FR18CR15

AS (2018) CR 15

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quinzième séance

Mercredi 25 avril 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 30 sous la présidence de Sir Roger Gale, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. La protection de l’intégrité rédactionnelle
Le statut des journalistes en Europe
(suite du débat conjoint)

LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons la discussion, commencée ce matin, du débat conjoint sur «La protection de l’intégrité rédactionnelle» (Doc.14526) et «Le statut des journalistes en Europe» (Doc. 14505 et 14535).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 16 h 05. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 15 h 50, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Nous reprenons la liste des orateurs.

Mme LOUHELAINEN (Finlande)* – Monsieur le Président, mes chers collègues, le journaliste est détenteur de pouvoir dans la société. Il ne se contente pas de décrire le monde, il doit le changer. Doté de solides qualifications, il s’inspire des valeurs professionnelles que sont l’impartialité et la vérité.

La liberté d’expression et le pluralisme ont été les fondements des démocraties européennes depuis de nombreuses années, mais ces valeurs sont menacées à différents titres par les forces obscures de la propagande sous ses différentes formes. L’ensemble du secteur des médias est en pleine transition, ce qui risque de mettre en danger la démocratie. En 2016, la manipulation et la désinformation ont joué un rôle important dans 18 élections de par le monde.

Le secteur des médias souffre d’inégalités économiques. Pour certains médias qui appartiennent à l’État, les principales recettes proviennent des budgets nationaux, d’autres tirent leurs ressources de la publicité et des abonnements, et paient des impôts. Une troisième catégorie opère au niveau international et ne paie pas d’impôts, ou plutôt, fait de l’optimisation fiscale. La qualité du travail souffre du manque d’argent et du manque de temps nécessaire pour réaliser un véritable travail de terrain, qui est la seule façon de reconnaître ce qui relève de la vérité et ce qui relève du mensonge. Il semblerait que le secteur des fake news et de la désinformation ait de l’argent, ce qui est particulièrement inquiétant.

Nous sommes à la croisée des chemins. Les menaces nous concernent tous. Les journalistes et nous tous ici sommes menacés, nous pouvons être intimidés. On présente souvent mal ce que nous faisons et nous sommes la cible d’agressions. Les journalistes sont pourtant les observateurs du pouvoir. Dans de nombreux cas, ils ne sont pas dans le même camp que les responsables politiques. Il faut écouter les deux camps. Nous, les politiciens, nous avons besoin des journalistes et eux ont besoin de nous.

On a également coutume de dire que la première victime d’une guerre, c’est la vérité. Il faut lutter contre ces forces obscures, contre cette désinformation. Nous devons le faire ensemble. Ensemble, nous devons nous battre pour la démocratie pluraliste, la liberté d’expression et l’État de droit.

M. KRONBICHLER (Italie)* – Je regrette de n’avoir pu intervenir avant la pause, car la seconde partie d’un débat est souvent moins suivie.

J’avais préparé une intervention sur la victimisation des journalistes. Souvent, ils s’autocensurent et ce faisant, vont plus loin que ne le ferait un censeur extérieur. Il y a ici beaucoup de journalistes. Il faut faire preuve de plus de courage. C’est ce que je voulais dire.

Mais, durant la pause du déjeuner, un journaliste allemand, un pigiste qui travaille pour une télévision britannique, est venu me parler de l’un de ses problèmes, qui ne lui est d’ailleurs pas propre. Dans le foyer du Palais de l’Europe, ici, à Strasbourg, il y a la Mediabox, ce studio où tous les parlementaires peuvent se faire interviewer. J’y ai moi-même déjà été invité. Notre Organisation y voit une opportunité de faire de la publicité pour ses travaux, car on se plaint souvent du peu de visibilité du Conseil de l’Europe dans les médias. J’ai entendu dire, dans l’entourage du président de l’Assemblée parlementaire, qu’on ne parle de nous que pour les cas de corruption.

Des journalistes accrédités auprès du Conseil de l’Europe me disent qu’on leur demande de payer pour utiliser la Mediabox et diffuser des reportages depuis le Conseil de l’Europe. On ne m’a pas dit combien. Mais ce matin, aucun membre de l’Assemblée parlementaire n’était là pour se faire interviewer et aucun ne risquait donc d’être gêné par un journaliste. Cela n’est pas tout à fait conforme à nos principes. Cela fait peut-être partie des mesures d’économie annoncées. Quel est le statut des journalistes en Europe? Comment les journalistes en Europe peuvent-ils prétendre à un véritable statut si l’accès à la Mediabox ne leur est pas garanti? Un certain nombre de parlementaires présélectionnés peuvent y accéder mais pas les journalistes pigistes. Comment, dans ces conditions, parler ici du statut des journalistes?

M. BÜCHEL (Suisse)* – Le récent classement publié par Reporters sans frontières situe la Norvège au premier rang des pays garantissant la liberté de l’information et la Corée du Nord au 180e rang. Cela est troublant car la Norvège est un royaume alors que la Corée du Nord se considère comme une république populaire et démocratique depuis sept décennies. Cela montre que, contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire, la propagande et les fake news ne sont pas des phénomènes nouveaux.

J’ai suivi avec intérêt les différentes délibérations concernant le rapport  sur la liberté rédactionnelle. Ce rapport est globalement équilibré. L’État veut réguler ce secteur, ce qui est tout à fait normal, et c’est ce que nous faisons. En revanche, il faut essayer de faire preuve de modération. Certes, la notion de responsabilité s’applique aux journalistes et aux associations de journalistes, comme l’indique clairement le rapport. Notre assemblée souhaite que la Fédération européenne des journalistes leur fasse comprendre la nécessité de respecter leur code déontologique. Il convient de rappeler, lors de la formation des journalistes, qu’il y a un certain nombre de conditions à respecter.

J’aimerais revenir maintenant au point 10.1 du projet de résolution, dans lequel on indique qu’un journalisme de qualité est un journalisme digne de la confiance du public. Qu’entend-on par-là? Il faut mériter cette confiance.

Or qui va en juger? C’est un point qu’il faudrait retravailler, mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors du vote.

Tout au long de la discussion, il a été question de «journalisme de qualité» et, bien évidemment, les hommes politiques ont une interprétation subjective de cette expression. Je ne m’exclus pas en disant cela. Les journalistes sont-ils des pirates, prêts à tout pour de bons récits, comme l’a sous-entendu Sir Edward Leigh, ou sont-ils des héros, comme d’autres orateurs l’ont dit? Je pense que les deux sont vrais, et ce n’est pas nouveau.

Dans un marché ouvert, ce sont les meilleures idées qui s’imposent. La qualité n’est donc pas toujours récompensée. La qualité ne correspond pas forcément non plus à ce qui existait dans le passé. Il faut se battre pour elle. Chacun doit pouvoir décider où et comment il veut s’informer. C’est vrai pour la Corée du Nord comme pour les autres pays qui figurent en bas du classement, mais cela s’applique également à nos pays, qui figurent en début de liste: la qualité doit s’imposer en tant que telle!

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – Chers collègues, je souhaiterais vous présenter la situation de la République de Moldova en matière de liberté des médias. Certes, une loi prévoit la liberté d’expression, dont la liberté de la presse, mais les autorités nationales ne respectent pas ce droit.

Un rapport de Freedom House sur la liberté des médias, publié en 2017, a placé mon pays dans la catégorie des pays dits «partiellement libres». D’après ce rapport, la politisation exacerbée et la présence des oligarques dans les médias reste un problème fondamental en République de Moldova. Les intérêts politiques représentés au Parlement moldave ont dicté la nomination des membres du conseil de coordination de l’audiovisuel. Même si, en vertu de la loi appliquée depuis 2016, le nombre d’organes de presse ou de médias possédés par une personne est limité à deux, le problème de fond n’a toujours pas été traité parce que les propriétaires de médias qui en détiennent plus de deux les font enregistrer au nom de personnes proches.

À l’heure actuelle, deux grands groupes médiatiques contrôlent plus de 95 % de ce secteur dans le pays. L’un d’entre eux, constitué d’au moins six chaînes de télévision, est contrôlé par Vladimir Plahotniuc, le dirigeant du Parti démocrate au pouvoir. Le second groupe, constitué de pas moins de trois chaînes de télévision, est placé sous la tutelle d’Igor Dodon, du Parti socialiste. Ils exercent une pression énorme sur les groupes de taille plus restreinte, poussant certains d’entre eux à la fermeture, et incitent des journalistes de premier plan à quitter ces groupes qui sont entre les mains des oligarques. Ces derniers exercent un contrôle très sévère sur le contenu éditorial; ils contrôlent tout ce qui est dit par les organes dont ils ont le contrôle.

Les médias locaux sont également confrontés à la concurrence déloyale dans le cadre des marchés publicitaires. Celle-ci limite leur accès aux revenus que génèrent le marché publicitaire parce qu’il existe, en fait, un accord de cartel entre les deux groupes que j’ai évoqués.

La société civile locale et des acteurs internationaux ont exprimé leur préoccupation à l’égard de cette situation et de l’intimidation que connaissent les journalistes d’investigation en République de Moldova. C’est l’une des conclusions que l’on trouve dans le rapport des droits de l’homme publié en 2007 par le Département d’État des États-Unis. Vous le comprendrez, dans une telle situation, et dans nombre de cas de figure, les journalistes de la République de Moldova pratiquent l’autocensure pour éviter d’être en conflit ouvert avec les propriétaires de leur organe de presse. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait d’accord avec les parlementaires qui ont souligné le besoin de se pencher sur la question de la propriété des médias. Si nous ne la réglons pas, toutes les bonnes intentions que nous trouvons dans ce projet de résolution ne resteront que théoriques.

LE PRÉSIDENT* – M. Loucaides et Mme Johnsson Fornarve, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Mme GAMBARO (Italie), rapporteure suppléante de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias – Chers collègues, permettez-moi de vous remercier et d’apporter quelques précisions.

En premier lieu, je tiens à rassurer Sir Edward Leigh: les deux rapports et les deux projets de résolution n’appellent aucunement à plus de réglementation ou plus de restriction de la liberté d’expression des journalistes. Bien au contraire, un appel est lancé aux États afin qu’ils revoient leur législation pour mieux garantir cette liberté et éviter que les législations restrictives provoquent l’autocensure.

Deux collègues de la délégation française s’interrogent sur le paragraphe 3 du projet de résolution portant sur la protection de l’intégrité rédactionnelle. Je comprends que nous puissions avoir des positions nuancées sur la délicate question de la législation sur la diffamation. Néanmoins, le paragraphe en question se limite à rappeler une résolution précédente de notre Assemblée, sans rien y ajouter.

Avant de terminer, un mot sur l’avis présenté par la commission des questions juridiques. Je remercie Mme Ævarsdóttir pour les propositions constructives qu’elle a formulées. Notre rapporteur n’a pas abordé les questions connexes importantes que Mme Ævarsdóttir examine, telles que la sécurité des journalistes, la protection des lanceurs d’alerte ou encore la révision de la législation restrictive concernant la diffamation, non pas par manque d’intérêt, mais à la demande de la commission concernée. Celle-ci a en effet souhaité, d’une part, mettre en relief des problèmes que nous n’avions pas encore traités, liés au statut des journalistes, et d’autre part, éviter la redondance avec d’autres rapports récents, dont celui que nous discutons aujourd’hui sur la protection de l’intégrité rédactionnelle.

Sur un point toutefois, notre analyse est légèrement différente de celle de Mme Ævarsdóttir. Il s’agit de la question des blogueurs. Il ne fait aucun doute qu’aux termes de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, un blogueur a droit à la liberté d’expression. Mais le fait de poster des blogs en ligne et d’avoir la liberté d’expression ne justifie pas qu’on l’assimile en tout et pour tout à un journaliste professionnel, et ne lui confère donc pas le statut de journaliste, qui reste, à juste titre, lié à la reconnaissance d’un travail professionnel de diffusion d’informations. Pour le dire plus simplement, tout journaliste peut être un blogueur, mais tout blogueur n’est pas nécessairement un journaliste.

Le statut de journaliste donne accès à des droits spécifiques et nous devons mieux reconnaître et garantir ces droits. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un sous-amendement visant à ajouter le mot «professionnel» à l’un des amendements proposés par la commission des questions juridiques.

Chers collègues, en conclusion, j’espère que vous allez soutenir en grand nombre les deux projets de résolution qui vous sont soumis aujourd’hui.

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – Les deux rapports dont nous discutons traitent de questions qui sont au cœur des préoccupations de nos sociétés: liberté des médias, statut des journalistes en Europe, déontologie professionnelle.

Les rapporteurs ont examiné ces sujets sous différents angles et énumérés les défis qui surgissent aujourd’hui dans le domaine de la protection des journalistes et de l’activité des médias. La profession de journaliste connaît des changements profonds qui tiennent, pour l’essentiel, à la transition que nous vivons vers le monde numérique. Les nouvelles technologies présentent bien des aspects positifs, parmi lesquels le transfert de volumes d’information importants et l’immédiateté de l’information. Mais cela a des effets non négligeables sur les modèles de financement traditionnels. Ces derniers se sont effondrés et les conditions de travail des professionnels se dégradent. Le nombre de journalistes free-lance a explosé ces dernières années. Les informations instantanées et la multiplication des tâches mettent en péril l’indépendance éditoriale de nombreux organes de presse.

Réfléchissons très prudemment à la façon de revoir, dans nos législations nationales, le statut des journalistes: comment sécuriser et protéger cette profession?

Nous devons également étudier dans quelle mesure il peut y avoir amélioration de la protection sociale des journalistes free-lance et voir quelles autres sources de financement pourraient être en phase avec le nouvel écosystème des médias.

Il faut aussi veiller à la protection de l’intégrité rédactionnelle des journalistes faisant l’objet de pressions. En effet, nous voyons de plus en plus de médias faire l’objet de tentatives d’influence ou de contrôle – direct ou indirect – par des autorités publiques ou privées. Cette situation a une incidence très négative sur l’intégrité rédactionnelle et a des effets préjudiciables sur la confiance que l’opinion publique peut avoir dans les médias. Par ailleurs, un grand nombre d’États connaissent des dérives autoritaires, ce qui a aussi un impact sur les médias.

Au nom de la commission de la culture, je remercie Mme Dobrinski-Weiss et M. Ariev pour leur travail, même s’ils ne sont pas parmi nous aujourd’hui. Je remercie également vivement Mme Gambaro, qui a généreusement accepté de présenter aujourd’hui ces deux rapports en l’absence de leurs auteurs. Enfin, je remercie nos collègues de l’Assemblée et je leur demande de soutenir les deux rapports.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur «La protection de l’intégrité rédactionnelle».

La commission de la culture a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé. J’ai cru comprendre qu’elle proposait de considérer l’amendement 1, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14526, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 74 votants.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au deuxième rapport sur «Le statut des journalistes en Europe».

La commission de la culture a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés. J’ai cru comprendre qu’elle proposait de considérer les amendements 3, 4, 5, 7, 8 et 9, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), rapporteure pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Cet amendement a pour objet d’ajouter des alinéas soulignant que les États membres doivent également veiller à protéger les journalistes contre les représailles et contre les conditions de travail précaires. Il s’agit, par ailleurs, d’établir une distinction très claire entre les journalistes professionnels et les blogueurs. Enfin, nous demandons d’abroger toute «législation disproportionnellement restrictive relative à la diffamation».

LE PRÉSIDENT* – Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement présenté par la commission saisie au fond.

Mme GAMBARO (Italie), rapporteure suppléante – Comme je l’indiquais tout à l’heure, nous proposons d’ajouter le mot «professionnel», car le statut de journaliste reste – à juste titre – lié à la reconnaissance d’un travail professionnel de diffusion d’informations.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), rapporteure pour avis* – J’accepte ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 6, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Les amendements 1 et 2 ne sont pas soutenus.

Nous en venons à l’amendement 10.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), rapporteure pour avis* – Cet amendement vise à condamner l’assassinat récent de Daphne Caruana Galizia à Malte, de Ján Kuciak en République slovaque et de Maxime Borodine en Fédération de Russie. Il s’agit également d’appeler les autorités compétentes à mener des enquêtes effectives sur ces décès.

LE PRÉSIDENT* – Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement présenté au nom de la commission des questions juridiques.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), rapporteure pour avis* – Ce sous-amendement a pour objectif de rendre le texte de l’amendement plus clair en faisant référence aux autorités de tous les pays dont les journalistes assassinés étaient des ressortissants.

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission* – La commission s’est prononcée à l’unanimité en faveur du sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

M. EFSTATHIOU (Chypre), vice-président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 10, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14505, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 92 votants.

M. Nicoletti, Président de l’Assemblée, remplace Sir Roger Gale au fauteuil présidentiel.

2. Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays en Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Munyama, au nom de la commission des migrations, sur les «Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe» (Doc. 14527).

Après avoir écouté M. le rapporteur, nous aurons le plaisir d’entendre Mme Jimenez-Damary, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – C’est un plaisir pour moi que de vous présenter ce rapport sur les besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe.

La situation humanitaire des 4 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les PDI, en Europe, mérite beaucoup plus d’attention. Comme l’a affirmé, en 2012, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Muižnieks, nous ne pouvons pas détourner le regard et refuser de voir le sort tragique que connaît une nouvelle «génération perdue» de PDI qui méritent que nous les soutenions pleinement dès aujourd’hui.

Le Conseil de l’Europe n’est pas une organisation humanitaire. En outre, notre budget est restreint et il ne comprend pas de volet consacré à l’aide humanitaire. Cependant, nous devons nous prévaloir de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que d’autres traités juridiques afin de nous assurer que les droits fondamentaux des PDI sont respectés.

Mon rapport ne contient pas de liste inventoriant les besoins individuels de ces 4 millions de PDI, mais il rappelle ce que prévoient les droits de l’homme ainsi que le droit humanitaire international et il établit quelles sont les mesures les plus urgentes. Ce projet de résolution renvoie expressément aux Principes directeurs des Nations Unies. Les besoins humanitaires individuels changent au fil du temps, mais les droits de l’homme doivent être respectés à tout moment.

Je regrette que la situation budgétaire du Conseil de l’Europe ne m’ait pas permis de me rendre à Chypre dans le cadre d’une mission d’information. Cependant, j’ai reçu des éléments d’information par écrit et lors de différentes réunions, lesquels m’ont permis de traiter la situation chypriote. Les pays où la concentration des PDI est la plus importante sont en effet l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et Chypre.

J’en appelle à chacun d’entre vous. Il s’agit d’une question particulièrement délicate, qui suscite beaucoup d’émotion, surtout lorsque ces personnes ont été déplacées à la suite d’un conflit gelé ou qui perdure. Ce rapport ne vise pas à régler ces conflits, qui ont été par ailleurs abordés de manière pertinente par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de ses arrêts. En outre, ce rapport ne saurait représenter une reconnaissance de facto d’autorités qui ne sont pas reconnues par le Conseil de l’Europe. De même, il ne fait aucune proposition sur l’avenir de ces conflits, car cela ne relève pas de mon mandat. Je renvoie simplement aux droits et aux normes juridiques applicables.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, vous disposerez d’un peu plus de 8 minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

J’accueille maintenant Mme Jimenez-Damary, rapporteure spéciale des Nations Unies. Madame, c’est un grand plaisir pour moi de vous souhaiter la bienvenue au sein de notre Assemblée, alors que nous nous préparons à célébrer le 20e anniversaire de l’adoption par les Nations Unies des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

Mme Jimenez-Damary est une juriste éminemment respectée. Elle est spécialisée en droit international de la migration. Elle jouit d’une expérience de plus de vingt ans dans le domaine de la défense des droits de l’homme par les ONG. Elle a été conseillère juridique principale et formatrice auprès de l’Observatoire des situations de déplacement interne de Genève.

Depuis sa nomination en 2016 au poste de rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, Mme Jimenez-Damary a résolument encouragé les États frappés par le phénomène de déplacements internes à aller plus loin dans l’intégration, au sein de leur droit interne, des Principes directeurs des Nations Unies sur le déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays, et elle les a poussés à promouvoir des activités à l’échelon national.

Chère Madame la rapporteure spéciale, nous vous remercions de votre présence parmi nous aujourd’hui et nous sommes impatients de vous entendre.

Mme JIMENEZ-DAMARY, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays* – C’est un grand plaisir et un honneur pour moi que de m’adresser à vous en tant que rapporteure spéciale des Nations Unies, en cette année cruciale qu’est 2018, alors que nous célébrons le 20anniversaire de l’adoption par les Nations Unies des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

Les Principes directeurs restent le cadre le plus approprié et reconnu à l’échelle internationale pour se pencher sur les questions de déplacement interne. Ils insistent sur la responsabilité qu’implique la souveraineté et sur la participation des PDI aux décisions qui les concernent. Ils s’appliquent à toutes les situations de déplacement, quelle qu’en soit la cause, aussi bien dans les cas de conflit que dans ceux de catastrophe naturelle ou de violation des droits de l’homme. Ils couvrent toutes les phases du déplacement, de la prévention du déplacement arbitraire jusqu’à la protection. Enfin, ils visent à trouver des solutions durables pour les PDI.

Les Principes directeurs et le droit humanitaire international, là où ils sont applicables, soulignent que la protection des PDI relève en premier lieu de la responsabilité des États. Ils doivent mettre en place des politiques, prendre des mesures juridiques et prévoir des cadres institutionnels afin d’assurer la protection de ces personnes.

Permettez-moi d’insister sur les normes en matière de droits de l’homme qui doivent s’appliquer aux PDI comme à tous les citoyens du pays: le principe de la non-discrimination et la participation égalitaire des PDI dans l’exercice de tous les droits prévus par la législation nationale, le droit européen et le droit international.

Je me réjouis véritablement que l’Assemblée parlementaire s’intéresse à cette question dans le cadre du rapport de M. Munyama, avec qui j’ai eu l’occasion de discuter. Cela permettra d’attirer l’attention sur cette question trop méconnue par la communauté internationale. En effet, partout dans le monde, il y a plus de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays que de réfugiés. Les PDI n’ont pas de perspectives car elles se trouvent souvent dans des situations qui se prolongent indéfiniment.

En tant que membres de l’Assemblée parlementaire, vous le savez très bien.

M. Munyama a particulièrement bien cerné la situation et les besoins des PDI, je n’irai donc pas plus loin. J’insisterai néanmoins sur le fait que nous comptons beaucoup, en Europe, sur l’application de la législation, car vos cadres juridiques sont solides: vous avez la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne révisée et d’autres textes encore. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà rendu plusieurs arrêts en faveur des PDI.

Le Plan d’action triennal pour la promotion de la prévention, de la protection et de solutions durables pour les personnes déplacées internes, a été lancé. La campagne a été initiée par des organisations internationales et de nombreux pays qui connaissent des situations de déplacement interne. Ce plan d’action multipartite s’appliquera de 2018 à 2020. Il a été lancé le 17 avril, date anniversaire des Principes directeurs.

Je souhaite attirer votre attention sur quatre domaines prioritaires où des progrès sont possibles. L’Assemblée parlementaire s’y intéresse beaucoup. Premièrement, dans des pays où vivent des PDI, le droit humanitaire, à l’échelle nationale et locale, et les arrêts de la Convention européenne des droits de l’homme, doivent être appliqués. Le deuxième point porte sur l’élaboration des lois – ce qui vous intéresse particulièrement, vous, les législateurs – puisque les pays concernés doivent mettre en place des législations protectrices pour ces personnes. Le troisième domaine prioritaire est l’élaboration de stratégies gouvernementales pour résoudre les situations de déplacement interne, surtout lorsqu’elles se prolongent. Quatrièmement, les PDI doivent participer aux décisions qui les concernent.

Je souhaite insister sur le rôle de l’Europe dans la gestion du problème. Elle doit s’intéresser à ces populations, qui existent partout dans le monde, ainsi que sur son continent.

LE PRÉSIDENT* – Madame Jimenez-Damary, je vous remercie pour votre intervention extrêmement intéressante et pour votre engagement très ferme en faveur des droits humains et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Nous souhaitons vivement poursuivre la coopération entre nos deux organisations.

Chers collègues, nous en venons à la discussion générale.

Je vous rappelle que la limite du temps de parole est fixée à 3 minutes pour ce débat. Nous commençons par les porte-paroles des groupes.

Mme DALLOZ (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Nous célébrons cette année les vingt ans des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propres pays. Les motifs de ces déplacements sont multiples: les conflits, bien sûr, les violations des droits de l’homme, mais aussi les catastrophes naturelles. Aujourd’hui, une génération perdue tente de survivre aux conséquences des conflits du passé: ce sont les PDI, les personnes déplacées au sein de leur propre pays. Certaines se trouvent dans une situation extrêmement pénible depuis des décennies. Ces victimes de conflits passés ou en cours continuent d’avoir besoin de l’aide de la communauté européenne et internationale. Aujourd’hui, 15 % du nombre total des PDI, soit 390 000 personnes environ, vivent dans des centres collectifs, des abris de fortune ou des campements informels. Certes, ils sont des survivants de ces conflits, mais vivent-ils vraiment tant leur situation est désespérée?

La question du logement, de l’accès à la santé et à l’éducation, doit être traitée en priorité. Les PDI ont souvent peu d’espoir de revenir dans leur région d’origine, et donc de retrouver leur logement. Les États doivent prendre toutes leurs responsabilités dans ce domaine, sans jouer sur un effet de «conflit gelé», en se servant parfois des PDI comme d’une preuve pour faire valoir des droits territoriaux. Ce jeu cruel dure depuis trop longtemps. Il faut trouver des solutions qui permettent à ces personnes de tourner la page et de vivre leur vie.

Le cas des enfants est particulièrement préoccupant. Parfois, des décennies après la crise militaro-politique qui a conduit leurs parents, voire leurs grands-parents, à fuir leur région, ces enfants vivent dans des conditions inacceptables et n’ont pas accès aux droits élémentaires prévus par la Convention internationale des droits de l’enfant, particulièrement en matière d’éducation. Ce point est fondamental, car comment peut-on espérer avoir un avenir sans formation et sans intégration à la communauté nationale? Et qu’en est-il de la liberté de circulation de ces personnes? Comment sont-elles enregistrées, recensées? Ont-elles accès aux allocations sociales, aux pensions auxquelles elles peuvent prétendre?

Le droit à l’instruction, et plus généralement les droits des PDI et les devoirs des États concernés, ont été rappelés à la fois par des résolutions des Nations Unies et par des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut les appliquer et trouver des solutions durables. Chaque pays doit définir un cadre législatif pour protéger les personnes déplacées.

Nous avons créé la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour aider les réfugiés et les personnes déplacées après la guerre. Elle est toujours là; nous devrions davantage nous appuyer sur ses compétences pour construire avec les États concernés, membres de notre Organisation, un avenir pour ces populations. Car, faut-il le rappeler, la responsabilité première est d’abord celle des États.

Parmi toutes les zones de conflit, un espoir ténu mais réel semble naître à Chypre. La résolution du problème chypriote connaît encore bien des blocages, mais le dialogue est rétabli. Les PDI ne doivent pas être les oubliés des négociations, car ils participent de la construction de l’avenir, de leur avenir.

M. FRIDEZ (Suisse), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Notre collègue, M. Munyama, donne dans son rapport une vision d’ensemble de la situation des PDI sur le continent européen: des situations diverses selon les pays, mais toujours des drames, des conditions de vie difficile, et toujours des sentiments de profonde injustice ressenties par ces hommes et ces femmes, qui, par millions, ont dû quitter leur foyer pour un refuge au long cours au sein de leur propre pays. Des victimes de la marche inexorable et aveugle de l’Histoire.

Si l’on excepte les problématiques chypriote et turque, et les personnes déplacées en Italie à la suite de catastrophes naturelles, l’essentiel des personnes déplacées en Europe sont des victimes collatérales des conflits survenus en Europe depuis trente ans, à la suite de la chute du mur de Berlin et de la décomposition de l’empire soviétique au début des années 90. Les frontières des nouveaux États se sont appuyées sur l’intangibilité des anciennes frontières administratives héritées de l’ère soviétique. Avec, de fait, des populations qui se sont retrouvées, sur la base de leurs aspirations, du mauvais côté des nouvelles frontières.

Ces situations ont fait le lit de plusieurs conflits, des conflits pour la plupart gelés, qui animent et s’invitent régulièrement dans nos débats. Ces conflits ont brisé des vies. Des personnes ont tout perdu, leur maison, leur passé, leur emploi, quand ce n’est pas un mari, un enfant ou un frère.

Ces personnes meurtries méritent notre solidarité, la solidarité de leur nation et de la communauté internationale. Nous saluons donc toutes les démarches entreprises en leur faveur pour tenter de soulager leur détresse: le rapporteur en a établi une liste exhaustive.

Mes chers collègues, mon groupe et moi-même restons cependant un peu sur notre faim: pas en raison du rapport de notre collègue, qui est excellent, mais parce que nous aimerions rêver… Le Conseil de l’Europe a été créé au sortir de la dernière guerre mondiale pour contribuer à bâtir la paix sur ce continent. «Plus jamais cela!» était le leitmotiv à l’époque, plus jamais de folie meurtrière! L’évocation de ces millions de personnes déplacées internes sur le sol européen doit résonner, pour nous tous, comme le constat d’un échec.

Pourtant, nous connaissons les solutions pour résoudre ces conflits interminables: le dialogue, la coexistence pacifique, la coopération, le respect des droits de l’homme, la paix, l’acceptation des bons offices de la communauté internationale. Cela a plutôt bien fonctionné dans les républiques de l’ex-Yougoslavie.

Ne rien faire, c’est condamner les déplacés internes à ce que j’appellerai «le syndrome palestinien»: être déplacé sans fin, toute sa vie, sur des générations. Autant de vies brisées, de vies entre parenthèses durant des années, des décennies à attendre un hypothétique retour chez soi.

Notre Assemblée est un lieu où le dialogue pourrait s’amorcer pour cultiver l’apaisement et rétablir des relations. Rien n’est jamais acquis, le chemin est long: mais si on n’essaie pas, on perd toute chance de réussir.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Selon les Nations Unies, 65 millions de personnes ont été contraintes de se déplacer à l’intérieur de leur propre pays: au regard de ce nombre, les 4 millions de déplacés internes européens ne représentent qu’une petite fraction d’un problème mondial bien plus vaste, qui touche tous les réfugiés.

Il est très improbable que les responsables des situations ayant poussé les gens à fuir changent soudainement d’attitude et acceptent ce que nous demandons dans ce rapport. Il y aura sans doute de nouvelles violations des droits de l’homme. C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître la confusion dans laquelle les États sont plongés et l’absence de suivi de ce problème. Le rapport doit permettre d’établir un cadre équilibré et de fixer des règles. Cependant, si nous voulons qu’elles soient respectées, ne plaçons pas la barre trop haut.

Concernant, par exemple, la situation en Ukraine, le rapport adresse deux recommandations à la Fédération de Russie: arrêter les livraisons d’armes, pour ne pas compliquer la situation des déplacés internes, et permettre l’accès aux observateurs humanitaires. Je ne crois pas que les Russes joueront le jeu – mais peut-être ai-je tort? J’aimerais donc que ce rapport se concentre davantage sur les mesures concrètes pouvant être mises en œuvre pour contribuer effectivement à ces louables recommandations. Car je ne pense pas que demander l’aide du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés soit suffisant: dans de nombreux cas, hélas, ses recommandations sont tout simplement ignorées.

J’ai mentionné l’Ukraine car, au niveau européen, c’est dans ce pays que le problème des déplacés internes se pose avec le plus d’acuité. Si nous parvenons à trouver une solution à la situation ukrainienne, alors tous les espoirs sont permis pour trouver une solution dans le reste de l’Europe. Pour cela, cependant, il faut mettre davantage l’accent sur le règlement des conflits. À ce titre, nous devons faire beaucoup plus et montrer que nous sommes véritablement préoccupés par la mise en œuvre de mesures concrètes. Certaines, comme la création d’un observatoire, sont mentionnées dans le rapport: je souhaiterais qu’elles y soient plus nombreuses encore.

M. POLIAČIK (République slovaque), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, je tiens à remercier le rapporteur pour ce rapport riche en observations, en explications et en recommandations.

Être contraint de quitter son foyer, quelle qu’en soit la raison – guerre, persécution, changement climatique, construction d’un barrage – est très souvent une tragédie personnelle ayant des effets dévastateurs.

D’après ce rapport, on ne compte pas moins de 65 millions de déplacés internes de par le monde, dont 4 millions pour les États membres du Conseil de l’Europe. Je soutiens pleinement les recommandations qui figurent dans ce rapport, en particulier celles concernant la Turquie, l’Ukraine et la Géorgie. Une bonne organisation, un bon financement et la coordination des efforts de la communauté internationale: voilà la meilleure façon d’organiser une aide humanitaire bien ciblée, réelle et efficace.

J’appellerai toutefois votre attention sur les manques de ce rapport: en effet, on y parle de zones de conflit, de camps de réfugiés, mais il ne faut pas oublier de regarder ce qui se passe dans nos propres pays. Toutes les tragédies ne touchent pas des milliers de personnes; parfois, elles sont limitées à un village, ou même à une seule famille – devoir quitter sa maison en raison de la construction d’une autoroute, d’un barrage ou d’une centrale électrique est véritablement une tragédie. Nous devons vérifier si le cadre juridique en place offre à ces personnes une juste compensation, qui leur permette de refaire leur vie ailleurs.

Il y a quelques mois, nous avons tenu ici, dans cet hémicycle, un débat détaillé et approfondi sur les migrations. Le soutien aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays accordé par les États membres et les organisations internationales nous permettent de prendre des mesures de prévention pour éviter justement le déplacement des masses. Seules la synergie des efforts, la solidarité avec les personnes dans le besoin et une coopération effective permettront de régler les problèmes abordés dans le rapport.

L’Alliance apporte donc tout son soutien au rapport et aux recommandations qui en découlent.

Mme CHRISTODOULOPOULOU (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Aujourd’hui, partout dans le monde, 40 millions de personnes vivent déplacées à l’intérieur de leur propre pays; cette situation concerne 4 millions de personnes sur le sol européen. Toutes vivent l’horreur, et nous n’avons aucun instrument juridique pour contraindre les États à suivre les arrêts de la Cour – pas même une Convention européenne.

Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays le sont à la suite d’une guerre ou d’un conflit armé, soit la même raison pour laquelle il existe des réfugiés. La seule différence, c’est que les réfugiés traversent une frontière, qu’ils bénéficient donc d’une protection internationale, qu’ils sont au centre de conférences internationales, bref qu’ils intéressent la communauté internationale. Au contraire, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ne bénéficient d’aucun droit, d’aucune protection, pas même de celle de la Convention européenne des droits de l’homme. Prisonnières à l’intérieur de leurs propres frontières, elles représentent un défi, particulièrement pour le Conseil de l’Europe. Quels pays ont connu les plus importants déplacements de population et de colonisation? Des pays dépourvus de tout État de droit, qui n’ont pas la moindre notion des droits de l’homme. Évidemment, Chypre figure en bonne place parmi eux: depuis 1974, plus de 250 000 personnes sont déplacées, de façon presque pérenne, à l’intérieur de leur propre pays.

Nous devons exercer des pressions pour que des mécanismes contraignants obligent de tels pays à appliquer, dans leur ordre juridique interne, les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous devons aussi empêcher guerres et conflits armés. Deux États membres du Conseil de l’Europe participent actuellement à une guerre sur le territoire de ce pays martyr qu’est la Syrie, aujourd’hui dans une situation dramatique, avec de nouveaux réfugiés, de nouveaux déplacés, qui ont besoin d’une protection internationale. Nous devons vraiment réagir et ne plus les laisser livrés à eux-mêmes.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Depuis maintenant dix-neuf ans, ce sont 220 000 personnes issues du Kosovo qui ont le statut de personnes déplacées et qui se trouvent dans l’incapacité de rentrer chez elles. Aujourd’hui, ce sont au total 5 % des personnes déplacées qui ont pu rentrer chez elles au Kosovo-et-Métochie. Cela s’explique par le non-respect de la Résolution 1244 des Nations Unies, par le fait que la sécurité n’est pas assurée et par l’absence d’opportunités économiques. Les attaques perpétrées par les Albanais contre les quelques Serbes rentrés au Kosovo-et-Métochie sont monnaie courante et les coupables ne sont habituellement pas traduits en justice. D’après le site internet officiel du Commissariat pour les réfugiés et les migrants en République de Serbie, ce sont actuellement 1 116 personnes qui sont accueillies par dix-huit centres collectifs. Comment se fait-il alors que le rapport n’évoque pas les déplacés intérieurs du Kosovo-et-Métochie?

Mme GERASHCHENKO (Ukraine)* – Chers collègues, à la suite de l’agression russe dans le Donbass et en Crimée, plus de 1,7 million de citoyens ukrainiens sont devenus personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Ces gens ont perdu leur maison et leur travail, et ont dû fuir des bombardements quotidiens. Ils sont devenus des victimes à cause de leurs positions pro-ukrainiennes.

Les autorités ukrainiennes ont fait de leur mieux pour aider les personnes déplacées à se réintégrer dans d’autres régions de l’Ukraine. Même au plus fort de la guerre, lorsque la situation sécuritaire était la plus fortement dégradée dans le Donbass et alors que les morts se comptaient par dizaines parmi militaires et civils, l’Ukraine n’a jamais exposé l’Union européenne à un risque migratoire.

Le Parlement ukrainien a adopté une série de lois qui définissent le statut des personnes déplacées et leurs droits à l’éducation et aux soins médicaux. Elles n’en sont pas moins confrontées à des problèmes de logement et d’emploi, et son économie affaiblie empêche l’Ukraine de réaliser complètement les programmes de logement social et de prêts immobiliers pour des personnes déplacées. L’Ukraine est très reconnaissante à ses partenaires – l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies et d’autres institutions internationales – pour leur contribution à des projets visant à la réintégration et à la réorientation des personnes déplacées.

Dans le cadre de la mise en œuvre des conditions politiques des Accords de Minsk, l’Ukraine doit adopter une loi sur les élections régionales dans les territoires temporairement occupés. Ces élections ne peuvent avoir lieu qu’après le retrait des troupes et de l’équipement militaire russe du Donbass, et à la condition d’une démilitarisation de la région et du désarmement des séparatistes.

Afin de résoudre les problèmes des personnes déplacées, il est très important de rétablir la paix dans le Donbass et de démilitariser cette région. La situation sécuritaire, le retrait des militaires russes et des armes contribueront au retour des personnes déplacées à leurs domiciles dans la région et à la défense de leurs droits.

M. WHITFIELD (Royaume-Uni)* – La souffrance des personnes déplacées est un drame dont notre continent est constamment le théâtre. Il y a vingt ans, nous avons adopté les principes directeurs en la matière et une définition des personnes déplacées; parmi elles figurent celles qui doivent quitter leur maison pour échapper au désastre.

La question concerne donc le droit humanitaire, le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, le droit à la vie familiale, à la protection de sa propriété, ce qui relève de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Cela concerne aussi le droit de défendre son identité culturelle, objet de l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination. J’aimerais y revenir plus en détail.

Un projet a été lancé par la « Foundation for Jewish Heritage », qui a identifié un certain nombre de synagogues construites de l’Irlande à Vladivostok. On estime qu’il y avait 17 000 synagogues en Europe avant 1939, mais la plupart ont été détruites. 3 318 bâtiments demeurent mais seuls 718 restent des lieux de culte juifs. Membre fondateur de cette fondation, Michael Mail a évoqué des problèmes spécifiques pour ce patrimoine juif, particulièrement en Europe orientale: l’Holocauste a été suivi par le communisme, et une grand part de ce patrimoine est perdue, il s’agit de préserver les bâtiments qui demeurent, car il s’agit de l’histoire des communautés qui vivaient à ces endroits.

Le déplacement des personnes est une violation grave du droit humanitaire international. Il faut prendre ce problème très au sérieux. Je salue donc, et soutiens, ce rapport.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je commencerai par remercier M. Munyama de son remarquable rapport qui s’appuie sur l’important travail déjà réalisé par notre Assemblée au fil des années sur la situation que connaissent les PDI dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe.

Après 1945, avec la création du Conseil de l’Europe, les États membres se sont clairement accordés sur le fait qu’il ne devait plus y avoir, sur le continent européen, de changement de frontières ou de nettoyage ethnique en vue d’imposer un remaniement des frontières. Depuis 1991, des failles sont apparues dans cette décision, qui va finir par être inversée. La Fédération de Russie ne sera pas contrainte de respecter certaines de nos Résolutions, notamment en ce qui concerne les personnes expulsées de leur lieu de résidence en Géorgie et en Ukraine. Mais comme on le dit, les manuscrits ne brûlent jamais. C’est la mission de cette Assemblée et de la communauté internationale de poser des fondements juridiques robustes afin que ces actes criminels ne restent pas impunis. Je suis persuadé que l’occasion se présentera plutôt à court terme que plus tard.

Dans des amendements, nous renvoyons à des documents adoptés il y a un certain temps, qui reflètent notamment la situation des PDI en Géorgie. Je pense aux déclarations des sommets de l’OSCE de 1994, 1996 et 1998, qui décrivent ce qui s’est passé en Géorgie comme étant du nettoyage ethnique. D’ailleurs, à l’époque, la Fédération de Russie en faisait partie, car à l’OSCE les décisions sont prises sur la base du consensus. Il y a aussi des résolutions adoptées antérieurement par l’Assemblée sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Fédération de Russie. Je pense à la Résolution 1683 et aux demandes précises que des missions se rendent sur place et interdisent toute activité relevant du nettoyage ethnique. Ces personnes n’ont pas spontanément quitté du jour au lendemain leur domicile en Ukraine et en Géorgie. La Fédération de Russie les a expulsées par la contrainte.

Un élément permet de distinguer la situation de la Géorgie. La majorité des populations qui occupaient les régions de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud avant la guerre ont été expulsées. Voilà un aspect de la situation géorgienne qu’il convient de garder à l’esprit.

M. VOVK (Ukraine)* – Je tiens à remercier le rapporteur pour son document. Toutefois, rappeler la Résolution 2198 sur les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine et faire quelques petites recommandations aux autorités russes et ukrainiennes ne reflète pas la gravité de la catastrophe humanitaire consécutive à l’agression militaire de la Fédération de Russie dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale de la Crimée.

Je rappelle qu’avec 1,8 million de PDI, l’Ukraine enregistre le plus grand nombre de personnes déplacées en Europe. Il faut savoir que 4,4 millions de personnes sont touchées par l’agression militaire de la Fédération de Russie qui se poursuit, dont 3,4 millions ont besoin de protection et d’assistance humanitaire.

En outre, du fait de la guerre, il y a eu de plus en plus de cas de tuberculose et de VIH parmi les personnes déplacées, avec des cas de résistance aux traitements, en particulier dans les territoires occupés. En outre, la mission d’observation de l’OSCE voit ses déplacements restreints à cause des risques pour sa sécurité et de la présence de militants pro-russes.

La communauté internationale doit veiller à garantir un accès pour tous les acteurs humanitaires aux territoires contrôlés ou occupés par la Fédération de Russie. Nous nous réjouissons du cadre humanitaire conjoint pour l’Ukraine, mais il faut y accorder beaucoup plus d’attention politique et plus de financements.

Notre Assemblée et le Conseil de l’Europe d’une façon générale doivent contribuer aux efforts internationaux qui permettront de réduire les souffrances des personnes en Ukraine. Quoi qu’il en soit, cette Organisation ne doit pas oublier la cause de cette crise humanitaire en Europe, à savoir l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Si nous cédons dans le chantage financier que nous faisons à la Fédération de Russie, ce sera la fin du Conseil de l’Europe en tant qu’organisation fondée sur des valeurs.

Mme KELLEHER (Irlande)* – Merci de m’offrir la possibilité de m’exprimer sur ce sujet important, relatif aux droits et aux besoins humanitaires de plus de 4 millions de PDI en Europe, encore que je préfère utiliser l’expression «personnes déplacées au sein de l’Europe» plutôt l’abréviation qui me semble ôter le côté humain du phénomène.

Arrêtons-nous un instant sur les chiffres des personnes déplacées et sur la nécessité urgente d’agir. En Europe, plus de 4 millions de personnes ont été déplacées au sein de leur propre pays à cause de conflits armés et de la violence, des gens comme vous et moi, comme nos familles, nos amis qui, en fonction de leur lieu de naissance ou des hasards de la géographie ont été déplacés.

Il y a six ans, le Commissaire aux droits de l’homme a parlé d’une génération perdue, de personnes luttant pour s’en sortir dans les pays européens, parfois durant des décennies. Il y a des déplacements récents et d’autres qui durent depuis très longtemps. C’est le cas à Chypre, par exemple où environ 270 000 personnes sont déplacées à cause d’un conflit remontant à 1974, soit 44 longues années. Ces personnes demeurent dans l’incertitude, des générations vivent bien souvent dans la pauvreté. Rappelons-nous d’où viennent toutes ces personnes déplacées et le nombre de personnes concernées.

D’après le centre de surveillance des déplacements internes, il y a 1,7 million de personnes déplacées en Ukraine et des milliers en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, à Chypre, en Géorgie et en Turquie, soit un total de 4,234 millions.

Outre l’échelle du phénomène, les souffrances et le besoin urgent d’action, il faut garder à l’esprit que lorsque nous parlons de personnes déplacées, d’après le statut de Rome de la Cour pénale internationale, lorsque les personnes sont contraintes par la force de quitter les zones dans lesquelles leur présence était légale, il s’agit de crimes contre l’humanité. La souffrance de personnes se retrouvant dans cette situation est profonde et durable. Au-delà des chiffres et des statistiques, nous devons établir un lien avec les personnes qui ont été déplacées sur le plan émotionnel, intellectuel, légal et politique. Nous devons comprendre qu’il s’agit de vraies vies, de personnes bien réelles, de vraies souffrances, d’une véritable injustice.

Je soutiens donc totalement les recommandations du rapport, à savoir que les États membres, les Nations Unies, l’Union européenne, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) devraient évaluer sur une base régulière les besoins humanitaires des personnes déplacées et publier cette évaluation. Je soutiens également les commissions de la vérité qui peuvent tenir des registres de toutes les histoires de ces individus et les diffuser.

D’autres mesures sont mentionnées dans le rapport, telles que l’indemnisation lors du retour, le travail sur la restauration des liens familiaux, les points de passage, les actions de déminage et la nécessité de répondre aux besoins humanitaires.

Je me félicite d’une recommandation relative à l’utilisation des images satellite afin de mieux mesurer l’ampleur des destructions des bâtiments médicaux, des écoles, des logements, afin de bien évaluer la situation humanitaire et de mieux comprendre quels sont les besoins et les droits des personnes déplacées.

Je me félicite de la référence faite à la convention de Kampala, utile et pertinente dans le contexte européen. Cette convention porte sur la responsabilité individuelle des acteurs non étatiques. Je lance un appel urgent au rapporteur afin qu’il nous dise comment ce rapport va être utilisé afin que des mesures concrètes soient prises et pour qu’il ait un impact sur la vie de toutes ces personnes déplacées.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Il est un autre droit de l’homme qui est aussi vieux que le droit à la vie, c’est le droit de résider dans sa ville ou son village natal. Presque 1 million de personnes dans mon pays ont été privées de cette possibilité pendant 30 ans – je le dis, mais cela figure aussi dans les rapports officiels – à la suite du nettoyage ethnique et de la déportation dont ont fait l’objet les Azerbaïdjanais en Arménie après l’occupation de 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan par les Arméniens.

Donc, 1 million de personnes sont devenues des réfugiés et des personnes déplacées de l’intérieur. Mais ce chiffre est déjà dépassé. Bien évidemment, certains de ces réfugiés et PDI ont déjà quitté ce monde. Néanmoins, ces réfugiés et PDI vivaient généralement à la campagne dans des familles qui comptaient de nombreux enfants. Ces enfants nés dans les années 1980 et au début des années 1990, qui ont aujourd’hui une trentaine d’années, pour beaucoup, se sont mariés et ces nouvelles générations ont également mis au monde de nombreux enfants. Donc, le nombre de personnes qui ont vécu cette situation catastrophique dépasse, en trois décennies, le million pour atteindre quasiment 1,5 million.

La tragédie est double parce qu’un demi-million d’enfants azerbaïdjanais sont nés avec ce statut de réfugiés ou de DPI. Ils étaient 600 000 dans la région du Haut-Karabakh et dans les sept districts voisins. Pendant 30 ans, les sols qui leur appartenaient n’ont pas été cultivés. Les maisons ont été détruites, accaparées. Les cimetières ont été anéantis. Mis à part toutes leurs ressources, leurs souvenirs ont également été confisqués. C’est probablement l’effet le plus grave de l’occupation.

Aujourd’hui, nous parlons des besoins de ces personnes, nous essayons de les aider. Nous avons une triste expérience en la matière. Nous savons que toute forme de soutien est nécessaire pour ceux qui, tout récemment, ont connu ce sort. Cette aide est indispensable, mais c’est comme les premiers soins que l’on apporte aux patients. L’essentiel est de régler le problème une fois pour toutes et leur éviter d’avoir ce statut peu enviable de réfugié ou de DPI, qui est une humiliation pour l’humanité.

Malheureusement, le Conseil de l’Europe, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Parlement européen et d’autres institutions prestigieuses qui ont la possibilité d’influencer leur sort, considèrent que leur mission est complète dès qu’ils ont exprimé leur compassion, se sont lancés dans des discussions. Il n’y a pas d’action. Donc, le nombre de personnes qui souffrent de cette tragédie ne cesse de croître. Nous devons passer des mots aux actes; sinon, rien ne changera et tôt ou tard, la vague va aussi vous atteindre!

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Les besoins humanitaires des 4 millions de personnes déplacées en Europe représentent une tragédie humanitaire qui doit être traitée d’urgence. Nos pensées, ces jours-ci, vont bien sûr vers la Syrie et le déplacement violent de milliers de personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants.

Sans entrer dans le détail de ces conflits et des violences qui provoquent le déplacement de ces personnes, il n’en demeure pas moins que répondre à leurs besoins humanitaires, garantir leur droit indiscutable au logement, à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi doit aller de pair avec des efforts déployés à l’échelon international pour qu’il y ait médiation et que des solutions pacifiques et durables soient trouvées.

La plupart des droits des PDI en Europe continuent d’être violés. Fréquemment, ces personnes deviennent des victimes de discriminations multiples, ce qui les rend plus vulnérables encore. Certains pays ont même étaient réticents au moment d’engager un dialogue sur la situation de ces personnes déplacées, niant jusqu’à leur existence. De surcroît, la mise en place de thérapies spécialisées pour ces personnes suppose un véritable dialogue et une coopération entre toutes les parties prenantes concernées.

Cependant, il est important aussi de mettre en avant les progrès accomplis et les bons exemples que l’on peut identifier dans nombre de pays touchés. C’est bien ce qu’essaie de faire ce rapport: identifier les exemples à suivre et aider les États membres à réparer ce qui peut l’être et à combler les lacunes.

Chers collègues, les violations flagrantes commises à Chypre, mon pays, après l’occupation turque en 1974, comme l’ont dit d’autres collègues, ont entraîné le déplacement de plus de 282 000 personnes. Je ne vais pas m’attarder sur cet événement traumatisant, mais je veux exprimer notre plein soutien eu égard aux perspectives qui s’offrent à nous pour qu’il y ait retour des parties concernées à la table de négociations pour trouver une solution viable au problème que connaît Chypre, une solution qui prenne dûment en compte tous les droits des personnes déplacées de l’intérieur à Chypre, dont leurs droits en matière de propriété. Toute tentative d’éviter cela ne permettra pas que justice soit faite pour ces milliers de PDI.

Cela nous renvoie à la commission des biens immobiliers à laquelle il est fait référence dans un amendement au projet de résolution et qui est loin d’offrir une procédure de un recours effectif, loin de là! Elle ne fait rien pour s’occuper des biens situés dans les zones occupées. Au contraire, la Turquie utilise cette commission pour destituer plus encore les propriétaires légitimes chypriotes grecs de leurs propriétés. Elle ne saurait être considérée comme un recours.

En conclusion, je me félicite des engagements financiers pris par l’Union européenne et les autres donateurs qui ont beaucoup contribué au financement d’initiatives et de programmes qui permettent d’alléger la souffrance extrême des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe.

Mme BLONDIN (France) – Le sujet de ce débat pourrait a priori étonner alors que l’actualité braque plus ses projecteurs sur les tragiques catastrophes humanitaires que subissent les migrants quittant les zones de guerre et de misère pour espérer un avenir meilleur dans d’autres pays. Ces trois dernières années l’ont montré.

C’est aussi cet aspect de la question migratoire qui a bouleversé la donne politique dans plusieurs pays de l’Union européenne, laissant trop souvent la place à des réponses, ou plutôt des non-réponses, à caractère populiste.

Le rapport de notre collègue Munyama a donc pour premier mérite d’appeler l’attention de notre Assemblée sur les déplacés internes, les réfugiés domestiques, ces exilés de l’intérieur. Les causes de leurs épreuves sont souvent les mêmes que pour les migrants. Le rapport décrit avec pertinence comment les États, mais aussi des acteurs non étatiques, des groupes armés, par le moyen de déplacements forcés de personnes à l’intérieur de leur propre pays, se rendent coupables de violations graves du droit humanitaire. Qu’en est-il alors de l’application de l’«obligation de protéger»?

C’est par ce concept que les États membres ont affirmé leur responsabilité première de protéger leur propre population et qu’ils ont accepté une responsabilité collective pour s’aider mutuellement dans cet engagement. C’est un critère exigeant, qui doit être présent à l’esprit des responsables des États qui sont les premiers concernés, mais aussi de leurs partenaires au sein du Conseil de l’Europe.

Il faut reconnaître que le déplacement interne n’est pas uniquement un problème humanitaire, mais qu’il est une question cruciale pour les droits de l’homme, la construction de la paix et la stabilité nationale.

La protection prévue par les législations nationales pour ce type de situation est rarement suffisante et la mise en place d’une législation spécifique sur le déplacement interne peut être un remède efficace. De ce fait, nos parlements nationaux ont un rôle crucial à jouer.

Le texte s’adresse à chacun des États concernés. Ils sont invités, conjointement parfois, à avancer vers la protection humanitaire et la promotion des droits des déplacés intérieurs. Mais c’est toute la communauté étatique du Conseil de l’Europe et ses représentants parlementaires ici réunis qui doivent résoudre ce problème et se saisir de ce thème.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Au cours des dernières années, nous avons beaucoup discuté, au sein de cette Assemblée, des migrants, des réfugiés et des mineurs non accompagnés. Aujourd’hui, nous abordons la question des besoins et des droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Cette question est importante car elle concerne, en Europe, plus de 4 millions de personnes qui se sont trouvées déplacées à la suite de conflits armés et de violences. Comme le dit le rapporteur, la déportation et le déplacement forcé de populations civiles sont des crimes contre l’humanité. Par conséquent, il faut accorder plus d’attention et d’efforts à la satisfaction des besoins de ces personnes et au respect de leurs droits.

L’Assemblée parlementaire s’est déjà penchée sur la question des personnes déplacées de l’intérieur dans des rapports qui se concentraient sur des pays, des conflits ou une région en particulier; le présent rapport est le premier qui adopte une approche plus complète du phénomène.

Chers collègues, je vais vous parler de mon pays, qui a été touché en 1992 par un conflit armé. L’agression commise par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan s’est soldée par l’occupation de 20 % du territoire de ce pays. La guerre a entraîné des déplacements de population massifs. Des milliers de personnes – dont des femmes et des enfants – ont été tuées ou contraintes de quitter leur terre natale et leur foyer.

L’Azerbaïdjan s’occupe des problèmes des réfugiés et des déplacés de l’intérieur, dont le nombre s’élève désormais à 1,2 million de personnes du fait de la croissance démographique. Des mesures sont prises pour améliorer les conditions de vie de ces personnes: 90 complexes résidentiels équipés du confort moderne ont été construits, et 50 000 familles regroupant plus de 250 000 réfugiés et personnes déplacées de l’intérieur se sont vu offrir de nouveaux appartements.

Après l’occupation de 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan, tous les toponymes ont été changés. Par exemple, Khodjaly s’appelle «Ivanian», du nom du général arménien qui a occupé le Haut-Karabakh et est responsable du massacre de Khodjaly, au cours duquel plus de 600 personnes, y compris des femmes et des enfants, ont été tuées en une nuit, quand beaucoup d’autres ont été contraintes de quitter leur terre natale et leur foyer. Le rapporteur utilise certains de ces nouveaux toponymes dans son texte. Or aucune résolution adoptée par une organisation internationale n’appelle ces territoires par ces nouveaux noms. Je tiens donc à souligner que ce n’est pas acceptable au regard du droit international et des principes du Conseil de l’Europe, et je me permets de vous dire que bien d’autres pays pourraient se trouver confrontés au même problème.

LE PRÉSIDENT* – M. Blaha, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je souhaite reprendre quatre idées qui me semblent fondamentales s’agissant de ce thème. Premièrement, il convient de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées. Deuxièmement, il faut accorder l’attention qu’elles requièrent aux milliers de personnes concernées. Troisièmement, des lois et des solutions visant à les protéger doivent être mises en œuvre dans tous les États, car chacun d’entre nous a des responsabilités à assumer en la matière. Quatrièmement, il faut être bien conscient de l’extrême vulnérabilité d’une grande partie de cette population.

Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir à la réalité à laquelle fait face chacune de ces personnes – ce n’est pas toujours facile quand on est assis là où nous le sommes – à la manière dont elles vivent dans leur chair cette réalité. Comment chacune de ces personnes a-t-elle été amenée à quitter sa patrie? Quelqu’un ayant des revenus et des biens suffisants, ou encore un domicile fixe, va-t-il prendre spontanément une telle décision? Absolument pas. Dans la plupart des cas, les déplacés deviennent des personnes sans travail, sans biens, sans lieu de résidence fixe et ne reçoivent pas la moindre prestation.

Nous demandons un certain nombre d’engagements. Tout à l’heure, on nous a dit qu’il fallait aussi aller à la source et poursuivre la réflexion. C’est vrai, même si nous avons déjà observé différents types de conflits. Mais il faut aussi que nous nous dotions de ressources, que nous trouvions une solution pour chacune de ces personnes – car ce sont des personnes, chacune d’elles a un visage et des yeux. Mme Kelleher, me semble-t-il, a dit que nous devions trouver des solutions concrètes. Effectivement, les projets de résolution et de recommandation doivent se traduire dans la réalité, car nous parlons de personnes qui ne peuvent pas se passer de droits sociaux, culturels et économiques: il s’agit d’êtres humains, comme chacun d’entre nous. Force est de reconnaître que, dans chacun de nos États, nous sommes témoins de nombreux drames de cette sorte, comme nous l’a rappelé Mme la rapporteure spéciale des Nations Unies. Nous devons être conscients du fait que, dans chacun de nos États, il y a beaucoup à faire.

M. GAVAN (Irlande)* – Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il faut parler des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Le Centre de surveillance des déplacements internes estime que 40,3 millions de personnes sont concernées, quand les Nations Unies avancent le chiffre de 65 millions. Quoi qu’il en soit, c’est un désastre pour l’humanité.

Comme cela a été dit, il y a de plus en plus de personnes déplacées de l’intérieur en Europe: plus de 4 millions ont été déplacées à la suite de conflits et de violences. Certaines ont été déplacées dans le cadre de conflits récents – je songe à l’Ukraine, à la Géorgie et à la Turquie –, d’autres ont ce statut depuis des décennies – je pense à Chypre, où, 44 ans après, des territoires doivent toujours être déminés, ou encore à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan et aux pays des Balkans.

En outre, derrière les chiffres, il y a des personnes qui ont été expulsées de chez elles, qui sont dans l’attente; impuissantes, elles ne peuvent rentrer chez elles et se contentent de survivre.

En Irlande, nous comprenons fort bien ce que vivent ces personnes. Dans notre pays, au cours de plusieurs siècles de colonisation britannique, nous avons connu des massacres et des violences sectaires de la part des forces britanniques ou de leurs milices. Tout récemment encore – dans les années 1960 et 1970 – bon nombre de citoyens irlandais ont dû quitter le nord de l’Irlande – et je ne parle même pas des millions qui ont été obligés de quitter purement et simplement le pays. Aujourd’hui encore, ces personnes vivent dans des centres ou des logements laissant à désirer. Très souvent, elles vivent dans la pauvreté, avec un accès limité aux services de santé, à l’éducation et à l’emploi. Nombre d’entre elles sont traumatisées et sont exposées à la violence et aux abus.

Il faut faire davantage pour aider ces citoyens vulnérables. J’ai été frappé par ce qu’a dit Mme Jimenez-Damary: effectivement, il nous faut un cadre de protection pour que ces personnes puissent se faire entendre et participer à l’organisation de leur propre avenir. Il faut bien sûr répondre à leurs besoins, mais il convient aussi de trouver une solution aux conflits qui sont à l’origine de leur situation et mettre un terme aux persécutions auxquelles elles sont exposées si elles rentrent chez elles. Il faut que tout le monde participe, que tous les partis politiques se rassemblent pour éviter que ce phénomène ne se propage.

M. AKTAY (Turquie)* – Je tiens à remercier M. le rapporteur pour avoir appelé notre attention sur la situation des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays en Europe, l’objectif étant de se pencher sur leurs besoins et de veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés.

Néanmoins, le rapport contient certaines inexactitudes concernant la Turquie et Chypre. Tout d’abord, prétendre qu’une mission humanitaire est nécessaire pour évaluer la situation en Turquie est sans fondement, car la Turquie prend toutes les mesures nécessaires pour protéger ses citoyens contre les terroristes du PKK et pour évaluer les besoins humanitaires des personnes ayant dû quitter leurs terres à la suite des actes terroristes du PKK.

Le Gouvernement turc a lancé beaucoup d’initiatives. Ainsi, les autorités turques construisent 24 650 logements pour répondre aux besoins des personnes déplacées; elles prennent par conséquent toutes les mesures nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires des personnes contraintes de quitter leur foyer en raison du terrorisme du PKK.

Par ailleurs, une référence est faite au rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Or ce rapport est biaisé, peu professionnel et repose sur des données erronées, qui portent surtout sur des mesures de lutte contre le terrorisme dans le sud-est de la Turquie. Ledit rapport a été publié mais ne porte que sur des allégations émanant de cercles mal intentionnés, des allégations sans fondement qui correspondent totalement à la propagande des organisations terroristes: c’est inacceptable. Je ne pense donc pas qu’il faille citer ce rapport comme une source fiable.

Pour ce qui est de Chypre, je tiens à souligner que ce pays compte des personnes déplacées depuis 1963: ce déplacement interne n’a donc pas commencé en 1974. Ces informations auraient dû se retrouver dans le rapport. Pour ce qui est des personnes proches des Chypriotes turcs portées disparues, il y a eu des appels de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies ou du comité contre la torture des Nations Unies: il aurait fallu le rappeler. Ce rapport aurait pu être meilleur et plus précis s’il avait abordé le problème des personnes déplacées de manière plus holistique.

M. TILSON (Canada, observateur)* – Je souhaite expliquer, en tant que membre de la commission sur la citoyenneté et l’immigration de notre parlement, comment le Canada répond aux besoins humanitaires des exilés de l’intérieur.

Ces trois dernières années, l’arrivée en masse de demandeurs d’asile et de migrants en Europe est devenue un nouveau défi pour nous. Même si nous connaissons des situations géographiques différentes, le Canada partage les préoccupations de l’Europe, ainsi que ses espoirs. Le Canada est préoccupé par le triste sort de plus de 65 millions de personnes déplacées à la fin 2016, dont près de 40 millions de personnes déplacées au sein de leur propre pays.

Alors que la loi sur les réfugiés ne fournit pas de cadre de protection ou d’assistance pour les personnes déplacées au sein de leur propre pays, il est important pour des pays tels que le Canada et les nations européennes de proposer d’autres moyens de protection tels que l’assistance humanitaire ou l’appui multilatéral et diplomatique. Ainsi, le Canada a contribué de manière significative au HCR – Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés – pendant plus de cinquante ans et a été partenaire du HCR dans la recherche de solutions pour les réfugiés et les personnes déplacées.

L’accès de la communauté internationale aux personnes déplacées peut être limité par les gouvernements nationaux. Mais, avec les fonds versés par d’autres pays donateurs, le HCR peut fournir une assistance et une protection aux individus déplacés au sein de leur propre pays en leur fournissant les premiers secours et une assistance juridique.

Le Canada a également fourni une assistance humanitaire directe afin de répondre aux besoins des exilés de l’intérieur en Afghanistan, en Birmanie, au Burundi, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en Irak, au Liban, au Sud-Soudan et en Syrie.

Enfin, le Gouvernement du Canada dispose de certains mécanismes juridiques permettant d’étendre la protection à certains groupes ou individus particulièrement vulnérables, par le biais de politiques publiques spécifiques. Ainsi, en 2017, le Canada a accueilli plus de 1 200 survivants de Daech, y compris des femmes et enfants yézidis, déplacés principalement en Irak. Cet engagement a été renouvelé en 2018 et le Canada accueillera 1 000 femmes et filles réfugiées supplémentaires fuyant des zones de conflit du monde entier. Cette approche vise à faire en sorte que le Canada continue de répondre aux besoins des plus vulnérables, quel que soit leur statut.

Pour conclure, il est important que les nations coordonnent leurs actions avec les partenaires internationaux clés, afin que nous contribuions ensemble aux efforts de protection des personnes déplacées au sein de leur propre pays.

M. HASANOV (Azerbaïdjan)* – Je viens d’Azerbaïdjan, ce pays qui, au début des années 1990, a subi de plein fouet une catastrophe humanitaire: près de 1 million de citoyens d’Azerbaïdjan – des enfants, des personnes âgées, des femmes – ont été obligés de quitter leur patrie natale, devenant des personnes déplacées dans leur propre pays. Il ne s’agissait ni de réfugiés, ni de migrants: sous les balles, ils ont dû quitter leurs maisons dans le Haut-Karabakh et dans les zones adjacentes, envahies par les forces armées d’Arménie. Des flux de personnes déplacées se sont précipités vers la capitale et vers les autres grandes villes d’Azerbaïdjan. Imaginez cette situation: sur une population totale de 7 millions de personnes, 1 million sont devenues des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. En termes sociaux, économiques, démographiques et tout simplement humains, ce déplacement est devenu un véritable chaos humanitaire pour le pays. Aujourd’hui, ces personnes vivent principalement à Bakou et dans sa périphérie.

Concernant les besoins humanitaires de ces personnes, nous devons mettre l’accent avant tout sur le logement, l’éducation, la santé et l’emploi. Le principal problème pour les personnes âgées, c’est la protection sociale et l’accès à des soins de santé; la priorité absolue des adolescents, c’est l’éducation et, pour les jeunes gens, c’est l’accès à un emploi. Quant au logement, c’est une priorité pour toute personne déplacée.

Depuis le milieu des années 1990, les autorités d’Azerbaïdjan ont commencé à traiter, étape par étape, les besoins et problèmes que connaissent ces personnes. Des fonds considérables, des efforts énormes, une assistance technique sont nécessaires. Il est également important de noter l’aide apportée par les organisations internationales, notamment européennes, en particulier dans les années 1990.

L’Azerbaïdjan a fait face aux énormes problèmes que connaissent ces personnes déplacées. Le problème du logement a été résolu, comme l’ont été ceux de l’accès à l’éducation et à la protection sociale. De ce point de vue, nous sommes prêts à partager notre expérience bien réelle dans le traitement des besoins des personnes déplacées et notre capacité à résoudre une crise humanitaire.

À l’heure actuelle, les conflits dits gelés constituent le défi le plus grave que connaît le continent européen. À cet égard, le conflit non résolu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan représente un danger pour la sécurité régionale. L’Arménie poursuit son occupation du Haut-Karabakh et de sept districts adjacents, qui sont reconnus par la communauté internationale comme faisant partie intégrante de l’Azerbaïdjan. Je précise que des erreurs se sont glissées dans le rapport concernant le nom des villages sous occupation. Nous insistons: il faut utiliser le nom azéri original de ces villages.

Pour conclure, notre débat est consacré aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et j’ai essayé d’identifier nombre de ces besoins. Mais leur besoin humain le plus important, c’est de pouvoir retourner dans leur patrie dans les meilleurs délais, de pouvoir à nouveau y vivre. Il s’agit du besoin le plus pressant et du désir le plus vif d’un million de personnes du Haut-Karabakh, qui ne peuvent retrouver leurs terres occupées depuis 25 ans.

M. CANDAN (Représentant de la communauté chypriote turque)* – Moi qui appartiens à une famille qui a été déplacée, je tiens à remercier M. Munyama d’avoir abordé cette question humanitaire cruciale.

Je souhaite attirer votre attention sur les éléments suivants qui concernent les PDI sur l’île de Chypre. D’abord, les deux camps, à savoir les Chypriotes turcs et les Chypriotes grecs sont tous les deux victimes de ce conflit. De surcroît, le problème du déplacement ne s’y pose pas seulement depuis 1974 mais depuis 1963, lorsque des Chypriotes turcs ont dû quitter leur village pour des raisons de sécurité et ont dû vivre dans des enclaves jusqu’en 1974. L’expulsion de ces Chypriotes turcs des différents organes d’État a donné lieu au déploiement de la force des Nations Unies de maintien de la paix.

Dans les deux communautés, des personnes sont portées disparues. Des centaines de Chypriotes turcs ont ainsi disparu entre 1963 et 1974. C’est la raison pour laquelle nous avons mis sur pied un comité pour les deux communautés qui travaille sur ces personnes disparues sous l’égide des Nations Unies. Nous avons demandé que des mesures soient prises pour enquêter sur toutes les affaires en suspens et pour offrir aux parents des personnes portées disparues une réparation adéquation, y compris une compensation financière.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans plusieurs arrêts, et encore en décembre 2017, est arrivée à la conclusion que la commission de la propriété foncière qui avait été établie par le camp chypriote turc constituait un recours effectif, ce qui devrait être reflété dans le texte.

En tant que Chypriotes turcs, nous sommes engagés dans ce processus de négociation entre les deux camps. Nous espérons que ces derniers donneront un nouvel élan à ces entretiens sous l’égide des Nations Unies, d’une manière plus structurée et le plus rapidement possible.

LE PRÉSIDENT* – Nous avons ainsi épuisé la liste des orateurs.

Je souhaite remercier une fois de plus Mme Jimenez-Damary de nous avoir rendu visite. Madame, nous vous remercions de votre engagement.

3. Modification de l’ordre du jour

LE PRÉSIDENT* – J’interromps quelques instants notre débat pour proposer une modification de l’ordre du jour des séances du jeudi 26 avril. Étant donné le très grand nombre d’orateurs et d’amendements dans le débat selon la procédure d’urgence intitulé «Suivi du rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe», je vous propose de déplacer le débat d’actualité sur «Le rôle de l’Europe dans les initiatives de processus de paix en Syrie» à la séance de l’après-midi, dont il constituerait le premier point.

Cela permettrait à tous les orateurs inscrits de s’exprimer lors du débat selon la procédure d’urgence.

Il n’y a pas d’objections. L’ordre du jour est ainsi modifié.

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Nicoletti au fauteuil présidentiel.

4. Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays en Europe (suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons notre débat. J’appelle la réplique de la commission.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur – Je tiens d’abord à remercier Mme Jimenez-Damary qui s’est adressée à nous. Je souhaite également remercier tous mes collègues pour leur contribution dans ce débat ainsi que pour le soutien qu’ils m’ont exprimé dans l’hémicycle.

Ceux d’entre vous qui ne seraient pas satisfaits de ce rapport doivent comprendre qu’un rapport ne peut jamais être parfait, mais que j’ai fait de mon mieux pour qu’il soit équilibré. Comme certains l’ont dit, il ne suffit pas de rappeler les normes en vigueur à l’échelle internationale, néanmoins elles constituent le point de départ du travail. Nous devons sensibiliser nos gouvernements afin qu’ils aient la volonté de prendre des mesures globales permettant d’aider des personnes déplacées pour qu’elles puissent pleinement bénéficier de leurs droits, parmi lesquels il ne faut pas oublier les droits sociaux. En effet, les personnes déplacées se retrouvent souvent seules lorsqu’elles cherchent un membre de leur famille porté disparu ou lorsqu’elles rencontrent des difficultés financières et lorsqu’elles n’ont pas la possibilité de récupérer leur terre ou leur logement.

Le Conseil de l’Europe doit se pencher sur les besoins et les droits humanitaires de ces personnes. C’est une institution clé car tous les pays européens où vivent des personnes déplacées sont membres du Conseil de l’Europe.

Chers collègues, j’espère que par le biais de vos parlements nationaux, vous pourrez apporter votre contribution, afin que les besoins et les droits humanitaires de ces personnes soient véritablement pris au sérieux. Je lance un appel pour que vous votiez tous en faveur de ce rapport si important. En effet, en adoptant cette résolution et cette recommandation, nous montrerons clairement que nous n’oublions pas les 4 millions de personnes déplacées en Europe.

Permettez-moi de vous rappeler encore une fois que les droits humanitaires des personnes déplacées sont fondamentaux. Elles doivent avoir le droit à la protection de leur vie, à la liberté ainsi qu’à la sécurité, au titre des articles 2 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi qu’au respect de leur vie de famille, au titre de l’article 8. Elles doivent donc pouvoir recevoir des informations sur des personnes portées disparues dans leur entourage. Elles ont également droit au regroupement familial, comme elles ont droit à ce que leurs propriétés soient protégées au titre de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

Elles ont un droit au logement, aux soins de santé, et doivent pouvoir bénéficier d’autres droits sociaux, au titre de la Charte sociale européenne révisée, qui a été mentionnée par plusieurs intervenants dans ce débat. Les personnes déplacées ont un droit à l’éducation, conformément à l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention, et le droit à la protection de leur identité culturelle et à la jouissance de biens culturels, conformément à l’article 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques, et au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont besoin que l’on protège leurs biens culturels. Une convention porte d’ailleurs sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, à laquelle s’ajoute la Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant les biens culturels. Les personnes déplacées ont le droit de garder leur nationalité, conformément à la Convention européenne sur la nationalité, qui s’applique également aux personnes déplacées, à leur famille et à leur descendance, et qui se trouvent dans des zones de conflit. Les personnes déplacées ont le droit de participer à des élections libres, conformément à l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention et qui demande que les pouvoirs locaux et régionaux élus par les populations avant leur déplacement soient maintenus dans leur exil intérieur. Elles doivent pouvoir retourner volontairement, dans la dignité et la décence, vers leur lieu de résidence habituelle, ou elles doivent pouvoir se réinstaller volontairement dans d’autres régions de leur pays, tout comme elles ont le droit de ne pas être expulsées du territoire de leur pays, conformément à l’article 3 du Protocole 4 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Conseil de l’Europe ainsi que notre Assemblée sont bien placés pour assurer le suivi des droits des personnes déplacées. La plupart des conventions sont des traités du Conseil de l’Europe, et tous les pays impliqués dans ces conflits connaissent des personnes déplacées et sont tous des membres du Conseil de l’Europe. Nous apprécions le soutien de la rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes déplacées, qui s’est penchée sur la situation des personnes déplacées en Europe, et qui a offert son aide et son assistance.

Le sujet est hautement sensible sur le plan politique. Mais au vu des souffrances humaines qu’endurent les personnes déplacées, nous devons tous aller au-delà des conflits latents et tout faire pour aider ces personnes, qui sont les véritables victimes de ces conflits. Je compte pleinement sur votre soutien et je vous remercie tous pour votre aide.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – Monsieur le Président, j’ai déjà pu m’exprimer tout à l’heure dans le débat au nom de mon groupe. Je souhaite simplement féliciter M. Munyama pour son engagement et la qualité de son rapport, ainsi que le secrétariat de la commission qui, comme d’habitude, a réalisé un travail parfait.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution, sur lequel 23 amendements ont été déposés, et un projet de recommandation, sur lequel 1 amendement a été déposé.

Nous commençons par le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la commission souhaite proposer à l’Assemblée de considérer l’amendement 7, qu’elle a adopté à l’unanimité, comme adopté par l’Assemblée.

Les amendements 1, 5, 12, 13, 14 et 15 ont également été adoptés à l’unanimité, mais, dans la mesure où ils ont une incidence sur d’autres amendements, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – Oui, Monsieur le Président.

Il n’y a pas d’objection.

L’amendement 7 sur le projet de résolution est déclaré adopté définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Je suis saisi de l’amendement 16.

M. AKTAY (Turquie)* – Un appel est lancé par le rapporteur aux autorités de Chypre et de Turquie, mais cet appel n’a pas lieu d’être. Il vient contredire les sous-paragraphes au paragraphe 5.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Nous sommes contre cet amendement. Le libellé doit rester inchangé. Chypre et la Turquie doivent demeurer dans le texte. La Turquie est responsable de l’invasion de 1974, comme cela a été dit dans un grand nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. La mention doit rester telle quelle, car c’est la Turquie qui est responsable de la situation des PDI.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est exprimée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 16 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 17.

M. AKTAY (Turquie)* – L’appel à soutenir le comité doit être lancé à toutes les parties, et non seulement à Chypre et à la Turquie. Il doit s’adresser à tous ceux qui sont intervenus sur l’Île pour apporter un soutien aux forces des Nations Unies présentes depuis 1974. Le libellé du projet doit être modifié pour refléter le soutien apporté par les uns et les autres

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je ne comprends pas du tout ce nouveau libellé. On ne parle pas de soutien financier. Il s’agit de fournir une information sur le sort de toutes les personnes portées disparues à Chypre, et de toutes les personnes transférées vers la Turquie, et dont le sort reste incertain. Nous sommes contre cet amendement, comme la commission l’était à une large majorité!

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – Effectivement, l’avis de la commission a été défavorable à une large majorité.

L’amendement 17 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 21.

M. AKTAY (Turquie)* – Nous proposons l’insertion des mots «la Commission des biens immobiliers» à la fin du paragraphe 5.2. Il est important de rappeler que le soutien à la Commission des biens immobiliers, qui a été déclarée moyen de recours interne effectif par la Cour européenne des droits de l’homme, doit être poursuivi.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Nous sommes contre cet amendement. Nous ne considérons pas la Commission des biens immobiliers comme un recours, mais comme un moyen utilisé par la Turquie pour aller plus loin dans l’aliénation des propriétés des Grecs chypriotes. Nous pensons que ce n’est que par une solution globale au problème chypriote qu’il sera possible de réparer l’ensemble des violations du droit perpétrées sur l’Île.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission des migrations – La commission a voté contre cet amendement, à une large majorité.

L’amendement 21 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 18.

M. AKTAY (Turquie)* – Nous proposons l’insertion des mots «et à continuer de soutenir l’action de la Commission des biens immobiliers» à la fin du paragraphe. Il est très important de rappeler notre soutien à cette commission, déclarée recours interne effectif par la Cour européenne des droits de l’homme.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je ne vais pas répéter ce que j’ai dit à l’instant: nous ne pensons pas que cette insertion soit souhaitable. Nous venons d’ailleurs de rejeter l’amendement précédent, qui avait un objet similaire! De plus, parler de «recours effectif» n’est pas logique.

Cet amendement a été adopté à une étroite majorité en commission, mais j’en appelle à vous tous, chers collègues, pour voter contre cet amendement. Je pense qu’il promeut la scission et qu’il ne permettra pas de trouver une solution au problème chypriote. Or, c’est à cette seule condition que nous pourrons aborder toutes les questions en lien avec les droits de l’homme.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission a été favorable à l’amendement par 7 voix contre 6.

L’amendement 18 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 22.

M. AKTAY (Turquie)* – Cet amendement vise à supprimer le paragraphe 5.3, qui donne l’impression que les personnes déplacées internes vivent dans des camps de réfugiés et qu’à ce titre, elles doivent être protégées contre les mines. Cela ne reflète pas la réalité! Les Chypriotes turcs vivent dans des villages et des villes, comme tous les autres résidents de l’île. Cet appel au déminage, soutenu par la partie turque, serait certainement plus à sa place dans un autre rapport.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je ne sais plus lequel de nos collègues s’est montré surpris en apprenant qu’il existait encore des champs de mines à Chypre. C’est pourtant la réalité, et il faut traiter ce problème! Je vous en prie, gardons ce paragraphe.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 22 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

S’il est adopté, les amendements 1 et 5 n’ont plus d’objet.

Mme STRIK (Pays-Bas)* – Tous les amendements que nous proposons – dont celui-ci – ont été déposés à la demande de la rapporteure spéciale des Nations Unies, qui vient de s’adresser à nous.

L’amendement 6 tend à inclure des références aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui traitent de la question des déplacés internes. Je pense que c’est une très bonne chose que le Conseil de l’Europe aligne ses recommandations sur celles des Nations Unies.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur – L’amendement 1 dit la même chose, mais beaucoup plus clairement, et dans un style plus proche de celui utilisé dans les paragraphes précédents.

Je suis donc défavorable à l’amendement 6, au profit de l’amendement 1.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est exprimée contre l’amendement à une large majorité.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Comme cela vient d’être dit, cet amendement tend à renvoyer aux résolutions adoptées par les Nations Unies, qui reflètent la réalité du conflit. Il me paraît donc très important d’y faire référence.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission a émis un avis favorable à l’unanimité.

L’amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Il existe quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant le conflit du Haut-Karabakh. Comme dans d’autres paragraphes du projet de résolution, il conviendrait d’y ajouter les termes «en Azerbaïdjan».

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission a émis un avis favorable à l’unanimité.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Le Haut-Karabakh fait partie du territoire de l’Azerbaïdjan. Il est incompréhensible que l’on y fasse référence comme s’il s’agissait d’un territoire autonome, et que l’on emploie des mots qui ne sont employés dans aucun des textes du Conseil de l’Europe, ni dans les résolutions des Nations Unies.

En procédant ainsi, nous violons les textes du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et des Nations Unies!

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est montrée défavorable à cet amendement, par 10 voix contre 8.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Dans les territoires sous occupation, toute activité est illégale. Nous demandons donc à l’Assemblée de modifier le texte dans un souci de conformité avec les documents adoptés par toutes les organisations internationales, dont la nôtre.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée en faveur de l’amendement à une large majorité.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Nous en revenons, encore une fois, aux résolutions déjà adoptées par cette Assemblée. Le Haut-Karabakh et tous les noms de ce territoire sous occupation sont reconnus par les Nations Unies, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe. Cet amendement est très logique, il vise à faire en sorte que nous ne désignions pas ce territoire par d’autres dénominations inacceptables.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission n’a pu se décider, dix membres s’étant prononcés en faveur de cet amendement et dix autres membres contre.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 12.

S’il est adopté, les amendements 8 et 10 n’auront plus d’objet. S’il est rejeté ou retiré, les amendements 14 et 15 n’auront plus d’objet.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Cet amendement n’affecte pas le fond de sa proposition, mais nous ajoutons des références supplémentaires, notamment des références aux Déclarations finales des sommets des chefs d’État de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ainsi qu’à des résolutions adoptées par notre Assemblée. Nous mentionnons également les territoires occupés de la Géorgie.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est majoritairement prononcée en faveur de cet amendement.

L’amendement 12 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – En conséquence, les amendements 8 et 10 n’ont plus d’objet.

Je suis saisi de l’amendement 13.

S’il est adopté, l’amendement 9 n’aura plus d’objet.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Cet amendement traite du problème des barrières artificielles. Nous ajoutons une mention explicite de ces barrières artificielles que sont les clôtures barbelées.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée à l’unanimité en faveur de cet amendement.

L’amendement 13 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – En conséquence, l’amendement 9 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de l’amendement 14.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Cet amendement vise à souligner que la mission de surveillance de l’Union européenne devrait avoir accès à l’intégralité du territoire de la Géorgie, ce qui n’est actuellement pas le cas.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée à l’unanimité en faveur de l’amendement

L’amendement 14 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 15.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Cet amendement rappelle les conditions minimales fixées par de précédentes résolutions de notre Assemblée et «appelle la Fédération de Russie à ouvrir une enquête crédible sur les actes de nettoyage ethnique des Géorgiens».

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée à l’unanimité en faveur de cet amendement.

L’amendement 15 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 11.

M. VLASENKO (Ukraine)* – C’est un amendement technique, visant à assurer la conformité de la résolution à la terminologie employée précédemment dans nos résolutions, notamment la Résolution 2198 adoptée cette année même, au mois de janvier, dont le premier paragraphe évoque la situation humanitaire résultant de «la guerre de la Fédération de Russie contre l’Ukraine». Nous proposons donc de remplacer, au paragraphe 8 du projet de résolution que nous examinons, les mots «guerre en Ukraine» par les mots «guerre de la Fédération de Russie contre l’Ukraine».

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée en faveur de cet amendement à une large majorité.

L’amendement 11 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 20.

S’il est adopté, l’amendement 19 n’aura plus d’objet.

M. AKTAY (Turquie)* – Nous proposons de supprimer le paragraphe 10. La Turquie ne fait que prendre les mesures nécessaires à la protection de ses citoyens contre le PKK terroriste. Une «mission internationale d’évaluation humanitaire» n’est pas nécessaire puisque la Turquie s’occupe du problème. Le rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est biaisé et repose sur des informations incorrectes, notamment en ce qui concerne les opérations antiterroristes dans le sud-est de la Turquie. En fait, il reprend les allégations et la propagande d’organisations terroristes; c’est inacceptable. Supprimons tout simplement ce paragraphe 10.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur* – Cet amendement aurait un impact très important sur la situation des personnes déplacées. Je m’y oppose donc.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 20 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 19.

M. AKTAY (Turquie)* – Nous proposons de supprimer, au paragraphe 10, le mot «humanitaire», car le droit humanitaire international ne s’applique qu’à des situations de conflit armé et ne saurait s’appliquer à des actes terroristes. Or une mission d’évaluation correspond à un scénario bien précis.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur* - Ce rapport porte sur les besoins humanitaires. Une mission d’évaluation humanitaire pourrait être intéressante, mais pas pour ce rapport. Je suis donc contre cet amendement.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée contre l’amendement à une large majorité.

L’amendement 19 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 23.

M. AKTAY (Turquie)* – Au paragraphe 11, nous proposons de supprimer les mots suivants: «et à agir de manière appropriée dans les cas où un État défendeur refuse d’exécuter un arrêt et de verser une compensation financière aux PDI ou aux membres de leur famille survivants».

Cette proposition n’a pas sa place ici dans la mesure où la Convention européenne des droits de l’homme prévoit les moyens par lesquels les États défendeurs doivent exécuter les arrêts de la Cour.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur* - C’est un paragraphe très important pour la situation des PDI. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme doivent être exécutés. Je suis contre cet amendement.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 23 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14527, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (76 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au projet de recommandation sur lequel un amendement a été présenté, l’amendement 24.

M. AKTAY (Turquie)* – Nous proposons la suppression du paragraphe 3, car la Convention européenne des droits de l’homme prévoit expressément les moyens par lesquels il est possible, pour les États défendeurs, d’exécuter les arrêts de la Cour.

M. MUNYAMA (Pologne), rapporteur* - Le paragraphe 3 du projet de recommandation demande au Comité des Ministres de mener à bien les activités pertinentes relatives toutes les mesures à mettre en place. Je suis donc hostile à l’amendement.

M. FRIDEZ (Suisse), vice-président de la commission – La commission a voté contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 24 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14257.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (76 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions).

5. La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur «La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l’Europe», présenté par M. Korodi au nom de la commission des questions politiques (Doc. 14519), ainsi que de l’avis présenté par Mme Strik au nom de la commission des migrations (Doc. 14534).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie)* –
Monsieur le Président, chers collègues, lors de la préparation de mon rapport sur la Libye, j’ai essayé d’obtenir les meilleures informations pour faire le meilleur rapport possible. Pendant 24 mois, j’ai suivi l’évolution du pays. J’étais à Tunis, début novembre 2017, où j’ai rencontré des ministres tunisiens, libyens, des représentants de l’Onu, de l’Union européenne, des membres de la société civile, des journalistes et des experts.

Il y a un peu plus d’un an, nous avons tenu une première audition à Paris, puis une deuxième, le 14 décembre 2017. Nous aussi entendu la Commission de Venise, l’Union européenne, la mission de l’Onu en Libye et différents experts.

Nous devons maintenant nous engager dans la reconstruction de la Libye et, pour pouvoir prendre les meilleures décisions possibles, il faut bien comprendre la situation du pays. C’est ce que j’essaie de vous présenter.

Différents pays sont concernés, bien évidemment. Il faut tenir compte de l’aspect migratoire, de l’instabilité, de l’influence des pays voisins, et plus généralement, de grandes considérations régionales, sans oublier les problèmes de la décomposition du pays. Outre l’Onu et l’Union européenne, je pense que nous pouvons apporter une contribution à la reconstruction, notamment par le biais de la Commission de Venise.

Il est vrai que le pays a littéralement implosé. Tous les rouages de l’État se sont délités. Il faut tout reconstruire. De graves violations des droits de l’homme se produisent tous les jours et l’instabilité en Libye menace toute la région et tous les pays voisins. Bien des problèmes sont donc en suspens, et cela nous touche directement en raison de l’afflux de migrants et de la menace terroriste. Mais ce qui vaut pour nous vaut pour tout le Bassin méditerranéen et le nord de l’Afrique.

Évidemment, se posent des problèmes sécuritaires liés au terrorisme et à l’afflux des migrants, mais aussi des problèmes humanitaires et des problèmes moraux: que faire, comment combiner réalisme politique et respect de l’éthique et du droit humanitaire pour les migrants? Il est probable qu’il faudra trouver des compromis, parfois un peu déplaisants mais nécessaires. Il faudra trouver des interlocuteurs vraiment désireux de rétablir la paix et les droits de l’homme. La situation en Libye continue à menacer la stabilité de toute l’Afrique du Nord et du Bassin méditerranéen. La Tunisie et l’Égypte sont directement affectés par les répercussions économiques de la décomposition de la Libye, notamment parce que leurs ressortissants qui travaillaient en Libye ne peuvent plus envoyer d’argent dans leur pays. Se pose aussi, avec une grande acuité, le problème du retour des mercenaires de l’époque de Kadhafi qui étaient répartis un peu partout en Afrique.

Aujourd’hui, on parle beaucoup des migrants qui quittent la Libye vers le nord, mais il y a aussi le problème de tous les migrants qui arrivent en Libye depuis le sud. L’Organisation internationale pour les migrations estime entre 700 000 et 1 million le nombre de migrants en Libye. Ce ne sont que des estimations, mais 350 000 migrants ont été dûment enregistrés en 2017 et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ( HCR), a considéré qu’à peu près 43 000 pouvaient être considérés comme de vrais réfugiés ou demandeurs d’asile, la moitié étant des Syriens.

Entre 2014 et 2016, l’Italie chaque année a accueilli entre 140 000 et 170 000 arrivées depuis la Libye. Le Conseil de l’Europe devrait évidemment appuyer la Manul, la mission d’appui des Nations Unies en Libye. Compte tenu de son expérience en matière institutionnelle, nous devrions pouvoir aider le pays et la Manul, conformément au plan du 20 décembre 2017. Il faudrait notamment mobiliser la Commission de Venise pour préparer une nouvelle constitution, un référendum constitutionnel, puis de nouvelles élections. Notre Assemblée pourrait envoyer des observateurs et apporter un soutien à l’organisation et au contrôle des élections.

Le 17 décembre 2015, ce que l’on avait appelé l’Accord politique libyen de Skhirat avait semblé jeter les bases d’une solution. Il semblait permettre un dialogue entre les factions libyennes sans ingérence étrangère. Il faut promouvoir la mise en place de ce plan, de cet accord politique. Mais il faut essayer de réintégrer dans le jeu tous ceux qui ont été ostracisés ou qui se sont d’eux-mêmes mis hors jeu.

La Conférence nationale libyenne doit pouvoir réunir toutes les forces politiques pertinentes mais aussi des mouvements sociaux et toutes les personnes ayant une influence. Il s’agit évidemment d’essayer d’éviter la participation des djihadistes, mais il faudra malgré tout entendre un certain nombre de leurs représentants, tout en faisant en sorte que leur influence ne soit pas trop forte sur la conférence et qu’en particulier, la branche madkhaliste ne puisse pas imposer ses vues.

Des élections doivent pouvoir se tenir, mais elles doivent se dérouler dans un contexte qui fera que le résultat ne sera pas contestable. Bien entendu, il faut que les élections interviennent rapidement mais il faut surtout que les conditions d’équité du scrutin soient garanties. À cet égard, je pense que nous pouvons apporter notre aide aux autorités libyennes au moment où le scrutin sera décidé, lorsque les autorités libyennes le jugeront opportun.

La Commission de Venise a déjà travaillé sur les questions constitutionnelles et électorales. Depuis 2012 déjà, des travaux ont été réalisés; ils se poursuivent. J’ai pu le constater lors de ma visite à Tunis. À Paris aussi, nous avons entendu un certain nombre de points de vue à ce sujet. Il me semble vraiment, depuis quelques mois, que s’ouvre une fenêtre d’opportunité pour relancer le processus de paix. C’est ce que confirme également M. Ghassam Salamé, le nouveau représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu. Il s’est mis très vite au travail après sa nomination et, effectivement, je crois que tout le monde aujourd’hui se rend bien compte qu’il n’existe pas d’issue militaire à la situation en Libye.

Le Conseil de l’Europe doit donc s’engager dans la reconstruction du pays. Je l’ai déjà dit, mais c’est absolument essentiel. Nous devons bien définir notre rôle dans ce processus. Les médecins tentent de guérir sans nuire. C’est ainsi que nous devons concevoir notre action.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, il vous reste 4 minutes et 30 secondes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Je voudrais dire ma reconnaissance à notre rapporteur qui a rédigé un rapport sur la situation dramatique de Libye, où les personnes vivent dans des conditions extrêmement précaires et dangereuses. À juste titre, il appelle notamment notre attention sur la situation des migrants et des réfugiés, qui est encore plus désastreuse. Comme l’a dit hier un représentant d’Amnesty International pendant une audition: «Pour les migrants, la Libye, c’est l’enfer!»

Ce rapport est étroitement lié à celui que je prépare moi-même sur la dimension extérieure des politiques d’asile de l’Union européenne. L’évaluation que j’ai réalisée est presque terminée et mon rapport sera présenté lors de la troisième partie de session.

Nous savons, grâce à des rapports des Nations Unies, qu’il existe un véritable marché de l’esclavage des migrants. Les migrants sont automatiquement détenus. Ils peuvent être victimes de tortures, de viols. Ils sont affamés, assoiffés, sans accès aux soins de santé ni à la moindre aide juridique.

Par ailleurs, comme l’a dit le rapporteur, un grand nombre de personnes ont été évacuées vers le Niger. Certaines sont rentrées, d’autres ont dû attendre d’être réinstallées dans d’autres pays. Malheureusement, les engagements des pays qui viennent en aide sont très insuffisants. Cela conduit non seulement à une longue période d’attente et d’insécurité dans les camps pour réfugiés, mais cela ralentit également les opérations d’évacuation, qui ont même été interrompues.

C’est pourquoi la commission des migrations propose que davantage de ces réfugiés soient réinstallés dans nos pays afin que les évacuations à partir de la Libye puissent se poursuivre. Mes chers collègues, des milliers de migrants et de réfugiés vivent encore dans des circonstances effroyables dans des centres de détention en Libye. En la matière, le rôle de l’Europe est essentiel car, s’ils sont toujours dans ces camps, c’est parce que les pays européens les empêchent de quitter la Libye pour gagner l’Europe. L’Europe va jusqu’à payer les garde-côtes libyens pour qu’en échange, ils interceptent les candidats à l’immigration dans les eaux territoriales libyennes. Ils sont ensuite immédiatement ramenés dans ces centres de détention tristement célèbres.

Les organisations humanitaires sont empêchées de sauver les migrants pour les emmener en lieu sûr. Nous avons une responsabilité à l’égard du sort des migrants et des réfugiés de Libye. Les récits terribles des survivants doivent nous alarmer et nous convaincre de l’urgence de la situation: de graves violations des droits de l’homme ont lieu à nos frontières et elles résultent de notre coopération avec la Libye. Nous ne saurions les accepter. Nous devons faire en sorte d’y mettre un terme. Le Conseil de l’Europe devrait faire en sorte de garantir que toute coopération avec la Libye dépende du respect des droits fondamentaux des migrants et des réfugiés.

Pour ce faire, la commission des migrations propose de prendre toute une série de mesures, à commencer par un mécanisme de surveillance solide, de façon à suivre de près la situation en Libye, sur terre et sur mer, pour que nous puissions intervenir en cas de violations répétées des droits. Les garde-côtes libyens doivent se voir dispenser une formation élémentaire aux droits de l’homme, afin de prévenir les incidents qui continuent à causer des pertes de vies humaines.

Il faut aider la Libye à reconstruire un État et mettre en place une bonne gestion des migrations. Il est nécessaire et possible de le faire dans le plein respect des droits fondamentaux, que nous avons tous à cœur de défendre.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. COAKER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* –
J’aimerais tout d’abord féliciter le rapporteur et la rapporteure pour avis pour les travaux qu’ils viennent de nous présenter.

N’est-ce pas précisément quand on se trouve dans les situations les plus difficiles, quand on connaît les circonstances les plus douloureuses, comme c’est le cas en Libye; n’est-ce pas quand les principes sur lesquels nous nous fondons sont le plus contestés que l’on doit les réaffirmer?

Alors que l’on voit des centres de détention se créer en Libye, que des flots de migrants quittent ce pays et y arrivent, que des problèmes massifs se posent, ne serait-ce pas pour nous un honneur que de faire partie d’une Organisation déclarant que, même dans des circonstances si difficiles, et lorsque, autour d’elle, on lui demande de fermer les yeux, elle continue, par le projet de résolution dont nous débattons, à défendre les droits de l’homme et le principe d’égalité, persiste à ne pas tourner le dos à ceux qui ont besoin d’elle? Le Conseil de l’Europe s’attaque à ce problème comme à un problème pratique qui est de notre responsabilité à tous, qu’il convient de traiter et de surmonter.

Voilà ce qui me permet de dire que je suis fier de me tenir ici, dans cette Organisation. Pour ceux qui la critiquent, l’Assemblée parlementaire n’est qu’un lieu de palabres, mais je crois que ce que nous venons d’entendre de la bouche de nos deux rapporteurs nous montre que ces reproches sont absurdes et infondés.

Des difficultés existent, qui exigent que nous fassions mieux. Pour ma part, ainsi que beaucoup d’entre nous ici, je ne vais pas me contenter de regarder les images d’enfants qui se noient, de personnes en détention ou réduites en esclavage, et de dire que l’on ne peut rien faire. Non, ce n’est pas ainsi que je conçois les choses. Nous avons une responsabilité collective. Du reste, il ne s’agit pas que de la Libye ou des pays voisins d’Afrique du Nord: l’Italie aussi a dû porter un poids immense. Il incombe à tous les pays, y compris le mien, qui est à des kilomètres de cette zone, d’assumer leurs responsabilités avec sérieux. C’est pourquoi je tiens à dire au rapporteur et à la rapporteure pour avis, aussi bien qu’à cette Assemblée, que nous devons pouvoir être fiers de ce que nous demandons au Conseil, mais aussi aux peuples et aux dirigeants d’Europe, à savoir de ne pas tourner le dos à ceux qui ont besoin de nous à cet instant.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Ce rapport définit des priorités concernant les personnes qui sont victimes de notre échec à transformer la Libye à la suite du « printemps arabe ». J’aimerais m’arrêter à un groupe en particulier: celui des migrants. Je suis persuadé que cela intéressera un grand nombre d’entre nous.

D’ores et déjà, un petit nombre de migrants venus des autres pays d’Afrique passent par la Libye et, sur les côtes de ce pays, sont victimes des trafiquants dans leur tentative de traverser la Méditerranée pour gagner l’Europe. Mais ils sont très peu nombreux au regard du nombre gigantesque de migrants qui pourraient emprunter cette route si nous ne prenions pas des mesures radicales pour améliorer l’économie des pays d’Afrique subsaharienne. La crise au nord du Nigeria, avec Boko Haram, fait déjà sentir ses effets en Libye.

Nous devons donc multiplier nos efforts, non seulement pour encourager le partage des richesses dans ces pays, mais aussi pour combattre les trafiquants qui gagnent de l’argent grâce à la misère des autres. Il faut veiller à ce que les garde-côtes fassent correctement leur travail et protègent les droits de l’homme. Surtout, il nous faut impérativement empêcher les réfugiés d’atteindre les côtes. Nous devons les aider à rendre leurs pays plus attrayants. Il importe également de faire en sorte de maintenir les frontières de la Libye et de préserver son intégrité territoriale.

Bien sûr, il reste un important problème à résoudre: celui du respect des droits de l’homme en Libye. Il faut faire beaucoup plus en la matière, et c’est possible. J’aimerais, en outre, appeler l’attention de tous sur un point: il faut que, dans ce pays, les médias soient libres et indépendants. Cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Je considère que nous devrions nous concentrer sur ce point, car c’est la clé pour permettre le développement dans un grand nombre de domaines. Nous pouvons certainement apporter notre concours au pays. La Libye n’est pas un bon exemple des résultats du « printemps arabe »; elle n’est pas non plus un bon exemple des résultats de l’action des pays occidentaux. Ne serait-ce que pour cette raison, nous devons faire tout notre possible pour aider la Libye à reconstruire un État-nation digne de ce nom.

M. BILDARRATZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, féliciter le rapporteur et la rapporteure pour avis pour leurs contributions qui arrivent à point nommé et sont particulièrement intéressantes.

À la suite de certains des orateurs précédents, notamment M. Howell, je dirai que le « printemps arabe » a eu des conséquences différentes selon les pays. L’une des conséquences a bien sûr été, s’agissant de la Libye, l’élimination de M. Kadhafi. À cet égard, je vois encore les photos de lui prises en compagnie des plus hauts dirigeants – notamment espagnols et français – et je pense au nombre de pays européens qui ont mené une realpolitik en entretenant des relations avec son régime.

Autrement dit, comme l’ont déclaré à juste titre certains des orateurs précédents, nous avons nous aussi une part de responsabilité. Nous devons être à la hauteur de cette responsabilité. En effet, depuis 2011, nous avons démantelé toutes les structures étatiques. Nous savons tous parfaitement qu’une guerre civile est en cours en Libye. Deux processus électoraux ont eu lieu, dont les résultats ont donné un paysage totalement fragmenté, ce qui rend impossible le rétablissement et l’affermissement des institutions. Tout cela est un échec – pour les Libyens avant tout, mais aussi pour tous les pays voisins, et pour nous.

C’est ce qu’a dit Mme Strik tout à l’heure: nous revenons à l’accord entre l’Union européenne et la Turquie de mars 2016, avec toutes les conséquences que cela a pu entraîner, en oubliant que des milliers de personnes meurent noyées en Méditerranée, année après année. Nous sommes passés de la Méditerranée centrale à la Méditerranée orientale, certes, mais les morts demeurent et les conséquences sont gravissimes pour bon nombre de personnes.

Nous croyons comprendre que l’Union européenne n’est pas à la hauteur dans sa réaction: si elle a pris des engagements pour tenter de réinstaller un certain nombre de migrants, elle n’a pas été réellement en mesure de le faire, à l’exception peut-être de l’Allemagne et de quelques autres pays. Mais, en la matière, nous avons bel et bien des responsabilités.

Mme Strik a appelé notre attention sur le marché aux esclaves, sur la torture, sur le défaut d’aide. Je suis d’accord avec les deux rapporteurs: il faut absolument adopter des mesures et en assurer le suivi. Il faut être conscient et ouvrir les yeux sur les violations des droits de l’homme. Nous devons être capables de donner une formation et surtout un soutien à la Libye, compte tenu de la responsabilité qui est la nôtre depuis tant d’années, particulièrement à nos yeux.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est très important que nous parlions ce soir de la Libye car nous l’avons trop peu fait jusqu’ici. Je souhaite abonder dans le sens de M. Howell: la Libye n’est pas un bon exemple de ce qu’aurait pu produire le « printemps arabe ». C’est aussi l’exemple de ce que l’Ouest n’aurait pas dû faire.

Mais, et cela ne figure pas dans la résolution, l’intervention de l’Occident était une campagne militaire, avec des bombardements – déjà en 1993 –, des milliers de morts et, à la fin, celle de Kadhafi – il est vrai que nous critiquions ce régime –, tout cela sur la base d’une résolution de l’Onu qui, en fait, ne portait que sur l’octroi d’une protection humanitaire par le biais d’une interdiction de survol. Ce n’était pas du tout un chèque en blanc pour aller renverser un régime! Des leçons doivent être tirées sur ce point: obtenir la démocratie par des bombardements aériens, cela ne marche pas! Cela n’a pas marché en Afghanistan, cela n’a pas marché en Irak et cela ne marche pas non plus en Syrie. La situation en Libye, c’est l’enfer! Les centres de rétention libyens sont comparés à des camps de concentration et les représentants de l’Onu parlent d’horreur sans nom.

Tout cela doit nous conduire à rétablir un ordre constitutionnel en Libye, à recréer les conditions d’une gouvernance correcte. Mais attention: nous devons surtout ne pas refaire les mêmes erreurs que celles que nous avions déjà commises du temps de Kadhafi: nous disions alors que Kadhafi serait le concierge de l’Europe, qu’il verrouillerait l’accès à l’Europe. J’ai l’impression que c’est une idée assez répandue, y compris au sein de l’Union européenne. Il suffit de voir comment nous appuyons les garde-côtes libyens, qui font pourtant preuve d’une brutalité sans nom, dénoncée par Sea-Watch.

Ce n’est pas tout à fait comme cela qu’il faut aborder les choses, selon moi. Il faudrait au moins contrôler l’action des garde-côtes libyens, afin de vérifier qu’ils respectent les droits de l’homme. De plus, il faudrait revoir notre position à l’égard des migrants. Encore une fois, il s’agit de mettre en place un appui à la démocratie; mais nous n’y parviendrons certainement pas en agissant comme nous l’avons fait jusqu’à présent.

M. AKTAY (Turquie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – J’aimerais d’abord remercier les rapporteurs pour leur travail et les documents très complets qu’ils ont présentés.

Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer en Libye, pour aider les Libyens à préparer comme il se doit les élections à venir. La Libye a aujourd’hui une véritable chance à saisir pour mettre en place un vrai gouvernement national. Mais avant que les élections puissent se tenir, des progrès devront être réalisés en termes de réconciliation. Il faut réduire la fracture existante: c’est la voie sur laquelle doit s’engager la Libye pour que le pays cesse d’être un havre pour les organisations terroristes. Cela permettra d’empêcher Daech de se reconstituer et de se reconstruire sur le territoire libyen.

Pour l’emporter sur Daech et sur les autres organisations terroristes, la Libye a besoin d’un gouvernement unifié, des forces de sécurité nationale unifiées, sous le contrôle du gouvernement central. Daech a subi des échecs graves dans la région mais, s’il n’y a pas de stratégie politique bien définie pour guider les efforts dans l’ère post-Daech, tous ces gains militaires pourraient rapidement être réduits à néant. Le pays pourrait alors redevenir le terreau du conflit et de l’extrémisme, aggravant les difficultés en termes de sécurité et de migration.

Le Conseil de l’Europe devrait axer ses efforts sur l’élargissement de la coalition locale et internationale qui soutient un accord politique, avec l’appui des Nations Unies. Nous devrions aider les Libyens à bâtir un État unifié, encourager toutes les mesures de coordination, donner des conseils et des recommandations sur les bonnes pratiques. Le Conseil de l’Europe et ses États membres devraient aussi appuyer concrètement les mesures qui permettront d’éviter l’effondrement total de l’économie du pays.

Les violations des droits de l’homme dans le pays demeurent une grave préoccupation. Il faut mettre un terme au climat d’impunité. Il faut soutenir les efforts des Libyens et de la communauté internationale pour que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes devant la justice. Le déminage, le secours humanitaire, la création des conditions permettant le retour en toute sécurité des personnes déplacées à l’intérieur du pays, sont autant de priorités, non seulement pour Syrie mais pour le pays tout entier. Les Libyens méritent un avenir de stabilité et de sécurité.

M. STIER (Croatie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Pour commencer, je veux féliciter notre rapporteur, M. Korodi, et rendre hommage à notre rapporteure pour avis, Mme Strik.

Quel pourrait être le rôle du Conseil de l’Europe en Libye? Le rapporteur a vraiment pris en compte, comme il le fallait, les différents éléments, politiques, sécuritaires et géopolitiques, et bien réfléchi à la plus-value que pourrait représenter l’intervention du Conseil de l’Europe pour établir une paix durable en Libye, dans le respect des grands principes de la démocratie et des droits de l’homme.

Notre rapporteur a rencontré tous les protagonistes clés du dossier libyen, ainsi que la société civile, des experts et la Commission de Venise. Le Conseil de l’Europe a certainement un rôle à jouer, selon lui, peut-être pas immédiatement mais à moyen terme. Il pourrait ainsi aider la mission de l’Onu pour rédiger une Constitution, mettre en place les conditions d’un référendum constitutionnel, puis organiser une élection présidentielle et, enfin, garantir l’émergence d’un paysage médiatique pluraliste. Pour cela, il faut rétablir un État, une administration fonctionnelle, un minimum de sécurité: c’est indispensable pour les Libyens. Il faut aussi mettre un terme à la menace terroriste et contrôler les flux migratoires.

Il ne s’agit pas, pour le Conseil de l’Europe, de supplanter l’Onu mais de compléter son action, dans le respect des normes du Conseil de l’Europe et des grands principes qui guident notre action vers les pays voisins. Cela fait beaucoup de conditions préalables; toutefois, dès maintenant, le Conseil peut dire qu’il aidera la Libye, en particulier la commission électorale centrale libyenne, qui souhaite la mise en œuvre d’un programme d’assistance.

Il est impossible de tenir des élections présidentielle et législatives en Libye tant que n’existera pas un cadre constitutionnel minimal. Cependant, nous pouvons apporter notre aide pour le construire.

Le Groupe du Parti populaire européen appuie donc ce rapport ainsi que les recommandations qui sont formulées.

LE PRÉSIDENT* – M. Vareikis, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Nos deux rapporteurs ont bien décrit la situation terrible et les violations des droits de l’homme en Libye. Toutefois, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que ce n’est pas la question que nous examinons aujourd’hui. Nous nous demandons précisément quel rôle peut jouer le Conseil de l’Europe. Est-il prématuré de se demander quelle est la valeur ajoutée du Conseil de l’Europe dans cette situation? Je ferai trois brèves remarques.

Tout d’abord, mon collègue et ami John Howell a parlé de rétablir un véritable État national en Libye. Mais il n’y en a jamais eu! La Libye est passée de l’Empire ottoman à la domination coloniale italienne, puis au royaume du roi Idris Ier – je m’étais rendu en Libye à cette époque – puis au rôle si particulier du colonel Kadhafi, puis, après son décès, elle est devenue un chaos… Il n’y a jamais eu de fondations d’un État national démocratique sur lesquelles on pourrait bâtir ou rebâtir. Kadhafi a laissé derrière lui le chaos, l’anarchie et des armes qui sont aujourd’hui largement utilisées dans tout le pays.

Ensuite, ce qui se passe en Libye a avant tout des répercussions sur la population de ce pays, mais aussi, par ricochet, en Europe, en raison principalement des migrations. Nous devons mener une action humanitaire, mais nous devons aussi adopter une réaction réaliste. Nous ne pouvons pas, en Europe, accueillir toute la population d’Afrique, notamment la population du Sud du Sahara. En revanche, nous devons, dans la mesure du possible, protéger les droits de l’homme de ces personnes et lutter avec eux contre le terrorisme.

Enfin, le Conseil de l’Europe possède une certaine compétence, un certain savoir-faire dans le domaine de l’observation des élections et des institutions; nous disposons d’outils tels que la Commission de Venise. Pouvons-nous alors utiliser ces outils au stade actuel? Ce n’est pas pendant la saison des ouragans qu’il faut construire des maisons, dit-on. Je ne pense pas que nous soyons parvenus à une stabilité suffisante en Libye pour que nos outils soient vraiment utilisables. Ce n’est que lorsque certains progrès auront été accomplis que nous pourrons le faire.

Alors même que l’objet du rapport de M. Korodi est de savoir ce que peut faire le Conseil de l’Europe pour la Libye, on ne trouve des suggestions qu’au tout dernier paragraphe, le dix-huitième, comme si la réponse à cette question n’était pas encore trouvée. La Commission de Venise aura un rôle à jouer à moyen terme et nous pourrons mettre au service de la Libye notre capacité d’observation des élections. Toutefois, je ne pense pas que nous puissions faire beaucoup pour l’instant. Si nous y sommes appelés, nous pouvons aider les Nations Unies et leur représentant spécial, ainsi que l’Union européenne, mais ce sont ces deux institutions qui doivent jouer le premier rôle. N’essayons pas de tout faire et ne prétendons pas que nous pouvons faire plus que ce que ce qui est réaliste dans la situation actuelle.

M. FRIDEZ (Suisse) – Quel avenir pour la Libye? Après la dictature mégalomaniaque et sanguinaire du despote Kadhafi et plusieurs années de chaos, la Libye revient sur les devants de la scène internationale à la suite des révélations sur le sort réservé aux migrants africains. On a contraint ces migrants à rester sur le sol libyen car l’Europe a pris des mesures en collaboration avec l’État et les garde-côtes libyens pour ajouter un verrou de plus sur la route de l’Europe, comme elle l’avait déjà fait sur la route des Balkans.

«La Libye, c’est l’enfer des migrants» a affirmé Mme van Gulik, directrice d’Amnesty International pour l’Europe, invitée de notre commission des migrations en ce début de semaine. Ses paroles ont été dures et sans complaisance. Elle a parlé des centres de détention dans lesquels on pratique une torture systématique, des interventions en mer des garde-côtes avec des meurtres par balles et des noyades de migrants. Elle affirmait même qu’il existait une collusion entre les garde-côtes et les passeurs, sous le regard complaisant du ministère de l’Intérieur.

Chers collègues, tout doit être tenté pour rétablir un État de droit véritable en Libye et surtout pour assurer un traitement digne aux migrants permettant le respect de leurs droits fondamentaux. Ces pauvres gens ont véritablement été pris en otage; ils sont tombés dans une nasse, dans le monde de l’horreur. On a ainsi assisté à la renaissance de l’esclavage. Je ferai trois remarques.

Premièrement, la chute de Kadhafi est le résultat d’une opération militaire, essentiellement par voie aérienne, de l’Occident. L’Occident a fait chuter un dictateur mais n’a pas assuré le service après-vente, ce qui a abouti à un État failli et au chaos. Cela a également conduit à la déstabilisation d’États voisins, notamment au Sahel. En effet, les mercenaires armés jusqu’aux dents de Kadhafi, lorsqu’ils se sont exilés après sa chute, ont apporté des armes et beaucoup de violences dans les pays aux alentours. Les forces occidentales, après leur succès, échaudées par leur expérience en Afghanistan ou en Irak, n’ont pas voulu s’engager dans le bourbier libyen. Toutefois, déstabiliser sans accompagner la reconstruction est une faute morale et politique.

Deuxièmement, l’Europe a délégué à la Turquie et, semble-t-il, à ce qui reste de l’État libyen, la responsabilité de bloquer les migrants hors d’Europe. L’Union européenne tend à se replier dans une forteresse, comme l’affirme Mme van Gulik. Nous ne pouvons certes pas tout faire, comme le disait Lord Anderson, mais nous pouvons en tout cas en faire plus que ce que nous faisons actuellement.

Troisièmement, dans le projet de résolution, au paragraphe 10.2, notre Assemblée salue les initiatives tendant à prévenir l’entrée de migrants en Libye en fermant sa frontière sud dans le Fezzan. Un verrou de plus a donc été posé, ce qui est sans doute logique étant donné la situation en Libye. Toutefois, le défi des migrations africaines, si l’on prend en compte les perspectives démographiques annoncées, reste entier. Il faudra bien s’en occuper un jour, mais c’est un autre débat.

M. O’Reilly, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Jonas Gunnarsson au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – M. Blaha, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GAVAN (Irlande)* – Je suis horrifié par la situation actuelle en Libye. Ce pays a été totalement détruit, déstabilisé par les pays européens au travers de l’Otan. Ces interventions militaires illégales ont ouvert la voie à une vague de militarisation. Des seigneurs de guerre luttent pour le pouvoir; les civils et les réfugiés font les frais de leur brutalité et de leur cupidité.

L’Union européenne semble être seulement intéressée par la possibilité de voir des réfugiés atteindre l’Europe à travers la Libye. Les Européens ont par conséquent mis en œuvre une politique totalement inhumaine afin d’endiguer ces réfugiés. Je félicite à cet égard le rapporteur pour ses déclarations et j’approuve l’avis formulé par Mme Strik au nom de la commission des migrations. En particulier, je pense moi aussi qu’il faut renforcer le paragraphe 11.

On force même des réfugiés qui ont pu s’enfuir de Libye à retourner dans ce pays en guerre où ils continuent d’être exploités et violés. Médecins sans frontières a prodigué des soins médicaux aux personnes détenues dans plusieurs centres de détention à Tripoli et cette ONG a indiqué que les personnes placées dans ces centres officiels de détention sont traitées comme une marchandise que l’on exploite: elles sont entassées dans des salles sombres et répugnantes de saleté, sans ventilation.

Les témoignages des réfugiés qui ont pu s’échapper montrent que les hommes sont fréquemment battus et torturés et les femmes violées. Des preuves filmées montrent des hommes et des femmes vendus aux enchères comme esclaves sur des marchés. Ces réalités sont connues. Or, les États membres de l’Union européenne continuent à mettre en œuvre des politiques d’endiguement qui alimentent ce commerce de la souffrance totalement inacceptable. En soutenant les garde-côtes libyens, les États membres de l’Union européenne leur permettent de renvoyer les migrants interceptés en Méditerranée en Libye, et non vers un abri sûr. Nombreux sont ceux qui, interceptés par les garde-côtes, se retrouvent dans ce système de détention qu’ils voulaient fuir. Voilà une violation flagrante du droit international, comme le rapportent régulièrement les navires des ONG. L’Union européenne légitime une politique d’endiguement qui n’a aucun effet positif pour les personnes retenues dans les centres de détention; et elle minimise l’atrocité de la situation. Les dirigeants européens continuent à dire que les conditions vont s’améliorer pour ceux qui retournent en Libye, tout en sachant que cela est parfaitement impossible. C’est un vœu pieux. Le nombre de personnes qui quittent les côtes de Libye diminue. Cela ne signifie pas que la souffrance diminue, mais qu’on ne la voit plus.

Le Conseil de l’Europe doit lancer immédiatement une enquête sur les conditions qui prévalent dans ces centres de détention, pour savoir quels financements ils reçoivent de la part des pays européens. Et que l’on fasse un rapport sur les violations des droits de l’homme, par les États membres du Conseil de l’Europe, au regard du confinement de ces réfugiés.

LE PRÉSIDENT – MM. Sabella et Villumsen, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme ALHEISAH (Jordanie, partenaire pour la démocratie)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier le rapporteur pour son rapport complet et réaliste. Nous savons tous quel est la situation libyenne. Cela a commencé par le « printemps arabe », et voilà où nous en sommes aujourd’hui. Tous les dirigeants politiques et militaires et les experts pensent que la situation constitue une grave menace, non pas seulement pour les Libyens, mais pour l’ensemble de la sécurité internationale. Nous ne pouvons pas fermer les yeux, et ne pas voir que la Libye est devenue un centre international de formation et d’armement de groupes terroristes, sorte de tremplin, pour eux, vers le reste du monde.

Après les opérations militaires et les interventions extérieures, qu’est-ce qu’ont obtenu les grandes puissances qui se prétendent les sauveurs et les protecteurs de l’humanité? Le désastre! Nous avons vu le terrorisme se propager partout dans la région.

Deux modèles de transformation démocratique peuvent être envisagés pour aider un État à mettre en place des réformes politiques. Le premier modèle est celui où la majorité des acteurs politiques prennent part à ce processus et construisent une société fondée sur des conventions et des principes qui correspondent à tous les segments de la société. Cela garantit des améliorations logiques et graduelles qui aboutissent à une réforme politique harmonieuse et démocratique. Le second modèle est celui que des puissances extérieures imposent aux pays en les forçant brutalement à se transformer, sous couvert de réformes et de démocratie. C’est cette politique qui a abouti à ce que nous voyons aujourd’hui en Libye, et dont nous souffrons.

Mon pays, le Jordanie, est un exemple du premier modèle. C’est un petit pays eu sein d’une région instable, qui, malgré la menace du terrorisme, avance vers des réformes politiques, en dépit des obstacles et du manque de ressources économiques. Nous avons adopté une politique du pas à pas, une réforme de l’intérieur. Nous amendons notre législation et nous nous ouvrons vers le monde de manière progressive. Les femmes sont désormais encouragées à prendre des fonctions de décideur, et beaucoup d’autres mesures émergent pour aller vers la démocratie. La Libye est un exemple du second modèle. Des interventions irresponsables ont conduit ce pays vers encore davantage de violence et vers une division interne profonde.

J’espère que la communauté internationale va revoir sa stratégie de guerre contre le terrorisme, et va commencer à aider les pays, comme la Libye, pour qu’ils puissent créer leur propre modèle de réformes, et pour ouvrir un dialogue politique qui donne à tous les pays la possibilité d’échanger des expériences mutuellement bénéfiques.

LE PRÉSIDENT* – Il nous reste encore un peu de temps, mais personne ne semble souhaiter prendre la parole. J’appelle donc la réplique de la commission.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – Le dossier libyen est certainement l’un des plus complexes sur la scène internationale. La Libye est un État en totale décomposition, et ne fut jamais une démocratie. Même sous Kadhafi, malgré un minimum de structures, l’État était faible. Il faut tout revoir. Nous ne pourrons certainement pas construire en Libye une démocratie idéale. Le but est de recréer un minimum d’institutions pour réunir les communautés locales, les tribus, les autorités municipales, la société civile et toutes les composantes d’une société diversifiée. Je pense que cela est possible, tout comme le pense la Mission d’appui des Nations Unies en Libye et les représentants de l’Union européenne qui s’intéressent à la Libye. Nous avons le sentiment qu’une nouvelle période s’ouvre, qu’une fenêtre d’opportunité existe, et que les institutions mondiales et européennes ont la possibilité de contribuer à un nouveau départ.

Au Conseil de l’Europe, comment agir? Soyons francs, nous ne pouvons pas tout faire. Mais la Commission de Venise est bien armée pour apporter à la Libye un embryon de Constitution et un système électoral susceptible de fonctionner. Vous avez cité certains éléments qui méritent discussion, tels que la fermeture de la frontière sud de la Libye. Tous les jours, des milliers de personnes arrivent en Libye en provenance du sud du Sahara, dans un espace totalement désorganisé, où ils se mettent en grand danger. Les Nations Unies, l’Union européenne et les experts disent qu’il vaut mieux bloquer l’accès à la Libye pour les migrants, et les retenir dans un pays tel que le Niger, où ils pourront être mieux pris en charge. Laisser les migrants entrer en Libye n’est pas une solution. Les Occidentaux ont fait beaucoup d’erreurs après 2011. Nous sommes coresponsables de l’effondrement de l’État libyen. C’est aussi pourquoi nous devons aider à la reconstitution du pays. Je vous remercie pour votre soutien, et souhaite rendre hommage à ceux qui m’ont aidé pour rédiger ce rapport, notamment M. Salanson, et l’ensemble du personnel de la commission des questions politiques, qui m’a accompagné depuis deux ans.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Le rapport dont nous sommes saisis est très important: M. Korodi a su parfaitement refléter la complexité de la situation actuelle en Libye et dans les régions limitrophes.

Nombre d’entre nous ont vu ces images atroces de mort, cette souffrance des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée: le rapport et le projet de recommandation expriment bien tout cela. Le rapporteur au fond et le rapporteur pour avis ont travaillé de manière très complémentaire; par-delà sa dimension institutionnelle, le rapport de la commission des questions politiques adopte une approche fondée sur les droits de l’homme. En plus des informations qu’il contient, il souligne les domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe, grâce à son expérience et à sa compétence reconnue sur le plan international, pourrait agir. La participation de la Commission de Venise, intervenue à la demande de la délégation européenne en Libye, est l’exemple du premier pas que nous pourrions faire pour renforcer et diversifier la coopération. Et c’est la raison pour laquelle le projet de recommandation est si important.

Enfin, je félicite à mon tour le secrétariat de la commission, ainsi que les dix orateurs de huit pays qui ont participé au débat aujourd’hui dans l’hémicycle. Je tiens à souligner que les débats qui ont animé la commission des questions politiques ont également montré que la position de M. Korodi était largement partagée par ses membres.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions politiques a présenté un projet de résolution sur lequel 14 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel 1 amendement a été déposé.

Nous examinons d’abord le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission des questions politiques proposait de considérer les amendements 4, 14, 6, 7, 15, 11 et 12, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la vice-présidente?

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

L’amendement 1 a également été adopté à l’unanimité par la commission. Cependant, ayant fait l’objet d’un sous-amendement, il sera discuté selon les modalités habituelles.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

La présidence a été saisie par M. Kox de l’amendement oral suivant:

«Au paragraphe 1, après les mots: ‟ l’Assemblée parlementaire déplore que la ̔ Révolution du 17 février ̕ intervenue en Libye en 2011 dans le sillage du Printemps arabe, n’ait pu déboucher sur une transition politique réussie ˮ, insérer les mots: ‟ et que les interventions militaires étrangères n’aient pas, elles non plus, contribué au retour de la stabilité du pays.ˮ»

Je considère que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. KOX (Pays-Bas)* – Après en avoir discuté lors de notre réunion de commission, qui s’est tenue à Paris, nous avons jugé utile de préciser qu’à l’échec des interventions des personnes qui habitent en Libye, s’ajoutait celui des interventions extérieures.

J’ai donc présenté cet amendement pour équilibrer le libellé.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission est favorable à cet amendement oral.

L’amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Au paragraphe 7, le rapporteur rappelle l’interdiction faite à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme de renvoyer des personnes vers des lieux où elles courent des risques graves de torture ou de traitements inhumains et dégradants. Au paragraphe 8, le rapporteur reconnaît que ce risque est réel en Libye.

La commission des migrations souhaiterait aller plus loin: puisqu’il existe de multiples preuves que les gens sont effectivement torturés et violés de façon systématique lorsqu’ils sont renvoyés en Libye, il faut dire que ces pratiques sont une réalité.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – La situation en Libye est extrêmement complexe, et un ou deux cas ne peuvent pas à eux seuls refléter la réalité. Il est préférable de parler de risques.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Au paragraphe 9, il est dit à juste titre que nous devrions faire davantage que simplement gérer le problème des migrations. La commission souscrit pleinement à ces propos. L’une des mesures que les pays européens devraient prendre est effectivement de réinstaller les réfugiés bloqués dans les camps. En l’absence de mesures de réinstallation, l’évacuation s’est considérablement ralentie, puis tarie. Or, si nous ne réinstallons pas davantage de personnes, nous allons aux devants de grandes difficultés.

Le rapporteur préfère l’amendement 1, mais celui-ci ne dit rien sur le renforcement des mesures de réinstallation. Je pense donc que ces deux amendements sont complémentaires.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – L’amendement 1 avec son sous-amendement est plus pragmatique, peut-être plus clair, que l’amendement 3. Il précise davantage ce qu’il convient de faire. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement 1 et non celui-ci.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission saisie au fond est contre cet amendement.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1.

M. GOUTTEFARDE (France) – Cet amendement vise à demander aux États membres et à la communauté internationale de proposer au HCR des contingents de personnes protégées. Comme vous le savez, mes chers collègues, le HCR est convenu avec le Niger et le Tchad de l’accueil de migrants dans des hotspots, le nombre de places disponibles dépendant des contingents proposés par la communauté internationale. Notre amendement vise à le rappeler.

LE PRÉSIDENT* – Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement oral de la commission des questions politiques, tendant à substituer au mot «quotas» les mots «a contingent».

Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – Notre sous-amendement oral concerne le texte anglais de l’amendement, qui évoque des «quotas». Nous proposons de retenir plutôt, dans cette version anglaise comme dans le texte français original, le mot de «contingent».

M. GOUTTEFARDE (France) – J’approuve ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission est favorable à l’amendement 1, tel que sous-amendé.

L’amendement 1, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – La commission des migrations propose de remplacer les mots «en fermant sa frontière sud, dans le Fezzan», par les mots suivants: «en renforçant la sécurité de sa frontière sud dans le Fezzan». Nous sommes face à un dilemme: on ne veut pas laisser des gens entrer en un lieu dangereux; en même temps, une clôture hermétique peut aussi se révéler dangereuse et avoir des conséquences imprévisibles. En «renforçant» la sécurité de la frontière, on peut toujours empêcher les gens d’entrer si cela se révèle dangereux.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – Le projet de résolution recourt à la même expression que le représentant spécial des Nations Unies et le représentant de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de fermer hermétiquement, il s’agit de bloquer le flux migratoire, de maintenir ces personnes dans le sud de la Libye et de ne pas les autoriser à gagner les régions de ce pays où la situation est très instable.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission s’oppose unanimement à cet amendement.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Les amendements 6 et 7 étant considérés comme adoptés, puisqu’ils l’ont été esst à l’unanimité en commission, il convient de préciser que toute coopération avec la Libye devrait dépendre du respect des droits fondamentaux. Pour s’en assurer, la commission des migrations – certes, pas unanime – prône un mécanisme de suivi et de contrôle et, en cas de violations répétées des droits de l’homme, une suspension «immédiatement» de la coopération. Cela me paraît important pour vraiment garantir le respect des droits fondamentaux.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – L’adverbe «immédiatement» est gênant. J’étais d’accord avec les amendements 6 et 7 qui définissaient les critères à respecter, mais l’idée d’une suspension immédiate en cas de violations répétées des droits de l’homme par les garde-côtes libyens n’est pas souhaitable. Il faut les aider, les former, les soutenir pour qu’ils atteignent leurs objectifs de manière normale.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission s’est opposé à une large majorité à cet amendement.

L’amendement 8 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 9.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Des activités de formation des garde-côtes libyens sont déjà organisées par l’Union européenne, mais c’est assez limité, et nous savons qu’un grand nombre d’incidents se produisent et que des personnes se noient dans les eaux territoriales libyennes en raison de la façon dont les garde-côtes libyens opèrent. Par ailleurs, souvent, ils ne coopèrent pas avec les organisations humanitaires. C’est la raison pour laquelle la commission des migrations a adopté cet amendement à une large majorité. Elle juge très important que les pays européens soutiennent des programmes de formation généraux pour les garde-côtes libyens.

M. KORODI (Roumanie) rapporteur* – Des activités de formation ont été mises en place. Les autorités italiennes assurent également une formation sur place. C’est pourquoi cet amendement ne me semble ni pertinent ni utile.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission a voté contre à une large majorité.

L’amendement 9 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 10.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Le centre de coordination du sauvetage maritime devrait être installé en Libye. Au moment où le chaos continue de prévaloir dans le pays, le rapporteur propose, au paragraphe 15, qu’on ne tienne pas d’élections présidentielle et législatives dans l’attente des réformes constitutionnelles. Je n’irai peut-être pas aussi loin, mais il faut au moins améliorer les structures de gouvernance avant d’établir ce centre. Il s’agit de sauver des vies. La Libye ne pouvant aujourd’hui assurer de façon responsable la coordination de telles mesures, il vaut mieux en différer la mise en place, l’Italie assurant la coordination en attendant la création des structures de gouvernance.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – Il est vrai que le processus constitutionnel progresse peu. Le représentant spécial du Secrétaire Général a dit que l’on ne pouvait envisager la fin du blocage à brève échéance. Toutefois, attendre des années pour mettre en place ce centre de coordination, à l’instar de la Banque nationale ou la compagnie pétrolière, les deux seules institutions qui fonctionnent, représenterait un échec.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une très large majorité.

L’amendement 10 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14519, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (44 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous passons au projet de recommandation sur lequel je suis saisi de l’amendement 13.

Mme STRIK (Pays-Bas), rapporteure pour avis* – Dans le projet de recommandation, le rapporteur demande au Comité des Ministres de soutenir un certain nombre d’activités en Libye afin de contribuer au renforcement des capacités et de la stabilité du pays. La commission des migrations, à une très grande majorité, estime qu’il serait approprié de demander aussi au Comité des Ministres de favoriser la mise en place d’un mécanisme de suivi, l’Assemblée y ayant souscrit, afin de s’assurer du respect des droits fondamentaux, notamment ceux figurant dans la Convention européenne des droits de l’homme.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur* – Il est très difficile de suivre un tel processus dans un pays avec lequel le Conseil de l’Europe n’a pas noué d’accord. Il n’y a pas de partenariat pour la démocratie comme c’est le cas avec la Tunisie et le Maroc. Nous pouvons aider les Nations Unies, certaines actions de l’Union européenne, mais mettre en place une procédure de suivi ne me paraît pas approprié, car cela ne relève pas de notre compétence.

Dame Cheryl GILLAN (Royaume-Uni), vice-présidente de la commission* – La commission a voté contre l’amendement à une très forte majorité.

L’amendement 13 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc.14519, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (43 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions).

6. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour tel qu’il a été modifié au cours de la séance.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 40.

SOMMAIRE

1. La protection de l’intégrité rédactionnelle

Le statut des journalistes en Europe

(suite du débat conjoint)

Orateurs: Mme Louhelainen, MM. Kronbichler, Büchel, Mme Şupac

Réponses de Mme Gambaro, rapporteure suppléante de la commission de la culture et de M. Efstathiou, vice-président de la commission de la culture

Votes sur deux projets de résolution amendés

2. Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe

Présentation par M. Munyama du rapport de la commission des migrations (Doc. 14527)

Intervention de Mme Jimenez-Damary, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays

Orateurs: Mme Dalloz, MM. Fridez, Howell, Poliačik, Mmes Christodoulopoulou, Filipovski, Geraschenko, MM. Whitfield, Kandelaki, Vovk, Mme Kelleher, M. Rafael Huseynov, Mmes Kyriakides, Blondin, Gafarova, MM. Bildarratz, Gavan, Aktay, Tilson, Hasanov, Candan

3. Modification de l’ordre du jour

4. Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe (Suite)

Réponses de M. le rapporteur et de M. Fridez vice-président de la commission des migrations

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

5. La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l’Europe

Présentation par M. Korodi du rapport de la commission des questions politiques (Doc. 14519)

Présentation par Mme Strik de l’avis de la commission des migrations (Doc. 14534)

Orateurs: MM. Coaker, Howell, Bildarratz, Hunko, Aktay, Stier, Lord Anderson, MM. Fridez, Gavan, Mme Alheisah

Réponses de M. le rapporteur et de Dame Cheryl Gillan, vice-présidente de la commission des questions politiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation amendé

6. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ADAM, Claude [M.] (BRASSEUR, Anne [Mme])

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

AKTAY, Yasin [Mr]

AMON, Werner [Mr]

AMORUSO, Francesco Maria [Mr] (BERNINI, Anna Maria [Ms])

ANDERSON, Donald [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

ARENT, Iwona [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

BAKUN, Wojciech [Mr] (JAKUBIAK, Marek [Mr])

BALÁŽ, Radovan [Mr] (PAŠKA, Jaroslav [M.])

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BENEŠIK, Ondřej [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BLAHA, Ľuboš [Mr]

BLAZINA, Tamara [Ms] (QUARTAPELLE PROCOPIO, Lia [Ms])

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRUYN, Piet De [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUSHKA, Klotilda [Ms]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

CHITI, Vannino [Mr]

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CHUGOSHVILI, Tamar [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

COAKER, Vernon [Mr] (ECCLES, Diana [Lady])

CORREIA, Telmo [M.] (MARQUES, Duarte [Mr])

COURSON, Yolaine de [Mme] (MAIRE, Jacques [M.])

CRUCHTEN, Yves [M.]

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DANESI, René [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

DE PIETRO, Cristina [Ms] (CATALFO, Nunzia [Ms])

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (PASHAYEVA, Ganira [Ms])

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms])

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAMBARO, Adele [Ms]

GATTI, Marco [M.]

GATTOLIN, André [M.] (LOUIS, Alexandra [Mme])

GAVAN, Paul [Mr]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GERMANN, Hannes [Mr] (HEER, Alfred [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GONCHARENKO, Oleksii [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GRAF, Martin [Mr]

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAIDER, Roman [Mr]

HAMOUSOVÁ, Zdeňka [Ms] (JENIŠTA, Luděk [Mr])

HASANOV, Elshad [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

HEINRICH, Frank [Mr] (MARSCHALL, Matern von [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HETTO-GAASCH, Françoise [Mme]

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KELLEHER, Colette [Ms] (COWEN, Barry [Mr])

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KITEV, Betian [Mr]

KOPŘIVA, František [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KOX, Tiny [Mr]

KRONBICHLER, Florian [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LACROIX, Christophe [M.]

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (DZHEMILIEV, Mustafa [Mr])

LOUCAIDES, George [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

LUPU, Marian [Mr]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (ZINGERIS, Emanuelis [Mr])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

McCARTHY, Kerry [Ms]

MIKKO, Marianne [Ms]

MULARCZYK, Arkadiusz [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÓLASON, Bergþór [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

OSUCH, Jacek [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

PISCO, Paulo [M.]

POLIAČIK, Martin [Mr] (KAŠČÁKOVÁ, Renáta [Ms])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

PUPPATO, Laura [Ms] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

RAUCH, Isabelle [Mme] (SORRE, Bertrand [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RIGONI, Andrea [Mr]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHMIDT, Frithjof [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (SCHOU, Ingjerd [Ms])

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

ŞUPAC, Inna [Ms]

THIÉRY, Damien [M.]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (FIALA, Doris [Mme])

TOUHIG, Don [Lord] (BYRNE, Liam [Mr])

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

VALENTA, Jiři [Mr] (NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms])

VALLINI, André [M.] (CAZEAU, Bernard [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VLASENKO, Sergiy [Mr] (BILOVOL, Oleksandr [Mr])

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WHITFIELD, Martin [Mr] (GALE, Roger [Sir])

WILSON, Phil [Mr]

XHEMBULLA, Almira [Ms] (SHALSI, Eduard [Mr])

YEMETS, Leonid [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr]

EROTOKRITOU, Christiana [Ms]

NICOLINI, Marco [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

Observers / Observateurs

O’CONNELL, Jennifer [Ms]

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr]

TILSON, David [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALHEISAH, Marram [Ms]

ALQAISI, Nassar [Mr]

AMRAOUI, Allal [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

MUFLIH, Haya [Ms]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan