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AS (2016) CR 14

SESSION ORDINAIRE DE 2016

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quatorzième séance

Mercredi 20 avril 2016 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Oomen-Ruijten, Vice-Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

1. Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur l’ «Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe», présenté par M. Cilevičs au nom de la commission sur l’égalité (Doc. 14008), ainsi que de l’avis présenté par M. Corlăţean au nom de la commission des questions politiques (Doc. 14023).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 12 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 45, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. CILEVIČS (Lettonie), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination * – Mes chers collègues, nous aurions pu espérer que les horreurs de l’Holocauste aient mis fin à l’antisémitisme en Europe. Nous aurions pu espérer aussi que notre débat d’aujourd’hui, nos recommandations et notre projet de résolution ne seraient plus nécessaires soixante-dix ans après ces atrocités. C’est malheureusement le contraire. Les déclarations antisémites, les théories complotistes, la justification, voire la glorification de l’Holocauste, les préjugés qui persistent, la stigmatisation, la discrimination et les attaques violentes contre la communauté juive, non seulement sont toujours présentes aujourd’hui, mais sont même en recrudescence dans de nombreux Etats européens.

Par conséquent, il ne suffit pas d’être vigilant. Notre responsabilité est d’agir et de réagir, de nous assurer que nous luttons bien contre toutes les formes de discrimination et de préjugés avec force et détermination. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, dans cet hémicycle, nous débattons de ces questions et je suis certain que nous sommes prêts à renouveler notre engagement à lutter contre ce fléau.

J’ai commencé à œuvrer sur ce rapport en analysant les terribles attaques ciblées contre les membres de la communauté juive survenues à Toulouse, Bruxelles, Paris et Copenhague. Ces attaques ont contribué à faire la lumière sur le fait que l’antisémitisme est toujours profondément enraciné dans nos sociétés, où persistent et même se développent les préjugés. Cette menace est bien concrète et actuelle.

L’origine de ce rapport se fonde sur une motion qui rappelle la Résolution 1563(2007) de l’Assemblée sur la lutte contre l’antisémitisme et qui sollicite une évaluation de la mise en œuvre de cette résolution. J’ai donc été amené à faire le bilan des actions menées par les Etats membres depuis 2007 et je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à la préparation de ce rapport.

Dans celui-ci, je me suis efforcé d’analyser le sentiment de plus en plus marqué d’insécurité ressenti par la communauté juive en Europe. Il amène d’ailleurs certains juifs européens à partir pour Israël. J’ai également analysé le poids des préjugés qui pèsent sur eux dans leur vie quotidienne et les stéréotypes qui persistent dans la société et les médias. J’ai passé en revue les cadres législatifs, les programmes éducatifs, les campagnes de prévention et de sensibilisation, et je me suis efforcé de mettre en exergue certaines bonnes pratiques.

Je veux saisir cette occasion pour réaffirmer qu’il ne saurait exister d’action efficace contre l’antisémitisme si l’on ne garantit pas la pleine application d’un cadre législatif contre le racisme et les discriminations. Des textes législatifs complets existent bien souvent, mais leur application reste malheureusement limitée dans bien des pays membres du Conseil de l’Europe. Le signalement des attaques antisémites ou des crimes de haine doit également être encouragé, car leur nombre est très élevé. Il faut par ailleurs préserver et développer le souvenir de l’Holocauste afin de lutter contre l’ignorance et l’indifférence qui souvent alimentent l’antisémitisme.

Je suis convaincu que les parlementaires peuvent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’intolérance et la haine. Nous avons la responsabilité de faire preuve de leadership politique même si cela ne nous apporte pas de voix supplémentaires. Nous pouvons jouer un rôle important pour prévenir l’antisémitisme en condamnant systématiquement et publiquement toute attaque et tout discours antisémites. Nous pouvons également veiller à ce que le cadre législatif national soit doté des outils permettant de condamner et de lutter efficacement contre l’antisémitisme.

Je souligne à cet égard que lutter contre l’antisémitisme constitue bien l’une des priorités de l’Alliance parlementaire contre le discours de haine pour cette année et pour l’année prochaine. J’encourage d’ailleurs les membres de notre Assemblée à la rejoindre et à y prendre une part active.

Le projet de résolution qui vous est proposé appelle les Etats membres à faire en sorte que la négation publique, la banalisation, la justification, l’apologie de l’Holocauste, de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité deviennent désormais des infractions pénales lorsque tel n’est pas encore le cas. Nous voulons également que soient poursuivis les personnalités politiques et les partis faisant des déclarations antisémites.

Nous exprimons notre préoccupation que se perpétuent les stéréotypes discriminatoires et nous appelons à des actions pour lutter contre ce fléau. Aussi, convient-il de faire preuve de détermination pour lutter contre toute forme de discrimination et d’intolérance. En effet, on ne peut tolérer que les membres de la communauté juive craignent parfois de s’identifier en tant que juifs, et donc de revendiquer leur appartenance à cette communauté.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination a voté à l’unanimité en faveur de ce projet de résolution et nous comptons sur votre soutien à ce texte. J’en profite pour exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont pris part aux débats et qui ont proposé des amendements, dont la plupart, ont été acceptés par la commission.

J’y insiste, la lutte contre l’antisémitisme demeure une priorité qui relève bien de notre responsabilité.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, vous disposerez d’un temps de parole de près de 7 minutes pour répondre aux orateurs.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie), rapporteur pour avis de la commission des questions politiques et de la démocratie* – La commission des questions politiques soutient pleinement le rapport soumis par M. Cilevičs, à la fois opportun et pertinent.

La communauté juive craint pour sa sureté et son avenir en Europe. Le consensus qui a prévalu après-guerre pour éradiquer l’antisémitisme en Europe faiblit dangereusement. Ainsi que cela fut mis en lumière lors de l’audition organisée hier par la commission des questions politiques, au cours de laquelle la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, la LICRA, est intervenue, il est urgent de lutter contre l’antisémitisme exprimé par la jeunesse qui vit dans des pays où la haine d’Israël et des juifs est répandue.

Le Conseil de l’Europe offre de précieux instruments aux enseignants et aux éducateurs. Et nous qui sommes décideurs politiques pouvons faire plus pour sensibiliser l’opinion publique au fait que cette haine inacceptable est toujours plus présente dans nos sociétés. Nous devons soutenir et encourager la société civile pour que des coalitions se forment, que des passerelles soient jetées entre toutes nos communautés, car il est de notre devoir de former nos jeunes à la citoyenneté et aux valeurs démocratiques.

Nous pensons que le dialogue entre dirigeants politiques et religieux doit être renforcé plus encore afin que ce problème soit traité à l’échelon tant gouvernemental que parlementaire.

L’importance du souvenir de l’Holocauste doit être activement promue par l’ensemble des parlements et des gouvernements. Nous ressentons le besoin de campagnes de sensibilisation qui permettront de promouvoir le respect et une cohabitation harmonieuse. Nous promouvons notamment la campagne de lutte contre le discours de haine qu’il est nécessaire de conduire à tous les niveaux de la société et qui figure aussi dans les programmes d’intégration proposés aux migrants et aux réfugiés.

Dans ce contexte, j’y insiste, l’ensemble de ces priorités apparaissent également dans le mandat de la présidence roumaine de l’Alliance pour le souvenir de l’Holocauste international, un autre partenaire international très pertinent pour notre Organisation.

Enfin, nous sommes favorables, en tant que parlementaires élus, à jouer un rôle plus actif, car nous pouvons faire plus pour empêcher l’antisémitisme. Par exemple, en constituant des groupes parlementaires où tous les partis seraient représentés et qui réfléchiraient à la lutte contre l’antisémitisme. Il s’agit de renforcer notre capacité de lutter, quelle que soit notre appartenance politique. C’est l’esprit de l’avis qui a été adopté par la commission.

Mes chers collègues, je vous demande de soutenir cet avis et les six amendements déposés par la commission.

Je remercie enfin tous ceux qui ont contribué à la préparation de notre avis ainsi que notre secrétariat de la commission de son aide inestimable.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. SCHNEIDER, (France) porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – «Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés? Quelle tristesse, quelle inquiétude pour le vingtième siècle qui va s’ouvrir!». Ainsi s’exprimait Emile Zola dans sa «Lettre à la jeunesse» et malheureusement l’entrée dans le xxie siècle n’a pas mis fin à ce poison; «Plus jamais ça» était pourtant le fondement moral de notre institution!

Cet antisémitisme, ainsi que l’a souligné le rapporteur, prend sa source à la fois dans une haine ancienne, nourrie de préjugés sur les prétendus pouvoirs et richesses des juifs mais également dans l’ignorance de l’autre, de sa culture, de sa religion, parfois même dans des amalgames entre un rejet de la politique israélienne et le rejet des juifs d’Europe.

Quels qu’en soient leurs prétextes ou leur nature, les manifestations de l’antisémitisme doivent être condamnées avec force, en particulier ici, à Strasbourg.

La communauté juive alsacienne représente la deuxième plus grande communauté juive en France. Mais surtout la place prépondérante prise par le judaïsme dans l’histoire alsacienne et l’importance primordiale du patrimoine qui y subsiste montre combien les questions liées au vivre-ensemble sont cruciales en Alsace. Depuis longtemps, en raison du régime concordataire, les institutions religieuses et les représentants de l’Etat ont mené un dialogue sur ces questions. Nous avons notamment constitué des groupes de travail sur l’interreligieux afin de pouvoir évoquer les problèmes, échanger et éviter autant que possible la diffusion de ce poison et les actes antisémites. Cela ne signifie pas que nous ne connaissons pas l’antisémitisme en Alsace. Malheureusement, la profanation du cimetière juif de Sarre-Union l’an passé constitue à mes yeux la démonstration la plus abjecte de celui-ci.

Mon engagement reste intact car je suis persuadé que pour tenter de vaincre les peurs irrationnelles qui mènent à la haine, seule la connaissance permettra la compréhension mutuelle, donc la tolérance et le respect. L’apprentissage de la citoyenneté doit donc intégrer, comme l’a demandé mon collègue M. Legendre hier dans son rapport, l’enseignement du respect et de la tolérance à l’égard de celui qui est différent.

Dans mon rapport sur «L’Education et religion» que j’ai présenté en septembre 2005 devant cette Assemblée j’avais déjà demandé que nos Etats s’engagent à éduquer les jeunes aux droits de l’homme, au respect mutuel et à l’histoire de nos religions.

Aujourd’hui, il est plus que temps d’agir! Nous le devons à tous nos jeunes pour qu’ils puissent s’armer pour lutter contre l’antisémitisme et se protéger contre ces rabatteurs de la haine et de l’intolérance d’un Etat dit islamique mais, au fond, si proche de l’idéologie qui a mené jusqu’à l’horreur de la Shoah. Dans ce sens, je ne puis que soutenir les propositions du rapporteur concernant l’enseignement de l’Holocauste et le dialogue interculturel dans les écoles.

J’ai été principal de collège et je crois en l’école, en sa capacité de développer l’esprit critique si essentiel pour que nos futurs citoyens deviennent de vrais démocrates engagés contre l’antisémitisme et pour que, enfin, à Zola, l’on puisse répondre avec force: non, non! Un non porteur de nos valeurs, des droits de l’homme, de notre liberté! Non plus jamais ça!

M. LE BORGN’ (France), porte-parole du Groupe socialiste – M’exprimant au nom du Groupe socialiste, je tiens à féliciter notre rapporteur Boris Cilevičs pour la qualité et la profondeur de son travail. Aussi épouvantable que cela puisse paraître au regard de ce qu’a été la tragédie de la Shoah, oui, mes chers collègues, l’antisémitisme connaît depuis ces dernières années en Europe une inquiétante résurgence. La haine du juif est toujours là, rampante et insidieuse, véhiculée avec les mêmes misérables clichés que dans les moments les plus sombres par les héritiers d’une idéologie criminelle. S’y ajoutent la propagande, la violence et les meurtres, revendiqués et perpétrés par ceux pour qui les guerres de religion sont l’horizon ultime d’une vie, persuadés que croire en un autre dieu que le leur ou ne pas croire du tout mérite tout simplement la mort.

Des criminels et des fous certes, mais de redoutables marchands de haine aussi, surfant avec les moyens d’aujourd’hui sur l’ignorance, la faiblesse, si ce n’est la bêtise pour diffuser plus loin leur idéologie et, peut-être, passer à l’acte.

Alors oui, il faut dénoncer toutes les manifestations, toutes les expressions, tous les actes antisémites. L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit et il doit être pénalement sanctionné. Il ne faut rien laisser passer, qu’il s’agisse d’un graffiti, d’une parole glissante ou d’un message direct, parce que l’on se croit protégé – à tort – derrière le lâche anonymat des réseaux sociaux. Mais plus que tout, chers collègues, c’est sur l’éducation et sur la découverte de ce que l’antisémitisme a produit de pire dans l’histoire de l’humanité qu’il faut concentrer les efforts.

Vers qui? Vers la jeunesse, qui parfois ignore les tragédies du passé ou n’en a pas pris la totale mesure dans l’horreur, cette jeunesse que ciblent précisément les antisémites. Comment agir? Par des campagnes, par des livres, par des films et surtout, par des visites sur les lieux les plus terribles de la Shoah. Quelques heures à Auschwitz bouleversent à vie. L’on se souvient pour toujours des montagnes de cheveux, des jouets et du quai de Birkenau.

Rendons obligatoire dans les programmes scolaires de chacun de nos pays la visite d’un lieu de mémoire ou l’échange avec l’un d’entre eux. Mettons ces lieux en réseau. Donnons-leur les moyens de recevoir, d’agir et d’informer. Un lieu en France m’est cher, c’est la maison des enfants d’Izieu, Mémorial des enfants juifs assassinés. Quarante-quatre enfants, le plus jeune avait 4 ans, arrêtés dans leur colonie le 6 avril 1944 avec les sept adultes qui veillaient sur eux par la Gestapo de Lyon, dirigée par Klaus Barbie. Aucun d’entre eux n’est revenu. Chaque année, je me rends à Izieu dans la maison. J’ai besoin de sentir le souvenir des enfants disparus, leur absence et quelque part aussi leur présence. Et j’observe discrètement la réaction et l’émotion des enfants d’aujourd’hui, qui visitent ce lieu paisible où le pire s’est pourtant produit. Le silence, la peine, l’émotion et surtout la parole disent tout. Face à l’antisémitisme, il faut parler, partager et lutter. Alors, parlons, partageons et luttons. C’est notre devoir de citoyen, c’est également notre vocation de parlementaire.

M. DESTEXHE (Belgique), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je tiens tout d’abord, en tant qu’initiateur de la proposition de rapport et porte-parole du Groupe ADLE, à saluer le travail de M. Cilevičs qui met brillamment l’accent sur les différentes facettes de l’antisémitisme, ainsi que sur les bonnes pratiques dégagées par certains Etats pour lutter contre celles-ci.

Le Groupe ADLE se réjouit de ce rapport spécifiquement dédié à l’antisémitisme qui peut prendre diverses formes. Ainsi, l’antisémitisme, aujourd’hui en Europe, a deux sources essentielles, plus ou moins prégnantes selon les zones géographiques. D’une part, l’antisémitisme dans sa forme la plus traditionnelle, tristement bien connu et porté par les mouvances d’extrême droite. D’autre part, il nous faut reconnaître l’existence d’un nouvel antisémitisme, issu d’une partie de la communauté musulmane.

En Belgique, une étude menée en 2013 a montré que 51 % des jeunes musulmans d’un panel interrogé étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle «les juifs fomentent les guerres et accusent les autres d’en être responsables»; 51 % contre 7 % de la population générale de l’enquête. De même l’enquête montrait que 45 % estimaient que «les juifs contrôlent tout» et 35 % que «les juifs ont trop de poids en Belgique».Cette mutation de l’antisémitisme doit donc à mon sens ne pas être négligée.

Le rapport a pour grande qualité de s’adresser à la fois à la prévention, au repérage, au signalement et à la condamnation de l’antisémitisme. Je suis ravi de constater que le seul aspect initialement négligé par ce rapport très riche, à savoir la dimension sécuritaire, a été intégré par des amendements à la présente résolution. Cela est essentiel pour impliquer la communauté juive dans la garantie de sa propre sécurité, ainsi que des lieux culturels, religieux et éducatifs menacés.

Par ailleurs, le rapport érige en infraction pénale la négation publique, la banalisation, la justification ou l’éloge de l’Holocauste, mais également des crimes de génocide et contre l’Humanité.

Je tiens, chers collègues, à attirer votre attention sur le risque d’une extension à l’infini du champ de la criminalisation de certains discours. Ainsi, il m’apparaît comme crucial de veiller à maintenir un équilibre entre la condamnation de certains propos inacceptables et la liberté d’expression, y compris au niveau des académies et des médias. J’aurais en définitive préféré que cette disposition s’en tienne aux propos liés à l’Holocauste – je déposerai tout à l’heure un amendement à ce sujet.

Aujourd’hui, à Bruxelles et en Europe, 70 ans après le génocide des juifs et la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est devenu, à nouveau, dangereux d’être juif. De sorte qu’un grand nombre de juifs veulent quitter l’Europe. Nous ne pouvons que constater un échec et nous devons être vigilants pour que les juifs, comme tous les autres citoyens, puissent avoir un avenir en Europe.

M. David DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, m’associer au rapport présenté par M. Cilevičs.

Cela a été dit, il est honteux, quelques décennies après l’Holocauste, d’être témoin d’une résurgence de l’antisémitisme. Cependant, il est encourageant de constater que chacun d’entre nous est en plein accord avec chaque mot qui a été prononcé jusqu’à présent dans cet hémicycle.

J’ai été frappé par cette terrible résurgence de l’antisémitisme lorsque je me suis rendu à Malmö, au centre juif, et que j’ai vu comment il était lourdement gardé. Et partout en Europe, les écoles juives, les synagogues, les lieux occupés par la communauté juive sont également surveillés.

Si l’antisémitisme est particulièrement le fait d’un petit nombre de militants d’extrême droite en Europe – je veux parler des groupuscules de néonazis – il revêt néanmoins différentes formes. Il est, par exemple, exprimé actuellement au Royaume-Uni par une minorité de gauche. En effet, la grande majorité du Parti travailliste est horrifiée par la présence en son sein d’un petit groupuscule antisémite. Je citerai deux exemples. D’abord, celui d’un conseiller qui, dans un tweet, a écrit que Hitler était le plus grand homme de l’Histoire. Ensuite, celui d’un candidat qui a affirmé, au cours d’une campagne électorale, que Hitler était son dieu et qu’il ne comprenait pas pourquoi l’Etat islamique n’avait pas déclaré la guerre à Israël – cette personne a été reconduit comme membre du Parti travailliste.

Par ailleurs, j’ai pu constater, à Malmö, qu’une petite minorité du monde islamiste manifestait une haine très marquée à l’endroit des juifs. C’est une réalité dont nous devons tenir compte et je me félicite que nous en parlions dans une enceinte telle que la nôtre.

Je suis en total accord avec les recommandations du rapport et j’irai même plus loin. Parler à des militants, à Londres, à Malmö, m’a permis de comprendre qu’il convenait de faire davantage pour lutter contre l’antisémitisme au sein de la communauté islamique. Nous devons notamment insister pour que les sermons prononcés dans les mosquées soient traduits dans la langue du pays dans lesquelles elles se trouvent afin que tout le monde puisse les comprendre. Nous devons également lutter contre l’antisémitisme au sein des écoles pour éduquer les enfants.

Il y a beaucoup à faire, mais s’il y a une chose positive que nous pouvons tirer de notre débat, c’est l’engagement pris par tous les partis politiques de lutter contre l’antisémitisme.

M. HANŽEK (Slovénie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le Groupe pour la gauche unitaire européenne condamne toute forme d’agression fondés sur des motifs politiques, religieux, personnels ou autres. Aussi sommes-nous, évidemment, contre les abus de la liberté d’expression, c’est-à-dire contre les discours de haine, contre tout discours humiliant et contraire à la dignité humaine. Le Conseil de l’Europe a déjà adopté de nombreux textes à ce sujet, réitérant ses grands principes fondateurs et indiquant les limites des comportements acceptables.

Nous savons bien que les évolutions politiques de nos sociétés nous obligent à nous remettre en cause. Il nous faut à cet égard renouveler notre engagement contre l’antisémitisme en Europe. En effet, nous avons vu se multiplier, ces dernières années, les signes d’intolérance, de xénophobie et de racisme – phénomène qu’aggrave la crise des réfugiés. Or l’histoire nous a montré que si l’on ne tuait pas dans l’œuf ce genre de mouvements, cela pouvait aboutir à d’horribles scénarios.

Tous les gouvernements, tous les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe doivent donc se montrer déterminés dans leur lutte contre les discours de haine, contre la xénophobie et vérifier que les lois en vigueur sont efficaces et, le cas échéant, les revoir.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne soutient tous les efforts des Etats membres visant à adapter leur législation aux nouvelles réalités sociales. Aussi, le présent rapport constitue une réponse tout à fait satisfaisante à l’un des plus graves problèmes touchant à la haine d’autrui: l’antisémitisme. Il n’en faut pas moins se pencher sur d’autres phénomènes tout aussi cruciaux comme l’hostilité vis-à-vis des réfugiés ou l’islamophobie.

Nous devons par ailleurs rappeler que critiquer l’attitude d’Israël vis-à-vis des Palestiniens n’est pas faire montre d’antisémitisme. Nous devons critiquer les violations des droits des Palestiniens par les gouvernements israéliens successifs – le Centre Simon-Wiesenthal lui-même l’a fait. N’oublions pas ce qui se passe dans les territoires occupés. Vouloir empêcher la critique de la politique israélienne revient parfois à empêcher de voir ce qu’est vraiment l’antisémitisme.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – En dépit des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, qui ont coûté la vie à quelque 6 millions de juifs, le fait est que, malheureusement, nous devons continuer en Europe à lutter contre les attitudes et les actes antisémites. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait apporté son concours à l’élaboration du rapport intitulé Vivre ensemble. Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du xxie siècle, sur une initiative de notre Secrétaire Général. Dans ce rapport d’experts, la recrudescence de l’intolérance avait singulièrement alarmé – qu’elle vise les Roms, les immigrés, les demandeurs d’asile, les musulmans, les juifs ou, dans certains cas, les chrétiens.

L’adhésion aux partis populistes et xénophobes était considérée bien souvent comme le fruit de l’intolérance et des préjugés mais, dans le même temps, les aggravait, les uns se nourrissant de l’autre, enclenchant ainsi un véritable cercle vicieux. Le rapport indiquait que les attitudes négatives à l’encontre des juifs augmentaient, quoiqu’elles fussent – semble-t-il – moins répandues en Europe que dans d’autres parties du monde.

La Commission européenne, dans son rapport contre le racisme et l’intolérance, soulignait qu’en Norvège les juifs faisaient partie d’une des cinq minorités nationales et étaient donc, en tant que tels, protégés par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Pour ce qui est de la mise en œuvre des préconisations du rapport, le Comité des Ministres a indiqué qu’il fallait porter une attention toute particulière au fait que l’intolérance à l’encontre des juifs semblait augmenter parmi les enfants et les jeunes. Nous savons que ces derniers sont sans doute plus exposés aux discours de haine véhiculés sur internet en général et sur les réseaux sociaux en particulier; d’où l’accent mis par le rapporteur sur la nécessité de mesures éducatives.

Le rapport évoque la question arabo-israélienne. En Norvège, existe un prétendu cercle luttant contre l’antisémitisme, mais qui réunit en fait des conservateurs qui défendent la politique d’Israël quelle qu’elle soit et qui promeuvent l’islamophobie. Ils ont donc très naturellement trouvé des alliés sur les réseaux sociaux parmi les nationalistes xénophobes. De façon surprenante, ces deux mouvances qu’on aurait pensé hostiles semblent se refléter horriblement.

C’est pourquoi je rends hommage à tous les jeunes musulmans norvégiens qui, l’an dernier, après les attaques en France et au Danemark, ont formé une chaîne humaine autour de la synagogue d’Oslo, alors que s’y déroulait un service religieux.

M. ABAD (France) – Le Conseil de l’Europe s’est construit sur l’idée du «plus jamais ça», en référence à l’horreur de l’Holocauste. Dans l’Ain, département de France que j’ai l’honneur de présider, se trouve la colonie devenue Maison d’Izieu, où 44 enfants de 5 à 17 ans et 7 adultes ont été arrêtés puis déportés en 1944 sur ordre de Klaus Barbie pour la seule raison qu’ils étaient juifs.

Cet antisémitisme, que nous croyions révolu, est pourtant plus que jamais présent comme le démontrent le meurtre d’enfants juifs à Toulouse, les attaques de l’Hyper Cacher à Paris ou du musée juif à Bruxelles. Nous devons sans cesse renouveler notre engagement dans ce combat contre la haine dans toute l’Europe, comme le souligne fort justement le titre du rapport.

Il y a dix ans, Ilan Halimi était torturé à mort parce qu’il était juif, et «devait donc être riche» selon le «gang des barbares» si bien nommé. Nous devons désormais nous interroger sur les formes nouvelles et l’évolution de cet antisémitisme, non seulement en France mais dans toute l’Europe. En effet, l’irruption des nouvelles technologies de l’information, les nouvelles formes de discrimination et les phénomènes de radicalisation changent les données du combat.

Comme les phénomènes de radicalisation, qui de fait entraînent des positions, voire des actes antisémites, un discours de haine vis-à-vis des juifs se diffuse via internet et les réseaux sociaux. Qu’il s’agisse de négationnisme ou de préjugés sur le pouvoir et l’influence présumés des communautés juives, sans parler des sites qui, sous couvert d’antisionisme, appellent à condamner, voire à exterminer tous les juifs, les propos antisémites trouvent sur la Toile une façon de contourner les sanctions mises en place par les législateurs mais également de toucher un public plus large, plus jeune – plus fragile aussi. Ainsi, ces jeunes sont réceptifs aux théories du complot et aux rumeurs qui circulent sur internet, notamment sur les attentats contre Charlie Hebdo.

En France, nier la Shoah, la contester, est condamnable et condamné comme cela vient d’être le cas avec Jean-Marie Le Pen sur l’affaire des chambres à gaz. Mais quid d’internet? Que faire contre les sites situés dans des pays où une prétendue liberté d’expression ouvre la porte à toutes les haines?

Monsieur le rapporteur, vous évoquez la corrélation entre les pics de violence au Proche-Orient et les attaques antisémites. Comme vous l’indiquez, le rôle des médias est en ce sens déterminant. Et l’irruption du conflit israélo-palestinien constitue en effet une réalité. Certains ont oublié que les «juifs de France» étaient avant tout des Français de religion juive, et certains semblent confondre «israélite» et «israélien». Les banderoles portant l’inscription «Mort aux juifs», qu’on a pu voir dans certaines manifestations, n’ont pas leur place dans la République.

C’est pour cela que nos valeurs doivent être défendues au sein des écoles; c’est pour cela que l’enseignement de l’Holocauste et le devoir de mémoire qui en découle ne doivent pas connaître d’exceptions ni de frontières. En effet, il s’agit non pas de l’histoire des juifs mais de celle de toute l’Europe et de notre civilisation. Comme vous le soulignez, c’est souvent du fait de l’ignorance que naissent l’intolérance et la violence.

En tant que parlementaires, nous devons avoir le courage de reconnaître que notre vivre ensemble est en danger et être conscients de la nécessaire exemplarité que nous devons garantir, en particulier vis-à-vis des jeunes générations.

LA PRÉSIDENTE – Il est bon de vous revoir dans cette enceinte, Monsieur Abad.

M. SCHÄFER (Allemagne)* – Je suis tout particulièrement honoré de pouvoir intervenir dans cet hémicycle.

En 1994, je siégeais au Parlement européen, où je prononçais mon premier discours, consacré au droit électoral en Europe. Vous y siégiez également, Madame la Présidente. Ainsi, nous nous retrouvons, et nous luttons toujours pour les mêmes causes, nonobstant nos affiliations politiques différentes. C’est la preuve qu’en tant que contemporains nous pouvons nous retrouver, même si l’Union européenne, dont le nombre de membres est passé de 15 à 28, et le Conseil de l’Europe, qui compte désormais 47 membres, ont changé.

Nous sommes aujourd’hui engagés dans un débat absolument déterminant. Quelles que soient nos appartenances politiques et nos origines, nous devons nous élever tous ensemble contre l’antisémitisme sous toutes ses formes. Rien n’est plus absurde que le nationalisme qui prévaut dans la plupart de nos pays, sinon l’antisémitisme. Bien sûr, nous pouvons être différents mais chacun doit savoir quelles valeurs méritent d’être défendues. Et, ensemble, nous devons les défendre, avec détermination, car nous savons bien que les gestes suivent les discours, et que l’Holocauste est le pire crime qui ait pu être commis, et qu’il l’a été au nom du IIIe Reich. Nous, Allemands, avons donc, en tant que tels, des responsabilités très particulières, un rôle très particulier à jouer, et le parti dont je suis membre accueille évidemment des juifs dans ses rangs.

Je crois que nous allons aujourd’hui entendre un chef d’Etat qui incarne ce vivre ensemble par-delà les différences, Heinz Fischer. J’évoquerai pour terminer les propos tenus devant le Parlement allemand par Johannes Rau, que personne n’a oublié et qui avait un lien tout particulier avec Israël: nous devons bannir toute forme de racisme et d’antisémitisme. Les auteurs d’actes racistes et antisémites doivent être punis. Nous devons faire peser sur eux toute la rigueur de la justice. Nous qui voulons des sociétés paisibles savons que toute attaque contre une minorité est en même temps un attentat contre toute la société, si celle-ci est fondée sur le pluralisme et le droit.

LA PRÉSIDENTE *- Merci, cher collègue. C’est toujours un plaisir de vous écouter.

M. SALLES (France) – Oui, il est, hélas, essentiel aujourd’hui de renouveler le combat contre l’antisémitisme, tant ce mal absolu que l’on aurait pu croire éteint après l’Holocauste renaît. Je tiens donc à féliciter M. Cilevičs pour son rapport particulièrement opportun. Pour prendre l’exemple de la France, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France rappelait récemment que, depuis quinze ans, les Français juifs sont les victimes chaque année de la moitié des actes xénophobes constatés alors qu’ils ne représentent que 1 % de la population. C’est inacceptable.

Je partage donc totalement sa recommandation de faire effectivement de la Shoah une partie intégrante du programme de l’enseignement secondaire. J’insiste sur le mot «effectivement», car il semblerait qu’il soit devenu difficile dans certaines zones d’aborder ce sujet, tant certains élèves sont imprégnés, à cause de leur milieu familial, de préjugés antisémites, qui se dissimulent sous un antisionisme, pavillon de complaisance d’un antisémitisme viscéral.

Comme l’a fort justement dit le Premier ministre français, Manuel Valls, l’antisionisme est «tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël». Cet antisémitisme prend parfois des formes hypocrites, ainsi l’appel au boycott des produits israéliens.

Je me félicite donc que la France sanctionne ces appels au boycott et j’espère, Monsieur le rapporteur, qu’il en va ou en ira prochainement de même de tous les autres Etats membres. Je forme aussi le vœu que la Cour européenne des droits de l’homme, qui a été saisie de cette question, ne donne pas raison aux défenseurs d’une forme particulièrement sournoise et pernicieuse d’antisémitisme. Je note d’ailleurs avec intérêt que l’antisionisme réunit souvent dans une alliance en apparence contre nature l’extrême droite et l’extrême gauche mais qui, en réalité, met en lumière leur nature fondamentalement haineuse et antidémocratique.

Nous devons également lutter avec force contre un communautarisme qui crée un terreau favorable pour la radicalisation et le terrorisme. Le refus d’accepter une valeur aussi fondamentale que la tolérance et le respect de l’autre est une rupture du contrat social qui place ses auteurs hors de la communauté nationale. La citoyenneté confère des droits mais aussi des devoirs, ce qu’on a tendance à oublier.

Nous devons aussi ne plus être naïfs et prêter une plus grande attention au financement par certains Etats de mouvements religieux extrêmement dangereux pour la démocratie et l’Etat de droit.

Naturellement, tous les actes antisémites doivent être rapportés et je ne peux qu’approuver l’idée de redoubler d’efforts pour garantir une meilleure collecte des données sur les crimes de haine. Une meilleure surveillance d’internet s’impose également et nous devons, au minimum au niveau européen, exercer une pression forte sur les fournisseurs d’accès à internet pour qu’ils participent à la lutte contre la diffusion des messages de haine. Il faut aussi naturellement réprimer sans faiblesse toute tentative de négation de l’Holocauste.

Le respect de toutes les croyances religieuses doit également être enseigné à l’école. Le fanatisme, la conviction que tous ceux qui ne partagent pas vos croyances sont des infidèles d’un statut inférieur, est inacceptable et doit être combattu avec la plus extrême vigueur. Cela semble très loin, mais prenons garde de ne pas revivre les guerres de religion qui ont autrefois ravagé la France et d’autres pays européens.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Je voudrais commencer par féliciter le rapporteur, M. Cilevičs. Il a rédigé un excellent rapport.

Les attentats perpétrés successivement à Toulouse, à Bruxelles, à Paris et à Copenhague nous montrent que l’antisémitisme ne peut être considéré comme relevant des seuls manuels d’histoire. Son origine est ancienne et, malheureusement, il est encore source de préjugés persistants.

L’antisémitisme mène à des actes violents. Nous avions l’espoir que les horreurs de l’Holocauste auraient mis un terme à l’antisémitisme. Malheureusement, non seulement nous entendons des déclarations antisémites, des discours imprégnés de la théorie du complot, des propos faisant l’apologie de l’Holocauste, mais nous nous apercevons que ces situations ne font que se multiplier dans un certain nombre de pays européens Pour lutter efficacement contre l’antisémitisme, nous devons nous pencher sur ce qui préside à l’apparition de la violence, sur les racines mêmes de ce phénomène, et analyser les manifestations dont nous sommes témoins actuellement, qui visent certaines personnes. L’Assemblée parlementaire a relevé, il y a quelques années déjà, l’existence de cette tendance préoccupante au racisme et à la xénophobie, ces manifestations d’intolérance partout en Europe. Elle a donc condamné l’antisémitisme – le plus récemment, l’année dernière, dans sa Résolution 2069.

Notre travail n’est pas achevé, nous devons continuer dans les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre les bonnes décisions, celles qui sont conformes au projet de résolution que l’on trouve dans cet excellent rapport. En tant qu’hommes et femmes politiques, notre responsabilité est de faire en sorte que les objectifs visés soient consacrés par nos législations nationales.

Je voudrais conclure sur une note empreinte de gravité. En tant que parents, notre responsabilité est d’apprendre à nos enfants ce qu’est le respect, ce que sont les valeurs humaines. C’est ainsi que nous pourrons éviter l’antisémitisme, le racisme et la résurgence du discours de haine en Europe. Mon collègue Petri Honkonen a préparé une proposition de résolution appelant à la protection des enfants contre le racisme et le discours de haine. J’espère que cela donnera lieu à la rédaction d’un rapport et de certaines recommandations importantes que nous aurons tous à cœur de mettre en œuvre.

M. FEIST (Allemagne)* – Je tiens à remercier notre rapporteur, M. Cilevičs. Il est très important que nous parlions d’un tel sujet dans notre hémicycle, car il est inacceptable que, dans notre Europe, les membres des communautés juives aient peur de se promener dans certains quartiers, peur de se montrer en tant que juifs dans nos villes. Nous devons donc parler de l’antisémitisme et des stratégies à mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau.

En tant qu’Allemand, je suis heureux que nous ayons tenu récemment une conférence interparlementaire qui a réuni des collègues d’une quarantaine de pays pour réfléchir à ce sujet, mais il faut aller au-delà. Nous devons transcrire dans le droit les expérimentations que nous avons menées. Le président du Bundestag, M. Lammert, a affirmé que ceux qui viennent chercher une protection en Europe doivent se déclarer prêts à respecter nos normes, notamment à rejeter toute forme d’antisémitisme. L’intégration des réfugiés en Europe doit impérativement passer par la reconnaissance de nos valeurs et de nos normes, au premier rang desquelles figure le rejet de la xénophobie et de l’antisémitisme.

Dans le cadre de nos mandats nationaux, nous pouvons agir en censurant dans les médias publics les défenseurs de ces thèses inacceptables. Ceux qui nient l’Holocauste, ceux qui, sous couvert de critiquer Israël, profèrent des thèses antisémites doivent être censurés.

Par ailleurs, nous devons agir par l’éducation, en direction non seulement des jeunes Européens, mais aussi de l’ensemble de la population. N’oublions pas que nous travaillons avec les pays arabes, où les manuels scolaires comportent des relents d’antisémitisme. Il faut faire comprendre à nos partenaires que ce n’est pas acceptable.

L’antisémitisme ne doit pouvoir disposer d’aucune plate-forme d’expression. Hier, Monika Grütters, notre ministre de l’Éducation, a supprimé les subventions qui étaient versées à un théâtre où devait être présentée une pièce faisant l’apologie du Hezbollah et du terrorisme. Un certain nombre de mesures pratiques peuvent donc être prises.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Aujourd’hui, la communauté internationale est confrontée à de nombreuses menaces: une crise économique causée par la poursuite du processus de mondialisation et les conséquences de la crise financière, d’une part, et, d’autre part, la préoccupation des opinions publiques au sujet des confrontations sur la scène politique. À cela s’ajoutent les attentats terroristes et les discriminations religieuses et raciales. Tout cela ne peut nous laisser indifférents.

Le rapport que nous examinons aujourd’hui est opportun et nécessaire. Notre Assemblée a constaté la montée des manifestations de racisme, de xénophobie et d’intolérance en Europe depuis un certain nombre d’années. Dans ce contexte, elle a condamné sans relâche l’antisémitisme, en particulier dans sa Résolution 2069 de 2015 sur la reconnaissance et la prévention du néoracisme. L’antisémitisme et ses manifestations sont contraires aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

Je suis d’accord avec le rapporteur pour dire que l’antisémitisme n’est pas un phénomène isolé, et qu’il faut également prendre en compte toutes les autres formes de haine. L’Europe devient un lieu d’interaction entre des personnes de différentes religions, ce qui pourrait nous aider à réduire les préjugés et la discrimination. Des campagnes de sensibilisation sur la diversité et le vivre ensemble devraient avoir lieu dans toute l’Europe.

Je saisis l’occasion pour rappeler que les Azéris et les juifs ont une longue tradition d’interaction et de tolérance mutuelle. Les juifs vivent sur le territoire d’Azerbaïdjan depuis le Ve siècle avant J.-C. Les juifs, qui ont subi les persécutions de l’Empire perse, puis de l’Empire russe, et enfin des régions slaves de l’Union soviétique, ont trouvé asile en Azerbaïdjan.

Les communautés juive et chrétienne vivent en bonne entente avec la communauté musulmane, qui est majoritaire dans notre pays. Les juifs n’ont jamais été maltraités. L’Azerbaïdjan est un pays où une mosquée, une église et une synagogue peuvent coexister en paix. Aujourd’hui, le gouvernement prend soin des juifs et des chrétiens. Leurs lieux de culte sont protégés par l’Etat et toutes les conditions sont réunies pour qu’ils puissent célébrer leur service.

Au fil des années qui ont suivi l’indépendance, le gouvernement azéri a restauré les synagogues qui avaient été dévastées par les Soviétiques. En 2011, la plus grande synagogue d’Azerbaïdjan a été construite par des financements publics et inaugurée à Bakou lors d’une cérémonie à laquelle le grand rabbin d’Israël a assisté. Krasnaiya Sloboda est la seule ville juive au monde en dehors d’Israël.

Les Juifs sont actifs dans tous les domaines de la vie publique en Azerbaïdjan: la politique, le gouvernement, l’éducation, la santé, etc. Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les représentants, c’est avec fierté que je vous affirme que mon pays est un lieu où les juifs ont pu préserver leur religion et leur identité. L’atmosphère de prospérité et de tolérance que les juifs ont connue en Azerbaïdjan pourrait servir d’exemple pour beaucoup de pays.

M. HASSON (Israël, observateur)* – C’est une bonne chose que nous ayons ce débat aujourd’hui sur l’antisémitisme. Nous, Juifs – et je m’exprime ici au nom de la délégation juive et d’Israël –, ressentons l’immense difficulté que représente la lutte contre l’antisémitisme en Europe.

Il est vrai que depuis plusieurs années l’Europe n’est malheureusement plus un lieu sûr pour les juifs. C’est une réalité que nous ne saurions accepter. L’antisémitisme se répand sur les réseaux sociaux et sur internet, comme cela est indiqué dans le rapport. De plus en plus de sites internet transmettent des messages antisémites et incitent à la haine des Juifs. L’un des principaux défis à relever est l’éducation des jeunes générations en Israël, en Europe, partout dans le monde, pour leur apprendre à vivre ensemble, à travailler ensemble, et à ne pas juger les personnes selon leur religion ou selon ce qu’elles représentent.

Nous pourrions agir au travers des fournisseurs d’accès à internet, afin de bloquer tous les sites diffusant de la propagande antisémite.

J’aimerais à nouveau vous remercier pour ce rapport. Israël, en tant qu’Etat, se place aux côtés de l’Europe; ensemble, nous devrions pouvoir remporter cette victoire contre l’antisémitisme. Il ne faut pas faire d’amalgame entre le fait d’être antisémite et le fait de critiquer la politique d’Israël. Ne pas être d’accord avec les politiques israéliennes ne signifie pas pour autant qu’on va dans le sens de l’antisémitisme. Si nous faisons bien clairement cette distinction, nous vivrons dans un monde meilleur.

M. HAJDUKOVIĆ (Croatie)* – Il est décevant d’être encore obligé, au xxie siècle, de parler de l’antisémitisme et des discours de haine dont sont victimes les juifs; c’est aussi inquiétant. Pourtant, cela semble plus que jamais indispensable face aux tendances que l’on voit se développer, et qui ne se limitent d’ailleurs pas aux seuls Etats membres du Conseil de l’Europe.

Poursuivre leurs auteurs et réprimer ces faits ne constitue qu’une partie de la solution, c’est traiter les symptômes sans soigner le mal à la racine. Ce qui doit nous inquiéter, c’est que puissent exister tant de préjugés et d’ignorance et se produire tant d’actes de violence dont sont victimes les «autres» – ceux qui appartiennent à des minorités, ceux qui se démarquent.

Ces actes de violence sont surtout commis par des jeunes et, à cet égard, je voulais justement souligner que, puisque ce sont des jeunes qui se rendent coupables de tels actes, nous devons traiter bien évidemment les symptômes, mais surtout attaquer le mal à la racine. Le remède est dans l’éducation: il faut en finir avec l’ignorance, source de préjugés et d’actes de violence.

C’est la raison pour laquelle ce projet de résolution me semble une bonne proposition. La connaissance de la Shoah doit notamment faire partie de tout enseignement secondaire. À l’avenir, nous devrions vérifier dans quelle mesure nos systèmes éducatifs relèvent ce défi et quelles sont les mesures prises en la matière.

Mme Guzenina, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Mme Oomen-Ruijten au fauteuil présidentiel.

M. NISSINEN (Suède)* – Le rapport présenté par M. Cilevičs au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination vient à point nommé. C’est vraiment un paradoxe de constater qu’alors que l’on en sait toujours davantage sur les atrocités qui ont été commises contre les juifs européens au siècle dernier, l’antisémitisme parvient à nouveau à relever sa tête hideuse.

Cela va à l’encontre de tout ce que pouvaient prétendre les écoles de pensée historique les plus optimistes: il semblerait que l’humanité n’apprenne rien de son histoire et soit, au contraire, tentée de réitérer encore et toujours les actes les plus barbares et les plus cruels.

C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un rapport tel que celui-ci pour nous rappeler qu’il ne faut pas baisser la garde, qu’il faut défendre la dignité humaine et s’élever contre les actes et les crimes de haine, qu’il faut encore et toujours se souvenir de la terrible période que constituent les années 1930 et 1940, au cours de laquelle fut planifié et exécuté l’Holocauste, avec pour objectif de parvenir à la quasi-disparition de tout un groupe ethnique.

Ce paradoxe est aussi manifeste dans mon pays, la Suède. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la Suède a accueilli de nombreux juifs qui avaient réussi à fuir l’Europe occupée par les nazis et, pendant des décennies, l’antisémitisme n’a pas été un problème chez nous. Mais aujourd’hui, comme le souligne ce rapport, les stéréotypes persistent, les violences physiques et des insultes frappent tous les jours des membres de la communauté juive en Europe et l’on assiste à des dégradations de biens et à des profanations de monuments juifs.

Cela, mes chers collègues, est inacceptable. En vérité, le problème est d’une telle gravité que le président Obama avait missionné, en mars 2015, un envoyé spécial à ‎Stockholm et à Malmö afin d’analyser la façon dont les villes suédoises faisaient face aux menaces croissantes contre les communautés juives de notre pays.

En conclusion, je soutiens les différentes mesures proposées par notre rapporteur. Je veillerai à ce que le rapport et la résolution que nous adopterons aujourd’hui soient largement diffusés dans mon pays.

L’héritage laissé par Raoul Wallenberg, le diplomate suédois qui a sauvé des milliers de juifs pendant les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, donnant d’ailleurs sa vie pour cela, ne doit pas être souillé ni oublié. Il doit au contraire être une inspiration pour tous les citoyens européens, pour défendre la sécurité et la dignité non pas seulement des juifs mais de tous les groupes ethniques ou autres qui se trouvent exposés à ces risques.

M. SILVA (Portugal)* – Je tiens tout d’abord à féliciter M. Cilevičs pour son rapport, si intéressant, que nous examinons ce matin. Je félicite également M. Corlăţean, rapporteur pour avis. Les deux commissions, celle sur l’égalité et celle des questions politiques, ainsi que leurs secrétariats méritent également toutes nos félicitations.

Chers collègues, l’antisémitisme n’a rien à voir avec l’Etat d’Israël ni avec l’antisionisme. L’antisémitisme est une question de droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle il importe de lutter contre toutes ses manifestations. Dans ce combat, que nous devons renforcer, nous devons nous opposer à la peur, aux préjugés, au racisme et à l’intolérance et, ce faisant, défendre les valeurs de notre civilisation: la liberté, la solidarité, la démocratie et, surtout, les droits de l’homme.

Lutter contre l’antisémitisme, c’est en fait nous défendre nous-mêmes en tant qu’individus; c’est défendre nos familles, nos sociétés, la paix et le progrès en Europe et dans le monde entier.

Lutter contre l’antisémitisme, c’est aussi une obligation qui nous incombe en tant que membres du Conseil de l’Europe. C’est la raison pour laquelle j’appuie les idées et les stratégies présentées dans le document intitulé «Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe», dont nous débattons ce matin.

La meilleure stratégie pour combattre l’antisémitisme est effectivement la prévention. Nous devons rester vigilants afin d’éviter que l’antisémitisme ainsi que toute autre forme de discours de haine raciale ne se répandent dans les médias et sur les réseaux sociaux. De ce point de vue, l’éducation est essentielle.

