FR18CR14

AS (2018) CR 14

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quatorzième séance

Mercredi 25 avril 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Nicoletti, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. Communication du Comité des Ministres

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, qui sera présentée par M. Samuelsen, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres.

Après son allocution, M. Samuelsen répondra aux questions des membres de notre Assemblée.

Monsieur le Président, c’est la dernière fois que vous vous adressez à nous en séance plénière en tant que Président du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Permettez-moi de vous féliciter pour vos réalisations. Je souhaite vous remercier, ainsi que l’ensemble des autorités du Danemark, pour l’excellente coopération dont nous avons bénéficié au cours des six derniers mois. Le programme de la Présidence danoise a été extrêmement riche en activités et en résultats. L’Assemblée y a été associée, et a contribué à un certain nombre de ses réalisations.

Permettez-moi de mettre en lumière deux événements. J’évoquerai tout d’abord la Conférence sur la vie privée et familiale des personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes), organisée conjointement à Copenhague par la Présidence danoise et la commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire. La deuxième manifestation que je souhaiterais évoquer est la Conférence de haut niveau sur la réforme du système de la Convention européenne des droits de l’homme, pour promouvoir un meilleur équilibre et une protection renforcée, manifestation à laquelle j’ai moi-même participé. Ces deux conférences sont de bons exemples de coopération interinstitutionnelle et de plateformes efficaces pour recueillir les points de vue de tous les protagonistes. L’Assemblée se réjouit de continuer à travailler avec la Présidence danoise, ainsi qu’avec les futures présidences, sur le suivi de cette initiative. Vous pouvez compter sur notre soutien politique, notre expertise et notre coopération constructive.

Sur une note plus personnelle, permettez-moi de remercier Son Excellence M. De Fine Skibsted, ambassadeur du Danemark auprès du Conseil de l’Europe, avec lequel nous coopérons de façon particulièrement efficace.

Monsieur le Président, je vous réitère mes remerciements.

M. SAMUELSEN, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres* – Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, chers membres de l’Assemblée parlementaire, c’est avec un grand plaisir que je suis de retour à Strasbourg, pour m’adresser pour la deuxième fois à l’Assemblée en ma qualité de Président du Comité des Ministres. Je vous ai présenté en janvier dernier le programme et les priorités de notre présidence. De retour trois mois plus tard, alors que le Danemark exerce encore la présidence pendant quelques semaines, l’occasion m’est donc donnée de faire le bilan de nos activités. Je tiens aussi à vous informer des travaux menés par le Comité des Ministres depuis notre dernière session.

Je commencerai par la principale priorité de la Présidence danoise, à savoir la poursuite de la réforme du système européen des droits de l’homme. Le 13 avril, lors d’une conférence de haut niveau qui s’est tenue à Copenhague, les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont adopté une déclaration politique sur la poursuite de la réforme du système européen des droits de l’homme. Dans cette déclaration, nous renforçons l’engagement de tous les États membres à respecter les droits humains fondamentaux. La déclaration indique clairement qu’il incombe en tout premier lieu aux gouvernements, aux parlements et aux juridictions des États membres de garantir les droits de l’homme. Parallèlement, nous améliorerons la capacité de la Cour européenne des droits de l’homme à s’acquitter de sa mission de manière plus efficace et équilibrée.

La Cour européenne des droits de l’homme doit pouvoir assurer le plus haut degré de protection des droits fondamentaux. La Déclaration de Copenhague contribuera à garantir le rôle vital joué par la Cour.

Il est important de noter que nous avons aussi souligné la nécessité d’un dialogue accru entre toutes les parties prenantes sur nos rôles respectifs et sur le développement des droits de l’homme. Nous ancrons ainsi plus solidement le développement des droits de l’homme dans nos démocraties européennes, garantissant un soutien et une adhésion accrus à ces droits.

Outre nos travaux sur cette principale priorité, nous avons aussi obtenu d’importants résultats dans le cadre de nos quatre autres priorités.

Premièrement, s’agissant des personnes handicapées, nous avons mis l’accent sur la sensibilisation aux droits, aux conditions de vie et aux potentiels des personnes handicapées, ce qui est important pour venir à bout des préjugés et modifier les attitudes à leur égard.

Deuxièmement, pour ce qui est des enfants et des jeunes dans la démocratie, nous avons reconnu l’existence des défis énormes auxquels nos démocraties sont aujourd’hui confrontées face à la désinformation et à la montée de forces antidémocratiques. Une jeunesse éduquée, souhaitant prendre part au débat démocratique et capable de le faire, est la mieux à même de relever ces défis. Les initiatives que vous avez prises à l’Assemblée pour associer des jeunes à vos travaux sont très appréciées. Notre présidence a accueilli à Copenhague, lundi et mardi derniers, une conférence très réussie sur cette question, qui laisse espérer un avenir meilleur.

Troisièmement, la lutte contre la torture a été et continuera d’être une priorité absolue du Danemark. Un séminaire organisé en mars à Copenhague a été l’occasion de recenser des exemples de bonnes pratiques de toute l’Europe sur la prévention de la torture et des mauvais traitements. Ces pratiques seront partagées avec l’ensemble des États membres pour inspirer de nouvelles initiatives nationales. Nous devons sans cesse nous employer à créer un monde où la torture est jugée inacceptable. Le Danemark continuera de prendre une part active à cette lutte.

Pour finir, la présidence a travaillé sans relâche sur la priorité de l’égalité des chances. Le 2 mars dernier, elle a co-accueilli avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe une conférence sur la vie privée et familiale des personnes LGBTI. Nous vous sommes très reconnaissants de votre coopération. Nous co-accueillerons demain avec nos collègues islandais, ici à Strasbourg, une conférence qui portera sur la participation des hommes à la lutte contre le sexisme dans la sphère publique. De plus, la nouvelle Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes sera lancée les 3 et 4 mai 2018 à l’occasion d’une conférence qui aura lieu à Copenhague.

Comme Son Altesse royale la Princesse héritière du Danemark l’a dit lorsqu’elle s’est adressée à vous en janvier : « Œuvrer pour l’égalité n’est pas seulement une cause juste, c’est aussi une cause intelligente ». Les efforts se poursuivent et le Danemark continue d’appuyer activement tous les pays qui participent à la lutte pour l’égalité des chances.

Chers membres de l’Assemblée, dans ma dernière allocution, j’ai évoqué les temps difficiles que traverse le Conseil de l’Europe à cause de sa situation financière et de la non-participation de certains États membres.

Concernant la situation financière de l’Organisation, le Comité des Ministres partage la vive préoccupation exprimée par l’Assemblée dans la recommandation que vous avez adoptée en mars. Cette question est considérée comme prioritaire par le Comité des Ministres, vu les répercussions qu’elle risque d’avoir sur la capacité d’action de notre Organisation. Le Comité et le Secrétaire Général suivent la situation de près et sont déterminés à employer tous les moyens disponibles pour que le Conseil de l’Europe puisse continuer à remplir sa mission avec efficacité.

À cet égard, le non-paiement par la Fédération de Russie du solde de ses contributions obligatoires pour 2017 et de la première tranche de ses contributions pour 2018 a été examiné par le Comité des Ministres à plusieurs occasions. Il a souligné que le versement de ces contributions est une obligation statutaire, et qu’aucun État membre ne peut en être dispensé. Le Comité des Ministres espère vivement que la Fédération de Russie remplira rapidement cette obligation pour que la situation puisse revenir à la normale. Concernant la décision de la Turquie de mettre fin à son statut de grand contributeur au budget de notre Organisation, le Comité a adopté plusieurs décisions destinées à ajuster le Programme et Budget 2018-2019 en conséquence.

Dans ce contexte, je prends note des travaux menés actuellement par la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire et j’espère qu’ils produiront des résultats tangibles. La Présidence danoise remercie le Président de l’Assemblée de tenir le Comité informé des progrès réalisés.

Par ailleurs, je tiens à commenter brièvement le récent rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée. C’est une question qui concerne l’Assemblée, mais, vu l’impact de ces allégations sur l’image de l’Organisation tout entière, le Comité des Ministres accordera une attention toute particulière aux suites qui seront données à ce rapport. La corruption est totalement inacceptable. Il est absolument nécessaire d’avoir une réaction très ferme face aux membres de l’Assemblée qui ne respectent pas cette interdiction.

Concernant les travaux du Comité des Ministres, je commencerai par mentionner la lutte contre le terrorisme. En mars dernier, la France a été touchée par un nouvel attentat terroriste. Cet événement horrible nous rappelle l’importance du Conseil de l’Europe. Le Comité a adopté récemment une recommandation sur les terroristes agissant seuls. Cette recommandation, qui arrive à point nommé, porte sur les combattants terroristes qui reviennent en Europe et sur les attentats commis sur notre continent par des « loups solitaires ». La Présidence danoise encourage les États membres à en tirer tous les enseignements, notamment pour détecter les individus radicalisés qui risquent de passer à l’acte, et pour renforcer la coopération internationale.

Ce mois-ci, le Comité des Ministres a adopté des décisions visant à promouvoir le projet de résolution concernant un moratoire sur l’application de la peine de mort, qui doit être adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies ; cette promotion passe par la participation active des délégations nationales des États membres à New York. Cette initiative montre bien que l’abolition universelle de la peine de mort reste une priorité pour le Comité des Ministres.

Depuis votre dernière session, le Comité des Ministres a pris des décisions relatives à la situation dans plusieurs États membres.

S’agissant de l’Ukraine, le Comité des Ministres a approuvé au mois de mars dernier un ambitieux plan d’action pour continuer à apporter une assistance à l’Ukraine durant la période 2018-2021.

Dans ce contexte, la situation en Crimée et dans l’est de l’Ukraine ne peut être ignorée. Le Comité des Ministres s’est exprimé à maintes reprises en faveur de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues.

En outre, le Comité des Ministres a approuvé de nouveaux partenariats de voisinage avec le Maroc et la Tunisie pour la période 2018-2021.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de conclure par quelques remarques sur la fin de notre présidence et sur les perspectives qui s’ouvrent à nous.

Dans quelques semaines, les 17 et 18 mai prochains, la Présidence danoise accueillera la 128e session ministérielle à Elseneur, dans la forteresse de Kronborg, le célèbre château d’Hamlet.

Lors de cette session, nous tiendrons un débat sur l’avenir du Conseil de l’Europe, thème d’actualité et question essentielle. J’espère que cette rencontre sera fructueuse et rassemblera beaucoup de mes collègues de toute l’Europe. Ce débat marquera le début des préparatifs du 70e anniversaire du Conseil de l'Europe, qui sera célébré l’an prochain. Il portera notamment sur les moyens d’améliorer l’action du Conseil de l'Europe et de rendre l’Organisation plus efficace.

Le Président de l’Assemblée a été invité à la session ; les autorités du Danemark et la Présidence danoise se réjouissent de l’accueillir à Elseneur. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous remercier, Mesdames et Messieurs, pour l’excellente coopération qui a prévalu avec l’Assemblée pendant notre présidence.

À Elseneur, nous céderons la présidence du Comité des Ministres à la Croatie. Je tiens à assurer les autorités croates de notre soutien tout au long de leur présidence et leur adresse tous nos vœux de réussite.

Le Danemark est un ardent défenseur de l’action du Conseil de l'Europe en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et de l’État de droit en Europe. Nous ne présiderons plus le Comité des Ministres, mais nous continuerons à soutenir son action et participerons aux efforts destinés à rendre le Conseil de l'Europe plus fort et plus efficace à long terme.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant aborder les questions. Je vous rappelle, chers collègues, que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes et que vous devez poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je vous remercie, Monsieur le Président, pour les priorités claires que vous avez établies et pour votre travail, que nous apprécions.

Vous avez évoqué la corruption au sein de notre Assemblée. À juste titre, vous avez dit que vous suivriez de très près ce que nous faisons pour résoudre le problème, mais, au-delà des membres corrompus de l’Assemblée, il y a un État corrupteur, qui est l’Azerbaïdjan. Ce pays, membre du Comité des Ministres, est mentionné 942 fois dans le rapport ! Qu’allez-vous donc faire pour savoir si l’Azerbaïdjan a effectivement corrompu des membres de notre Assemblée ? Et quelles mesures prendrez-vous à son encontre ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Le Comité des Ministres n’a jamais permis ni ne permettra jamais que la corruption s’installe. Il a, au contraire, toujours souligné qu’elle constituait une menace majeure pour les valeurs fondamentales défendues par notre Organisation, tout particulièrement l’État de droit. Lorsque nous avons été saisis d’allégations de corruption au sein de l’Assemblée l’année dernière, le Comité des Ministres a pris un ensemble de décisions et souligné la nécessité d’une enquête en bonne et due forme car ces allégations affectaient la réputation de l’ensemble du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres s’est félicité de la décision de l’Assemblée de créer un Groupe d’enquête externe indépendant et a demandé aux États membres de coopérer pleinement, dans le respect de leur législation nationale. Il appartient maintenant à l’Assemblée de décider des suites à donner au rapport de cet organe d’enquête publié dimanche dernier, qu’il s’agisse des cas individuels ou des propositions de modification du Règlement intérieur et du code de conduite. Nous suivrons de très près les mesures que vous prendrez, Mesdames et Messieurs les parlementaires ; s’agissant des recommandations que vous ferez sur les questions institutionnelles, nous nous attendons à être consultés et impliqués sur les suites à donner.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Monsieur le Président du Comité des Ministres, l’année dernière, sur l’île de Bornholm, vous avez exposé les motifs sur lesquels reposait ce qui allait devenir la Déclaration de Copenhague. Votre sentiment était que les Danois considéraient que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme empêchait leur pays d’expulser certains prisonniers étrangers. La première version de la Déclaration fut d’ailleurs perçue comme sapant l’indépendance et l’impartialité de la Cour. Le texte définitif est meilleur, mais le risque demeure. Ma question est la suivante : comment justifiez-vous que des motivations purement nationales puissent orienter votre travail à la tête de notre précieuse Organisation internationale ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Il y a deux semaines, 47 États membres ont adopté la Déclaration de Copenhague sur la réforme du système de la Convention européenne des droits de l’homme. Comme vous le savez, le projet est passé par différentes étapes dans le cadre des négociations, et c’est tout naturel. Et, comme vous le savez tous, l’Assemblée parlementaire était représentée par le Président Nicoletti, que je tiens à remercier pour sa participation active, à la Conférence de haut niveau de Copenhague. Celle-ci a été, pour les États membres, une occasion importante de réaffirmer leur attachement à la Convention européenne des droits de l’homme. Si l’on en juge par la participation très importante des ministres, ce fut un réel succès. Avec la Déclaration de Copenhague, nous avons formulé une vision claire, en vue d’un système de la Convention plus efficace, plus ciblé, plus équilibré, ce qui ouvre des perspectives très positives pour son avenir. Avec la Déclaration de Copenhague, nous avons également souligné le besoin d’un dialogue renforcé à la fois théorique et au niveau politique. Il permettra de mieux ancrer le développement des droits de l’homme dans nos démocraties européennes, et de renforcer un sentiment d’appartenance. Cette ambition a été l’une des priorités de la Présidence danoise, et nous pouvons tous, je crois, nous féliciter de ce résultat. À nous maintenant de mettre en œuvre rapidement et efficacement les mesures prévues.

M. GONCHARENKO (Ukraine), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur Samuelsen, la fourniture du gaz naturel aux consommateurs européens et le monopole de Gazprom sur le marché européen sont des instruments extrêmement dangereux dans la guerre hybride que mène la Fédération de Russie contre le monde civilisé. Ne pensez-vous pas que la mise en œuvre du gazoduc Nord Stream 2 va fournir encore plus de moyens à la Fédération de Russie dans sa lutte contre les libertés sur notre continent ? Je remercie le Danemark pour sa position très ferme en la matière et je lui demande de tenir bon !

