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AS (2015) CR 25

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-cinquième séance

Jeudi 25 juin 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE - La séance est ouverte.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce matin le temps de parole des orateurs est limité à 3 minutes. Pour cet après-midi, compte tenu du temps dont nous disposerons, je vous propose de le porter à 4 minutes.

Il en est ainsi décidé.

LA PRÉSIDENTE – La parole est à Mme Ionova, pour un rappel au Règlement.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Je représente l’Ukraine et j’appartiens au Groupe du Parti populaire européen. Nous avons par erreur voté pour l’amendement 12 au projet de résolution contenu dans le Doc. 13800, relatif à l’examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie.

Merci de bien vouloir prendre en compte que mon vote était défavorable à cet amendement.

LA PRÉSIDENTE* - Nous prenons bonne note de cette rectification.

1. La nécessité d’une réponse européenne commune aux défis en matière de migration
Débat d’actualité

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat d’actualité sur «La nécessité d’une réponse européenne commune aux défis en matière de migration».

Monsieur Denemeç, premier orateur désigné par le Bureau, a accepté d’introduire ce débat d’actualité et disposera de 10 minutes.

(Poursuivant en anglais) Monsieur Denemeç, si nous vous avons demandé de présenter ce débat, c’est parce que nous nous sommes rendus ensemble la semaine dernière en Turquie, mais aussi parce que nous souhaitons continuer à travailler sur la question de l’immigration. C’est bien pourquoi nous abordons cette question ce matin.

Je remercie de tout cœur M. Denemeç et la délégation turque d’avoir organisé cette mission qui a été couronnée de succès. Je souhaite également remercier le ministère des Affaires étrangères ainsi que M. Mevlüt Çavuşoğlu, l’un de mes prédécesseurs à la présidence, pour la grande hospitalité qui nous a été réservée et pour le soutien apporté à cette mission remarquablement organisée.

Lors de l’intervention de M. Denemeç, nous diffuserons sur les écrans des images qui vous permettront de mieux saisir la portée de la mission que nous avons effectuée en Turquie. Je salue ici le travail accompli par le service de communication du Conseil de l’Europe et remercie tous ceux qui ont apporté leur pierre à l’édifice. C’est l’occasion pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas à nos côtés de mieux percevoir l’ampleur du phénomène et de mieux comprendre ces problèmes: au moins, pourrez-vous avoir une approche de la situation grâce à ces images. Nous, nous avons pu constater sur place ce qu’il en était.

Encore une fois, j’adresse nos plus vifs remerciements à la délégation turque ainsi qu’au service de communication du Conseil de l’Europe.

M. DENEMEÇ (Turquie)* – Chers collègues, je vous remercie de m’avoir confié la tâche d’ouvrir ce débat.

Dans son discours d’ouverture de cette partie de session, lundi matin, la Présidente Anne Brasseur, a déclaré que la vague migratoire à laquelle l’Europe est confrontée aujourd’hui n’est pas tant un défi qu’un phénomène. Elle a souligné que la différence entre ces deux termes est importante. En effet, on cherche à relever un défi une fois pour toutes, tandis que les migrations sont un phénomène qui ne disparaîtra pas.

Les migrations internationales peuvent être définies comme un instrument puissant permettant de lutter contre la pauvreté et de multiplier les possibilités à tous points de vue. Selon les estimations disponibles, il y a, à l’heure actuelle, quelque 250 millions de migrants à l’échelle de la planète. La plupart d’entre eux apportent des revenus importants à leur pays d’origine grâce à leur travail.

Les migrations internationales ont toujours existé, même si elles ont pris une nouvelle ampleur avec la mondialisation. Le défi principal est de savoir comment nous pouvons utiliser au mieux l’énergie et les compétences de ceux qui veulent migrer, comment en tirer le meilleur parti sur le marché du travail international, tout en étant respectueux des droits de l’homme et en nous assurant qu’ils deviennent bel et bien un atout et non un fardeau.

Nous avons discuté de cette question au sein de l’Assemblée parlementaire à de nombreuses reprises, sur la base de rapports préparés par la commission des migrations. Nous avons ainsi traité du droit des migrants, de la question de leur intégration et de leur accès aux prestations sociales. À l’heure actuelle, la commission travaille à l’élaboration d’un rapport important sur la démographie et les migrations, qui démontrera certainement dans quelle mesure les migrations sont, sur le long terme, un phénomène inévitable et porteur de grands bénéfices pour nos sociétés vieillissantes.

Les migrations, ce ne sont pas seulement des jeunes gens en quête d’une vie meilleure dans un autre pays: il y a certes des migrants volontaires, mais un très grand nombre de personnes ont été contraintes de quitter leur pays, qu’elles en aient été chassées par la guerre ou d’autres types de conflits armés, par l’instabilité, par des persécutions ou du fait de violations de leurs droits fondamentaux. Ces personnes sont des réfugiés et ont besoin d’une protection internationale, à laquelle ils ont d’ailleurs droit.

Il a fallu que 3 000 personnes désespérées meurent en mer Méditerranée pour que les dirigeants européens, poussés par l’opinion publique européenne, décident d’agir. Il faut également rappeler d’autres chiffres qui permettent de mieux se rendre compte de l’ampleur du problème. D’après les statistiques fournies par l’Union européenne, en 2014, ce sont 284 000 personnes qui ont été interceptées alors qu’elles essayaient d’entrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne; 25 % d’entre elles étaient d’origine syrienne.

Il n’est pas permis d’en douter: sauver des vies doit être une priorité absolue. À cet égard, il faut souligner avec satisfaction que, depuis le mois de mai, beaucoup a été fait pour éviter de nouvelles tragédies en haute mer. Cependant, sauver la vie de ceux qui sont partis, empêcher que d’autres soient victimes de la traite des êtres humains ne doit pas nous empêcher de nous préoccuper d’une autre question très importante, à savoir assurer la protection de ceux qui en ont besoin. Malheureusement, le problème des réfugiés ne va pas disparaître du simple fait que nous arriverons à éradiquer les migrations illégales.

Les pays européens, c’est une évidence, doivent faire preuve de plus de solidarité et assumer les responsabilités qui sont les leurs à l’égard des réfugiés. La responsabilité doit être partagée. Ici, au Conseil de l’Europe, nous incarnons la protection des droits de l’homme. Nous devons envoyer aux dirigeants européens un signal très clair: il faut qu’ils assument leurs responsabilités en la matière, il faut qu’ils fassent preuve de plus de solidarité pour ce qui est de l’accueil des réfugiés sur leur territoire et ils doivent aider les pays sur lesquels le fardeau pèse le plus.

Les représentants des Nations Unies ont déclaré que la guerre en Syrie a déclenché la pire crise humanitaire de notre temps. Cette crise a elle-même déclenché des vagues de migrations vers les pays voisins. Selon les estimations des Nations Unies, ce sont près de 4 millions de personnes qui ont essayé de trouver refuge dans les pays limitrophes. La Turquie est l’un de ces pays. Elle accueille à l’heure actuelle 2 millions de Syriens. Notre politique de porte ouverte à l’égard des Syriens se poursuit, sans aucune discrimination au motif de l’origine ethnique ou de la religion. Environ 260 000 Syriens sont hébergés dans 25 centres d’accueil temporaires situés dans 11 provinces de notre pays. Ils reçoivent des repas, peuvent accéder aux services de santé et à l’éducation, bénéficient d’un soutien psychologique, d’une formation professionnelle et se voient proposer des activités de toutes sortes. Ils peuvent se rendre à leur convenance dans tout lieu susceptible de les accueillir en Turquie. Outre cela, plus de 1,5 million de Syriens vivent en dehors de ces centres et bénéficient d’un régime de protection comprenant l’accès gratuit aux services de santé et d’éducation. Ils peuvent aussi se voir délivrer un permis de travail. Enfin, et ce n’est pas le moindre de nos efforts, la Turquie a continué à assurer une aide humanitaire dans les parties les plus septentrionales de la Syrie grâce aux opérations transfrontalières menées par les Nations Unies, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Nous parlons bien de centres de protection temporaire et non de centres de détention ou de rétention.

Nous avons dépensé plus de 6 milliards de dollars pour accueillir ces Syriens sur notre territoire. Or la contribution fournie par la communauté internationale n’est que de 393 millions de dollars, ce qui représente seulement 6 % du total et se situe bien en-deçà de ce que l’on pourrait attendre. Cette situation ne saurait perdurer. La charge financière qui pèse sur la Turquie du fait de la crise humanitaire croît jour après jour.

Madame Brasseur et une délégation composée de 26 membres de notre Assemblée venant de 22 pays différents ont eu la possibilité d’observer la situation sur le terrain, en Turquie, les 14 et 15 juin derniers. Ils se sont rendus dans trois centres d’accueil où un abri est proposé aux Syriens sous la forme de tentes ou de conteneurs. Ils ont eu la possibilité de rencontrer ces réfugiés, de voir de leurs propres yeux ce qu’il en est et de donner des visages à des chiffres abstraits.

En tant que membres de cette éminente Assemblée, notre première responsabilité est d’alléger la souffrance des personnes frappées par les rigueurs de la guerre. Une coopération accrue entre les Etats membres du Conseil de l’Europe constituerait une solution pérenne à ces défis. Encore une fois, la charge financière est énorme. La visite de la commission ad hoc représente un pas dans la bonne direction. J’espère qu’elle ouvrira la voie à une plus grande solidarité internationale, qui nous permettra de nous pencher sur la situation des réfugiés qui se trouvent dans la région et de mettre à disposition, par l’intermédiaire des Nations Unies, les actifs syriens qui ont été gelés. Cela nous permettrait de remédier, dans une certaine mesure, à ces difficultés, et de venir en aide à ceux qui ont quitté la Syrie.

Chers collègues, nous sommes tous tenus par le droit international que nous avons édicté. Accorder la protection aux migrants et aux réfugiés est notre responsabilité commune. Partager ce fardeau est non seulement une obligation juridique, mais une nécessité humanitaire. J’en appelle donc à vous pour que vous mobilisiez vos parlements et vos gouvernements nationaux pour faire en sorte que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe agissent, qu’ils revoient à la hausse leur contribution aux agences internationales d’aide humanitaire ainsi qu’aux pays voisins de la Syrie et qu’ils ouvrent leurs frontières pour faciliter la réinstallation des réfugiés. Cette tragédie humanitaire aura des répercussions très importantes sur l’Europe et sur le monde entier. Nous devons assumer ensemble cette responsabilité partagée. Je vous en prie, passez à l’acte: il ne suffit plus de parler.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons aux porte-parole des groupes politiques.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais insister sur le fait que nous sommes tous d’accord pour dire qu’une gigantesque tragédie humaine se déroule sous nos yeux et rien, dans mes propos, ne vise à nous détourner de cette vérité.

Je ne peux que compatir au sort de ces migrants, mais le fait est que nous devons agir. C’est notre responsabilité. Dans une certaine mesure, nous sommes d’ailleurs responsables de la situation par nos actes en Syrie, en Irak et en Libye. Nous avons réagi en offrant une assistance, mais il faut faire davantage. Inutile de se payer de mots en parlant de solidarité: il faut prendre des mesures concrètes pour interrompre cet afflux de migrants en Europe. Nos sociétés ne peuvent pas accueillir un si grand nombre de migrants et nos concitoyens exigent que nous agissions.

Le fait est qu’il s’agit d’une sorte de conspiration internationale ayant à sa tête des trafiquants aidés par des gens naïfs qui ne croient pas à l’existence des frontières. Or nous devons avoir des frontières, et des frontières sûres.

Parler en termes vagues de solidarité ne sert à rien. Plus nous laissons entrer de gens, plus nous aurons de candidats aux frontières, situation injuste pour eux comme pour nous. Des mesures très simples, si nous étions déterminés, nous permettraient de faire face à ces problèmes et de réduire ces facteurs d’appel.

Premièrement, il faut revenir aux conventions maritimes internationales. Si un migrant en partance est arrêté à 10 ou 15 milles des côtes libyennes, il est reconduit en Libye. Il est absurde, alors que des personnes encourent des risques majeurs pour traverser la mer Méditerranée, qu’elles sachent qu’elles seront emmenées en Italie si elles sont sauvées par un bateau. Il faut revenir aux principes humanitaires du droit de la mer: si nous sauvons des gens, il faut les ramener dans leur pays d’origine. Sans quoi nous créons un appel d’air.

Deuxièmement, il faut mettre en œuvre la Convention de Dublin, qui n’est pas appliquée. Elle stipule que le migrant doit revenir dans le pays d’entrée dans l’Union européenne. Seuls 3 % de ces gens font l’objet de ces mesures. Il faut les mettre en œuvre. Quant à la convention Eurodac, elle indique que, lorsqu’un migrant entre en Italie, il faut relever ses empreintes digitales. Nous pourrions penser qu’un migrant traumatisé resterait en Italie. Ce n’est pas le cas, ces gens-là veulent traverser le pays pour accéder à l’Allemagne, à la France, à la Grande-Bretagne ou à la Suède.

Il faut mettre en œuvre les pratiques du droit de la mer, la convention de Dublin et la convention Eurodac, ramener ces migrants dans leur pays d’origine, sinon, de plus en plus de gens se présenteront à nos frontières, et nos concitoyens estimeront que nous en portons la responsabilité.

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Une fiche du Haut-Commissariat des Nations pour les réfugiés (HCR) du mois de mai nous dit que la Turquie accueille environ 2 millions de réfugiés en provenance de Syrie. Le Liban en accueille environ 1,2 million, la Jordanie plus de 630 000.

Aujourd’hui, 16 millions de Syriens ont besoin d’aide humanitaire, les Nations-Unies demandent une aide financière de 2,9 milliards de dollars pour 2015. Elles n’ont levé que 20 % de cette somme à ce jour. Le monde est confronté à 60 millions de réfugiés. L’Afrique subsaharienne compte 20 pays en situation de conflit, plus de 300 millions de personnes migrent pour trouver un endroit où mieux vivre. Le phénomène des migrations et des réfugiés n’est plus un problème que l’on peut régler grâce à des politiques fondées sur le dévouement individuel ou sur l’engagement de tel ou tel pays. C’est un phénomène mondial, qui ne peut être géré que par nous tous, ensemble, au moyen d’une stratégie cohérente.

Une mission exploratoire a eu lieu en Turquie récemment. Nous étions 22 membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, aux côtés de notre Présidente, Anne Brasseur. Nous avons visité les centres d’accueil. Je voudrais remercier la Turquie pour l’effort énorme qu’elle a consenti pour faire face à cette situation incroyable et qui constitue un défi de taille. Elle a investi environ 6 milliards de dollars, et n’a reçu qu’environ 300 millions de dollars de la part de la communauté internationale.

Les réfugiés vivent en sécurité sur place, ils reçoivent de l’eau, des aliments, des médicaments, une aide psychologique, etc. Certes ils vivent dans des conteneurs et des tentes, mais ils vivent en sécurité. Il faut admettre que l’Europe laisse la Turquie à peu près seule face à ces défis. Nous devons en avoir honte.

L’Allemagne a accueilli 30 000 réfugiés syriens, la Suisse 5 200, la Suède 2 700, la France 2 400. La plupart d’entre nous encore moins: la Finlande a accueilli 850 réfugiés, la Pologne 100 et la Grande-Bretagne 90. Cette répartition inéquitable des responsabilités est un problème grave. Je sais que les pays de Schengen, comme la Grèce, l’Espagne ou l’Italie sont confrontés à des problèmes énormes en matière de réfugiés. La situation n’est pas en noir et blanc. Je respecte tous ces pays, car ils sont confrontés à une situation difficile. Mais je voudrais vous encourager à trouver une stratégie commune.

Au nom de mon groupe je vous demande de soutenir fortement la Turquie, je vous demande d’assurer une répartition équilibré du fardeau pour relever le défi.

M. VITSAS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Quand vous rentrerez chez vous, souvenez-vous que rien ne sépare les Grecs des autres ressortissants de l’Europe toute entière. Unissez vos voix pour une Europe qui appartienne aux peuples, une Europe de la solidarité, pas une Europe livrée aux spéculateurs et aux banquiers.

L’Europe forteresse nécessite une politique extrêmement coûteuse. Depuis l’an 2000, 1,6 milliard d’euros ont été dépensés en équipements de surveillance des frontières et en logiciels, 11,3 milliards pour les expulsions, 16 milliards, montant impressionnant, ont été payés aux trafiquants et aux passeurs. Quant au coût humain, il est d’au moins 30 000 vies humaines.

En tant qu’Européens, nous avons l’obligation et le devoir de prendre des initiatives diplomatiques, afin de résoudre de façon pacifique le conflit en Syrie, en Irak, et en Libye. Le plan de dix points, présenté après le sommet extraordinaire de l’Union européenne, avait pour objet de renforcer Frontex, qui ne peut pas faire grand-chose pour le sauvetage des migrants. Son mandat est exclusivement de contrôle des frontières, de surveillance et de dissuasion. L’Europe doit aujourd’hui choisir entre construire une forteresse autour de ses frontières, ce qui implique de laisser périr des milliers de personnes, ou garantir leur vie et un passage sûr, en démontrant une solidarité avec les pays qui sont soumis à la plus grande pression migratoire. Il est très important de soutenir les pays comme l’Italie et la Grèce en adoptant des mesures financées de solidarité, pour accueillir et installer ces personnes; ils ne peuvent pas seuls prendre en charge cette lourde tâche.

En Grèce les financements sont plus que nécessaires, ainsi qu’un programme de réinstallation des réfugiés. L’Europe doit également créer un mécanisme de réinstallation pour les pays de transit, comme la Turquie, la Libye et le Liban. 20 000 possibilités ont été offertes, ce n’est pas suffisant pour les millions de personnes qui attendent aujourd’hui un refuge.

S’ajoute le problème du retour dans les pays d’origine.

Je demande à l’Assemblée parlementaire d’inviter officiellement le commissaire européen responsable des migrations, pour qu’il nous informe sur les mesures que compte adopter l’Union européenne afin d’accueillir ces réfugiés.

Mme STRIK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe socialiste* – Le nombre de réfugiés dans le monde aujourd’hui est sans précédent. 60 millions de personnes ont été forcées de fuir leur foyer, la plupart deviennent des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. La grande majorité des gens qui quittent leur pays reste dans la région, en Turquie, en Jordanie ou au Liban, si l’on parle de la Syrie.

En outre, 5 % d’entre eux cherchent une protection dans d’autres pays.

Leur nombre actuel appelle une action humanitaire et politique sans précédent, fondée sur la solidarité avec les réfugiés et les personnes déplacées, mais aussi avec les régions qui accueillent le plus grand nombre d’entre eux. Le fait que les dirigeants européens ne parviennent pas à faire un petit pas vers plus de solidarité témoigne d’un manque de leadership en Europe. La manière dont les Européens tentent de garder les réfugiés aussi loin d’eux que possible est injuste moralement et ne permet pas d’aboutir à une solution.

Renforcer les contrôles aux frontières, ériger des murs et combattre la traite des êtres humains sera inutile aussi longtemps que l’on n’offrira pas aux réfugiés des moyens de déplacement sûrs et légaux. Aujourd’hui, ils ne peuvent obtenir un visa pour gagner un lieu où ils seraient en sécurité. Ils sont donc dépendants des trafiquants, lesquels, si l’on détruit leurs navires, trouveront d’ailleurs de nouveaux navires et de nouveaux itinéraires.

Que faire alors? Tout d’abord, nous devons mettre en place une opération de secours européenne en Méditerranée.

Ensuite, il faut prendre des mesures communes de réinstallation. Commençons peut-être par les 10 % de réfugiés syriens particulièrement vulnérables, les orphelins, les malades, les blessés, les personnes âgées et les minorités. Voilà qui soulagerait déjà la région et qui renforcerait les chances que les pays n’y ferment pas hermétiquement leurs frontières avec la Syrie. Nous devons renforcer notablement notre appui à cette région, sachant qu’il manque plus d’un milliard de dollars de financement. Les pays de transit doivent aussi recevoir notre appui sans condition plutôt que d’être incités à reprendre les migrants qui ont transité par eux.

Il faut, enfin, s’attaquer aux causes des conflits, à savoir des Etats déliquescents et la pauvreté.

Les responsables politiques peuvent avoir une influence s’agissant des migrants et des réfugiés. Si l’on décrit systématiquement les migrants comme des terroristes ou comme des gens qui veulent profiter du système, on suscite bien entendu la peur. En revanche, si l’on présente la situation d’ensemble et si on lance des appels à la solidarité, on encourage la société à se montrer accueillante. La Chancelière Merkel est un exemple éclatant à cet égard.

Si l’Union européenne n’agit pas, le Conseil de l’Europe doit intervenir davantage dans le domaine des migrations. Nous devons tirer parti, pour une coopération étroite entre les pays d’accueil et les pays de transit, du fait qu’ils sont tous réunis au sein de cette Organisation. Nous devons également appeler l’attention sur les flux migratoires qui croissent dans d’autres parties de l’Europe, comme les Balkans et l’Est de l’Europe, où les réfugiés sont de plus en plus victimes des milieux criminels.

Il y a donc beaucoup de choses à faire et je suis heureuse que le Conseil de l’Europe s’engage sur cette voie.

M. WACH (Pologne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – L’importance du sujet que nous abordons ce matin s’est déjà reflétée dans les nombreuses questions posées à M. Ban au début de la semaine, et la réunion de notre groupe consacrée aux défis en matière de migration l’a encore montrée avec un appel à davantage de solidarité.

Le problème est urgent pour les Etats du Sud de la Méditerranée. Au-delà des réfugiés en provenance d’Afrique du Nord, d’autres sont nombreux à arriver en Turquie depuis la Syrie. Rappelons-nous la visite de la délégation du Bureau de l’Assemblée dans plusieurs centres d’accueil du sud de la Turquie. Elle nous a permis de mesurer les problèmes auxquels est confronté ce pays, parmi lesquels l’acceptation sociale, sur place, des réfugiés. Mais comme nous avons pu le voir à Kilis et à Gaziantep, l’organisation des centres turcs est excellente.

Sur le plan juridique, la question de l’utilisation des actifs gelés de la Syrie a été suggérée afin d’aider la Turquie et les pays d’accueil. Nous devons réfléchir à cette proposition. Les membres du Groupe du Parti populaire européen en ont en tout cas appelé à davantage de solidarité. Il faut partager le fardeau entre Etats membres de manière équilibrée. Nous pensons qu’il faut sauver les réfugiés en mer sans poser aucune condition, mais nous pensons aussi qu’ils doivent ensuite être renvoyés sur la côte d’Afrique du Nord. C’est en effet la seule manière de limiter les afflux de réfugiés et de mettre un terme à l’action des passeurs.

Il est urgent de se mettre d’accord sur une approche équilibrée et important de contrôler les flux de réfugiés aux mains des passeurs. Mais à plus long terme, l’explosion démographique et le sous-développement des pays du Sud constituent d’autres problèmes que nous devrons, examiner au niveau de la communauté internationale.

M. CHAOUKI (Italie)* – Nous sommes en Italie habitués, depuis longtemps déjà, au spectacle de ces victimes qui perdent la vie en Méditerranée. Ces tragédies ont semblé, récemment, poussé enfin l’Union européenne à réagir. Pourtant, il semblerait que nous nous accoutumions à la discussion sur le nombre de réfugiés qui doivent être accueillis par nos pays. Une telle discussion est indigne de l’Union européenne. Nous négocions comme si nous parlions de produits et non d’êtres humains. Le risque pour l’Union européenne est de perdre l’esprit d’humanité qui a fait sa grandeur.

Que retiendra l’Histoire de la manière dont l’Europe a répondu au drame humain auquel nous assistons aujourd’hui en Syrie et en Irak, mais aussi dans des régions entières de l’Afrique? Notre Assemblée parlementaire doit à cet égard prendre aujourd’hui une initiative très forte. Le Conseil de l’Europe ne peut continuer à se taire ou à se contenter de publier des rapports ou des communiqués. Je vous invite tous à réfléchir ainsi aux raisons qui expliquent l’absence de tout processus de paix en Libye. Cela devrait être un sujet de réflexion pour notre Assemblée, laquelle pourrait contribuer à faire revenir la paix dans ce pays. Une telle réflexion est d’ailleurs l’objet d’une proposition que j’ai faite avec un grand nombre de collègues.

Il y a par ailleurs un risque bien réel de revenir, par des mesures de protection, à des approches du passé, qui ont eu un prix élevé. Nous devons en revenir aux valeurs humaines et refuser les systèmes fondés sur la détention, comme en Italie, en Grèce et à Malte. Si l’on veut aider la frontière sud de l’Europe, ce n’est pas en renforçant les forces de police en Méditerranée qu’on le fera, mais en investissant dans la coopération avec les pays concernés et, surtout, en agissant dans un esprit d’humanité. Malheureusement, l’Union européenne a perdu cet esprit ces dernières années concernant l’accueil des réfugiés.

Mme JOHNSEN (Norvège)* – Madame la Présidente, vous avez déclaré, dans votre intervention liminaire, que la situation des migrations en Europe à l’heure actuelle ne devait pas être perçue comme un défi mais comme un phénomène. Je suis d’accord avec vous: nous devons nous préparer à faire face à une situation qui va perdurer pendant des années, si ce n’est pendant une génération entière. La pression exercée sur les pays riverains de la Méditerranée comme l’Italie, l’Espagne, la Grèce et la Turquie, est immense.

Le nombre de réfugiés, en Italie, est estimé à près de 1 million. Nous sommes terrifiés de voir des bandes criminelles profiter de leur situation pour les embarquer sur des bateaux-cercueils surchargés. Ces bandes restent impunies; il faut donc agir.

Nous sommes conscients du fardeau porté par les pays riverains de la Méditerranée. La tenue d’un débat sur les migrations dans nos Parlements nationaux est donc essentielle. Le Parlement norvégien a organisé un tel débat: celui-ci a débouché, au terme d’une difficile négociation, sur un compromis entre les partis au pouvoir, c’est-à-dire les partis du centre et de la gauche. La Norvège devrait ainsi accueillir 2 000 Syriens cette année, puis 3 000 en 2016 et 3 000 encore en 2017. Aux termes de l’accord, une aide financière sera également proposée à la Syrie et aux pays limitrophes.

La Norvège contribue aussi à la force Triton, qui porte assistance aux personnes embarquées sur ces bateaux. La semaine dernière, 600 personnes ont ainsi pu être sauvées, mais 600 seulement à cause de l’état déplorable des bateaux.

Si nous pouvons tenter d’alléger le sort des réfugiés en Europe et envoyer des bateaux pour les sauver en mer, nous devons aussi nous attaquer aux causes profondes du phénomène, d’abord en engageant des poursuites contre ceux qui se livrent à la contrebande de migrants. L’Europe et la communauté internationale doivent passer à l’acte. Les Nations Unies, en particulier, devraient s’impliquer davantage: la migration, phénomène international, appelle des solutions internationales.

La situation des enfants dans les camps de réfugiés est déplorable. En Syrie, selon les estimations, 52 000 enseignants ont été portés disparus et 3 500 écoles ont été détruites par les bombardements. Pendant que nous cherchons des solutions, une génération entière risque ainsi d’être sacrifiée car, sans éducation, elle ne pourra se prendre en charge.

Une spirale de la pauvreté et de l’instabilité sociale s’est donc engagée dans la région. Or les jeunes sans espoir sont une cible facile pour les bandes criminelles qui les recrutent, en particulier pour les mouvements terroristes.

Nous sommes ici pour défendre les droits de l’homme. J’appelle donc les pays européens à se pencher sur la question des enfants et des jeunes.

Mme SANTERINI (Italie)* – L’opposition dans ce débat entre réalisme et solidarité n’a pas de pertinence: nous avons à être visionnaires et efficaces. C’est toujours la solidarité qui a fait avancer les Etats. Les solutions nationales, égoïstes, n’ont jamais été efficaces, sinon de façon éphémère.

Certains Etats voudraient fermer les frontières, niant ainsi l’idée européenne que nous chérissons. Nous n’avons pas à défendre tel ou tel pays en particulier; mais la fermeture des frontières nie l’idée d’une Europe ouverte, qui ne se retranche pas dans l’égoïsme. Il faut donc un agenda européen sur les migrations, et le Conseil devrait donner l’exemple à cet égard.

L’accueil des réfugiés pèse sur l’Union européenne, certes, mais aussi sur la Turquie et sur la Jordanie. Il faut déclencher une alarme sociale. Certains groupes jouent sur les peurs, montrant les réfugiés du doigt pour éviter de s’attaquer vraiment au problème du chômage. On ne peut nier l’urgence, mais certains chiffres sont éclairants.

Au niveau de l’Union européenne, le solde est équilibré entre entrées et sorties, entre demandes d’emploi et demandes d’asile. Il faut donc une réaction partagée: le système de Dublin doit être revu. Les efforts consentis jusqu’à présent ne suffisent pas, comme l’a souligné M. Nicoletti. L’approche doit être élargie dans le sens du regroupement familial. Se pose aussi la question des voies d’entrée humanitaires; à cet égard, le parrainage des ONG permettrait de réduire les migrations irrégulières. On pourrait aussi créer des bureaux dédiés aux migrations, de façon à éviter aux migrants qui ont quitté leur pays de connaître une tragédie en mer.

Ces problèmes mettent en jeu l’identité de l’Europe. Gardons-nous de revenir à une forteresse européenne: il faut coopérer davantage. C’est ainsi que, loin de l’affaiblir, nous renforcerons l’Europe.

M. ČERNOCH (République tchèque)* – La situation, en matière des migrations illégales, a atteint un point critique en France, en Italie ou en Autriche. Les racines du problème se situent néanmoins ailleurs: la migration illégale n’en est que la conséquence.

Les quotas ne sont pas une solution, car ils ne font que transférer les problèmes d’un pays à l’autre. Le nombre croissant de réfugiés économiques fait peser des menaces pour l’économie et même la santé des citoyens européens.

Nous avons en fait à répondre à deux questions: quels problèmes les centaines de milliers de migrants illégaux rencontrent-ils? Qu’allons-nous faire pour nous attaquer aux causes profondes de ces migrations? La réponse à la première question est plus simple, mais nous devons passer aux actes pour interrompre ces flux, d’abord en protégeant nos frontières.

Il nous faut détruire les bateaux des contrebandiers, éviter toute approche politique superficielle et lutter contre la criminalité organisée qui tient les rênes de la migration illégale. Il nous faut aussi faire en sorte que les migrants illégaux soient immédiatement reconduits chez eux. C’est ainsi que nous pourrons protéger, non seulement nos enfants et nos familles, mais aussi les migrants eux-mêmes en les empêchant de s’exposer aux périls d’un périple vers l’Europe. Nous devons nous attaquer aux sources de l’instabilité que connaissent leurs pays d’origine, que ce soit en Libye, en Irak ou en Syrie. Tirons les leçons du passé: les solutions ne sont pas plus faciles à trouver que rapides à mettre en œuvre.

Une distinction doit être établie entre les réfugiés et les migrants économiques. Il n’est pas réaliste de vouloir accueillir un nombre élevé de ces derniers: cela entraînerait l’effondrement des systèmes sociaux européens. Nous devons en revanche renforcer notre aide dans les camps de réfugiés et la rendre plus efficace. Il nous faut également nous tourner vers les pays du Golfe, au premier rang desquels l’Arabie saoudite. Si les minorités non musulmanes peuvent bénéficier de procédures d’asile, il ne faut pas ignorer le risque que certains réfugiés font peser sur la sécurité. Nous ne pouvons accueillir que les réfugiés qui pourront s’intégrer facilement dans nos pays.

Nous devons donc nous attaquer aux causes profondes de la migration, en commençant par contenir l’afflux massif de ces migrants en Europe.

Ces réfugiés se disent que l’Europe peut résister à leur arrivée, mais ce n’est pas le cas. Si nous n’agissons pas, des dizaines de milliers de migrants économiques arriveront en Europe; une Europe qui devra alors lutter pour sa survie. Nous devons protéger nos citoyens et travailler dans les pays d’origine de ces migrants.

Mme OHLSSON (Suède)* – S’agissant de l’action commune de l’Europe pour relever les défis en matière de migration, la chose la plus importante dans l’immédiat est d’empêcher que davantage de personnes ne perdent la vie. C’est la raison pour laquelle la Suède a envoyé un navire en Méditerranée. Il s’agit de sauver des vies, de fournir une assistance humanitaire, de garantir l’accès à des mesures de protection et de combattre les passeurs et les trafiquants sans scrupules.

C’est par milliers que des personnes prennent la mer dans des périples périlleux en quête d’un avenir meilleur pour elles-mêmes et leur famille. Mais l’essentiel est de combattre les causes profondes, à savoir la pauvreté, les inégalités dans l’accès aux ressources, la guerre, les conflits, les crises et les violations des droits de l’homme.

Un autre thème devrait être la priorité suprême: la solidarité, le partage des responsabilités. Un système commun d’asile doit être fondé sur la confiance, la durabilité. Il doit aussi être véritablement commun à tous. Malheureusement, dans la pratique, nous n’en sommes pas encore là.

La situation dans le monde d’aujourd’hui est extrêmement préoccupante. On n’a jamais vu autant de personnes fuir la guerre et les conflits depuis la Seconde Guerre mondiale. N’oublions pas que le nombre de demandeurs d’asile qui entrent en Europe a été multiplié par trois, ou peu s’en faut, depuis cinq ans. Étant donné la situation dans les régions voisines de l’Europe, il semble inévitable que ce nombre continue à augmenter.

À l’évidence, les pays voisins de la Syrie ne peuvent pas seuls assumer la responsabilité d’accueillir tous les réfugiés. Ils sont totalement surchargés. Nous devons donc absolument élaborer une politique européenne de solidarité, aussi bien entre nous qu’à l’égard des personnes qui ont besoin de protection. Et cette solidarité doit également s’exprimer à l’égard des pays tiers, des pays proches de ces conflits qui, souvent, sont ceux qui assument le fardeau le plus lourd.

Aujourd’hui, la crise fait rage au Moyen-Orient et dans des parties de la Corne de l’Afrique. Mais qui nous dit que demain une crise n’éclatera pas ailleurs, et qui sait, peut-être à nos portes? N’oublions pas notre propre histoire: plusieurs pays européens, dont le mien, ont par le passé accueilli des milliers de personnes qui avaient besoin de protection à l’égard d’autres pays européens. L’histoire ne manque pas d’excellents exemples de mesures rapides et de partage des responsabilités. N’oublions pas non plus que la mobilité des personnes entre les pays peut apporter des effets très positifs en termes de croissance, de développement et d’échanges culturels.

Responsabilité et solidarité vont de pair.

M. EßL (Autriche)* – La situation est dramatique. Des millions de personnes sont en fuite, et s’il y a des crises en Europe, la crise majeure se déroule en Syrie. Je comprends les gens qui veulent fuir les situations dangereuses, mais il faut s’en tenir au fait et se demander si tous ces gens doivent vraiment quitter leur foyer. Parce qu’en Europe, il se peut que nous soyons submergés sous peu.

Bien entendu, nous voulons protéger toutes les personnes dont la vie est menacée. Mais l’Europe est déjà submergée, et elle le sera encore davantage si nous voulons accueillir tous ceux qui souhaitent se rendre sur notre continent. Nous ne pouvons pas accueillir tous ces réfugiés économiques. Nous avons besoin de règles, car la paix et le bien-être existent dans des régions qui, alors, pourraient connaître un sort difficile.

Deux tiers des réfugiés sont repoussés, simplement parce qu’ils ne peuvent pas étayer leur demande d’asile. Nous devrions pouvoir créer dans les pays d’origine des instances intermédiaires, et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou l’Onu pourraient constater le besoin de protection ou procéder à des évaluations négatives. En fait, nous devrions faire en sorte que personne n’ait besoin de fuir son pays.

Il faut également lutter contre les passeurs, ces criminels qui réalisent des profits juteux tout en mettant en péril la vie des gens de manière délibérée.

Nous devons avant tout aider les gens chez eux, pour qu’ils aient envie d’y rester. Ensuite, ceux qui ont besoin de protection parce que leur vie est menacée doivent faire preuve de notre solidarité, sachant qu’au sein de l’Union européenne, dix pays accueillent 90 % des demandeurs d’asile. Enfin, ceux qui ne peuvent pas étayer leur demande d’asile doivent faire l’objet d’un renvoi rapide.

M. DI STEFANO (Italie)* – Je voudrais, mes chers collègues, vous exhorter à ne pas nous laisser entraîner dans cet argument un peu ridicule qui est aujourd’hui présenté. Nous savons bien que le problème, ce ne sont pas les quotas d’admission des demandeurs d’asile; le vrai problème est l’accueil. Comment accueillir un nombre énorme de migrants qui arrivent sur nos côtes?

Je vous donnerai quelques chiffres livrés par Angelo Trovato, le président de la Commission nationale italienne pour le droit d’asile en Italie. D’abord, en 2014, sur les 150 000 personnes qui ont débarqué en Italie, seuls 60 000 ont demandé l’asile, ce qui signifie que la très grande majorité des personnes qui arrivent en Italie n’ont pas la moindre intention d’être «dublinées» – pour faire allusion aux Accords de Dublin – mais visent un autre pays. Ensuite, seuls 53 % des demandeurs d’asile en obtiennent le statut.

Il faut donc analyser les choses d’un point de vue différent. Il faut bien entendu combattre les causes des migrations. Si nous pensons pouvoir fermer les frontières ou combattre les migrations par les armes, alors c’est la fin de la démocratie en Europe. D’autant que bien souvent nous sommes responsables de ces migrations. Quand la France a fermé la frontière entre avec l’Italie à Vintimille, j’avais envie de demander au gouvernement français s’il avait pensé, quand il a bombardé la Libye et causé la fuite de milliers de personnes, à ces migrants futurs? Après avoir pris leur pétrole, on leur laisse maintenant les barques tout en voulant fermer les frontières. Il faut savoir prendre ses responsabilités! L’Europe a connu un échec total dans la gestion de l’Afrique et, aujourd’hui, elle veut se débarrasser des migrants.

Autre élément essentiel: la division dans les politiques d’accueil. Il faut gérer la situation avant les demandes d’asile, pour éviter que, comme aujourd’hui, seuls cinq pays se chargent de ces demandes d’asile. Les migrants pourraient ainsi choisir dans quel pays ils veulent se rendre – par affinité linguistique, par exemple –, avec la perspective d’un regroupement familial

Nous sommes tous préoccupés par le fait que des pays bloquent des frontières et que d’autres, comme la Hongrie, veulent sortir des Accords de Dublin.

Il est craindre que, demain, des pays sortent de la Convention européenne des droits de l’homme et ne participent plus du tout sur le plan économique. La communauté européenne est une communauté des banques et non des peuples. Elle va dans le mur. A bon entendeur, salut!

Mme GUZENINA (Finlande)* – L’ancien Premier ministre finlandais, Alexander Stubb, aujourd’hui ministre des Finances, a, dans sa grande sagesse, déclaré hier que lorsque des milliers de personnes meurent en mer Méditerranée, peu importe ce que pense l’un des partis finlandais au pouvoir: le partage des responsabilités doit intervenir au niveau de l’Europe tout entière. M. Stubb a adressé ses mots à ses partenaires de la coalition gouvernementale – son parti, devenu le deuxième plus important en Finlande, est en effet entré au gouvernement. M. Stubb est conservateur, je suis pour ma part sociale-démocrate. Son parti est au gouvernement, le mien ne l’est pas. Mais au moins dans mon pays notre approche des droits de l’homme est-elle identique. Je suis donc bien triste de voir qu’à l’heure actuelle cette question ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement finlandais.

L’extrême droite gagne du terrain partout en Europe, mais elle ne représente pas le point de vue de l’ensemble de nos concitoyens. Si nous devions réunir l’ensemble des électeurs européens, nous constaterions que la majorité a voté en faveur de partis qui agissent de façon responsable et respectueuse de leurs engagements internationaux et des normes en matière de protection des droits de l’homme. Ces droits doivent être respectés, quels que soient les partis au pouvoir, cela notamment dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Appartenir à cette grande Organisation s’accompagne d’obligations, qui doivent être honorées.

Les pays de l’Union européenne cherchent des solutions pour régler la tragédie en Méditerranée et pour assumer leurs responsabilités. La date butoir a été fixée à la fin du mois de juillet. Aussi, je vous appelle, chers collègues, à exercer des pressions sur vos gouvernements respectifs afin qu’ils fassent preuve de sens commun. L’Europe ne saurait tourner le dos à ces réfugiés qui tentent de sauver leur vie.

À l’occasion de son allocution dans cette enceinte, mardi dernier, M. Ban a déclaré que la pauvreté et une mauvaise gestion des finances publiques génèrent des conflits et le départ de millions de personnes de leur pays qui risquent leur vie pour trouver refuge sur des terres plus sûres. Le Secrétaire général nous a d’ailleurs lancé un défi: l’Europe doit assurer la protection des droits de ces personnes qui fuient les conflits, la persécution, une pauvreté endémique et le chômage.

Chers parlementaires qui représentez ici tant de pays, agissons ensemble afin d’éviter davantage encore de pertes de vies humaines.

LA PRÉSIDENTE*– Monsieur Herkel, je suis très heureuse de vous souhaiter la bienvenue dans cette Assemblée.

M. HERKEL (Estonie)* – Merci, Madame la Présidente, pour vos paroles aimables.

Monsieur Denemeç, je vous suis reconnaissant d’avoir ouvert ce débat qui arrive à point nommé puisque l’Union européenne débat actuellement de cette question cruciale.

L’Estonie se situe dans la partie nordique de l’Europe et le phénomène de migration est pour nous nouveau, car notre pays n’était pas la destination favorite des migrants à la recherche d’une vie meilleure en Europe. Mais les conditions économiques de l’Estonie s’améliorant, le problème se pose aujourd’hui également à notre pays. Bien entendu, nous avons en mémoire les déportations de masse, les réfugiés sur la côte suédoise et les migrations massives au cours de la période soviétique. Mais notre petite nation éprouve des craintes, car elle se demande comment elle va survivre.

Je comprends à quel point la question est difficile à gérer pour l’Italie, Malte et pour la Turquie qui endosse une responsabilité considérable et rencontre de nombreuses difficultés, d’autant qu’elle connaît la guerre à ses frontières. Il convient de faire preuve de solidarité, de coopérer dans le cadre de Frontex et d’autres structures, et de lutter contre les origines du phénomène.

Pour ce qui est des quotas, ils devraient être proportionnels à la taille de notre population ainsi qu’à nos capacités économiques. La solidarité doit se fonder sur la volonté des pays et ne pas être imposée, faute de quoi des mouvements d’extrême droite se développeront dans les pays, dont on perçoit déjà, malheureusement, les prémices.

Il est par ailleurs nécessaire d’établir une distinction entre les migrants économiques et les véritables réfugiés et de s’attaquer au trafic des migrants et à ceux qui tirent profit des tragédies humaines.

M. ROUQUET (France) – Je salue M. Denemeç. Pour revenir de Turquie avec la commission ad hoc du Bureau, j’ai pu constater les efforts qu’il déploie avec son pays pour accueillir au mieux les réfugiés syriens.

La situation dramatique des migrants en Méditerranée constitue un défi pour toute l’Europe. Jamais un mouvement aussi global, issu d’autant de foyers de crise différents, n’avait été observé. Cette voie migratoire est devenue la plus dangereuse au monde pour les migrants. Face à cette crise sans précédent, une réponse d’ensemble européenne doit être trouvée.

Nous ne devons pas oublier que c’est en donnant à ces jeunes un avenir dans leur pays que nous relèverons le défi migratoire car nombre de ces migrants ne fuient pas seulement des conflits, mais aussi la pauvreté. Le directeur de Frontex rappelait qu’un passage en Europe coûtait entre 5 000 et 7 000 euros, une somme considérable que des villages financent pour leurs jeunes en espérant un retour sur investissement.

Le renforcement de la coopération et de l’aide au développement, auquel mon pays est très attaché, est donc essentiel. J’espère que la conférence internationale sur le développement qui aura lieu en juillet en Éthiopie ira dans ce sens et que toute l’Europe prendra toute sa part dans ce processus.

Mais l’argent en jeu dans ces migrations implique que la lutte contre les trafiquants et les filières d’immigration clandestine devienne la priorité absolue. Sur ce point, l’impossibilité de travailler avec la Libye constitue un véritable problème car la plupart des bateaux cercueils partent des côtes de ce pays sans Etat.

L’opération lancée par l’Union européenne cette semaine en Méditerranée est une initiative qu’il convient de saluer et qui doit être intensifiée pour faire face à ces réseaux organisés, d’autant que certains seraient déjà contrôlés par l’Etat islamique qui y voit encore un moyen de s’enrichir.

Cette réponse d’ensemble devra aussi comprendre un volet humanitaire. L’Europe doit faire preuve de solidarité car, même si les règles de l’espace Schengen doivent s’appliquer, la charge pour les pays du front est devenue trop lourde et crée des conditions difficiles pour les migrants et les régions qui les accueillent.

Il faudra trouver des solutions viables, en tenant compte des difficultés financières et sociales de chacun, de l’effort déjà consenti par certains Etats en matière d’accueil de réfugiés. Ce n’est pas facile, je le concède, surtout à un moment où la montée de l’extrémisme et de la stigmatisation de l’ «étranger» touchent nos pays.

Pourtant, combien d’entre nous, de nos concitoyens sont enfants ou petits-enfants de réfugiés ou de migrants? Les dictatures, la pauvreté, les guerres et les génocides parfois ont conduit des Européens à quitter leur pays, et encore aujourd’hui en Ukraine.

L’Europe porte des valeurs, des idéaux. S’enfermer derrière un mur serait, au regard de notre histoire commune, une renonciation et, osons le dire, une honte.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je tiens tout d’abord à vous remercier, Madame la Présidente, de votre déclaration très vigoureuse du début de notre partie de session. Vous avez lancé un message parfaitement clair: l’Europe doit assumer ses responsabilités. Le respect de la dignité humaine est une valeur fondamentale et universelle. La solidarité avec les plus faibles est de notre responsabilité en tant qu’êtres humains.

Une autre collègue, Mme Strik, nous a présenté plusieurs rapports nous prévenant de cette tragédie. Je tiens à cet égard à évoquer ce navire dans lequel 63 migrants ont perdu la vie. Nous avions été choqués à l’époque: visiblement cela n’a pas suffi car le nombre de victimes n’a cessé de croître.

Le programme de sauvetage italien Mare Nostrum a été réduit parce que les autres pays européens n’étaient pas prêts à en partager le coût. Dans le même temps, la guerre civile en Syrie et la brutalité du groupe dit Etat islamique ont conduit à l’une des plus graves crises humanitaires depuis la Seconde Guerre mondiale: des millions de réfugiés et de personnes déplacées.

La nécessité d’une action commune de toute l’Europe pour relever le défi des migrations saute aux yeux. Malheureusement, la volonté politique n’est pas toujours au rendez-vous. Au mois d’avril, après que des centaines de personnes eurent perdu la vie en mer, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a déclaré que l’absence d’une politique européenne de migration a transformé la mer Méditerranée en un gigantesque tombeau – au lieu d’une politique unie sur les migrations, nous avons affaire à un puzzle de 28 politiques nationales. Il a lancé un appel à une politique commune de l’Europe, dans un esprit de la solidarité pour une répartition équitable des responsabilités. Il n’est pas juste de laisser les pays riverains de la Méditerranée faire face seuls. Quant aux conséquences de la guerre en Syrie, elles pèsent lourdement sur le Liban et la Jordanie.

Le Gouvernement norvégien a été aussi réticent que les autres à accroître ses efforts. Je suis donc très heureuse que notre parlement ait décidé de faire face à ses responsabilités. Un navire norvégien patrouille désormais en Méditerranée. La semaine dernière, un accord entre l’ensemble des parties a permis d’accueillir 8 000 réfugiés supplémentaires et d’augmenter l’aide humanitaire. Ce n’est pas énorme, compte tenu de l’immensité des besoins et je n’ai pas l’intention de vanter les mérites de mon pays. Je tiens seulement à rappeler que nous portons tous une responsabilité en tant que parlementaires lorsque les gouvernements ne font pas leur devoir.

Mme DOBEŠOVÁ (République tchèque)* – La République tchèque n’est pas une destination directe pour un grand nombre de migrants en provenance de Syrie ou d’autres pays où prévaut l’instabilité politique: toutefois, voilà plusieurs années que nous aidons les Syriens et tous ceux qui ont besoin d’aide. De 2012 à 2014, le Gouvernement tchèque et nos concitoyens ont apporté une aide humanitaire, financière et matérielle d’une valeur de 120 millions de couronnes tchèques.

En janvier 2015, notre gouvernement a adopté un programme d’aide aux réfugiés dans leurs régions d’origine: 100 millions de couronnes seront consacrées annuellement à ce programme. Nous souhaitons notamment aider au développement des infrastructures du camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie. La République tchèque apporte également son aide dans le cadre du programme Medical Evacuation (MedEvac), dont l’objectif est de soigner les enfants gravement malades qui viennent de zones frappées par la guerre ou d’autres régions défavorisées et qui ne peuvent être traités dans leurs régions d’origine. Nous estimons que le coût total de la mise en œuvre de ce programme s’élèvera pour la seule année 2015 à 50 millions de couronnes. Nos médecins sauvent ainsi la vie d’enfants réfugiés syriens en Jordanie. En 2014, quelque 1 000 personnes ont déposé une demande d’asile auprès de la République tchèque: 400 d’entre elles se le sont vu octroyer.

En matière de migration, nous faisons également face à de grands défis. De nombreux immigrants arrivent désormais d’Ukraine. Depuis le début du conflit au commencement de l’année dernière, les flux de migrants et de demandeurs d’asile en provenance de ce pays et arrivant en République tchèque n’ont cessé de croître. Si l’Ukraine s’effondrait du fait de la guerre ou du chaos économique qui y règne, nous serions prêts à accueillir des milliers de ressortissants de ce pays. Nous sommes également prêts à accueillir les Tchèques qui vivent en Ukraine dans la région de Volyn. À l’heure actuelle, près d’un demi-million de ressortissants étrangers vivent dans notre petit pays.

Je rejette l’idée de quotas obligatoires de réfugiés, émise par la Commission européenne car il s’agit d’une solution inefficace.

Nous devons aider les zones d’où proviennent les réfugiés. Une telle solution aurait une incidence très positive sur les pressions migratoires s’exerçant à l’avenir sur l’Union européenne car elle permettrait d’accorder une protection et de bonnes conditions de vie à des réfugiés qui ne perdraient plus le contact avec leur patrie d’origine et n’auraient plus à prendre le risque de s’aventurer dans un périple exténuant vers l’Europe.

Ce qui est le plus important, toutefois, est de mettre un terme à la guerre qui fait rage en Syrie, en Libye et en Irak, et de garantir un avenir et une vie digne aux habitants de ces pays. Accueillir des réfugiés en Europe ne peut être qu’une solution temporaire. Nous devons les aider à trouver des solutions politiques permettant d’instaurer la paix dans leurs pays d’origine.

En tant que décideurs politiques, nous sommes responsables de nos concitoyens, des citoyens européens et des demandeurs d’asile. Toutefois, nous ne pouvons accueillir ces derniers que dans la mesure où nous pouvons les intégrer dans nos sociétés et leur garantir une vie dans de bonnes conditions.

Mme MITCHELL (Irlande)* – Je suis très heureuse de prendre la parole pour renforcer autant que faire se peut l’appel à une réponse européenne commune aux défis en matière de migration.

J’ai participé aux côtés d’autres collègues à la délégation qui s’est rendue dans les camps situés à la frontière turque. J’ai pu voir de mes yeux le travail héroïque et l’investissement du Gouvernement turc qui offre un sanctuaire et une protection aux réfugiés syriens.

Je suis assurément d’accord pour reconnaître qu’il faut s’attaquer à la source même de ce phénomène qui se trouve dans les pays de départ. Il n’en reste pas moins qu’officiellement 2 millions de réfugiés sont présents en Turquie et que leur nombre est en réalité beaucoup plus important. Il ne cesse d’en arriver. Les camps sont bien équipés et bien gérés et répondent autant qu’il est possible aux besoins des réfugiés qui ont tout quitté et qui se sont livrés à la merci de leur voisin, la Turquie, comme d’autres l’ont fait au Liban et en Jordanie.

Nous étions pleins d’admiration pour l’effort déployé par la Turquie tout en ressentant une grande honte en tant que représentants de la communauté internationale. Nous avions honte de notre propre complaisance et de notre indifférence. Nous avions honte d’avoir abandonné le seul pays qui, pour un coût de 6 milliards de dollars, accueille volontairement sur son territoire sans réserve et avec beaucoup de générosité ceux qui fuient la guerre en Syrie.

Nous savons pertinemment que ce que nous avons vu dans les camps n’est qu’une fraction de ce qui se passe réellement. Les camps accueillent un quart de million de réfugiés, mais deux autres millions ont été absorbés dans les villes et les villages de toute la Turquie. Dans beaucoup de cas, les réfugiés y sont plus nombreux que la population indigène: cette situation n’est pas sans exercer une forte pression sur les services locaux et la population locale.

Il a été dit que cette situation n’était pas supportable. C’est bien plus que cela: c’est un baril de poudre, qui explosera si la communauté internationale ne vient pas en aide aux pays qui subissent la plus forte pression migratoire.

Je ne suis pas assez naïve pour penser que nous devrions tous ouvrir nos portes aussi largement que l’a fait la Turquie, même si je pense nous pourrions sûrement les ouvrir un peu plus face à cette terrible guerre. Mais nous pourrions au moins partager la charge financière avec les pays qui sont en première ligne. Il est impensable que les citoyens, et souvent les habitants les plus pauvres des villes et des villages turcs, en paient le prix dans sa totalité.

Ce débat doit être un appel à nous réveiller tous et à prendre conscience de l’impact déstabilisateur des migrations croissantes. À moins qu’un effort international considérable soit engagé dès maintenant pour aider les réfugiés actuels à redémarrer leur vie, à se former, à trouver un emploi et un logement, il est inévitable que nous assistions à plus de radicalisation et de terrorisme. Le potentiel déstabilisateur de la situation est considérable, pas seulement en Turquie mais partout.

La migration a des implications à long terme dans tous les pays. Elle a d’ailleurs déjà conduit à un changement de gouvernement dans le nord de l’Europe. Si nous n’agissons pas tous ensemble au nom de la solidarité internationale, agissons au moins pour défendre nos propres intérêts.

Mme TZAKRI (Grèce)* – La politique migratoire européenne se trouve confrontée à plusieurs défis.

Premièrement, nous devons faire face aux flux migratoires illégaux – et donc, à une dimension extérieure – mais aussi aux besoins de solidarité entre les pays membres afin d’affronter ensemble ce phénomène – donc, à une dimension intérieure.

Les priorités de l’Union européenne énoncées dans le Programme de Stockholm 2010-2014, ainsi que les Lignes d’orientation stratégique 2015-2019 nous montrent qu’il s’agit surtout de contrôler les frontières.

Nous attendons la mise en œuvre du mécanisme Frontières intelligentes qui, grâce à la technologie, devrait faciliter le passage des voyageurs de bonne foi et faire face à la migration, illégale. La priorité de l’Union européenne est donc de surveiller les frontières. Cela est une compétence exclusive des pays membres, et si la charge incombe aux pays situés aux extrémités de l’Union européenne, elle doit aussi être partagée par tous les pays de l’Union européenne.

Aujourd’hui, l’immigration clandestine n’est vraiment pas prise en charge de façon efficace. Si les pays qui se trouvent en première ligne sont, bien évidemment, favorables à un mécanisme plus équitable de réinstallation, ceux qui ne trouvent pas en première ligne ont au contraire exprimé leur refus.

Il ne s’agit pas d’un problème uniquement moral. La seule solution efficace est de comprendre que la question dépasse les frontières nationales.

Aujourd’hui, la politique européenne peut se résumer à cette formule: «Prenez ces fonds, et faites face au phénomène.» Mais il ne s’agit pas seulement de fonds, même si l’on peut considérer que le contrôle aux frontières des Etats-Unis – qui ont dépensé 24 milliards de dollars en 2014 à cet effet alors que le budget de Frontex ne dépasse pas les 89 millions d’euros - est efficace.

L’Europe fait face à un monde qui divise les peuples entre les privilégiés et les non privilégiés, et ne rien faire a un coût, qui se compte en vies humaines. L’Europe doit être aujourd’hui un abri face à un monde qui divise les peuples. Elle doit vraiment continuer à être une promesse pour le XXIe siècle.

M. SÁEZ (Espagne)* – La pression migratoire qui s’exerce sur le bassin méditerranéen n’est pas nouvelle. La situation s’est aggravée pour deux raisons.

La première, très importante, est la baisse de l’aide au développement destinée aux pays d’origine de la migration, qui a accru le nombre de personnes qui fuient leurs foyers pour trouver une vie meilleure. À cet égard, je citerai la politique conduite par l’Espagne, en 2006, qui a permis de fermer des couloirs de migration passant par les Iles Canaries, grâce à la signature d’accords avec la Mauritanie, le Maroc et le Nigeria. Nous avons vraiment travaillé sur les politiques de développement.

La seconde raison est la violence engendrée par l’apparition de Daech et par les événements intervenus en Libye, en Irak et ailleurs, et qui ont déclenché la fuite massive de personnes en quête d’un havre de sécurité. Le sauvetage de celles-ci est une priorité absolue. Des ressources doivent être mobilisées, mais nous devons aussi nous pencher plus avant sur la situation de ces réfugiés. Il faut qu’il y ait une démonstration de solidarité et un partage des responsabilités.

Je l’ai constaté avec stupeur dans mon pays mais aussi dans d’autres, certains pensent pouvoir alléger leurs responsabilités au moment d’accueillir équitablement les réfugiés ou les demandeurs d’asile, tandis que d’autres pays, dont certains sont membres du Conseil de l’Europe, font montre, comme la Turquie et la Suède, d’une solidarité exceptionnelle qu’il faut souligner.

Quelle doit être la réponse de l’Europe? Je vous propose une réponse en cinq mesures.

Première mesure, l’Europe doit renforcer la coopération avec les pays d’origine et les pays de transit pour avoir une approche globale de ce phénomène migratoire qui vise l’Union européenne, et une politique coordonnée d’asile. Nous devons trouver des partenaires stratégiques dans les cadres actuels, en vue de mettre en œuvre des actions conjointes qui nous permettront de lutter contre les réseaux criminels. Nous devons également renforcer nos capacités de protection et d’asile pour les réfugiés qui sont le long de ces couloirs de migration. Il faut aussi que nous placions sous protection internationale certaines catégories de réfugiés. C’est là que doivent intervenir les instances des Nations Unies, comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés.

Deuxième mesure, l’Union européenne doit proposer des programmes humanitaires et des programmes de réinstallation en Europe et prévoir également des quotas de distribution équitables. Il conviendrait également d’élaborer au sein des pays européens des voies légales, juridiques, facilitant le regroupement familial, et pouvant s’appuyer sur l’intervention de structures privées. Et il faut également offrir des possibilités d’emploi.

Troisième mesure, un sommet de l’Union européenne et de l’Afrique pourrait être organisé, qui compterait avec la participation de tous les pays africains touchés au premier chef par cette migration. Ce sommet permettrait de traiter la lutte contre la criminalité organisée et le trafic mais également de garantir l’accès à la protection et au droit d’asile. De façon plus générale, ce sommet se pencherait sur les causes profondes de la migration que sont la pauvreté, les conflits, la persécution.

Quatrième mesure, l’Union européenne devrait mettre en place la conception d’une nouvelle politique de voisinage orientée vers le sud. Des accords devraient être passés afin d’assurer la protection des droits de l’homme et la sécurité individuelle des personnes qui se trouvent dans les pays du bassin méditerranéen.

Cinquième mesure, il faut renforcer la coopération avec les gouvernements des pays d’origine. À cet égard, il importe d’abonder les fonds qui vont à la coopération et au développement. Des programmes de création d’emplois, de renforcement institutionnel, de lutte contre la corruption et de développement de l’Etat de droit doivent également être mis en place.

M. PARVIAINEN (Finlande)* – La migration est une question qui suscite des débats enflammés et alimente la controverse, et nous devons répondre aux préoccupations de nos concitoyens, que celles-ci soient fondées sur des faits ou non, dans le respect des droits de l’homme.

Les droits de l’homme des migrants ne peuvent être respectés que si ces derniers sont parfaitement intégrés dans les sociétés d’accueil. Toutefois, l’intégration et l’inclusion ont un coût et exigent d’affronter des questions très concrètes: l’apprentissage de la langue, l’éducation, l’accès aux structures d’accueil pour les enfants afin que leurs parents puissent travailler.

À mon avis, l’intégration est l’un des domaines dans lesquels le consensus est possible. Nous devons le rechercher, quelle que soit notre idée de la migration en général. Ces réponses à la migration requièrent non seulement une volonté politique mais aussi des moyens.

Sur le long terme cependant, les résultats dépendront beaucoup de la façon dont nous répartissons nos efforts. Si nous consacrons toutes nos ressources à resserrer les contrôles aux frontières, à la limite en passant par un recours à la force militaire, il ne nous restera rien pour favoriser l’intégration.

Le contrôle aux frontières ne sera jamais parfait. Il y aura toujours des personnes qui parviendront à entrer dans nos pays. Je le répète, l’intégration de ces personnes n’est pas gratuite. Elle a un coût, mais elle est déterminante, non seulement pour le bien-être des migrants mais aussi pour les effets à long terme sur nos économies et sur les finances publiques.

Pour réagir à la crise actuelle, il faut recourir à toute une panoplie d’outils différents, car il n’y a pas, en la matière, de panacée ou de recette magique. Nous devons concevoir divers outils complémentaires.

Premièrement, les pays d’origine et de transit doivent être aidés, par exemple pour des questions telles que la possibilité de travailler dans les camps de réfugiés. C’est là une possibilité de coopérer non seulement entre nos gouvernements, mais également entre le secteur public et le secteur privé. Deuxièmement, il convient de coopérer pour renforcer la démocratie et les droits de l’homme également à l’extérieur de nos frontières, pour contribuer à réduire les risques de crises futures. Troisièmement, il faut créer des itinéraires légaux de migration.

Outre les efforts qu’elle accomplit pour combattre les causes profondes des migrations, l’Europe doit trouver les moyens de partager la responsabilité en ce qui concerne les personnes qui réussissent à prendre pied sur notre continent. En effet, l’Europe en tirera au final un grand bénéficie, du fait des possibilités qu’ouvriront les migrations: une Europe dotée d’une politique globale face aux migrations fera de celles-ci non seulement un défi, mais aussi un atout. Toutefois, comme la plupart des choses, les possibilités qui s’offrent ont un coût. À cet égard, il est urgent de prendre des décisions et de trouver des ressources. Je lance donc un appel à chacun de nos collègues: portez ce message dans les différentes capitales.

Mme KALMARI (Finlande)* – Il est certes très bien de tenir un débat mais, aujourd’hui même, des milliers de personnes sont obligées de fuir leur foyer en laissant derrière elles tous leurs biens, tout ce qu’elles aiment. Ces personnes qui fuient la violence doivent trouver refuge ailleurs. Beaucoup laissent derrière elles les membres de leur famille, sans savoir quand elles les reverront, ni même si elles les reverront un jour. Elles sont obligées d’abandonner leur métier, leur moyen de subsistance, leur entreprise.

L’Union européenne a adopté des mesures dont le but est d’améliorer la situation. L’accent est mis sur la lutte contre les causes des migrations illégales en provenance des pays non membres de l’Union européenne. Il s’agit également de démanteler les réseaux de trafic et de traite et de faciliter le retour des migrants. Ces mesures sont positives, comme tout ce qui est fait pour améliorer les conditions économiques et l’emploi sur l’ensemble du continent africain.

Mardi, Ban Ki-moon, s’exprimant ici même, a demandé au Conseil de l’Europe de définir une réponse européenne commune au défi que constituent les migrations. Étant nouvelle au sein de cette Assemblée, je me demande si le Conseil de l’Europe ne pourrait pas jouer un rôle plus important pour résoudre le problème, car j’ai bien compris que c’est ici que les droits de l’homme peuvent progresser. Je pense en particulier aux enfants ayant perdu leurs parents. Je suis également préoccupée par la situation des jeunes femmes, dont beaucoup sont victimes de la traite des êtres humains et de la prostitution. On ne peut que se poser la question suivante: comment envisagerions-nous le problème si la victime était notre propre fille?

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Ce matin encore, l’organisation que l’on appelle «Etat islamique» a assassiné 12 personnes dans la ville de Kobané. Or ce groupe se finance grâce à la vente de pétrole. Je pose donc la question aux parlementaires qui sont réunis ici: dans la mesure où ce pétrole est vendu aux grandes entreprises pétrolières de nos pays, est-ce que nous, parlementaires, nous ne pourrions pas appeler à un boycott de ces grandes entreprises qui profitent d’un pétrole à un prix bien plus accessible? Ne s’agit-il pas, en effet, d’une forme de collaboration avec l’Etat islamique? N’est-ce pas là l’une des causes des flux migratoires dont nous parlons?

La première chose à faire est évidemment de dire merci aux citoyens de Turquie, qui ont déboursé 6 milliards de dollars. Car il y a ceux qui parlent encore et encore, et il y a ceux qui se retroussent les manches toujours plus haut. Ceux qui travaillent sans relâche se voient évidemment conférer beaucoup plus d’autorité morale que ceux qui ne font que parler dans le vide.

En outre, le phénomène que nous connaissons actuellement a, en réalité, accompagné toute l’histoire de l’humanité: les migrations ont existé, existent et continueront à exister, car l’être humain souhaite par-dessus tout assurer sa survie. Tous, ici, nous ferions la même chose que les migrants si nous étions à leur place.

Il ne faut pas succomber à l’idéologie néfaste qui propage la peur d’autrui. Nous, Européens, avons besoin de toutes ces personnes qui viennent vers nous, car notre continent vieillit à toute vitesse et il est bien possible que nos fils et nos filles ne puissent percevoir de retraite parce que plus personne ne travaillera et ne cotisera au système de sécurité sociale.

Certes, il faut agir de façon organisée, structurée. Le droit doit toujours triompher, et non les crimes perpétrés par les passeurs et ceux qui se livrent à la traite des êtres humains. Je propose que, d’une façon générale, les organisations internationales, si souvent mises en cause du fait de leur inefficacité, se mobilisent.

Dans nos pays, les électeurs nous désignent comme représentants. Or, très souvent, ils ont peur. Nous devons donc naviguer entre, d’un côté, le discours de la peur et, de l’autre, le discours de l’espoir. L’espoir doit prendre le dessus dans les pays d’origine, mais nous ne devons pas, de notre côté, succomber à la peur avant qu’il y parvienne, et nous devons contribuer à bâtir cet espoir. Cela exige en effet – je me tourne vers mon compatriote Alex Sáez – de nouvelles politiques de développement et une nouvelle approche du phénomène. Ainsi, nous serons à la hauteur de ce qu’exige de nous aujourd’hui l’espèce humaine, à laquelle nous appartenons tous. Les uns ne valent pas plus que les autres.

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Je suis très reconnaissante à la Turquie pour la visite que nous avons faite sur place. Cela a ouvert les yeux d’un grand nombre de parlementaires de cette Assemblée.

Les conflits armés, les guerres religieuses et le changement climatique sont autant de causes de l’accroissement des flux migratoires et de l’arrivée d’un très grand nombre de réfugiés – le plus grand afflux depuis la Seconde Guerre mondiale. Force est de reconnaître que l’Europe est confrontée à une crise des migrations. C’est une question qui crée des scissions et des tensions au sein de nos sociétés. C’est une menace pour les gouvernements et, de fait, il est difficile pour les responsables politiques de traiter cette question. C’est également un terreau fertile pour les partis populistes.

La Turquie offre un exemple remarquable de la manière de faire face à un afflux de réfugiés. Elle mérite une plus grande solidarité, un plus grand soutien financier de la part de l’Union européenne. Il faut relever que ce pays est une sorte de zone tampon entre la zone contrôlée par le groupe dit «Etat islamique» et l’Europe.

En Ukraine également, les conflits ont entraîné le déplacement de 3 millions de personnes ayant fui les régions de Donetsk et de Lougansk. Ces personnes, elles aussi, ont tout perdu – leur foyer et leurs moyens d’existence. Malheureusement, elles n’ont toujours pas le statut de réfugiés.

Je m’interroge: les responsables politiques d’Europe et du monde entier ont-ils failli à leur tâche dans ces conflits? Pourquoi nos politiques en matière d’intégration, de changement climatique, de planification familiale et de santé génésique ont-elles échoué?

Il faut en revenir aux racines du problème. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour rétablir la paix dans les zones de conflit.

Nous devons offrir davantage de perspectives de vie meilleure dans les pays d’origine des migrants. Nous devons aussi faire preuve de davantage de solidarité. En Méditerranée, des jeunes hommes, des jeunes femmes et des enfants se noient. Cela ne doit pas être un symbole de l’indifférence et de l’égoïsme de l’Europe.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Le rapport le dit très clairement, il s’agit avant tout d’un problème humanitaire. La presse populiste essaie de montrer les migrants du doigt, et les présente comme un nuage de sauterelles qui s’abat sur nos rives. Non! Il s’agit d’hommes et de femmes tout à fait normaux, confrontés à des problèmes terribles, qui pour certains d’entre eux fuient la guerre civile qui fait rage en Syrie. D’autres fuient les régimes autoritaires qui sévissent au Soudan ou en Érythrée. D’autre encore tentent d’échapper aux effets du changement climatique: je pense à ceux qui viennent du Sahel. La majorité de ces hommes et de ces femmes sont des gens ordinaires, qui veulent seulement améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs enfants. Ils ont les mêmes aspirations que nous.

Mais la dure réalité est celle-ci: nous, en Europe, nous ne pouvons pratiquer une politique des portes ouvertes, nous ne pouvons accueillir tous ceux qui souhaiteraient venir ici. Les Etats-Unis ont connu ce phénomène lorsque le Sud exerçait une poussée vers le Nord. Il voyait des lumières qui scintillaient à l’horizon, des possibilités de carrière et de travail, et souhaite ainsi se rendre aux Etats-Unis. Nous connaissons, dans notre cas, une situation similaire.

Je souhaite souligner deux problèmes. Le rapport se montre tout à fait réaliste, et indique les mesures à prendre en amont. Bien des facteurs doivent entrer en ligne de compte. Ils ne disparaîtront pas du jour au lendemain et s’inscrivent sur la durée, telles les inégalités contre lesquelles il nous faut lutter. Quelle que soit l’aide que nous devons apporter à ces pays – et il faut en apporter – quelle que soient les mesures de renforcement des capacités qui sont lancées, quelle que soit l’ouverture de nos marchés à leurs produits agricoles, les différences économiques et sociales entre ces pays et les nôtres sont telles qu’elles sont amenées à perdurer.

La poussée qui vient des pays du Sahel, et qui est due à la désertification, ne va pas cesser non plus. Qui pense ici que les problèmes qui affligent ceux qui fuient la Syrie et l’Irak peuvent être réglés dans un avenir proche? Pensez-vous que la situation qui prévaut en Érythrée ou dans d’autres pays va être réglée du jour au lendemain? Ces facteurs, qui entrent dans l’équation, s’inscrivent sur le long terme: gardons-le à l’esprit.

Que se passe-t-il en aval? Il faut que nous reprenions les suggestions contenues dans le rapport, tout en comprenant qu’elles ne sont pas la solution du problème, parce que les gens sont animés du plus grand désespoir, et de la plus grande capacité à changer d’avis. Il est très difficile de s’attaquer à ce problème. Nous pouvons détruire des bateaux, cela pose cependant une multitude de problèmes juridiques; la Russie pourrait opposer un veto au niveau des Nations Unies. Nous pouvons nous attaquer à ceux qui se livrent à cette traite des êtres humains. Nous pourrions essayer de démanteler certains réseaux, et essayer de faire le distinguo entre les demandeurs d’asile et les autres, mais les problèmes vont perdurer. La conclusion s’impose: il s’agit d’un problème de portée internationale, et, oui, européenne, qui exige coordination et solidarité. Mais franchement, il y a peu de réserves de solidarité à l’heure actuelle!

Mme LUNDGREN (Suède)* – Merci à vous, chers collègues de la Turquie, de l’Allemagne, de l’Italie, de tous nos pays, qui apportent une aide humanitaire. Le 20 juin nous célébrons la Journée des réfugiés. Or l’année dernière, beaucoup plus de personnes ont fui leur foyer que par le passé: 60 millions de personnes, chiffre record d’après M. Ban! Et la plupart d’entre eux ne frappent pas à notre porte. Ils vont dans des pays qui sont parmi les plus pauvres de la planète.

Lorsque l’Union européenne s’est ouverte à de nouveaux membres, de nombreux débats ont eu lieu sur le soi-disant tourisme social. La Suède et moi-même avons lutté, au nom de l’égalité, pour le droit de se déplacer. J’espère que nous nous en souviendrons aujourd’hui.

Rappelons-nous les paroles de M. Ban sur l’ADN humain, qui conduit à rechercher une vie meilleure pour nos enfants. Nous savons pertinemment que nous devrions faire la même chose. Aucun d’entre nous n’est en situation illégale. Nous sommes tous des humains. Nous sommes libres. Nous avons le droit de fuir, et nous ne devrions pas limiter ce droit. Les leçons de l’Histoire sont là: ayons une Europe ouverte, trouvons une solution au problème chez nous, mais ne le faisons pas au détriment de ceux qui fuient pour une vie meilleure, ou simplement pour sauver leur vie. Ne prenons pas les armes sur le sol européen contre les réfugiés.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je remercie la Turquie pour tout ce qu’elle fait. Je suis moi-même allé sur place dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. J’ai pu voir plusieurs camps en Jordanie et en Turquie.

Si l’Europe accueillait tous ces gens comme le fait la Turquie, nous n’aurions pas ce débat aujourd’hui. Si nous assurons la sécurité des passagers, nous arracherons les migrants des mains des passeurs. Si nous parvenons à accueillir dignement les réfugiés, nous en finirons avec cette question des passeurs. En tant que touriste, je vais à Kos, en Turquie, pour 10 euros. Un migrant qui s’enfuit paie 3 000 euros!

Mme Lundgren l’a dit à l’instant: nous ne devrions pas opérer de distinguos, qui d’ailleurs sont souvent illégaux entre les migrants en situation régulière et ceux qui sont en situation irrégulière. M. Zapatero a dit un jour, de façon très claire, que tous ceux qui sont chez lui, dans son pays, sont des légaux. Arrêtons de parler de réfugiés économiques! D’où viendraient-ils? De Syrie, d’Irak, d’Érythrée?

Non, ce sont des personnes qui ont fui dans l’espoir d’une vie plus sûre. Actuellement, c’est un fait, 200 000 personnes sont en route vers la mer Méditerranée. Il faut un à trois ans pour organiser une fuite, et une fois parties, les personnes ne peuvent plus faire marche arrière. Nous avons besoin de centres d’accueil sûrs à Tamanrasset et à Khartoum.

On dit qu’il faut plus de solidarité et pas de quotas, mais la Suède a accueilli 100 000 personnes. Peut-être faut-il aussi nous interroger sur notre solidarité à son égard. N’oublions pas que nous avons besoin de 30 millions de personnes en Europe. Nous devons à tout le moins avoir un débat positif sur cette question.

Mme MILADINOVIĆ (Serbie)* – Les raisons pour lesquelles les individus choisissent de migrer sont diverses et complexes. Les flux de migration dont nous sommes témoins supposent un travail de coordination de la part des autorités compétentes. Définir des catégories de migrants n’est pas aisé. Leurs parcours et leurs situations sont très différents. Les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils se déplacent sont telles que ces migrants présentent un risque accru d’être victimes de trafics et de traites. Les Balkans de l’ouest sont une zone de transit très importante. La République de Serbie se trouve sur l’un des couloirs de transit qui conduisent les migrants des pays d’Afrique et d’Asie vers les pays de l’Europe occidentale. La plupart des migrants de la Serbie sont passés par la Macédoine et la Hongrie. La perméabilité des frontières turques et grecques a un impact négatif sur la Serbie. Le passage illégal de la frontière entre la Macédoine et la Serbie s’est maintenu au cours des dernières années. Depuis 2015, plus de 28 000 personnes, pour la plupart en provenance de Syrie, ont exprimé leur intention de demander l’asile à la Serbie.

L’arrivée incontrôlée de ressortissants étrangers et l’absence de mécanismes européens adéquats ont déclenché une réaction de la Hongrie, qui a annoncé la construction d’une clôture de 174 kilomètres tout au long de la frontière avec la Serbie. Hier, celle-ci a pris l’initiative de lancer une conférence régionale dont l’objectif est de trouver une solution commune à ce problème. Les défis en matière de migration doivent être traités dans le cadre d’une démarche officielle, intensifiée et coordonnée entre les Etats. Le Conseil de l’Europe peut apporter son aide mais ne saurait seul trouver la solution au problème. L’Union européenne doit intervenir, au même titre que les Nations Unies, puisque certains migrants sont ressortissants de pays qui ne se trouvent pas sur le continent européen. Il est possible d’identifier les causes de ce phénomène, mais le Conseil de l’Europe ne peut y répondre. Ce débat d’une brûlante actualité exige des efforts concertés et l’intervention de toutes les institutions pertinentes. Des politiques spécifiques doivent être conçues et mises en œuvre.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre)* – La situation dont nous débattons aujourd’hui nous touche tous. J’aimerais concentrer mon intervention sur la lutte contre les racines des migrations, le partage des responsabilités et la capacité des instruments existants à intégrer l’arrivée massive des migrants en Europe. Les migrants continuent actuellement de fuir leur pays d’origine du fait de la guerre et des conditions économiques difficiles de leur pays d’origine. Si nous voulons interrompre les flux migratoires, ces personnes doivent se sentir en sécurité chez elles. La situation dramatique de la Syrie et du Moyen-Orient explique à elle seule les flux migratoires.

Les mécanismes déployés à l’heure actuelle par la communauté internationale et par l’Union européenne ne sont pas satisfaisants, sans parler des ressources mobilisées. Nous ne sommes pas animés du désir réel de mettre fin à ce phénomène. Nous devons avoir une action concertée pour lutter contre les causes profondes des migrations dans les pays d’origine, en Afrique et au Moyen-Orient. Cela suppose une réflexion approfondie et la mise en place de voies d’accès étroitement surveillées pour les réfugiés qui nécessitent une aide humanitaire urgente.

Nous devons nous assurer que lorsque nous accordons l’asile et l’entrée sur nos territoires, nous le faisons correctement, en tenant compte de la diversité culturelle, du parcours, des inhibitions sociales et des aspirations des migrants. Nous ne devons pas créer des ghettos au sein de nos sociétés. Nous souhaitons consolider le caractère multiculturel de nos sociétés et renforcer le tissu social des communautés migrantes qui arrivent en Europe, ce qui passe par la reconnaissance de leur protection en matière de droits de l’homme. Cette reconnaissance est tout aussi importante que celle de nos propres libertés.

Je voudrais enfin insister sur l’importance de partager les responsabilités. Malheureusement, les pays de l’Union européenne n’ont pas accepté ce partage. Si la solidarité doit prévaloir dans les relations entre nos gouvernements, alors il faut dire clairement que certains pays consacrent beaucoup plus de ressources que d’autres aux flux migratoires. Il faut assurer une distribution des ressources et des responsabilités plus équitable. Ce doit être la pierre angulaire de nos actions concertées.

M. DIVINA (Italie)* – Nous entendons de belles paroles dans cet hémicycle, mais nous n’abordons pas le vrai problème. L’Italie fait face à un phénomène migratoire sans précédent et la présence de migrants au-delà d’un certain seuil crée des tensions inévitables. Les personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté se sentent menacées par l’arrivée de réfugiés. Il y a aussi un sentiment d’agression culturelle étant donné l’origine des réfugiés, ce qui peut donner lieu à des réactions incontrôlables.

L’Italie n’en peut plus! Vos pays doivent le comprendre. Elle est arrivée au bout de ses limites et l’Europe fait semblant de ne rien voir. Ici même, M. Ban Ki-moon nous a bercé de belles paroles. On parle de solidarité, mais où est-elle, cette solidarité? L’Italie est coupée de l’Europe par la frontière naturelle des Alpes. L’Autriche, la Suisse et la France, prenant prétexte des Accords de Dublin et d’autres normes internationales, nous renvoient les réfugiés qui réussissent à les traverser, sous prétexte de certaines normes internationales.

De fait, la solidarité européenne n’existe pas.

Peut-on aborder le problème de façon sérieuse, sans démagogie ni belles paroles? L’Italie est à la croisée des chemins. Elle n’a pas les moyens de régler le problème seule. Nous pourrions accorder aux réfugiés un permis de séjour qui leur permettrait de voyager dans l’Europe entière, mais cela ne ferait que déplacer le problème.

Le Niger, semble-t-il, envisage la création d’un vaste système d’accueil. Il faut en effet savoir que 10 % seulement des personnes qui arrivent jusque dans nos pays obtiennent le droit d’asile; les autres sont les «migrants économiques», que nous ne pouvons tous accueillir. L’Italie est en crise, L’Europe est en crise: nous n’avons donc pas de réponse. En Afrique, 100 000 enfants naissent tous les jours. Pouvons-nous régler tous les problèmes de ce continent? Non, bien entendu. Bref, il est temps d’affronter la question des migrants sérieusement et sans démagogie.

Mme KRONLID (Suède)* – L’Europe et le monde entier sont confrontés à une série de crises très graves. Les rapports qui nous ont été transmis récemment par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, révèlent que 60 millions de personnes dans le monde fuient, entre autres, les conflits et l’oppression. En Syrie, 4 millions de personnes ont dû fuir, dont la moitié sont des enfants ayant subi, pour beaucoup d’entre eux, des traumatismes graves.

Les actes atroces, que je n’hésiterai pas à qualifier de génocidaires, perpétrés en Irak par l’organisation terroriste Etat islamique ont contraint 2 millions de personnes à quitter leur foyer.

Face à une telle catastrophe, face à des besoins humanitaires aussi considérables à l’épicentre de la crise, l’Europe semble empêtrée dans un débat qui se limite à l’aide qu’elle pourrait apporter aux personnes, somme toute relativement peu nombreuses, qui sont parvenues à atteindre ses rives. Nous pourrions aider bien plus de gens en réfléchissant à des actions dans les pays d’origine.

Nous n’avons pas non plus donné la priorité à des voies juridiques qui permettraient aux réfugiés de trouver un second foyer, au cas où il leur serait impossible de demeurer à proximité de la zone de conflit. Du fait de cette inaction, des passeurs sans pitié exploitent le désespoir pour servir leurs sinistres desseins, mettant ainsi des vies en péril.

Nous sommes témoins d’une catastrophe humanitaire, dont je reconnais bien volontiers qu’elle est difficile à gérer. Je ferai néanmoins quelques suggestions. En premier lieu, l’Europe dans son ensemble doit apporter une aide humanitaire généreuse afin d’aider le HCR. Des pays tels que la Jordanie, le Liban et la Turquie ou des zones telles que la partie kurde de l’Irak ont fait preuve d’une grande responsabilité en accueillant de nombreux réfugiés. Il est d’une importance vitale que l’Europe vienne en aide à ces régions, qui ont, de leur côté, été très généreuses.

Nous devons aussi indiquer clairement aux membres des réseaux criminels que leurs actes sont répréhensibles et tombent sous le coup du droit pénal. Une aide matérielle doit aussi être apportée au HCR afin que les réfugiés, qui se tournent vers lui, y trouvent un soutien immédiat: cela leur évitera de tomber aux mains d’hommes sans pitié.

Une politique pérenne d’accueil des réfugiés suppose donc une aide aussi large et efficace que possible; elle suppose aussi que nous orientions notre aide vers les plus vulnérables.

LA PRÉSIDENTE* – Je remercie tous les orateurs, en particulier M. Denemeç qui nous a exposé le sujet.

Je me suis rendue en Turquie avec des représentants des délégations nationales: nous entendions nous informer des efforts consentis par ce pays pour soulager les réfugiés, avant de revenir, riches de cette expérience, devant nos Parlements nationaux pour y susciter un débat et convaincre l’opinion publique et les instances gouvernementales de la nécessité de la solidarité.

Dans quelques minutes je réunirai les présidents des délégations nationales et les parlementaires qui m’ont accompagnée en Turquie. Je leur transmettrai un message et relaierai des arguments, de façon qu’ils puissent susciter ce débat dans les 47 Etats membres. Nous sommes tous responsables. Le maire de Kilis, ville turque située à la frontière syrienne, nous a dit que les délégations internationales se succèdent dans sa ville sans que rien ne change. J’ai donc exprimé le vœu fervent que nous puissions changer la donne.

2. Attribution d’une récompense au film The Lake

LA PRÉSIDENTE* – C’est avec grand plaisir que je vous informe que le court-métrage de l’Assemblée, Le Lac – The Lake –, qui encourage les jeunes à parler des abus sexuels et qui a été réalisé dans le cadre de la campagne «UN sur CINQ», s’est vu décerner l’un des prix CARE 2015 de l’Association européenne des agences de communication. Ces prix prestigieux sont habituellement attribués à de grandes agences de communication pour récompenser leur excellence dans le domaine du marketing social.

L’organisateur a qualifié notre campagne de «percée remarquable» pour une organisation internationale. À ce jour, environ 6 millions de personnes ont vu ce film sur l’une des chaînes de télévision européennes, et près de 1,2 million d’autres sur internet.

Je tiens à féliciter l’équipe à laquelle nous devons ce succès, et je vous invite maintenant à regarder le film, afin qu’il soit diffusé le plus largement possible. Son message est au cœur de notre mission de protection de l’enfance.

Projection du film.

LA PRÉSIDENTE* – Le prix que le Conseil de l’Europe a reçu pour ce court-métrage doit nous rappeler que nous devons absolument protéger nos enfants. Je félicite l’équipe dont le film a été couronné de succès. Poursuivons notre lutte pour la protection des enfants, ils en ont vraiment besoin.

3. Débat libre

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons donc à notre débat libre. Je vais inviter les orateurs inscrits à s’exprimer sur le sujet de leur choix. Je rappelle que les sujets d’intervention ne doivent pas être au nombre de ceux figurant à l’ordre du jour de la présente partie de session. Je vous rappelle également que le temps de parole des orateurs est de 3 minutes.

Dans un souci de clarté du débat, je demanderai à chaque orateur de commercer en mentionnant le sujet sur lequel il souhaite s’exprimer.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – J’interviendrai sur le besoin d’assurer une plus grande protection des droits des minorités – je pense notamment aux droits des minorités religieuses.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme s’est penchée sur la possibilité de créer un statut de rapporteur général en charge de la liberté de religion au sein de notre Assemblée. La commission établit des rapports sur différents thèmes: la liberté de médias, la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, etc. Un rapporteur général en charge de la liberté de religion se pencherait sur le besoin de mieux protéger le droit des minorités religieuses et le droit à la liberté de religion.

Pourquoi pensons-nous que ce sujet est plus important aujourd’hui qu’il ne l’était hier? Parce que si nous sommes toujours confrontés à d’anciens défis, nous devons faire face à d’autres, sous de nouvelles formes. Nous savons tous qu’il faut lutter contre le terrorisme, notamment contre l’Etat islamique, mais nous devons également prendre en compte la discrimination dont souffrent les musulmans en Europe. Nous devons lutter contre le terrorisme et protéger les victimes, sans stigmatiser les communautés musulmanes.

Les défis qui se posent à nous soulèvent la question des sensibilités religieuses. Certains décideurs politiques multiplient les discours sur ce sujet pour exercer sur les opinions publiques une influence allant dans le sens de la discrimination. Nous pouvons également voir parfois des alliances forgées entre un gouvernement et les religions les plus représentées au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe. Dans bien des cas, il y a un manque de protection des droits des organisations religieuses et des minorités religieuses.

Ce débat est aujourd’hui pertinent, notamment parce qu’un pays, au sein de notre Organisation, n’hésite pas à mener une propagande pour influencer sur les politiques des autres pays. Une propagande anti-Occident. Il va jusqu’à dire que les ONG qui protègent les minorités religieuses sont des agents étrangers qui remettent en cause les principes de la souveraineté nationale et les valeurs traditionnelles des Églises majoritaires.

M. Kox, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

Mme ANAGNOSTOPOULOU (Grèce), porte-parole du Groupe de la gauche unitaire européenne* – Je parlerai des droits de l’homme. On considère que «la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité, et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme». Il s’agit là d’un extrait du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Je vous invite donc aujourd’hui à réfléchir où nous nous situons par rapport à cette grande promesse que l’humanité s’est donné à elle-même après la guerre la plus destructive de l’histoire humaine, la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui, les droits de l’homme semblent être conditionnés par les besoins du marché, les calculs technocratiques, le réalisme des chiffres et la peur de l’autre. Il est lamentable pour cette Europe, source d’inspiration des droits de l’homme, qu’à l’heure actuelle, des milliers de réfugiés soient retenus dans des camps de concentration, sans avoir le droit de circuler, sans avoir le droit de rêver à un autre avenir, sans avoir le droit d’imaginer un autre sort pour leurs enfants. Pendant que nous parlons, les Kurdes mènent encore une fois, à Kobané, en Syrie, un combat désespéré pour les droits de l’homme fondamentaux contre la barbarie de l’Etat islamique, qui les attaque depuis la frontière de la Turquie.

Par ailleurs, dans l’Union Européenne elle-même, les droits sociaux constituant le fondement des droits de l’homme ne sont plus respectés, le dogme de l’austérité étant contraire à toute conception des droits de l’homme. Le programme d’austérité imposé depuis maintenant cinq ans en Grèce a laissé une société à bout de souffle et des millions de personnes dans la misère.

C’est une honte pour cette Union Européenne qui n’a pas hésité hier à rejeter les mesures proposées par mon gouvernement, récemment élu, visant à mettre fin à cette violation flagrante de droits de l’homme. C’est une honte pour l’Union européenne qui permet au FMI de fixer des règles favorables aux riches et hostiles à un peuple européen. C’est une honte enfin que l’Union Européenne ait complètement oublié son passé de guerres destructrices, et du même coup, les raisons pour lesquelles la Déclaration des droits de l’homme a été conçue.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – Je m’exprimerai sur la menace qui pèse au Royaume-Uni sur la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme.

Je trouve paradoxal que l’on célèbre cette semaine à Strasbourg le 800e anniversaire de la signature de la Magna Carta. Tout le monde a prononcé des discours glorieux sur son rôle concernant les droits de l’homme. Or, parallèlement, le gouvernement britannique envisage des mesures visant à réduire l’influence des arrêts de la Cour au Royaume-Uni.

Le dernier gouvernement travailliste a intégré la Convention européenne des droits de l’homme dans la législation interne. Nous étions tous d’accord pour dire que c’était une bonne chose pour la protection des droits de l’homme. Mais le gouvernement actuel a l’intention de remplacer la convention par une «Bill of Rights» britannique dont le contenu est inconnu.

En octobre dernier, un document de politique générale publié par le parti conservateur a évoqué la possibilité que le Royaume-Uni sorte de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui serait désastreux. Aujourd’hui, on nous dit que le secrétaire d’Etat à la Justice ne penserait pas à cela, et le secrétaire d’Etat aux Relations extérieures non plus. Pourtant, le leader du parti conservateur, le Premier ministre britannique a mis à mal leurs positions en déclarant, en substance, que l’on ne peut anticiper ce qui un jour s’imposera, n’excluant donc pas le retrait de la Convention.

De retour au Parlement britannique, après avoir quitté l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’aurais beaucoup de choses à dire en faveur de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. CHOPE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je réagirai à l’intervention de M. Tomlinson qui critique le Gouvernement britannique, récemment élu à une écrasante majorité et qui met ses propos en adéquation avec ses actes. Ce serait d’ailleurs une catastrophe si Lord Tomlinson, et la Chambre des Lords dans son ensemble, qui n’est pas élue, allait à l’encontre de la volonté du peuple britannique abusait de sa position au sein de la Chambres des Lords. Je souligne, au passage qu’avant même le vote de la loi sur les droits humains de 1998, le Royaume-Uni a été très actif au sein de notre Organisation pour la promotion des droits humains.

Je m’exprimerai maintenant sur un tout autre point. Après la projection de l’excellent court-métrage The Lake, j’appellerai l’attention de l’Assemblée sur un document publié récemment par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, partenaires pour la promotion des droits humains et de la démocratie. En cette période d’austérité, il est important de travailler dans le cadre de partenariats. Cette brochure illustre la façon dont le Conseil de l’Europe et l’Union européenne œuvrent main dans la main, chacun dans son rôle, différent, mais complémentaire.

Cette brochure indique que l’une des formes de coopération consiste à partager l’expertise, en mettant en avant le rôle de la Commission de Venise qui a fourni des conseils sur les réformes constitutionnelles à des gouvernements européens. Elle souligne également que l’Union européenne participe aux travaux de la Commission et fait référence à ses avis. Les contacts entre l’Union européenne et la Commission de Venise se sont renforcés au cours des dernières années sur des questions relatives notamment à la Hongrie ainsi qu’à des Etats non-membres de l’Union européenne, tels que la Turquie et la Tunisie, même si cela n’est pas dit ici.

La Commission de Venise est l’un des joyaux du Conseil de l’Europe. Pourquoi l’Union européenne cherche-t-elle à copier cette extraordinaire institution? Je crois que nous devrions sensibiliser à cette situation absurde: en effet, l’Union européenne s’acquitte de tâches dont le Conseil de l’Europe s’acquitte lui-même extrêmement bien ici, notamment avec la Commission de Venise.

M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* – Depuis 23 ans, l’Azerbaïdjan appelle la communauté internationale à tenir compte de l’occupation d’une partie de son territoire par l’Arménie, tant il est vrai qu’une telle situation met en cause les droits et des libertés des Azerbaïdjanais qui, en raison de cette agression, n’ont plus le droit de vivre sur leurs terres, de se déplacer librement et sont privés du droit à la propriété. La ville de Zar où je suis né est occupée par l’Arménie.

Ce que nous avons vécu pendant 23 ans semble être mis en doute au sein de cette Assemblée. Bien entendu, chacun a le droit de s’exprimer et de voter selon sa conscience, mais une question m’a surpris: «Que fait donc l’Azerbaïdjan au sein de notre Assemblée parlementaire?». Nous sommes ici parce que nous sommes en quête de justice et d’équité. Nous souhaitons que les problèmes auxquels est confronté notre territoire soient réglés de manière juste et équitable.

Pourquoi est-ce indispensable? Mme Brasseur a demandé que nous soit projeté un très beau court-métrage relatif à l’avenir de nos enfants. Eh bien, nous souhaitons laisser à nos enfants un pays sans guerre, une région en paix. C’est la raison pour laquelle nous demandons votre soutien pour un règlement pacifique du problème de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE, au sein duquel ont lieu des pourparlers que nous suivons avec la plus grande attention. Cette question concerne des dizaines de milliers de membres de notre communauté, des centaines de milliers de réfugiés. Je souligne que cette situation n’a rien à voir avec celle du Haut-Karabakh puisque ces personnes vivaient dans des régions limitrophes, elles aussi occupées aujourd’hui.

C’est pourquoi nous nous adressons à vous pour nouer le dialogue avec la délégation de l’Arménie de l’Assemblée parlementaire, afin de trouver une solution dans le cadre de la commission sur le Haut-Karabakh et pour que la paix règne à nouveau dans notre région.

Certes, il n’est a pas un seul pays au monde dont le pouvoir ne connaisse des difficultés avec la société civile, mais si je comprends les diverses déclarations, mais dans mon pays ce sont des centaines de milliers de personnes qui ne peuvent pas vivre chez elles. Il faut les rétablir dans leurs droits.

M. LE BORGN’ (France) – Ma question portera sur le recul des droits fondamentaux à l’Office européen des brevets.

Une organisation internationale dispose le plus souvent d’une immunité de juridiction en vertu des conventions qui l’ont instituée ou bien d’accords de siège. Cette immunité lui permet de ne pas être attraite devant les juridictions de l’Etat ou des Etats où elle est établie. C’est compréhensible et de bonne politique, notamment pour l’indépendance de l’organisation. Mais «immunité de juridiction» ne veut pas dire espace de non-droit ou de moindre droit. Ainsi, l’agent d’une organisation internationale – et il y en a des dizaines de milliers sur le continent européen, à commencer par ici, au Conseil de l’Europe – ne peut être privé de son droit d’être entendu par un tribunal, conformément au paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. De même, en vertu de l’article 11 de la Convention, le droit à une action collective doit être garanti. Cela inclut le droit pour une organisation syndicale représentant les agents de l’organisation d’être entendue également par un tribunal. L’on doit pouvoir se défendre individuellement et collectivement.

Voilà ce que la Cour d’Appel de La Haye a rappelé à l’Office européen des brevets le 17 février de cette année, levant son immunité – chose rare, presque inédite et en tout état de cause grave – afin de protéger les droits collectifs des quelque 7 000 agents concernés. Il ne saurait être question, en effet, que des politiques en rupture avec les droits fondamentaux consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne se développent à l’abri d’une immunité de juridiction.

Restreindre le droit d’association, réduire le droit de grève, empêcher la négociation collective, priver une organisation de tout recours juridictionnel et ne pas exécuter une décision de justice, ce qui est le cas malheureusement concernant ce jugement du 17 février, sont des développements profondément inacceptables. Je saisis l’occasion de ce débat libre pour l’affirmer, à notre Assemblée bien sûr, mais, par-delà, au Comité des Ministres, où sont représentés nos 47 Etats membres dont 38 appartiennent également à l’Office européen des brevets.

Il y a deux ans, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait approuvé le rapport de notre collègue José María Beneyto sur les obligations des organisations internationales de répondre de leurs actes en cas de violation des droits de l’homme. Dans la prolongation du rapport Beneyto, cette question du respect des droits sociaux, individuels comme collectifs, des agents des organisations internationales mériterait d’être prolongée, étudiée et surtout renforcée. Je connais l’Office européen des brevets. J’en mesure toute la valeur ajoutée pour l’économie européenne. Elle tient d’abord au travail formidable de ses agents. Mais je sais aussi ce qu’est son climat interne: le management par la peur, les entraves à l’action collective, l’absence de reconnaissance des lanceurs d’alerte et le manque de mécanisme indépendant de contrôle et d’audit interne. J’en appelle aux Etats membres, dont l’Office européen des brevets tient sa légitimité, pour agir, parce qu’il est temps d’agir.

LE PRÉSIDENT*- M. Matušić, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. ZOURABIAN (Arménie)* – Le 3 octobre 2012, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la Résolution 1900 sur la définition des prisonniers politiques, laquelle établit cinq critères clairs permettant de déterminer, lorsqu’une personne est privée de liberté, si elle peut être considérée comme un prisonnier politique.

Cette décision fut importante car, auparavant, la définition des prisonniers politiques variait en fonction des organisations et des pays, ce qui créait de la confusion et rendait difficile tout accord sur les différents cas.

Le Conseil de l’Europe, qui réunit 47 Etats membres, est considéré par beaucoup comme la maison des droits de l’homme: puisque l’Assemblée parlementaire a défini ce qu’est un prisonnier politique, eh bien, le moment est venu d’utiliser cette définition pour protéger ceux qui sont privés de liberté et peuvent être considérés comme des prisonniers politiques. C’est ainsi que 14 organisations des droits de l’homme et sept partis politiques partageant une longue histoire de lutte pour la protection des droits de l’homme et des libertés démocratiques en Arménie ont décidé, hier, 24 juin 2015, de créer le Comité de Strasbourg sur l’Arménie. Ce comité, créé sur la base du consensus entre ces organisations, réunira des défenseurs de droits de l’homme et des juristes de renom. Il aura pour objectif d’examiner pour tout cas allégué s’il correspond aux critères énoncés dans la Résolution 1900 de l’Assemblée parlementaire.

Nous avons informé le Commissaire aux droits de l’homme, M. Nils Muižnieks, de la création de notre comité: il l’a jugé utile pour aider son bureau à examiner les différentes situations de violation des droits de l’homme. J’invite l’Assemblée à appuyer cette initiative, fondée sur ses propres décisions, et espère que d’autres pays où se posent des problèmes de prisonniers politiques suivront cet exemple, en vue de créer un réseau des comités des Etats membres du Conseil de l’Europe ayant pour objectif la libération de tous les prisonniers politiques.

LE PRÉSIDENT*- M. Nikoloski, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Mes chers collègues, le 16 juin, la Cour européenne des droits de l’homme a adopté une décision sur la requête concernant l’Arménie, décision qui porte sur la situation d’un groupe de ressortissants azerbaïdjanais déplacés internes qui ne peuvent retourner chez eux. Du fait du non-respect par l’Arménie de la Résolution 1416, adoptée ici-même, il y a 12 ans, par cette Assemblée, ces personnes se sont tournées vers la Cour européenne des droits de l’homme.

Or la décision de la Cour met clairement en avant l’occupation de territoires azerbaïdjanais par l’Arménie et les violations des droits de l’homme subies par ces déplacés internes. Notre Assemblée doit mettre en place un mécanisme contraignant l’Arménie à appliquer la Résolution 1416 de l’Assemblée et à exécuter la décision de la Cour européenne des droits de l’homme.

Il y a quelques jours, débattant du rapport sur le renforcement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan, nous avons évoqué l’occupation d’une partie de notre pays par l’Arménie. Or les propositions qui ont été faites sur le sujet au cours du débat allaient à l’encontre de la résolution et des textes adoptés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, par l’Assemblée parlementaire et par la Cour européenne des droits de l’homme.

Nous avons déjà évoqué la question des déplacés internes lors de la session antérieure, notamment auprès du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe: il nous a répondu qu’il était pleinement conscient de la situation. Toutefois, l’Arménie n’a pas encore relâché ces déplacés internes et leurs familles attendent une aide active de l’Assemblée parlementaire, votre aide, mes chers collègues.

Nous appelons notre Organisation à redoubler d’efforts pour obtenir la libération de ces personnes.

Chères amis, j’ai été élue pour représenter la zone jouxtant l’Arménie. Les troupes arméniennes ne cessent d’y perpétrer des crimes contre nos ressortissants. Elles ont ouvert le feu dans ma circonscription et ont brûlé la maison de la famille Nabiyev, qui se trouve à proximité du village d’Alibeyli. Depuis plus de 20 ans l’Arménie viole de façon continue les principes que le Conseil de l’Europe consacre et plus de un million d’Azerbaïdjanais sont des réfugiés ou des déplacés internes du fait de cette occupation. Les autorités d’Erevan n’ont pas reconnu le rapporteur désigné par l’Assemblée parlementaire et dressent de nombreux obstacles sur la route de son activité. Et bien que d’autres représentants d’autres organisations internationales se soient saisis de ces questions de violation des droits de l’homme, aucune mesure concrète n’a été prise à l’encontre de l’agresseur, l’Arménie. C’est l’application du principe «deux poids, deux mesures».

À chaque partie de session la question de la Fédération de Russie est évoquée. Pourquoi n’en est-il pas de même de la question de l’Arménie, qui occupe une partie de l’Azerbaïdjan? Pourquoi n’est-elle pas toujours à l’ordre du jour de nos sessions? Nous vous appelons instamment, chers collègues, à prêter une attention plus étroite à cette question et à soutenir la proposition d’organiser un débat sur l’Arménie.

Mme SPADONI (Italie)* – Samedi dernier, 20 juin, s’est tenue à Rome la Journée de la famille: 400 000 personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le projet de loi visant à réglementer les unions civiles des partenaires et couples gay.

Le groupe politique que je représente a toujours défendu les droits sociaux pour tous. Nous sommes favorables aux unions civiles entre personnes de même sexe. Nous avons toujours défendu les citoyens contre toute forme de discrimination et nous nous dissocions de toute initiative discriminatoire.

Ces jours-ci, une vidéo tourne en boucle: Kiko Argüello, fondateur du mouvement Chemin néo-catéchuménal, y évoque le féminicide, déclarant: «On dit que cette violence de genre est causée par la dualité homme-femme mais pour nous ce n’est pas vrai.» Il se réfère à un fait divers, qui s’est produit en Suisse et qui a mis en cause Matthias Schepp. «Cette personne, poursuit Kiko Argüello, a tué ses fillettes pour une autre raison. Si cet homme est athée rien ne lui confère l’être comme personne, il a seulement une femme qui lui donne un rôle: “Tu es mon mari” et lorsqu’il voit que sa femme le quitte, il se dit qu’il va la tuer. Il tombe dans un trou noir éternel. Il se demande comment il peut faire comprendre à sa femme le mal qu’elle lui a fait, et alors, il tue ses enfants.» Ces paroles ont été prononcées au micro, devant la foule: il s’agit d’une justification claire de crimes graves, tels que l’homicide, d’une justification religieuse que chaque catholique devrait réfuter et considérer comme une offense. L’homicide ne peut pas et ne doit pas être justifié, surtout au travers d’une motivation à caractère religieux qui n’a aucun fondement.

En Espagne, la Convention d’Istanbul est entrée en vigueur au mois d’août dernier.

Cela dit, le Saint-Siège bénéficie du statut d’observateur dans notre Assemblée.

Mais les réunions de la commission sur l’égalité et la non-discrimination ont aussi porté sur ce sujet. L’Espagne et le Saint-Siège devraient se dissocier de ce propos absurde tenu en public à Rome. Ce discours est blessant pour les croyants et les victimes directes et indirectes de ce méfait, là où l’on a tué un être humain.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Je parlerai aujourd’hui du rôle de la Cour européenne des droits de l’homme s’agissant du maintien de la paix et de la sécurité sur le continent européen.

À l’heure actuelle, de nombreux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme sont directement liés à des conflits commerciaux qui engagent plusieurs milliards de dollars, mais comment résoudre le problème principal dont nous parlons dans cet hémicycle, à savoir la protection des droits de l’homme, de la paix et de la sécurité sur le continent européen?

La Cour européenne des droits de l’homme devrait disposer d’une procédure particulière et, lorsque les pays sont responsables d’actes de violence ou d’occupation d’un territoire, il serait bon qu’ils soient obligés de suivre la procédure plus rapidement. Il existe, bien entendu, une procédure judiciaire qui s’appuie sur les décisions prises par l’Organisation des Nations Unies ainsi que sur le document final d’Helsinki, mais il faudrait aussi maintenant tout mettre en œuvre par le biais des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

Comment comparer la décision prise par une personne et celle de millions de personnes victimes de ces conflits? Cela a donné lieu à de longs débats ici, à l’Assemblée parlementaire, mais à mon avis, la Cour européenne des droits de l’homme doit pouvoir prendre des décisions plus directes, en lien avec notre objectif de maintien de la paix et de la sécurité en Europe.

Les pays qui ne souhaitent pas respecter les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne souhaitent pas prendre des décisions conformes au droit international doivent être dénoncés dans cet hémicycle. Pour protéger les droits de l’homme, la paix et la sécurité, il me semble essentiel de savoir quels sont les pays agresseurs.

M. CHIKOVANI (Géorgie)* – J’aimerais appeler votre attention sur les graves événements qui se sont produits à Tbilissi le 13 juin.

Les inondations et les glissements de terrain ont causé la mort d’une vingtaine de citoyens géorgiens tandis que des centaines de personnes ont vu leur domicile détruit. Les grandes agences de presse et d’information du monde entier ont diffusé les images de l’hippopotame échappé du zoo de Tbilissi, comme si cette tragédie s’était limitée au territoire du parc zoologique.

Je tiens à remercier tous les pays qui ont apporté leur assistance à mon pays, ainsi que la Présidente de notre Assemblée qui a exprimé ses condoléances. J’aimerais également remercier les gouvernements de pays amis qui ont récolté des fonds pour nous aider à reconstruire. Les vies perdues le sont malheureusement à jamais, mais nous allons tout faire pour relever la ville de Tbilissi.

J’aimerais aussi appeler votre attention sur un fait très important en Géorgie.

La Géorgie fait face aujourd’hui à un consensus sans précédent des partis d’opposition, des organisations non gouvernementales et des autres acteurs concernés par le système électoral en Géorgie. Seule la coalition au pouvoir, le Rêve géorgien, a rejeté toutes nos suggestions et refusé de mettre en œuvre une véritable réforme électorale en Géorgie, s’en tenant à ses propres propositions et niant que le système électoral mériterait d’être réformé.

La coalition au pouvoir veut, nous dit-elle, faire cette réforme en 2020 et non pas en 2016. Elle souhaite donc utiliser, lors de la prochaine élection, ce système électoral qui lui donne l’avantage contre les partis d’opposition.

Je voudrais appeler l’attention des rapporteurs du Conseil de l’Europe, M. Cilevičs et celui nouvellement désigné, pour leur dire qu’ils doivent absolument veiller à cette question, qui est un point essentiel pour l’évolution démocratique de la Géorgie. Si nous ne voulons pas voir celle-ci revenir en arrière, ces réformes doivent se faire maintenant et rapidement.

Cette réforme est possible. Le Conseil de l’Europe a dit à maintes reprises combien elle est nécessaire. Un grand nombre d’organisations internationales qui ont observé les élections géorgiennes l’ont affirmé aussi.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, peu de temps après l’invasion de la Géorgie par la Fédération de Russie, a prononcé des paroles assez remarquables: «L’ex-Union soviétique est un espace spirituel commun et le gouvernement de Géorgie constitue, au sein de cet espace, une anomalie.»

Je pense que ladite citation reflète bien ce qui est en train de se jouer lorsqu’il s’agit d’évoquer la démocratie dans les Etats voisins de la Fédération de Russie. Ce qui est en jeu n’est pas seulement le sort de la démocratie au sein de ces Etats individuels que sont l’Ukraine et la Géorgie, mais quelque chose de bien plus vaste: il s’agit de l’avenir de toute cette région, y compris la Fédération de Russie. Le régime russe actuel repose sur une fausse hypothèse, à savoir que la démocratie bien ancrée ne saurait s’installer dans cette région du monde et que, si elle s’installait, elle mènerait à la destruction de la Russie.

Il est de l’intérêt de tous les Européens amoureux de la liberté de soutenir les démocraties qui essaient d’émerger dans le voisinage de la Russie. Si l’Ukraine et la Géorgie voient leurs efforts couronnés de succès, ils permettront de faire prévaloir les idées de paix durable et montreront que cette idée peut se concrétiser.

Même si la Géorgie a poussé très loin ses efforts de démocratisation ces dernières années, et je rappelle qu’elle a connu son tout premier changement de gouvernement démocratique en 2012, malheureusement, la démocratie a connu un grand revers, depuis que l’oligarque Ivanichvili est au pouvoir. Cela a déjà été dit à maintes reprises dans cet hémicycle.

Mais permettez-moi d’appeler également votre attention sur un autre phénomène: la pression exercée à l’heure actuelle sur les juges.

Vous le savez sans doute, presque tous les chefs de l’opposition en Géorgie soit sont derrière les barreaux, soit font l’objet de poursuites judiciaires. Très clairement, le gouvernement essaie d’exercer des pressions sur les juges. Le rapport du BIDDH parle d’une sélection politique des juges et il y a quelques jours à peine, le président du Conseil supérieur de la magistrature a confirmé qu’un juge, siégeant dans l’affaire concernant l’ancien maire de Tbilissi, M. Ougulava, blessé dans un accident de la route au mois de janvier et arrêté avant les élections locales de l’année dernière, est poussé à prononcer sa culpabilité. La cour constitutionnelle devrait, au contraire, statuer sur l’anti-constitutionnalité de sa détention provisoire et prononcer sa relaxe.

Voilà qui devrait préoccuper au plus haut point toute personne qui croit dans les valeurs de la démocratie.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je voudrais évoquer le rapport sur Gaza, publié lundi 22 juin par le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies qui indique clairement les effets néfastes de la guerre menée par Israël contre Gaza en 2014. J’appelle votre attention sur ce qu’écrit la présidente de la commission d’enquête de l’Onu, Mme Davis: «L’étendue des dégâts et des souffrances humaines à Gaza est sans précédent et aura un impact sur les générations futures.»

Gaza et l’ensemble de la Palestine continuent de souffrir de l’occupation israélienne, et aucune fin à cette occupation ne se dessine. Les hommes politiques israéliens privilégient les colonies illégales et renforcent les mesures de sécurité, alors qu’il faudrait négocier une solution pacifique.

Madame Eva-Lena Jansson, membre de la commission des migrations, a été autorisée à se rendre à Gaza, ce qui est une bonne chose, dans le but de préparer un rapport sur la crise humanitaire dans le territoire. La Palestine fait le maximum pour faciliter et accélérer sa visite; nous espérons qu’Israël en fera autant.

Le conflit actuel dure depuis trop longtemps. Il exige une solution politique. À cet égard, nous saluons les efforts de la France, notamment au travers de l’initiative de Laurent Fabius. Nous nous félicitons également de l’adoption d’une résolution au Parlement européen. Ce sont autant de messages forts destinés à faire comprendre aux responsables politiques israéliens qu’ils ne peuvent poursuivre leur politique d’occupation et persister à ne pas tenir compte des conventions et résolutions internationales demandant qu’il soit mis un terme à l’occupation de notre territoire. Sans une solution durable et juste, les violations des droits de l’homme se poursuivront et la situation humanitaire continuera de se détériorer. Des parlementaires continueront d’être arrêtés – comme cela a été le cas récemment –, de même que des centaines d’autres Palestiniens.

L’Assemblée parlementaire devrait encourager une évaluation de la situation, sur le fondement de laquelle des mesures plus convaincantes pourraient être appliquées à l’égard d’Israël, de manière à ce que l’on puisse progresser sur le chemin de la paix et de la réconciliation. Sinon, on continuera à souffrir de l’état de choses existant, l’ensemble de la région sera touché et cela débordera même sur l’Europe, ses institutions et ses citoyens.

Mme NAGHDALYAN (Arménie)* – Je voudrais réagir aux propos de mon collègue d’Azerbaïdjan: rien n’a été dit par la Cour sur l’occupation par l’Arménie du Haut-Karabakh. C’est tout simplement faux. En revanche, il est intéressant de voir qu’il oublie totalement de mentionner l’arrêt rendu contre l’Azerbaïdjan sur le sujet. Par ailleurs, dans plusieurs arrêts, la Cour a appelé l’Azerbaïdjan à libérer des journalistes et des responsables politiques, notamment ceux travaillant au sein de l’Ecole d’études politiques du Conseil de l’Europe à Bakou. Visiblement, mon collègue n’est pas intéressé par ces arrêts; il préfère diffuser des informations erronées.

Il y a peu, à la demande de mes collègues parlementaires de l’Assemblée nationale de la République du Haut-Karabakh, je vous ai envoyé la déclaration qu’ils ont adoptée. Il y est question de l’avenir et de la volonté du peuple du Haut-Karabakh de construire leur pays en coopération avec le Conseil de l’Europe, dans le respect des principes et des valeurs qu’il partage.

Il est injuste de négliger ce peuple à cause du statut de la République du Haut-Karabakh. Ce peuple fait partie de l’Europe; il s’agit d’une jeune démocratie qui ne pourra jamais devenir une partie d’un pays dirigé par un régime autocratique. Des élections ont eu lieu. D’après de nombreux observateurs internationaux, elles ont été totalement démocratiques. Le Haut-Karabakh a besoin de nous pour développer et renforcer ses institutions démocratiques. Je m’adresse donc aux dirigeants de l’Assemblée, aux présidents des groupes politiques et aux représentants des 47 Etats membres: prenez connaissance de la déclaration que j’évoquais, lisez-la avec attention et voyez ce que souhaite le peuple de cette république.

Notre Assemblée pourrait établir des contacts directs avec le Haut-Karabakh, quel que soit son statut, dans le but de promouvoir les droits de l’homme, les principes démocratiques et la prééminence du droit. Le Conseil de l’Europe a fait des expériences similaires dans d’autres régions d’Europe et du monde. N’appliquons pas le principe des deux poids, deux mesures et laissons-nous guider par les valeurs humaines et démocratiques.

Mon second message concerne une initiative de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie. Comme vous le savez, cette année, nous commémorons le centenaire du génocide arménien. Nous remercions d’ailleurs les pays et les organisations internationales qui nous ont manifesté leur soutien et nous ont transmis leurs condoléances. Il était extrêmement important pour nous de sentir qu’enfin nous n’étions plus seuls, que la communauté internationale et nos amis étaient à nos côtés.

C’était il y a 100 ans. Or le monde d’aujourd’hui n’est pas à l’abri des génocides. Il faut éviter que les crimes contre l’humanité se reproduisent. Dans la mesure où notre nation a survécu à un génocide, nous pensons que nous avons la responsabilité de lancer une campagne internationale contre les génocides.

M. BABAYAN (Arménie)* – J’aimerais parler aujourd’hui du droit à l’éducation – c’est un des droits de l’homme les plus importants – de la population des pays qui ne sont pas reconnus. C’est un fait: les habitants des pays non reconnus par la communauté internationale n’ont pas le droit de participer aux programmes européens d’éducation.

En me fondant sur la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, adoptée par l’Unesco en 1960, j’aimerais appeler votre attention sur le fait que le droit à l’éducation de la population de la République du Haut-Karabakh n’est pas reconnu. C’est un obstacle grave pour la population de ce pays, et une discrimination à son encontre. Les autorités de la République du Haut-Karabakh ont mis en place toutes les conditions indispensables pour que sa population jouisse du droit à l’éducation, mais elle se heurte à des problèmes insolubles et à des obstacles la dépassant. Pourtant, 219 écoles et 5 établissements d’enseignement supérieur ont été créés, pour une population totale de 143 000 personnes.

Les étudiants de la République du Haut-Karabakh ne peuvent pas participer au système éducatif européen; ils n’ont pas accès aux programmes prévus par le Processus de Bologne. Or, selon la convention de l’Unesco, le droit à l’éducation est l’un des piliers de cette organisation. J’espère également bénéficier, dans ce domaine, de l’appui du Parlement européen. Je propose, enfin, que l’Assemblée crée un groupe de travail sur cette question du droit à l’éducation des peuples des pays non reconnus.

LE PRÉSIDENT* - M. Khader, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KIRAL (Ukraine)* – J’attire votre attention sur des questions économiques. Le but du Conseil est de réaliser une plus grande unité au sein de ses Etats membres, afin de réaliser les idées et principes que nous partageons.

Ces questions économiques font partie du mandat du Conseil, elles constituent un facteur important pour protéger les droits de l’homme, la stabilité sociale et la croissance. L’Assemblée parlementaire avait auparavant une commission des affaires économiques. Pour des raisons que je ne connais pas, elle n’existe plus.

Mon pays, l’Ukraine, est en train de procéder à de grandes réformes structurelles, malgré l’agression russe. Au cours des six derniers mois, 80 % des objectifs annuels ont été atteints pour la mise en œuvre de l’Accord d’association. Le Deep and Comprehensive Free Trade Area (DCFTA) deviendra bilatéral à partir de janvier 2016. La lutte contre la corruption, c’est du concret: le bureau national anti-corruption a été constitué. La décentralisation permet déjà aux collectivités locales d’engranger 40 % de budget en plus. Notre idée est également de supprimer des monopoles, pour asseoir les investissements dans le secteur infrastructurel. Le ministère de l’Économie a réduit de 400 unités ses effectifs, qui comptaient 1 200 personnes; le nombre des services est passé de 29 à 18. Un gros travail a été réalisé au niveau des procédures simplifiées, 50 % des licences ont disparu, le système de marché public électronique va voir le jour sous peu.

Cela dit, les problèmes sont toujours là, et ils ne peuvent être maîtrisés par le gouvernement national. Je crois qu’ils pourraient faire l’objet d’une discussion ici à l’Assemblée parlementaire. Elle peut exiger que des actions soient prises par les organes européens responsables, et nous pourrions en créer de nouveaux si nécessaire.

J’évoquerai brièvement quelques questions que je connais bien. Premièrement, l’assistance technique de l’Unions européenne est mal cadrée, mal coordonnée et mal allouée. D’ailleurs, la plupart des Etats membre du Conseil contribuent à ces budgets, ils s’intéressent aux résultats finaux! Deuxièmement, les investissements sont insuffisants dans l’économie réelle. Nous faisons en fait du micro-financement, ce qui n’aide pas le processus.

Pour conclure, je pense que la donne économique devrait être davantage intégrée dans nos travaux. Nos délégués pourraient devenir des délégués commerciaux non rémunérés de nos pays, ils pourraient promouvoir la coopération économique et les droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT - Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Le débat libre est clos.

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu cet après-midi, à 16 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment. Je dis bien à 16 heures du fait de la réunion du Comité mixte qui se tiendra à 15 h 30.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. La nécessité d’une réponse européenne commune aux défis en matière de migration (débat d’actualité)

Orateurs: M. Denemeç, Sir Edward Leigh, Mme Fiala, M. Vitsas, Mme Strik, MM. Wach, Chaouki, Mmes Johnsen, Santerini, M. Černoch, Mme Ohlsson, MM. Eßl, Di Stefano, Mme Guzenina, MM. Herkel, Rouquet, Mmes Christoffersen, Dobešová, Mitchell, Tzakri, MM. Sáez, Parviainen, Mme Kalmari, M. Díaz Tejera, Mme Vėsaitė, Lord Anderson, Mme Lundgren, M. Schennach, Mmes Miladinović, Kyriakidou, M. Divina, Mme Kronlid.

2. Attribution d’une récompense au film The Lake

3. Débat libre

Orateurs: Mmes Taktakishvili, Anagnostopoulou, Lord Tomlinson, MM. Chope, Rzayev, Le Borgn’, Zourabian, Mmes Pashayeva, Spadoni, MM. Sobolev, Chikovani, Kandelaki, Sabella, Mme Naghdalyan, MM. Babayan, Kiral

4. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON/Edgar Mayer

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN/Ion Popa

Khadija ARIB/Tineke Strik

Volodymyr ARIEV*

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Gérard BAPT/Geneviève Gosselin-Fleury

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL*

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI*

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/ Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN*

Jean-Marie BOCKEL*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Alessandro BRATTI/Eleonora Cimbro

Piet De BRUYN*

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Helena Hatka

James CLAPPISON*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN*

Katalin CSÖBÖR*

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY/Petra De Sutter

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI/Boriana Åberg

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ștefania GORGHIU/Viorel Riceard Badea

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI/ Khalid Chaouki

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER*

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON*

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Hannes HANSO

Alfred HEER/Eric Voruz

Michael HENNRICH/Volkmar Vogel

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Serhii Kiral

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV/Sevinj Fataliyeva

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/André Schneider

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI*

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Andreja KATIČ*

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH*

Manana KOBAKHIDZE*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Matjaž Hanžek

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA/Marek Černoch

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Marek KRZĄKAŁA*

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK/Mariia Ionova

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON/Kerstin Lundgren

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI*

François LONCLE*

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Yuliya L’OVOCHKINA/Sergiy Vlasenko

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX/Dirk Van Der Maelen

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Ivana Dobešová

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI/Sílvia Eloïsa Bonet Perot

Ana MATO*

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON*

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACȘU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL*

Baroness Emma NICHOLSON/Sir Edward Leigh

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE*

Tom PACKALÉN/Anne Louhelainen

José Ignacio PALACIOS*

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA

Florin Costin PÂSLARU*

Waldemar PAWLAK*

Jaana PELKONEN/Olli-Poika Parviainen

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/ Elisabeth Schneider-Schneiter

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ*

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ*

Arturas SKARDŽIUS*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK*

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI*

Damien THIÉRY*

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Hans Fredrik Grøvan

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Birutė VĖSAITĖ

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN/Violeta Ivanov

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ/Damir Šehović

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER/Gabriela Heinrich

Morten WOLD/ Kristin Ørmen Johnsen

Bas van ‘t WOUT/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Svitlana Zalishchuk

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS/Egidijus Vareikis

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN/Vahan Babayan

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Royaume-Uni/Lord Richard Balfe

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Axel SCHÄFER

Chiora TAKTAKISHVILI

Observateurs

Aleida ALAVEZ RUIZ

Eloy CANTU SEGOVIA

Diva Hadamira GASTÉLUM BAJO

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Bernard SABELLA