FR18CR30

AS (2018) CR 30
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trentième séance

Mardi 9 octobre 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre de l’Albanie et de la Norvège

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège. La liste des candidats, leurs notices biographiques et le rapport de la commission figurent dans les Doc. 14605, 14603 et 14632 Addendum 2.

Le vote aura lieu dans la rotonde derrière la présidence. À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de quatre scrutateurs que nous allons désigner par tirage au sort.

Il s’agit de M. Leśniak, de Mme Bakoyannis, de M. Huseynov et de M. Montilla. Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi. J’appelle votre attention sur le fait que si l’Assemblée devait procéder à un second tour pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme, ce second tour aurait lieu mercredi matin et après-midi.

Le scrutin est ouvert.

2. Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire
concernant les pouvoirs et le vote

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme De Sutter, au nom de la commission du Règlement, intitulé « Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote » (Doc. 14621).

Mes chers collègues, la Présidence a été saisie par Sir Christopher Chope et Sir Edward Leigh d’une motion préjudicielle au titre de l’article 37.1.a du Règlement.

Cette motion, contenue dans le Doc. 14636, a pour objet de reporter le débat sur le rapport de Mme De Sutter « jusqu’à la remise d’un avis juridique indépendant sur le contenu de l’analyse juridique non contraignante du 25 septembre 2018 demandée par le Comité des Ministres et jusqu’à la tenue d’une discussion avec le Comité des Ministres en vue de rechercher les moyens de parvenir à l’homogénéité et à la cohérence des organes statutaires ».

Si cette motion est adoptée, elle aura pour effet le renvoi du débat jusqu’à la réalisation des conditions qu’elle énonce. En l’absence d’autres points à l’ordre du jour de ce matin, la séance serait alors levée.

S’agissant d’une motion de procédure, seuls peuvent être entendus l’auteur de la motion, une oratrice ou un orateur contre et la rapporteure ou la présidente de la commission concernée – en l’occurrence, il s’agit de la même personne.

Sir Christopher CHOPE (Royaume-Uni)* – Je crois comprendre que je ne dispose que de 30 secondes. Le Règlement est notre Constitution. Changer le Règlement, c’est changer notre Constitution. Après la réunion de notre commission, le Comité des Ministres a émis un avis juridique qui conteste l’analyse de notre Assemblée. Nous ne pouvons ignorer cet avis. Voulons-nous nier son existence, ou trouver une solution solide et cohérehte pour l’avenir de notre Assemblée et du Conseil de l’Europe ?

M. SCHWABE (Allemagne)* – Soyons sérieux. La liste des orateurs est longue. La plupart des président des groupes politiques étaient présents quand nous avons fixé l’ordre du jour. Il est vrai que l’avis juridique en question existe ; c’est un élément d’information. Cependant, nous restons confiants en notre destinée. Prenons une décision aujourd’hui au lieu de repousser la discussion à la semaine des quatre jeudis.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Je suis contre cette motion. Reporter le débat n’a pas de sens. Au contraire, je pense que l’avis juridique qui a été formulé est une raison supplémentaire de tenir ce débat et de trancher.

LA PRÉSIDENTE – L’Assemblée va maintenant se prononcer, à la majorité simple, sur la motion préjudicielle. Ceux qui souhaitent adopter la motion voteront oui ; ceux qui souhaitent rejeter la motion voteront non.

La motion préjudicielle est rejetée (51 voix pour, 128 voix contre, 16 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Nous continuons donc l’examen du rapport.

Avant de donner la parole à Mme la rapporteure, je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des oratrices et orateurs à 3 minutes.

Je devrai interrompre la liste des oratrices et orateurs à 13 heures, mais la discussion générale reprendra cet après-midi vers 16 h 30, après les questions au ministre des Affaires étrangères de la Tunisie.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux différentes interventions.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure* – C’est un honneur pour moi d’ouvrir le débat d’aujourd’hui. Je souhaiterais remercier les membres de la commission du Règlement pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en me chargeant de cette tâche difficile.

La commission du Règlement a toujours défendu clairement et constamment la position selon laquelle il faut aborder les questions importantes soulevées dans le rapport que je présente aujourd’hui sur la base d’un consensus constructif. La révision du Règlement de l’Assemblée en matière de pouvoirs des délégations nationales ne peut être justifiée que dès lors que cette procédure aide à renforcer l’Assemblée, de manière à ce qu’elle puisse mieux défendre les valeurs fondamentales de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. J’espère que cet exercice permettra d’atteindre son objectif principal, à savoir renforcer la cohérence, la légitimité et l’effectivité des mécanismes de l’Assemblée, de manière à garantir et défendre les valeurs et principes fondateurs de notre Organisation.

De plus, j’espère sincèrement que cet exercice sera utile tant à l’Assemblée qu’au Comité des Ministres, qu’il sera une véritable occasion de mieux comprendre la procédure de contestation des pouvoirs pour des raisons substantielles, à quoi elle sert, pourquoi et comment. Cette procédure, mise en place il y a plus de trente ans, témoigne de la vision commune de nos prédécesseurs. Notre Assemblée est unique en son genre. Comme toute autre institution, l’Assemblée parlementaire s’interroge sur la manière dont elle peut atteindre plus efficacement ses objectifs. Des débats de cet ordre se sont déjà tenus dans le passé. À l’approche du 70e anniversaire de l’Assemblée, il est d’autant plus important que ce débat prenne une nouvelle dimension.

Le débat d’aujourd’hui a été lancé dans un cadre précis. La question posée est de savoir si le Règlement – qui régit la contestation et le réexamen des pouvoirs des délégations nationales, leur droit de représentation et leur droit de participation – et les procédures de vote de l’Assemblée doivent être maintenus, changés ou renforcés. Voilà la question qui se pose à nous. Pour tous les membres de l’Assemblée, la réponse ne peut apparaître qu’à la lumière du cadre international de ce débat – nous y reviendrons. Pour parler de la question évidente qui dérange ( the elephant in the room), ce débat est perçu par beaucoup comme une étape clé pour nous assurer du retour sans conditions de la délégation nationale russe à l’Assemblée parlementaire – j’y reviendrai également.

En 2015, la délégation de la Fédération de Russie a décidé de ne pas transmettre ses pouvoirs à l’Assemblée parlementaire. Depuis, elle s’en est tenue à cette décision. Disons clairement que ni en 2014 ni en 2015 l’Assemblée parlementaire n’a décidé d’exclure la délégation russe de l’Assemblée.

L’Assemblée, pour condamner des violations du droit international, a pris une décision visant à priver cette délégation d’un certain nombre de droits. Peu après, le Gouvernement de la Fédération de Russie a informé le Conseil de l’Europe de son intention d’interrompre sa contribution financière au budget du Conseil de l’Europe, jusqu’à ce que sa délégation reprenne son travail au sein de l’Assemblée.

L’intention de la commission du Règlement n’est absolument pas de présenter un rapport visant à affaiblir, voire à abolir la procédure de contestation des pouvoirs, qui pourrait être lancée au titre de la violation par un État membre de ses obligations statutaires et engagements envers notre Organisation. Le rapport n’entend pas non plus mettre un terme aux sanctions visant la Fédération de Russie, au contraire.

Je souhaite insister sur le fait que, même si la situation de la délégation de la Fédération de Russie a été le phénomène déclencheur, ce débat ne porte pas sur la Russie. L’enjeu, c’est la procédure de non-ratification ou d’annulation des pouvoirs à la suite d’une violation grave des principes et valeurs du Conseil de l’Europe, pour des « raisons substantielles », comme le dit l’article 8 de notre Règlement.

Le débat porte donc sur la question de savoir si l’Assemblée parlementaire a, oui ou non, après trente années de pratique cohérente – à laquelle s’est jointe la compétence exclusive de mettre en place ces procédures –, acquis le droit d’imposer des sanctions à une délégation nationale à la suite de violations commises par le gouvernement du pays en question.

La réponse réside dans une dichotomie entre les pouvoirs attribués et les pouvoirs implicites. Ce problème juridique n’est pas en soi nouveau. La compétence de l’Assemblée parlementaire à sanctionner a été remise en question par la Russie. L’avis juridique sollicité par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe déclare également que seul le Comité des Ministres peut prendre la décision de suspendre les droits d’un État membre.

D’une part, l’avis juridique du Secrétaire Général laisse entendre que, lorsque les dispositions juridiques du Statut ne disent rien, l’Assemblée n’a pas compétence dans le domaine visé. C’est alors la Convention de Vienne, les traités et l’idée de la formulation expresse qui priment.

D’autre part, l’argument traditionnel pour contrer cette règle est qu’il est impossible pour le rédacteur d’un traité de prévoir toutes les difficultés auxquelles un organe peut être confronté dans le temps, car les pouvoirs attribués sont statiques. De ce fait, il est possible que des pouvoirs implicites naissent. Un tel mécanisme a été utilisé à plusieurs reprises pour élargir les pouvoirs des organismes internationaux. Cela a été le cas pour le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, qui dispose de pouvoirs qui ne figurent pas explicitement dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La théorie de la dichotomie entre les pouvoirs attribués et les pouvoirs implicites ne fournit pas de solution simple, ce qui explique les difficultés actuelles. La commission du Règlement défend une position légitime : elle estime que l’Assemblée peut engager une procédure de contestation des accréditations et demande au Comité des Ministres de le reconnaître.

La procédure a été mise en œuvre sur une base ad hoc, notamment à la suite des coups d’État intervenus en Grèce en 1967, à Chypre en 1974 et en Turquie en 1980. Cette approche ad hoc a été institutionnalisée par le biais du cadre fixé pour l’élargissement du Conseil de l’Europe, lequel est très différent de celui qui a été adopté par l’Union européenne. L’Union européenne a fixé des critères – les critères de Copenhague –, dont le respect conditionne l’entrée dans l’Union. Au sein du Conseil de l’Europe, les engagements souscrits par les candidats à l’adhésion ont vocation à être respectés après l’adhésion, ce qui est contrôlé au moyen de la procédure de suivi menée par l’Assemblée. Une telle procédure de suivi fait d’ailleurs défaut à l’Union européenne.

En ce qui concerne la Russie, à la suite d’une demande d’avis du Comité des ministres, l’Assemblée a invité le pays à devenir membre du Conseil de l’Europe en 1996. À l’époque, il était déjà clair que le respect des engagements ferait l’objet d’un suivi, conformément à la Directive 508 (1995), laquelle prévoyait la possibilité d’une non-ratification des accréditations d’une délégation pour des raisons substantielles.

La même procédure a été utilisée vis-à-vis de tous les nouveaux États, sans susciter d’objection de la part du Comité des Ministres. La question n’est donc pas de savoir si l’Assemblée peut agir comme elle l’a fait par le passé, notamment en 2014 et 2015 vis-à-vis de la Russie : ce qui est en jeu, c’est l’existence ou l’absence de vision commune de deux des Organes sur la portée et la finalité du Statut. Il s’agit de choisir entre deux approches conceptuelles différentes : accepter que la procédure de ratification des accréditations soit utilisée pour sanctionner le non-respect par un État membre des valeurs de l’Organisation ou le refuser.

Dans un souci de conciliation, il a été proposé de maintenir la procédure de contestation des pouvoirs en cas de violation des valeurs fondamentales tout en renforçant sa légitimité politique afin d’assurer la cohérence avec les objectifs visés.

En résumé, la proposition est de fusionner les articles 8 et 9, d’augmenter le nombre des membres requis pour engager la procédure de contestation des pouvoirs, d’augmenter également la majorité requise pour adopter une décision de non-ratification, de supprimer le retrait des droits de vote du catalogue des sanctions de l’Assemblée. L’avis sollicité par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe va dans le même sens.

Tous les membres de la commission du Règlement ont pu discuter de ces points ; la proposition actuelle, même si elle ne reprend pas toutes les suggestions exprimées, reflète le consensus global de la commission.

Enfin, les dispositions de l’article 25 du Statut du Conseil de l’Europe fixent les formes selon lesquelles les États parties doivent transmettre leurs pouvoirs à l’ouverture de la Session. Le non-respect de ces dispositions constitue une violation substantielle du Statut. La commission estime important de le souligner.

Je vous ai livré l’analyse juridique de notre commission : elle soutient que l’Assemblée a le pouvoir de refuser des accréditations en cas de violation substantielle du Statut. Je vous demande de la suivre en adoptant ce rapport.

LA PRÉSIDENTE – Madame la rapporteure, il vous restera 2 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. SCHWABE (Allemagne), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Le Conseil de l’Europe fait face à de graves difficultés dont nous reparlerons cette semaine. Outre des problèmes de corruption qui font l’objet d’une procédure, le fait que certains États ne respectent pas les règles du jeu constitue une difficulté majeure.

Je remercie les délégations et les groupes qui font preuve de responsabilité dans cette situation. Si les discussions ont été animées au sein du groupe auquel j’appartiens, elles se sont déroulées dans le respect mutuel.

La Russie, pays qui ne respecte ni les règles ni les frontières et qui se mêle de manière agressive des affaires intérieures d’autres pays, est évidemment au cœur de notre débat mais il ne s’agit pas seulement d’elle.

Nos règles sont-elles à la hauteur ou doivent-elles être actualisées ? Hier, nous avons envoyé un signal fort en décernant le Prix Václav Havel à M. Titiev. Aujourd’hui, nous ne devons pas faire de compromis sur les droits de l’homme et nos valeurs. Il faut faire preuve de logique et de responsabilité.

Je tiens à rendre hommage à Petra De Sutter pour ses propositions. Je suggère d’approuver ce rapport dans lequel sont proposées des règles qui nous permettront de relever les défis de demain. Un mot toutefois sur l’« analyse juridique » dont il a été question. Tous les Organes du Conseil de l’Europe peuvent naturellement consulter les juristes mais à l’avenir, de grâce, qu’ils s’entendent sur une procédure pour trancher de telles questions.

Une réunion de la commission du Règlement vient de se tenir. Des propositions ukrainiennes, britanniques et géorgiennes ont été approuvées. Envoyons un signal clair vis-à-vis de l’extérieur et des États membres : il ne s’agit pas là d’un compromis boiteux concernant les droits de l’homme. Nous adaptons tout simplement notre Règlement aux réalités du jour.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Notre Organisation fête ses 70 ans ; elle a joué un rôle éminent dans le renforcement des droits de l’homme en Europe. Mon groupe considère que ce rapport est examiné dans la précipitation. Il ne contient pas d’erreur, et nous tenons à rendre hommage à Mme la rapporteure, mais ne nous y trompons pas : si nous examinons maintenant ce texte, si le Comité des Ministres a accéléré la procédure, c’est pour que nous réintégrions la Russie.

Ainsi, nous changeons les règles pour faciliter le retour de ce pays dans l’Assemblée parlementaire. Il y a sans doute des arguments en faveur de sa réintégration – et nous pouvons ouvrir le débat sur le sujet –, mais ce n’est pas une bonne idée de jouer avec le Règlement pour parvenir à ce résultat. C’est d’ailleurs l’enseignement que l’on peut tirer des années 1930 : céder n’apporte rien.

Nous savons pertinemment que la Russie a envahi des États voisins. Ce matin encore, il a été établi qu’un médecin militaire russe avait accompagné un officier de la direction générale du renseignement russe – le GRU – dans les rues de Salisbury pour empoisonner des gens. C’est tout de même grave : il ne s’agit pas seulement de donner un avis juridique.

Le Comité des Ministres fait pression, tout comme le Secrétaire Général, mais leur analyse de la situation n’est pas un avis juridique, c’est bien une analyse politique. Nous pouvons nous aussi avoir notre propre analyse et ne pas céder à la tentative du Comité des Ministres de faire passer en force ce sujet. En fait, il ne s’agit pas vraiment ici d’une question de principe : c’est plutôt une question d’argent, parce que tous ces millions d’euros que les Russes ne nous ont pas donnés nous manquent.

Je ne suis pas contre la Russie. Personne ne veut l’exclure de cette Assemblée. Au contraire, nous souhaitons tous qu’elle revienne. Mais nous voulons qu’elle le fasse en modifiant sa façon de faire, et non en nous contraignant, nous, à modifier notre Règlement.

Nous sommes à un tournant, à un moment décisif pour notre Assemblée. À la fin de ce débat, notre groupe votera contre le rapport, non pas parce qu’il est fallacieux, mais parce qu’il faut établir le droit.