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – L’attaque au Novichok contre M. Skripal et sa fille a fait l’objet d’une discussion des Délégués des Ministres, la semaine dernière. J’ai noté qu’un certain nombre de déclarations des ministres des Affaires étrangères de nos États membres portaient sur cette question. Nombre d’État membres ont exprimé leurs graves préoccupations quant au fait que c’était la première fois que l’on utilisait un agent neurotoxique en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, en totale violation du droit international. Le mode opératoire a exposé un grand nombre de personnes à un grave danger. De nombreux États membres ont pris très au sérieux le point de vue du Gouvernement du Royaume-Uni estimant très vraisemblable la responsabilité de la Fédération de Russie. La délégation de la Fédération de Russie a réagi en exprimant sa position. Nous sommes en pensée avec les victimes de cette terrible attaque et nous leur souhaitons un complet et rapide rétablissement

Quant au projet Nord Stream 2, il ne relève pas du mandat du Conseil de l’Europe, pas plus que du Comité des Ministres. De ce fait, en tant que président du Comité des Ministres, je n’ai pas de commentaire à faire. Nous n’avons pas statué sur ce sujet.

Mme De BRUIJN-WEZEMAN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – La semaine dernière, nous avons appris que le Comité des Ministres avait été informé par la Secrétaire Générale adjointe d’une offre de 600 000 euros du Qatar en lien avec l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, à dépenser par le Conseil de l’Europe. Quelle a été la réaction du Comité des Ministres face à cette offre ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Les représentants du Qatar ont rencontré la Secrétaire Générale adjointe et le Secrétariat car ils souhaitent, dans la perspective de la Coupe du monde de football de 2022, s’informer sur les normes européennes en matière de sécurité et de services, et tirer parti de l’expérience de certains pays européens. Ils se déclarent également intéressés par un programme de coopération plus systématique visant à intégrer les dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives dans la législation du Qatar.

Le mois dernier, le Qatar a signé un accord bilatéral de coopération technique avec le Conseil de l’Europe dans le cadre de la convention mentionnée. Il se dit disposé à accepter nos normes. La mise en œuvre fructueuse d’un tel programme de coopération permettra, je l’espère, aux joueurs et aux supporters européens qui se rendront au Qatar pour la Coupe du monde en 2022 de bénéficier dans ce pays du même niveau de sécurité et de services qu’en Europe.

Ce travail permettra peut-être aussi l’adhésion du Qatar à la Convention. Cette coopération offrira aussi une plateforme pour promouvoir l’adoption d’autres instruments et normes par le Qatar à l’occasion de l’organisation de la Coupe du monde 2022 de la Fifa.

M. VILLUMSEN (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La priorité de la Présidence danoise a été l’adoption de la Déclaration de Copenhague. Celle-ci en appelle aux États membres pour qu’ils effectuent des contributions volontaires à la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui est important afin que les ressources nécessaires soient disponibles pour réduire l’arriéré d’affaires. Le Gouvernement danois entend-il suivre lui-même cet appel de Copenhague à effectuer une contribution volontaire à la Cour européenne des droits de l’homme ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je vous répondrai brièvement : nous n’avons pas encore pris de décision à ce sujet.

Mme GAMBARO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Vous avez déjà parlé du rôle de notre Assemblée. Dans quelle mesure pensez-vous que la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire puisse améliorer le dialogue et la démocratie dans ces temps difficiles ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Il sera intéressant de connaître l’issue des discussions de la commission ad hoc. Une autre réunion aura lieu cette semaine, ici, à Strasbourg. Nous regarderons de près les résultats de cette discussion. Nous attendons des propositions concrètes. Nous verrons ensuite la suite qui leur sera donnée.

LE PRÉSIDENT* – Nous alllons maintenant regrouper les questions par séries de trois.

Mme BLONDIN (France) – Monsieur le Président, la situation à Gaza est préoccupante. Les conditions de vie se dégradent. Près de 40 Palestiniens ont été tués et des centaines d’autres blessés par balle alors qu’ils se tenaient sur les hauteurs de la bande de Gaza. Il faut s’attendre à une forte mobilisation le 15 mai prochain pour le soixante-dixième anniversaire de la Nakba. Comment le Comité des Ministres peut-il agir face à cette situation ?

M. KIRAL (Ukraine)* – La politique d’apaisement et d’invitation au dialogue envers la Fédération de Russie, par le biais du Secrétaire Général et d’autres instances, n’a connu que des échecs. Ce pays n’a pas payé sa contribution à notre Organisation, une personnalité a été empoisonnée par les Russes, la Cour constitutionnelle de Fédération de Russie ne reconnaît pas les arrêts de la Cour européenne, des atrocités sont commises en Syrie, l’annexion illégale de la Crimée se poursuit. N’est-il pas temps d’être plus ferme vis-à-vis de la Fédération de Russie ?

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – À mon sens, la forme la plus correcte de relation est le dialogue. Il est donc étrange de voir, depuis quelques années, le Conseil de l’Europe procéder différemment. Le Bélarus est un pays européen. Pourtant, depuis plusieurs années, il ne peut entrer au Conseil de l’Europe. Par ailleurs, nous avons exclu la Fédération de Russie de l’Organisation. Une approche aussi radicale n’est pas une bonne approche. Le Comité des Ministres est-il conscient que certaines ruptures au sein de l’Organisation sont de nature à générer non seulement des problèmes financiers mais aussi des crises bien plus graves ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – La question de la situation à Gaza ne relève pas des compétences du Conseil de l’Europe. Même si cela n’a pas été discuté au sein du Comité des Ministres, j’espère néanmoins que la situation pourra s’améliorer rapidement. Les événements récents ont malheureusement fait de nombreuses victimes et l’on ne peut que se montrer attristé face à la souffrance des personnes. J’insiste sur le fait que le recours à la force ne peut se faire que conformément au droit international et doit toujours être proportionné.

S’agissant de la deuxième question, comme je l’ai indiqué dans mon intervention, la situation budgétaire est sans précédent étant donné que la Fédération de Russie n’a pas payé le solde de sa contribution de 2017 ni la première tranche de sa contribution pour 2018. Le Comité des Ministres suit de très près la situation et ses obligations ont été rappelées à la Fédération de Russie. Je ne puis qu’espérer, sincèrement, que la situation se rétablira rapidement et réitérer l’appel qui a été adressé à la Fédération de Russie de satisfaire à ses obligations. Cela est crucial pour l’Organisation, pour son fonctionnement, mais aussi pour le statut de la Fédération de Russie au sein du Conseil de l’Europe.

En réponse à la troisième question, je suis intimement convaincu de l’utilité du dialogue. Le Conseil de l’Europe est avant tout une communauté de valeurs fondée sur un accord entre États membres, imposant à ceux-ci de coopérer. Ces valeurs doivent guider toutes leurs actions. Je vous renvoie au préambule du Statut du Conseil de l’Europe qui souligne que les États membres sont « inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable ». Tel est le cadre de notre action commune, qui doit aussi être notre ambition commune au sein du Conseil de l’Europe.

Nous ne pouvons, bien évidemment, pas attendre de tous les États membres qu’ils atteignent tous ces objectifs et chaque objectif en même temps et de manière uniforme. Chaque pays a une histoire, un tissu social, un environnement économique et des traditions qui lui sont propres. Tout cela doit être pris en considération. Le Conseil de l’Europe a le devoir d’assister ses États membres afin qu’ils atteignent les normes les plus élevées en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence du droit. Toutefois, les différences qui peuvent exister entre les États membres ne sauraient justifier que ceux-ci s’écartent des engagements et des obligations attachés à leur adhésion au Conseil de l’Europe, engagements et obligations qu’ils ont acceptés volontairement.

Je ne mentionnerai que certains de ces principes auxquels on ne saurait déroger.

Le premier est l’abolition de la peine de mort. Puisque vous avez mentionné le Bélarus, rappelez-vous que cela reste une exigence que ce pays doit encore respecter.

Le deuxième est l’exigence de garantir des droits fondamentaux tels que les libertés politiques, y compris le droit à des élections libres et justes, la liberté d’expression, la liberté des médias et la liberté de réunion, ainsi que la lutte contre la torture et contre l’esclavage moderne et le principe d’impossibilité de sanctionner en dehors du droit.

Dans votre question, vous semblez dire que nous avons exclu la Fédération de Russie de l’Organisation. Ce n’est pas le cas étant donné qu’elle est toujours un État membre du Conseil de l’Europe. Mais je vous accorde que la Fédération de Russie ne participe pas aux travaux de l’Assemblée parlementaire en ce moment et qu’il est également fort malencontreux que ce pays ne verse pas sa contribution obligatoire au budget ordinaire de l’Organisation.

Mme McCARTHY (Royaume-Uni)* – Il faut se féliciter que 47 États membres aient adopté la Déclaration de Copenhague au début du mois, réaffirmant ainsi le concept de responsabilité partagée entre les niveaux nationaux et européens, pour que les normes européennes soient protégées au niveau national.

J’entends ce que dit M. le Président du Comité des Ministres à ce sujet, mais pense-t-il réellement que les 47 États membres dans leur ensemble appliqueront cette Déclaration ?

Mme CSÖBÖR (Hongrie) – La Déclaration de Copenhague sur la réforme du système de la Convention européenne des droits de l’homme a été formellement adoptée, mais la route vers cet accord a été assez difficile. Le texte initial a été considérablement modifié en cours de négociation.

Monsieur le ministre, la Présidence danoise est-elle satisfaite du niveau d’ambition du texte final ?

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je réitère les remarques de Mme Blondin sur Gaza. Compte tenu du rôle du Conseil de l’Europe en matière d’affaires étrangères, je me permets néanmoins de demander au Président du Comité des Ministres s’il ne serait pas temps pour l’Europe d’en faire plus pour faire avancer le processus de paix en direction d’une solution à deux États.

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Nous nous attendons effectivement à ce que les 47 États membres du Conseil de l’Europe mettent en œuvre la Déclaration de Copenhague. Il faut bien y croire. Nous travaillons ensemble, nous cherchons des solutions et, bien sûr, nous nous attendons à ce que tous mettent en œuvre ces solutions.

Quant à savoir quel est notre degré de satisfaction sur les solutions, nous sommes très heureux des résultats du processus de Copenhague. La négociation et l’accord obtenu à 47 sur une question aussi sensible que la réforme du système des droits de l’homme en Europe n’est pas une tâche facile et, pourtant, nous avons pu adopter un texte ambitieux, introduisant des réformes nécessaires. En tant qu’acteurs politiques, nous savons parfaitement que, lorsqu’il faut trouver un compromis, on ne peut pas tout avoir. Mais compte tenu de la nécessité d’obtenir l’accord de 47 États membres sur un texte, notre résultat est excellent. Le travail de Copenhague est bon et nous en sommes satisfaits.

Pour ce qui est de la Palestine, le conflit israélo-palestinien ne relève pas des compétences du Conseil de l’Europe. Je ne puis que renvoyer M. Sabella aux résolutions pertinentes des Nations Unies et appeler tout un chacun à œuvrer en faveur de la paix et de la stabilité dans la région par le biais d’une solution négociée.

Je souhaite, sur un autre plan, rappeler que le Conseil de l’Europe s’est concerté sur des priorités de coopération avec la Palestine visant à l’aider à consolider ses institutions démocratiques. L’état de mise en œuvre de ces activités sera passé en revue par le Comité des Ministres avant la fin de cette année.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Excellence, dans votre réponse à ma question en janvier, vous aviez souligné que la Présidence danoise voulait renforcer la coopération entre les États membres en matière de droits de l’homme pour changer les attitudes et les mentalités.

Savez-vous si votre initiative a amené des réponses positives ou négatives parmi les États membres ?

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Monsieur Samuelsen, cette Assemblée produit de nombreux et excellents rapports, qui demandent beaucoup de travail. Le Comité des Ministres accorde-t-il de la considération à tous ces rapports que nous avons produits au fil des années ?

M. De BRUYN (Belgique)* – Monsieur le ministre, notre Assemblée a adopté une résolution sur les personnes intersexes, insistant notamment sur leur droit à l’autodétermination. Le Comité des Ministres doit donner des orientations sur cette question. Je sais que le Danemark a protégé les droits des LGBTI. Pouvez-vous me donner l’assurance que votre pays œuvrera pour que les futures orientations reconnaissent la protection des droits de toutes les personnes intersexes ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – La protection et la promotion des droits des personnes handicapées a été une priorité de la Présidence danoise du Comité des Ministres. Comme vous le savez, une nouvelle stratégie sur le handicap pour la période 2017-2023 a été adoptée par le Comité des Ministres en novembre 2016. L’objectif de cette nouvelle stratégie est de parvenir à l’égalité, de garantir la dignité et l’égalité des chances pour les personnes en situation de handicap. Cela suppose que l’on abatte les obstacles auxquels ces personnes se heurtent, afin qu’elles soient indépendantes, qu’elles aient la liberté de choix et qu’elles puissent participer pleinement à tous les domaines de la vie en société, y compris le marché du travail.

Comme je l’ai exposé dans ma déclaration liminaire, l’objectif de la Présidence danoise était de renforcer la coopération entre les États membres en matière de droits des personnes handicapées, afin de changer les mentalités et les attitudes – vous avez souligné à juste titre l’importance de cet aspect. Pour ce faire, un séminaire de travail a été organisé à Copenhague en décembre dernier pour lancer des initiatives dans les États membres en vue de progresser dans l’élaboration des mesures indispensables en la matière, et dans leur mise en œuvre. L’engagement des États membres pour accentuer les efforts dans ce domaine est réel. Même si le Danemark ne préside plus le Comité des Ministres, il poursuivra ses efforts pour promouvoir les droits des personnes handicapées.

Lord Foulkes, le Comité des Ministres accorde la plus haute importance aux recommandations adoptées par votre Assemblée et essaie toujours d’y apporter des réponses de fond. En ce qui concerne la Recommandation 2014 (2017) sur les droits humains des personnes âgées et leur prise en charge intégrale, j’aimerais vous informer que le Comité des Ministres a donné une réponse détaillée le 7 février. Cette réponse a été envoyée au Secrétariat de l’Assemblée, qui pourra sans aucun doute vous en donner une copie.

La question très spécifique posée par M. De Bruyn concernant les personnes intersexes n’a pas été débattue au sein du Comité des Ministres ; je ne suis donc pas en mesure de vous donner sa position. Cela dit, mon pays est très engagé en matière d’égalité des droits et d’égalité des chances dans la vie privée et familiale. Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, le droit à la famille et à la vie privée de toutes les personnes LGBTI a été le thème principal de la conférence organisée en mars à Copenhague en coopération avec la commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée, dans le cadre de la Présidence danoise du Comité des Ministres. C’est un défi pour tous nos États membres. Je suis convaincu que notre réponse doit toujours être guidée par le respect des principes d’égalité et de non-discrimination.

M. SCHWABE (Allemagne)* – Monsieur le ministre, vous n’avez pas vraiment répondu à la question de Mme Ævarsdóttir. Dans la Déclaration de Copenhague, vous avez poursuivi des objectifs de politique nationale. Si tous les États membres faisaient de même, si tous agissaient de manière populiste, la Cour se retrouverait marginalisée. Fort heureusement, le résultat n’a pas été celui-là, mais j’aimerais vous demander si vous avez réfléchi à ce sujet : vous rendez-vous compte que c’est une erreur de mettre en avant les motivations nationales ? Je conseille à la prochaine présidence du Comité des Ministres de ne pas commettre la même.

M. Petter EIDE (Norvège)* – Monsieur Samuelsen, ma question porte elle aussi sur la Déclaration de Copenhague. Dans le premier projet de déclaration, vous aviez proposé d’ôter de l’autorité à l’Organisation pour la rendre aux États membres. Vous aviez également proposé de réduire l’implication de la Cour dans les procédures nationales en matière d’asile. Ma question est la suivante : pourquoi les Danois ont-ils jugé nécessaire de proposer de tels changements, qui, pour beaucoup d’entre nous, ne pouvaient qu’être interprétés comme une tentative d’affaiblir l’Organisation ?

Mme De SUTTER (Belgique)* – Monsieur le ministre, au paragraphe 28 de la Déclaration de Copenhague, le principe de subsidiarité est reconnu comme un principe directeur, ce qui est une bonne chose, mais un peu plus loin les articles 8 à 11 de la Convention sont mentionnés et il est suggéré que, en cas de raisons valables, la Cour pourrait substituer sa propre évaluation à celles des tribunaux nationaux. Cela n’est pas souhaitable, s’agissant surtout de l’article 10 de la Convention concernant la liberté d’expression. Pouvez-vous m’assurer que le Comité des Ministres n’essaiera pas d’affaiblir cette liberté ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Il est très important que nous protégions le système des droits de l’homme, lequel est cœur de cette Organisation. Nous luttons pour la liberté d’expression et toutes ces autres valeurs qui sont fondamentales pour la démocratie. Cela dit, force est de constater qu’il existe un débat de plus en plus important – soulevé ici même, du reste – en Europe et qu’une tendance croissante se fait jour de critiquer le système des droits de l’homme. On peut craindre que l’adhésion à celui-ci soit de moins en moins forte. Je m’opposerai de toutes mes forces à cette tendance.

Si nous avons tenu à inscrire ce point à l’ordre du jour, c’est précisément pour renforcer le système des droits de l’homme, pour rassurer nos opinions publiques et leur expliquer que ce système est bon, que nous devons défendre des valeurs communes, que nous devons avoir la capacité à écouter au lieu de nous opposer. Avec la Déclaration de Copenhague, nous renforçons le système des droits de l’homme. Il était très important qu’elle soit signée et soutenue par les 47 États membres, que nous ayons la garantie que le système continue à fonctionner dans les dix, vingt ou trente prochaines années. Nous y sommes parvenus. Bien sûr, d’autres travaux auront lieu dans les années à venir, mais le résultat que nous avons obtenu est majeur. Personnellement, je suis très satisfait du soutien apporté par tous les États membres du Conseil de l’Europe à ce texte.

J’en viens aux questions posées sur les articles 8 à 11. Le but de la Déclaration de Copenhague est le suivant : lorsqu’une évaluation a été faite par un État membre en pleine conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme, alors la Cour européenne des droits de l’homme en tiendra compte. Toutefois, si les États membres n’ont pas respecté leur obligation, l’affaire sera alors traitée comme elle l’est aujourd’hui pour les États membres ne respectant pas la liberté d’expression définie à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons à la dernière série de questions.

M. KLEINWAECHTER (Allemagne)* – D’après vos propos, cités dans un média d’information, il n’y aurait qu’un seul problème en matière de mondialisation dont les racines seraient à chercher dans l’Islam, non pas religieux mais politique. Ma question est la suivante : comment analysez-vous le fait que celui-ci suscite de plus en plus d’intérêt ? Cela pose-t-il selon vous, en tant que Président du Comité des Ministres, un problème au regard de la Convention européenne des droits de l’homme ?

M. EVANS (Royaume-Uni)* – Les Russes ont violé de nombreux principes du Conseil de l’Europe depuis plusieurs mois, y compris en ne versant pas leur dû. Mais s’ils versent cette somme, cela signifie-t-il qu’ils seraient les bienvenus au Conseil de l’Europe sans avoir à supporter les conséquences de leurs autres actes ?

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – La Commission de Venise a recommandé aux autorités de la République de Moldova de ne pas mettre en place un système électoral mixte compte tenu du manque de consensus dans notre pays et du risque de corruption parmi les candidats majoritaires. Quel est l’avis du Comité des Ministres sur le fait qu’un État membre ferme les yeux sur les recommandations de la Commission de Venise en matière électorale ?

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – La mondialisation conduit à l’échange d’idées et à des échanges commerciaux entre nations, dans l’intérêt des citoyens non seulement de l’Europe mais de toute la planète. Mais quand la mondialisation a pour conséquence la propagation de la propagande extrémiste, il faut alors combattre celle-ci par tous les moyens. Il n’y a aucun conflit avec la Convention européenne des droits de l’homme.

La mondialisation, avant tout, présente un grand avantage pour nous tous. Il faut protéger la liberté des marchés, les échanges de vues, les échanges d’idées de part et d’autre des frontières. Mais il faut aussi fixer des règles si ces échanges conduisent à des incertitudes et à des craintes chez les Européens face à la montée de Daech. Si nous avons pu, en Irak et ailleurs, enregistrer des succès contre Daech, il faut bien reconnaître que ce n’est pas la religion qui pose problème mais l’extrémisme. Cela s’inscrit dans la mondialisation, raison pour laquelle il faut vraiment faire attention à ses effets néfastes.

Pour ce qui est de la Fédération de Russie, celle-ci doit tout d’abord payer. Ensuite, nombre de questions encore en suspens devront être débattues, en particulier concernant l’Ukraine.

Concernant la République de Moldova, le Comité des Ministres attache une haute importance aux avis de la Commission de Venise et n’a eu de cesse de demander aux États membres de suivre toutes les recommandations de cette instance. Pour ce qui est de la réforme électorale en République de Moldova, le Comité des Ministres n’a pas adopté de position formelle. Cependant, je note que la Commission de Venise, dans son avis conjoint avec le BIDDH – Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme – de l’OSCE, reconnaît le droit souverain de tout État de choisir son système électoral, mais indique de manière explicite qu’il n’est pas recommandable de changer le système électoral à l’heure actuelle.

La Commission de Venise a exprimé ses inquiétudes quant au manque de consensus sur la réforme elle-même. Elle indique que la réforme, telle que proposée, pourrait avoir une incidence négative sur l’électorat, sachant que les candidats de la majorité pourraient être influencés par le monde des affaires ou d’autres acteurs ayant leurs propres intérêts distincts. Ces préoccupations sont à prendre au sérieux. Je constate que l’Union européenne a appelé la République de Moldova à suivre l’avis de la Commission de Venise.

LE PRÉSIDENT* – Nous en avons terminé avec les questions à M. Samuelsen. Je vous remercie beaucoup, Monsieur le ministre, au nom de l’Assemblée, pour les réponses que vous nous avez apportées ce matin et surtout pour votre contribution à notre institution tout au long de cette présidence de votre pays. Merci également pour votre engagement à défendre les droits de l’homme.

Mme Trisse, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

2. La protection de l’intégrité rédactionnelle
Le statut des journalistes en Europe
(Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint.

En l’absence de M. Ariev, c’est Mme Gambaro qui présentera, au nom de la commission de la culture, le rapport de celui-ci sur « La protection de l’intégrité rédactionnelle » (Doc. 14526).

Mme Drobinski-Weiss n’étant plus membre de notre Assemblée, c’est également Mme Gambaro qui présentera, au nom de la commission de la culture, le rapport sur « Le statut des journalistes en Europe » (Doc. 14505). Mme Ævarsdóttir présentera l’avis de la commission des questions juridiques (Doc. 14535).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous devrons nous interrompre à 13 heures, mais le débat conjoint continuera cet après-midi à 15 h 30.

Madame Gambaro, vous disposez en théorie d’un temps de parole de deux fois 13 minutes pour la présentation des deux rapports et la réponse aux orateurs. Mais vous pouvez vous montrer plus concise si vous le souhaitez.

Mme GAMBARO (Italie), rapporteure suppléante de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias – Le rapport sur « La protection de l'intégrité rédactionnelle » est une suite logique des travaux antérieurs de notre commission et nous présente un tableau contrasté du paysage médiatique en Europe.

L’Europe aujourd'hui est le continent où le journalisme fonctionne le mieux dans le sens de l'intérêt général, en demandant des comptes aux détenteurs du pouvoir. C’est un espace dans lequel de nouvelles formes de médias mobiles et interactifs en ligne sont apparues, et dans lequel le public a accès de manière instantanée à l’information et à des moyens faciles d’expression.

Dans le même temps, l’information partisane, la désinformation et la manipulation des faits, les contenus nuisibles ou extrémistes de toute sorte sont devenus courants sur internet, et ces pratiques s’infiltrent de plus en plus dans certains médias nationaux.

Ces deux aspects de la communication par les médias sont liés à la notion d’« intégrité rédactionnelle ». M. Ariev l’utilise dans son rapport dans le sens de « l’honnêteté et l’exactitude dans l’information du public». L’intégrité rédactionnelle implique donc une approche « éthique », « morale », de la profession de journaliste dans tous les médias, comme la presse écrite, la radio, la télévision ou les médias en ligne.

L’éthique professionnelle exige des journalistes qu’ils s’efforcent en toute circonstance de faire leur travail de manière honnête et impartiale. En effet, en contrepartie de leur droit à la liberté d’informer, les professionnels des médias ont aussi une responsabilité à l’égard du public. Ils doivent respecter des normes éditoriales et des principes éthiques essentiels, tels que la vérité, l’exactitude, l’indépendance, l’équité, l’impartialité. Cela est particulièrement important dans le paysage médiatique actuel, où les informations fausses, trompeuses et partisanes pullulent et appellent parfois plus l’attention que les informations fiables et confirmées.

Lorsque des médias manquent aux normes éthiques, omettent de publier certaines informations conformes à l’intérêt général, ou deviennent des instruments de propagande mensongère à des fins politiques, le préjudice causé aux personnes directement affectées, ainsi qu’à la réputation et à la crédibilité des médias, est très grand.

Nos concitoyens s’inquiètent de l’influence exercée par des médias ouvertement partisans : selon l’enquête Eurobaromètre 2017 sur l’opinion publique dans les États membres de l’Union européenne, 44 % des personnes interrogées pensent que les médias nationaux ne leur fournissent pas une information fiable ; 57 % d’entre elles sont d’avis que l’information fournie par les médias est soumise à des pressions politiques ou commerciales, et 60 % d’entre elles pensent que les médias de service public sont soumis à des pressions politiques. Chers collègues, ces chiffres parlent d’eux-mêmes. La confiance envers les médias est gravement affectée.

Quelle serait alors la solution ? Un moyen sûr de gagner la confiance du public serait de développer un système d’autorégulation au sein de la profession. Ce mécanisme doit être crédible auprès des professionnels et auprès du public.

Voilà pourquoi le projet de résolution encourage les professionnels des médias à établir de solides mécanismes d’autorégulation. Cela est nécessaire pour que les personnes qui estiment avoir subi une intrusion déraisonnable de la presse dans leur vie, ou avoir fait l’objet d’informations inexactes, puissent avoir accès facilement à un système efficace de réclamation et de recours.

L’autorégulation est un moyen interne à la profession pour assurer l’intégrité rédactionnelle. Mais des conditions défavorables externes mettent en danger cette intégrité.

Le rapport met tout d’abord l’accent sur deux facteurs importants qui ont transformé l’environnement de travail des journalistes.

Le premier est la révolution des technologies mobiles et en ligne. L’apparition de nouveaux médias en ligne a entraîné une diminution du nombre de lecteurs de journaux, donc une chute importante des recettes et un effondrement des modèles économiques des médias traditionnels.

Le second facteur est le développement d’un environnement de travail nettement plus hostile pour les médias indépendants. Ceux-ci sont exposés à la pression des gouvernements et d’autres forces puissantes. Le but de ces pressions est simple : contrôler l’espace de l’information et orienter, si ce n’est manipuler, l’opinion publique.

Un autre facteur rend de plus en plus difficile l’exercice par les médias de leur rôle de « chiens de garde », capables de rapporter objectivement les événements. L’opinion publique est devenue fortement polarisée et les sentiments du public ont été enflammés par plusieurs événements tumultueux, tels que l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie, le conflit armé en cours en Ukraine orientale, les attaques terroristes, l’afflux énorme de migrants et de réfugiés en Europe. Après la tentative de coup d'État, depuis plus d’un an, la Turquie a institué l’état d’urgence et un grand nombre de journalistes ont été arrêtés, emprisonnés ou privés de leur emploi.

Il faut également garder à l’esprit l’influence du cadre juridique sur l’intégrité rédactionnelle. L'État et ses organes ont le pouvoir d’entraver ou de compromettre l’intégrité rédactionnelle en prenant la décision de sanctionner ou de criminaliser certains actes journalistiques. Nous constatons avec regret que les acteurs étatiques sont responsables de la plupart des menaces et des attaques contre les journalistes et les médias. Les gouvernements et leurs organes interviennent de plus en plus dans la sphère des médias au moyen d’une législation restrictive ou du contrôle de la propriété. Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à l’arrestation et à l’emprisonnement des journalistes. Les rédacteurs en chef et les journalistes craignent des représailles et l’utilisation abusive des pouvoirs de l’État. Cet effet d’intimidation porte à l’autocensure et compromet la liberté d’expression et l’intégrité rédactionnelle.

C’est pourquoi le projet de résolution affirme avec force que les journalistes et les médias doivent être libres d’enquêter, d’informer et de publier sans contraintes et sans crainte de violences ou de traitements arbitraires de la part des autorités nationales.

Au nom de la lutte contre le terrorisme et de la protection du public, la plupart des États européens se sont emparés de nouveaux pouvoirs étendus de surveillance et d’interception massive et ciblée. Cela met en danger la confidentialité des communications des journalistes et d’autres personnes.

Des pouvoirs aussi étendus menacent de rendre le journalisme d’investigation impossible. Dans nombre d’affaires, les activités de surveillance et d’interception d’organes étatiques ont exposé l’identité de sources d’information confidentielles. Cependant, la confidentialité des sources est la pierre angulaire de la liberté de la presse.

Voilà pourquoi le projet de résolution propose aux États membres de revoir leur législation nationale en ce qui concerne le renforcement des pouvoirs de surveillance et de répression au nom de la lutte contre le terrorisme et de la protection du public. C’est nécessaire pour préserver la capacité des médias à informer correctement le public et effectuer leur travail d’investigation.

Dans le même objectif, les États membres devraient revoir leur législation nationale sur la diffamation et son application pratique. Des dispositions soumettant la diffamation à des sanctions pénales, y compris à des peines d’emprisonnement, figurent toujours dans le Code pénal de la majorité des États membres et le risque d’encourir des amendes d'un montant élevé freine souvent le travail d’investigation des journalistes.

Chers collègues, le tableau est encore plus noir : le risque croissant de harcèlement, d'intimidation, d'agression violente et même d'assassinat des journalistes est devenu une grave menace pour la liberté des médias. Depuis avril 2015, en Europe, 22 journalistes ont été tués et 125 se trouvent en prison à cause de leur travail. Je rappelle que le Comité des Ministres a déclaré, dans sa Recommandation de 2016 sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias, qu'il est inquiétant et inacceptable de constater que les journalistes soient victimes de harcèlement et d'intimidation, mis sous surveillance, arbitrairement privés de leur liberté, agressés physiquement, torturés et parfois même tués en raison de leur travail d'investigation, de leurs opinions ou de leurs reportages, notamment lorsque leur travail porte sur les abus de pouvoir, la corruption, les violations des droits de l'homme, les activités criminelles, le terrorisme et le fondamentalisme. Le projet de résolution appelle les États membres à mettre pleinement en œuvre cette Recommandation du Comité des Ministres, en vue de remplir leur obligation de protéger les professionnels des médias et de garantir la liberté des médias.

Enfin, je dirai quelques mots sur les médias dépendants de l'État : trop souvent ils sont devenus des outils de propagande, utilisés pour diffuser de fausses informations ou inciter à la haine xénophobe contre des minorités ou des groupes vulnérables. De nombreux médias manquent d'indépendance et d'éthique professionnelle, d'où une défiance croissante de la part du public. À ce propos, le projet de résolution propose aux États membres d'interdire légalement la propagande belliqueuse, la promotion de la haine nationale, raciale ou religieuse, et l'incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence.

En s'adressant aux professionnels des médias, le projet de résolution suggère d'établir une responsabilité pour diffusion de fausses informations dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux, et, dans ce contexte, à instaurer une coopération forte au sein de la profession pour combattre la désinformation et la propagande. De manière pratique, il est proposé d'envisager la création d'observatoires chargés de détecter la désinformation, la propagande et la diffusion de fausses nouvelles, et de proposer des mesures adéquates pour contrecarrer ces phénomènes.

Chers collègues, pour conclure, nos démocraties ont besoin de médias libres et les médias libres ont besoin de notre aide. J'espère qu'aujourd'hui vous soutiendrez – toutes et tous – le projet de résolution que notre commission vous a soumis.

Madame la Présidente, j’en viens maintenant à la présentation du second rapport, sur « Le statut des journalistes en Europe. »

Chers collègues, permettez-moi de commencer par deux interrogations. Quel est le rôle du journaliste dans la société démocratique actuelle ? Comment ce rôle évolue-t-il dans un contexte de changements profonds au sein de la profession, sur les plans technologique, économique et sociétal ? Le rapport que je vais vous présenter brièvement aborde ces deux questions, qui portent sur le rôle et le statut des journalistes, sous plusieurs angles, afin de contribuer à la réflexion sur ce thème d'actualité et de proposer d'éventuelles réponses.

Commençons par la notion de « statut du journaliste » : existe-t-il une définition juridique commune ? La réponse est non. Le rapport constate que la profession du journaliste est, dans la plupart des cas, définie juridiquement, mais que les définitions légales diffèrent d'un pays à l'autre. Il importe que le statut du journaliste lui assure, en contrepartie de ses responsabilités professionnelles, au moins deux choses : premièrement, un accès libre à la profession et, deuxièmement, des conditions de travail raisonnables lui permettant d'accomplir sa mission cruciale, qui consiste à informer le public de manière exacte et honnête.

Le manque d'une définition de la profession du journaliste harmonisée au niveau européen serait-il un handicap majeur ? Je ne le pense pas, car les États membres du Conseil de l'Europe ont ratifié plusieurs conventions, à commencer par la Convention européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, ils ont adopté plusieurs recommandations où le rôle du journaliste dans la société démocratique est décrit dans des termes clairs et convergents.

Le rapport fait un tour d'horizon d'un certain nombre d'États membres et constate que les lois européennes, en général, précisent le type des entreprises de médias, la nature de l'activité effectuée et le caractère régulier du travail. Plus rares sont les cas où il n'y a pas de définition légale du journaliste. Cependant, l'absence de définition juridique de la notion de journaliste ne devrait pas poser problème, du moment que l'accès à la profession est libre et sans discrimination. Dans ces cas, ce sont les associations professionnelles qui définissent, de manière non juridique, la profession du journaliste. Normalement, les descriptions définissent le journaliste professionnel en tant que personne dont l'activité principale est la diffusion d'informations, d'opinions et de divertissements via les médias.

Le statut de journaliste professionnel est-il lié à la carte de presse ? Non. La carte de presse n'est pas normalement obligatoire et ne définit pas nécessairement le statut du journaliste. Cependant, elle peut être utile pour que les professionnels des médias soient identifiés et reconnus comme tels, notamment par des autorités policières ou judiciaires et, lors d'événements publics, par les organisateurs. Dans tous les cas, l'attribution de la carte de presse devrait rester une question réglée par la profession elle-même, afin de mieux garantir la liberté d'informer le public, sans aucune pression ni influence.

Bien évidemment, la réflexion sur le statut du journaliste n’a de sens que lorsque nous abordons la question de la liberté et de la responsabilité de la presse. Pour assurer la responsabilité des journalistes, la meilleure solution est l'autorégulation au sein de la profession, y compris au sein des conseils de presse, des commissions d'éthique et des codes de déontologie journalistique. Le rapport fait un tour d'horizon de plusieurs systèmes d'autorégulation des médias, en citant de bonnes pratiques qui peuvent servir d'inspiration. L'autorégulation au sein de la profession constitue un préalable essentiel pour la liberté de la presse, d'une part, et pour sa responsabilité, d'autre part. Voilà pourquoi notre Assemblée devrait continuer à encourager le développement et le renforcement des systèmes d'autorégulation dans ses États membres.

Chers collègues, comme vous le savez, la profession de journaliste subit actuellement des changements profonds à plusieurs égards. La distinction entre professionnels et autres « contributeurs des médias » est de plus en plus confuse. Les nouvelles formes de production et les nouvelles sources d'information dites alternatives se multiplient et influent sensiblement sur les activités du journaliste et sur sa manière de travailler.

L'avènement du tout numérique change radicalement la nature du travail lié à l'information. D'abord, il faut rappeler la concurrence accrue liée à l'immédiateté de l'échange d'informations. S’ajoutent l'augmentation des tâches et une surcharge de travail, ainsi que le manque de formation spécifique. Tout cela rend la profession du journaliste particulièrement difficile. Sur le plan économique, le bouleversement du modèle traditionnel de financement constitue l'un des principaux facteurs de précarisation des journalistes et d'explosion du nombre de free-lance.

Ce contexte défavorable rend réel le risque d'une baisse de la qualité du travail des journalistes. À cet égard, le projet de résolution recommande aux États membres une série de mesures pouvant apporter des réponses à ces défis.

Mais avant toute autre chose, il y a un préalable majeur : il faut assurer la sécurité des journalistes et la possibilité de travailler librement et sereinement, sans craindre les menaces, le harcèlement, la mise illégale sous surveillance, les agressions ou, pire, les assassinats.

À ce propos, le projet de résolution recommande aux autorités nationales de mettre en place des lois pour faire respecter les droits des médias, et lutter contre l'impunité des attaques contre les journalistes, contre la protection des sources et la liberté d'expression.

Malheureusement, beaucoup de lacunes existent en termes de droit des médias. Par exemple, les poursuites contre les auteurs des attaques contre les journalistes ne s'accompagnent pas toujours de la recherche des commanditaires.

J'espère que les enquêtes sur les horribles meurtres de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia et du journaliste slovaque Jan Kuciak chercheront à identifier, au-delà des exécutants, les véritables commanditaires de ces crimes.

Les lacunes du cadre juridique se traduisent aussi par un manque de protection des sources journalistiques : il existe encore trop d'exceptions sécuritaires et trop de surveillance électronique. Concernant la liberté d'expression en général, la Plateforme du Conseil de l'Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes montre clairement que les instruments juridiques nationaux sont encore insuffisants pour faire respecter les droits des médias, comme cela est pourtant inscrit à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

À cet égard, le projet de résolution recommande aux États membres d'assumer pleinement leur obligation positive de protéger les professionnels des médias, en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la liberté d'expression et la protection des sources, et pour mettre fin à l'impunité des attaques contre les journalistes.

Par ailleurs, les autorités nationales devraient prendre en compte le déclin dramatique des revenus de la majorité des médias traditionnels. Les éditeurs font des efforts pour trouver un nouveau modèle économique, et pour cela, recourent presque systématiquement à l'externalisation des contrats de travail. Cela a largement contribué à l'explosion du nombre de journalistes free-lance. Ces derniers sont confrontés à un manque de reconnaissance professionnelle : bien que travaillant dans les mêmes conditions que les journalistes à plein temps, ils n’ont pas les mêmes droits. Dans plusieurs pays, ils n'ont pas la possibilité d'être représentés par des syndicats et de négocier leurs tarifs.

À cet égard, le projet de résolution recommande aux autorités nationales d'explorer des pistes de financements alternatifs adaptés au nouvel écosystème médiatique, ce qui pourrait inclure la redistribution des recettes publicitaires générées par les moteurs de recherche ou les médias sociaux. En ce qui concerne les journalistes free-lance, ils pourraient être inclus dans le champ de compétence du droit social en termes de tarifs minimaux.

Autre problème auquel les autorités nationales devraient accorder davantage d’importance : l'inégalité entre les femmes et les hommes sur le marché de travail dans le secteur des médias. À ce sujet, le projet de résolution recommande aux États membres de préconiser des plans d'action pour les entreprises de médias et de lancer des campagnes de sensibilisation aux inégalités sur le marché de l'emploi. Les autorités nationales devraient mettre en place des mécanismes pour inciter les organisations patronales à une prise en charge sérieuse de ces problèmes.

Le projet de résolution encourage par ailleurs les organisations professionnelles des journalistes à s'adapter aux mutations sociétales rapides. Le statut de journaliste devrait être évolutif, car l'essentiel réside dans les tâches et non dans la définition légale. Les syndicats devraient continuer à négocier les conventions collectives en incluant si possible les free-lance qui travaillent de façon pérenne. Face à l'explosion de leur nombre, les organisations professionnelles devraient trouver des solutions pour répondre à la précarité et accompagner les journalistes. Le rapport cite quelques bonnes pratiques qui pourraient servir de source d'inspiration dans les pays où la situation des journalistes free-lance est particulièrement difficile.

Enfin, au-delà de la défense de la liberté de la presse, les organisations syndicales devraient également demander l'amélioration des conditions de travail, l’augmentation des salaires et la formation aux nouveaux médias.

LA PRÉSIDENTE – Madame Gambaro. Il vous restera un peu plus de 3 minutes pour répondre aux orateurs.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), rapporteure pour avis de la commission des affaires juridiques et des droits de l’homme* – Je souhaite tout d’abord féliciter Mme Elvira Drobinski-Weiss, pour son rapport très complet. Nous apportons tout notre soutien au projet de résolution.

La liberté d’expression touche bien des aspects de notre société : il est donc de notre devoir de tout faire pour la protéger. Les journalistes, en rédigeant des articles critiques et en dénonçant la corruption, jouent un rôle essentiel dans la défense de la démocratie. Ce rôle ne doit pas être sous-estimé.

Les amendements proposés par la commission des questions juridiques visent à renforcer le projet de résolution, en particulier en mettant davantage l’accent sur les droits des journalistes à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la vie, et sur la protection des sources. Même si le rapport porte essentiellement sur les conditions de travail des journalistes, certains aspects relatifs à leur sécurité devraient être mentionnés, surtout à la lumière de l’assassinat récent des journalistes Daphne Caruana Galizia à Malte, Ján Kuciak en République slovaque et Maxime Borodine en Fédération de Russie. Notre Assemblée doit fermement condamner ces actes et appeler à ce que des enquêtes effectives soient menées.

Je tiens également à souligner que la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes fait état de 128 journalistes détenus dans le monde, et de 14 morts encore non élucidées. Nous vous demandons donc d’appuyer davantage cette plateforme.

Cependant, le rapport et le projet de résolution ont une approche restrictive de la définition des journalistes. À cet égard, j’aimerais rappeler l’observation du Comité des droits de l’homme des Nations Unies sur l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui précise que le journalisme est une fonction exercée par différents acteurs. Dans la plupart des pays où les médias sont contrôlés par l’État, l’œil critique des journalistes ne peut s’exercer pleinement. Pourtant, cela est indispensable. Je propose donc d’étendre la qualité de journaliste à certaines catégories de blogueurs.

Nous vous demandons de soutenir nos amendements, en signe de solidarité de notre Assemblée avec ces acteurs indispensables à des sociétés libres.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme SCHOU (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je suis très satisfaite de participer à ce débat conjoint sur des projets de résolution relatifs à la situation des journalistes en Europe, car il touche au cœur même du mandat du Conseil de l’Europe : la protection des droits de l’homme et de la démocratie, tâches impossibles sans protection des médias.

Les deux rapports présentés ce matin abordent le même sujet, mais sous deux angles différents.

Les journalistes font face à plusieurs défis : le manque de financement, de sécurité, les menaces, voire les assassinats. Lorsqu’il s’agit de défendre des médias libres, il convient de se montrer sage et de chercher des solutions équilibrées : en tant que politiques, nous devons éviter les pièges, comme celui des fake news, qui sont autant de menaces pour le débat démocratique, car ils poussent l’opinion publique à se méfier des médias et des élus.

Ce problème se pose dans tous les pays, et nous devons absolument adopter des mesures pour lutter contre ces phénomènes, sachant toutefois qu’envisager des sanctions – comme cela a été fait en France –peut constituer une menace à la liberté d’expression.

En Norvège et à travers l’Europe, il y a de plus en plus de sites de fact-checking. En tant qu’élus, nous devrions soutenir toutes ces initiatives, qui pourraient être une partie de la solution.

Le financement et les conditions de travail des journalistes sont également très importants. Comment garantir l’existence de médias professionnels si les conditions de travail des journalistes sont mauvaises ?

Ici même, au Conseil de l’Europe et au sein de notre Assemblée parlementaire, rien n’aurait été possible, en ce qui concerne ces faits de corruption, sans les médias et les journalistes. Nous devons donc nous mobiliser, tout en étant conscients des problèmes qui pourraient se poser, notamment du point de vue de l’égalité. Quant au financement des radiodiffuseurs publics, chacun doit se demander s’ils contribuent vraiment à la liberté et à la diversité des médias.

Je soutiens pleinement les deux projets de résolution qui nous sont aujourd’hui soumis, et je félicite les rapporteurs.

M. TORNARE (Suisse), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Ce débat est essentiel. Jamais peut-être dans l’histoire la liberté de la presse n’a été aussi menacée, dans les dictatures évidemment mais aussi dans nos démocraties. Il ne s’agit pas ici de donner des leçons aux journalistes, il s’agit de défendre la liberté de la presse. Les rapports rappellent que l’article 10 de la Convention européenne des droits humains garantit cette liberté de la presse. Les rapporteures nous ont donné des pistes, je les en remercie, notamment en ce qui concerne les recettes. Avec la disparition – ou presque – du support papier et le passage au numérique, nombreux sont les journaux qui peinent à trouver des recettes supplémentaires. Je ne suis cependant pas persuadé que toutes les pistes envisagées dans les rapports soient pertinentes, mais nous pourrions en rediscuter.

Ces pistes portent également sur un statut du journaliste, particulièrement pour les femmes, et sur l’amélioration des conditions de travail. Il faut les analyser, et essayer de les mettre en œuvre dans chacun de nos pays.

Des recommandations ont également été faites en vue d’une meilleure adaptation à la situation actuelle des médias dans de nombreux pays. Nous en rediscuterons.

Il ne s’agit pas de fustiger certains États, mais je salue l’oratrice précédente, car, si j’en crois Le Monde, la Norvège est considérée, notamment par selon Reporters sans frontières, comme le pays qui garantit le mieux la liberté de la presse. Certains pays représentés parmi nous n’apprécieront pas mes propos, mais Reporters sans frontières fustige, par exemple, la République tchèque, dont le président de la République n’a pas été exemplaire ; la Hongrie, où Viktor Orbán impose des conditions professionnelles déplorables aux journalistes ; la Fédération de Russie, où l’on assassine ou fait disparaître les journalistes avec lesquels on n’est pas d’accord ; la Slovaquie ; la Turquie bien évidemment ; Malte, où ce qui s’est passé est un scandale ; la Serbie ; même les États-Unis, dont le président, aux élucubrations bien connues, essaie de faire taire une certaine presse qui ne lui plaît pas ; Israël aussi, où le Premier ministre Netanyahou a fermé la radio et la télévision d’État, parce que ces médias ne lui plaisaient pas. Prenons conscience de la situation pour la changer. François Mitterrand le disait : « La liberté de la presse présente des inconvénients. Mais moins que l’absence de liberté. » Nous devons avoir à l’esprit cette formule.

Il y a la censure, les pressions politiques, même dans certaines démocraties, mais il y a aussi un autre phénomène que nous devons dénoncer, qui se présente également en Suisse, pays considéré par Reporters sans frontières comme l’un de ceux qui garantit le mieux la liberté de la presse : ces Citizen Kane qui ne connaissent rien à la presse mais rachètent des organes de presse pour dicter leurs opinions politiques. Nous en voyons en France mais aussi en Suisse, avec un chef de parti politique. Ils musèlent la presse. Nous ne devons pas l’accepter, nous devons tout faire pour combattre ces dérives qui bâillonnent la liberté.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Ces rapports ont exigé beaucoup de travail, mais l’approche ne me paraît pas bonne. Il ne nous faut pas plus de réglementation de la presse en Europe. Il ne s’agit pas non plus de considérer les journalistes comme des professionnels comme les avocats ou les médecins. Les journalistes, ce ne sont pas des professionnels, ce sont des personnes qui essaient d’écrire des récits intéressants. Je n’apprécie pas plus que d’autres ce qu’ils écrivent au Royaume-Uni, je n’apprécie pas la manière dont ils fouillent dans la vie privée des responsables politiques, je n’apprécie pas les enquêtes montées contre les uns ou les autres, mais c’est la liberté de la presse, et je crains qu’un surcroît de réglementation et de contrôle ne nous entraîne sur une voie sans issue, une voie qui nous mène à moins de liberté, non à plus de liberté. S’il y a des abus, si l’on assassine des journalistes, comme à Malte, si l’on en met derrière les barreaux, comme en Azerbaïdjan, il faut engager des poursuites contre ces pays, mais on ne saurait mettre en place plus de réglementation au niveau paneuropéen.

Au point 8.6 du projet de résolution sur la protection de l’intégrité rédactionnelle, il s’agirait d’interdire la propagande en faveur de la guerre. C’est une proposition ridicule ! J’ai moi-même voté au Parlement britannique contre la guerre en Irak, contre une intervention en Libye et en Syrie ou ailleurs, mais il n’est absolument pas pertinent de dicter à la presse ce qu’elle doit dire. De même, il n’est pas pertinent de restreindre le droit d’engager des poursuites en diffamation : je veux une presse libre mais, dès lors qu’un journaliste va au-delà de ce qui est autorisé, il faut bien que quiconque dispose du droit, sans réserve, d’engager des poursuites en diffamation.

Il se peut que des gouvernements européens ou des groupes très puissants, aux moyens très importants, intentent abusivement ce type de procédures, mais on ne saurait limiter le droit du citoyen ordinaire à protéger sa réputation. À ma connaissance, aucun journaliste, en deux siècles, n’a été chez nous placé en détention pour avoir attaqué le gouvernement. Nous ne saurions donc, au motif d’un abus en un certain endroit, adopter une approche paneuropéenne consistant à restreindre partout les libertés.

Je ne suis pas nécessairement d’accord avec ce que vous dites, je suis même parfois entièrement en désaccord avec ce que vous dites, mais, comme Voltaire, je considère que vous avez le droit de le dire.

M. POLIAČIK (République slovaque), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – J’aimerais remercier les rapporteurs pour leurs travaux sur un sujet extrêmement important. Ce sont vingt-deux journalistes qui ont été tués, nous rappellent-ils. Ján Kuciak est donc le vingt-troisième. C’était, au cours des deux derniers mois, le seul journaliste à travailler dans mon pays, qui connaît des troubles sociaux et politiques, de façon indépendante. Il travaillait précisément sur un article qui faisait le lien entre la mafia italienne et le Gouvernement slovaque.

Je veux parler non des troubles que connaît mon pays, mais du rôle des journalistes aujourd’hui. Maxime Borodine est mystérieusement tombé d’un balcon et certains voient comme une coïncidence le fait qu’était sur son bureau un article sur des mercenaires en Syrie. Nous voyons ces situations terribles en Fédération de Russie ou en Ukraine : des journalistes qui disparaissent, d'autres qui sont arrêtés, d’autres encore qui sont assassinés. Nous préoccupe également le sort des journalistes derrière les barreaux en Turquie.

Je veux le dire clairement au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe. Le rôle des journalistes n’est pas de sacrifier leur vie pour changer le monde, pour faire advenir des changements politiques ou sociaux. Le rôle des journalistes est de donner du sens à l’information. Nous vivons dans un monde où les journalistes ne sont plus là pour fournir des informations mais pour en donner le sens, dire quels sont les faits qui comptent et permettre au public de s’orienter en dépit du rouleau compresseur qui les écrase. C’est pourquoi le rapport parle d’autorégulation afin que les journalistes définissent eux-mêmes ce qu’est un bon journalisme.

Il faut aussi des structures claires pour savoir à qui appartient quoi, et, afin que les journalistes puissent valablement traiter des aspects politiques, nous avons besoin de règles de déontologie et, au sein des médias, de personnes qui vérifient les faits. C’est la seule façon de garder un journalisme de qualité au XXIe siècle.

Mme KAVVADIA (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* Dans le hall du syndicat des journalistes des quotidiens d’Athènes, le plus grand syndicat du secteur de la presse et des médias, on peut lire : « La publication est l’âme de la justice ». En tant que journaliste, ces mots m’ont à tel point impressionnée que j’ai tenté d’en faire le fil directeur de l’exercice de ma profession.

La publication, l’ouverture, faire la lumière sur ce que certains pouvoirs préféreraient occulter, tout cela constitue l’âme de la justice, le pilier de toute démocratie. Le journalisme n’est pas seulement une profession, c’est aussi un service au public.

Aujourd’hui, en ces temps de crise, il y a encore des exemples de journalistes qui se considèrent comme des serviteurs de la vérité, de l’ouverture. Pour répondre à cette exigence, ils sont prêts à perdre leur emploi et parfois même leur vie. Rendons hommage à la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia. Exigeons que les auteurs de son meurtre soient traduits en justice.

Demandons-nous aussi si l’esprit de ces grands journalistes courageux, restés loyaux tout au long de leur carrière, prévaut toujours dans le monde des médias aujourd’hui. La triste vérité, c’est que ce n’est pas le cas. Dans la plupart des médias, en tout cas dans les grands, ils sont les instruments d’intérêts économiques. Désinformation, fake news, demi-vérité ou propagande sont loin d’être rares, non seulement dans les régimes totalitaires, mais aussi en Europe, dans l’Ouest démocratique.

Il semble que dans de nombreux cas, la vérité soit ce que le propriétaire du média souhaite qu’elle soit. Nous l’avons constaté dans mon pays, la Grèce, où les liens étroits entre intérêts économiques, pouvoirs politiques et certains médias ont été révélés à la faveur de la crise que nous traversons depuis 2010. En tant que parlementaires, nous devons nous y opposer avec fermeté. En tant que journaliste, je peux vous assurer que la majorité de mes collègues attendent que nous fassions précisément cela.

Mme DALLOZ (France) – Le cinéaste Milos Forman, disparu récemment rappelait que « la pierre angulaire de la démocratie est la liberté de la presse». Force est de constater que dans les pays où la liberté rédactionnelle n'est plus protégée, la démocratie et l’État de droit sont souvent en danger. Mais cette liberté suppose que les informations publiées soient fiables, que le journaliste prenne le temps de vérifier et de comparer ses sources. Cette liberté suppose que l'indépendance des médias soit réelle. Cette liberté est de fait une responsabilité pour les médias vis-à-vis du public et vis-à-vis de la démocratie.

Dans le nouveau système de l'espace public, basé sur l'instantané, l'immédiateté, les informations fausses circulent plus vite que les vraies. Ce contexte lié au développement des réseaux sociaux et des médias en ligne a favorisé l'explosion du phénomène des fake news.

Face à cela, nous ne pouvons que saluer l'initiative de Reporters sans frontières et de l'Agence France Presse entre autres, de lancer le 3 avril un dispositif d'autorégulation des médias « Journalism Trust Initiative ». L'idée est de favoriser ceux qui respectent de vrais processus de production journalistique, qu'il s'agisse de déontologie, de transparence ou d'indépendance des medias. Loin de restreindre la liberté, la mise en place d'indicateurs sur le sérieux journalistique des médias permettra, comme l'a souligné Reporters sans frontières, de favoriser l'intégrité du débat public et de garantir un pluralisme large.

Ce pluralisme doit induire aussi une pluralité étendue des sujets traités. Le développement des chaînes d'informations en continue contribu à limiter les informations transmises au public. Une sélection de sujets s'impose à tous, certains médias en ligne se contentant de reprendre l'information transmise par des fournisseurs de contenus, sans aucun contrôle. Au-delà du problème déontologique, ce phénomène peut, dans certaines périodes sensibles, par exemple préélectorales, constituer une atteinte au système démocratique.

Les sujets proposés à l'opinion publique sont-ils choisis par des médias transparents et indépendants ? Cette question de l'indépendance est fondamentale. La pluralité des médias ne signifie pas toujours pluralisme des idées. Le modèle économique développé dans certains États avec des groupes financiers, parfois liés au pouvoir, contrôlant la quasi-totalité des médias, notamment audiovisuels, doit nous interpeller.

En conclusion, je voudrais rappeler qu'on tue des journalistes au cœur même de l'Union européenne pour faire taire la vérité. Grâce au site Forbidden Stories, les enquêtes continuent car des journalistes prennent leurs responsabilités pour que la liberté d'informer et la démocratie survivent aux assassinats.

Mme BLONDIN (France) – Comme vient de le dire ma collègue, le journalisme constitue un pilier de nos systèmes démocratiques et, à l’instar de la culture, chaque recul de la démocratie dans l’histoire s’est accompagné d’un affaiblissement de la liberté de la presse.

En de nombreux endroits de la planète, aujourd’hui, la liberté d’expression, le journalisme et, donc, la démocratie sont menacés, les opinions muselées. Certains médias sont de véritables instruments de propagande au service du pouvoir en place – je peux citer Russia Today.

Notre Organisation n’est pas épargnée : la résurgence des partis d’extrême droite et du populisme fait planer une menace sur la liberté d’expression et le droit à l’information : 22 journalistes ont été tués en Europe depuis 2015, dont 8 à Paris dans les locaux du journal Charlie Hebdo.

Nous devons nous interroger sur certaines directives européennes qui ébranlent parfois le juste équilibre entre protection et liberté de la presse. Ainsi, nous venons d’examiner en France un texte visant à transposer la directive européenne de juin 2016 pour la protection des savoir-faire et des informations commerciales des entreprises et pour la défense des entreprises européennes contre leurs concurrents internationaux. Dès sa rédaction européenne, la directive avait déjà suscité des inquiétudes concernant les libertés publiques et le travail journalistique. La définition très floue des informations protégées par le secret comporte le risque de voir les entreprises multiplier les procédures abusives à l’encontre de journalistes, organes de presse, lanceurs d’alerte ou d’associations détenant des informations sur leurs activités. Alors que l’objectif initial n’était pas de museler les journalistes, mais bien de protéger les entreprises, nous nous apercevons que l’argument sécuritaire et commercial vient pourtant porter atteinte à la liberté de la presse et ouvre une brèche à mon sens très dangereuse.

Autre motif d’inquiétude, internet, qui a considérablement modifié les conditions de travail des journalistes et la circulation des informations. Aujourd’hui, le lecteur ou le spectateur peut également être informateur. Ces sources non professionnelles ne sont pas nécessairement identifiées comme telles par le public qui peut donc se laisser tromper par des fake news.

L’utilisation du numérique vient aussi impacter la presse papier qui voit ses revenus diminuer. Les journalistes travaillent de plus en plus en free lance et à domicile, ce qui contribue à une certaine précarisation de leur statut.

M. GONÇALVES (Portugal)* – Les rapports sur l’intégrité rédactionnelle et le statut des journalistes dont nous débattons aujourd’hui nous rappellent, une fois encore, toute l’importance pour une démocratie de la liberté d’expression et d’information. Cela me permet de rappeler avec une certaine émotion qu’aujourd’hui, dans mon pays, le Portugal, on célèbre le 44e anniversaire de l’avènement de la démocratie qui a permis de rétablir les libertés fondamentales dont celles, justement, liées à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.

Chers collègues, le monde médiatique est en pleine et rapide évolution.

Le paysage médiatique est aujourd’hui de plus en plus numérique, de plus en plus mobile. Jamais auparavant, des avancées technologiques n’avaient autant affecté la façon de faire du journalisme. Aujourd’hui, davantage de personnes ont accès à l’information à travers les médias online et utilisent les réseaux sociaux pour trouver et diffuser les informations qu’elles recherchent. Nous sommes face à un nouveau paysage médiatique, mais aussi un nouveau modèle de financement, mettant en jeu de nouveaux acteurs et de nouveaux défis.

En outre, les journalistes sont de plus en plus menacés et, dans certains États, leurs libertés sont mises en cause au quotidien. Il faut garantir l’intégrité rédactionnelle, la transparence et l’indépendance de la presse. Il faut surtout garantir aux journalistes le droit de travailler sans être soumis à des pressions ou des menaces, quelles qu’elles soient. Cela est fondamental pour la mise en place d’une liberté d’expression et d’information effective. Nos sociétés et nos États devront créer et, surtout, maintenir les conditions nécessaires pour garantir ces droits fondamentaux. Il faut protéger les professionnels des médias. Pour cela, les différents pays, les organisations internationales ainsi que les médias prennent des mesures pour limiter les risques encourus par les journalistes.

Dans ces rapports, sont lancées plusieurs pistes qui tiennent compte de l’évolution technologique et économique, mais aussi de l’urgence d’une prise de conscience collective, à l’image de ce que nous faisons aujourd’hui dans cette Assemblée parlementaire.

Il faut que les médias puissent être libres pour enquêter, informer mais aussi pour publier sans contraintes. Une vraie démocratie est celle qui respecte ce droit fondamental, un droit qui comporte des devoirs, mais aussi un droit qui appelle à la responsabilité. C’est cet équilibre qui nous grandit et qui façonne la démocratie !

M. KIRAL (Ukraine)* – L’objectivité de la presse et l’indépendance des journalistes sont une vraie préoccupation. Je ne suis pas étonné par les statistiques que l’on peut lire dans le rapport. Ce dernier cite des exemples de leadership irresponsable, arrivés sur une vague de populisme, de cynisme, foulant au pied les véritables valeurs et principes en la matière.

Cela a conduit à une aggravation de la situation des médias et une détérioration de la protection des journalistes. En Hongrie, les manifestations récentes en faveur de la liberté des médias ont donné lieu à de nouvelles expressions d’inquiétude de l’Union européenne. On note une tentative de contrôler les médias qui tue leur objectivité et leur indépendance et, il n’est pas rare que l’on essaie, physiquement, de détruire ceux qui refusent de tomber sous le contrôle de corrupteurs soutenus par des oligarques dans certains pays, par des criminels dans d’autres.

En Ukraine, 90 % de la population reçoivent des informations des chaînes de télévision et 90 % des chaînes les plus populaires sont aux mains de quatre ou cinq familles, dont chacun connaît le nom. Mais les propriétaires se cachent derrière des sociétés écrans. Le gouvernement et les oligarques coopèrent entre eux. Ils se servent des médias pour poursuivre les opposants politiques et utilisent la diffamation pour détruire la véritable opposition démocratique.

Il ne s’agit donc pas seulement d’appeler à la mise en place de mesures, il faut aussi que ces mesures permettent réellement la diversification, qu’elles protègent véritablement les journalistes de toute violence et que les propriétaires des médias soient clairement identifiés et ne se cachent pas derrière des prête-noms.

Les journalistes d’investigation sont attaqués sans relâche. Dès lors qu’ils veulent envoyer des messages clés, on cherche à créer une fausse réalité et à se maintenir au pouvoir en manipulant l’information.

Un récent exemple est la tentative d’imposer aux journalistes l’obligation de déclarer leurs avoirs, à l’instar de ce qui est demandé aux fonctionnaires et aux politiciens en Ukraine. Cela permet de connaître les revenus des hauts responsables, des juges, des membres des cabinets ministériels et autres, car le manque d’intégrité du secteur public demeure un grave problème.

Il faut donc apporter une réponse bien plus ciblée au niveau paneuropéen pour lutter contre les pratiques des régimes autoritaires. C’est le cas en Fédération de Russie où la nationalisation des médias met en danger la liberté de la presse, pourtant indispensable à la protection des droits de l’homme et des valeurs démocratiques en Europe.

Mme HEINRICH (Allemagne)* – Je remercie les collègues qui ont rédigé ces deux rapports sur la situation des journalistes en Europe et sur l’intégrité rédactionnelle. D’entrée de jeu, je peux vous dire que j’en partage toutes les recommandations.

Reporters sans frontières a publié aujourd’hui son classement annuel. Il en a déjà été question. Jamais la situation de la liberté de la presse ne s’est dégradée aussi vite qu’en Europe depuis un an. M. Tornare l’a dit, des pays ont baissé dans le classement, dont quatre sont des États membres du Conseil de l’Europe : Malte, la République tchèque, la Slovaquie et la Serbie.

Comme l’indiquent les deux rapporteurs ainsi que Reporters sans frontières, les menaces qui pèsent sur la liberté des journalistes et la liberté de la presse sont multiples : harcèlements, intimidations, emprisonnements, assassinats, tentatives de précarisation de la situation professionnelle. Dans les deux rapports, il est très précisément question de cela.

Les attaques contre les journalistes ne peuvent rester impunies. La prévention en la matière devrait prendre une part plus importante de notre activité. Le Conseil de l’Europe a fixé des normes d’indépendance et de pluralisme dans les médias. Il faut les respecter. Le financement des médias qui font des investigations et des recherches doit être garanti pour ne pas abandonner le terrain à la propagande. Les conditions de travail des journalistes doivent s’améliorer, pour les pigistes comme pour les journalistes salariés.

Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons écarter la menace qui pèse sur la démocratie, parce qu’il s’agit bien de cela. Les journalistes ont une responsabilité et un rôle à jouer pour défendre la démocratie. Leur intégrité, leurs obligations déontologiques doivent être protégées. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de règles, c’est aussi une question de responsabilité individuelle.

La propagande, les complots, les harcèlements doivent cesser. Le monde politique a la tâche, de toute urgence, de permettre aux journalistes d’assumer toutes leurs responsabilités en les protégeant. Je vous propose d’adopter les recommandations des rapports pour la liberté de la presse, la démocratie et l’État de droit.

M. HONKONEN (Finlande)* – Le rôle critique des médias à l’égard des responsables politiques et des autres acteurs publics et de ceux qui détiennent le pouvoir est essentiel pour une démocratie ouverte et fonctionnelle.

Malheureusement, différents facteurs se conjuguent pour que nous nous retrouvions dans la situation dans laquelle le journalisme objectif de qualité est menacé.

Les journalistes rencontrent des difficultés de toutes sortes concernant leur statut et leur travail. Depuis quelques années, les médias ont radicalement changé. Les formes de production de l’information et les sources ont changé, et cela a également un impact sur les médias traditionnels. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère marquée par la participation de masse : chaque citoyen peut publier un article ou ouvrir un blog. Sur les réseaux sociaux et les plateformes, des contenus sont produits par les usagers. Les blogueurs ne sont pas, généralement, des journalistes professionnels. C’est un défi pour le statut des journalistes.

La question essentielle est de savoir comment les contenus créés par les citoyens ont un impact sur le journalisme professionnel et sur sa qualité. Les médias ont fait des contenus produits par les citoyens une part du fonctionnement quotidien de leur économie, ce qui peut poser des problèmes s’agissant de la vérification des faits et de la responsabilité. En définitive, ce sont les journalistes et ceux qui sont en charge des rédactions qui sont responsables des contenus publiés.

Pour garantir un journalisme de qualité, pour s’attaquer à la désinformation et aux fausses nouvelles, le Conseil de l’Europe devrait lancer un débat plus large et bâtir une réponse démocratique pour réagir aux tentatives populistes de redéfinir les différents modèles politiques et sociaux en Europe. L’écosystème des médias en Europe doit être soutenu, de même que le rôle des médias de service public. Toutes les organisations de service public ne se conforment pas aux principes essentiels ; nous devons trouver des manières de répondre à ce problème.

En outre, il est essentiel de promouvoir les organes d’autorégulation de la profession de journaliste. Nous devons rebâtir une culture de la confiance et de la vérité en Europe. La tendance à la méfiance vis-à-vis des autorités et des experts doit être mieux comprise, afin d’identifier des solutions. Les médias de service public doivent aussi mettre en œuvre des méthodes éprouvées, par exemple les initiatives visant à vérifier les faits, mais aussi l’éducation des jeunes pour les aider à échapper à la désinformation et à développer leur esprit critique : c’est important pour la démocratie européenne et pour la défense de nos valeurs. Nous devons réagir face au populisme et à la désinformation en proposant des solutions constructives et inclusives, afin de faire avancer la démocratie et de renforcer une presse en mesure de jouer son rôle.

LA PRÉSIDENTE – M. Cepeda, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GAVAN (Irlande)* – Je me félicite des deux rapports et des projets de résolution. J’ajoute toutefois qu’ils auraient pu traiter davantage de la concentration des médias, question particulièrement importante dans un grand nombre de pays, y compris l’Irlande.

En mars 2016, le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias a publié un rapport sur l’état du pluralisme dans l’Union européenne. L’Irlande y a été qualifiée de pays à haut risque, et l’organisme a fait part de sa préoccupation particulière à l’égard d’INM – Independent News & Media – et de son actionnaire principal, Denis O’Brien. En avril 2016, le Syndicat national des journalistes irlandais a pour sa part demandé que l’on s’attaque au problème de la position dominante de certains médias.

Lynn Boylan, au nom de son groupe politique au Parlement européen, a demandé la rédaction d’un rapport concernant la propriété des médias en Irlande. Celui-ci a non seulement confirmé les conclusions d’un précédent rapport, mais a ajouté : « Il existe de graves préoccupations au regard de la situation en Irlande et des menaces pesant sur la diversité, le pluralisme et la liberté d’expression. Il est essentiel que des garanties soient apportées pour maintenir une plus grande autonomie rédactionnelle et journalistique. » On y lit également que M. O’Brien multiplie les menaces de poursuites judiciaires à l’encontre de médias et de journalistes. Le rapport recommande enfin qu’une commission d’enquête pluridisciplinaire soit mise en place. Alors que ce rapport a été publié il y a un an, le Gouvernement irlandais n’a rien fait pour traiter de la question de la concentration des médias, ce qui est inquiétant.

Un autre scandale concerne des fuites intervenues chez INM ; 19 journalistes sont concernés. Nous avons donc besoin d’une commission pluridisciplinaire qui se penche sur cette question vitale.

Toutefois, il ne sert à rien de parler de la propriété des médias si l’on n’évoque pas également la question de la législation irlandaise en matière de diffamation, qui a des effets délétères sur la liberté des journalistes. La loi devrait certes protéger la réputation des personnes, mais sans leur permettre de s’enrichir.

Enfin, j’aimerais que soit créée en Irlande une base de données publique concernant la propriété des médias.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – À l’époque d’internet et des réseaux sociaux, la notion de journalisme connaît des modifications : tous ceux qui délivrent des informations et donnent leur opinion se revendiquent journalistes. Cela pose un problème de professionnalisme.

Mon pays, l’Azerbaïdjan, mène une politique multiculturelle. Nous sommes attachés au respect de règles d’éthique et de déontologie tenant compte des différentes nationalités et confessions religieuses. Nous rejetons également toute propagande et tout appel à la violence.

Dans mon pays, les médias examinent la politique de l’État et peuvent la critiquer, mais il est inacceptable d’insulter quelqu’un ou de le faire chanter et d’appeler cela de la critique. Le fait d’être un journaliste ne donne en aucun cas une autorité morale ; les journalistes ne sont pas au-dessus des citoyens. Tous ceux qui sont journalistes doivent respecter les lois du pays dans lequel ils vivent.

Il y a quelques années, des modifications sont intervenues dans la législation concernant les médias de masse et la lutte contre le terrorisme. Les activités des journalistes doivent respecter un certain nombre de règles et de principes. Or l’utilisation des médias de masse pour servir des intérêts particuliers est de plus en plus fréquente. Un nombre croissant de publications sont caractérisées par un manque de culture et une hostilité envers le point de vue des autres. La liberté d’expression, qui est inséparable du journalisme, doit pourtant respecter un certain nombre de règles déontologiques. Un journaliste ne doit pas, sous prétexte de faire une enquête, tomber dans la diffamation. En 1983, dans le cadre d’une conférence internationale des associations de journalistes, des principes déontologiques ont été édictés. L’un d’entre eux est le suivant : les médias doivent diffuser des informations de manière sincère et honnête. Les règles éthiques édictées par la communauté mondiale des journalistes montrent bien le cadre dans lequel la liberté d’expression doit se situer.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Nous tenons à remercier Mme Gambaro d’avoir suppléé les deux rapporteurs.

Ce débat arrive à point nommé : jeudi prochain, le 3 mai, nous fêterons la Journée mondiale de la liberté de la presse. Comme l’ont rappelé un certain nombre de collègues, Reporters sans frontières a dressé une liste des pays du point de vue de la liberté de la presse. La Norvège est au sommet, et la Corée du Nord tout en bas. Malheureusement, le Royaume-Uni est à la 40e place ; nous avons perdu 18 places depuis 2002.

Je le dis à notre ami Sir Edward Leigh : ce n’est pas seulement à cause des journalistes, lesquels sont des professionnels et font, dans un certain nombre de cas, de bonnes enquêtes : ce sont les propriétaires des médias qui sont en cause, comme l’a bien expliqué M. Gavan à propos de l’Irlande : les médias appartiennent à un petit nombre de personnes, dont la plupart habitent dans des paradis fiscaux et ne paient pas d’impôts au Royaume-Uni.

Le moment est parfaitement choisi pour que nous nous penchions ici, au Conseil de l’Europe, sur ce thème. J’ai moi-même la responsabilité d’élaborer un rapport sur la liberté des journalistes, et je m’en réjouis.

Il faut aussi travailler avec le Centre européen pour la presse et la liberté des médias à Leipzig, avec Reporters sans frontières et la Fédération européenne des journalistes. Si nous parvenons à les réunir ici, avec nous, nous pourrons voir comment faire avancer ce dossier de façon positive.

Nous pouvons aussi nous pencher sur des cas individuels, comme le terrible meurtre de Daphne Caruana Galizia. Mais je pense à la situation de chaque État membre : il faudrait regarder les choses, pays par pays, avec franchise et équité. Nous pourrons ensuite voir ce que le Conseil de l’Europe et, en particulier, cette Assemblée parlementaire, pourront faire. Il faut agir de façon juste et efficace dans chacun des pays. J’espère que nous pourrons adopter une telle méthode pour suivre ces deux excellents rapports.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Le journalisme est un art qui a beaucoup évolué et s’est adapté. Indépendamment de l’époque, deux aspects du journalisme restent inchangés : tout d’abord, la qualité et la noblesse même de cette profession. Le journalisme a pour tâche d’informer, d’ouvrir les yeux des gens et d’accroître leurs connaissances. La deuxième qualité invariable du journalisme est qu’il est toujours menacé : c’est parfois même une profession dangereuse.

Des changements fondamentaux sont intervenus dans le journalisme en Europe et dans le monde ces trente dernières années, et cela se rapporte directement aux changements dans la vie politique et sociale. Les vecteurs d’information, de plus en plus nombreux, ainsi que les modes de transmission de l’information ont changé.

La notion de liberté d’expression elle-même a changé, la distinction étant faite désormais entre liberté d’expression et expression illimitée. Par le passé, la pression qui s’exerçait sur les journalistes était politique ; aujourd’hui, elle est économique. Beaucoup de politiques rédactionnelles sont déterminées par des oligarques ou des grandes entreprises disposant de ressources financières importantes, par des pouvoirs économiques, qui dictent le contenu de l’information.

La nouveauté consécutive à ces changements est que le journalisme devient une force servant des objectifs et non plus la vérité. Les choses ont déjà beaucoup changé : ce diagnostic est très douloureux lorsqu’on examine l’état du journalisme aujourd’hui.

J’ai connu l’époque soviétique, lorsque le système éditorial était pire que la censure. Plus tard, et pendant des années, j’ai été correspondant de Radio Liberty et correspondant spécial de Voice of America. J’ai donc eu l’occasion de comparer le passé et le présent. Comparé au passé, le champ d’investigation du journaliste est très important. Pour protéger les journalistes, il faut améliorer le professionnalisme, empêcher la pénétration des non-professionnels dans cette profession et ce, dans le monde entier.

M. GATTOLIN (France) – Tout d’abord, un mot pour saluer la qualité des deux rapports présentés, et notamment celui de notre collègue Volodymyr Ariev. Il tente, dans ce riche document, d’identifier les principaux moyens aujourd’hui mis en œuvre, y compris au sein de l’Union européenne, pour s’attaquer, de façon frontale ou détournée, à l’intégrité rédactionnelle, c’est-à-dire à l’exercice libre, indépendant et honnête du métier de journaliste.

Et cette tâche n’est pas mince, tant les instruments déployés sont de nature multidimensionnelle, recoupant malheureusement certaines pratiques anciennes comme l’intimidation, la violence ou l’invention par certains États de législations de plus en plus sophistiquées pour contrer les investigations de la presse.

S’y ajoutent d’autres facteurs tenant aux transformations qui bouleversent actuellement les équilibres du monde de l’information, avec des modèles de financement des médias traditionnels de plus en plus fragilisés, ce qui réduit leur indépendance et leurs capacités journalistiques ; l’émergence des plateformes numériques, qui s’imposent comme le véhicule privilégié de toutes sortes de flux d’informations indiscriminées ; l’irruption dans ce paysage confus de fausses nouvelles qui, à la longue, décrédibilisent auprès de l’opinion l’ensemble des structures de presse, quel qu’en soit le support.

Garantir la qualité de l’information, l’indépendance des journalistes et le droit de savoir est donc plus que jamais un objectif majeur pour assurer la vitalité démocratique de nos sociétés. À ce propos, le Parlement français a adopté, il y a deux ans, une loi visant à renforcer le pluralisme des médias. Elle a introduit de nouvelles garanties de liberté et d’indépendance pour l’ensemble des médias, telles que l’extension à tous les journalistes du droit d’opposition, fondé sur la notion de « conviction professionnelle ». Le champ des bénéficiaires de la protection du secret des sources a été étendu aux directeurs de la publication, ainsi qu’à tous les collaborateurs de la rédaction, donc aux pigistes. La définition des atteintes indirectes au secret des sources a également été élargie.

Vous l’avez compris, j’apprécie globalement les recommandations faites par le rapporteur. J’ai toutefois une légère divergence d’appréciation concernant le paragraphe 3 de la proposition de résolution, qui préconise une dépénalisation peu précise de la diffamation. Dans une loi récente, en France, nous avons choisi d’aggraver les sanctions pénales liées aux délits de diffamation publique à caractère sexiste, racial, homophobe ou religieux. Pourquoi avoir choisi la pénalisation ? Parce que, paradoxalement, pour les journalistes eux-mêmes, la pénalisation encadrée, avec des peines prévisibles, protège mieux l’organe de presse que la seule responsabilité civile, avec les lourdes réparations en dommages et intérêts qu’elle peut impliquer. Il était important de le préciser.

M. BLAHA (République slovaque)* – Je regrette vivement que deux jeunes, dont un journaliste, aient été assassinés en Slovaquie. Toute la société slovaque a été très émue par ce crime brutal contre Ján Kuciak et sa fiancée. Les meurtres étant très rares en Slovaquie – ils sont d’ailleurs en baisse – nous avons été extrêmement choqués par ces meurtres.

Je suis sûr que tous les pays en Europe où des assassinats brutaux, liés à la liberté d’expression, ont eu lieu, éprouvent ce même sentiment de choc. Ce fut le cas au Royaume-Uni d’une députée travailliste, assassinée en raison de ses idées progressistes. À Malte, une autre journaliste a été assassinée, de même qu’au Danemark, tandis que la femme d’un journaliste azerbaïdjanais a été assassinée en France. Tous ces actes terribles contre la liberté d’expression doivent être vigoureusement condamnés.

En Slovaquie, nous avons réagi avec force : une équipe internationale d’enquête a été constituée avec le FBI, Scotland Yard et les forces spéciales italiennes. Dans la vie politique, le ministre de la culture a donné sa démission, puis le ministre de l’Intérieur. Enfin, le Premier ministre lui-même a démissionné ainsi que, plus récemment, le chef de la police. D’après ce que je sais, aucun autre gouvernement en Europe n’a effectué des changements aussi radicaux après le décès de journalistes ou de responsables politiques d’opposition.

Nous avons toujours voulu faire de notre mieux pour protéger la liberté des médias en Slovaquie. D’après Reporters sans frontières, la Slovaquie occupe actuellement la dix-septième place dans le classement mondial de la liberté de la presse. Seuls treize pays européens figurent plus haut dans le classement. De nombreuses démocraties sont derrière nous : la France est au trente-neuvième rang, le Royaume-Uni au quarantième et les États-Unis au quarante-troisième. La Slovaquie, je le rappelle, occupe la dix-septième place et je suis sûr que nous pourrions faire encore mieux. Mais la liberté des médias en Slovaquie n’est pas menacée. S’il devait y avoir un meurtre lié à la Mafia, par exemple, nous ferions de notre mieux pour enquêter sur ce phénomène mais la Mafia italienne n’est pas le problème de la Slovaquie : c’est le problème de l’Europe tout entière.

Je suis désolé de vous parler si longuement de la Slovaquie. Il y a deux mois, je voulais préparer une intervention sur les pressions que subissent les journalistes du fait de la propriété des médias, avec le rôle que jouent certains responsables politiques ainsi que d’autres, qui détiennent souvent les grands médias. C’est vrai aussi dans mon pays. Généralement, ils utilisent leur influence pour répandre leurs propres intérêts, leurs intérêts politiques, qui sont souvent liés à des idéologies néolibérales – privatisation, attaques contre les syndicats et contre l’État providence.

Je voulais vous parler de tout cela mais je voulais surtout dire que la Slovaquie est un pays sûr, libre et moderne.

Mme ARENT (Pologne)* – Le statut des journalistes en Europe est une question très importante. Aussi suis-je sincèrement reconnaissante à Mme Drobinski-Weiss d’avoir montré que les journalistes sont confrontés en Europe à de véritables problèmes. En Pologne, elle a rencontré les représentants de différentes institutions ou organisations, des journalistes, des responsables politiques de manière à comprendre les problèmes particuliers à ce pays.

La liberté et l’indépendance des médias sont fondamentales. Chacun souhaite que les journalistes soient libres et indépendants pour mener leur travail, mais on attend également d’eux qu’ils aient aussi un sens élevé de la déontologie. Or la situation des journalistes change du fait du développement des informations en ligne et des nouvelles technologies, en Pologne comme ailleurs.

En Pologne, la législation sur la presse mise en œuvre en 1984, qui remonte donc à l’époque communiste, est encore en vigueur. Notre Parlement travaille à une mise à jour de cette législation afin de l’adapter à la réalité du monde moderne.

Le Gouvernement polonais a également proposé d’apporter un soutien financier à ceux qui travaillent en free lance, aux artistes et aux pigistes : 50 % de leurs revenus seront déductibles en tant que dépenses professionnelles, de sorte qu’ils seront mieux rémunérés. En outre, les pigistes doivent être traités de la même façon que les autres journalistes. Des syndicats de journalistes existent dans les médias publics, mais pas dans le secteur privé, alors que 75 % des médias dans notre pays sont contrôlés par des entreprises allemandes.

Mme MIKKO (Estonie)* – Du fait de la mondialisation et du développement technologique, la profession de journaliste doit faire face à de nombreux défis. Les journalistes doivent s’adapter à ce nouvel environnement et développer de nouvelles compétences. Il faudra donc améliorer aussi la protection sociale des journalistes. En effet, leurs conditions de travail sont souvent difficiles. J’étais moi-même journaliste et cette question m’intéresse donc tout particulièrement.

Être journaliste revient à se mettre en danger dans certains États membres du Conseil de l'Europe de l’Europe, ce qui est extrêmement inquiétant. Rappelons que la liberté d’expression et d’information est un droit fondamental garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La liberté des médias est une condition préalable à l’existence de toute démocratie.

Je reviens d’une visite d’information en Turquie, où la situation me semble très préoccupante. Tout journaliste considéré comme étant lié au Parti des travailleurs du Kurdistan ou à la tentative de coup d’État de 2016 y est arrêté et détenu. La tentative de coup d’État ne doit pas être utilisée pour justifier le harcèlement de l’opposition et pour empêcher la liberté d’expression, et pourtant, 150 journalistes sont emprisonnés en Turquie.

L’Estonie, quant à elle, occupe la douzième place du classement de Reporters sans frontières. Nous devons toutefois relever de nombreux défis, notamment en ce qui concerne la vérification des informations afin de dénoncer les titres racoleurs et d’éviter les articles biaisés et simplistes. C’est d’autant plus important que les journalistes sont des gardiens de la démocratie.

La protection sociale des journalistes doit également être améliorée. Comme l’affirment les syndicats qui sont d’ailleurs fortement affaiblis, les journalistes travaillent très souvent plus de quarante heures par semaine et leurs salaires sont très faibles, alors que leur travail leur demande de plus en plus de compétences. Le stress et même le burn out sont fréquents, en particulier parmi les jeunes journalistes. Il nous faudra répondre à ces différents problèmes aussi bien au niveau national qu’au niveau européen.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – Je viens d’un pays où 150 journalistes sont en prison, où des milliers de journalistes ont été licenciés après que leur organe de presse a été confisqué par le Gouvernement, où quelque 40 000 utilisateurs des réseaux sociaux ont été poursuivis pour leurs déclarations sur internet.

Il est essentiel de réaffirmer que les garanties de la liberté d’expression doivent prévaloir sur toutes les autres considérations.

La situation que je décris est très bien documentée par des rapports de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée parlementaire, en particulier par les rapports de la commission de suivi. Ce sujet est discuté en session plénière ; le Gouvernement turc le sait bien ; tous les États membres du Conseil de l'Europe le savent. Et pourtant la situation s’est encore aggravée depuis 2016 et elle se dégrade chaque jour davantage.

Il s’agit d’un sujet très important pour notre institution. Si un État voit tous les jours se dégrader la situation de la presse de son propre fait, mérite-t-il toujours une place dans une communauté internationale organisée démocratiquement, ou faut-il établir des relations différentes avec lui ? Nous devons répondre à cette question.

Quoi qu’il en soit, une bataille se déroule actuellement en Turquie, du fait des intellectuels, des journalistes eux-mêmes et de la population en général face à ces pressions. Plus grave encore, ce phénomène revêt une dimension économique : les organes de presse sont parfois vendus ou fermés ; certains d’entre eux sont maintenant entre les mains de personnes qui soutiennent le Gouvernement. La liberté d’expression devient la première des préoccupations. Les États membres du Conseil de l’Europe et tous nos collègues doivent soutenir notre combat pour la liberté d’expression et pour la liberté en général.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – L’intégrité de l’information et le rôle des journalistes sont des questions d’actualité. Le droit à la libre information est aujourd’hui bafoué. Je rends hommage à Daphne Caruana Galizia et à Ján Kuciak, ainsi qu’à tous ceux qui ont donné leur vie pour faire leur travail et défendre le droit de tous les citoyens à être bien informés. Les journalistes ne peuvent pas travailler s’ils sont menacés, harcelés ou l’objet de chantages. Ils défendent le droit de tous les citoyens à une information libre, droit qui est entaché par les fake news. Nous risquons de faire partie d’une époque non de l’information, mais de la désinformation. Ces fake news viennent de l’intervention d’États qui souhaitent déstabiliser des pays et influencer les débats.

La solution n’est pas une plus grande intervention des États. J’ai d’ailleurs demandé hier, ici même, au ministre des Affaires étrangères de « l’ex-République yougoslave de Macédoine », ce qui s’était passé dans son pays quant à l’ingérence de l’État dans les médias. Ce n’est pas l’État qui doit contrôler le contenu de l’information. Les ONG indiquent souvent que les États font preuve d’ingérence et empêchent la liberté d’information. Soyons solidaires pour défendre les journalistes et lutter contre les fake news. Collaborons avec la Fédération européenne des journalistes, et lançons un appel aux entreprises et au monde médiatiques pour qu’ils garantissent la liberté rédactionnelle et économique des médias.

J’ai présenté un amendement au point 7.2 du projet de résolution sur le statut des journalistes en Europe, car je pense que nous devons veiller au droit à la liberté d’information de tous les journalistes, et pas seulement de ceux qui sont affiliés à un syndicat. Nous avons tous le droit d’être syndiqués ou non. Nous devons faire en sorte que tous les journalistes puissent travailler dans des conditions dignes, et nous devons les défendre dans nos parlements nationaux. Nous devons garantir la liberté des journalistes et éviter que notre société soit livrée à la désinformation.

Mme CHRISTENSEN (Norvège)* – Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue espagnole. Notre système démocratique a besoin d’une presse responsable. Certains États sont en train de saper leur propre démocratie. Il est alarmant que les responsables politiques abusent de la confiance obtenue lors d’élections pour réduire les droits de l’homme dans leur pays, la capacité de leurs citoyens à s’organiser et leur liberté d’expression. Plusieurs États membres ont augmenté la surveillance et les mesures répressives envers la presse, au nom de la lutte contre le terrorisme. Réduire la liberté de parole n’a jamais été une bonne arme, à moins que l’objectif ne soit de lutter contre la démocratie elle-même.

Au point 8.7 du projet de résolution sue la protection de l’intégrité rédactionnelle, il me paraît utile de lutter contre la désinformation et les fake news. Mais ce n’est pas une interdiction de publication qui est prévue. Les responsables politiques qui mettent derrière les barreaux leurs propres journalistes, qui les assassinent, qui les musellent, pourraient ne pas être les mieux placés pour définir ce que sont les fake news.

M. EVANS (Royaume-Uni)* – Au Royaume-Uni, les relations n’ont pas toujours été bonnes entre les élus et les journalistes. Mais il est de notre responsabilité de défendre le journalisme. Si l’on permet que les journalistes soient muselés, nous, élus, serons les prochains sur la liste : nous serons à notre tour muselés et jetés en prison. Il nous faut donc mettre en lumière les cas problématiques. Au Royaume-Uni, nous disons que, dans le monde politique, nous faisons tout ce qui est possible pour être cités dans la presse du lundi au samedi, sauf le dimanche, où l’on s’intéresse aux faits divers et aux scandales.

Le journalisme doit être protégé. Heureusement, au Royaume-Uni, que vous soyez pour ou contre le Brexit, à droite, à gauche ou au centre, vous savez où chercher les informations, et elles sont nombreuses. Mais ce n’est pas le cas partout en Europe, surtout là où les journalistes sont enfermés et assassinés. Le Président Trump a parlé des fake news. Mais si c’est l’État qui devient l’arbitre du vrai et du faux, très rapidement le pouvoir en deviendra malsain. Ce n’est souvent qu’un point de vue divergent qui fait qu’une information devient pour les uns une fake news. L’État ne peut pas faire preuve d’ingérence. Parfois les médias dérapent : eux aussi ont des responsabilités, et ils se retrouvent parfois devant les tribunaux.

Nous savons que les journalistes souhaiteraient être payés correctement. En 2013, Lord Hall, directeur général de la BBC, ne voulait pas divulguer les informations sur les salaires de certains journalistes. Une fois ces informations rendues publiques, nous nous sommes rendu compte que les femmes étaient nettement moins bien payées que les journalistes hommes. Pour le même travail, il est normal de recevoir le même salaire ! Notre Organisation devrait en appeler à la BBC et à tous les organes de presse pour que les journalistes, hommes ou femmes, reçoivent le même salaire !

M. KITEV (« l’ex-République yougoslave de Macédoine »)* – La liberté d’information et d’expression est un droit fondamental, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce droit comprend la liberté des médias, essentielle et indispensable pour le développement des sociétés démocratiques. Les États doivent assumer leurs obligations pour protéger les professionnels des médias, en prenant toutes les mesures nécessaires pour garantir la liberté d’expression et la protection des sources, et ainsi mettre un terme à l’impunité des responsables d’attaques dirigées contre des journalistes.

Les organisations médiatiques du service public rencontrent des difficultés sérieuses pour atteindre leur auditoire, dans un environnement médiatique marqué par une évolution technologique très rapide. Sur le marché, les technologies numériques sont de plus en plus présentes.

Dans des sociétés polarisées, marquées par un manque de confiance envers les institutions et dans lesquelles la prolifération d’informations unilatérales, biaisées, et la désinformation sont amplifiées par les réseaux sociaux, un journalisme fort et indépendant est d’autant plus important.

D’après son rapport publié en 2018, la Commission européenne constate que le climat de travail des médias s’est amélioré en « ex-République yougoslave de Macédoine ». Des progrès considérables ont pu être observés en matière de liberté d’expression, d’environnement de travail et de pression exercée sur les journalistes. Ainsi, depuis l’année dernière, les médias et les journalistes peuvent critiquer plus librement les comportements inappropriés des responsables politiques, sans risquer d’être censurés.

Nous préparons actuellement, en concertation avec toutes les parties prenantes, une loi sur les services médiatiques et audiovisuels. Nous devons adopter une politique « tolérance zéro » s’agissant des attaques physiques ou verbales, ou des menaces portées contre les journalistes. Le service de radiodiffusion publique doit être réformé, son indépendance renforcée. Conformément aux demandes de la Commission, les fonds publics ne servent plus à financer de la publicité pour le gouvernement, et nous avons mis fin aux pressions sur les journalistes : nous avançons sur la voie d’un journalisme plus équilibré.

Outre la réforme du service public, la Commission recommande des mesures pour soutenir un journalisme objectif et une diversité de points de vue dans les différents médias, afin de renforcer le professionnalisme des médias et de condamner toute forme de violence contre les journalistes.

M. DAVIES (Canada, observateur)* – Mes chers collègues, faire avancer la démocratie dans toutes les nations est l’une des raisons d’être fondamentales du Conseil de l’Europe. Aux côtés de la promotion des droits de l’homme, le développement démocratique est l’un des piliers clés du travail que nous réalisons et des objectifs que nous poursuivons.

La démocratie est un concept à la fois simple et complexe.

Au niveau le plus fondamental, la démocratie consiste à placer un bulletin de vote dans une urne – c’est le droit qu’a chaque individu d’exprimer librement son choix de celui qui gouvernera. Mais la démocratie représente bien plus que ce simple geste. Pour qu’une véritable démocratie s’épanouisse, il est indispensable que nombre de conditions très importantes soient réunies. Parmi elles, on compte un environnement pacifique, sans violence ou oppression, la coexistence de partis politiques diversifiés et actifs, un système judiciaire indépendant, une police non corrompue, des fonctionnaires professionnels, un électorat informé et des médias libres, indépendants et diversifiés.

Ces deux dernières conditions sont inextricablement liées. En effet, pour que les citoyens puissent voter en toute connaissance de cause, il faut qu’ils aient accès à une information crédible et à différents points de vue. Ils doivent donc pouvoir compter sur leurs médias pour les informer de manière fiable de ce que chaque élément du spectre politique pense des différentes politiques publiques.

Les journalistes doivent également pouvoir pointer du doigt les responsables de fautes politiques. De ce point de vue, les médias sont non seulement une industrie, mais également un indicateur clé de la santé de nos démocraties. Je puis vous dire que, d’où je suis, de nombreux signes inquiétants font douter de la capacité de nos médias de réaliser cette fonction vitale.

Aujourd’hui, la concentration des médias permet à de petites élites de dominer l’information avec leurs propres perspectives synchronisées. Nous avons constaté que les rédactions indépendantes voyaient leur importance et leur popularité diminuer. De nombreuses fusions ont touché le secteur, aboutissant à l’absence de couverture de certaines voix, qui ne sont plus entendues. Les petits médias indépendants ont perdu du terrain et ne sont plus en capacité de couvrir les véritables préoccupations des citoyens au niveau local.

Le journalisme d’investigation, qui en poussant les politiques à rendre des comptes poursuit un objectif noble, s’est érodé. Les questions difficiles, qui mériteraient un traitement complexe, se voient aujourd’hui traitées en quelques secondes et réduites à quelques octets : les sujets les plus critiques s’en trouvent simplifiés à l’extrême et limités à quelques gros titres.

Je crois que les inquiétudes éprouvées en Amérique du Nord trouvent un écho dans le journalisme actuel en Europe et dans le monde entier. Diffuser un message simple partout dans le monde est un terrible ressort pour l’épanouissement de la propagande. Nous en sommes tous victimes lorsque nous sommes face à des idées uniformisées qui sont émises par quelques-uns pour satisfaire des intérêts particuliers. Nous y perdons notre liberté.

Le journalisme n’est pas simplement une question d’ordre privé : c’est la pierre angulaire de nos sociétés démocratiques. Nous devons trouver les moyens d’assurer que toutes les sociétés pourront avoir un échange d’idées et d’informations libre, diversifié et robuste. Dans le cas contraire, notre santé démocratique sera gravement mise à mal

Lord TOUHIG (Royaume-Uni)* – J’ai passé pas moins de 27 ans dans les rédactions, et je suis intimement convaincu qu’une presse libre est essentielle pour protéger la liberté, la démocratie et notre mode de vie.

La croissance des réseaux sociaux est bienvenue, mais les défis qu’elle représente pour la viabilité des médias traditionnels, comme la presse papier, ne doivent pas être sous-estimés. Les nouveaux médias n’ont pas toujours contribué à renforcer un journalisme impartial et objectif.

Lorsque nous défendons une presse libre, nous devons donc exiger le plus grand professionnalisme de ceux qui travaillent dans le secteur des médias. Une presse libre est également une presse responsable ; or, avec la recherche plus du scoop et du buzz plus que d’une information objective, les normes journalistiques ont baissé. Le recours, de plus en plus fréquent, à des « sources anonymes », semble être devenu une nouvelle norme incontestée. Certes, les sources anonymes ont toujours existé, elles sont parfois justifiées ; mais, à l’heure des fake news, il faudrait s’interroger plus souvent sur leur bien-fondé. J’ai l’impression que l’utilisation des sources anonymes est délibérée, pour dissimuler les préjugés et opinions de l’auteur, voire le travail bâclé d’un journaliste mettant peu d’énergie à chercher la vérité.

J’ai plus d’une fois cité cette prière universelle de tous les rédacteurs en chef : « Que Dieu nous protège des journalistes qui bâclent leur travail. » Or, les fake news sont mères de nombreux vices. Lorsque j’étais jeune journaliste, Jack Salter, rédacteur en chef, disait toujours : « Donner l’information, oui. Commenter l’information, oui. Mais jamais en même temps ». Séparer les deux permet de rester impartial.

Aujourd’hui, trop de commentaires et d’opinions dissimulent le véritable avis du journaliste ou du propriétaire du média. Voilà pourquoi ceux qui en appellent à une réglementation de la presse sont de plus en plus nombreux. Les journalistes doivent trouver le délicat équilibre entre un journalisme responsable et un journalisme régulé. Si nous voulons défendre et renforcer une presse libre, un mantra suffit: la passion de la vérité.

Alors que la presse papier est sur le déclin et que les réseaux sociaux sont en pleine croissance, la poursuite de la vérité est la seule manière de protéger la liberté de la presse. Les journalistes doivent être à la recherche de la vérité pour protéger cette liberté, et notre liberté à tous.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier les auteurs des rapports de leur excellent travail sur cet important sujet.

Le débat critique est une partie essentielle de la société, car les décisions prises doivent refléter l’avis de la majorité des citoyens, et non celui des gouvernements.

La tenue d’un dialogue ouvert est la seule façon de prendre en compte le point de vue des citoyens. Exposer les décisions à la critique permet l’émergence de sociétés meilleures et plus stables : en effet, les conflits font partie de la vie politique. C’est la raison pour laquelle la démocratie ne saurait fonctionner en l’absence de liberté de la presse et de liberté d’expression. Ce principe devrait aller de soi, mais il est contesté un peu partout dans le monde.

Comme le souligne à juste titre le rapport, je suis convaincue que l’intégrité rédactionnelle, c’est la liberté d’enquêter et de publier sans contrainte et sans craindre des représailles de la part des autorités étatiques.

Je considère moi aussi que le rôle des médias n’est pas de chercher à s’attirer l’approbation du pouvoir politique, il est plutôt d’avoir un regard critique.

Cependant, il est très important que chaque plateforme médiatique soit dotée de mécanismes prévenant fausses nouvelles et propagande. Sans critique, sans autorégulation du contenu, des sites alternatifs qui prétendent diffuser des nouvelles peuvent facilement être confondus avec un journalisme digne de foi. Des standards rédactionnels élevés, des journalistes qui ont adopté des codes de conduite et promeuvent des principes éthiques sont essentiels aussi.

Nous avons également un grand besoin de médias constructifs. Les médias ont une responsabilité majeure pour forger l’opinion publique et nos idées sur l’état du monde. Si les nouvelles que nous lisons ne traitent que de catastrophes et de corruption, cela engendre une apathie générale et une méfiance vis-à-vis de la démocratie et de la vie politique. Je ne veux pas dire par là qu’il ne faudrait pas publier d’informations sur ces problèmes, mais les médias doivent tenter de refléter le monde de façon aussi fiable que possible. Je suis également d’accord pour considérer que les États membres doivent renforcer les mesures visant à plus de transparence sur la propriété des médias et au pluralisme des médias. Les partis politiques doivent contribuer à créer les conditions de l’intégrité rédactionnelle en s’abstenant de tout contrôle et de toute influence sur les contenus publiés.

Mme RAUCH (France) – Je remercie M. Volodymyr Ariev auteur du rapport exhaustif sur la protection rédactionnelle. J’adhère à ses conclusions et à son projet de résolution, à la nuance près exprimée par mon collègue André Gattolin. Je suis également d’accord avec l’énumération que fait M. Ariev des cinq défis à relever pour la défense de l’intégrité rédactionnelle, car il en va de la défense de la démocratie comme de la défense de l’égalité entre les hommes et les femmes si je me réfère au projet de résolution – non examinée par l’Assemblée – déposé notamment par Sir Roger Gale. Ce projet de résolution fait allusion au « manque d’honnêteté dans la couverture de récents incidents impliquant des agressions sexuelles massives, essentiellement à l’encontre des femmes ». À ce propos, nous examinerons prochainement en France un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui apporte des réponses à cette problématique, particulièrement son article 3 qui vise à une extension des délits de harcèlement moral et sexuels via les réseaux sociaux et internet – ce que l’on peut appeler les « raids numériques ».

Mais comment, mes chers collègues, ne pas penser, lors de l’examen de ce rapport, à Daphne Caruana Galizia, journaliste d’investigation et blogueuse maltaise assassinée le 16 octobre dernier dans l’explosion de sa voiture qui avait été piégée et à Ján Kuciak, journaliste d’investigation slovaque assassiné avec sa compagne le 25 février dernier. Ils sont les cinquième et sixième journalistes assassinés dans les États membres du Conseil de l’Europe en 2017 et les vingt et unième et vingt-deuxième depuis le lancement de la plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection des journalistes en avril 2015. À la suite des tragiques événements du mois d’octobre 2017, le projet Daphne, lancé à l’initiative du réseau international de journalistes Forbidden Stories, créé ce même mois d’octobre 2017, poursuit courageusement le travail d’investigation de Daphne Caruana Galizia et défend sa mémoire. De même, en Slovaquie, à la suite de la mort de Ján Kuciak, la mobilisation de la population a conduit à une évolution politique.

Pour en revenir à la lutte pour la vérité de l’information, je ferai référence à une initiative législative française. Une proposition de loi a été déposée le 21 mars dernier à l’Assemblée nationale, dont l’examen doit avoir lieu avant l’été 2018. Son ambition est de doter l’État de dispositifs plus efficaces dans sa lutte contre les fake news, dans le respect d’un équilibre entre contrôle de l’information et liberté d’expression. Cette proposition de loi porte également sur l’implication des médias, des plateformes de diffusion et des réseaux sociaux, leur responsabilité et leur régulation.

Sachant que ce sujet est également abordé au niveau européen, où des mesures d’autorégulation vont être mises en place et où un réseau de fact-checking avec des experts indépendants peut être créé, le rapport examiné aujourd’hui est plus que d’actualité et notre vigilance et notre mobilisation pour la défense de la vérité et de la démocratie s’en voient renforcées.

LA PRÉSIDENTE – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs. Nous reprendrons la discussion générale cet après-midi.

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 05.

SOMMAIRE

1. Communication du Comité des Ministres

M. Samuelsen, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres

Questions : M. Omtzigt, Mme Ævarsdóttir, M. Goncharenko, Mme De Bruijn-Wezeman, M. Villumsen, Mmes Gambaro, Blondin, MM. Kiral, Rafael Huseynov, Mmes McCarthy ; Csöbör, M. Sabella, Mme Christoffersen, Lord Foulkes, MM. De Bruyn, Schwabe, Petter Eide , Mme De Sutter, MM. Kleinwaechter, Evans, Mme Şupac

2. La protection de l’intégrité rédactionnelle

Le statut des journalistes en Europe

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Gambaro des deux rapports de la commission de la culture (Doc. 14526 et 14505)

Présentation par Mme Ævarsdóttir de l’avis de la commission des questions juridiques (Doc. 14535)

Orateurs : Mme Schou, M. Tornare, Sir Edward Leigh, M. Poliačik, Mmes Kavvadia, Dalloz, Blondin, MM. Gonçalves, Kiral, Mme Heinrich, MM. Honkonen, Gavan, Mme Fataliyeva, Lord Foulkes, MM. Rafael Huseynov, Gattolin, Blaha, Mmes Arent, Mikko, M. Kürkçü, Mmes Rodríguez Hernández, Christensen, MM. Evans, Kitev, Don Davies, Lord Touhig, Mmes Anttila, Rauch

3. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

ALEKSANDROV, Nikolay [Mr] (BOGDANOV, Krasimir [Mr])

AMON, Werner [Mr]

ANDERSON, Donald [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARENT, Iwona [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

BADIA, José [M.]

BAKUN, Wojciech [Mr] (JAKUBIAK, Marek [Mr])

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BARTOS, Mónika [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BENEŠIK, Ondřej [Mr]

BENNING, Sybille [Ms] (VOGEL, Volkmar [Mr])

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BERNHARD, Marc [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BESELIA, Eka [Ms] (KATSARAVA, Sofio [Ms])

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BEYER, Peter [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BLAHA, Ľuboš [Mr]

BLAZINA, Tamara [Ms] (QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUYN, Piet De [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSHKA, Klotilda [Ms]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

CHITI, Vannino [Mr]

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORREIA, Telmo [M.] (MARQUES, Duarte [Mr])

CORSINI, Paolo [Mr]

COURSON, Yolaine de [Mme] (MAIRE, Jacques [M.])

CRUCHTEN, Yves [M.]

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

CSÖBÖR, Katalin [Mme]

CZELEJ, Grzegorz [Mr] (WOJTYŁA, Andrzej [Mr])

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

D'AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DANESI, René [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

DE PIETRO, Cristina [Ms] (CATALFO, Nunzia [Ms])

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DI STEFANO, Manlio [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DONCHEV, Andon [Mr] (HRISTOV, Plamen [Mr])

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

EIDE, Petter [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (PASHAYEVA, Ganira [Ms])

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTI, Marco [M.]

GATTOLIN, André [M.] (LOUIS, Alexandra [Mme])

GAVAN, Paul [Mr]

GENTVILAS, Simonas [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GLASOVAC, Sabina [Ms] (BALIĆ, Marijana [Ms])

GOGA, Pavol [M.] (MAROSZ, Ján [Mr])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (BILOVOL, Oleksandr [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAIDER, Roman [Mr]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HASANOV, Elshad [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (MARSCHALL, Matern von [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HETTO-GAASCH, Françoise [Mme]

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JABLIANOV, Valeri [Mr]

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

JONES, Susan Elan [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KELLEHER, Colette [Ms] (COWEN, Barry [Mr])

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KITEV, Betian [Mr]

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr]

KOPŘIVA, František [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KRONBICHLER, Florian [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LACROIX, Christophe [M.]

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (DZHEMILIEV, Mustafa [Mr])

LOUCAIDES, George [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

LUCIO, Pilar [Ms] (RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme])

LUPU, Marian [Mr]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (ZINGERIS, Emanuelis [Mr])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MAVROTAS, Georgios [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

McCARTHY, Kerry [Ms]

MIKKO, Marianne [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBREMSKI, Jarosław [Mr] (BUDNER, Margareta [Ms])

OHLSSON, Carina [Ms]

OMTZIGT, Pieter [Mr] (MAEIJER, Vicky [Ms])

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O'REILLY, Joseph [Mr]

OSUCH, Jacek [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

OVERBEEK, Henk [Mr] (MULDER, Anne [Mr])

PISCO, Paulo [M.]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POLETTI, Bérengère [Mme] (DURANTON, Nicole [Mme])

POLIAČIK, Martin [Mr] (KAŠČÁKOVÁ, Renáta [Ms])

POPA, Ion [M.] (PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms])

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

PUPPATO, Laura [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

RAUCH, Isabelle [Mme] (SORRE, Bertrand [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RIGONI, Andrea [Mr]

ROCA, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (KRARUP, Marie [Ms])

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHMIDT, Frithjof [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SEKULIĆ, Predrag [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

ȘTEFAN, Corneliu [Mr]

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]

STIENEN, Petra [Ms]

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

ŞUPAC, Inna [Ms]

SUTTER, Petra De [Ms] (DUMERY, Daphné [Ms])

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (FIALA, Doris [Mme])

TOUHIG, Don [Lord] (BYRNE, Liam [Mr])

TRISSE, Nicole [Mme]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

USOV, Kostiantyn [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

VALENTA, Jiři [Mr] (NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms])

VALLINI, André [M.] (CAZEAU, Bernard [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VERDIER-JOUCLAS, Marie-Christine [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

VILLUMSEN, Nikolaj [Mr]

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

XHEMBULLA, Almira [Ms] (SHALSI, Eduard [Mr])

YEMETS, Leonid [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

AST, Marek [Mr]

BALFE, Richard [Lord]

BILOVOL, Oleksandr [Mr]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr]

EROTOKRITOU, Christiana [Ms]

HAMOUSOVÁ, Zdeňka [Ms]

JANIK, Grzegorz [Mr]

LUNDGREN, Kerstin [Ms]

NICOLINI, Marco [Mr]

RUSSELL, Simon [Lord]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme]

SOTNYK, Olena [Ms]

WHITFIELD, Martin [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

DOWNE, Percy [Mr]

O'CONNELL, Jennifer [Ms]

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr]

TILSON, David [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

AMRAOUI, Allal [M.]

BOUANOU, Abdellah [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan