres sont dotés d’une législation complète couvrant la protection des donneurs d’alerte: des règles s’y appliquent systématiquement aux personnes qui travaillent dans les secteurs privé et public et qui divulguent des comportements assimilables à des malversations.

Les recommandations de l’ONU jouent également leur rôle en la matière. L’ex-République yougoslave de Macédoine modifie à l’heure actuelle sa législation pour protéger les donneurs d’alerte, en tenant compte des pratiques internationales existantes, des recommandations et des rapports sur le sujet. Notre approche est positive.

Mes chers collègues, nous avons été confrontés ces derniers mois dans mon pays à une grave crise politique, après la révélation selon laquelle différentes personnalités politiques au pouvoir ont été, ces quatre dernières années, mises sur écoute de façon illégale. Ces pratiques, qui ont été divulguées à l’occasion de conférences de presse, nuisent à l’image du pays et à son système politique.

Ainsi, près de 50 membres de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe ont signé une déclaration condamnant ces faits. Les mises sur écoute, les actions des services de renseignement, tout cela a été condamné, et je pense qu’il faudra prendre un certain nombre de mesures avant que nos citoyens aient à nouveau confiance. Il faut que des procédures judiciaires transparentes puissent vraiment être respectées.

Ce rapport, adopté en avril, nous permet de lutter contre les menaces pesant sur la démocratie. Nous espérons qu’il sera suivi d’actes, afin que nous ne puissions plus jamais être confrontés à ce qui s’est passé chez nous, en ex-République yougoslave de Macédoine.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Nous comprenons bien à quel point il importe de protéger les droits de l’homme de ceux qui essaient de porter à la lumière du jour les actes répréhensibles, dans quelque domaine que ce soit. Le rapporteur fait remarquer que, si l’on avait écouté les donneurs d’alerte, l’organisation de la Coupe du Monde n’aurait pas été confiée au Qatar. Il aurait pu ajouter qu’elle n’aurait pas non plus été octroyée à la Fédération de Russie!

Madame la Présidente, ce rapport présente toutefois un danger: il s’efforce de conférer à M. Snowden le titre de héros alors que c’est celui de traitre que ce dernier doit indubitablement porter. Il a révélé, notamment aux autorités russes, des éléments d’information qui ont mis en danger le travail, si ce n’est les vies, de ceux qui en notre nom s’engagent dans la lutte contre le terrorisme. Nous ne devons pas oublier, Madame la Présidente, que les hommes et les femmes de la rue que nous représentons jouissent de droits, dont celui d’être protégés contre tout acte de violence et d’assassinat qui serait perpétré au nom de Daech, d’Al-Qaïda ou de toute autre organisation extrémiste.

Petit aparté, la commission en charge des médias de notre Assemblée a tout récemment organisé à Kiev un séminaire dont l’objectif était de discuter de la protection des journalistes qui couvrent les conflits, les guerres et les actes de violence qui ont frappé tant de pays: l’Ukraine, la France, à Paris avec les assassinats qui ont frappé Charlie Hebdo, et autres. Lors de ce séminaire, nous avons bien souligné que les journalistes ont, eux aussi, besoin de la protection des forces de sécurité.

C’est avec tous ces éléments présents à l’esprit, et en vue d’équilibrer ce rapport, que je me suis permis de soumettre trois amendements – j’ai eu le plaisir d’apprendre qu’ils avaient été acceptés par la commission des questions juridiques ce matin.

Le premier amendement, sur lequel nous nous prononcerons ultérieurement, renvoie à l’assassinat de Sergueï Magnitski. Il souligne à quel point il est nécessaire de ne pas limiter la protection qui pourrait être accordée aux donneurs d’alerte aux Etats-Unis, à l’Union européenne ou au Royaume-Uni. Cela doit valoir pour tous les pays, y compris la Fédération de Russie.

Le deuxième amendement tend à rappeler que, hormis les donneurs d’alerte, d’autres aussi ont des droits.

Le troisième en appelle à M. Snowden pour qu’il se rende aux tribunaux des Etats-Unis afin de se soumettre à la justice démocratique.

J’espère, Madame la Présidente, que ces amendements seront adoptés par l’Assemblée parlementaire, comme ils l’ont été par la commission des questions juridiques.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie le rapporteur pour avoir élaboré un rapport extrêmement pertinent.

Je commencerai par rappeler que nous sommes réunis dans cette enceinte afin de protéger la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit. Comment faire si l’on ne protège pas de manière appropriée les donneurs d’alerte, qui rendent publics certains graves méfaits perpétrés par les gouvernements sous couvert de confidentialité et de secret? Des politiques de sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme sont mises en œuvre. Mais les règles sont parfois bafouées et utilisées pour couvrir des méfaits extrêmement graves, tels que la corruption d’agents publics ou des liens avec la criminalité organisée. Nous avons donc besoin d’élargir la protection des donneurs d’alerte aux agents des services de renseignement ainsi qu’aux employés des entreprises du secteur privé.

En conservant à l’esprit la Recommandation 1916 que nous avons adoptée en 2010, nous devons nous féliciter que le Comité des Ministres l’ait adoptée car cette recommandation est tout à fait pertinente quant à la protection des donneurs d’alerte. Cependant, nous voulons souligner le fait que les agents travaillant pour les services de renseignement ne devraient pas être exclus de cette protection.

Selon l’amendement° 3, M. Snowden devrait «se rendre aux tribunaux des Etats-Unis». Mais le rapport n’est pas un rapport sur M. Snowden. On peut avoir des points de vue divergents quant au fait de savoir s’il est un criminel ou un défenseur des droits de l’homme, s’il a bien fait de divulguer autant d’informations ou si son action a constitué une menace sur les activités de lutte contre le terrorisme – qui est une lutte importante à l’heure actuelle. Mais ce rapport doit se concentrer sur les aspects juridiques. Or, d’un point de vue juridique, on ne peut parler de «se rendre aux tribunaux des Etats-Unis», mais plutôt du droit de rentrer dans son pays sans faire l’objet de procédures judiciaires injustifiées.

Nous devons veiller à ce que les droits de l’homme de tous les donneurs d’alerte soient protégés, sachant que les informations divulguées doivent l’être conformément aux normes que nous avons-nous-mêmes élaborées, c’est-à-dire en imposant certains limites à ces activités.

Je tiens donc à insister sur le fait que ce rapport ne porte pas sur M. Snowden, mais vise à protéger les droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe ALDE, je vous prie de bien vouloir l’appuyer et de ne pas voter l’amendement 3.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – J’aimerais, pour commencer, remercier Pieter Omtzigt pour son excellent et important rapport.

Le rôle des donneurs d’alerte dans nos sociétés est important. Il nous permet d’asseoir la démocratie et de protéger la liberté d’expression. Toutefois, lorsque quelqu’un s’oppose à des méfaits dans la société, il le fait en mettant sa vie en jeu, mais il permet que soient rendus publics des méfaits de toute sorte, tels des atteintes à la santé humaine, des abus de pouvoir, des détournements de fonds et autres.

Chez nous, en Suède, la loi Lex Sarah impose à ceux qui travaillent dans le secteur hospitalier avec les handicapés de signaler tout mauvais traitement. Cette loi a vu le jour, en fait, à la suite de révélations sur des maltraitances d’une donneuse d’alerte, l’aide-soignante Sarah Wägnert, dans les années 90.

Alors, ayons une pensée pour celui qui nous a permis de discuter de ce sujet: M. Snowden, pour sa part, a publié tout ce qui était fait par les Américains en termes de mise sur écoute, etc. Il a choisi de demander à l’opinion publique si elle voulait vivre dans un monde où l’Etat nous observe à tout moment. Il a fait preuve de courage en révélant tout cela et permis d’engager le débat en la matière.

Bien évidemment, nous avons besoin de la coopération internationale pour lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, mais cela doit se faire dans le respect des droits de l’homme et de la vie privée, et il importe donc de protéger les donneurs d’alerte. Il convient d’améliorer leur protection et d’édicter des lois couvrant le champ d’action des services de renseignement ainsi que les services privés qui travaillent dans ce domaine.

Il en va tout simplement du type de société dans lequel on souhaite vivre – en l’occurrence, nous voulons une société dans laquelle on détecte les abus et où l’on y porte remède.

M. LE BORGN’ (France), porte-parole du Groupe socialiste – Au nom de mon groupe, je souhaite rendre hommage au travail effectué par Pieter Omtzigt sur la protection des donneurs d’alerte, qui prolonge, dans le même ordre d’idées et sur la même séquence, son rapport de la précédente partie de session, en avril, sur les opérations de surveillance massive.

Les donneurs d’alerte sont, dans nos sociétés de liberté, d’initiative et de responsabilité, de précieuses vigies démocratiques. Il faut les entourer, les protéger. Il faut aussi, et c’est le cœur de notre débat, les encourager. Oser parler, oser prendre ce risque, voilà l’enjeu. Trop souvent sans doute, des voix restent muettes alors qu’elles pourraient ou même voudraient s’exprimer sur la base d’informations détenues ou de faits tangibles. Pourquoi ce silence? Par crainte de tout perdre, de son travail à sa famille, de son pays à sa vie. Regardons un instant ce qui est arrivé à Edward Snowden, privé des siens, privé de l’endroit où il est né, a grandi et a vécu.

Le Conseil de l’Europe – et ce doit être sa fierté – a beaucoup agi pour la protection des donneurs d’alerte. Je pense ici à la résolution 1729 et à la recommandation 1916 de notre Assemblée, en date de 2010. Je pense aussi à l’adoption plus récente par le Comité des Ministres de la recommandation (2014)7, qui appelle les Etats membres à mettre en place un cadre normatif, juridique et institutionnel adéquat pour la protection des donneurs d’alerte. Dans mon pays, la France, ces textes ont eu une influence déterminante dans le débat législatif et sur le droit positif. Je veux également saluer la richesse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, autour du droit au respect de la vie privée et de la liberté d’expression, a fortifié la protection des donneurs d’alerte, jusque dans les domaines de la sécurité nationale et du renseignement.

C’est précisément dans ces domaines-là que le travail doit être poursuivi. La divulgation d’informations relatives à la sécurité nationale et au renseignement reste trop souvent exclue de la protection dont bénéficient les donneurs d’alerte. Ce n’est pas acceptable. La même protection, pleine et entière, s’étendant jusqu’au droit à l’asile dans tout Etat membre du Conseil de l’Europe, doit être accordée aux donneurs d’alerte sur les sujets de sécurité et de renseignement, si le risque qu’ils soient persécutés dans leur pays est avéré. Il est nécessaire que les Etats membres complètent leur législation nationale s’agissant des donneurs d’alerte pour l’ouvrir, là où cela n’est pas le cas encore, aux personnels des services de sécurité nationale ou de renseignement ainsi que des entreprises privées sous contrat avec l’Etat. Cet exercice doit pouvoir trouver son expression dans l’élaboration d’une convention dédiée du Conseil de l’Europe. Pour cette raison, il est important pour notre Assemblée d’accorder ce matin la plus large majorité au rapport de Pieter Omtzigt et aux projets de résolution et de recommandation qui l’accompagnent.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. RECORDON (Suisse) – Je remercie M. Omtzigt pour cet excellent rapport qui vient à son heure et qui, dans l’ensemble, recueille l’assentiment de l’Assemblée, hormis quelques propos un peu outranciers qui ont été tenus tout à l’heure à propos de M. Snowden, et qui résument d’ailleurs toute la problématique de ce genre de situation. En effet, les alerteurs sont tantôt voués aux gémonies, comme l’a fait un orateur précédent avec M. Snowden, tantôt érigés en héros. Cela me rappelle le cas d’un héros norvégien: Traître par devoir. Seul parmi les SS, selon le titre d’un ouvrage paru il y a plusieurs dizaines d’années. Même après la guerre, il n’est pas parvenu à se faire pleinement reconnaître comme le héros qu’il avait été en collaborant avec la SS afin d’arriver à trahir de l’intérieur l’occupant nazi.

Par nature, cette dualité se reproduit systématiquement: lorsque vous êtes un alerteur, vous êtes objectivement un traître, mais un traître par devoir. C’est un équilibre extrêmement difficile à trouver, d’autant que vous devez en décider seul avec votre conscience et les critères qu’elle vous fournit. C’est précisément pour cela que nous devons arriver à des solutions beaucoup plus systématiques et organisées. Nous avons fini par nous en rendre compte et, de ce point de vue au moins, même ceux qui ne les aiment pas doivent reconnaître des mérites à Julian Assange et Edward Snowden. En effet, ils ont mis en évidence le problème et nous ont obligés à le traiter. En maints pays – dont le mien, la Suisse –, on révise actuellement la législation sur les services de renseignement et l’on se pose enfin la question de la manière d’assujettir ces services extraordinairement puissants à des autorités de surveillance et de contrôle.

Tout est là, dans des règles qui permettent aux alerteurs de dénoncer et de faire vérifier sérieusement l’existence de certains problèmes, sans quoi ils en sont réduits à décider seuls de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, ce qui est effectivement très dangereux: s’ils se trompent dans leur appréciation, ils peuvent porter atteinte à la sécurité nationale, aux intérêts et même aux droits constitutionnels d’autrui. À ce titre, ce rapport vient à son heure pour nous amener à réviser enfin nos procédures, notamment dans le cadre des services secrets, et cela de manière stricte et sérieuse.

J’ajouterai néanmoins que la question peut se poser aussi dans le secteur privé: le droit privé doit également, notamment dans le domaine contractuel, être aménagé pour que l’on ait des règles adaptées et applicables, permettant de faire la balance entre les intérêts, de manière à ce que le travailleur qui découvre des agissements scandaleux dans son entreprise dispose des moyens de les mettre en cause, sans se mettre en péril et en étant sûr d’être entendu comme il se doit.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Nous sommes tous d’accord pour dire que le rapport dont nous discutons aujourd’hui porte sur une question extrêmement délicate, à savoir la lutte contre la corruption et contre une gestion défaillante qui seraient révélées, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Ce rapport aborde le problème des employés qui appellent notre attention sur les faits de corruption et les autres actes répréhensibles qui sont commis sur leur lieu de travail.

Gardons à l’esprit que le rôle qu’ils jouent est d’une importance vitale. La Convention des Nations Unies contre la corruption stipule que chaque Etat partie doit prendre les mesures relevant de son droit domestique interne, et en fonction de ses moyens, pour protéger dûment contre toutes représailles ou mesures d’intimidation les personnes qui déposent dans le cadre de la dénonciation de faits de corruption. La Convention civile sur la corruption du Conseil de l’Europe contient également un certain nombre de dispositions contraignantes précisant que tout Etat partie doit, en droit interne, prévoir des mesures de protection permettant de lutter contre toute sanction injustifiée visant des employés ayant des motifs raisonnables de soupçonner des faits de corruption et qui signalent en toute bonne foi leurs doutes auprès des personnes ou des autorités compétentes.

Or aujourd’hui encore, malheureusement, nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas mis en place une protection adéquate, suffisante et complète, au bénéfice de ceux qui révèlent à l’opinion publique des informations sur les actes répréhensibles et les agissements illégaux que toute société aspirant au développement et au progrès doit connaître. Il faut absolument assurer une protection efficace et garantie par la loi aux personnes signalant les faits de corruption. C’est essentiel pour assurer une lutte efficace contre ce phénomène. Or, encore maintenant, dans un grand nombre de pays du Conseil de l’Europe, ces cas ne sont traités que par l’intermédiaire de dispositions juridiques relatives au domaine prud’homal, aux procédures pénales, à la protection des médias ou encore à la protection contre les discriminations.

J’attire notamment votre attention sur le fait que, le 25 novembre 2014, l’Assemblée nationale de la République de Serbie a adopté une loi portant protection des donneurs d’alerte, entrée en vigueur le 6 juin dernier. Le plus important est de protéger les donneurs d’alerte, d’empêcher qu’ils ne se retrouvent dans une situation délicate du fait de leur intervention. Les mesures les plus fréquemment prises par les employeurs pour mettre en difficulté les donneurs d’alerte sont celles-ci: procédures devant les prud’hommes, obstacles à la formation ou à l’évolution professionnelle, cessation de contrats, perte de salaires et autres indemnités, attribution de tâches supplémentaires ou transferts non souhaités.

Ainsi, la loi sur la protection des donneurs d’alerte doit consacrer le respect dû à ces citoyens. Comme toute autre personne leurs droits doivent être respectés. Ce qui, par ailleurs, est garanti par la Constitution de la République de Serbie.

Dans toute société, notamment dans les sociétés dites de transition, la simple menace de corruption justifie que l’on se dote d’un cadre juridique prévoyant la protection des donneurs d’alerte, un cadre qui prévoit la mise en place d’un mécanisme efficace de signalement d’actes répréhensibles de toute nature. Il est extrêmement important de rétablir la confiance des populations en leurs institutions démocratiques.

Parmi les effets positifs de cette loi adoptée en Serbie, on compte le renforcement de l’Etat de droit et l’émergence d’un environnement où les lois sont dûment respectées.

Il est aussi important de pouvoir dénoncer publiquement ces comportements répréhensibles: c’est la base de tout système de valeurs robuste. Il faut d’autre part améliorer la réglementation juridique, pour conduire à un changement de comportement et d’état d’esprit dans la dénonciation de la corruption.

M. KARLSSON (Suède)* – Je remercie M. Omtzigt pour ce très bon rapport. Et en tant qu’amateur de football, j’ai beaucoup apprécié sa présentation!

Je soutiens l’amendement 4 qui a été adopté par la commission ce matin. Lors de la dernière session de l’Assemblée parlementaire, en avril dernier, le rapport sur les surveillances de masse a été adopté. M. le rapporteur Omtzigt a posé la question suivante: «M. Snowden est-il un saint?» Il me semble que nous parlons du même rapport aujourd’hui au sein de notre débat sur la protection des donneurs d’alerte.

Le vendredi 5 juin marque le second anniversaire du début des divulgations d’Edward Snowden. Il a clairement bafoué la loi en révélant des secrets d’Etat, mais il l’a fait pour de bonnes raisons, et avec les conséquences législatives que nous connaissons. Il a fait œuvre très utile en divulguant ces modes de surveillance de masse effectués par certains pays.

Les gouvernements ont un certain pouvoir de surveillance publique, mais bien souvent les autorités vont plus loin qu’elles ne le devraient. Dans la plupart des systèmes politiques nous ne dépendons pas du courage des donneurs d’alerte. Gouvernements et tribunaux sont là pour nous protéger, tandis que pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont séparés. Nos gouvernements sont ouverts, et ceux qui occupent des postes à responsabilités, dans le secteur privé comme public, respectent les droits et agissent contre les violations des droits de l’homme.

Les donneurs d’alerte révèlent par exemple que les services de défense ou de renseignement commettent des crimes contre leurs propres populations, et violent ainsi les droits de l’homme.

D’un point de vue plus vaste, c’est l’obligation de rendre des comptes démocratiques qui est ici abordée. Les garde-fous qui existent dans ces mécanismes de reddition des comptes échouent parfois. Les donneurs d’alerte peuvent alors jouer le rôle de catalyseur des réformes. Il faut promouvoir une reddition des comptes démocratiques plus efficace.

Pour améliorer la protection des donneurs d’alerte, des cadres juridiques sont essentiels en parallèle du contrôle parlementaire et judiciaire; ce afin de préserver la démocratie et les droits de l’homme. D’où l’importance de ce rapport.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Ce rapport est important. La démocratie a besoin de ces personnes courageuses qui lancent des alertes contre leurs collègues, leurs supérieurs, voire les autorités de leur pays. Il faut pour cela beaucoup de courage. Ces personnes méritent nos encouragements et notre protection.

Sans protection juridique un grand nombre de donneurs d’alerte craindront des représailles et décideront donc de garder le silence. Edward Snowden est devenu le symbole de ces donneurs d’alerte dans le monde entier. Mais signalons aussi tous ces employés ordinaires, qui sont non moins importants, et qui signalent des conditions inacceptables dans lesquelles ils sont contraints de travailler.

En Norvège, un salarié sur quatre considère qu’il est victime de l’hostilité de ses supérieurs s’il donne l’alerte, en dépit du fait que nous ayons depuis 2007 une disposition légale qui protège les donneurs d’alerte. Les enquêtes internationales montrent que la moitié des inégalités en matière de conditions de travail sont signalées par des donneurs d’alerte. Il est donc indispensable de garantir leur sécurité.

Conformément à la loi sur l’environnement du travail en Norvège, donner l’alerte est à la fois légal et souhaitable. Tous les salariés ont le droit et le devoir de signaler les problèmes, en cas de harcèlement, de violations graves, de défaillances quant à la sécurité et aux conditions matérielles de travail, entraînant des dangers pour la sécurité et la santé des travailleurs.

Malgré cette loi, nous avons constaté des exemples négatifs, dans le secteur public comme le secteur privé, où des donneurs d’alerte se sont vus sanctionner. Par exemple, un meurtre a été déguisé en suicide; un détective a lancé l’alerte sur les défauts de l’enquête, sans quoi le coupable aurait échappé à la justice. Un autre cas existe, où des sociétés de transport en Allemagne et en Norvège ont opéré des échanges de services douteux.

La loi en Norvège a rendu plus facile et plus sûr le fait de donner l’alerte. Il reste néanmoins du chemin à faire. Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que les fonctionnaires locaux signalent plus fréquemment des entraves à leur liberté d’expression. Des experts ont recommandé de faire figurer dans la loi des procédures pour donner la possibilité aux donneurs d’alerte de le faire de façon anonyme, en garantissant mieux leur sécurité.

Voilà qui mérite réflexion, pour le bien des entreprises et des salariés, pour tous ceux qui dépendent des services publics et privés, et en fin de compte pour la démocratie elle-même.

LE PRÉSIDENT - M. Matušić, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Le rapport qui nous est soumis propose un corpus solide en matière de protection des sécurités et des libertés. Le rapport concerne M. Snowden, mais le débat remonte à quelques temps déjà. C’est comme si un enfant vous montrait la lune: les adultes ne voient que l’ongle de l’enfant qui est sale, mais ne voient pas la lune. Il ne s’agit pas de savoir qui révèle le délit, l’objet extraordinaire, mais ce qu’il faut faire autour de celui qui donne l’alerte.

La question est de savoir s’il y a action des services publics, action des fonctionnaires lorsque des faits se produisent aux marges du droit.

Un fonctionnaire agit-il de manière répréhensible? Un fonctionnaire bafoue-t-il les règles établies? Telles sont les questions qui doivent être soulevées dans le cadre du débat.

Les héros qui interviennent dans les domaines de la sécurité et du renseignement ne verront jamais leurs noms publiés dans un journal. Ils resteront anonymes et sans visage alors qu’ils se sont battus pour le bien commun. Et si nous devons leur rendre hommage, nous devons aussi dénoncer ceux parmi les fonctionnaires qui se conduisent comme des délinquants. S’il y a parmi les juges un juge défaillant, s’il y a parmi les députés un député défaillant, s’il y a parmi les astronautes un astronaute qui se livre à un acte répréhensible, pourquoi n’y aurait-il pas aussi des délinquants au sein des services de sécurité et de renseignements? Nous sommes tous des êtres humains. La nature humaine doit être contrôlée et réglée. Nous devons donc dire à tous les fonctionnaires, quel que soit leur lieu de travail, qu’ils doivent s’acquitter de leur tâche dans le plein respect de la légalité. C’est un engagement citoyen que chacun doit prendre. Aucun fonctionnaire ne peut s’acquitter de ses fonctions s’il ne respecte pas les règles et la loi. C’est l’une des grandeurs de l’Etat de droit.

Il ne peut y avoir de lutte contre la criminalité organisée sans protection apportée à ceux qui donnent l’alerte. En Espagne, nous parlons «d’informateurs», mais le terme «confidents» serait plus approprié. Ce sont ceux qui recueillent l’information précieuse pour lutter contre la criminalité. Rappelons-nous les juges italiens, Falcone et les autres, qui ont payé de leur vie la lutte contre la criminalité organisée et la mafia.

Je félicite, pour conclure, le rapporteur, la commission et le secrétariat. Grâce à eux, nous renforçons aujourd’hui les acquis du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits fondamentaux, d’Etat de droit et de démocratie. Il est très important que ce rapport, que je soutiens sans réserve, fasse partie intégrante du corpus juridique de notre Organisation, que notre collègue Dick Marty a grandement contribué à construire.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Mes chers collègues, permettez-moi de vous raconter l’histoire d’un courageux donneur d’alerte géorgien, le policier Ruslan Baziashvili, qui a dénoncé les relations entre la criminalité organisée et le gouvernement. On assiste actuellement à un retour en arrière de la démocratie en Géorgie. Un grand patron de la mafia est revenu dans le pays. Jusque-là, les membres de cette organisation criminelle étaient en prison ou en exil à l’étranger, mais les autorités actuelles ont noué des liens illégaux avec plusieurs d’entre eux revenus en Géorgie. Dans la ville de Batoumi, au mois de décembre dernier, un membre de la mafia a assassiné un jeune policier dans un lieu public. Au lieu d’être arrêté, sur les ordres du chef de la sécurité du Premier ministre, l’assassin a été escorté jusqu’à la frontière de la Géorgie pour quitter le territoire. Les collègues du policier assassiné ont toutefois réussi à l’arrêter dans une zone neutre alors qu’il n’avait pas encore gagné l’étranger.

Ruslan Baziashvili a transmis au parti de l’opposition dont je suis membre toutes les informations de la base de données des forces de sécurité postées à la frontière, qui certifiaient que cet assassin avait effectivement été escorté par des représentants de l’Etat pour quitter le territoire géorgien. Il s’agit d’un cas classique de donneur d’alerte. Au lieu de poursuivre ceux qui avaient donné des ordres criminels, on a ouvert une enquête contre le donneur d’alerte, qui a été licencié et qui court aujourd’hui le risque d’aller en prison. Nous possédons pourtant une législation en Géorgie, notamment l’article 12 de la loi sur la liberté de parole et d’expression, qui protège spécifiquement les donneurs d’alerte.

La Géorgie a des principes stricts en matière de protection des donneurs d’alerte. Cette affaire constitue un cas exemplaire, mais je pourrais citer aussi d’autres cas dans lesquels des dirigeants de la criminalité organisée sont revenus en Géorgie en accord avec les autorités du pays, à des fins politiques. J’exhorte toutes les personnes intéressées par la situation de notre pays à se mobiliser autour du cas de Ruslan Baziashvili afin qu’il n’ait pas à subir les conséquences de ses actes.

LE PRÉSIDENT - M. Stroe, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme HAIDER (Suède)* – Améliorer la protection accordée aux donneurs d’alerte est une tâche essentielle. Votre rapport, Monsieur Omtzigt, est donc important. Il souligne que cette protection doit également être accordée aux personnes qui travaillent dans le domaine des renseignements ou dans les agences de sécurité nationale, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Le rapport indique que les donneurs d’alerte doivent, le cas échéant, se voir accorder l’asile dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il faut bien sûr réfléchir à cette question à la lumière de la législation interne en matière de droit d’asile. Il est important que chacun se sente en sécurité au moment de donner l’alerte.

Je note que le Conseil de l’Europe a adopté des lignes directrices à l’intention des membres de son personnel pour l’encourager à signaler des actes répréhensibles. C’est un bon exemple de ce qui peut être fait. Le Comité des Ministres en appelle aux Etats membres pour qu’ils assurent la mise en place d’un cadre judiciaire et institutionnel protecteur pour les donneurs d’alerte. L’Assemblée a également indiqué que les informations relatives à la responsabilité des agences étatiques qui se rendues coupables de violations graves des droits de l’homme ne doivent pas être protégées au titre de la protection du secret d’Etat. Il faut au contraire permettre leur examen parlementaire approfondi pour que prévalent l’Etat de droit et la démocratie, notamment lorsque les agissements des services de renseignement sont en cause.

Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent travailler à l’amélioration de la protection des donneurs d’alerte et renforcer les mécanismes qui permettent aux agences étatiques de rendre compte de leurs actes. Ils doivent aussi renforcer la lutte contre la corruption et les défaillances de gestion, quels que soient les secteurs. Je propose également que l’Assemblée adopte l’amendement 4, adopté ce matin par la commission, qui rappelle que l’asile doit être accordé dans le respect de la législation nationale.

LE PRÉSIDENT - M. Badea, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. JÓNASSON (Islande)* – Je remercie M. Omtzigt d’avoir plaidé sans relâche pour l’inscription de cette question très importante à notre ordre du jour. Nous devrons continuer d’en discuter jusqu’à ce que nous ayons modifié les législations et les comportements. Comme l’indique le projet de résolution, la priorité est la mise en place d’un cadre institutionnel approprié pour la protection des donneurs d’alerte. Nous devons créer un cadre normatif. Jusqu’à aujourd’hui, les donneurs d’alerte étaient présentés soit comme des victimes, soit comme des héros.

Nous voulons que tout cela soit normalisé, et que le lancement d’une alerte soit un acte démocratique à part entière.

Il faut remercier WikiLeaks et son fondateur Julian Assange qui, en raison des menaces des autorités américaines, a dû se réfugier dans une ambassade pendant trois ans; je demande instamment au parquet suédois d’y conduire les interrogatoires.

Aux Etats-Unis et ailleurs, des ressentiments se sont exprimés contre Edward Snowden. Pourtant nous avons tous été espionnés, et pas seulement les personnes soupçonnées de terrorisme. Loin de voir Edward Snowden comme un traître, nous lui sommes reconnaissants, comme devraient l’être, en lui offrant asile et sécurité, tous les pays attachés à la démocratie et aux libertés individuelles.

Je soutiens donc les propositions de M. Omtzig, et voterai contre les amendements.

LE PRÉSIDENT - La liste des orateurs est épuisée.

Comme nous avons un peu d’avance, si des collègues souhaitent intervenir, ils peuvent se manifester en levant la main.

Tel n’est pas le cas.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que deux scrutins sont en cours: l’un pour l’élection des juges de la CEDH, l’autre pour l’élection du ou de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe. Ces deux scrutins seront clos à 13 heures. Ils reprendront cet après-midi à 15h30 et seront clos à 17 heures. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Monsieur Omtzig, il vous reste cinq minutes pour répondre aux orateurs.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), rapporteur* – Merci, chers collègues, de vos interventions et de vos compliments.

Le rapport a suscité un important débat, qui a contribué à améliorer la proposition de résolution. Nous avons entendu plusieurs témoignages intéressants, notamment celui de l’ancien chef des services secrets allemands, qui a souligné que la protection des lanceurs d’alerte devait, sous une forme ou une autre, s’étendre jusqu’à ceux qui travaillent dans le domaine de la sécurité nationale.

Les lanceurs d’alerte ne doivent en effet pas être vus comme des héros ni comme des démons, Monsieur Jónasson, mais comme des gens normaux. En somme, le lancement d’alerte doit devenir la norme, comme c’est déjà le cas dans bon nombre d’organisations: il faut donc le favoriser dans celles qui sont encore défaillantes sur ce plan. On a évoqué des abus de la part de certains agents de police géorgiens, ainsi que l’affaire norvégienne. Nous avons, quoi qu’il en soit, besoin d’employés courageux pour révéler certains actes répréhensibles. Souvent, les lanceurs d’alerte perdent leur emploi et le taux de suicide est très élevé chez eux, car ils sont soumis à de terribles pressions.

Monsieur Nikoloski a évoqué les interceptions téléphoniques illicites en Macédoine. Cette pratique est très répandue. Placer sur écoute des personnes soupçonnées de terrorisme ou leur entourage est envisageable, mais l’affaire Snowden nous a révélé une tout autre réalité. Mme Merkel, qui fut placée sur écoute comme des milliers de parlementaires et de citoyens respectueux des lois, doit-elle être considérée comme une terroriste? Voilà les abus que nous voulons éviter pour ne pas tomber dans un Etat policier.

Il est vrai, Sir Roger Gale, que la Coupe du monde de football n’aurait peut-être pas été attribuée à la Russie si l’alerte avait été donnée plus tôt au sein de la FIFA; mais je pense aussi à ces personnes qui, depuis huit ans, se livrent à des investigations méticuleuses sur les pratiques de cette organisation.

Le lancement d’alerte n’affaiblira pas la lutte contre le terrorisme. Au printemps dernier, nous avons constaté que la NSA avait installé des accès au sein de l’ensemble des systèmes informatiques afin de contourner tous les systèmes de sécurité. Cela lui permet donc de tout pirater. Il est au moins à espérer que les services visés essaient de nous protéger par ces pratiques; mais elles sont également répandues au sein de pays dans lesquels nous n’avons aucune confiance: elles sont mises en œuvre par des agents étrangers et par des terroristes. Le lancement d’alerte nous aurait donc permis de mieux nous prémunir contre les attaques des terroristes.

Monsieur Le Borgn’ et Mme Kovács ont respectivement évoqué les législations adoptées en France et en Serbie. La législation a également été améliorée en Norvège. Il faut bien entendu s’en féliciter.

Il est parfois du devoir des lanceurs d’alerte d’intervenir, Monsieur Recordon, notamment lorsque des vies sont en jeu.

Madame Christoffersen a évoqué le cas de la Norvège, où un salarié sur quatre craint les représailles. Cela donne une idée de la situation des lanceurs d’alerte dans les pays moins démocratiques.

Je vous remercie de vos félicitations sur mon travail, qui s’est beaucoup appuyé sur celui qui a été effectué par d’autres en matière de systèmes de sécurité. Oui, des juges peuvent être délinquants – je n’en ai pas encore trouvé parmi les astronautes, mais peut-être en connaissez-vous… Reste qu’il faut bien trouver une solution pour révéler certains dysfonctionnements, y compris dans les services de renseignement, où 95 % des personnels font, j’en suis sûr, tout ce qu’ils peuvent pour nous protéger. Au reste, les cas de signalement concernent beaucoup d’autres domaines que le renseignement.

Vous avez aussi parlé, Madame Christoffersen, de l’anonymat, soulignant que nous ne pouvions agir que dans le respect du cadre juridique national: il était en effet essentiel de le rappeler.

Il faut également prendre en compte le sort de M. Magnitski.

Certains amendements ont été adoptés à une très faible majorité; je vous invite donc à les rejeter car ils affaibliraient un texte qui me semble équilibré.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le président de la commission, vous disposez de deux minutes.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je félicite à mon tour M. Omtzig pour son travail et pour l’enthousiasme avec lequel il a préparé ce rapport, texte important sur un sujet qui ne l’est pas moins.

Au cours des auditions organisées dans le cadre de ce rapport, j’ai été frappé par ce que ces donneurs d’alerte avaient fait. Ils avaient agi en pleine conscience, dans l’intérêt public et parfois même ils ont sauvé des gens. Et leur courage a eu des conséquences importantes dans leur vie privée, en termes économiques et de confort de vie.

Ces auditions ont permis de démontrer que les donneurs d’alerte aident la communauté et, par conséquent, qu’ils doivent être protégés. Or la protection qui leur est aujourd’hui accordée n’est pas suffisante, elle doit être améliorée. Notre Assemblée parlementaire joue un rôle positif en ce domaine.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel quatre amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions juridiques propose de considérer les amendements 1et 4, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – En l’absence d’objection, les amendements 1 et 4 sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 2.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Cet amendement vise à indiquer que les droits de l’homme s’appliquent à tous et pas uniquement aux donneurs d’alerte. Je rappelle que la commission a soutenu cet amendement.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), rapporteur* – Bien entendu, tout le monde doit bénéficier des droits de l’homme. Mais si, par exemple, un donneur d’alerte révèle un problème dans les aliments pour bébés, le droit à la vie peut être en conflit avec un autre droit de l’homme: le respect des affaires privées d’une entreprise. Je m’oppose donc à cet amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Je suis saisi de l’amendement 3.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Ce rapport ne porte pas sur M. Snowden, alors que le dernier paragraphe du projet de recommandation vise directement Edward Snowden. Nous souhaitons donc ajouter les mots suivants: «M. Edward Snowden doit se rendre aux tribunaux démocratiques des Etats-Unis».

M. OMTZIGT (Pays-Bas), rapporteur* – Je suis contre cet amendement, car il ne nous appartient pas de dire à M. Snowden ce qu’il doit faire. Dans le texte, nous indiquons qu’il doit pouvoir rentrer aux Etats-Unis par comparaître devant la justice, mais nous ne pouvons pas dire «qu’il doit se rendre». Et les juridictions américaines décideront si elles le poursuivent ou pas. Mes chers collègues, je vous invite instamment à rejeter cet amendement.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13791, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (88 voix pour, 7 voix contre et 10 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13791. Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (86 voix pour, 7 voix contre et 9 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Félicitations au rapporteur !

 Les scrutins pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme et pour l’élection du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe sont à présent clos; ils reprendront cet après-midi à 15 h 30 et seront clos à 17 heures.

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, conformément à l’ordre du jour de la présente partie de session.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 20.

SOMMAIRE

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme et Election du (de la) Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe

2. Discours de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies

Questions: Mme Durrieu, MM. Agramunt, Denemeç, Destexhe, Mme Kavvadia, MM. Schwabe, Bockel, Mmes Fataliyeva, Schou, MM. Díaz Tejera, Japaridze

3. Modification dans la composition des commissions

4. Améliorer la protection des donneurs d’alerte

Présentation par M. Omtzigt du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 13791)

Orateurs: MM. Nikoloski, Sir Roger Gale, Mmes Taktakishvili, Johnsson Fornarve, MM. Le Borgn’, Recordon, Mme Kovács, M. Karlsson, Mme Christoffersen, MM. Díaz Tejera, Kandelaki, Mme Haider, M. Jónasson

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des questions juridiques

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de recommandation

5. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/ Edgar Mayer

Luise AMTSBERG/ Frithjof Schmidt

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN/Ion Popa

Khadija ARIB/Pieter Omtzigt

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Gérard BAPT/Geneviève Gosselin-Fleury

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO

Deniz BAYKAL*

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Boriss Cilevičs

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Alessandro BRATTI/Eleonora Cimbro

Piet De BRUYN

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Helena Hatka

James CLAPPISON

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN*

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE*

Elvira DROBINSKI-WEIß/Mechthild Rawert

Daphné DUMERY/Petra De Sutter

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Eric Voruz

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA/Ľubomir Petrák

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ștefania GORGHIU/Viorel Riceard Badea

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/Jacques Bigot

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON/Monica Haider

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Hannes HANSO

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH*

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Kristin Ørmen Johnsen

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI/Jean-Claude Frécon

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ*

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH

Manana KOBAKHIDZE/Zviad Kvatchantiradze

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Matjaž Hanžek

Attila KORODI

Alev KORUN/Andreas Schieder

Rom KOSTŘICA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Julia KRONLID*

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Marek KRZĄKAŁA*

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK/Mariia Ionova

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT/Pascale Crozon

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON/Jacques Legendre

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACȘU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Andrzej Jaworski

Sandra OSBORNE/Paul Flynn

Tom PACKALÉN

José Ignacio PALACIOS/Jordi Xuclà

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA

Florin Costin PÂSLARU*

Waldemar PAWLAK*

Jaana PELKONEN

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA

Mailis REPS

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/ Luc Recordon

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN/Robert Neill

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Petras Gražulis

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI*

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Hans Fredrik Grøvan

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Birutė VĖSAITĖ

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN/Violeta Ivanov

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON/Jeffrey Donaldson

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER/Gabriela Heinrich

Morten WOLD

Bas van 't WOUT/Malik Azmani

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Svitlana Zalishchuk

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Rudy Salles

Emanuelis ZINGERIS/Egidijus Vareikis

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''*/Vladimir Gjorchev

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Royaume-Uni/Lord Richard Balfe

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Boriana ÅBERG

Christian BARILARO

Lotta JOHNSSON FORNARVE

Kerstin LUNDGREN

Chiora TAKTAKISHVILI

Bence TUZSON

Sinuhe WALLINHEIMO

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Jorge Iván VILLALOBOS SEÁÑEZ

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Miguel ROMO MEDINA

Aleida ALAVEZ RUIZ

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Arménie, de la Lettonie, du Luxembourg et de Monaco et au vote pour l’élection du / de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l’Europe

Pedro AGRAMUNT

Jean-Charles ALLAVENA

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN/Ion Popa

Khadija ARIB/Pieter Omtzigt

Volodymyr ARIEV

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Andris BĒRZINŠ/Boriss Cilevičs

Gülsün BİLGEHAN

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Alessandro BRATTI/Eleonora Cimbro

Piet De BRUYN

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Helena Hatka

James CLAPPISON

Paolo CORSINI

Celeste COSTANTINO

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Daphné DUMERY/Petra De Sutter

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Eric Voruz

Ute FINCKH-KRÄMER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA/Ľubomir Petrák

François GROSDIDIER/Jacques Bigot

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Hannes HANSO

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Oleksii HONCHARENKO

Arpine HOVHANNISYAN

Tadeusz IWIŃSKI

Gediminas JAKAVONIS

Anne KALMARI

Niklas KARLSSON

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Attila KORODI

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Athina KYRIAKIDOU

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT/Pascale Crozon

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

George LOUKAIDES

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Sir Alan MEALE

Jean-Claude MIGNON/Jacques Legendre

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ

Andrei NEGUTA

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Maciej ORZECHOWSKI/Andrzej Jaworski

José Ignacio PALACIOS/Jordi Xuclà

Liliana PALIHOVICI

Jaana PELKONEN

Cezar Florin PREDA

Gabino PUCHE

Carmen QUINTANILLA

Mailis REPS

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/ Luc Recordon

Aleksandar SENIĆ

Jim SHERIDAN/Robert Neill

Arturas SKARDŽIUS/Petras Gražulis

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Ionuț-Marian STROE

Lord John E. TOMLINSON

Dana VÁHALOVÁ

Stefaan VERCAMER

Birutė VĖSAITĖ

Vladimir VORONIN/Violeta Ivanov

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Piotr WACH

Robert WALTER

Katrin WERNER/Gabriela Heinrich

Bas van 't WOUT/Malik Azmani

Gisela WURM

Kristýna ZELIENKOVÁ

Marie-Jo ZIMMERMANN/Rudy Salles

Emanuelis ZINGERIS/Egidijus Vareikis

Naira ZOHRABYAN