M. van de VEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Hier, notre groupe, réuni au grand complet, a longuement discuté de ce rapport relatif au renforcement du processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote. Nous avons tenu compte des travaux de la commission ad hoc du Bureau qui s’est réunie en septembre. Permettez-moi tout d’abord de remercier mes collègues pour leur contribution aux débats qui ont eu lieu au sein du groupe.

Nous avons eu un débat à la fois technique et politique. L’aspect technique consistait à savoir quelles dispositions nous allions approuver. Nous avons bien évidemment tenu compte également des aspects politiques, en nous référant aux valeurs fondamentales que sont l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Nous estimons que nous devons nous poser la question suivante : si nous votons pour ou contre le projet de résolution, quelles seront les implications ? Si le vote est favorable au texte, le seuil à atteindre pour réexaminer les pouvoirs des délégations pour des raisons substantielles sera relevé. Mon groupe a considéré cette démarche comme une atteinte à l’intégrité et à l’autorité de l’APCE et des autres organes consultatifs du Conseil de l’Europe. Voter contre pourrait également avoir comme conséquence que la Russie quitte le Conseil de l’Europe, ce qui pourrait priver certains citoyens d’États membres du Conseil de l’Europe de la protection apportée par l’Etat de droit et les droits de l’homme.

Notre groupe ne sait pas quelles sont les différentes options permettant de résoudre le conflit qui persiste depuis 2014. Il est vrai que la suspension de certains paiements n’a pas aidé notre Organisation. Au final, après de longs débats, la position de notre groupe a été la suivante : le Règlement actuel permet d’améliorer la situation sans qu’il soit besoin de le modifier. L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe votera contre le projet de résolution et le projet de recommandation visant à renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire sur les pouvoirs et le vote, notamment en ce qui concerne le réexamen des pouvoirs des délégations pour des raisons substantielles.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Mme De Sutter et la commission du Règlement ont proposé un projet de résolution qui, pour mon groupe, est un sage compromis. Il renforce le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote, comme l’indique si justement son titre.

Ce compromis a pu être atteint au sein de la commission du Règlement sur la base des discussions qui ont eu lieu cette année, en lien avec les travaux de la commission ad hoc du Bureau sur l’avenir du Conseil de l’Europe.

J’aimerais vous rappeler que la commission du Règlement est composée de représentants de tous les groupes politiques. C’est la raison pour laquelle je suis quelque peu étonné que, alors que la commission, à Paris, a approuvé quasiment à l’unanimité le rapport de Mme De Sutter, les deux premiers intervenants, s’exprimant au nom de leur groupe, appellent à voter contre ce rapport. On peut s’interroger sur ce qui s’est passé depuis. Si je peux donner mon avis personnel : rien.

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne considère, je le répète, que l’on est parvenu à un sage compromis.

Tout d’abord, le projet de résolution rappelle l’importance de la participation des délégations nationales. Celles-ci doivent être présentes à l’Assemblée parlementaire : d’où la proposition d’une majorité des deux tiers pour exclure une délégation nationale. Cela renforce la crédibilité de l’Organisation ainsi que le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire.

Les droits de vote d’une délégation parlementaire ne pourront plus lui être retirés, dans la mesure où il s’agit d’un des droits fondamentaux dont qui sont reconnus aux États membres de manière formelle par le Statut et la Convention. Là encore, il s’agit d’une proposition qui renforce notre système de prise de décision et rend plus crédible l’Assemblée parlementaire.

Enfin, le projet de résolution souligne le fait que cette Assemblée n’est pas une cafétéria où l’on choisit ce que l’on prend et ce qu’on laisse. Être représenté et présenter ses pouvoirs ne sont pas des droits : il est obligatoire de présenter ses pouvoirs, de même que de participer au Comité des Ministres. Il s’agit donc de clarifications apportées à notre Règlement.

Je remercie Mme De Sutter pour avoir formulé ces propositions. C’est un compromis. Mon groupe a, bien évidemment, son idée sur certains aspects de ce compromis – c’est le cas de tous les groupes politiques –, mais après que nous sommes parvenus, au sein de la commission du Règlement, à ce sage compromis, il ne me paraît pas très logique de retourner sa veste ainsi, en disant que tel ou tel groupe était certes favorable au texte mais que, finalement, au tout dernier moment, il se prononcera contre.

Je vous appelle donc à soutenir le projet de résolution et j’espère qu’après le grand débat qui s’annonce, une vaste majorité se dessinera en faveur de ce texte, et que cela permettra de créer un contexte dans lequel l’Assemblée pourra à nouveau être le terreau fertile d’actions positives, au lieu d’être le champ de luttes politiques négatives. Nous ne sommes pas là pour nous déchirer : notre rôle est d’agir pour l’Europe, et non pas contre qui que ce soit.

M. POCIEJ (Pologne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Je félicite Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a accompli. La majorité de mon groupe s’est prononcée en faveur de ce rapport. Le compromis peut être une bonne chose, tant dans la vie privée que dans la vie politique. Or le rapport peut ouvrir la porte à un compromis.

Cela dit, le Groupe PPE est suffisamment ouvert pour accepter que des opinions diverses s’expriment. Je me dois donc de souligner que ces changements nous sont imposés d’une manière qui nous inquiète. Nous n’oublions pas que, dans la vie, il faut suivre des règles. Nous n’oublions pas non plus les positions que nous avons adoptées dans le passé. Ce rapport pourrait bien changer les règles du jeu sans pour autant modifier la situation. À cet égard, nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que ce compromis nous soit proposé sous la pression financière.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège est en cours dans la rotonde située derrière la présidence. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez voter jusqu’à 13 heures.

Nous poursuivons notre débat.

Mme DURANTON (France) – Je veux d’abord saluer le travail de Petra De Sutter au nom de la commission du Règlement, qu’elle préside. Son rapport s’inscrit dans le cadre de la réforme de notre Assemblée, engagée par la commission ad hoc du Bureau sur son rôle et sa mission, et prend en compte la large consultation lancée auprès des délégations nationales.

Afin de renforcer le processus décisionnel de notre Assemblée, ce rapport émet des propositions relatives à la contestation ou au réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons substantielles, à la modification des conditions de vote des décisions de l’Assemblée dans ce domaine et à la restriction de la portée des sanctions que nous pourrions prendre envers nos collègues. Ces propositions sont opportunes, et je les approuve.

Cependant, permettez-moi d’aborder la question sous un angle plus politique que procédural. Comment en est-on arrivé là ? Il s’agit, pour notre Assemblée, de se sortir d’une situation plus que délicate dans laquelle elle s’est elle-même placée. Nous savons tous que ce rapport vise à régler la question de la participation de la délégation russe aux travaux de notre Assemblée.

Nos collègues russes, sans que leurs pouvoirs aient été stricto sensu annulés, avaient été privés en 2014 et 2015 de plusieurs de leurs droits à la suite de l’annexion illégale de la Crimée et des troubles dans l’est de l’Ukraine. Ils avaient alors décidé de ne plus siéger sur nos bancs, avant que la Russie annonce ne plus vouloir verser sa contribution au budget du Conseil de l’Europe. Lors de ses débats de 2014 et 2015, l’Assemblée s’était placée sur le terrain des valeurs et de leur respect, en cohérence avec le mandat que lui a confié le Statut de 1949. Je vous invite à relire la Résolution 1990 (2014), la Résolution 2034 (2015) et la Résolution 2063 (2015).

En janvier 2015, notre Assemblée demandait à la Russie « d’annuler l’annexion illégale de la Crimée », de « retirer du territoire ukrainien toutes ses troupes, y compris les forces qu’elle y a déployées clandestinement », et de « s’abstenir de fournir des armes aux forces insurgées ». Après avoir vanté les mérites de l’Accord de Minsk, nous en appelions également au dialogue. Au mois de juin suivant, l’Assemblée regrettait « profondément l’absence manifeste de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre » de ses résolutions antérieures et dénonçait le manque de volonté de la Russie « d’honorer les engagements contractés lors de son adhésion s’agissant de ses relations avec les États voisins ». Quatre ans après ces fortes paroles, la Russie est toujours en Crimée – et pour longtemps – et continue d’alimenter le conflit dans le Donbass.

« Le Règlement de l’Assemblée ne saurait être instrumentalisé », écrit Petra De Sutter dans son rapport. Au moment de voter, je vous invite, mes chers collègues, à vous rappeler les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

M. RUSTAMYAN (Arménie) – Je veux tout d’abord féliciter Mme la rapporteure pour son travail très important et qui est adapté à la situation actuelle. Même s’il ne le fait pas de façon directe, le rapport soulève des questions graves concernant l’avenir même de notre Organisation. À la veille de la célébration de son 70e anniversaire, et à la suite d’un appel pour un 4e Sommet du Conseil de l’Europe, il est indispensable que l’Assemblée s’interroge sur la pertinence, l’efficacité et la légitimité de ses procédures au regard des buts qu’elle s’est fixés. Il est également nécessaire de faire évoluer nos pratiques, pour mieux garantir les principes et valeurs qui nous réunissent, et ainsi réaffirmer l’unité européenne.

Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée, c’est rendre crédibles nos décisions en général et garantir leur légitimité et leur autorité. À cet égard, le scandale lié à la corruption au sein de l’Assemblée parlementaire avait déjà fait peser une grave menace sur les valeurs fondamentales que défend le Conseil de l’Europe et avait discrédité l’autorité de ses décisions.

Certains de nos collègues ne recherchent que le contexte russe dans ce rapport. Même si c’est le cas, il est clair qu’il n’y a de place pour aucun compromis quant à nos valeurs universelles. Mais, dans le même temps, il ne faut pas oublier que notre Assemblée est aussi un forum paneuropéen de dialogue interparlementaire. La participation et la représentation de tous les États membres dans les deux organes principaux ne font que renforcer la crédibilité de notre Organisation. Aujourd’hui, le rôle et la mission du Conseil de l’Europe sont de mettre un terme à la tendance de désintégration, pour conserver une grande Europe fondée sur un patrimoine commun à tous les Européens.

M. NICK (Allemagne)* – Certes, nous devons prendre aujourd’hui une décision grave, mais ce n’est quand même pas une question de vie ou de mort pour l’Assemblée parlementaire ou le Conseil de l’Europe et ses valeurs.

Je voudrais remercier Mme De Sutter et la commission du Règlement pour le travail préparatoire qu’ils ont effectué. Toutefois, comme certains collègues, je déplore le lobbying agressif, les insultes, le harcèlement et les commentaires déplaisants qui ont circulé sur les réseaux sociaux. On peut imaginer d’où viennent ces attaques.

Nous parlons aujourd’hui de notre Règlement. Nous ne nous prononçons pas sur la situation en Russie ou dans certains États voisins. En ce qui concerne l’annexion de la Crimée, le conflit dans l’est de l’Ukraine et ou les droits de l’homme en Russie, notre position n’a pas évolué d’un iota. J’ai déjà plaidé à plusieurs reprises pour que nous traitions séparément les différents points et que, le cas échéant, nous adoptions une nouvelle résolution. En ce qui concerne l’aspect financier, je voudrais répéter que nous ne sommes pas près de céder au chantage – et j’espère que l’ensemble du Conseil et de ses membres pense de même.

Il y a quand même une attente légitime. Le Conseil de l’Europe est un forum d’échange et il faut aussi pouvoir dialoguer avec des personnes auxquelles on adresse des critiques. Par ailleurs, de nombreuses personnes se mobilisent sur le plan des droits de l’homme. Je souhaite que les citoyens russes conservent un accès à la Cour européenne des droits de l’homme. Le devenir d’un État et son exclusion du Conseil de l’Europe sont des questions très graves que l’Assemblée ne saurait trancher seule.

Certes, les interrogations sont nombreuses quant à la date de publication de l’analyse juridique, mais ne nous mettons dans tous nos états pour cela ; ne nous excitons pas outre mesure. Il s’agit d’un avis juridique. Pour notre part, nous devons trancher en termes politiques et nous poser la question de la coopération entre les différentes institutions du Conseil de l’Europe. Ne perdons pas cela de vue. Personne n’aurait intérêt à susciter un conflit interinstitutionnel ou à aggraver le conflit entre l’Assemblée et le Comité des Ministres. Le rapport De Sutter et les amendements qui ont été adoptés en commission constituent une bonne solution pour nous permettre de continuer nos travaux. En mon nom ainsi qu’en celui de la majorité de la délégation allemande, je puis d’ores et déjà vous indiquer que nous voterons le texte proposé par la commission du Règlement.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Je voudrais tout d’abord dire combien nous apprécions le travail effectué par la rapporteure, Mme De Sutter, qui a fait de son mieux pour présenter un rapport équilibré sur un thème qui prête à controverse.

À travers ce rapport, nous cherchons un compromis, mais il ne doit pas être fait que d’un côté. Nous ne saurions accepter de créer un précédent : lorsqu’un pays ignore les obligations qui lui sont imposées par le Conseil de l’Europe, il ne peut pas jouir d’un traitement spécial. Certains estiment que nous devons modifier notre Règlement pour permettre à la Russie de ne pas faire face à ses responsabilités. Heureusement, d’autres ne sont pas du même avis.

Nous ne voulons pas que la Russie soit exclue du Conseil de l’Europe. Nous voulons qu’elle continue à en être membre, mais pas au moyen d’un compromis dans lequel une seule partie consent des efforts. Les efforts doivent venir des deux côtés. Nous n’acceptons pas davantage de pression financière. Notre Organisation s’en trouverait affaiblie et sa réputation ternie.

Nous sommes membres du Conseil de l’Europe et nous devons être forts, plus forts, essayer de trouver une autre façon de régler le conflit entre l’Assemblée parlementaire et la Fédération de Russie. Ensemble, nous devons respecter nos responsabilités vis-à-vis de l’Organisation. Nous espérons que, à travers le processus engagé aujourd’hui, nous prendrons une décision permettant de penser que nous aurons vraiment fait de l’Assemblée parlementaire une institution encore plus forte, qui n’affaiblit pas le Conseil de l’Europe. Sans mettre en cause nos valeurs, sortons de l’impasse !

M. BECHT (France) – Madame la Présidente, mes chers collègues, la proposition qui nous est soumise aujourd’hui nous place devant un choix impossible.

En effet, si nous votons contre, nous risquons concrètement de pousser la Russie vers la sortie du Conseil de l’Europe. Ce serait une catastrophe à la fois pour les 140 millions de Russes qui seraient privés d’un accès à la Cour européenne des droits de l’homme et pour l’Europe tout entière, qui verrait une Russie humiliée se replier encore davantage sur elle-même et retrouver la fierté de son peuple à travers des politiques impérialistes qui menaceraient la stabilité de l’Europe.

Mais si nous votons pour, alors que la Russie n’a fait aucun effort en Ukraine – et particulièrement en Crimée – depuis 2014, nous donnerions l’impression que de petits arrangements juridiques et un rétablissement partiel des droits de vote de la Russie seraient plus importants que nos valeurs.

Cette solution serait également catastrophique, car ce qui s’est passé en Ukraine est probablement la chose la plus grave qui soit intervenue en Europe, en termes d’annexion de territoire d’un État par un autre État, depuis les années 1930.

La situation me fait penser aux mots de Churchill, lorsqu’on avait avalisé l’annexion des Sudètes : « Vous avez eu à choisir entre le déshonneur et la guerre ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre. »

Parce qu’il est impossible de choisir entre le déshonneur et la guerre, parce qu’il est impossible de choisir entre l’exclusion de la Russie au nom des valeurs et son maintien au prix d’un renoncement aux mêmes valeurs, il est impératif d’imaginer une troisième voie, permettant de sortir par le haut de la crise.

Cette voie consiste, à mon sens, Monsieur le Secrétaire Général, à trouver, par une réforme audacieuse de l’Organisation, à l’occasion de son 70e anniversaire, les sujets qui fédèreront les États et les citoyens européens, qui les conduiront à dépasser leurs divergences et surtout à respecter le socle fondamental de notre institution, à savoir l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Vous l’aurez compris, je ne voterai pas la proposition de la commission en l’état, car je ne peux me résoudre aux petits arrangements, lesquels n’ont jamais apporté que des catastrophes dans l’histoire de l’Europe.

Mais je vous exhorte, mes chers collègues, à travailler sans tarder à une réforme profonde de notre Institution et au réveil du rêve européen. Osons dépasser nos querelles par le haut. Osons imaginer les projets concrets qui uniront les États et les hommes. Osons transcender l’Europe pour améliorer la santé, trouver les thérapies qui vaincront le cancer. Osons rechercher ensemble les énergies de demain. Osons créer l’économie circulaire pour arrêter de puiser dans les ressources de la planète et de les épuiser. Osons bâtir ensemble les nouveaux moyens de transport non polluants. Osons retrouver le chemin de la conquête spatiale pour ne pas laisser le champ aux seuls Américains et Chinois.

Il est temps de retrouver l’audace, la vision, la foi et le courage des pères fondateurs. C’est cela, et non les petits arrangements technico-juridiques, qui sauvera l’Europe et le Conseil de l’Europe.

LA PRÉSIDENTE – Mme Tomić et Mme Miladinović, inscrites dans le débat, ne sont pas présentes dans l’hémicycle.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Le rapport a été élaboré avec beaucoup de soin. La commission du Règlement s’est penchée dessus longuement. Il a été adopté à l’unanimité des votants – je le précise car certains n’ont pas voté : il y a eu quelques abstentions et certaines personnes sont sorties de la salle avant le vote.

Le rapport a donc été examiné sous toutes les coutures, mais à la lumière de l’analyse juridique demandée par le Secrétaire Général, il me semble que nous devons en reporter l’adoption et revoir notre travail. En tout cas, il est clair à mes yeux que, si nous adoptons ce texte, il faut le faire sans amendement. Il ne faut pencher ni dans un sens ni dans l’autre. Mme De Sutter a été claire : ce n’est pas un rapport sur la Fédération de Russie, c’est un rapport sur le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Évidemment, « il y a un éléphant dans la salle », nous le savons, il faut en prendre acte. Hier, lors du Comité mixte, le représentant britannique a dit que c’était une première étape, un premier pas dans la bonne direction. Mais il serait bien aussi que la Fédération de Russie, en signe de bonne volonté, paie ses contributions à l’Assemblée et au Conseil de l’Europe. Il est clair que la Russie n’est pas prête à faire ce geste de bonne volonté. Au contraire, son représentant a été menaçant en disant : « Si nous n’obtenons pas ce que nous voulons, il y aura des conséquences. »

Excusez-moi, Madame la Présidente, mais je crois que nous devons aujourd’hui émettre un message très clair, comme nous l’avons fait par le passé. L’Assemblée parlementaire, l’assemblée des élus, l’institution élue du Conseil de l’Europe n’est pas à vendre, quel que soit le prix. Nous ne saurions céder au chantage. J’espère que nous allons examiner le rapport avec sérieux tout au long du débat. Ensuite, j’espère que nous pourrons trancher sur un éventuel renvoi en commission, sur l’approbation du rapport ou son rejet.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Je souhaiterais faire quelques remarques qui ne concernent pas directement le rapport. Celui-ci a été rédigé de façon appropriée. Il est équilibré. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Je viens d’un ancien pays communiste. Dans les régimes dictatoriaux en général – l’Union soviétique n’en est pas le seul exemple - on aime faire des plaisanteries, on raconte des histoires, on utilise des métaphores, notamment animalières – bref, on parle de manière détournée. C’est désormais le cas aussi au Conseil de l’Europe : tout le monde dit que ce dont nous discutons là n’a rien à voir avec la Russie, alors que nous savons qu’il s’agit bel et bien d’elle.

Le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire ont fonctionné pendant pratiquement 70 ans sans que l’on constate des problèmes concernant les pouvoirs, et tout à coup il faudrait créer une commission ad hoc pour examiner le Règlement, qui n’aurait bien évidemment rien à voir avec la Russie ! Il y a eu une centaine de propositions pour amender le Règlement, et l’on choisit précisément de s’attacher à la question des pouvoirs, toujours sans que cela n’ait rien à voir avec la Russie !

Certains journalistes me demandent : « Pourquoi voulez-vous exclure la Russie ? ». Je réponds que personne n’a expulsé la Russie, que les parlementaires russes pourraient parfaitement siéger dans cet hémicycle, mais qu’ils se sont exclus eux-mêmes. Si l’on veut réellement réintégrer la Russie, demandons à Moscou pourquoi sa délégation parlementaire ne siège plus ! Il ne faut pas inverser les rôles ! Nous pouvons certes changer le Règlement, mais cela nous permettra-t-il de résoudre le problème ?

On ne peut pas résoudre un problème politique ou moral en changeant des règlements purement techniques. On peut bien discuter de la couleur précise du feu de circulation, mais cela ne change rien au fait que si une voiture est passée au rouge, elle a commis une infraction. Que l’Assemblée vote ou non ce rapport ne changera pas le fond de la question, qui reste un problème politique et moral que l’Assemblée doit traiter.

M. CEPEDA (Espagne)* – Il faut nous demander ce qu’est le Conseil de l'Europe ! Cette institution née il y a 70 ans ne doit pas être seulement un lieu de débats.

La décision politique prise voici trois ans par l’Assemblée parlementaire de condamner l’intervention de la Russie en Crimée est importante. On a tendance à dire que les décisions politiques ont été prises en vertu du Règlement, alors que ce n’est pas toujours la vérité.

Notre Organisation s’inscrit dans un système multilatéral, qui comprend notamment les Nations Unies. Or certains pays ont proféré des menaces économiques au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies, en ce qui concerne le financement de l’Unesco ou l’Accord de Paris concernant le climat. La situation actuelle du Conseil de l'Europe me paraît similaire.

Certes, la Russie fait partie de notre Organisation et il est essentiel que nous tenions compte de chaque pays. De même que nous avions pris une décision politique au moment de l’intervention russe en Crimée, laquelle ne se basait pas seulement sur le Règlement, nous devons prendre aujourd’hui une décision politique. Nous représentons 850 millions de personnes qui doivent être informées des décisions que nous prenons, lesquelles reposent sur l’essence même de la démocratie, des droits de l'homme et de l’État de droit.

Si la commission du Règlement réunie à Paris prend une décision, elle ne doit pas changer d’avis par la suite. Soyons cohérents ! Il en va de l’intégrité de l’ensemble de notre Organisation.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Madame De Sutter, merci pour votre travail engagé et intègre. Je suis membre de cette Assemblée depuis 1993. En 1996, nous tenions déjà de grands débats sur les obligations de la Russie, en particulier en ce qui concerne la peine de mort. La Russie n’a suivi aucune recommandation en ce qui concerne le retrait de sa 14ème armée de la Transnistrie, sa désastreuse politique de voisinage, ou encore l’assistance aux anciens déportés du Goulag en Sibérie.

Cette discussion a lieu parce que la contribution de la Russie s’élève à 10 % de notre budget, alors que nous devrions prendre une décision sans cette pression. C’est un peu comme si on nous appliquait un revolver sur la tempe ! Tous les États membres ne pourraient-ils pas mettre la main à la poche pour compenser ce montant afin que nous prenions sereinement les discussions concernant nos procédures ?

Je soutiens les amendements proposés, en particulier le passage à une majorité des deux tiers pour certaines décisions. J’accepte tout sauf la pression qui nous est imposée par le budget et le Secrétaire Général ! Nous avons tous soutenu le Secrétaire Général, mais la manière dont il s’est comporté la semaine dernière est totalement inacceptable. En effet, le Comité des Ministres a mis l’Assemblée parlementaire sous pression en nous imposant un avis sur la manière dont doit fonctionner notre Assemblée.

Ma mère a été déportée dans un camp de concentration ! Alors que l’Europe est enfin le lieu de la démocratie, nous constatons aujourd’hui un radicalisme de combat.!

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Zingeris, je vous prie de tenir des propos respectueux et de ne pas porter des accusations injustifiées qui n’ont pas leur place dans cette enceinte.

M. WASERMAN (France) – Madame la Présidente, chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer la qualité du travail qui a été entrepris par la rapporteure et par la commission du Règlement.

Il est nécessaire de nous interroger de manière continue sur le bon fonctionnement et sur l’efficacité de nos procédures. Il en va de la pérennité du grand projet qui nous rassemble.

Cette proposition de réforme de notre Règlement intervient à un moment déterminant pour l’avenir du Conseil de l’Europe : les valeurs et les principes que nous défendons depuis plus de 70 ans sont plus que jamais malmenés et remis en question, et il nous appartient, à nous parlementaires de cette Assemblée, de défendre cette communauté de principes, de valeurs et de droits !

Dès lors, mes chers collègues, j’ai la conviction qu’on ne peut pas refondre des règles aussi importantes, redéfinir toute la partie de nos procédures relative à la contestation des pouvoirs des délégations, et donc qui touche au cœur de nos moyens d’action, si la crise que l’on essaie de résoudre est le problème conjoncturel de la réintégration de la délégation russe.

La Russie doit pouvoir être un de nos partenaires au sein du Conseil de l’Europe, et ce à la fois au nom de la pérennité de l’Institution, des droits et libertés des citoyens russes, et de la paix en Europe.

Toutefois, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas prendre des décisions aussi importantes pour de mauvaises raisons conjoncturelles. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas décider d’affaiblir nos procédures de contestation, et donc affaiblir notre Assemblée, au motif que nous cherchons une solution à la crise russe. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas sacrifier nos pouvoirs d’action, donc nos valeurs fondamentales, sur l’autel d’une Realpolitik que je comprends, mais qui atteint là ses limites.

Il suffirait, à mon sens, de maintenir les règles actuelles en matière de procédures de contestation, notamment la règle de la majorité simple, pour rééquilibrer le texte. Cela fait l’objet d’amendements que nous étudierons.

Mais en l’état, mes chers collègues, j’ai la conviction que c’est la liberté et l’honneur de la diplomatie parlementaire que de prendre aujourd’hui nos responsabilités et de dire non à cette proposition. C’est à nous, soit de rééquilibrer le texte, soit, sereinement mais avec détermination, de dire non.

M. LOUCAIDES (Chypre)* – Permettez-moi tout d’abord de féliciter Mme De Sutter de son excellent travail. Je veux également dire combien nous sommes satisfaits de la proposition de compromis qui nous est présentée aujourd’hui sur un thème particulièrement important dont nous avons discuté au cours des dernières années.

Nous sommes tous d’accord, je crois, pour considérer que, quelles qu’elles soient, les modifications au processus décisionnel de l’Assemblée que nous adoptons doivent améliorer l’efficacité de celle-ci. Elles ne doivent pas dissimuler des prétextes politiques, ni cibler ou exclure un État membre en particulier.

En outre, nul ne peut nier que chaque organisation doit fonctionner dans le respect de son statut, avec un ensemble de règles et de principes auquel tous les États membres de l’Organisation doivent se conformer. Dans les cas où une violation du fonctionnement de l’Organisation est établie, il faut appliquer des sanctions spécifiques, précises et complètes.

N’oublions pas qu’il existe une distinction claire entre les assemblées parlementaires telles que la nôtre et d’autres organes internationaux où les gouvernements sont représentés. Par nature, le fonctionnement des assemblées parlementaires s’appuie sur leur pouvoir de persuasion, sur le poids et la crédibilité de leurs recommandations, et non sur des sanctions et des exclusions.

Lorsque tous les autres forums de communication et de discussion n’existeront plus, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devra rester un forum ouvert, un lieu de dialogue et de communication pour les représentants démocratiquement élus, en particulier quand ils représentent des pays accusés ou coupables de violations répétées des principes de l’Organisation.

Dans ce contexte, la situation empire encore, à l’opposé des valeurs de l’Organisation, lorsqu’un État membre choisit de participer aux travaux de celle-ci au niveau intergouvernemental, par le biais du Comité des Ministres, mais que ses représentants élus, même ceux de l’opposition, sont privés de leurs droits fondamentaux au sein de l’Assemblée. En pareil cas, non seulement le gouvernement de cet État membre n’est pas tenu responsable des violations répétées qu’il commet, mais il se peut même que certains de nos collègues, membres de l’opposition, victimes de leur gouvernement, voire persécutés dans leur pays, soient ceux qui sont punis.

Voilà pourquoi, depuis le début, le Groupe pour la gauche unitaire européenne considère, eu égard aux sanctions imposées, qu’il ne serait pas juste de nier à une délégation nationale le droit de s’exprimer, de voter et de participer à l’élection des membres des autres organes du Conseil de l’Europe.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Le titre du rapport prête à confusion : il aurait pu être « Réponses aux activités de la Fédération de Russie ». C’est la Russie, en effet, qui est le problème dont on veut éviter de parler. Il est très difficile de détacher la réalité politique de la Russie des amendements techniques qui nous sont présentés.

Certains disent qu’il faut exclure la Russie de notre Organisation, d’autres qu’il faut accepter son retour inconditionnel. Pour ma part, je suis favorable à un retour sous conditions, comme le préconise le rapport. Cela soulève des questions à la fois juridiques et politiques.

Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour dire que le comportement de la Russie devrait être sévèrement critiqué. Il doit y avoir une limite à ne pas franchir sous peine d’être frappé de sanctions, des sanctions pour « raisons substantielles ».

Or on ne saurait ignorer le nombre élevé d’événements regrettables impliquant la Fédération de Russie, parmi lesquels l’empoisonnement perpétré à Salisbury par des membres du GRU se faisant passer pour des touristes ou le hacking survenu aux Pays-Bas, sans parler de l’invasion de la Géorgie et de l’Ukraine, de l’ingérence dans les élections démocratiques, de la guerre cybernétique, des menaces contre les États baltes, et maintenant la menace agitée par la Russie de ne plus verser de cotisation à notre Organisation. Faut-il que nous nous pliions en quatre pour faire revenir les Russes ?

J’ai lu l’analyse juridique qui nous est proposée ; ce que je questionne, c’est l’origine même de ce document. Comme avocat, je souhaiterais que nous disposions d’un avis juridique contraire.

La relation entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire est fondamentale. Par le passé – et conformément au Statut, d’ailleurs –, nous étions décrits comme une assemblée consultative. Cela a été modifié en pratique dans les années 1970, mais le rapport montre que cela n’a pas véritablement changé. Or l’Assemblée parlementaire que nous sommes doit être responsable de ses procédures, y compris des sanctions que nous imposons.

Comment résoudre le problème russe ? Notre débat porte sur le Règlement, mais j’admets qu’il y ait ici une proposition de compromis. Ce compromis est-il acceptable dans les circonstances présentes ? Il soulève de nombreuses réserves. Personnellement, je suis toutefois disposé à l’accepter, et je voterai pour.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – En général, quand les politiques n’arrivent pas à trouver un accord, ils s’en réfèrent au Règlement. C’est exactement ce qui se passe ici. Permettez-moi d’exprimer toute ma gratitude à Mme De Sutter et à la commission du Règlement, qui a pris la responsabilité de rédiger ce rapport alors que c’était très difficile, surtout dans la situation dans laquelle nous sommes. Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui nous permet de réfléchir de façon plus approfondie, de nous demander où nous en sommes, quelle est la direction à suivre et ce que nous devons faire dans un avenir proche.

Je pense que cette démarche de compromis est saine et bonne. Mais la vraie question est la suivante : ne devons-nous nous protéger que par les règlements ? Pour moi, non ! Car le problème auquel l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe en général sont aujourd’hui confrontés est aussi dû à la crise des valeurs, à la crise face aux nouveaux défis que nous avons à relever. Car le monde a changé, et de nombreuses difficultés sont apparues.

De mon point de vue, immédiatement après ce rapport, nous devrions modifier la composition des commissions, créer de nouvelles commissions, par exemple une commission de conciliation entre les États membres au sein du Conseil de l’Europe. Car nous souffrons les uns à cause des autres et non à cause du reste du monde ! Il y a l’occupation par l’Arménie d’une partie de notre territoire, les problèmes de l’Ukraine, de la Géorgie, de la République de Moldova, de la Fédération de Russie. Nous devrions en tirer les conclusions en modifiant nos valeurs principales et en développant un véritable respect dans cette Assemblée : le respect pour nos cultures, pour les organes internationaux reconnus et pour chacun des 47 États membres de l’Organisation, cette Organisation qui nous permet de discuter de tout avec tout le monde et de conseiller nos gouvernements.

Mme SMITH (Royaume-Uni)* – Je me réjouis de ce débat et souhaiterais féliciter la commission du Règlement, ainsi que sa présidente, Mme De Sutter, pour sa démarche vigoureuse. En tant qu’élue, je soutiens les trois principaux objectifs de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe : primauté du droit, des libertés individuelles et des libertés politiques. La vérification du pouvoir des membres contribue bien sûr fortement au maintien de ces principes. Ce droit d’examen des délégations nationales est essentiel en ce qu’il permet à l’Assemblée de maintenir son intégrité à la fois politique et morale. Or ce droit a été remis en question par une analyse juridique qui complique beaucoup les choses.

Nous devons absolument réfléchir à deux fois avant de prendre une décision qui risque de permettre à des États membres transgressant nos règles de s’en tirer sans aucune sanction. En vertu de l’article 8 du Statut, le Comité des Ministres dispose du pouvoir de suspendre un État membre. Pourtant, cet article n’a jamais été appliqué en dépit de toutes les actions inappropriées commises par des États membres. Selon moi, le rapport fait des concessions trop larges à ces États.

Hier, à l’occasion du Comité mixte réunissant les membres du Bureau et les ambassadeurs, l’ambassadeur adjoint de la Fédération de Russie a déclaré : « Si le rapport n’est pas adopté, le Conseil de l’Europe en subira les conséquences ». En tant que parlementaire, je ne me laisse pas acculer à une prise de décision. Je considère que nous ne devons pas nous laisser harceler par le Comité des Ministres. C’est l’intégrité de l’Assemblée parlementaire qui doit primer dans le débat d’aujourd’hui. Certains États membres, comme la Russie, transgressent nos règles. Si nous voulons les conserver parmi nous, tel est notre choix, mais j’aimerais que les membres de l’Assemblée y réfléchissent. La présence de ces États en notre sein va-t-elle changer quoi que ce soit ? Le fait que leurs parlementaires siègent dans notre Assemblée va-t-il faire changer leur gouvernement ? Je ne le pense pas. Le dialogue en sera-t-il facilité ? De nouveaux ponts seront-ils lancés ? Non, la Russie veut diviser, briser les liens. C’est pourquoi j’appelle les membres de notre Assemblée à réfléchir avant de voter en faveur du rapport.

LA PRÉSIDENTE – Je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme est en cours dans la rotonde située derrière la présidence. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez voter jusqu’à 13 heures.

Nous reprenons notre débat sur le rapport.

M. ARIEV (Ukraine)* – Quel est le titre de ce rapport ? « Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire ». Les propositions du rapport renforcent-elles ce processus ? Celui-ci gagne-t-il en fiabilité ? Soyons sincères, la Fédération de Russie est derrière ce thème qui nous occupe aujourd’hui. Cela nous a été confirmé par les différents porte-parole du Conseil de l’Europe, selon lesquels le problème est bien celui du droit de vote de la Russie. À nous maintenant de bien comprendre la situation. Rappelons-nous le processus de ces dernières années : un comité ad hoc a recueilli un certain nombre de propositions visant à améliorer le fonctionnement de notre Assemblée. Or, dans le présent rapport, nous n’abordons que trois points qui respectent totalement les requêtes de la Fédération de Russie : celle-ci ne quitte pas le Conseil de l’Europe, mais seulement son Assemblée, en guise de protestation parce que nous aurions limité ses droits. Voyez-vous ce qui se passe en Ukraine ? Notre pays souffre au quotidien, nous déplorons des morts chaque jour. Que se passe-t-il en Syrie ? Ajoutez à cela les attaques à Salisbury et les ingérences dans les élections de certains pays. Nous devrions pouvoir évoquer tous ces sujets, mais c’est la Russie qui a volontairement décidé de ne plus échanger avec nous.

La Russie impose ses conditions et nous nous posons la question de les accepter ou non, et sous quelle forme. C’est une situation tout à fait étrange. Nous devons nous en tenir à nos principes, qui ne peuvent être remis en question. Ne pas respecter nos principes serait un véritable problème. Nous devons éviter l’humiliation, essayer d’obtenir aussi bien les fonds prévus statutairement que le respect des principes. La Russie a été responsable à différentes reprises au cours des dernières années d’un certain nombre de violations de ces principes. Nous devons nous montrer fermes, camper sur nos positions. Si la Russie veut miner le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire de l’extérieur, imaginez-vous ce qui se passerait si les représentants russes siégeaient encore au sein de notre Assemblée ? Ce débat exige la plus grande attention. Tenez compte de ce qui se passe en Ukraine. Avant 2014, notre pays était sûr. Si vous pensez que votre pays est sûr aujourd’hui, rappelez-vous ce qui s’est passé chez nous. Restons fidèles à notre ligne et nous resterons ainsi plus forts.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – L’attachement aux principes et la détermination sont des qualités essentielles qui donnent un pouvoir supplémentaire à toute organisation internationale. Nombre de débats et de rapports préparés par l’Assemblée parlementaire ces dernières années sont le reflet de cet attachement et de cette détermination. Il peut y avoir parfois des hésitations à rendre publiques des évolutions négatives qui pourraient porter préjudice à la réputation de l’Organisation. Néanmoins, nous pouvons louer l’Assemblée parlementaire qui a su mener la lutte contre la corruption au sein de l’Organisation et souhaité un débat ouvert plutôt qu’à huis-clos. Nous pouvons nous féliciter également du fait que l’Assemblée soulève la question de la prise de décision et du manque d’objectivité dans la manière dont des décisions sont parfois prises. Au cours des débats, nous n’avons pas peur de formuler des accusations et de pointer les problèmes. En cas de maladie, il faut savoir souffrir pour se remettre, il faut accepter des traitements.

En tant que Parlement des parlements et avec ses 47 États membres, l’Assemblée parlementaire rencontre des difficultés de fonctionnement. Nous n’arrivons pas à prendre des décisions. Nous devons chercher la racine du mal afin de l’éradiquer. À défaut, des instructions continueront d’être données à certains. Ce mal qui ronge l’Assemblée, c’est la discrimination, une approche différenciée selon les États membres. Quand deux États membres violent notre Règlement, par exemple quand l’un occupe l’autre mais que seul l’autre fait l’objet d’une sanction sévère alors que le premier s’en tire sans sanction aucune, nous sommes dans la situation du vaincu. Une telle approche donne l’impression que l’Assemblée parlementaire ne fait pas ce qu’elle peut pour régler le problème. Quelle que soit l’importance du nombre de rapports, quelles que soient vos demandes, vous n’atteindrez pas ainsi les objectifs qui devraient être ceux de l’Assemblée. Ce n’est que lorsque l’Assemblée aura changé de mentalité qu’elle pourra devenir une vraie famille, non pas une famille composée de vrais membres et de pièces rapportées, mais une famille saine et cohérente, qui considère tous ses enfants de la même manière. Si nous pouvons y parvenir, il n’y aura plus de décisions injustes, plus de votes entachés de fraude, plus de chuchotages en coulisse sur la corruption.

M. WILSON (Royaume-Uni)* – Je souhaite lancer un appel à tous les présents. Une question fondamentale se pose. Un État membre est prêt à utiliser des armes chimiques dans une petite ville d’un autre État membre de notre Organisation, est prêt à saboter le travail d’une organisation internationale, viole l’intégrité d’un pays – voire de deux pays –, mine le processus démocratique des États membres par des attaques cybernétiques, dissémine la crainte et la peur – voyez nos interrogations quant à son implication et son rôle dans le Brexit –, menace les États baltes, etc. Et nous, nous nous demandons que faire concernant les pouvoirs de cet État membre ? Il ne faut pas tout confondre. Nos principes démocratiques, l’État de droit et les droits de l’homme doivent être respectés. Nous les défendons depuis des décennies au sein de cette Assemblée. Ils ne peuvent être bafoués. Nos valeurs ne sont pas à vendre. Gardons à l’esprit ces principes en examinant ce rapport, et agissons ensemble.

M. NÉMETH (Hongrie)* – Le travail réalisé pour l’établissement de ce rapport est un excellent exemple. Il a fallu deux ans pour surmonter une crise institutionnelle et politique très grave au sein du Conseil de l'Europe. Voilà une fenêtre ouverte, malgré son étroitesse. Le Conseil de l'Europe et le Groupe du Parti populaire européen sont divisés. Il n’est jamais bon de l’être, chacun le ressent dans cet hémicycle. Mais une profonde division peut aussi mener à un bon compromis. Elle peut créer une empathie des uns envers les autres, et chacun peut mieux comprendre la réflexion de tous.

Résoudre une crise institutionnelle n’est pas possible sans processus politique cherchant à définir les causes mêmes de la crise. Le rapport, en soi, ne pose pas de problème fondamental. Néanmoins, il soulève un conflit juridique avec l’analyse réalisée à la demande du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

Qu’en est-il du processus politique ? Il semble absent. Quel message politique voulons-nous aujourd’hui donner en votant ? Les Accords de Minsk ne sont pas mis en œuvre. La Fédération de Russie continue d’occuper l’Ukraine, ainsi que les territoires de la Géorgie et de la République de Moldova. L’Ukraine connaît aussi de graves problèmes de respect de l’État de droit sur son territoire. Compte tenu d’une situation des plus complexes, notre action doit être guidée par le principe de solidarité avec les nations menacées, que ce rapport soit adopté ou rejeté.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Nous sommes sur le point de faire une croix sur 70 ans d’activité de l’Assemblée parlementaire, comme si on allait finir de jouer sur un ordinateur. Nous prenons des décisions qui ne sont pas respectées depuis des décennies. Voyez certaines occupations, comme celle du Haut-Karabakh, qui ont toujours cours. Les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ne sont pas mises en œuvre et aucune sanction n’est prise. Un traitement égal et une coopération sur un pied d’égalité entre les différents États membres, sans approche sélective, voilà ce dont nous avons aujourd’hui besoin.

Cette crise n’est pas surprenante. Nous prenons des décisions sans considérer l’intérêt des États membres et des populations, mais en se préoccupant uniquement de l’intérêt de certains. Nous ne sommes pas un centre scientifique, qui se contenterait de poser un problème et de mener des recherches. Nous devons prendre des décisions et tenter d’améliorer les choses. N’oublions pas nos valeurs, pour lesquelles nous luttons depuis 70 ans, et au respect desquelles des personnes ont consacré toute leur vie. Ces valeurs ne sont pas un sujet de recherche. Prenons des décisions, soyons plus stricts et sévères dans nos processus décisionnels. Luttons, et ne perdons pas de notre autorité. Renforçons nos efforts pour créer un dialogue entre les États membres et régler les problèmes, plutôt que de nous isoler et de nous voiler la face. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit faire prévaloir le respect mutuel pour avancer vers la résolution des problèmes.

Mme MIKKO (Estonie)* – La priorité principale du Conseil de l'Europe est de défendre les droits fondamentaux des citoyens des États membres, la primauté du droit et la démocratie. Quant au droit de représentation et de participation des délégations nationales, il suscite plusieurs difficultés. Un cadre universel de règles qui s’appliquent à tous est essentiel. Il est indispensable de créer les conditions d’un meilleur suivi de la mise en œuvre des obligations des États membres, en particulier celles mises en exergue dans les conventions. Dès lors, maintenir le système actuel de contestation des pouvoirs des délégations nationales pour raisons substantielles est nécessaire. Le Règlement ne doit pas être modifié pour tenter de résoudre un problème qui serait purement politique. Une simple révision du Règlement est justifiée pour donner plus de pouvoirs à l’Assemblée et mieux défendre nos valeurs.

L’Assemblée a décidé de suspendre le droit de vote de la délégation de la Fédération de Russie à cause de l’annexion de la Crimée et d’une partie de l’Ukraine orientale. La situation en Ukraine reste extrêmement préoccupante. Nous devons rester unis plus encore, et rester fermes sur nos objectifs et nos règles. Tant que l’Ukraine souffre et que ces attaques continuent, nous ne pouvons revenir au business as usual et rétablir des relations normales avec la délégation russe. Nous devons assurer la stabilité de l’Organisation, maintenir son bon fonctionnement, sur la base du Règlement que nous avons adoptés.

Tel est le point de vue de la délégation estonienne. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit continuer d’être perçue comme la maison de la démocratie, ouverte à celles et ceux qui partagent nos valeurs et principes, et respectent les règles de l’Organisation. L’Assemblée parlementaire doit maintenir ses mécanismes et la possibilité de contester les pouvoirs de quelque État que ce soit.

M. ZAVOLI (Saint-Marin)* – Je remercie la rapporteure pour son travail. L’Assemblée parlementaire a besoin de se renforcer à un moment historique où ses principes fondateurs sont fragilisés. Le rapport constitue un pas dans la bonne direction, il permet de clarifier certains points : une délégation ne peut être privée du droit de vote au sommet de l’Organisation.

J’approuve Mme De Sutter lorsqu’elle affirme : « La révision des règles est justifiée quand elle permet de renforcer l’Assemblée afin de défendre au mieux les valeurs fondamentales de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l’homme ». Je suis cependant perplexe quand je lis qu’il faudrait un sixième des membres de l’Assemblée appartenant à cinq délégations différentes pour contester les pouvoirs d’une délégation nationale. Il me semble que ce nombre est trop restreint au regard du nombre total de délégations, ce qui pourrait donner lieu à une instrumentalisation. Je demande des éclaircissements à ce sujet.

Je suis convaincu que l’Assemblée parlementaire ne doit pas devenir un lieu de débat politique. Il ne faut pas utiliser le Règlement de l’Assemblée pour régler des comptes entre États membres. Cela ne peut être permis !

Nous ne sommes pas là simplement pour débattre du Règlement ou du sort d’un État ou d’un autre, mais pour parler de l’avenir de notre Organisation et des citoyens que nous devons protéger. Il ne s’agit pas de discréditer le travail des fonctionnaires ou d’accuser les experts juridiques de ne pas être impartiaux. Nous devons favoriser le dialogue des organes statutaires entre eux et avec les États membres.

Il est nécessaire d’approfondir les modalités de réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour garantir et défendre au mieux les valeurs et les principes du Conseil de l’Europe dans le respect du Statut. Il faut éviter que la contestation de ces pouvoirs puisse être instrumentalisée et il faut être en mesure de vérifier qu’elle s’appuie sur des raisons objectives.

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

M. GOLUB (Ukraine)* – Monsieur le Président, chers collègues, certaines délégations de l’Assemblée désirent modifier le Règlement. Posons-nous une question simple : la nécessité de modifier le Règlement est-elle vraiment urgente? Sans elle, l’activité ultérieure de l’Assemblée serait-elle inefficace ?

La réponse est claire : aujourd’hui, il n’existe aucune nécessité urgente de modifier le Règlement. Cette modification ne serait souhaitable que pour les pays qui ne savent ni ne veulent respecter les normes du droit international et les valeurs fondamentales de la démocratie occidentale. C’est la Russie qui désire cette modification parce que celle-ci compliquerait, voire rendrait impossible, l’application de sanctions contre elle.

En analysant la probabilité du retour de la Russie à l’Assemblée, essayons de donner une réponse honnête à la question : quel est ce pays dont nous préconisons le retour ? N’est-ce pas un pays qui a violé les normes du droit international et annexé une partie du territoire d’un État souverain, mon État, l’Ukraine ? Un pays qui refuse de se conformer aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et fait du chantage au Conseil de l’Europe en refusant de payer sa cotisation annuelle ? Un pays qui applique le droit du plus fort en tournant en dérision les démocraties qui respectent le principe de primauté du droit ?

Je voudrais remercier nos amis lituaniens. Le 28 septembre dernier, le Seimas de Lituanie a adopté une résolution appelant l’Assemblée à ne pas renouveler les droits de la délégation russe. De l’avis de nos collègues lituaniens, le retour de la Fédération de Russie à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe porterait gravement atteinte à son autorité. En outre, se poserait la question de l’efficacité ultérieure de l’Assemblée en tant que bastion de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés sur tout l’espace européen.

Je voudrais attirer votre attention sur les activités de Nations Unies au cours de ces dernières années et établir un parallèle avec les activités de l’Assemblée.

La 73e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a été marquée par une série de déclarations faites par différents pays membres visant à réformer le Conseil de sécurité. L’existence du droit de veto de certains membres permanents du Conseil de sécurité rend impossible la prise de décisions efficaces et utiles pour garantir le maintien de la paix dans le monde.

Or, la modification proposée du Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe peut créer une situation semblable : toutes les décisions auraient un caractère déclaratoire parce qu’elles ne pourraient pas être mises en œuvre.

N’oublions pas que la fraternité européenne n’est possible que là où l’on respecte la démocratie, les libertés et les droits, là où l’on ne succombe pas au chantage, là où l’on ne ferme pas les yeux sur l’agression.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande)* – Je remercie la rapporteure de son excellent rapport. Parvenir à un consensus sur ces questions importantes n’est pas une mince affaire. Je félicite Mme De Sutter pour la diplomatie, l’intelligence et le tact dont elle a fait preuve dans la rédaction de ce rapport.

Il est regrettable que deux groupes politiques qui étaient représentés au sein de la commission du Règlement aient décidé de rejeter les préconisations qu’ils avaient auparavant approuvées. J’espère qu’ils changeront une seconde fois d’avis !

Notre Organisation se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, notre droit de contester les pouvoirs des délégations est remis en cause par le Comité des Ministres et par des conseillers juridiques ; d’autre part, nous débattons pour savoir si la modification procédurale proposée vaut capitulation devant la Fédération de Russie.

À mon sens, nous devons confirmer notre compétence institutionnelle et, dans le même temps, affirmer que la Russie ne peut pas rejeter nos rapports et refuser la venue sur son territoire de représentants du Conseil.

La responsabilité du conflit entre l’Assemblée parlementaire et la Russie incombe certes à la Russie, mais il est préférable que la Russie soit représentée au sein du Conseil de l’Europe. Il en va du bien-être des citoyens russes.

Je comprends aussi ceux qui craignent que les crimes de la Russie soient oubliés. Je voudrais leur rappeler qu’il existe une procédure permettant d’inviter la Russie à quitter le Conseil de l’Europe. Ceux qui sont convaincus que le temps est venu de se séparer de la Russie doivent ainsi envisager une autre approche et privilégier une discussion franche sur son appartenance à l’ensemble des organes du Conseil de l’Europe de manière à ce que la question russe ne repose pas sur les seules épaules de l’Assemblée parlementaire mais soit discutée par le Comité des Ministres, notre Assemblée et la Russie elle-même. Il est préférable de choisir cette voie plutôt que de nous priver de droits institutionnels. Nous avons le droit de contester des accréditations pour des raisons substantielles.

Je vous demande donc d’adopter ce rapport afin de déplacer le débat et de nous recentrer sur notre mission en faveur du respect de la démocratie et des droits de l’homme.

Mme TRISSE (France) – Notre débat d’aujourd’hui pourrait paraître plutôt autocentré mais il est capital. En effet, de l’issue du vote découlera le futur visage de notre Institution, voire de l’ensemble du Conseil de l’Europe.

À l’aube des 70 ans du Conseil de l’Europe et dans un contexte marqué par une profonde remise en cause de certaines attitudes individuelles et par des divisions importantes remettant également en cause les droits de l’homme, l’ancien Président de notre Assemblée a eu l’idée de lancer une réflexion assez inédite sur le rôle et la mission qui nous incombent.

De prime abord, l’exercice pouvait sembler voué à en rester au stade du constat de désaccord. Il n’en a rien été : la commission ad hoc du Bureau, présidée par M. Nicoletti, a donné lieu à des discussions riches et productives, et à des débats réellement ambitieux pour l’Europe et l’avenir de notre Conseil de l’Europe.

Cette base de travail a permis à notre commission du Règlement de proposer les évolutions soumises à notre vote aujourd’hui. Merci, chère Petra De Sutter, pour ce rapport de grande qualité et, à mon sens, équilibré.

J’apporterai mon plein soutien aux changements suggérés, d’une part, parce qu’il faut unifier et rationaliser les procédures de contestation des pouvoirs non ratifiés ou de réexamen des pouvoirs déjà ratifiés des délégations nationales pour des raisons dites « substantielles », d’autre part, pour renforcer la légitimité et la portée de chaque voix de notre Assemblée sur une demande de contestation ou de réexamen des pouvoirs d’une délégation nationale.

L’exigence de quorum et de vote ainsi définie pour les décisions les plus lourdes de conséquences de notre Assemblée me semble être du bon sens. De même, le fait d’exclure du champ des sanctions applicables l’élection des juges à la Cour, du Secrétaire Général et du Commissaire aux droits de l’homme, permet de préserver et de conforter ce qui fait l’ADN du Conseil de l’Europe auprès de ses États membres.

N’oublions pas, en ce moment clé pour notre Institution et son avenir, que nous ne sommes pas les dépositaires d’intérêts nationaux, mais ceux de préoccupations bien plus vastes, qui concernent plus de 820 millions de personnes vivant sur le continent de la grande Europe. Par conséquent, je vous encourage tous, chers collègues, à apporter comme moi votre soutien à ces évolutions règlementaires.

M. SIMMS (Canada, observateur)* – J’aimerais remercier toutes les personnes présentes dans cet hémicycle. C’est toujours une situation délicate pour moi, en tant que représentant d’un État observateur, d’aborder de tels sujets alors que mon pays n’a pas de droit de vote dans cette Assemblée. Mais, rassurez-vous, ce n’est pas ce que je suis en train de demander ! Je veux simplement vous remercier pour l’honneur qui m’est fait de pouvoir prendre la parole sur cette question bien spécifique.

En tant qu’observateur, je vais commencer par vous livrer une observation. Je ne suis pas un homme de grande taille, je n’ai jamais été grand. Même enfant, j’étais toujours le plus petit de ma classe et quand j’allais dans un parc d’attractions, je détestais le panneau qui indiquait que l’on ne pouvait pas monter dans un manège pour cause de taille inférieure à la taille minimum requise. J’avais l’impression que c’était un tort qui m’était fait, que mes droits d’enfant n’étaient pas respectés, que c’était injuste. Avec le temps, je me suis rendu compte que, pour ma sécurité, il était peut-être mieux alors que cette règle s’applique.

Avant de vous exposer la raison pour laquelle je raconte cette anecdote, permettez-moi de remercier Mme De Sutter pour son rapport excellent, qui ne doit pas porter sur des querelles intestines, mais qui doit servir à transformer une assemblée qui nous tient à cœur.

Nous avons les mêmes valeurs au Canada. La Déclaration canadienne des droits, adoptée en 1960 par le Canada, est une magnifique loi, mais qui peut être amendée par notre parlement. En 1982, la Constitution a permis d’inscrire ces droits dans une Charte, bien plus difficile à amender, parce que nous voulions être sûrs que l’on n’y toucherait pas, que l’on ne toucherait aux règles de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, ces mêmes règles que nous défendons ici.

Je viens ici depuis 2005. J’ai assisté à de nombreux débats, à de nombreuses querelles dans cet hémicycle – entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la Russie et l’Ukraine, la Russie et la Géorgie – qui ont presque déchiré l’Assemblée, mais c’étaient des débats qui nous tenaient à cœur.

J’ai aussi tiré des conclusions et beaucoup appris de ces débats. La Russie mérite-t-elle d’être ici ? Oui, elle le mérite et a toute sa place dans cette enceinte. Néanmoins, il faut aussi parler des agressions qui ont eu lieu dans le passé. M. Kox a dit que cette Assemblée devait être un terreau fertile pour des actions positives, et non un terrain de luttes négatives. Les règles pour lesquelles vous allez voter aujourd’hui doivent lui permettre d’être ce terreau fertile. C’est l’objet même du travail parlementaire. Si le problème ne concerne que la Russie, alors parlez du problème avec la Russie ; si la modification des règles permet d’améliorer l’avenir du Conseil de l’Europe, alors modifiez-les !

LE PRÉSIDENT* – Mme Pantić Pilja, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Chers collègues, dans toutes les organisations, les règles et les procédures sont importantes, non en tant que telles, mais en ce qu’elles permettent d’atteindre les objectifs, de remplir les missions de l’organisation.

La mission du Conseil de l’Europe est de protéger l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme, les droits de tout individu. Tous les États membres ont, sans contrainte, mais aussi sans condition, accepté ces engagements. Malheureusement, tous n’honorent pas leurs obligations. C’est la raison pour laquelle il nous faut des règles, afin que nos principes et nos valeurs soient respectés dans tous nos États membres – et, entre autres, des règles concernant les pouvoirs des délégations et les droits de vote.

Les propositions qui nous sont présentées aujourd’hui visent à renforcer certains articles de notre Règlement. Elles constituent l’aboutissement d’une longue procédure. Toutes les délégations nationales y ont été associées. Nous ne sommes sans doute pas d’accord sur tous les détails, mais je pense que le compromis retenu est acceptable. Il est grand temps que nous allions de l’avant. Ce faisant, ne perdons jamais de vue ce que disait hier notre Présidente : nous devons traiter les règles et la participation comme deux éléments distincts. Il ne serait pas sage d’utiliser les règles pour résoudre un problème politique précis. Nous ne devons pas utiliser le biais du Règlement pour faire avancer telle ou telle cause.

Il faut, par ailleurs, revoir les relations entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. Il ne s’agit pas que les uns critiquent les compétences des autres, il s’agit d’agir ensemble pour remplir les missions du Conseil. Ne perdons jamais de vue que c’est pour cela que nous sommes ici. Nous disposons de l’analyse de juristes du Conseil de l’Europe. Ce sont nos meilleurs experts. Ils posent la question des compétences de l’Assemblée parlementaire et ont conclu qu’elles étaient limitées aux questions de procédure. Cela dit, je pense que nous devons adopter les propositions de résolution et de recommandation figurant dans le rapport de Mme De Sutter parce que c’est la base de la poursuite d’un dialogue fructueux entre nos deux institutions. L’essentiel, je le répète, est pouvoir défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit dans nos États membres.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Je suis juriste, mais je n’entends pas faire ici d’analyse juridique de ce rapport ou du prétendu avis juridique – qui ne l’est pas tant que cela – du Secrétaire Général. Je veux plutôt vous livrer mon sentiment. En tant que parlementaires, en tant qu’élus de nos citoyens, nous avons un peu oublié quel était le sens profond de cette Organisation. Nous avons oublié qu’édifier des normes et un système de protection des droits de l’homme, dire à nos citoyens que nous voulons renforcer le système de l’Assemblée parlementaire, nous oblige à ne pas faire de compromis. Nous avons oublié, je crois, que cette Organisation ne nous appartient pas et ne nous est pas destinée. Elle est destinée aux populations et aux citoyens qui, dans bien des États membres, souffrent dans les zones grises et les territoires occupés, et aspirent à la justice. Tâchons de ne pas nous mentir à nous-mêmes, en pensant que nous prenons cette décision pour réintégrer les Russes dans notre Assemblée et permettre aux citoyens russes d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cela n’est pas vrai. La Fédération de Russie dispose d’une loi spéciale permettant d’ignorer totalement les arrêts de la Cour. Les citoyens russes ne seraient donc nullement bénéficiaires de cette décision.

Nous avons connu une situation similaire dans les années 1940, lorsque l’Europe a commencé à céder sur ses principes et ses normes. Nous avons alors connu une guerre sanglante. L’Assemblée parlementaire vient de rejeter une motion préjudicielle. Quoi que l’on puisse dire, quels que soient les arguments que l’on pourra trouver, il faut bien savoir que le monde sait qu’en fait, il s’agit de voter pour lever les sanctions qui pèsent sur la Russie afin qu’elle puisse réintégrer l’Assemblée parlementaire – et ce, alors même que ce pays est un agresseur et sape toutes nos procédures et tous nos principes.

J’ai également le sentiment que nous essayons de trouver des solutions simples. Je comprends que vous soyez tous un peu fatigués. En fait, nous sommes comme contaminés par la tentation d’aller vers des solutions de facilité, en ignorant la réalité. Mais je dois instamment vous dire qu’il n’existe pas de solution simple. Nous sommes face à un rival extrêmement agressif. La Fédération de Russie a rejoint cette Organisation en sachant parfaitement quels étaient ses principes et ses normes. Elle devait donc les respecter. Ou alors, il lui aurait fallu reconnaître qu’elle n’y était pas à adhérer au Conseil.

L’argent ou la confiance, l’argent ou les valeurs, l’argent ou l’avenir de notre Organisation. C’est sur cela que nous allons nous prononcer. En l’occurrence, je vous demande de voter contre le rapport.

M. HUNKO (Allemagne)* – Chers collègues, le rapport, la résolution et la recommandationconstituent un bon compromis à mes yeux. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi. D’une part, l’avis juridique qui nous a été fourni exclut toute possibilité d’attaquer les pouvoirs pour des motifs politiques – le rapport ne va pas aussi loin. D’autre part, plusieurs amendements rendraient la contestation des pouvoirs ou le retrait des droits de vote trop faciles. Ce sont les deux principaux sujets dont nous discutons. À mes yeux, dans cette affaire, il s’agit aussi de déterminer si nous voulons ou non maintenir le système conventionnel des droits de l’homme, lequel offre une sécurité pour 800 millions de personnes y compris les migrants. Voulons-nous maintenir la Convention et la Cour des droits de l’homme, ou voulons-nous affaiblir ce mécanisme ?

Nous savons bien qu’aujourd’hui, la Cour est sous pression, de toute part. Certains pays émettent des réserves constitutionnelles contre ses arrêts. D’autres refusent d’adhérer à la Convention – l’Union européenne ne l’a toujours pas rejointe. Certes, des voix s’élèvent encore pour défendre le système des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Mais est-il vraiment légitime d’interdire à une délégation – peu importe laquelle – de voter pour les juges de la Cour des droits de l’homme, tout en attendant du pays concerné qu’il en applique les arrêts ? Je crois en tout cas, en ce qui concerne les élections des juges, du Secrétaire Général ou de la Secrétaire Générale adjointe et du Commissaire aux droits de l’homme, qu’il faut exclure toute possibilité de retrait des droits de vote. Je crois aussi qu’il ne devrait pas être possible de retirer des pouvoirs avec une faible majorité. Actuellement, cette décision peut être prise à la majorité simple, alors qu’il faut la majorité des deux tiers pour modifier l’ordre du jour. Ce n’est pas logique ! La proposition telle qu’elle est conçue aujourd’hui constitue un pas dans la bonne direction. Je pense que la délégation de Russie elle-même peinera à trancher la question de savoir si elle revient ou pas.

Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Mes chers collègues, soyons francs et honnêtes. En dépit de tout ce que l’on peut dire, ce rapport porte bien sur la Russie. Voulons-nous céder face au chantage de la Fédération de Russie, pour que sa délégation puisse revenir sans condition au sein de l’Assemblée parlementaire ? Voulons-nous que cela soit possible ?

Ceux qui sont en faveur de cette solution refusent de parler de « reddition ». Ils parlent de « dialogue » ou de « compromis ». Mais, corrigez-moi si je me trompe, un compromis nécessite que deux parties modifient quelque peu leurs positions pour les rapprocher. En quoi la Fédération de Russie a-t-elle revu sa position ? En rien ! Quelles résolutions de l’Assemblée parlementaire, adoptées par nous tous ici présents, ont-elles été suivies d’effet par la Fédération de Russie ? Aucune ! Ne disons donc pas qu’il s’agit d’un compromis. Parlons des règles.

Monsieur Jagland, si vous ouvrez les portes du Conseil de l’Europe à un retour sans condition de la Fédération de Russie, n’oubliez pas de désactiver certains dispositifs, car cela risque d’être assez dangereux. Nous sommes toujours prêts à un dialogue avec les représentants de la Russie. Je m’y suis d’ailleurs préparé en revêtant ces gants de protection contre les armes chimiques. Nous aurons tous besoin de ce type de gants si nous voulons serrer la main des représentants russes, ou même toucher les poignées de porte. Nous savons que ce pourrait être extrêmement dangereux. Mieux vaut ne pas utiliser les réseaux wifi, parce qu’ils sont sans doute piratés. N’allez pas non plus en Fédération de Russie, parce que vous n’en reviendrez peut-être jamais. Ne restez pas à portée des missiles tirés par les lanceurs Buk, cela peut aussi s’avérer très dangereux. Vous pensez sans doute que j’exagère ? Parlez aux proches des victimes du vol MH17 ! Parlez à tous ceux qui luttent contre les cyber-attaques de la Russie en Suisse, en Lettonie, aux États-Unis ou encore aux Pays-Bas ! Interrogez également les proches des dizaines de milliers de personnes tuées en Ukraine au début de l’agression russe. Interrogez les millions de réfugiés de Syrie, de Géorgie, d’Ukraine. Ne demandez pas pour qui sonne le glas : il sonne pour vous !

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Goncharenko, j’appelle votre attention sur le fait que nous ne sommes pas ici sur une scène de théâtre et qu’il n’est donc pas besoin de revêtir des déguisements.

La parole est à M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, M. Goncharenko, s’est adressé directement à moi, comme si c’était moi qui voulais faire revenir la Fédération de Russie au sein de l’Assemblée. Plusieurs autres membres ont dit que j’avais demandé un avis juridique. Pourquoi ? Parce que la Présidente de l’Assemblée parlementaire avait convoqué la réunion du Comité mixte avec le Comité des Ministres. Certaines réflexions ayant ensuite été faites au sein du Comité des Ministres, dont le Président a voulu assurer ses arrières sur le plan juridique. D’où la demande d’une analyse juridique. En réunion, il m’a demandé si je me ralliais à sa demande et j’ai dit « oui ». Telle est la genèse de cette analyse juridique.

Ensuite, quelqu’un est venu me dire : surtout ne rendez pas ce texte public, limitez-en la diffusion au maximum, ne le diffusez surtout pas aux ambassadeurs et aux parlementaires ! J’ai moi-même été député pendant 16 ans et je n’accepterai jamais que l’on cache des informations à des députés et à une assemblée parlementaire. À partir du moment où vous retenez des informations importantes de nature à permettre à un parlement ou à un comité des ministres de se prononcer, vous vous engagez dans une voie très dangereuse.

Cette analyse juridique ne relève pas d’une initiative personnelle, je n’en suis pas le demandeur initial, et je ne veux pas m’immiscer dans vos débats, mais c’est un élément à prendre en compte dans votre discussion d’aujourd’hui. Depuis longtemps j’ai un avis sur la question, parce que je lis les textes de droit. Dans cet hémicycle, on ne peut pas empêcher quiconque de voter pour désigner les juges à la Cour européenne des droits de l’homme, le Secrétaire Général, le Secrétaire Général adjoint ou la Commissaire aux droits de l’homme. Je suis heureux que cela ait été dit clairement. Sinon, nous continuerions à vivre dans une situation impossible. Un État membre continuerait à travailler dans l’intergouvernemental mais ne paierait pas ses contributions, et cela durerait ad vitam aeternam, ce qui nuirait à l’ensemble de l’Organisation. D’où les propositions de modifications.

Un dernier mot.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Rappel au Règlement !

LA PRÉSIDENTE – M. le Secrétaire Général a seul la parole. Sir Roger vous pourrez présenter votre rappel au Règlement, mais laissez M. Jagland terminer. C’est une question élémentaire de respect.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Ma demande de parole pour un rappel au Règlement est de droit dans une assemblée démocratique comme la nôtre.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, le Secrétaire Général a le droit de s’adresser à l’Assemblée quand il le veut et aussi longtemps qu’il le veut. C’est une de nos règles et nous devons la respecter. Je donnerai ensuite la parole à Sir Roger Gale.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – Un tout dernier point très brièvement en réaction à l’intervention de votre collègue islandaise, Mme Ævarsdóttir . Nous disposons effectivement de l’arme absolue, qui n’a jamais été utilisée : lancer une procédure contre un État membre en vertu des articles 7 et 8 du Statut. Il se trouve que j’ai fait partie, en Norvège, du comité pour la solidarité avec la Grèce après le coup d’État militaire. Le but était de lancer une procédure contre l’État grec, sujet à l’époque très controversé. Après le coup d’État, il y avait eu des violations massives des droits de l’homme. Le Gouvernement norvégien a lancé une procédure devant la Cour. La Grèce a perdu. L’Assemblée parlementaire a recommandé au Comité des Ministres de lancer une procédure contre la Grèce en vertu de l’article 7 ou de l’article 8 du Statut. Mais la Grèce a quitté le Conseil de l’Europe.

Nous avons donc une arme très puissante, mais personne ne l’a jamais employée ici. S’il le veut, le Conseil de l’Europe peut être ferme et fort.

LA PRÉSIDENTE – Sir Roger Gale…

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Merci, Madame la Présidente, même si c’est un peu tardif. Le Secrétaire Général a dit qu’il ne souhaitait pas s’immiscer dans le débat mais c’est ce qu’il vient de faire. Il a tenu des propos qui sont tout sauf innocents. Jusqu’à présent, j’étais pour le rapport De Sutter, mais maintenant je voterai contre. Tel est le résultat de cette intervention.

LA PRÉSIDENTE – Cela ne constituait pas vraiment un rappel au Règlement. Nous poursuivons notre débat avec le plus de sérénité possible. Je ne suis pas sûre d’avoir tout à fait compris ce qui a été dit, mais je répète ici ce que j’ai déclaré lors des précédentes séances, à savoir que j’ai été informée de la demande d’une opinion juridique lors de la rencontre avec le Comité des Ministres après la précédente partie de session, celle du mois de juin, par le Secrétaire Général et par le Président du Comité des Ministres.

Je rappelle que nous discutons ici non pas de l’avis juridique mais bel et bien du rapport de la commission du Règlement. C’est donc de cela dont nous continuerons à parler et sur quoi nous nous prononcerons tout à l’heure.

M. MASIULIS (Lituanie)* – Sans le moindre doute, nous ne parlons pas ici d’une simple modification du Règlement mais d’un ultimatum russe. La Russie se comporte comme un gangster. Elle ignore les traités, elle ignore les lois, elle bafoue les traités qu’elle a elle-même signés.

Il y a eu la Géorgie, puis la Crimée et l’Ukraine. Il n’y a pas eu de guerre entre l’Ukraine et la Russie mais une agression russe ! Alors qu’il est interdit d’employer des armes chimiques, la Russie le fait, non seulement sur son sol, mais à Salisbury ! Partout, la Russie pirate l’Internet, en particulier dans les États voisins ; elle truque les élections ; elle ignore la liberté des médias ; elle s’immisce dans les affaires d’autres pays… Que devons-nous faire ? Faut-il accepter un recul généralisé du Conseil de l’Europe face aux criminels russes ? Au contraire, nous devons renforcer les sanctions ! Le mieux serait d’exclure les Russes du Conseil de l’Europe. Cependant on fait tout pour faire revenir ces criminels qui ignorent toutes les lois, tous les traités, tous les droits de l’homme ! Ce n’est pas ainsi que l’on améliorera la situation ni le moral au sein de notre Organisation ; on ne fera que les détériorer ! Autant inviter Saddam Hussein à nous rejoindre ! Je suis désolé, mais c’est juste que je n’aime pas ce qui est proposé.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Je suis entièrement d’accord avec Mme De Sutter : comment les membres d’un parlement peuvent-ils être tenus à l’écart des actions de leur gouvernement, y compris des crimes de celui-ci ? Toute la Douma d’État a voté en 2014 en faveur de l’agression contre l’Ukraine, un État souverain avec lequel la Russie avait conclu depuis 20 ans un accord d’amitié ! Une seule personne a voté contre ; aujourd’hui elle est poursuivie et contrainte à se cacher en Russie même.

Les compromis ne fonctionnent pas. Essayons d’analyser ces compromis ! Après la résolution d’avril 2014 de notre Assemblée parlementaire et les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, la Fédération de Russie a adopté une loi disposant que si quelqu’un osait dire, ne serait-ce qu’en paroles, que la Crimée était un territoire ukrainien, il serait passible d’une peine de prison.

On nous dit : que feront les 140 millions de citoyens russes qui pourraient aller devant la Cour européenne des droits de l’homme ? Cependant, d’après une loi adoptée il y a deux ans par la Douma d’État, la décision ultime n’appartient pas à la Cour européenne, mais à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie ! Qui veut-on donc protéger ? Moi aussi, j’aimerais protéger les personnes de ma famille qui se trouvent en Fédération de Russie ! Comment puis-je le faire ?

Nous attendons que la Russie fasse un vrai compromis, et non qu’elle agisse comme à Salisbury, qu’elle lance une cyberattaque, ou qu’elle vienne s’ingérer dans les élections aux États-Unis ou ailleurs ! Nous devons voter contre cette résolution pour ne pas reproduire la situation que j’ai déjà connue, moi qui ai voté il y a dix-huit ans au Parlement ukrainien en faveur de la ratification de l’accord d’amitié avec la Fédération de Russie ! Arrêtons tout cela, ne votons pas cette résolution !

Mme ANTTILA (Finlande)* – Merci à Mme De Sutter pour ce rapport très bien élaboré à la hauteur des défis de l’heure. J’espère que nous pourrons tenir un débat constructif sur cette situation critique.

L’Assemblée doit être une plateforme de discussion Or, pour arriver à s’entendre, il faut examiner les points de vue des différents États membres.

Il est vrai que nous sommes à un carrefour. Certains souhaiteraient que le Conseil de l’Europe soit un symbole d’union ; d’autres disent qu’il faut continuer à dialoguer même avec des pays qui remettent en cause ses principes.

Mon pays a connu bien des guerres dans son histoire et il fait du dialogue et de la diplomatie les principes cardinaux de sa politique extérieure. Certes, ne pas respecter les règles doit entraîner des conséquences, cependant nous ne croyons pas aux vertus de l’isolement ou du bannissement. Nous devons tous ensemble préserver les valeurs et les principes qui sont notre héritage commun, mais nous devons surtout aider nos sociétés à relever les défis actuels en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme. Tous les organes du Conseil de l’Europe devraient œuvrer dans ce sens et contribuer au progrès. Nous ne pouvons donc pas mettre sur la touche certains de nos membres qui pourraient alors se tourner vers d’autres alliés. Nous devons nous demander si notre démarche est légitime et appropriée eu égard aux objectifs que nous poursuivons.

Enfin, comme l’a dit la rapporteure, des propositions très nombreuses ont été faites par les parlementaires, les délégations nationales ou les groupes. Tout cela est bienvenu, de même que toutes les discussions au sein de la commission ad hoc sur les missions et le rôle du Conseil de l’Europe créées par le Bureau en décembre 2017.

M. NISSINEN (Suède)* – Le rapport mûrement réfléchi de Mme De Sutter sur les pouvoirs et le vote au sein de l’Assemblée touche au cœur même de notre mission.

Certains soutiennent une position minimaliste : ils estiment que le Conseil de l’Europe est avant tout intergouvernemental. Par conséquent, quand l’Assemblée examine des pouvoirs, elle devrait se fonder uniquement sur des questions formelles et laisser les questions de fond au Comité des Ministres qui représenterait l’autorité suprême du Conseil de l’Europe.

En revanche, Mme De Sutter défend une position holistique, puisqu’elle tend à replacer nos attributions dans un contexte plus large. D’une façon générale, je penche plutôt pour cette seconde position.

Cette Assemblée existe depuis la fondation même du Conseil de l’Europe en 1949 ; c’est l’un des organes statutaires avec le Comité des Ministres. Or un tel organe interparlementaire est relativement rare au sein des organisations internationales. Il faut également tenir de compte de l’immense expérience qu’a engrangée notre Assemblée durant ces soixante-dix années.

Par exemple, pendant la guerre froide, l’Assemblée, qui se limitait alors à l’Europe occidentale, avait une commission très active qui se consacrait aux relations avec les États européens non membres. Cette commission n’existe plus, mais beaucoup d’hommes et de femmes politiques d’Europe centrale et orientale s’en souviennent avec émotion, car elle a joué un grand rôle dans le processus qui a permis de surmonter la guerre froide. Et je ne parle même pas de toute l’expérience acquise par les différentes commissions de l’Assemblée – commission des questions politiques, des questions juridiques, de suivi, etc. – quand il s’agit de veiller à ce que les actes des États membres soient conformes au droit.

Un mot toutefois pour appeler à la prudence. Il y a bien des fake news qui circulent dans le cyberespace concernant la situation réelle dans nos États membres. Soyons donc très circonspects au moment d’en tirer des conclusions. Pour de nombreuses raisons, des pays différents peuvent choisir des voies différentes pour aller vers une démocratie renforcée. Du moment que ces voies sont compatibles avec nos valeurs, les États membres en question doivent pouvoir les suivre sans sanction injustifiée de notre part.

Je voterai contre le projet de résolution.

Mme SCHOU (Norvège)* – Merci beaucoup à notre rapporteure, Mme De Sutter.

Ce projet de résolution est important pour l’avenir de notre Assemblée. C’est le premier résultat concret des travaux de la commission ad hoc. Je le soutiendrai.

En effet, le projet est équilibré. Il nous offre la possibilité d’aller de l’avant et de relever les défis complexes auxquels nous devons faire face depuis maintenant un certain temps. Certes, il ne les couvre pas tous, mais il montre bien les résultats auxquels nous sommes parvenus à ce jour.

En revanche, je ne soutiendrai pas les amendements, car je considère que, d’une manière ou d’une autre, ils ne font qu’ajouter à la désunion dont nous faisons actuellement l’expérience au sein de l’Assemblée.

Cela dit, je regrette que le projet de résolution ne tranche pas cette question essentielle : l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe devraient-ils même recourir à des sanctions ? Et puisque cette question n’est pas abordée, j’aurais préféré que le texte contienne une réflexion sur les critères de contestation des pouvoirs. Je crois en effet qu’une description plus claire de ces critères serait très utile à l’Assemblée. Nous sommes une organisation fondée sur des règles. Dès lors, la contestation des pouvoirs devrait intervenir dans un cadre strict, transparent et se prêtant à la comparaison. Or le projet de résolution suggère que les critères de chaque demande de contestation soient évalués au cas par cas : chaque fois qu’une procédure de ce type sera enclenchée, on jugerait selon le cas d’espèce. Je crains que cela ne contribue à politiser ces processus et ne sape ainsi l’intégrité de l’organisation.

Par ailleurs, le projet de recommandation invite le Comité des Ministres à discuter de l’efficacité de ses propres procédures et de sa propre capacité à réagir efficacement à des violations des obligations statutaires des États membres. J’aurais préféré qu’il adresse au Comité des Ministres une invitation à rejoindre l’Assemblée pour un débat sur la question de savoir comment les deux organes statutaires peuvent œuvrer ensemble à réagir de la meilleure façon possible face aux États membres qui ne se conforment pas à leurs obligations. Il est tout de même un peu bizarre que nous demandions à un autre organe statutaire de revoir ses propres procédures.

Je mets fermement en garde contre tout discours qui sape l’esprit de coopération entre nos deux organes statutaires. Si le Conseil de l’Europe veut rester une organisation paneuropéenne forte et défendre véritablement la démocratie et les droits fondamentaux, nous devons travailler la main dans la main. Tout autre choix nuit à la crédibilité de notre Organisation et de ses décisions.

M. FOURNIER (France) – Mme De Sutter nous soumet un rapport exhaustif sur le sujet traité.

Si ce rapport vise officiellement à modifier les procédures de notre Assemblée relatives aux pouvoirs et au vote, nous savons tous ici que son objectif véritable n’est évidemment pas réglementaire, mais bel et bien politique. Certes, notre collègue prend le soin de préciser que « la réintégration de la Fédération de Russie au sein de l’Assemblée parlementaire n’est ni le sujet ni l’objet du présent rapport ». Pourtant, il n’en est rien : il s’agit bien de faciliter le retour de la délégation russe.

Je ne vous cacherai pas que la lecture de ce rapport m’a laissé sceptique à plusieurs égards.

D’abord, je constate que notre Assemblée renonce finalement à obtenir satisfaction sur le terrain du droit et des valeurs, c’est-à-dire sur le fondement même de ce qui fait la spécificité de notre Organisation. Nos collègues russes pourraient revenir siéger parmi nous, alors que nous n’avons rien obtenu de la Russie en Crimée ni dans l’est de l’Ukraine. La situation est bloquée et, dans ce bras de fer, nous cédons devant la force.

Ensuite, certaines orientations du rapport sont troublantes. Elles le sont d’autant plus à la lecture de l’analyse juridique faite par la Direction du conseil juridique et du droit international public du Conseil de l’Europe, portée à notre connaissance par décision de notre Présidente. Je crains que cette analyse juridique ne jette le trouble plutôt qu’elle n’éclaire nos débats.

Il me semble que nous devons en tout cas éviter d’opposer le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire. Je m’interroge en effet sur la façon dont le Comité des ministres, où la Russie continue de siéger depuis 2014, accueillera nos conclusions.

Nous sommes, mes chers collègues, face à un choix cornélien. Adopter le projet de résolution et le projet de recommandation, c’est renier nos valeurs et approuver de facto l’annexion de la Crimée. Les rejeter, c’est risquer que la Russie ne sorte définitivement du Conseil de l’Europe, donc risquer de retirer aux citoyens russes la protection de la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, approuver les orientations proposées par Mme De Sutter sera-t-il suffisant, aux yeux des Russes, pour mettre un terme à la pression qu’ils exercent sur notre Organisation ? Rien n’est moins sûr. Au moins, il ne pourra pas être dit que nous n’aurons pas fait un pas en direction de la Russie.

Mme GERASHCHENKO (Ukraine) – Mes chers collègues, j’ai reçu il y a quelques jours les lettres de deux prisonniers politiques ukrainiens du Kremlin. La première est de Roman Souschenko, journaliste ukrainien, qui a passé deux années dans la prison de Lefortovo et sera transféré cette semaine dans une autre prison. L’auteur de la seconde lettre est Oleg Sentsov, qui se trouve dans la prison de Labytnangi. Oleg, originaire de Crimée, a été envoyé en Sibérie, où le climat rigoureux est une véritable forme de torture. La lettre d’Oleg Sentsov date du 5 octobre, jour où il n’a physiquement plus pu continuer sa grève de la faim, le Kremlin l’ayant menacé de le nourrir de force.

Ces lettres sont personnelles, mais elles comportent un appel à chacun de vous. Roman et Oleg sont reconnaissants envers tous les hommes politiques européens qui luttent pour leur libération. Ils leur demandent de ne pas arrêter cette lutte visant à libérer tous les prisonniers politiques ukrainiens ; ils demandent aussi de défendre les valeurs et principes démocratiques et de lutter contre les agressions de la Russie. En Sibérie, dans les prisons russes, les prisonniers politiques croient que les hommes politiques européens ne trahissent pas les principes et n’acceptent pas de compromis avec leur conscience.

Dites-moi alors ce que je devrai répondre à Oleg, à Roman, à une dizaine d’autres prisonniers politiques du Kremlin après que l’Assemblée aura voté aujourd’hui : que nous les avons trahis ? Que nous avons voté en faveur de modifications au Règlement permettant de faire revenir la délégation russe sans que la Fédération de Russie respecte au moins une résolution ?

Je voudrais rappeler à chacun d’entre nous qu’en 2015 nous avons voté une résolution qui exigeait la libération d’Oleg Sentsov. Il meurt actuellement en prison. La Russie n’a rien fait pour libérer les prisonniers politiques ; elle n’a pas rendu la Crimée à l’Ukraine ; elle n’a pas retiré ses militaires du Donbass ; elle n’a pas reconnu son implication dans le crash du vol MH17 ; elle continue de soutenir le régime d’Assad ; elle nie sa propre implication dans l’affaire de Salisbury. La Russie continue d’interférer dans les élections en Allemagne, en France et aux États-Unis ; elle mène une guerre hybride partout dans le monde.

On nous dit que le Conseil de l’Europe ne pourrait pas survivre sans les cotisations de la Fédération de Russie. L’Ukraine, malgré la crise économique et son budget assez modeste, a accepté d’octroyer 400 000 dollars supplémentaires au budget du Conseil de l’Europe. L’Ukraine est plus attachée aux principes qu’aux finances.

La délégation ukrainienne se prononce catégoriquement contre l’affaiblissement des droits et de l’autorité de l’Assemblée. Notre délégation va voter contre cette résolution. Nous vous appelons tous à ne pas trahir les principes de l’Assemblée.

Mme KALMARI (Finlande)* – Nous devons nous réjouir de tout effort visant à renforcer nos valeurs et le fonctionnement de la démocratie. Je me félicite du processus minutieux à l’œuvre en vue de renforcer le rôle de l’Assemblée parlementaire et donc de la démocratie. La tâche qui consiste à légitimer nos résolutions et nos recommandations n’est pas toujours aussi simple. Nos décisions et suggestions sont parfois éloignées des endroits où surgissent les événements et sont bien difficiles à mettre en pratique sur le terrain. Il convient de légitimer les actions du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire dans nos pays, auprès de nos populations. Notre patrimoine commun peut nous y aider bien sûr, mais en partie seulement. Nous devons également songer à notre avenir commun, si tant est que nous souhaitons le voir.

La démocratie, c’est l’acceptation des voix et des opinions de tous les pays, même s’il faut reconnaître que des règles du jeu doivent être acceptées. Le Conseil de l’Europe doit avoir la volonté et la possibilité d’agir en faveur de la sécurité démocratique en Europe. Notre Organisation a besoin d’unité pour pouvoir envoyer un message commun. L’Assemblée parlementaire est « tenue de mettre en place les moyens effectifs permettant de promouvoir les objectifs du Conseil de l’Europe ». C’est ainsi que je perçois l’objet du rapport que nous soumet la commission du Règlement avec ce projet de résolution très équilibré. Ce texte vient d’ailleurs confirmer nos convictions démocratiques. J’espère que cette résolution nous aidera cheminer vers un avenir européen commun avec tous les pays européens.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Lorsque la Russie a rejoint l’Organisation en 1998, la question dans cet hémicycle était : le Conseil de l’Europe changera-t-il la Russie ou est-ce à l’inverse la Russie qui changera le Conseil de l’Europe ?

À mes yeux, la façon agressive et peu éthique avec laquelle le Secrétaire Général cherche à peser sur notre débat montre à quel point la Russie a réussi à changer le Conseil de l’Europe. Il est très regrettable que le Secrétaire Général de l’Organisation créée par Winston Churchill se rallie aujourd’hui à des arguments fallacieux. On présente l’agresseur comme une victime. D’aucuns diront que la moitié des juges aujourd’hui sont élus sans les Russes. Et alors ? Avant 1998, tous les juges étaient élus sans les Russes !

Par ailleurs, vous passez sous silence le fait que la Russie a décidé qu’elle pouvait ne pas appliquer les arrêts de la Cour de Strasbourg. Elle le fait d’ailleurs souvent. Quant au manque à gagner que représente le non-versement de la contribution russe, il est vrai qu’il s’agit d’une somme considérable, mais enfin si celle-ci était redistribuée entre tous les États restants, cela resterait supportable, même pour un pays pauvre comme la Géorgie.

Comment pouvons-nous comparer la Russie moderne à l’Union soviétique, nous dit-on ? Ce sont certes deux pays différents et les heures noires du stalinisme sont passées. Cependant, les fondamentaux de la politique russe n’ont pas changé. Lorsque l’Union soviétique a envahi la Finlande, la Société des Nations n’a pas choisi de modifier son règlement, elle a exclu l’Union soviétique. Aujourd’hui, on nous propose un apaisement, mais comme l’a dit Winston Churchill, « chercher à se concilier les bonnes volontés du crocodile, c’est simplement s’assurer qu’on sera peut-être mangé le dernier, mais on sera mangé quand même ! ». N’oublions pas que les représentants de la Douma ne sont pas issus d’une assemblée démocratique. S’ils reviennent siéger, nous ne pourrons pas parler de « retour à la normale ». Ces gens peuvent faire n’importe quoi, y compris de l’épuration ethnique dans mon pays, ce qui est reconnu par les instances internationales. De toute façon, les Russes vont finir par faire éclater cette Organisation. Songez-y bien avant de voter, rappelez-vous le contexte politique. Tout cela n’est pas innocent. Voter pour ce rapport dans ce contexte politique, ce serait légitimer toutes les actions passées et toutes les actions à venir de la Russie.

M. HERKEL (Estonie)* – J’aimerais m’associer aux orateurs qui estiment que cette tentative de changer nos règles n’a qu’un seul objectif : faire revenir la Russie dans des conditions raisonnables. Il ne s’agit pas seulement de nos propres règles, le débat est bien plus vaste. Nous allons en effet voter sur notre pertinence même, sur notre crédibilité. Le texte que nous avons sous les yeux est en effet pétri de contradictions. Au paragraphe 3, il nous est dit que le Règlement ne doit pas être modifié pour résoudre un problème purement politique. Et pourtant, il est manifeste que c’est très exactement ce que nous souhaitons faire ici. Dans l’exposé des motifs, il est écrit que la réintégration de la Fédération de Russie au sein de l’Assemblée parlementaire n’a rien à voir avec ce rapport. Je trouve cette formulation extrêmement hypocrite. En proférant de tels propos, on ne fait qu’affaiblir notre pouvoir de prise de décision et édulcorer notre mandat parlementaire.

J’aimerais rappeler à l’Assemblée que tout au long de nos 70 ans d’existence, nous avons refusé de ratifier les pouvoirs de délégations pour des raisons substantielles à deux reprises seulement: en 1980, après le coup d’État militaire en Turquie, et en 2000, après les atrocités russes en Tchétchénie. En 2014, les droits de vote ont été suspendus, à nouveau pour des raisons substantielles, à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie. Cela signifie que les outils dont nous disposons sont extrêmement difficiles à mettre en place, même lorsque la majorité simple est requise. Si nous étions conduits à changer les règles, s’il existait des critères imposant désormais la majorité des deux tiers, l’Assemblée ne pourrait plus fonctionner du tout. C’est pourquoi je vous demande de ne pas mettre à bas la dignité de notre Assemblée parlementaire et de voter contre ces propositions de modification de nos règles.

M. KOPŘIVA (République tchèque)* – Chers amis de toute l’Europe, et en particulier d’Ukraine, j’avoue être perplexe face à cette proposition de résolution. Il s’agirait de renforcer le mécanisme décisionnel de l’Assemblée, mais les paragraphes 6.2.1 et 6.2.2 créent une polarisation de ce mécanisme. Le premier président tchécoslovaque, Tomáš Masaryk, disait que tout cela n’est jamais innocent. Certes nous avons besoin d’un mécanisme qui fonctionne correctement. Cependant, je considère que cette proposition de résolution vise simplement à réduire les possibilités de contester les pouvoirs d’une délégation.

Le Règlement de l’Assemblée ne devrait pas servir à un tel but, c’est évident. Cependant, il est clair que l’on cherche ici à faciliter le retour des Russes, avec leur droit de vote, à l’Assemblée parlementaire, bien que le Gouvernement russe continue à ignorer nombre de résolutions sur l’annexion de la Crimée, la guerre dans l’est de l’Ukraine, les violations des droits de l’homme sur son territoire et la mise sous éteignoir de la société civile en Russie et dans d’autres pays. Certains disent qu’il ne faut pas empêcher les Russes de participer au débat et qu’il faut proposer des solutions. Je vous rappelle que les sanctions actuelles sont la seule possibilité que nous avons de dire au monde que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ne jouera pas la politique de l’autruche face à l’injustice. Voilà pourquoi je voterai contre ces projets de résolution et de recommandation. Ne cédez pas au chantage de la Fédération de Russie, qui refuse de payer sa contribution. Ne contribuez pas à ce que l’Assemblée se discrédite elle-même, sinon le Conseil de l'Europe perdra toute influence dans la partie de l’Europe où nous en avons le plus besoin.

M. LOMBARDI (Suisse)* – Un parlement est non seulement le lieu où l’on parle – du latin parlare –, mais aussi le lieu où l’on vote et où l’on peut être élu à une fonction interne à l’Assemblée comme membre d’une délégation. Ôter l’un ou l’autre de ces droits principaux des parlementaires est une décision grave et lourde de conséquences. Elle ne correspond pas à une exclusion, mais s’en approche. Demandez-vous qui d’entre nous se rendrait chaque jour à son parlement pour n’avoir que le droit de figurer au bas d’une liste d’orateurs, sans avoir ni le droit de vote ni le droit d’être élu à aucune fonction. Cette décision ne peut être que le dernier recours, l’ultima ratio, si les problèmes n’ont pu être résolus auparavant. Même à l’intérieur d’un parlement national, cette solution serait tenue pour impossible.

Nous faisons partie de l’Assemblée parlementaire d’une organisation internationale qui se propose des objectifs ambitieux, et qui veut transmettre des valeurs à ses membres et à ceux qui ne sont encore qu’au début du chemin pour atteindre un niveau élevé de respect des droits de l’homme, de démocratie et de transparence, que d’autres ont conquis au cours des décennies précédentes. Nous souhaitons par ailleurs qu’il soit possible, dans cette Assemblée, de prendre des mesures envers ceux qui violent gravement les principes qui nous tiennent à cœur. Voilà le dilemme ! Comment ajuster la possibilité de sanctionner et le droit fondamental des parlementaires ?

La proposition de résolution de la commission du Règlement trouve le compromis adéquat et résout ce dilemme, conformément aux souhaits exprimés par la délégation suisse dans sa prise de position destinée à la commission ad hoc. Premièrement, cette proposition donne un cadre clair et fort à une procédure pour la reconnaissance des pouvoirs. Deuxièmement, elle maintient le droit de l’Assemblée de prendre des mesures contre des délégations qui violent gravement les principes de notre Organisation, notamment de suspendre le droit de vote de cette délégation, dans les domaines de compétence stricts de l’Assemblée. Troisièmement, elle exclut la possibilité de sanctionner pour des décisions qui dépassent le seul cadre de l’activité de l’Assemblée, c’est-à-dire les élections d’autorités d’autres organes du Conseil – juge à la Cour, Secrétaire Général, Commissaire aux droits de l’homme – parce que dans ces élections, l’Assemblée n’est que l’instrument qui rend un service aux États membres ; en effet les États membres ont le droit de participer à ces élections au travers de l’Assemblée. Quatrièmement, cette proposition relève le nombre de voix requis pour les décisions les plus graves envers nos collègues. Qu’il faille 50 au lieu de 30 membres pour contester les pouvoirs, dans une assemblée de 300 parlementaires, me semble raisonnable. Que, pour enlever à une délégation deux sur trois des droits fondamentaux des parlementaires, il faille une majorité des deux tiers me paraît juste ; cela correspond aux exigences de justice et d’équilibre. Voilà le compromis que je soutiens.

M. GATTI (Saint-Marin)* – La discussion de ce rapport nous permet d’intervenir sur les propositions faites dans le cadre de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle de l’Assemblée parlementaire. En tant que délégation nationale de Saint-Marin, nous avons déjà élaboré un certain nombre de réflexions que je me permets de résumer, pour ne pas dépasser le temps de parole qui m’est imparti.

Nous sommes hostiles à une réduction du nombre des membres d’une délégation pour les petits États ou les micro-États, comme la République de Saint-Marin. Réduire la composition de la délégation ne nous autoriserait plus à avoir une participation adaptée aux travaux de notre Assemblée. Nous se sommes que quatre membres aujourd’hui, deux titulaires et deux suppléants. Il ne nous est pas possible, à quatre, de participer à toutes les commissions. Nous sommes obligés de faire des choix. La participation des États membres au Conseil de l'Europe n’a de sens que si leur est reconnue la possibilité de participer pleinement aux travaux de cette Organisation.

Pour réduire les coûts, sans remettre en cause la participation des délégations, d’autres solutions existent, comme la réduction d’une journée des parties de session, puisque nous constatons que, le vendredi, la foule n’est pas au rendez-vous dans l’hémicycle. Pour sensibiliser à l’importance de la participation, nous pourrions introduire l’exigence de de majorités qualifiées pour des décisions importantes dûment répertoriées.

Nous sommes très perplexes lorsque l’on nous dit que le vote d’un sixième des membres de l’Assemblée issus de cinq délégations nationales serait requis pour contester les pouvoirs d’une délégation nationale. Voilà qui est peu par rapport au nombre de délégations nationales : cela peut prêter à toute sorte de manipulations.

Mme De Sutter soutient à plusieurs reprises dans son rapport que le Règlement ne devrait pas être utilisé comme une fin en soi, et qu’il ne faut pas modifier une procédure simplement pour tenter de résoudre un problème purement politique. Nous avons cependant l’impression que le problème de la participation des parlementaires russes pèse beaucoup sur ce débat et sur les solutions avancées.

Le dialogue entre États doit être le premier principe quand se posent des problèmes de valeurs. Malheureusement, ce sont les citoyens qui pâtissent des querelles. Si nous interrompons le dialogue entre l’Assemblée et un État, les citoyens de ce pays n’auront plus accès à la Cour européenne des droits de l’homme. Or ce sont eux qui ont le plus besoin d’une protection internationale. Comment faire pour que nos résolutions aient des effets concrets ? Les solutions à mettre en œuvre ne doivent certainement pas se faire au détriment de la protection des droits de l’homme.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant interrompre la liste des orateurs. Le débat sur le rapport de Mme De Sutter se poursuivra cet après-midi, à 16 h 30, après l’intervention de M. le ministre des Affaires étrangères de la Tunisie.

Le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre de l’Albanie et de la Norvège, est suspendu. Il reprendra cet après-midi à 15 h 30. Ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté pourront donc le faire jusqu’à 17 heures.

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

SOMMAIRE

1. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège

2. Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote

Présentation d’une motion préjudicielle

Sir Christopher Chope, M. Schwabe, Mme De Sutter, rapporteure de la commission du Règlement

Vote sur la motion préjudicielle

Présentation par Mme De Sutter du rapport de la commission du Règlement (Doc. 14621)

Orateurs : M. Schwabe, Sir Edward Leigh, MM. van de Ven, Kox, Pociej, Mme Duranton, MM. Rustamyan, Nick, Mme Chugoshvili, M. Becht, Sir Roger Gale, MM. Vareikis, Cepeda, Zingeris, Waserman, Loucaides, Lord Anderson, M. Seyidov, Mme Smith, MM. Ariev, Huseynov, Wilson, Németh, Mmes Fataliyeva, Mikko, MM. Zavoli, Golub, Mmes Ævarsdóttir, Trisse, M. Simms, Mmes Christoffersen, Sotnyk, MM. Hunko, Goncharenko

M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Sir Roger Gale

MM. Masiulis, Sobolev, Mme Anttila, M. Nissinen, Mme Schou, M. Fournier, Mmes Gerashchenko, Kalmari, MM. Kandelaki, Herkel, Kopřiva, Lombardi, Gatti

3. Prochaine séance publique

Appendix I / Annexe I

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

AMON, Werner [Mr]

AMTSBERG, Luise [Ms]

ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms]

ANDERSON, Donald [Lord] (BARDELL, Hannah [Ms])

ANTL, Miroslav [M.] (KYTÝR, Jaroslav [Mr])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

APOSTOL, Ion [Mr] (GHIMPU, Mihai [Mr])

ARENT, Iwona [Ms]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

AST, Marek [Mr] (BAKUN, Wojciech [Mr])

BADEA, Viorel Riceard [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

BADIA, José [M.]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]

BALIĆ, Marijana [Ms]

BARNETT, Doris [Ms]

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYR, Petra [Ms] (BURES, Doris [Ms])

BECHT, Olivier [M.]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BILLI, Simone [Mr]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BOGDANOV, Krasimir [Mr]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BOSCHI, Maria Elena [Ms]

BRANDT, Michel [Mr] (WERNER, Katrin [Ms])

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSHKA, Klotilda [Ms]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ÇELİK, Sena Nur [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

ÇEVİKÖZ, Ahmet Ünal [Mr]

CHOPE, Christopher [Sir] (GILLAN, Cheryl [Dame])

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CHUGOSHVILI, Tamar [Ms]

COMTE, Raphaël [M.] (FIALA, Doris [Mme])

COURSON, Yolaine de [Mme] (LOUIS, Alexandra [Mme])

COZMANCIUC, Corneliu Mugurel [Mr] (ȘTEFAN, Corneliu [Mr])

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

CSÖBÖR, Katalin [Mme]

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DONALDSON, Jeffrey [Sir]

DUMITRESCU, Cristian-Sorin [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

DURANTON, Nicole [Mme]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ESSL, Franz Leonhard [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FASSINO, Piero [Mr] (FLORIS, Emilio [Mr])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (AGHAYEVA, Ulviyye [Ms])

FIDANZA, Carlo [Mr]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (OBRADOVIĆ, Marija [Ms])

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FOURNIER, Bernard [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GATTI, Marco [M.]

GAVAN, Paul [Mr]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GOGUADZE, Nino [Ms] (PRUIDZE, Irina [Ms])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (YEMETS, Leonid [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORROTXATEGUI, Miren Edurne [Mme] (BUSTINDUY, Pablo [Mr])

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRECH, Etienne [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])

GRIN, Jean-Pierre [M.] (MÜLLER, Thomas [Mr])

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GURMAI, Zita [Mme]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HALICKI, Andrzej [Mr]

HARDT, Jürgen [Mr] (MOTSCHMANN, Elisabeth [Ms])

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HERKEL, Andres [Mr] (TERIK, Tiit [Mr])

HOWELL, John [Mr]

HRISTOV, Plamen [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JABLIANOV, Valeri [Mr]

JANIK, Grzegorz [Mr] (WOJTYŁA, Andrzej [Mr])

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

JUHÁSZ, Hajnalka [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASSEGGER, Axel [Mr] (HAIDER, Roman [Mr])

KATSARAVA, Sofio [Ms]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KERN, Claude [M.] (GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme])

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRILOV, Danail [Mr] (GROZDANOVA, Dzhema [Ms])

KITEV, Betian [Mr]

KNEŽEVIĆ, Milan [Mr]

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KUHLE, Konstantin [Mr]

KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LABAZIUK, Serhiy [Mr] (BILOVOL, Oleksandr [Mr])

LANGBALLE, Christian [Mr] (HENRIKSEN, Martin [Mr])

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

LEYTE, Carmen [Ms]

LIASHKO, Oleh [Mr]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOUCAIDES, George [Mr]

LOVOCHKINA, Yuliya [Ms]

LUNDGREN, Kerstin [Ms] (SVENSSON, Michael [Mr])

LUPU, Marian [Mr]

MADSEN, Rasmus Vestergaard [Mr]

MANIERO, Alvise [Mr]

MARQUES, Duarte [Mr]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

MASSEY, Doreen [Baroness]

McCARTHY, Kerry [Ms]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MIKKO, Marianne [Ms]

MILADINOVIĆ, Stefana [Ms] (OBRADOVIĆ, Žarko [Mr])

MONTILLA, José [Mr] (GUTIÉRREZ, Antonio [Mr])

MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms]

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O'REILLY, Joseph [Mr]

ORLANDO, Andrea [Mr]

ÖZSOY, Hişyar [Mr]

PACKALÉN, Tom [Mr]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms])

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POPA, Ion [M.] (GORGHIU, Alina Ștefania [Ms])

PRESCOTT, John [Mr]

PUTICA, Sanja [Ms]

RAMPI, Roberto [Mr]

RAUCH, Isabelle [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

REICHARDT, André [M.] (GROSDIDIER, François [M.])

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

RUSTAMYAN, Armen [M.]

ŞAHİN, Ali [Mr]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (KRARUP, Marie [Ms])

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHMIDT, Frithjof [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SEKULIĆ, Predrag [Mr]

ŠEŠELJ, Aleksandar [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SIRAKAYA, Zafer [Mr]

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

SORRE, Bertrand [M.]

SOTNYK, Olena [Ms]

STELLINI, David [Mr]

STIENEN, Petra [Ms]

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

ŞUPAC, Inna [Ms]

SUTTER, Petra De [Ms] (BLANCHART, Philippe [M.])

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TOMIĆ, Violeta [Ms] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TRISSE, Nicole [Mme]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

TZAVARAS, Konstantinos [M.]

UCA, Feleknas [Ms]

VALENTA, Jiři [Mr] (STANĚK, Pavel [Mr])

VALLINI, André [M.] (CAZEAU, Bernard [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VESCOVI, Manuel [Mr]

VOGT, Günter [Mr] (WENAWESER, Christoph [Mr])

WALLINHEIMO, Sinuhe [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

WASERMAN, Sylvain [M.]

WHITFIELD, Martin [Mr] (MURRAY, Ian [Mr])

WILSON, Phil [Mr]

YAŞAR, Serap [Mme]

ZAVOLI, Roger [Mr] (D'AMBROSIO, Vanessa [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (MALLIA, Emanuel [Mr])

ZSIGMOND, Barna Pál [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

BALFE, Richard [Lord]

BESELIA, Eka [Ms]

CORREIA, Telmo [M.]

DOUBLE, Steve [Mr]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr]

FIALA, Doris [Mme]

GOODWILL, Robert [Mr]

KATSIKIS, Konstantinos [Mr]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms]

MADISON, Jaak [Mr]

MAKHMUDYAN, Rustam [Mr]

MANNINGER, Jenő [Mr]

NACSA, Lőrinc [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr]

RUSSELL, Simon [Lord]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

TOUHIG, Don [Lord]

URPILAINEN, Jutta [Ms]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr]

VENIZELOS, Evangelos [M.]

VICKERS, Martin [Mr]

WIECHEL, Markus [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

GALVEZ, Rosa [Ms]

SIMMS, Scott [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

AMRAOUI, Allal [M.]

ATMOUN, El Mehdi [Mr]

BOUANOU, Abdellah [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

LEBBAR, Abdesselam [M.]

NYSHANOV, Saidulla [Mr]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan

Appendix II /Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of a Judge to the European Court of Human Rights in respect of Albania and Norway / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège

ALTUNYALDIZ, Ziya [Mr]        A

AMON, Werner [Mr]        A

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]        B

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]        B

BARDELL, Hannah [Ms] / ANDERSON, Donald [Lord]

BARNETT, Doris [Ms]        B

BARREIRO, José Manuel [Mr] / MUÑOZ, Esther [Ms]

BATRINCEA, Vlad [Mr]        B

BECHT, Olivier [M.]        B

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]        B

BEYER, Peter [Mr]        B

BILLI, Simone [Mr]        B

BLONDIN, Maryvonne [Mme]        B

BÖKE, Selin Sayek [Ms]        B

BOSCHI, Maria Elena [Ms]        B

BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr] / DUMITRESCU, Cristian-Sorin [M.]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]        B

BUCCARELLA, Maurizio [Mr]        B

BUDNER, Margareta [Ms]        B

BUSHATI, Ervin [Mr]        B

BUSHKA, Klotilda [Ms]        B

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]        C

CAZEAU, Bernard [M.] / VALLINI, André [M.]

CEPEDA, José [Mr]        Ç

ÇEVİKÖZ, Ahmet Ünal [Mr]        C

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]        C

CUTAJAR, Rosianne [Ms] / GRECH, Etienne [Mr]

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]        D

D'AMBROSIO, Vanessa [Ms] / ZAVOLI, Roger [Mr]

DAMYANOVA, Milena [Mme]        D

DE CARLO, Sabrina [Ms]        D

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]        D

DURANTON, Nicole [Mme]        E

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]        E

ECCLES, Diana [Lady]        E

EIDE, Espen Barth [Mr]        E

EMRE, Yunus [Mr]        E

ESSL, Franz Leonhard [Mr]        E

ESTRELA, Edite [Mme]        F

FLORIS, Emilio [Mr] / FASSINO, Piero [Mr]

FOURNIER, Bernard [M.]        

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.] / SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme]

GALE, Roger [Sir]        G

GATTI, Marco [M.]        G

GAVAN, Paul [Mr]        G

GHILETCHI, Valeriu [Mr]        G

GILLAN, Cheryl [Dame] / CHOPE, Christopher [Sir]

GONZÁLEZ TABOADA, Jaime [M.]        G

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]        G

GOY-CHAVENT, Sylvie [Mme] / KERN, Claude [M.]

GROSDIDIER, François [M.] / REICHARDT, André [M.]

GROZDANOVA, Dzhema [Ms] / KIRILOV, Danail [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]        G

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr] / MONTILLA, José [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]        H

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]        H

HALICKI, Andrzej [Mr]        H

HAMID, Hamid [Mr] / IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr]

HEINRICH, Gabriela [Ms]        H

HENRIKSEN, Martin [Mr] / LANGBALLE, Christian [Mr]

HOWELL, John [Mr]        H

HRISTOV, Plamen [Mr]        H

HUNKO, Andrej [Mr]        J

JABLIANOV, Valeri [Mr]        J

JENIŠTA, Luděk [Mr]        K

KARLSSON, Niklas [Mr] / ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]        K

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]        K

KITEV, Betian [Mr]        K

KLEINWAECHTER, Norbert [Mr] / OEHME, Ulrich [Mr]

KLICH, Bogdan [Mr] / POCIEJ, Aleksander [M.]

KOÇ, Haluk [M.]        K

KOPŘIVA, František [Mr]        K

KOVÁCS, Elvira [Ms]        K

KOX, Tiny [Mr]        K

KRARUP, Marie [Ms] / SANDBÆK, Ulla [Ms]

KUHLE, Konstantin [Mr]        K

KYTÝR, Jaroslav [Mr] / ANTL, Miroslav [M.]

LEIGH, Edward [Sir]        L

LEITE RAMOS, Luís [M.]        L

LEYTE, Carmen [Ms]        L

LIDDELL-GRAINGER, Ian [Mr]        L

LOMBARDI, Filippo [M.]        L

LOUIS, Alexandra [Mme] / COURSON, Yolaine de [Mme]

LOVOCHKINA, Yuliya [Ms]        L

LUPU, Marian [Mr]        M

MAEIJER, Vicky [Ms] / OVERBEEK, Henk [Mr]

MALLIA, Emanuel [Mr] / ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr]

MANIERO, Alvise [Mr]        M

MARQUES, Duarte [Mr]        M

McCARTHY, Kerry [Ms]        M

MEHL, Emilie Enger [Ms] / CHRISTENSEN, Jette [Ms]

MOTSCHMANN, Elisabeth [Ms] / HARDT, Jürgen [Mr]

MÜLLER, Thomas [Mr] / GRIN, Jean-Pierre [M.]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]        N

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms]        N

NÉMETH, Zsolt [Mr]        N

NENUTIL, Miroslav [Mr]        N

NICK, Andreas [Mr]        N

NISSINEN, Johan [Mr]        O

OBRADOVIĆ, Marija [Ms] / FILIPOVSKI, Dubravka [Ms]

OHLSSON, Carina [Ms]        O

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]        O

O'REILLY, Joseph [Mr]        O

ORLANDO, Andrea [Mr]        P

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]        P

PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr] / BADEA, Viorel Riceard [M.]

POMASKA, Agnieszka [Ms] / MUNYAMA, Killion [Mr]

RAMPI, Roberto [Mr]        R

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]        R

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]        Ş

ŞAHİN, Ali [Mr]        S

SCERRA, Filippo [Mr]        S

SCHÄFER, Axel [Mr]        S

SCHENNACH, Stefan [Mr]        S

SCHMIDT, Frithjof [Mr]        S

SCHOU, Ingjerd [Ms]        S

SCHWABE, Frank [Mr]        S

SEKULIĆ, Predrag [Mr]        S

SHEHU, Tritan [Mr]        S

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]        S

SILVA, Adão [M.]        Š

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]        Š

ŠKOBERNE, Jan [Mr] / TOMIĆ, Violeta [Ms]

SORRE, Bertrand [M.]        S

SOTNYK, Olena [Ms]        S

STELLINI, David [Mr]        S

STIENEN, Petra [Ms]        S

STRIK, Tineke [Ms]        Ş

ŞUPAC, Inna [Ms]        T

TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms] /MASIULIS, Kęstutis [Mr]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]        T

TRISSE, Nicole [Mme]        T

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]        T

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]        V

VAREIKIS, Egidijus [Mr]        V

VEN, Mart van de [Mr]        V

VESCOVI, Manuel [Mr]        V

VOGEL, Volkmar [Mr] / HEINRICH, Frank [Mr]

WASERMAN, Sylvain [M.]        W

WENAWESER, Christoph [Mr] / VOGT, Günter [Mr]

WERNER, Katrin [Ms] / BRANDT, Michel [Mr]

WILSON, Phil [Mr]        Y

YAŞAR, Serap [Mme]        Y

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]        Z

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]