L’éducation, cela signifie l’enseignement de l’histoire, y compris de la Shoah, ce moment dramatique qui ne saurait faire l’objet de thèses négationnistes. L’éducation, cela signifie enseigner les valeurs du dialogue entre différentes croyances, religions et races. L’éducation, cela permet d’être capable de détecter les discours de haine et de les combattre. L’éducation, c’est enfin la façon de nous doter de compétences pour être vigilants et pouvoir faire face à toutes les formes d’antisémitisme et de racisme et à toutes ces forces de l’obscurantisme qui sont les fléaux de notre civilisation.

Mme CROZON (France) – Au cours de l’année 2015, le Gouvernement français a recensé 2 032 actes racistes et antisémites, chiffre en hausse de 22 % par rapport à celui de l’année précédente. Ces chiffres s’expliquent en particulier par le triplement des actes antimusulmans, dont plus de la moitié ont été commis lors des mois de janvier et novembre, consécutivement aux attentats qui ont frappé notre pays. Mais l’antisémitisme se maintient à un niveau exceptionnellement élevé, puisque les juifs de France, qui représentent 1 % de la population, subissent à eux seuls 51 % de ces violences.

Bien sûr, l’antisémitisme en Europe trouve ses racines dans des stéréotypes durables et profondément ancrés que nous devons combattre inlassablement. La culture historique, l’éducation des jeunes générations demeurent bien évidemment un enjeu pour ne pas reproduire les idéologies de pureté et de haine qui ont mené notre continent au chaos. Mais ils ne sauraient à mes yeux suffire à endiguer la montée des racismes et de l’antisémitisme, qui ne sont pas simplement de vieilles peurs qui remontent à la surface en temps de crise, mais se renouvellent et entrent en résonance avec la violence d’un monde dont l’évolution nous échappe. Antonio Gramsci écrivait: «Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître. Et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres».

Cela est particulièrement vrai face à une mondialisation de plus en plus abstraite, où la compétition dresse les individus les uns contre les autres, et où leur capacité à consommer devient la mesure de toute chose. Nous échouons aujourd’hui à proposer une nouvelle utopie collective, et vivons, tout au contraire, un moment extrêmement inquiétant de fragmentation de la société, de repli sur nos identités particulières – culturelles ou religieuses –, de peur de la différence, de victimisation et de concurrence des mémoires.

Cette prégnance de la question identitaire, cette aspiration à demander aux Etats de protéger ce qui nous distingue plutôt que de chercher à faire société ensemble, se nourrit quotidiennement de l’actualité. Le conflit israélo-palestinien s’exporte dans nos pays sous forme de défiance mutuelle entre les communautés juive et musulmane. Nous avons été particulièrement frappés, après les attentats qui ont frappé Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, de constater qu’une partie de notre jeunesse considérait, au fond, que les victimes n’étaient pas si innocentes que cela.

Nous devons lutter contre les indignations sélectives, expliquer que si la critique du Gouvernement israélien peut être légitime dans le débat public, la remise en cause du droit des personnes juives à vivre en sécurité en Israël ou en Europe ne l’est pas. De la même manière, nous devons refuser tout amalgame entre le djihadisme ou la revendication d’un islam politique et le droit des personnes musulmanes à vivre leur foi en toute sérénité.

C’est un combat de longue haleine. Nous ne le gagnerons pas simplement en rappelant nos principes universalistes, bien que cela soit nécessaire. Il doit s’inscrire dans notre capacité concrète à vivre ensemble, à favoriser le dialogue interculturel, à casser les ghettos et l’entre-soi, à offrir à chacune et chacun une place et des perspectives dans une société qui jugerait les individus non plus sur leurs origines ou leurs croyances, mais sur ce qu’ils apportent à la collectivité.

M. NÉMETH (Hongrie)* – J’évoquerai trois sujet: la sécurité, la culture et la diplomatie.

Le nombre d’incidents antisémites va toujours croissant, de même que le sentiment d’insécurité de nos concitoyens juifs en Europe. Cette nouvelle résurgence de l’antisémitisme a pour toile de fond la crise migratoire. C’est pourquoi je pense que les mesures de sécurité actuellement prises afin de réduire de nombre de migrants qui arrivent en Europe, de lutter contre le terrorisme et d’accroître le sentiment de sécurité d’un certain nombre de communautés ethniques, vont toutes dans le même sens. Nous devons tout mettre en œuvre à l’égard de nos concitoyens pour assurer la sécurité au sein de l’Europe et protéger nos frontières.

En ce qui concerne la culture, qui constitue sans doute le volet le plus important du rapport, je voudrais saluer le rôle joué par nos organisations juives, notamment celles qui interviennent dans nos pays où la communauté juive est très importante. En Hongrie, les 200 000 juifs constituent la troisième communauté la plus importante d’Europe. Sachez que j’ai reçu une lettre de son président, qui demande à la délégation hongroise de soutenir ce rapport. Nous le ferons, bien entendu. Nous venons de présider l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, et nous sommes heureux de voir que le rapport se propose de retenir l’approche que nous avons nous-mêmes soutenue.

L’un des legs de notre présidence de cette institution est que nous avons réussi à amender le cadre réglementaire de l’Union européenne en matière de protection des données. Il est désormais impossible pour les services européens d’archives d’entraver des recherches sur l’Holocauste et sur l’antisémitisme, sous prétexte de protection des données à caractère personnel. Le Parlement européen s’est prononcé récemment sur cette évolution extrêmement importante. Par ailleurs, nous venons d’inaugurer une exposition qui traite du nazisme et de l’antisémitisme.

Je ne peux évoquer le volet diplomatique de mon intervention, mais n’oublions pas, chers collègues, que les politiques qui attaquent Israël sont une forme d’antisémitisme, qui se manifeste aussi en Europe. Certes l’on peut émettre des critiques envers Israël, mais les populistes qui le font propagent la forme d’antisémitisme la plus dangereuse qui soit.

M. ROUQUET (France) – Je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre rapporteur sur un sujet dont on ne peut que s’attrister qu’il soit de nouveau d’actualité. Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale auraient pu nous laisser espérer que l’antisémitisme était définitivement banni du continent européen. Force est de constater, hélas, que tel n’est pas le cas.

J’apporterai cependant une note d’optimisme: l’antisémitisme est aujourd’hui le fait d’extrémistes et non plus un sentiment dominant, comme cela a pu être le cas avant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire a malgré tout porté quelques fruits, même s’il reste malheureusement beaucoup à faire.

Je partage naturellement la volonté du rapporteur de sanctionner pénalement les manifestations d’antisémitisme et la négation de l’Holocauste. Je me réjouis d’ailleurs que mon pays soit l’un de ceux qui ont toujours sanctionné sans faiblesse ces comportements inacceptables. Il convient aussi de prêter la plus extrême attention au contenu des médias en ligne, source de messages de haine, comme on peut le voir actuellement avec le terrorisme. Beaucoup dépendra cependant des fournisseurs d’accès en ligne.

Naturellement, il y a lieu d’enseigner l’Holocauste, afin que ce passé dramatique ne soit pas recouvert par l’oubli. Plus généralement, sur un continent comme le nôtre, déchiré par des siècles de guerres et de haines nationalistes, il serait essentiel d’enseigner le passé le plus objectivement possible, ce qui ne va pas toujours de soi. Il faut évidemment, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur, encourager les échanges entre jeunes de confessions différentes.

Mieux se connaître est sûrement l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les stéréotypes. Il est vital d’empêcher que l’école ne devienne le refuge de divers communautarismes et, pour ce faire, d’encourager de salutaires échanges. Une fois qu’un jeune est ancré dans la conviction que seules les informations conformes à cette logique communautariste sont légitimes, il devient très difficile de faire passer un autre message, car celui-ci se trouve frappé a priori de discrédit et devient donc inaudible.

C’est la raison pour laquelle, j’en ai peur, obliger les auteurs d’actes antisémites à participer à des programmes éducatifs sur l’Holocauste ne serait pas d’une grande efficacité. À l’image de la déradicalisation, ce ne peut être qu’un processus de longue haleine, que doivent mener des acteurs susceptibles d’être entendus par des individus enfermés dans la haine et l’exclusion.

Quant à la protection des écoles, je suis sensible à votre préoccupation, Monsieur le rapporteur, mais je ne vois pas comment on pourrait prendre le risque de les laisser sans protection dans la conjoncture actuelle, qui risque malheureusement de se prolonger.

Certains points restent à approfondir, tels que celui, délicat, de la frontière entre critique légitime d’Israël – comme peut l’être la critique de tout autre Etat – et antisémitisme. Cela dit, je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre travail important.

M. VALEN (Norvège)* – L’antisémitisme est une substance dangereuse en Europe. Elle y existe depuis très longtemps: les crimes contre les juifs en Europe, parmi lesquels bien sûr l’Holocauste, ont été rendus possibles non seulement par les régimes des années 1930 et 1940, mais aussi par le sentiment antisémite qui existe dans la totalité des pays européens. Les gens de la rue, en Norvège, en France ou en Allemagne, ont contribué à la perpétration de ce crime sans précédent. La résurgence quotidienne de l’antisémitisme en Europe doit être un signal d’alarme pour nous tous. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas réagir.

N’oublions pas que l’antisémitisme qui se fait de plus en plus sentir en Europe aujourd’hui n’est pas le fait de certaines communautés d’immigrants: ce sentiment se propage dans tous les cercles politiques. Les populistes antisémites sont désormais des représentants élus en Hongrie, en Slovaquie, en Ukraine et en Grèce.

Avec la montée des partis d’extrême droite en Europe centrale, nous assistons à la diffusion des idéologies de la haine. Les parlements sont désormais des enceintes dans lesquelles ces idées sont véhiculées.

L’antisémitisme en Europe est une responsabilité que nous devons tous assumer. Je partage la position de notre collègue israélien et je suis résolument contre l’occupation des Territoires palestiniens par Israël. C’est précisément parce que je défends cette position que je dois clairement faire la distinction entre les éléments politiques, ethniques et religieux. Le mouvement pro-palestinien doit lui aussi tracer une ligne infranchissable entre l’antisémitisme et le combat politique. Les partis de droite européens doivent se démarquer fermement des partis d’extrême droite. Telle est notre responsabilité.

Les mesures politiques évoquées par le rapport ne seront pas, selon moi, adoptées dans un avenir proche en Norvège. J’ai le plus grand respect pour les pays qui ont choisi d’adopter de telles dispositions, mais elles ne constituent pas la seule voie. L’antisémitisme est un poison qui doit être combattu au quotidien. C’est fort de toutes ces réflexions que je soutiendrai le projet de résolution.

LA PRÉSIDENTE* - M. Forer, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. JAKAVONIS (Lituanie)* – Je veux avant tout remercier mon collègue et ami M. Cilevičs, pour son rapport tout à fait objectif et mesuré, malgré la gravité du sujet. Je suis heureux qu’il présente de manière objective la réalité de la situation en Lituanie – y compris en soulignant les aspects positifs.

D’après les données disponibles, la Lituanie se situe dans la moyenne des pays de l’Europe orientale. Malgré la persistance de certains stéréotypes, les relations de la population à l’égard des juifs sont apaisées dans notre pays. Depuis 2003, il existe en Lituanie un réseau de 115 centres destinés à promouvoir la tolérance. Ils contribuent à diffuser l’idée selon laquelle les juifs lituaniens sont citoyens de notre pays depuis fort longtemps et ont fait beaucoup pour son développement. Ils participent activement à la vie culturelle, sociale et politique de la Lituanie.

Il existe par ailleurs, dans les programmes scolaires, des enseignements sur l’origine de l’Holocauste en Lituanie et dans les autres pays. Nous avons également mis en œuvre une coordination de projets et d’initiatives pour mieux connaître la richesse de la tradition juive en Lituanie. Ce sont notamment les programmes «Ils ont vécu parmi nous», «Chaque homme possède un nom» ou «L’histoire des traditions juives en Lituanie». Il est très important de célébrer les dates de commémoration, telles que le 23 septembre, jour du génocide des juifs lituaniens, le 27 janvier, Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, ou le 16 novembre, journée de la tolérance. Nous pensons enfin qu’il est essentiel d’élaborer des outils pédagogiques pour diffuser le souvenir de ceux qui ont disparu pendant l’Holocauste.

M. REICHARDT (France) – «Loin d’avoir été éradiqué, l’antisémitisme est aujourd’hui en progression sur le continent européen. Hétérogène et relativement banalisé, il est présent à des degrés divers dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Cette recrudescence doit inciter les Etats membres à redoubler de vigilance et à s’attaquer aux menaces que l’antisémitisme fait peser sur les valeurs fondamentales que le Conseil de l’Europe a pour mission de défendre.»

Ce paragraphe que je viens de vous lire émane d’une résolution que cette Assemblée parlementaire a votée en 2007, soit depuis neuf ans déjà. Or, depuis neuf ans, qu’observe-t-on à peu près partout en Europe? Une aggravation constante des propos, des actes et des violences antisémites.

Sans s’attaquer aux racines du mal, les meilleurs traités, conventions et déclarations internationales, de même que les législations internes nourries des meilleures intentions resteront lettre morte. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont produit respectivement la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne; elles donnent une place fondamentale aux principes de non-discrimination, de tolérance et d’égalité de traitement entre les personnes.

Mais, pour être efficace, il faut aller au-delà des seules règles législatives. Récemment, le directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a pointé quelques démarches pratiques et concrètes. En particulier, il est nécessaire que les pouvoirs publics collectent les données sur les incidents antisémites, afin de mieux en cerner les caractéristiques et la nature. Ces données sont ensuite un atout pour initier des mesures ciblées et pertinentes contre des débordements.

Tous les Etats membres de l’Union européenne, mais aussi le Conseil de l’Europe lui-même, sont représentés au sein du Groupe de travail sur les crimes de haine que l’Agence a créé en 2014. Ce groupe publiera bientôt un recueil des bonnes pratiques, destiné à aider concrètement les Etats à lutter contre les actes antisémites.

La France est malheureusement l’un des pays où la communauté juive, au vu des actes ou des propos qui la visent, se sent le plus menacée. En réaction, un programme en 40 points, destiné au renforcement des outils, a été lancé, axé autour de quatre priorités: mobiliser à tous les échelons l’Etat, les territoires, les associations; pénaliser plus fermement les propos et actes racistes et antisémites, ce qui va de pair avec la défense des victimes; lutter contre la propagation de la haine par internet; enfin, former les consciences par la transmission, l’éducation et la culture. Ces différentes actions figurent également dans le rapport de M. Cilevičs. C’est pourquoi je le soutiendrai, car il est temps d’agir.

M. KÜÇÜKCAN (Turquie)* – L’antisémitisme et les discours de haine connaissent malheureusement une recrudescence. En Turquie, les musulmans, les chrétiens et les juifs ont vécu en paix et en harmonie pendant des siècles. Nous sommes donc très soucieux de lutter contre toutes les formes d’intolérance, qu’elle soit religieuse ou non.

Aujourd’hui, les juifs font partie intégrante de notre société et leur sécurité est garantie par l’Etat. Les citoyens juifs jouissent de droits et de libertés très étendus, garantis par le Traité de Lausanne, mais nous avons pris récemment de nouvelles dispositions pour punir plus sévèrement l’antisémitisme. Il ne me semble pas possible, dans ces conditions, de dire que les musulmans sont coupables de la résurgence de l’antisémitisme. Celui-ci n’a pas de place chez nous.

Je remercie le rapporteur pour son travail, qui arrive à point nommé. Compte tenu des horreurs qu’a connues l’Europe, nous nous devons, moralement et politiquement, de nous dresser contre l’antisémitisme et le punir sévèrement. Le point 7 du projet de résolution, toutefois, qui va au-delà de l’antisémitisme en évoquant «la négation publique […] de l’Holocauste, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité», est problématique dans la mesure où il n’existe pas de normes universellement reconnues en la matière.

On risque là le détournement de sens, les abus de langage. On parle souvent de génocides et de crimes contre l’humanité, sans connaître vraiment le sens que recouvrent ces termes, sens qui est devenu très subjectif: cela ne peut avoir sa place dans un rapport tel que le nôtre. La Cour européenne des droits de l’homme elle-même, dans sa jurisprudence sur la liberté d’expression, indique qu’incriminer le négationnisme en tant que tel ne peut être justifié au regard de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En tout état de cause, nous condamnons l’antisémitisme, et toutes les mesures doivent être prises à son encontre de même que contre d’autres formes d’hostilité, contre les musulmans par exemple. N’oublions pas que la synagogue d’Edirne, qui est l’une des plus grandes au monde et ouverte au culte après avoir été rénovée à grands frais par le Gouvernement turc.

M. KHADER (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – L’antisémitisme est déplorable, de la même façon que tout type de racisme est à condamner. Mais ce qui est tout autant déplorable c’est de mettre en exergue un type de racisme pour en justifier d’autres.

Je suis d’accord avec mon collègue israélien pour penser qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre l’antisémitisme et la critique des politiques menées par l’Etat d’Israël. Le rejet des politiques menées par ce dernier n’ont rien à voir avec l’antisémitisme: l’occupation israélienne qui se poursuit dans les territoires palestiniens, la construction de colonies illégales dans notre pays, l’oppression du peuple palestinien, le fait de lui refuser le droit à l’autodétermination, tout cela constitue des violations flagrantes du droit international, des valeurs de la démocratie et des droits de l’homme.

Il convient de sanctionner ces violations du droit international et telle est bien l’attitude de certains Européens. Israël ne doit pas être exonéré de ces critiques et le fait de lui imposer des sanctions pour violation du droit international, ce qui nous paraît légitime, n’a aucun rapport avec l’antisémitisme.

Le discours de haine contre les juifs en Europe ne doit pas servir de prétexte pour justifier les crimes commis par Israël contre les Palestiniens au Proche-Orient. Je le souligne, la majeure partie du Mouvement de libération palestinien fait bien la distinction entre l’antisémitisme et le refus de l’occupation israélienne des terres palestiniennes.

Avant l’irruption de ce conflit, les juifs, les musulmans et les chrétiens coexistaient pacifiquement et en harmonie sur la terre de Palestine. Nous ne haïssons pas les juifs, mais nous rejetons sans ambages l’occupation israélienne.

LA PRÉSIDENTE* – M. Farmanyan, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme KOBAKHIDZE (Géorgie)* – Notre rapporteur, dont j’apprécie particulièrement le travail sur cette question centrale de l’antisémitisme, observe l’absence de manifestations d’antisémitisme en Géorgie récemment. Et c’est vrai, mon pays ne connaît pas de tels actes, et ce ne sera jamais le cas. Nous sommes très fiers, en effet, de la grande amitié qui unit les juifs et les Géorgiens, une amitié d’une valeur inestimable qui remonte à 26 siècles.

En 2014, cette amitié s’est traduite par la rénovation du musée de l’histoire des juifs de Géorgie, renforçant davantage encore les liens culturels. C’était là une façon de marquer cette amitié qui dure depuis des siècles. Mais si nous déployons de multiples efforts pour restaurer les monuments juifs – et ce musée en est l’illustration –, ce n’est là bien sûr qu’une illustration des relations entre juifs et Géorgiens, car tout montre à quel point deux pays, deux peuples peuvent nouer des liens d’amitié et de fraternité.

C’est en Géorgie qu’a été créée cette notion étrange de «juifs de Géorgie». Les juifs ont toujours contribué au renforcement de l’Etat géorgien. Il faut le dire et le répéter: les juifs ont toujours bien servi la Géorgie sans renoncer à leur identité. Ils ont toujours eu le sentiment d’appartenir à la nation géorgienne. Cette amitié est d’une valeur inestimable et nous ne ménagerons pas nos efforts pour la préserver. Le vote de la loi anti-discrimination n’a fait que resserrer nos liens, au-delà de la rénovation des synagogues, notamment de Tbilissi. Les juifs contribuent largement à l’économie géorgienne, par leurs investissements ou le tourisme.

Dans notre monde, il n’y a pas d’alternative possible à la tolérance, au respect mutuel et à l’amitié. Je ne peux que le répéter: les relations qui unissent les Géorgiens et les juifs sont exemplaires et nous continuerons ainsi dans le respect des valeurs européennes fondamentales. Ensemble, nous œuvrerons pour lutter contre le racisme et mettre un terme à l’antisémitisme.

M. ALLISON (Canada, observateur)* – Je remercie l’Assemblée de me permettre d’intervenir sur un sujet qui a toujours été au cœur de mes préoccupations.

Ainsi que l’indique le rapport, l’antisémitisme et la xénophobie, comme d’autres formes d’intolérance, sont une réalité dangereuse qui menace ce qui est au cœur même de l’égalité et de l’Etat de droit dans nos pays.

Des signalements d’incidents antisémites violents sont multiples: le meurtre de quatre personnes au Musée juif de Bruxelles en 2014, les meurtres commis à l’Hyper Cacher à Paris, les meurtres à la synagogue de Copenhague en 2015.

En Europe, l’émergence de nouveaux partis politiques révèle une montée de la xénophobie, de l’antisémitisme et de l’ultranationalisme. En 2015, la France a connu un exode de près de 8 000 juifs vers Israël, qui révèle bien le sentiment d’insécurité des juifs et illustre la montée de l’antisémitisme.

L’histoire du Canada est bien différente de celle des nations européennes. Nous sommes un pays constitué d’immigrants. L’intégration et le respect de la diversité sont essentiels à la façon dont notre nation grandit. Pour protéger ces valeurs, nous avons mis en place un cadre juridique robuste qui protège les individus de la discrimination, qui défend la liberté de religion et de croyance, que ce soit à l’échelon des provinces ou au niveau fédéral. L’antisémitisme est un phénomène auquel le Gouvernement canadien et les députés canadiens ont toujours été extrêmement attentifs. Et pourtant, l’antisémitisme est tout autant une réalité au Canada qu’en Europe.

Tout récemment, une enquête a fait état de la progression d’incidents antisémites avec une augmentation marquée du nombre de plaintes pour harcèlement. En 2015, un incendie criminel s’est produit dans la synagogue de Montréal et un cimetière juif a été profané à Winnipeg. Ce ne sont là que quelques exemples.

Nous devons reconnaître la montée de l’antisémitisme, œuvrer ensemble pour lutter contre la progression de la xénophobie, de l’extrémisme et de l’antisémitisme, mettre l’accent sur la promotion de la liberté de religion et de croyance et sur la protection de la diversité.

Je voudrais d’ailleurs saluer un certain nombre d’initiatives récentes. Je félicite la Commission européenne qui a désigné un coordonnateur en charge de la lutte contre l’antisémitisme, dont le rôle est de tendre la main aux communautés et de mettre en place des stratégies de lutte contre le discours de haine, le discours raciste et la discrimination. Je salue également l’Alliance parlementaire contre la haine.

La France, quant à elle, a adopté un plan d’action contre le racisme et l’antisémitisme qui met l’accent sur le recueil de données, les changements à adopter dans les structures pénales et les services à apporter aux victimes de crimes de haine.

La Finlande met la dernière main à un projet de lutte contre l’antisémitisme et l’intolérance. Elle a mis au point des indicateurs qui mesurent l’état des relations interculturelles et intercommunautaires.

Mon propre parlement a tenu un débat l’année dernière et a adopté, à l’unanimité, une résolution condamnant l’antisémitisme.

Je suis impatient de participer à d’autres débats, avec vous, sur le rôle des parlementaires dans la lutte contre l’intolérance et la promotion de la liberté de religion.

M. SHAHGELDYAN (Arménie) – Ce rapport est important, car il est d’actualité. En effet, la haine augmente en Europe et dans le monde, l’antisémitisme étant une des composantes de cette augmentation. L’Europe, avec son humanisme, son combat contre la discrimination et la haine, peut répondre aux menaces d’antisémitisme car elle en a la volonté. Les activités des organisations, telles que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avec l’Alliance parlementaire contre la haine, sont donc très importantes.

Malheureusement, l’un des pays membres de notre Organisation cultive, au plus haut niveau politique, la haine dans les écoles. Il est possible de voir, sur YouTube, un directeur d’école azerbaïdjanais énumérer le nom des villes de Nagorny-Karabakh pendant que les écoliers, de tous âges, crient qu’ils vont toutes les conquérir. Il s’agit là de cultiver la haine et l’extrémisme.

Chers collègues, nous vivons avec la communauté juive en Arménie. En outre, nous avons accueilli, à l’Assemblée nationale d’Arménie, des représentants des communautés juives d’Europe; nous comprenons leur sentiment.

Pour combattre la haine et l’antisémitisme, il convient, non seulement d’en prendre la décision et d’adopter des articles de loi, il faut également mettre en œuvre des stratégies de prévention ainsi que de réaction.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Je tiens tout d’abord à rejeter le discours mensonger de notre collègue arménien.

Les juifs ont fait l’objet de persécutions, d’oppression et si l’antisémitisme est un sentiment très ancien sur notre continent – cette nation talentueuse a eu ses malheurs et ses souffrances depuis des millénaires –, cela ne justifie en rien ce qui se passe aujourd’hui; nous devons donc trouver les moyens de lutter contre l’antisémitisme.

Il existe une véritable épidémie d’antisémitisme qui, par essence, peut avoir des implications beaucoup plus graves. La xénophobie, l’islamophobie, le racisme, la discorde entre les religions ne découlent-ils pas d’un désaccord interculturel? Mais si l’antisémitisme existe depuis trois millénaires, cela ne justifie en rien l’apparition de discours de haine et de violence contre d’autres nations.

L’Azerbaïdjan est depuis toujours un pays multiethnique, multiconfessionnel, multiculturel; 2016 a été proclamé «année du multiculturalisme». Le modèle de vie des juifs en Azerbaïdjan a été étudié et pris pour exemple. Les juifs des montagnes et les juifs ashkénazes vivent de façon confortable et en sécurité dans notre pays. Les juifs des montagnes sont arrivés en Azerbaïdjan il y a 2 700 ans, selon des sources écrites. Les juifs européens, eux, sont arrivés au XIXe siècle. À Bakou, ils étaient 2 500 en 1897 et 10 000 en 1913; depuis lors, leur nombre n’a fait qu’augmenter. Les statistiques en disent beaucoup sur les raisons pour lesquelles l’Azerbaïdjan, notamment Bakou, est un territoire attirant pour les juifs. Même à l’époque soviétique, les juifs étaient plus heureux et se sentaient plus en sécurité en Azerbaïdjan.

Le fait d’avoir été accepté par l’Azerbaïdjan comme un peuple travailleur, intelligent et capable a permis leur contribution aux progrès de notre pays, où l’on trouve par exemple sept synagogues à Bakou et de nombreux centres d’éducation et culturels. Les Nations Unies, dans un rapport officiel, ont souligné que l’Azerbaïdjan était à l’avant-garde des pays où les juifs peuvent pleinement respecter leurs traditions.

LA PRÉSIDENTE* – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures qui viennent, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique des commissions, Monsieur le rapporteur, il vous reste 7 minutes.

M. CILEVIČS (Lettonie), rapporteur* – Je remercie tous mes collègues qui sont intervenus pour leurs remarques constructives. Il ne me sera pas possible de réagir à tous les propos, mais je reviendrai sur les éléments qui m’ont semblé les plus importants.

MM. Destexhe, Valen et Küçükcan ont évoqué l’utilisation parfois douteuse du terme « génocide ». Je comprends ce qu’ils veulent dire, mais je ne peux souscrire totalement aux propos de M. Küçükcan, puisque, s’il existe une définition internationale du terme «génocide», elle n’est pas reprise bien souvent sur le plan national. Aussi, certains Etats membres ne sont pas d’accord sur la qualification de «génocide» attribuée à certains événements. L’Union européenne, elle, parle de «cas internationalement reconnus de génocide»; peut-être pourrions-nous adopter cette position.

Quoi qu’il en soit, il convient d’être vigilants lorsqu’on limite la liberté d’expression. Je l’ai dit dans mon exposé des motifs, dans plusieurs cas, notamment dans la décision Garaudy c. France, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que la négation de l’Holocauste n’était pas protégée par la liberté d’expression.

M. Davies, ainsi que d’autres intervenants, ont évoqué le problème de l’afflux de migrants en Europe et le lien éventuel qui peut être fait avec la résurgence de l’antisémitisme. Il n’est pas possible d’attribuer cette résurgence au nombre croissant de migrants en Europe. L’antisémitisme est bien plus ancien que ces migrations modernes et les persécutions systématiques des juifs ainsi que l’Holocauste, ne sont pas le fait des migrants.

Il ne faut pas pour autant donner dans le politiquement correct en négligeant les problèmes actuels. Aussi suis-je sensible aux propositions d’amendements de la commission des questions politiques.

Il faut lutter contre les préjugés sur l’antisémitisme, notamment dans les programmes scolaires. Il en va un peu de même que pour l’égalité des genres ou pour la persécution des individus lesbiens-gays-bi-trans-intersexes (LGBTI).

Il faut aider ceux qui viennent de pays qui ne sont pas des démocraties, où les préjugés font, d’une certaine manière, partie des traditions imposées, à mieux comprendre, à mieux accepter les valeurs européennes. Il est vrai qu’il s’agit de questions parmi les plus délicates. Reste qu’il ne faut pas oublier que l’antisémitisme n’a pas été apporté en Europe par des migrants.

M. Abad, M. Salles, M. Silva, Mme Crozon, M. Hasson ont évoqué le lien entre antisémitisme et antisionisme. Je suis d’accord sur le fait qu’il ne faut pas exonérer Israël de toute critique, dès lors que cet Etat n’a pas respecté les engagements qu’il a pris en tant que pays observateur. Reste que les critiques légitimes à l’encontre d’Israël doivent bien être distinguées de l’anti-israélisme qui peut être une forme moderne d’antisémitisme. À cet égard, la chancelière allemande, Mme Merkel, le Commissaire européen Frans Timmermans, mais aussi la conférence interparlementaire évoquée par M. Feist, ont souligné que la négation du droit d’Israël à exister était une manifestation d’antisémitisme.

Mme Christoffersen, M. Hanžek et d’autres ont souligné pour leur part que l’antisémitisme devait être combattu dans le contexte de la lutte générale contre l’intolérance, le racisme, la xénophobie et la haine. Je suis entièrement d’accord. Ce n’est en effet que lorsque l’on dispose d’un réseau complet de mesures permettant de lutter en général contre le racisme et la haine, que l’on peut lutter contre certaines formes particulières de racisme et de haine. Je ne pense pas, par conséquent, qu’il soit nécessaire de prévoir une convention spécifique, un instrument juridique particulier pour lutter contre l’antisémitisme, l’anti-islamisme et autres préjugés qui existent encore malheureusement dans nos sociétés.

M. Rouquet, de son côté, a exprimé quelques doutes sur les effets positifs de l’obligation de la participation à des cours d’éducation sur l’Holocauste pourrait avoir des effets positifs. Je ne suis pas certain ici, en revanche, d’être d’accord. Il ne s’agit pas de punir mais d’aider. Bien souvent, si les publics concernés n’ont jamais été informés de l’Holocauste, ce n’est pas leur faute. Tout un chacun doit avoir la possibilité de savoir ce dont il s’agit. Il est surprenant de constater que peu de gens sont au fait de ce qu’est l’Holocauste. Beaucoup ont déclaré que la visite d’Auschwitz pouvait changer une vie. Dès lors, il ne s’agit pas, bien sûr, d’obliger tout le monde à aller visiter Auschwitz: il existe à ce sujet de nombreux films, livres, documents… Reste qu’en Europe, nombre de jeunes ne connaissent pas les faits historiques et qu’il faut donc remédier à cette ignorance.

Je tiens pour finir à remercier l’excellent secrétariat de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, qui m’a immensément aidé dans la préparation du rapport.

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – C’est avec une certaine émotion mais également une certaine amertume que je prends la parole. En effet, vous avez raison, Monsieur Cilevičs: nous avons espéré, nous avons même cru que l’antisémitisme n’avait plus sa place sur notre continent; nous avons pensé que l’horreur des exterminations de masse, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait vacciné l’Europe et le monde et que nous étions désormais à l’abri de cette maladie qu’est l’antisémitisme; nous étions optimistes.

Je ressens de l’amertume face à la situation décrite par M. Cilevičs dans son rapport, une situation alarmante où les stéréotypes deviennent des préjugés et les préjugés des actes de discrimination voire de violence. Le discours de haine est si répandu sur internet, et parfois même dans les discours publics!

Dans le même temps, je suis heureuse d’avoir l’occasion de lancer un appel à tout un chacun – aux parlementaires et aux responsables politiques au premier chef, mais aussi à la société tout entière – pour que nous réagissions et que nous renouvelions notre engagement à combattre l’antisémitisme.

Je remercie M. Cilevičs d’avoir montré quels étaient les symptômes de ces préjugés antijuifs et de nous avoir indiqué la voie à suivre pour contrer ce fléau. L’éducation est essentielle pour lutter contre l’antisémitisme, pour prévenir les préjugés. Les jeunes doivent connaître l’histoire ; c’est une connaissance essentielle pour dessiner l’avenir de l’Europe. Je remercie pour finir, les membres de la commission pour leur soutien unanime au travail de M. Cilevičs.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission sur l’égalité a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait de considérer les amendements 5, 6, 9, 3, 4 et 10, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons aux autres amendements.

Je suis saisie des amendements identiques 1 et 2

M. KÜÇÜKCAN (Turquie)* – Je laisserai un de mes collègues défendre l’amendement 2.

M. DESTEXHE (Belgique) – Bien que l’amendement 2, dont je suis cosignataire, soit identique à l’amendement 1, les motivations de leurs auteurs sont sans doute totalement différentes, comme l’a d’ailleurs souligné le rapporteur. Il ne s’agit pas de nier qu’il y a eu d’autres génocides, d’autres crimes contre l’humanité qui méritent d’être dénoncés, mais il est seulement question pour nous de ne pas interférer avec d’autres questions dans ce débat sur l’antisémitisme. Il nous paraît donc plus sage de ne pas ouvrir un débat sur l’ensemble des crimes contre l’humanité et des génocides, et de nous en tenir strictement à l’intitulé du rapport qui ne concerne que l’antisémitisme.

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission* – La commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

Les amendements identiques 1 et 2 ne sont pas adoptés.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 7.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie), rapporteur pour avis* – Cet amendement coule de source. Le projet de résolution fait référence à la nécessité de réflexions et de débats, à la nécessité d’un dialogue, pour tenter de comprendre les causes de l’antisémitisme et lutter contre celui-ci, et évoque, à cet égard, les responsables politiques. Il faut aussi impliquer les responsables des différentes religions.

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission* – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 7 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie par la commission des questions politiques de l’amendement 8,

M. CORLĂŢEAN (Roumanie), rapporteur pour avis* – Il m’est très facile de défendre cet amendement après l’argumentation brillante du rapporteur dans sa dernière intervention sur ce point spécifique. Mais s’il nous paraît nécessaire d’introduire une référence aux «programmes d’intégration pour immigrés et réfugiés», il ne s’agit pas de montrer du doigt tous les immigrés.

LA PRÉSIDENTE* – Sur cet amendement 8, je suis saisie d’un sous-amendement 1, déposé par la commission saisie au fond.

M. CILEVIČS (Lettonie), rapporteur* – Je vous renvoie là encore à ma dernière intervention. En ne mentionnant que des programmes d’intégration pour immigrés, nous donnerions l’impression de montrer du doigt ces derniers. Il faut donc parler aussi des programmes scolaires.

Le sous-amendement est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous en revenons à l’amendement 8, ainsi sous-amendé.

Mme CENTEMERO (Italie), présidente de la commission*- Avis favorable.

L’amendement 8, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14008, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (131 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions).

M. Agramunt, Président de l’Assemblée, remplace Mme Guzenina au fauteuil présidentiel.

2. Discours de M. Fischer, Président de l’Autriche

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Fischer, Président de l’Autriche. Après son allocution, M. Fischer répondra aux questions qui lui seront posées par les membres de l’Assemblée parlementaire.

Monsieur le Président, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, que vous connaissez déjà fort bien, vous qui avez été membre de l’Assemblée parlementaire, vous qui vous êtes rendu ici, en visite, en 2014.

Je suis particulièrement honoré et heureux de vous accueillir, alors même que votre pays célèbre le soixantième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe. Soixante années durant, l’Autriche a été un partenaire solide, engagé, qui a toujours résolument promu et défendu les principes démocratiques. Tout récemment, lors de sa présidence du Comité des Ministres, l’Autriche a pris la tête des efforts menés pour défendre l’égalité de genre et faire émerger une société plus tolérante et plus inclusive. Monsieur le Président, votre présence parmi nous aujourd’hui est l’illustration même du ferme soutien que vous apportez à ces valeurs partagées. Monsieur le Président, merci beaucoup de tout le travail que vous accomplissez.

C’est avec un très grand plaisir que je vous cède maintenant la parole.

M. FISCHER, Président de l’Autriche* – Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, comme cela vient d’être dit, l’Autriche célèbre ces jours-ci le soixantième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe. À cet égard, merci à la Présidente sortante, Mme Brasseur, pour son invitation à prononcer une allocution dans cet hémicycle, et merci à vous, Monsieur le Président, pour vos aimables propos de bienvenue.

Les grands sujets qui sont traités au Conseil de l’Europe – la démocratie, les droits de l’homme, la dignité humaine, l’Etat de droit, le respect des Constitutions – m’ont inspiré et accompagné tout au long de ma carrière politique commencée voilà plus de cinquante ans. En 1962, j’ai été engagé comme juriste au Parlement autrichien. En 1971, je fus élu pour la première fois député. Au milieu des années quatre-vingts, j’ai d’ailleurs participé aux travaux de votre Assemblée.

L’Autriche est entrée au Conseil de l’Europe en avril 1956, à une époque où, dans ce pays et, plus largement, en Europe, une série d’événements très marquants ont eu lieu. En mai 1955 était signé le Staatsvertrag, traité qui a rendu à l’Autriche toute sa liberté et sa pleine souveraineté. En octobre 1955, les dernières troupes d’occupation alliées quittaient le territoire de la République d’Autriche. En décembre 1955, l’Autriche entrait à l’Onu et, en avril 1956, adhérait au Conseil de l’Europe. Je devrais peut-être ajouter que, quelques mois plus tard, à l’automne 1956, nous avons été les témoins traumatisés de l’écrasement de la révolution hongroise, événement qui s’est accompagné de l’afflux massif de réfugiés vers l’Autriche. Je m’en souviens très bien: alors étudiant, j’ai travaillé en tant que bénévole au centre d’accueil de Traiskirchen qui venait en aide aux réfugiés.

Mesdames, Messieurs, l’Autriche a joué d’emblée un rôle très actif au sein du Conseil de l’Europe, que nous tenons pour une plateforme irremplaçable où l’on a pu et où l’on continue de mettre au point de nouvelles formes de coopération intergouvernementale et interparlementaire.

La Convention européenne des droits de l’homme est aujourd’hui un élément essentiel de la Constitution autrichienne. Plusieurs arrêts importants de la Cour européenne des droits de l’homme ont été repris dans des lois d’avant-garde de notre pays. J’étais d’ailleurs voilà quelques minutes à la Cour.

En avril 2014, j’avais déjà eu la possibilité de m’adresser à vous, et j’avais alors évoqué les grandes étapes de l’histoire du Conseil de l’Europe. Plutôt que de répéter ce discours, je vais donc parler de l’actualité.

Je commencerai par un constat plutôt réjouissant: la Cour européenne des droits de l’homme a réussi ces dernières années à réduire considérablement le nombre de requêtes en suspens. Malheureusement, il faut également constater que les normes démocratiques sont moins respectées aujourd’hui. Les espaces de liberté nécessaires à l’épanouissement des sociétés civiles sont remis en cause dans certaines régions, et il y a même dans certains cas un véritable risque de régression. Par exemple, certaines juridictions constitutionnelles sont visées par des attaques et risquent de ne plus pouvoir travailler normalement.

Mesdames, Messieurs, la terreur, le terrorisme ne sont pas des phénomènes nouveaux dans notre histoire. Dans les années de la reconstruction qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, on a toutefois pu avoir le sentiment qu’ils appartenaient pour l’essentiel au passé. Un changement est intervenu dans les années 1970, avec la survenue d’attentats ponctuels et de détournements d’avion qui avaient essentiellement pour but d’appeler l’attention sur le combat d’extrémistes palestiniens. En Allemagne et dans d’autres pays d’Europe, certains groupuscules d’extrême gauche déterminés ont voulu, au moyen d’attentats et d’enlèvements, exercer un chantage sur les Etats. On peut considérer que nos pays s’en sont globalement sortis.

Aujourd’hui, cependant, on assiste à une nouvelle vague de terrorisme, le terrorisme islamique. Soyons clair: il ne s’agit pas d’accuser de manière systématique les musulmans de terroristes. Les nouveaux terroristes auxquels nous avons affaire veulent surtout déstabiliser et effrayer en tuant au hasard un maximum de personnes. Hélas! Ils y parviennent régulièrement, comme l’ont tout récemment montré les attentats épouvantables perpétrés à Paris, à Istanbul et à Bruxelles.

Tout être humain raisonnable et sensé condamnera évidemment ces actes de la manière la plus ferme, mais nous peinons à trouver une réponse adéquate et des mesures de prévention efficaces. Nous ne pouvons pas nous contenter de mesures sécuritaires. Nous souhaitons assurer la sécurité de nos concitoyens sans pour autant créer un Etat policier.

Le Conseil de l’Europe a essayé de mettre en place de nouveaux instruments, par exemple le protocole supplémentaire à la Convention pour la prévention du terrorisme qui porte sur les «combattants étrangers», mais il reste beaucoup à faire. Pour autant, il faut prendre garde de ne pas remettre en cause nos valeurs fondamentales.

Ainsi que je l’ai dit, je me suis présenté devant vous voilà deux ans, et vous discutiez alors de la suspension temporaire du droit de vote des députés russes au sein de l’Assemblée parlementaire. Ce débat était inévitable compte tenu de la crise ukrainienne et, surtout, de la crise en Crimée. On espérait y trouver une solution rapide, mais 24 mois plus tard, on ne peut pas dire que le problème soit réglé, malheureusement. Certes, il y a quelques lueurs d’espoir, les discussions de Minsk ayant porté certains fruits. Le conflit est en outre un peu apaisé et fait moins de victimes. Pour autant, le problème fondamental demeure: la situation n’est pas satisfaisante et reste très dangereuse.

La semaine dernière, j’étais en visite officielle à Moscou. Ce fut l’occasion d’un très long entretien avec le Président Poutine, en présence du ministre des affaires étrangères, M. Lavrov. Parmi nos sujets de discussion, l’Ukraine a occupé une place primordiale. Mon impression est que la Russie ne se réjouit aucunement du refroidissement des relations avec l’Europe, et ne peut s’en réjouir. Elle n’est toutefois pas encore disposée à payer un prix acceptable pour parvenir à une solution. L’Ukraine, quant à elle, ne se satisfait pas non plus du statu quo, mais n’est pas plus disposée que la Russie à faire les concessions nécessaires, par exemple en acceptant le contenu et le calendrier des Accords de Minsk, qui devraient inclure des dispositions viables sur l’autonomie. Or, l’application des Accords de Minsk et la fin ou le démantèlement progressif des sanctions iront de pair.

Concernant les sanctions décrétées par l’Union européenne, nous avons toujours été loyaux. Espérons donc que les Accords de Minsk seront bien appliqués par toutes les parties et que chacune comprendra que leur application est une condition sine qua non.

Pour ma part, je suis convaincu que l’existence de bonnes relations entre l’Europe et la Russie bénéficierait à tous, et qu’à l’inverse de mauvaises relations entre l’une et l’autre partie ne peuvent que desservir les deux. Il faut que chacun essaie de comprendre le point de vue de l’autre. La Russie doit s’efforcer de comprendre ce qui inquiète ses partenaires européens et, inversement, les Européens doivent s’efforcer de comprendre ce qui inquiète les Russes. Chacun doit se pencher surtout sur ce qui est la cause de soucis depuis vingt-cinq ans.

Selon moi, mais c’est une observation tout à fait personnelle, toute politique qui a pour but ultime de faire adhérer l’Ukraine à l’Otan dans un avenir plus ou moins proche produira finalement plus d’inconvénients que d’avantages, tant pour l’Europe que pour l’Ukraine et la Russie. J’espère que vous m’avez bien compris, et que je n’ai pas été trop loin. Je referme cette parenthèse.

Aujourd’hui, le grand problème pour l’Europe est incontestablement la crise des migrations et des réfugiés. L’année dernière, en 2015, plus d’un million de personnes ont franchi les frontières extérieures de l’Union européenne en tant que migrants ou réfugiés, transitant par nos pays ou y cherchant refuge.

L’Autriche s’est trouvée en première ligne, très affectée par ces mouvements migratoires. Il est clair qu’aucun pays ne saurait y faire face seul, nous l’avons bien vu. Nous ne pourrons nous en sortir que grâce à une coopération internationale et à une coordination à l’échelle européenne.

Il convient, bien évidemment, de préserver les principes essentiels du droit d’asile. Mais si l’Europe n’arrive pas à proposer de solution en termes de politique de l’asile, de plus en plus d’Etats se verront contraints d’adopter des mesures qui leur seront propres. Je dis cela car, ces six ou sept derniers mois, face au problème des migrants et des réfugiés, on a assisté à un retournement de l’opinion publique dans de nombreux pays. La question des réfugiés risque, malheureusement, d’amener beaucoup d’eau au moulin de l’extrême droite, des xénophobes et des nationalistes.

Certes, la xénophobie a toujours existé De tout temps, on a regardé avec méfiance et réticence ceux qui venaient d’autres pays, pratiquaient une autre religion ou avaient une couleur de peau différente. Pour contrebalancer ces tendances, nous pouvons nous appuyer sur la Déclaration des droits de l’homme qui rappelle le caractère inaliénable de la dignité humaine. Nous pouvons aussi rappeler les dispositions du droit d’asile, les appels du pape ou les paroles du cardinal Schönborn, de Vienne, rappelant que le droit d’asile était un droit sacré, ou encore la mobilisation admirable d’un grand nombre de nos concitoyens. On avait d’ailleurs assisté à une mobilisation citoyenne similaire au moment de l’écrasement, en 1956, de la Révolution hongroise ou encore du Printemps de Prague en 1968.

Mais deux facteurs ont fait basculer l’opinion. Le premier a été l’ampleur inattendue du phénomène Nous avons, en effet, assisté à une augmentation considérable du nombre de personnes concernées, ce qui a entraîné toutes sortes de conséquences, bien évidemment. Le second a été le sentiment que le fardeau était mal réparti et qu’il n’existait pas de véritable solidarité au sein de l’Europe. L’Allemagne, la Suède, la Grèce ou l’Italie seront mieux à même que moi de décrire la situation qu’elles connaissent mais, s’agissant de l’Autriche, permettez-moi de rappeler que dans ce pays de 8,5 millions d’habitants, rien qu’au deuxième semestre 2015, ce sont près de 800 000 personnes qui ont franchi de manière totalement anarchique nos frontières, au sud et au sud-est.

Il est vrai que beaucoup d’entre elles n’ont fait que transiter chez nous pour aller en Allemagne, mais c’est une situation intolérable sur le long terme. Je vous demande de le comprendre. En 2015, l’Autriche a reçu 88 000 demandes d’asile en Autriche, un peu plus de 1 % de la population du pays, soit un nombre de demandes d’asile plus élevé que le nombre des naissances dans le pays. Cette évolution ne peut être supportée à long terme.

Il est difficile d’expliquer la situation à notre population alors que l’on constate qu’au niveau de l’Union européenne, sur les 27 Etats restants, pour 23 d’entre eux, le nombre des demandes d’asile n’atteint pas 0,5 % de la population et, pour 13 d’entre eux, ce nombre ne correspond même pas à 0,1 % de leur population. Parfois, le taux est de 1 ‰. Donc, je pense que vous pouvez comprendre les difficultés du Gouvernement autrichien pour maîtriser le problème et ses conséquences, car c’est bien gentil d’accueillir toutes ces personnes, encore faut-il ensuite pouvoir les intégrer, leur offrir des places dans les écoles, etc.

Nous devons donc essayer de maîtriser le phénomène. Voilà pourquoi, en Autriche, nous avons décidé d’un plafond indicatif de 37 500 demandes d’asile en 2016. Notez que cela représente toujours 0,5 % de la population du pays, et qu’avec ce chiffre, l’Autriche reste l’un des pays les plus concernés en Europe.

J’ajouterai une autre observation: mieux les frontières extérieures de l’Union européenne sont contrôlées, moins les frontières intérieures doivent être surveillées, et vice versa. Parmi les points de passage vers l’Autriche, pour des raisons historiques, politiques et psychologiques, mais aussi économiques et autres, le Brenner occupe évidemment une place tout à fait à part. Plus le phénomène de migration échappe à tout contrôle et plus nous serons obligés de surveiller cet accès. Nous ferons ce que font les Allemands à certains postes frontières ou ce que font les Français à la frontière italienne dans la région de Nice.

Il n’est toutefois pas question de fermer, de verrouiller, de bloquer la frontière. Toute accusation dans ce sens est inopportune et inexacte. Je tiens à dire clairement quelles sont les réalités. L’Autriche ne cherche pas à se fermer à tout échange avec l’Italie ou l’Allemagne. Simplement, elle veut essayer de maîtriser les phénomènes migratoires, sans pour autant œuvrer à contre-courant de l’histoire.

L’Autriche reprendra, l’année prochaine, la tête de l’OSCE. Nous sommes en train de nous préparer à cette présidence et nous comptons beaucoup pour cela sur l’expérience que nous avons acquise pendant la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Pour finir, permettez-moi quelques remarques tout à fait personnelles.

Je l’ai déjà dit, au début des années 1960, j’ai commencé à travailler au Parlement autrichien. Au milieu des années 1970, après être devenu député, j’ai été élu à la tête du Groupe socialiste. Puis, j’ai quitté le parlement, je lui ai fait quelques infidélités en acceptant de devenir ministre de la Science et de la Recherche. Mais par la suite, j’ai présidé le parlement durant 12 ans et, en 2004, j’ai été élu Président de la République avec 51,5 % des voix et, en 2010, réélu avec 79,3 % des voix.

Dimanche prochain, le 24 avril, se déroulera le premier tour d’une nouvelle élection présidentielle. Je crois que les faits ne me démentiront pas si je vous dis qu’aucun des six candidats – cinq candidats et une candidate, pour être précis – ne dépassera les 50 %. Il y aura donc un deuxième tour, le 22 mai, entre les deux candidats arrivés en tête et, le 8 juillet, je remettrai mes fonctions à celui ou celle qui me succèdera lors de la cérémonie de passation des pouvoirs.

C’est avec beaucoup de joie et de gratitude que je repasse le fil de ces longues années, de cette longue carrière politique. J’ai passé de très bons moments. Dans les prochaines semaines, je vais prendre congé des institutions européennes et des nombreux amis que je m’y suis faits. Merci donc à vous de m’avoir donné la possibilité de prendre congé de vous et de votre Assemblée.

Je vous remercie de votre attention. Je formule tous les vœux pour que vous-mêmes et le Conseil de l’Europe dans son ensemble continuiez à œuvrer, et je vous souhaite beaucoup de succès dans une Europe en paix.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le Président, je vous remercie pour cette magnifique allocution.

Un nombre important de parlementaires souhaitent maintenant vous poser des questions.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. FISCHER (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Président, je vous remercie pour vos propos très clairs, et pour les thèmes que vous avez abordés. Au moment où vous allez quitter vos fonctions, il est très positif que vous nous honoriez de votre présence, confirmant ainsi la validité de notre engagement. Ma question est la suivante: quelles sont, selon vous, les missions prioritaires du Conseil de l’Europe pour les temps à venir?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Notre époque n’est pas une époque de rupture. Les missions du Conseil de l’Europe ne vont pas changer de nature. Mais plus que jamais nous avons besoin de cette institution. Les conflits sont de plus en plus complexes, et le Conseil de l’Europe est l’une des enceintes qui permettent de leur assurer une évolution paisible.

Gardien de la démocratie parlementaire et de la démocratie dans son ensemble, le Conseil de l’Europe défend les principes constitutionnels européens, très proches d’un pays à l’autre. Il doit être notre ange gardien, notre saint patron, et doit faire en sorte de préserver les caractéristiques communes à nos différents pays européens, en soulignant ce qui nous unit. Cette mission est très difficile, il est vrai, au XXIe siècle.

M. SCHIEDER (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur de Président, je vous remercie moi aussi pour la clarté de vos propos, notamment sur la frontière du Brenner. Nous sommes nombreux à craindre que les acquis en matière de démocratie et de droits de l’homme, acquis qui marquent nos civilisations, ne soient remis en cause. Comment, ensemble, préserver ces acquis et ces valeurs?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – La solidarité est certes indispensable, mais elle ne suffira peut-être pas. En Europe, dans la grande Europe, celle du Conseil de l’Europe, nous constatons que nous touchons aux limites. Un certain nombre de différences caractérisent nos cultures: le parlementarisme britannique est tout à fait unique, les pays d’Europe du Sud ont des caractéristiques bien particulières, comme la Scandinavie et l’Europe du Nord. La mosaïque est devenue de plus en plus large et colorée. Il faut mettre du liant et créer une culture politique européenne commune.

Il faut respecter les constitutions, bien entendu, mais cela ne suffit pas. Il faut insuffler un véritable esprit de respect de la Constitution, et instaurer une pratique constitutionnelle correcte. Il ne faut pas pour autant exploiter toutes les possibilités offertes par une Constitution. Pensons aussi au camp adverse. La majorité doit avoir en tête qu’elle peut un jour être dans l’opposition, et vice-versa. L’opposition doit penser qu’elle devra, une fois au pouvoir, appliquer ce qu’elle dit. Il faut trouver plus de liant et d’harmonie, rapprocher les différences, privilégier ce qui favorise notre démocratie et éliminer les éléments qui la menacent.

M. GOPP (Liechtenstein), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* –
L’Autriche a opté pour une attitude restrictive vis-à-vis des migrants et des demandeurs d’asile. Je peux le comprendre, mais cela soulève la polémique, en particulier en ce qui concerne le renforcement des contrôles au Brenner. Vous avez dit que la politique européenne a échoué en termes d’asile. Que faire pour préserver la solidarité européenne et ne pas remettre en cause le caractère européen de ces politiques?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Hier, M. Juncker était dans cet hémicycle. Si vous ne lui avez pas posé cette question, vous êtes impardonnable! C’est lui qui est en première ligne et qui est compétent. Je ne sais pas si vous l’avez interrogé et s’il a répondu, mais, selon moi, le système actuel de Schengen, suppose, avant tout, que les frontières extérieures puissent être contrôlées de manière efficace. Si ce n’est pas le cas, inévitablement il y aura des problèmes.

Réglons donc premièrement ces problèmes de contrôle aux frontières extérieures. Essayons de maîtriser les problèmes. Je suis très admiratif face à l’action des Allemands. Je pense aussi ne pas avoir été timide dans mon expression quant à l’action de mon propre pays. Il faut essayer de limiter les mouvements migratoires, et, par ailleurs, il faudrait mieux répartir les migrants en Europe. Tout cela rendrait les choses plus acceptables.

Il faudrait aussi faire en sorte que ce thème des migrations ne soit pas accaparé par certains mouvements politiques, qui usent et abusent du sujet à des fins critiquables. J’espère que nous y parviendrons, et surtout que nous remédierons au pire de nos problèmes, notre impréparation, sachant qu’il faut encore compter sur d’importants mouvements migratoires. Nous n’étions pas prêts, donc faisons le nécessaire.

Mme USTA (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Président, la nouvelle loi sur l’islam en Autriche offre de nouveaux droits, ce qui est très positif. Cependant, les financements venant de l’étranger sont interdits; ce n’est pas le cas pour d’autres lieux de culte, juifs, arméniens, bouddhistes ou autres. Comment expliquer cette situation? Pourquoi les musulmans se voient, eux seuls, confrontés à cet interdit?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Je vous remercie d’avoir jugé a priori positive la loi sur l’islam en Autriche. Nous avons eu beaucoup de mal à l’élaborer.

Dès 1912, l’Autriche a reconnu l’islam dans la loi et diverses dispositions ont été adoptées. Plus de cent après, il était nécessaire de moderniser cette loi, ce qui a donné lieu à un large débat dans mon pays. Vous le savez peut-être, la communauté musulmane de l’Autriche elle-même était très partagée. On m’a sollicité de tous côtés et on m’a demandé mille choses contradictoires. Au bout du compte, nous sommes parvenus à un dénominateur commun et une loi a été adoptée à une très large majorité. Une grande partie des musulmans autrichiens ont, je crois, jugé positivement ce nouveau texte.

Il ne nous était évidemment pas possible de négliger les aspects extérieurs liés à l’islam, pour des questions de sécurité. Il existe une cour constitutionnelle en Autriche, qui est l’instance suprême pour juger des questions d’égalité. S’il s’avérait qu’elle rende un arrêt condamnant cette nouvelle loi, celle-ci serait immédiatement modifiée. Toutefois, d’éminents constitutionnalistes nous ont affirmé que le texte était conforme et il y a peu de risques que la Cour déclare la loi anticonstitutionnelle.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Puisque tout le monde parle allemand, permettez-moi de m’exprimer également dans cette langue!

Je vous remercie beaucoup, Monsieur Fischer, pour ce que vous nous avez relaté de vos entretiens avec le Président Poutine et pour votre plaidoyer en faveur d’une normalisation des relations avec la Russie, dans l’intérêt de tous.

Quelles sont les chances, selon vous, de parvenir rapidement à une levée des sanctions européennes à l’égard de la Russie?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Puisque vous avez l’amabilité de m’interroger en allemand, Monsieur Kox, je vais vous répondre en anglais.

L’Autriche a soutenu l’Union européenne lorsqu’elle a décidé d’adopter des sanctions à l’égard de la Russie. Elles étaient nécessaires. Nous ne pouvions pas ne pas réagir après les événements de Crimée et d’Ukraine. Selon nous, il ne faut pas prendre des sanctions dans le simple but de sanctionner et l’Europe devra décider, un jour ou l’autre, de manière unie, d’y mettre un terme. Je pense, comme le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, qu’une méthode de réduction progressive de ces sanctions doit être élaborée. Encore faut-il que des progrès soient constatés dans la mise en œuvre des Accords de Minsk. Mon sentiment est que dans un an nous aurons peut-être avancé un peu et que nous pourrons commencer à lever les sanctions. Pour cela, les deux parties doivent néanmoins contribuer à faire évoluer la situation.

LE PRESIDENT* – Si vous en êtes d’accord, Monsieur le Président, nous allons regrouper maintenant les questions par séries de trois.

Mme WURM (Autriche)* – Je vous souhaite la bienvenue, Monsieur Fischer, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Notre Organisation est la gardienne de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Tout au long de son histoire, elle n’a cessé d’élargir le champ de ses activités pour affronter l’ensemble des défis de notre époque, comme les violences contre les femmes ou la lutte contre le terrorisme, qui ont fait l’objet de nouvelles et récentes conventions, comme vous l’avez souligné.

Selon vous, quel jugement est-il possible de porter sur les travaux du Conseil de l’Europe aujourd’hui? Que devrait faire l’Organisation au cours des soixante prochaines années?

M. ARIEV (Ukraine)* – Monsieur le Président, j’aimerais vous interroger sur la situation en Ukraine.

Vous nous avez dit que l’idée d’une réduction progressive des sanctions était envisageable. Comment, à votre avis, peut-on inciter M. Poutine à revenir en arrière pour ce qui est de l’annexion de la Crimée, du retrait de ses troupes de la partie orientale de l’Ukraine et de la libération de Nadiia Savchenko, membre de cette Assemblée?

Enfin, pouvez-vous réaffirmer votre attachement à l’intégrité territoriale des Etats membres du Conseil de l’Europe?

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Je voudrais commencer par féliciter l’Autriche pour le soixantième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe.

Dans quatre jours, vous l’avez dit, Monsieur le Président, une élection doit avoir lieu pour choisir votre successeur. Vous êtes parvenu au terme d’une carrière de plus de cinquante ans. Permettez-moi de vous poser une question très personnelle: quelle est, parmi les grandes ambitions politiques qui étaient les vôtres, celle que vous n’avez jamais pu concrétiser?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Je vous remercie, Madame Wurm, pour votre intervention amicale. Quelle doit être la feuille de route du Conseil de l’Europe pour les soixante années à venir? J’avoue que je ne saurais vous répondre dans le temps qui m’est imparti. Il faut évidemment poursuivre sur les grands sujets qui ont toujours été ceux de l’Organisation. Comme je l’ai dit à M. Jagland, si le Conseil de l’Europe n’avait pas été inventé, il faudrait le créer tout de suite! Mais c’est à ses pays membres et à leurs représentants de tracer la voie pour l’avenir.

Monsieur Ariev, vous me demandez si j’ai une recette pour faire revenir la Russie en arrière. Honnêtement, non, je n’ai pas de solution. Je ne sais pas si M. Porochenko en a une non plus, ni même le Président américain. Je serais un charlatan si je vous disais ce qu’il faut faire. Que les sanctions ne soient pas une fin en soi, j’en suis intimement convaincu. J’ai toujours prôné la coopération et l’établissement de passerelles. Je viens d’ailleurs d’un pays qui a d’excellentes relations aux quatre points cardinaux.

Je crois à la vertu de la négociation, y compris s’agissant de la Crimée. Je pense, en effet, que nous devons pouvoir progresser dans le cadre des Accords de Minsk. Quant au cas de Mme Savchenko, sa libération peut également faire l’objet de négociations, ce que je n’exclus donc pas. Je pense, par conséquent, que nous pouvons parfaitement trouver une solution raisonnable et, je l’espère, dans l’intérêt de toutes les parties concernées.

Une chose mérite d’être ajoutée: de bonnes relations bilatérales entre l’Ukraine et la Russie seraient préférables. Une vérité ne peut être contestée: les deux pays vont mieux quand leurs relations sont détendues et moins bonnes dès lors qu’elles sont tendues. La Russie et l’Ukraine sont des pays voisins, et il n’y a pas d’autres solutions que de travailler ensemble.

Madame Brasseur, je suis né en 1938. Enfant, j’ai vécu les bombardements, je me suis réfugié dans les caves. Dans un périmètre de cinq cents mètres autour de notre abri, des bombes tombaient. J’éprouvais une peur bleue, ma mère était encore plus effrayée que moi. Et mon objectif ultime est devenu: une fois la guerre terminée, rétablissons la paix! La guerre n’est jamais la solution ultime, c’est l’irrationalité ultime selon les mots de Willy Brandt, une formule à laquelle j’adhère pleinement.

Pour vous répondre, je dirai que le succès auquel je souhaiterais parvenir – mais je crois qu’aucun individu, ni aucun pays n’est en mesure d’atteindre un tel objectif – serait de mettre un terme à cette absurdité qu’est la guerre.

M. CSENGER-ZALÁN (Hongrie)* – La forme d’autonomie du Sud Tyrol, du Trentin Haut-Adige a souvent été considérée comme un modèle. Vienne et Rome ont, en effet, instauré une coopération exemplaire qui permet une vie agréable pour toute une minorité. Ce modèle, je crois, est sans équivalent. Reprendre ce modèle du Trentin Haut-Adige pourrait-il résoudre d’autres conflits, en totalité ou partiellement?

M. KRONBICHLER (Italie)* – Monsieur le Président, moi aussi, je parle votre langue, notamment parce que mon pays, l’Italie, la protège.

Monsieur le Président, pourquoi tolérez-vous l’idée que la frontière entre nos deux pays puisse être fermée? Pourquoi ne profitez-vous pas de cet exemple qu’est l’eurorégion du Tyrol? Pourquoi ne pas s’appuyer sur un tel modèle pour mettre en place une solution innovante à la crise des migrations?

Je vous souhaite bon vent, Monsieur le Président!

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas)* – Monsieur le Président, vous avez parlé des réfugiés, mais aussi de 1956, époque à laquelle l’Autriche, mais aussi les Pays-Bas, ont accueilli de nombreux réfugiés. Quelle différence avec aujourd’hui?

Vous avez indiqué que vous ne verrouillerez pas le col du Brenner. Mais, alors, quelles mesures prendrez-vous face à l’afflux des réfugiés? Peut-on encore concilier certaines mesures avec nos valeurs fondamentales?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Je suis très fier du modèle d’autonomie du Sud Tyrol, du Trentin Haut-Adige. Soulignons qu’il a fallu toutefois des décennies pour y parvenir. À l’étranger, au Kosovo ou ailleurs, on me pose des questions très pointues sur le fonctionnement de ce régime d’autonomie et sur l’histoire des négociations qui ont permis d’y parvenir. En effet, cela pourrait être une amorce de solution, mais rien ne peut être répété tel quel, on ne peut appliquer le modèle du Sud Tyrol au Kosovo, en Corse ou au Pays basque, chaque région comprenant ses réalités, sa langue, son histoire, sa culture, ses caractéristiques propres. On ne peut, par conséquent, reproduire telle quelle une solution donnée. Il faut plutôt être persuadé de trouver une solution et être disposé à faire des concessions. Cela dit, on peut s’inspirer de l’exemple du Sud Tyrol, en reprendre un certain nombre «d’ingrédients», mais on ne peut appliquer ce modèle tel quel ailleurs, il n’est pas transplantable.

Monsieur Kronbichler, vous estimez que le Brenner ne peut être considéré comme une frontière ordinaire et que l’on ne peut y mettre en place des contrôles. J’ai essayé de vous expliquer ce que représentait le Brenner pour l’Autriche.

En Autriche, j’entends des discours que je réfute régulièrement, mais je vous fais remarquer que, pour l’heure, le col du Brenner peut toujours être franchi librement. C’est ainsi que les personnes et les marchandises le traversent toujours. Mais à un moment où l’on est confronté à l’afflux de centaines de milliers de personnes, il convient de maîtriser les phénomènes tout aussi bien au col du Brenner, à la frontière avec la Slovénie qu’à la frontière avec la République tchèque. Les règlements doivent être appliqués aux différents postes frontières et on ne peut envisager qu’un poste frontière se situe au-dessus des lois ou hors la loi. Certains pays pourraient dès lors nous reprocher que quiconque pourrait passer et aucun d’eux n’accepterait une telle situation.

Cette année, nous traiterons 37 500 demandes d’asile, un des taux les plus élevés d’Europe rapporté à la population du pays. D’autres pays ne souhaitent pas en traiter plus de 5 000. Et l’on nous critiquerait parce que nous avons fixé le chiffre à 37 500, en s’étonnant, au surplus, que nous n’acceptions pas au moins 100 000 réfugiés!

Il se trouve que le col du Brenner est le principal point d’accès. J’ai des contacts réguliers avec le sud, avec l’Italie, avec le Trentin Haut-Adige, mais je ne peux décréter que le col du Brenner est un lieu où les lois ne s’appliqueraient pas.

Je réponds ainsi également à la question de Mme Oomen-Ruijten. On me reproche souvent une culture de l’hospitalité. Je dis, effectivement, qu’il faut accueillir ces personnes qui viennent s’abriter chez nous. Nous ne pouvons pas abandonner notre culture de l’hospitalité, même si, bien entendu, il y a des limites qui ne peuvent pas être dépassées. Par ailleurs, les pays européens ne peuvent pas adopter une attitude trop différente les uns des autres.

Enfin, il est inimaginable de croire que le problème des migrants puisse être réglé en conseillant à tous les Syriens, Irakiens et Afghans de se rendre en Allemagne, en Suède ou en Autriche; ce n’est pas possible. Je suis obligé de me défendre sur deux fronts, certains pays souhaitant verrouiller leurs frontières alors que d’autres se disent prêts à accueillir tout le monde.

Mme KAVVADIA (Grèce)* – Monsieur le Président, je sais que vous avez pris une position courageuse, à plusieurs reprises, concernant la crise des migrants. Vous avez critiqué la politique européenne en la matière et notamment l’accord passé avec la Turquie.

Pensez-vous que la fermeture unilatérale des frontières européennes soit une bonne décision, fondée sur nos valeurs européennes et sur le cadre international de la protection des droits de l’homme?

Enfin, pensez-vous que l’accord de l’Union européenne avec la Turquie est une bonne réponse au problème, compte tenu de ce qui se passe en Turquie et en particulier des violations des droits de l’homme et des principes fondamentaux de la démocratie?

M. ŠEPIĆ (Bosnie-Herzégovine)* – Monsieur le Président, je vous remercie pour votre brillant exposé, au service de la paix et du développement. Comment voyez-vous l’avenir de l’Union européenne et des Balkans occidentaux dans les dix prochaines années?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Madame Kavvadia, une fermeture unilatérale des frontières ne constitue pas une bonne politique européenne. Mais compte tenu du fait que les frontières extérieures sont mal contrôlées, je comprends que les pays cherchent à imposer un minimum de supervision de leurs frontières, afin notamment de savoir qui entre chez eux.

En ce qui concerne l’accord entre la l’Union européenne et la Turquie, tous les pays de l’Union européenne l’ont accepté – y compris la Grèce. Cet accord vise à rétablir un minimum de contrôle, s’agissant des migrations. Je l’ai dit en Autriche, et je le répète ici, j’ai des doutes quant à son application – pourra-t-il être appliqué tel quel? – et à son efficacité. Mais la décision a été prise à l’unanimité. Je ne sais pas ce que M. Juncker vous a dit hier, mais nous allons y être attentifs – il appartiendra à mon successeur d’y veiller.

Monsieur Šepić, je me suis souvent rendu dans votre pays depuis 20 ans. J’ai toujours eu une certaine bienveillance pour la Bosnie-Herzégovine, un a priori favorable; Sarajevo est une ville à part, pour nous. Et je suis attristé par les échecs de toutes les tentatives de réforme qui ont été entreprises. Echecs liés aux différences insurmontables qui existent entre les différentes composantes, même si depuis 18 mois, il y a une lueur d’espoir – les choses semblent s’améliorer.

En tant qu’Autrichien, j’ai le sentiment que l’élargissement de l’Union européenne, et donc sa taille, va devenir un obstacle. Cependant l’Union européenne ne sera pas complète tant que les Balkans occidentaux n’y auront pas adhéré. Car leur adhésion permettrait de stabiliser la région et de prévenir certains conflits.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour toutes vos questions et je vous souhaite beaucoup de succès.

LE PRÉSIDENT* – Je vous remercie, Monsieur le Président, de vos paroles qui vont nourrir nos réflexions. Nous souhaitons à votre pays 60 ans de plus d’appartenance réussie à notre Organisation!

3. Prochaine séance publique

La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe

Présentation par M. Cilevičs du rapport de la commission sur l’égalité (Doc. 14008)

Présentation par M. Corlăţean, du rapport de la commission des questions politiques, saisie pour avis (Doc. 14023)

Orateurs: MM. Schneider, Le Borgn’, Destexhe, Davies, Hanžek, Mme Christoffersen, MM. Abad, Schäfer, Salles, Mme Anttila, M. Feist, Mme Gafarova, MM. Hasson, Hajduković, Nissinen, Silva, Mme Crozon, MM. Németh, Rouquet, Valen, Jakavonis, Reichardt, Küçükcan, Khader, Mme Kobakhidze, MM. Allison, Shahgeldyan, Rafael Huseynov

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité

Vote sur un projet de résolution amendé

2. Discours de M. Fischer, Président de l’Autriche

Questions: MM. Fischer, Schieder, Gopp, Mme Usta, M. Kox, Mme Wurm, M. Ariev, Mme Brasseur, MM. Csenger-Zalán, Kronbichler, Mmes Oomen-Ruijten, Kavvadia, M. Šepić

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Tasmina AHMED-SHEIKH

Brigitte ALLAIN/Anne-Yvonne Le Dain

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/Eduard Köck

Luise AMTSBERG/Annette Groth

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Ingrid ANTIČEVIĆ MARINOVIĆ

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN/Ion Popa

Iwona ARENT*

Volodymyr ARIEV

Anna ASCANI/Tamara Blazina

Mehmet BABAOĞLU

Theodora BAKOYANNIS/Evangelos Venizelos

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT/ Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO/ Teófilo De Luis

Meritxell BATET/ Soraya Rodríguez Ramos

Deniz BAYKAL

Guto BEBB/Paul Scully

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK*

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Włodzimierz BERNACKI

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Boriss Cilevičs

Jokin BILDARRATZ

Gülsün BİLGEHAN

Tobias BILLSTRÖM

Oleksandr BILOVOL

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK*

Mladen BOSIĆ*

Anne BRASSEUR

Piet De BRUYN/Hendrik Daems

Margareta BUDNER

Valentina BULIGA

Dawn BUTLER*

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO

José CEPEDA

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Anastasia CHRISTODOULOPOULOU

Lise CHRISTOFFERSEN

Paolo CORSINI

David CRAUSBY*

Yves CRUCHTEN*

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR*

Geraint DAVIES*

Joseph DEBONO GRECH*

Renata DESKOSKA*

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ*

Namik DOKLE*

Francesc Xavier DOMENECH*

Jeffrey DONALDSON/David Davies

Elvira DROBINSKI-WEIß/ Axel Schäfer

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON/André Schneider

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Franz Leonhard EẞL

Markar ESEYAN

Nigel EVANS

Samvel FARMANYAN*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Doris FIALA/Manuel Tornare

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Bernard FOURNIER/André Reichardt

Béatrice FRESKO-ROLFO

Pierre-Alain FRIDEZ

Martin FRONC*

Sahiba GAFAROVA

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Xavier GARCÍA ALBIOL*

José Ramón GARCÍA HERNÁNDEZ*

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Mihai GHIMPU/Alina Zotea

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Oleksii GONCHARENKO

Rainer GOPP

Alina Ștefania GORGHIU/Maria Grecea

Sylvie GOY-CHAVENT*

François GROSDIDIER/Rudy Salles

Dzhema GROZDANOVA

Gergely GULYÁS*

Emine Nur GÜNAY

Valgerður GUNNARSDÓTTIR

Jonas GUNNARSSON

Antonio GUTIÉRREZ

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI/Killion Munyama

Hamid HAMID

Alfred HEER*

Gabriela HEINRICH

Michael HENNRICH/ Thomas Feist

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

John HOWELL

Anette HÜBINGER*

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Florin IORDACHE*

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Sandra JAKELIĆ/Josip Bilaver

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE*

Andrzej JAWORSKI/Daniel Milewski

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ*

Anne KALMARI/Petri Honkonen

Erkan KANDEMIR

Marietta KARAMANLI/ Pascale Crozon

Niklas KARLSSON/Azadeh Rojhan Gustafsson

Nina KASIMATI*

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Filiz KERESTECİOĞLU DEMİR

İlhan KESİCİ

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Jarosław Obremski

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ

Željko KOMŠIĆ/Saša Magazinović

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Matjaž Hanžek

Attila KORODI*

Alev KORUN/Nikolaus Scherak

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Florian KRONBICHLER

Eerik-Niiles KROSS/ Raivo Aeg

Talip KÜÇÜKCAN

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Yuliya L OVOCHKINA*

Inese LAIZĀNE

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT*

Luís LEITE RAMOS

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Ian LIDDELL-GRAINGER*

Georgii LOGVYNSKYI

Filippo LOMBARDI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUCAIDES/ Stella Kyriakides

Philippe MAHOUX/Petra De Sutter

Marit MAIJ*

Muslum MAMMADOV/Vusal Huseynov

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ/Marek Černoch

Milica MARKOVIĆ

Duarte MARQUES

Alberto MARTINS

Meritxell MATEU

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA/Seán Crowe

Sir Alan MEALE/Phil Wilson

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS

Ana Catarina MENDES*

Jasen MESIĆ

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON/Damien Abad

Marianne MIKKO

Anouchka van MILTENBURG

Orhan MİROĞLU

Olivia MITCHELL*

Arkadiusz MULARCZYK

Thomas MÜLLER/Roland Rino Büchel

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Marian NEACȘU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI*

Johan NISSINEN

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ*

Žarko OBRADOVIĆ*

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Suat ÖNAL

Ria OOMEN-RUIJTEN

Joseph O’REILLY/Rónán Mullen

Tom PACKALÉN*

Judith PALLARÉS

Ganira PASHAYEVA

Florin Costin PÂSLARU*

Jaana PELKONEN*

Agnieszka POMASKA

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Baroness Doreen Massey

Mark PRITCHARD

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO/Eleonora Cimbro

Carmen QUINTANILLA*

Kerstin RADOMSKI*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE

Melisa RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ*

Helena ROSETA*

René ROUQUET

Alex SALMOND*

Vincenzo SANTANGELO/Giuseppe Galati

Milena SANTERINI

Nadiia SAVCHENKO/Sergiy Vlasenko

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH/ Andreas Schieder

Paul SCHNABEL

Ingjerd SCHOU

Koos SCHOUWENAAR*

Nico SCHRIJVER

Frank SCHWABE

Predrag SEKULIĆ

Aleksandar SENIĆ*

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Paula SHERRIFF*

Bernd SIEBERT*

Adão SILVA

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Jan ŠKOBERNE*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/ Augusto Michelotti

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE*

Dominik TARCZYŃSKI

Damien THIÉRY

Antoni TRENCHEV*

Krzysztof TRUSKOLASKI

Goran TUPONJA/Snežana Jonica

İbrahim Mustafa TURHAN/Burhanettin Uysal

Nada TURINA-ĐURIĆ/Domagoj Hajduković

Konstantinos TZAVARAS/Liana Kanelli

Leyla Şahin USTA

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER/Dirk Van Der Maelen

Birutė VĖSAITĖ*

Nikolaj VILLUMSEN/Rasmus Nordqvist

Vladimir VORONIN/Liliana Palihovici

Viktor VOVK

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ/Marija Maja Catović

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Jacek WILK

Andrzej WOJTYŁA*

Morten WOLD

Gisela WURM

Jordi XUCLÀ

Serap YAŞAR

Leonid YEMETS

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN/Mher Shahgeldyan

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Boriana ÅBERG

Hans Fredrik GRØVAN

Kerstin LUNDGREN

Barbara ROSENKRANZ

Observateurs

Dean ALLISON

Percy DOWNE

Yoel HASSON

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Armando LUNA CANALES

Jennifer O’CONNELL

John OLIVER

Ulises RAMÍREZ NÚÑEZ

David M. WELLS

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

M. Omar HEJIRA

Qais KHADER

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM