FR18CR31

AS (2018) CR 31
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente et unième séance

Mardi 9 octobre 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 30 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre de l’Albanie et de la Norvège (Suite)

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, je vous rappelle que nous procédons ce jour à l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège.

La liste des candidats, leurs notices biographiques et l’avis de la commission compétente figurent dans les Doc. 14605, 14603 et 14632 Addendum 2.

Le scrutin a été suspendu à 13 heures et va reprendre dans la rotonde derrière la présidence. Il sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après, dans les conditions habituelles, sous le contrôle des quatre scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin: M. Leśniak, Mme Bakoyannis, M. Huseynov et M. Montilla.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la présidence à 17 heures.

Les résultats du scrutin seront annoncés si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

2. Discours de M. Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères de la Tunisie

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères de la Tunisie.

Monsieur le ministre, c’est un honneur et un plaisir de vous accueillir au sein de cette Assemblée qui réunit des membres des parlements de toute l’Europe, et au-delà, pour soutenir les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

Monsieur le ministre, j’ai grandement apprécié votre récent discours à l’occasion du débat général annuel de la 73e Assemblée générale des Nations Unies. À New York, vous avez porté un message centré sur l’importance de la paix et sur la responsabilité de la communauté internationale pour ce qui est de bâtir une société réellement inclusive afin de renforcer et garantir une paix durable partout dans le monde.

Votre visite à Strasbourg aujourd’hui est ainsi hautement symbolique. Elle témoigne encore une fois de l’engagement profond de votre pays envers la construction d’un espace commun de protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. Vous venez d’ailleurs de lancer avec le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe le Partenariat de voisinage 2018-2021 avec la Tunisie.

L’Assemblée a toujours salué la coopération fructueuse que votre pays entretient avec le Conseil de l’Europe. Cette coopération gagnerait en efficacité avec un dialogue encore plus intense au niveau parlementaire. Je suis confiante, Monsieur le ministre: votre visite à Strasbourg pourra donner une nouvelle impulsion à ce dialogue.

M. JHINAOUI, ministre des Affaires étrangères de la Tunisie – Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, honorables parlementaires, Madame la Secrétaire d’État de la Suisse, Mesdames et Messieurs les représentants permanents et chefs de mission consulaire à Strasbourg, Mesdames et Messieurs les représentants de la société civile, Excellences, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, tout d’abord, d’exprimer mes remerciements à Mme la Présidente, Liliane Maury Pasquier, pour son aimable invitation et de vous dire tout l’honneur qui m’échoit aujourd’hui de m’adresser à votre auguste Assemblée.

Je me réjouis particulièrement de cette rencontre, d’autant qu’elle me rappelle les échanges fructueux que j’ai eus depuis 2011 avec mon ami M. le Secrétaire Général Jagland, ayant conduit à l’ouverture, en 2013, du Bureau du Conseil de l’Europe en Tunisie, en témoignage de notre volonté de renforcer la coopération avec votre Organisation, dans le droit fil des réformes démocratiques engagées depuis 2011.

Elle traduit aussi l’intérêt porté par le Conseil dans le cadre de sa nouvelle politique de voisinage à partager les expériences de ses membres avec la Tunisie et à consolider les efforts que déploie mon pays dans les domaines de la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Je me félicite également de constater que, depuis l’ouverture de ce Bureau, la coopération s’est nettement intensifiée autour des priorités identifiées conjointement dans ces domaines.

Qu’il me soit aussi permis de rendre hommage au Conseil de l’Europe pour le soutien précieux apporté à la Tunisie en cette période de transition démocratique et pour son engagement à nous accompagner davantage dans la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles et dans le processus de réforme du cadre institutionnel et juridique tunisien.

En effet, le Conseil de l’Europe apporte aujourd’hui à la Tunisie, notamment à travers les programmes Sud I et Sud II – et prochainement Sud III –, un appui hautement apprécié dans de nombreux domaines, dont la mise en place de nouvelles instances de gouvernance, la réforme de la justice, la lutte contre la corruption, la consolidation de la liberté de la presse, la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.

Les structures spécialisées du Conseil ont elles aussi apporté un soutien précieux à la Tunisie, à l’instar de la Commission de Venise – dont la Tunisie est membre à part entière –, qui a aidé grâce au concours de ses experts à l’élaboration de la Constitution de 2014, ou encore la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, auprès de laquelle la Tunisie a obtenu en 2014 le statut d’observateur.

Honorables parlementaires, Mesdames et Messieurs, la Tunisie œuvre inlassablement, depuis 2011, à parachever la construction d’une deuxième République civile et démocratique, en dépit des difficultés économiques et d’un contexte régional difficile. Persévérant dans cette voie, elle a organisé, au mois de mai dernier, les premières élections municipales libres de son histoire. Ce scrutin consacre un principe primordial inscrit dans sa Constitution, celui de la démocratie participative permettant d’asseoir la gouvernance sur le plan local, en tant que levier de croissance à même d’améliorer les conditions de vie des Tunisiens et de réduire les inégalités de développement entre les régions.

Dans ce même élan réformiste et dans le prolongement de la politique avant-gardiste de la Tunisie en matière de promotion de la condition féminine, le Président de la République, Son Excellence M. Beji Caid Essebsi, a lancé une importante initiative visant à consacrer davantage le principe constitutionnel de l’égalité totale entre citoyennes et citoyens. De la sorte, la Tunisie offre, de nouveau, l’une des expériences les plus avancées dans toute la région en matière de reconnaissance des droits et du rôle des femmes.

Un débat des plus passionnants – voire parfois passionnés – anime la société tunisienne ces derniers mois, s’articulant autour des avancées futures à entreprendre en ce sens, sur fond de consécration des droits inscrits dans la nouvelle Constitution.

Ainsi la Tunisie, qui a adopté la première constitution, dans le monde arabe, au XIXe siècle, consacrant la protection de tous les citoyens, quelles que soient leur religion ou leur race, qui a aboli l’esclavage – avant même l’Europe –, qui a consacré l’égalité entre les hommes et les femmes au niveau du statut familial dès le début de l’indépendance, demeurera une terre de réformes, d’innovation, attachée aux valeurs des droits de l’homme que nous partageons tous au sein de cette vénérable Assemblée.

C’est d’ailleurs dans le même esprit pionnier au sein du monde arabe que nous avons engagé l’harmonisation de notre cadre juridique et institutionnel avec celui du Conseil de l’Europe. Cela nous a permis d’avancer au plus vite dans la mise en conformité de la loi avec la nouvelle Constitution de 2014.

Honorables parlementaires, Mesdames et Messieurs, parallèlement à ces efforts sur la voie de la transition politique, la Tunisie s’emploie à réussir sa transition économique. Elle a lancé un vaste programme de réformes tendant à relancer la croissance et les investissements et à promouvoir la création de l’emploi, notamment pour une jeunesse hautement qualifiée et diplômée.

Relever le défi de la relance économique est aujourd’hui un enjeu majeur pour la réussite de la transition démocratique. Les jeunes Tunisiens, qui se sont soulevés en 2011, réclamant davantage de dignité et de liberté, jouissent effectivement aujourd’hui d’un espace démocratique sans précédent dans l’histoire du pays. Ils participent de plein droit aux affaires publiques et exercent la plénitude de leurs droits en matière de liberté d’expression et de liberté d’association. Nous devons toutefois les convaincre que la démocratie répond à leurs aspirations à une meilleure vie en garantissant leur dignité et en créant les conditions nécessaires pour trouver des emplois stables et un développement équilibré, leur évitant ainsi les risques de radicalisation ou la tentation de l’immigration non contrôlée.

C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’a été élaboré le plan de développement économique 2016-2020. Ce plan propose un nouveau modèle de développement économique et social, fondé sur une approche multidimensionnelle favorisant l’efficacité, l’équité et la durabilité, et destiné à accroître l’attractivité de l’économie et à réduire le taux de pauvreté à travers une distribution plus équitable des richesses.

Nous avons fixé, en substance, cinq axes prioritaires: une bonne gouvernance s’appuyant sur la réforme de l’administration et la lutte contre la corruption; une transition d’une économie à faible coût à un hub économique; un développement humain et une inclusion sociale; une concrétisation des ambitions des régions; une économie verte.

Pour sa mise en place, la Tunisie a besoin du soutien substantiel de ses partenaires – en premier lieu en Europe – qui soit à la hauteur des enjeux du modèle tunisien. Sa réussite bénéficiera bien évidemment au peuple tunisien, et aura également un impact sur toute la région; son échec – Dieu nous en garde – aurait lui aussi un impact sur la stabilité de la région, y compris dans tout le Bassin méditerranéen.

De la même façon que nous avons trouvé auprès du Conseil de l’Europe un appui qui a été à la hauteur des exigences de la transition démocratique en Tunisie, nous espérons trouver auprès de nos partenaires européens le soutien nécessaire et adapté aux impératifs de la relance économique, devenue aujourd’hui une nécessité pressante et une condition de la stabilité sociale et politique de la Tunisie.

Honorables parlementaires, Mesdames et Messieurs, la Tunisie, du fait d’une histoire partagée et d’une proximité géographique et culturelle, a toujours considéré l’Europe comme un port d’ancrage et c’est au modèle de société démocratique et moderne que représente l’Europe que nous aspirons et auquel notre processus transitionnel nous voue naturellement – un modèle de société libre, juste et prospère. Pour ce faire, notre partenariat stratégique avec l’Europe embrasse la quasi-totalité des domaines de coopération, allant du politique au social, de l’économique au culturel, du financier à l’humain. Le thème de la mobilité, dans son acception large, qui englobe les quatre libertés – pour les biens, les capitaux, les services et les personnes –, était et demeure au cœur de notre action commune.

Dans notre perception, nous apprécions la mobilité et la migration comme des vecteurs de développement économique, social et culturel et des facteurs de rapprochement des peuples et non comme une menace contre laquelle se dresseraient des murailles de rejet et de repli, tel que nous le voyons, de plus en plus, autour de notre Mare Nostrum.

En effet, la gestion de ce phénomène, aussi ancien que l’existence humaine, ne peut en aucun cas se réduire à la seule dimension sécuritaire. Elle devra obéir à une approche globale et à une logique de partenariat qui s’étendent à toutes les parties prenantes et s’attaquent aux causes profondes, donnant toute la priorité au développement des régions à fort potentiel migratoire, à la formation des jeunes et à la facilitation de la migration circulaire et organisée dans une vision gagnant-gagnant.

Honorables parlementaires, Mesdames et Messieurs, avant de conclure, je voudrais renouveler à Mme la Présidente de l’Assemblée, ainsi qu’à vous, tous mes remerciements pour cette occasion exceptionnelle qui m’est offerte de m’adresser à un aussi important auditoire, dépositaire de la confiance et de la conscience des peuples européens. Je suis convaincu que, par votre position, vous saurez apprécier à sa juste valeur l’exception tunisienne, mais être aussi les interprètes de ses aspirations et attentes.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le ministre, je vous remercie chaleureusement pour votre message. J’ai tout particulièrement apprécié ce que vous avez dit, dans votre discours, à propos du rôle pionnier de votre pays en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et d’avoir mentionné, comme vous l’avez fait, le travail que vous effectuez dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Vous savez – car j’ai eu l’occasion de vous le dire – que c’est là un sujet qui me tient à cœur.

Je suis convaincue que, de part et d’autre de la Méditerranée, nous avons des valeurs, des défis et des intérêts communs. Je vous remercie à nouveau d’être venu vous adresser à nous. Nous nous réjouissons de notre future coopération.

Monsieur le ministre, nous allons maintenant aborder les questions.

Mes chers collègues, je vous rappelle que vous devez poser une question et non faire un discours, et que vous disposez, pour cela, de 30 secondes.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Depuis quelques années, Monsieur le ministre, votre pays, la Tunisie, est montrée comme l’exemple réussi du Printemps arabe, un modèle pour le reste de la région.

Ce n’est pas le cas des pays voisins. Avez-vous une stratégie à leur conseiller pour devenir, comme vous, des pays pionniers non seulement en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi en matière de géopolitique?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Je vous remercie infiniment, Monsieur Vareikis. Comme vous le savez, l’expérience tunisienne est une expérience autochtone, propre à la Tunisie. Elle est le fruit d’une histoire singulière. Je pense que ce qui s’est passé en Tunisie n’est pas forcément transposable dans les pays voisins.

La Tunisie, comme je l’ai indiqué dans mon discours, a une tradition réformiste qui ne date pas d’aujourd’hui ni du Printemps arabe. C’est une tradition qui remonte au XIXe siècle, et ce que nous construisons aujourd’hui n’est que son prolongement. Nous souhaitons, bien évidemment, à nos pays frères et amis de poursuivre leur propre chemin vers l’évolution qui leur convient le mieux.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – La Tunisie est largement reconnue comme l’un des pays arabes les plus avancés dans le domaine des droits de l’homme. Le 13 août dernier, Son Excellence le Président de la Tunisie a indiqué qu’il serait favorable à une législation assurant l’égalité successorale entre les hommes et les femmes, pour ceux qui le souhaitent. Je crois comprendre que cette législation est désormais remise en question. Quelles sont les perspectives en la matière? Une nouvelle loi sera-t-elle adoptée?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Le Président de la République a créé une commission chargée de formuler des propositions sur des questions fondamentales touchant aux droits de l’homme, en lien avec l’esprit et la lettre de la Constitution de 2014 – entre autres la question de l’égalité successorale.

Vous savez que les femmes occupent aujourd’hui une place prépondérante dans la société tunisienne – par exemple, 63 % des médecins et 45 % des magistrats sont des femmes. Celles-ci occupent pratiquement toutes les sphères de la société. Il est tout à fait normal, au regard de cette évolution, de commencer à réfléchir et d’appeler à un débat national pour instaurer l’égalité successorale. Le Président de la République l’a annoncé le 13 août: il compte proposer un projet de loi. Celui-ci fait actuellement l’objet de discussions et il appartient aux groupes parlementaires de le présenter au Parlement tunisien pour qu’il soit adopté. La question est encore en débat. Il n’a jamais été question d’y renoncer.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Au début de l’année, plusieurs manifestations contre des réformes économiques se sont tenues dans votre pays. Ont-elles vraiment été inspirées par des groupes terroristes? Comment pouvez-vous persuader la population de la nécessité d’initier des changements?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Depuis 2011, et plus encore depuis les élections de 2014, notre processus démocratique a connu des progrès réels. Malheureusement, l’économie n’a pas suivi. Les jeunes qui ont manifesté dans la rue en début d’année avaient toute légitimité pour revendiquer le droit à l’emploi et à une meilleure vie, dans ce pays qui aspire à devenir une démocratie.

Nous entendons poursuivre les efforts engagés pour répondre aux aspirations de ces jeunes qui, comme je viens de le rappeler, se sont soulevés en 2011 pour réclamer davantage de dignité. Aujourd’hui, ces jeunes s’expriment librement et manifestent, mais l’économie n’est malheureusement pas encore en mesure de répondre à leurs attentes, en particulier en matière d’emploi et d’intégration sociale. L’objectif du Gouvernement tunisien est de tout faire pour relancer l’économie.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Dans le Code pénal tunisien, l’homosexualité est toujours considérée comme un délit. L’an dernier, 44 personnes ont été détenues pour ce motif. Plusieurs organisations internationales ont dénoncé le fait que la police ne veille pas au respect de leurs droits. Ces personnes sont passées à tabac, rouées de coups. Votre gouvernement est-il prêt à opérer les changements nécessaires et à amender le Code pénal pour remédier à cette situation?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Cette question figure parmi celles qui ont été traitées par la commission créée par le Président de la République. Chaque société suit son rythme naturel d’évolution. La question que vous soulevez fait l’objet de débats. Modifier la loi n’est ni l’apanage ni de la compétence du gouvernement. Il appartient au parlement et aux institutions prévues par la Constitution de délibérer sur ces sujets et de trouver les solutions adéquates pour répondre à votre question.

M. LOUCAIDES (Chypre), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – En tant que rapporteur chargé de la question de la transition politique en Tunisie, je me félicite de votre présence parmi nous aujourd’hui, qui nous permet de renouveler notre engagement envers votre pays. Nous souhaitons soutenir le processus de réforme en Tunisie, conformément aux valeurs et principes de cette Organisation.

Nous constatons l’avancée du processus de réforme, et nous nous en félicitons – je pense à l’adoption récente de la loi contre la violence à l’encontre des femmes comme aux propositions ambitieuses de la commission sur les libertés individuelles et sur l’égalité. Par ailleurs, nous sommes préoccupés par les défis auquel votre pays fait toujours face, notamment les conditions économiques très difficiles et les inégalités persistantes qui viennent alimenter les troubles sociaux.

Qu’attendez-vous du Conseil de l’Europe, et plus particulièrement de notre Assemblée? Comment pouvons-nous davantage aider la Tunisie à relever ces défis? Comment pouvons-nous renforcer notre partenariat et notre coopération?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Je vous remercie infiniment pour votre intervention et vos questions.

Nous sommes au début du processus d’instauration d’une démocratie. Notre jeune démocratie, notre démocratie naissante a besoin d’être consolidée par le peuple tunisien – lequel est déterminé à poursuivre dans cette voie. Cela dit, nous avons également besoin de l’accompagnement et de la compréhension de nos amis. Notre objectif est de construire un système démocratique épousant les valeurs universelles du XXIe siècle. Pour l’atteindre, nous devons évidemment compter sur nos propres forces, mais aussi sur l’appui et l’accompagnement de nos partenaires. Malheureusement, autant nous avançons sur le plan institutionnel et démocratique, autant nous faisons face à de réels défis en matière économique. En tout état de cause, je suis convaincu que la Tunisie trouvera les moyens adéquats pour sortir de cette situation grâce, encore une fois, à sa propre détermination et sa volonté, mais aussi à l’appui conséquent de ses amis.

LA PRÉSIDENTE – Je suggère que nous prenions les questions suivantes par séries de trois.

M. BÜCHEL (Suisse) – Monsieur le ministre, je vous félicite pour votre discours et pour les progrès que votre pays a accomplis, qui seront suivis aussi de progrès économiques.

De nombreux Tunisiens se trouvent en Europe alors qu’ils ne devraient pas y être. Envisagez-vous des accords de réadmission, comme beaucoup de pays en ont conclu avec la Suisse, par exemple? Êtes-vous favorable à de nouveaux accords avec votre pays?

M. CEPEDA (Espagne)* – Monsieur le ministre, ma question concerne l’évolution de votre pays concernant la liberté de la presse, de l’information et des moyens de communication – c’est l’un des piliers fondamentaux de la démocratie. Des efforts ont été consentis. Vous avez fait une brillante intervention à l’Assemblée générale des Nations Unies, mais pouvez-vous nous apporter des informations complémentaires sur vos activités en la matière?

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Des résolutions ont été adoptées pour condamner l’agression de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan. Or les résolutions des Nations Unies doivent être appliquées. Votre pays les a signées.

Nous constatons que de nouveaux défis ont été relevés par la Tunisie. Comment entendez-vous faire appliquer ces résolutions des Nations Unies?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Concernant la réadmission, comme je l’ai dit dans mon intervention, la Tunisie tient à mieux contrôler ses frontières et à empêcher toute immigration clandestine. Elle a conclu avec plusieurs de ses partenaires des accords bilatéraux pour développer une immigration régulière répondant aux besoins de ces pays comme aux besoins de la Tunisie et des jeunes Tunisiens en matière d’emploi. La Tunisie ne s’est jamais dérobée à son obligation de réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière dans certains pays européens. Conformément à ces accords, des Tunisiens rentrent en Tunisie après vérification de leur nationalité et après qu’on s’est assuré qu’ils sont bien Tunisiens. Nous avons mis en place des moyens techniques pour ce faire. Une fois établi qu’il s’agit bien de Tunisiens, la Tunisie honore ses obligations et rapatrie ses ressortissants.

S’agissant de la liberté d’expression, je répondrai à M. Cepeda que la Tunisie est devenue un pays où la liberté d’expression a véritablement explosé. C’est une de nos grandes réalisations depuis 2011. Aujourd’hui, les Tunisiens s’expriment librement. Nous avons une quarantaine de chaînes de télévision, plus de 60 sites web, plusieurs quotidiens et hebdomadaires. Les Tunisiens peuvent librement s’exprimer aussi bien dans les médias audiovisuels que dans les médias écrits et au parlement. La Tunisie, qui tient à cette liberté chère à tous les Tunisiens par-delà leurs orientations idéologiques, entend prendre toutes les mesures nécessaires pour consolider cet acquis.

Quant au respect des résolutions internationales, la Tunisie, comme nous avons voulu le dire dans notre message aux Nations Unies, respecte ses obligations. Soucieuse de ne pas interférer dans les affaires intérieures des autres pays, elle n’entend pas que d’autres pays interfèrent dans ses affaires intérieures. L’Azerbaïdjan et l’Arménie sont deux pays amis. Nous souhaitons qu’ils règlent leurs problèmes aussi pacifiquement que possible et de manière négociée, mais nous nous refusons à prendre position en faveur d’une partie au détriment de l’autre.

LA PRÉSIDENTE – M. Korodi, inscrit pour poser une question, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme CSÖBÖR (Hongrie) – Monsieur le ministre, considérant l’éducation comme un facteur clé du développement du pays, la Hongrie offre chaque année 150 bourses d’étude aux étudiants tunisiens. Selon vous, comment l’Europe peut-elle contribuer au développement de la Tunisie et de sa société?

Mme ANTTILA (Finlande)* – Monsieur le ministre, merci pour votre discours riche en informations. La Tunisie est considérée comme le pays ayant réussi son Printemps arabe, ce mouvement qui a bouleversé la région en 2011. Selon vous, qu’est-ce qui explique principalement que le Printemps arabe n’ait pas débouché sur un progrès de la démocratie dans cette région du monde? Quels défis restent à relever par la Tunisie dans la voie vers la démocratie?

M. SCHENNACH (Autriche)* – Monsieur le ministre, je connais bien votre pays pour avoir longuement présidé l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée. Une des raisons du succès de la révolution, c’est qu’il y avait depuis longtemps dans votre pays des mouvements syndicaux et beaucoup de femmes très actives. Quelle est aujourd’hui la place de la femme dans votre pays? Quels programmes sont mis en place? La femme a très tôt occupé une place prépondérante dans vos institutions. Quelles nouvelles étapes comptez-vous franchir?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – L’éducation est un sujet central du projet sociétal que développe la Tunisie depuis 60 ans. Dès les premiers mois de son indépendance, la Tunisie s’est appliquée à généraliser l’enseignement, à le rendre obligatoire pour les garçons et les filles jusqu’à l’âge de 16 ans. Alors que la Tunisie luttait contre l’analphabétisme juste après son indépendance, elle a aujourd’hui quelque 300 000 titulaires de master en recherche d’emploi.

Je remercie Mme Csöbör pour sa question. La Hongrie offre 150 bourses aux jeunes Tunisiens. Ces bourses sont très précieuses. Elles permettent à nos jeunes d’accéder à l’université hongroise pour parfaire leur cursus.

La jeunesse était un élément central du premier sommet organisé en décembre 2016 entre le Président de la République tunisienne et les trois présidents de l’Union européenne, à Bruxelles. L’Union européenne a accordé 1 750 bourses Erasmus à la Tunisie. Notre pays a également conçu un programme similaire avec l’Italie, Erasmus Méditerranée. Il bénéficie énormément aux jeunes Tunisiens, que nous souhaitons former aux disciplines les plus modernes de l’éducation afin qu’ils soient des citoyens responsables de notre démocratie naissante.

Concernant le rôle de la femme, j’ai essayé de l’expliquer tout à l’heure. Elle est aussi au cœur de notre projet sociétal. Alors que la Tunisie avait obtenu l’indépendance en mars 1956, dès le mois d’août 1956, le Président Bourguiba, fondateur de la Tunisie moderne, a favorisé l’adoption d’un code de statut personnel révolutionnaire – et qui continue à l’être dans le monde arabo-islamique. Il prévoit l’égalité totale entre les hommes et les femmes, auxquelles il accorde des droits sans précédents. Récemment, un débat a émergé au sujet de l’égalité successorale.

La femme occupe une place prépondérante dans la société tunisienne. Comme je l’ai rappelé, la proportion de femmes occupant des postes importants dans un certain nombre de professions est très élevée. C’est la fierté – et le point fort – de la Tunisie. Cela explique peut-être que la Tunisie ait réussi, contrairement à d’autres. Nous avons généralisé l’enseignement, développé les ressources humaines et doté les femmes de droits, afin d’en faire une force agissante dans la société, dont elles qui représentent 50 %.

Comme je l’ai mentionné dans mon discours, la Tunisie compte développer encore davantage les droits des femmes, grâce à votre appui et celui de nos autres partenaires, afin qu’elles deviennent un élément fondamental de la démocratie tunisienne naissante.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Monsieur le ministre, dans votre intervention, vous avez indiqué que votre gouvernement agissait pour éviter que les jeunes ne tombent dans la radicalisation et n’alimentent les flux de l’immigration non contrôlée. Selon les statistiques des Nations Unies évoquées dans un important rapport, entre 2000 et 2017, la Tunisie a exporté davantage de combattants vers les conflits au Moyen-Orient que n’importe quel autre pays. La Tunisie a presque perdu une génération. Selon vous, comment peut-on expliquer cette situation? Comment abordez-vous le problème du terrorisme au sein de votre gouvernement?

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Excellence, comme vous l’avez dit lors de votre intervention, la Tunisie et le Maroc sont parties prenantes du programme qui vise à renforcer les institutions, l’indépendance des instances judiciaires, la démocratie, la société civile et l’État de droit. Ce programme vous unit au Conseil de l’Europe et mon pays, la Norvège, y contribue. Pourriez-vous nous dire quelle est, d’après vous, la valeur ajoutée la plus importante de ce programme?

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Monsieur le ministre, la Tunisie a toujours été un fervent soutien du peuple palestinien. Vous avez rappelé qu’il est nécessaire de travailler pour la paix. Cependant, aujourd’hui, la résolution du conflit au Moyen-Orient est dans une impasse; la solution de deux États est quasiment abandonnée. Monsieur le ministre, que conseillez-vous?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Concernant la radicalisation des jeunes Tunisiens, je dois dire que les chiffres donnés par les médias n’ont été confirmés par aucune autorité, pour la bonne raison qu’aucune autorité ne peut dire combien de terroristes ont été tués dans les zones de conflit.

Pendant les trois années qui ont suivi la révolution, de 2011 à 2014, il y a certainement eu un flux migratoire encouragé par des groupuscules terroristes vers les zones de conflit, et surtout vers la Syrie. Le gouvernement issu des élections de 2014 a conçu un programme national impliquant plusieurs secteurs, dont la culture, l’éducation et la sécurité, pour éviter la radicalisation des jeunes. J’ai insisté sur l’importance de répondre aux attentes de ces jeunes en matière d’emploi pour éviter que leur mécontentement ne soit exploité par ces groupuscules terroristes qui disposent d’argent pour les impliquer dans leurs mouvements. Ainsi, nous sommes extrêmement vigilants car la menace existe toujours, mais je ne pense pas que la Tunisie soit un foyer de radicalisation plus important que d’autres nations.

Madame Christoffersen, la Norvège apporte effectivement un appui précieux à la Tunisie dans différents secteurs, notamment dans celui de l’indépendance de la justice. Or il n’existe pas de démocratie moderne sans une justice efficace et indépendante. Aussi, tout ce que nos partenaires peuvent nous apporter pour améliorer le professionnalisme ainsi que la formation de nos juges, l’indépendance et l’efficacité de la justice, aidera à consolider le processus démocratique.

En ce qui concerne la question palestinienne, il est évident que le processus de paix est en train de reculer. Pendant douze ans, jusqu’en 2014, la Tunisie a abrité les autorités palestiniennes et elle a participé à sa manière au renforcement du processus de paix qui a permis aux Palestiniens de retourner sur leurs terres.

Elle déplore bien évidemment ce recul et souhaite que toutes les forces vives de la communauté internationale s’associent pour aider les différents protagonistes à progresser sur le chemin de la paix. Il n’y a pas d’autre solution que celle de deux États et l’application des résolutions pertinentes des Nations Unies qui définissent les conditions de la paix. Le monde arabe, qui a pris une initiative en ce sens, est prêt à soutenir toute solution pacifique de la question palestinienne qui permettrait à la région de sortir de la situation de guerre et de crise pour s’orienter vers la reconstruction et la prospérité nécessaires pour ces peuples.

Mme ALQAWASMI (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Monsieur le ministre, nous nous félicitons de vos réalisations en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Quelle est la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël?

M. XUCLÀ (Espagne)* – Monsieur le ministre, votre pays a très bien entamé la transition vers la démocratie et a obtenu le prix Nobel de la paix en 2015. Cependant, pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps pour créer une nouvelle Cour constitutionnelle en Tunisie?

Par ailleurs, qu’en est-il des plaintes contre la torture dans les commissariats? Que font le Président et le Premier ministre pour faire respecter la Constitution tunisienne?

M. Espen Barth EIDE (Norvège)* – Excellence, la radicalisation est de plus en plus importante. Or la démocratie suppose de créer aussi bien l’unité que la diversité. La Tunisie est le seul pays dans lequel le Printemps arabe n’est pas devenu un hiver extrêmement rigoureux. Quels enseignements le Conseil de l’Europe peut-il tirer de ce qu’a fait la Tunisie?

M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA TUNISIE – Les Palestiniens ont les mêmes droits à la dignité et à la liberté que les autres peuples. Je suis convaincu que l’ensemble des parlementaires de cette Assemblée soutient les droits des Palestiniens. La Tunisie, qui aspire à devenir une démocratie et qui considère le peuple palestinien comme un peuple frère, soutient son aspiration à faire reconnaître ses droits.

Pour répondre à la question de M. Xuclà, la Tunisie s’efforce de parachever les structures institutionnelles prévues par la Constitution de 2014. Le gouvernement et le parlement font tout pour mettre en place la Cour constitutionnelle au cours du mandat actuel. Des élections auront lieu à la fin de l’année 2019; la Cour devra fonctionner à cette date ou au plus tard au début de l’année 2020.

Pour ce qui est de la torture, je peux évidemment affirmer ici de la manière la plus solennelle qu’il s’agit d’une pratique honnie en Tunisie. Elle y est répudiée, elle n’y est pas acceptée. Ce n’est pas une politique. Il y a probablement des cas ici ou là, mais la détermination est totale au niveau gouvernemental et politique: toutes les forces politiques en Tunisie sont décidées à empêcher ce genre de pratiques, et si l’on découvre des cas de torture, tout est mis en œuvre pour que les auteurs de ces actes honnis soient jugés de la manière la plus conséquente.

En ce qui concerne les raisons pour lesquelles la Tunisie a réussi alors que ce n’est pas le cas d’autres pays, d’abord, nous n’aimons pas beaucoup en Tunisie l’expression «Printemps arabe». Il n’y a pas de Printemps arabe. Il y a eu peut-être un début de printemps en Tunisie, et nous sommes en train de tout faire pour que ses effluves bénéficient aux Tunisiens.

La Tunisie a fait des choix fondamentaux depuis 60 ans. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons développé l’éducation, les ressources humaines; nous avons généralisé l’éducation. Le résultat est que nous avons un peuple éduqué – garçons et filles –, donc un peuple responsable, qui fait tout pour consolider la liberté difficilement gagnée en 2011. Le statut de la femme est un autre rempart contre toute velléité de retour aux anciennes pratiques.

Cette expérience est endogène: elle appartient à la Tunisie. Les Tunisiens tiennent à ce qu’elle réussisse. Ils y travaillent durement, dans un contexte national difficile du point de vue économique, mais aussi dans un contexte régional qui n’est pas tout à fait favorable à ce genre de système. Je peux néanmoins vous affirmer, Mesdames et Messieurs les parlementaires, que la Tunisie est déterminée à réussir cette expérience. Bien sûr, elle y parviendra notamment grâce à l’appui de ses amis.

LA PRÉSIDENTE – Nous en avons terminé avec les questions.

Je vous remercie tout particulièrement, Monsieur le ministre, d’avoir laissé le temps à tous nos collègues qui souhaitaient vous poser des questions de le faire. C’était vraiment très intéressant pour nous toutes et tous.

Mes chers collègues, avant de passer au point suivant de l’ordre du jour, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège est en cours. Il sera clos à 17 heures.

J’invite celles et ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

M. ARIEV (Ukraine)* – Rappel au Règlement!

Madame la Présidente, je voudrais vous informer, ainsi que l’ensemble de nos collègues, du fait que je viens d’être insulté, dans ce bâtiment, par l’un des représentants de la télévision russe. Ces derniers ont tenté de me barrer la route lorsque j’ai refusé de leur parler. Je leur ai dit que je ne parlais pas à des gens qui font de la propagande; ils m’ont tiré par la manche et ont essayé de m’empêcher d’entrer dans l’hémicycle. Je m’adresse à toutes les personnes responsables au sein de cette Assemblée et du Conseil de l’Europe: j’espère que l’on mettra un terme à ce genre d’incidents provoqués par des journalistes russes travaillant dans les locaux du Conseil.

LA PRÉSIDENTE – J’ai bien entendu votre déclaration. Toutefois, il ne s’agit pas vraiment d’un rappel au Règlement: vous n’invoquez pas une question de procédure, mais vous mentionnez un événement qui vous est arrivé. J’ai pris bonne note de cet événement et nous ferons tout notre possible pour qu’il ne se reproduise pas.

Je vous prie d’utiliser les rappels au Règlement pour ce qu’ils sont: ils doivent porter sur la procédure et n’être employés que si vous pensez que la procédure de notre Assemblée n’est pas respectée. S’il est fait recours abusivement à cette possibilité, nous devrons être plus stricts dans la prise en considération des demandes de rappel au Règlement.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 13.

Ce matin, j’ai proposé une motion afin d’obtenir un avis juridique indépendant sur le contenu de l’analyse juridique publiée par le Comité des Ministres le 25 septembre dernier. C’est avec étonnement que j’ai pris connaissance d’un tweet publié à 10 h 15 ce matin et décrivant cette motion comme «scandaleuse». L’auteur de ce tweet, qui me fait insulte, est Jörg Polakiewicz, également auteur de l’analyse juridique sur laquelle je souhaitais avoir un avis juridique indépendant. Est-il acceptable que M. Polakiewicz, conseiller juridique, directeur du service juridique au sein du Conseil de l’Europe, puisse condamner publiquement une motion soutenue par plus de 50 membres de cette Assemblée?

L’article 13 du Règlement s’applique au code de conduite des membres de l’Assemblée. Existe-t-il un équivalent pour les fonctionnaires du Conseil de l’Europe? Madame la Présidente, comment puis-je introduire un recours contre la calomnie dont M. Polakiewicz se rend coupable à mon endroit?

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Chope, pas plus que la précédente, votre question n’a vraiment pas trait à notre Règlement. Elle s’adresse au Secrétaire Général, responsable des personnes qui sont employées au Conseil: il y répondra en temps utile.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Rappel au Règlement, également sur le fondement de l’article 13.

Il est dommage que M. Jagland quitte l’hémicycle. M. Chope a cité un responsable du Conseil de l’Europe, mais il y en a un autre, Daniel Holtgen, porte-parole du Conseil, qui a tweeté sur la même situation.

LA PRÉSIDENTE* – (Commençant en anglais) Je vous arrête: ce n’est pas un rappel au Règlement.

(Poursuivant en français) Il s’agit d’un problème que vous avez raison de soulever, mais pas dans cette enceinte ni sous cette forme. Les rappels au Règlement sont motivés par un problème eu égard à notre Règlement ou à la manière dont sont menés les travaux de l’Assemblée. La question dont vous parlez n’a rien à voir avec cela. Je ne veux pas dire par là que vous n’avez pas la possibilité de la soulever mais, je le répète, vous ne pouvez pas le faire ainsi dans cet hémicycle.

3. Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire
concernant les pouvoirs et le vote
(Suite)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du rapport de Mme De Sutter, au nom de la commission du Règlement, intitulé «Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote» (Doc. 14621).

Nous poursuivons la discussion générale. Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des oratrices et orateurs à 3 minutes.

M. LIASHKO (Ukraine)* – Le Prix Václav Havel a été décerné hier, et nous savons que celui qui a lui donné son nom s’est exprimé en ces lieux. Je crois personnellement qu’il veille sur nous pour nous rappeler que le monde pourrait être meilleur si, de temps à autre, nous avions le courage de contempler les étoiles au firmament. Malheureusement, je crois que trop de personnes se tournent vers les étoiles du Kremlin plutôt que vers celles du drapeau européen.

Il y a quatre ans, l’Assemblée a pris une décision à propos des pouvoirs de la délégation russe en raison de l’occupation du Donbass et de la Crimée. Y a-t-il eu des changements depuis? La Russie a-t-elle honoré ses engagements? Les troupes visant à tuer nos citoyens ont-elles été retirées? Ce matin même s’est produit un acte très répréhensible dans ma ville natale: une explosion dans un dépôt d’armes. Je vous rappelle que 2 millions de personnes ont été privées de leur droit à un domicile, de leur droit à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires. Nous savons que les forces armées russes occupent des territoires qui ne sont pas les leurs. La Russie est impliquée dans des conflits à l’intérieur même du territoire européen.

Le Conseil de l’Europe a été créé il y a 70 ans pour défendre des principes et des valeurs. Aujourd’hui, on nous propose d’y faire entrer de nouveau M. Poutine. Il ne s’agit pas de modifier des règles: c’est une forme de sophisme qui repose sur des considérations purement financières. Cela nous rappelle furieusement les années 1930. Nous avons vu alors comment l’attitude affichée vis-à-vis de Hitler a finalement débouché sur la Seconde Guerre mondiale. Les Ukrainiens en ont payé chèrement le prix.

Le Conseil de l’Europe est un phare pour un grand nombre d’Ukrainiens. On érige l’Europe en exemple. Mais quel est l’exemple à suivre? Est-ce celui de la trahison, de la collusion? Ne montrez pas ce mauvais exemple, ni aux Ukrainiens ni au reste du monde. J’espère sincèrement que, dans cet hémicycle, un nombre suffisant de personnes comprendront que le retour de la Russie représenterait une grande victoire pour M. Poutine, une victoire dans cette guerre hybride qu’il mène contre le Conseil de l’Europe, contre les fondements mêmes de cette Organisation. Le retour de la Russie signifierait que l’argent et la force l’ont emporté sur la justice, la démocratie et les droits de l’homme. J’espère que cette Assemblée prendra la décision sage qui s’impose et fera prévaloir notre honneur. Nous sommes suffisamment nombreux pour y parvenir.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Rappel au Règlement!

Madame la Présidente, les précédentes interventions de mes collègues étaient bien des rappels au Règlement. Le Secrétaire Général aurait dû y répondre. Nous ne voulons pas interférer dans le débat en cours, mais à la fin, il serait souhaitable que le Secrétaire Général fasse une déclaration concernant les faits qui se sont déroulés ce matin et cet après-midi.

LA PRÉSIDENTE – Comme je vous l’indiquais tout à l’heure, le Secrétaire Général répondra en temps et en lieu voulus aux questions qui lui ont été posées. Je ne peux le faire à sa place ni vous dire à quel moment il le fera. Soyez assurez que vous obtiendrez les réponses à ces questions importantes.

Nous reprenons le cours de la discussion générale.

M. BEREZA (Ukraine)* – Je me réjouis que nous examinions aujourd’hui ce projet de résolution, car c’est précisément l’anniversaire de Boris Nemtsov, un homme qui, il y a trois ans, a été assassiné par le Kremlin. Boris Nemtsov a rencontré un grand nombre d’entre vous. Il vous a expliqué combien ce jeu avec le Kremlin était semblable au jeu que l’Europe jouait avec Hitler avant la Seconde Guerre mondiale. La mort de Boris Nemtsov est une tache de plus sur le Kremlin. Elle a été précédée de la mort d’Anna Politkovskaïa, tuée pour avoir critiqué la politique de Moscou. Aujourd’hui, c’est Oleg Sentsov, retenu comme otage en Russie, que l’on est en train de tuer. De la même manière, on a essayé de tuer en Grande-Bretagne au moyen de gaz Novitchok, et un grand nombre d’Européens sont morts dans le crash du Boeing MH 17. Des Ukrainiens sont tués en ce moment même dans le Donbass, comme on en tuait hier lorsque la Russie a annexé la Crimée.

La Russie a du mal à comprendre ce que sont des méthodes et des relations civilisées. Elle ne comprend qu’une chose: la force. Lorsque vous proposez d’inviter les Russes à des pourparlers, cela revient à oublier toutes les victimes, toutes les personnes qui se sont battues contre le régime de Poutine et qui ont été tuées par la Russie. Pensez à la guerre contre la Géorgie et contre la République de Moldova, hier, et aujourd’hui au conflit avec l’Ukraine.

Quel est l’objectif de ce rapport, sinon – disons-le franchement – le retour de la Russie dans ces murs? Tout le monde sait que c’est de cela qu’il s’agit. On ne le dit pas publiquement bien sûr, mais nous le savons tous, et il faut le reconnaître. La modification du Règlement de l’Assemblée parlementaire qui, depuis 70 ans, défend les droits de l’homme en Europe, simplement pour permettre que la Russie revienne dans cet hémicycle, ce n’est rien d’autre que l’anéantissement de la confiance à l’égard de cette Organisation.

La Russie n’a pas rempli un seul des engagements qu’elle a pris. La Russie détient des otages. La Russie occupe une partie du Donbass. La Russie a annexé la Crimée. Comment peut-on nous proposer de modifier le Règlement pour qu’elle revienne dans cet hémicycle? Allez-vous vraiment discuter avec ceux-là mêmes qui méprisent l’État de droit, qui veulent vous anéantir de l’intérieur? Je voudrais que la délégation néerlandaise invite ici les militaires qui ont tué leurs concitoyens passagers du Boeing MH 17 au moyen d’armes russes. J’imagine la discussion qu’ils pourraient avoir.

Le projet de résolution ne doit pas être approuvé, parce que la Russie n’a respecté aucun de ses engagements. La Russie ne peut pas revenir dans ces murs, parce que ce serait mépriser tous les Européens et toutes les normes démocratiques fondamentales de l’Europe.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Je voudrais inviter l’Assemblée à plus d’humilité ainsi qu’au respect du droit. Cette Assemblée est une assemblée consultative. Hier, un collègue de la délégation espagnole disait que nous étions une assemblée parlementaire parce que l’Assemblée réunissait des parlementaires. Or nous ne sommes pas un parlement, parce que nous ne contrôlons pas un exécutif. Nous ne posons pas de questions au pouvoir exécutif, nous ne pouvons ni l’approuver ni le destituer.

Nous élaborons des rapports, prenons des positions, élisons le Secrétaire Général et le Secrétaire Général adjoint, le Commissaire aux droits de l’homme et les juges à la Cour. Tels sont les grands pouvoirs qui sont les nôtres. Il est capital que cette Assemblée maintienne ces droits et qu’elle évite qu’on les lui retire. Dans cet hémicycle, on parle beaucoup. C’est parfois un peu agaçant, mais n’oublions pas les personnes silencieuses, situées aux extrémités de l’hémicycle et qui sont les représentants des États membres – je veux parler des Délégués du Comité des Ministres. Ils ont face à eux une assemblée consultative – la nôtre –, dotée des pouvoirs que j’ai essayé de vous décrire.

Pardonnez le ton passionné de mon intervention, mais nous devons tenir compte de tous ces éléments. Nous devons discuter de l’essence du débat démocratique, qui ne peut se tenir uniquement entre personnes présentant les mêmes orientations politiques. D’autres questions doivent aussi être abordées, comme au Comité des Ministres, où tous les États membres sont représentés, quatre fois par an. Nous aussi, nous nous réunissons quatre fois par an, pour discuter dans le respect du droit, et en veillant à ce que notre débat soit un vrai débat démocratique, entre personnes aux orientations politiques divergentes.

Mme LUNDGREN (Suède)* – J’ai écouté avec la plus grande attention les débats de ce jour, et je n’ai rien entendu qui renverrait à un Règlement dysfonctionnel. Qui pourrait me dire pourquoi, aujourd’hui, le Règlement devrait être amendé, alors qu’il a jusqu’à présent parfaitement fonctionné et n’a fait l’objet d’aucune plainte depuis 1964? Je sais ce que les Russes nous ont dit, et qu’ils ne soumettront pas leurs pouvoirs tant que nous pourrons les contester. La Fédération de Russie a enfreint plusieurs de nos règles en recourant à ses forces militaires pour annexer la Crimée, une partie de l’Ukraine. Les forces militaires russes sont toujours présentes dans une partie de la Géorgie et sur le territoire ukrainien. La délégation russe n’a pas soumis ses pouvoirs, ne se soumet ni à la procédure de suivi, ni à l’observation d’élections, ne s’acquitte pas de sa contribution et n’a suivi ni nos règles ni la moindre de nos recommandations.

Si la Fédération de Russie piétine les règles par ses agissements et ses décisions, nous devons pour notre part nous pencher sur la façon dont elle s’y prend pour se mettre en conformité avec nos règles. Ce n’est pas à nous de changer nos règles pour que la Russie soit plus à l’aise. Comme le dit le proverbe, «si ce n’est pas cassé, à quoi bon réparer?». Les règles sont brisées par la Fédération de Russie, non par cette Assemblée. Toute organisation doit s’assurer que ses règles sont régulièrement mises à jour, mais elle doit procéder à ces mises à jour seulement si elles sont justifiées. La rapporteure a déployé beaucoup d’efforts. Certains des amendements sur lesquels nous nous prononcerons pourraient améliorer le rapport. Cependant, s’il vous plaît, votez non à la modification de ces règles qui ont si bien fonctionné tout au long de notre histoire. Ne vous abstenez pas, chers collègues, et votez non, car c’est à la Fédération de Russie de changer son comportement, pas à nous.

Enfin, s’il ne devait pas y avoir de vote – comme le voudrait la rumeur – s’il devait y avoir renvoi devant la commission, s’il vous plaît, ne jouez pas avec l’Assemblée. C’est nous qui devons nous occuper de cette question. Encore une fois, nous ne sommes pas cassés. Ce qui pose problème, c’est le comportement de la Fédération de Russie.

M. KNEŽEVIĆ (Monténégro)* – Je m’adresse à vous en tant que l’un des représentants du Front démocratique, l’un des principaux partis d’opposition du Monténégro. Certains députés du Monténégro ont été privés de leurs prérogatives. L’un d’entre eux est en prison depuis quatre mois, deux autres font l’objet de procédures judiciaires. Mes collègues et moi-même sommes victimes de poursuites. Je vous ai déjà informés de cette situation à deux reprises, mais je n’ai jamais eu de réponse. La «russophobie» gagne du terrain. Tout ce qui se passe à l’échelle internationale est l’illustration d’une politique qui mène à une polarisation négative pour tous les pays européens. À cet égard, le Conseil de l’Europe ne peut attendre que la délégation de la Fédération de Russie paie des millions d’euros alors qu’elle est privée de son droit de vote, sans aucune perspective réaliste de voir évoluer la situation.

Nous parlons aujourd’hui des sanctions à l’encontre de la Russie. La Crimée a appartenu pendant des siècles à ce pays. Nous ignorons le fait que des membres de notre Organisation ont imposé des règles qui aujourd’hui sont en contradiction flagrante avec nos principes. En 1999, les forces de l’Otan ont bombardé la Yougoslavie au mépris du droit international. Nous avons aussi soutenu l’indépendance du Kosovo. Les conséquences s’en font ressentir jusqu’à aujourd’hui. La criminalité organisée au Kosovo a aujourd’hui des répercussions en Serbie. Ce précédent extrêmement négatif a des conséquences sur la souveraineté territoriale et l’indépendance des États. Voyez l’exemple de la Catalogne en Espagne. Ce genre de scénario risque de se reproduire dans n’importe quel pays européen. Cette injustice est flagrante. Cette politique du deux poids deux mesures dans les relations entre États a conduit à une situation extrêmement dangereuse au regard du droit international.

Nous promouvons la paix, la souveraineté des États et l’État de droit, et en même temps nous assistons à des violations flagrantes des droits et des libertés fondamentales, tandis que des poursuites sont engagées à l’égard de certaines personnes. Tout cela sape la confiance à l’égard des institutions internationales et porte préjudice à la stabilité du continent européen.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée. J’appelle la réplique de la commission.

Mme De SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – J’ai beaucoup écouté l’ensemble des arguments échangés dans l’hémicycle, ceux portant sur l’analyse juridique ou la fracture institutionnelle qui nous menace. Ce ne sont pas des raisons pour rejeter le rapport. J’entends vos propos sur la Russie. Vous êtes nombreux à vous être exprimés avec beaucoup d’émotion, de tristesse, voire de colère. Je comprends parfaitement toutes ces émotions. Un grand nombre d’arguments très rationnels ont été présentés, certains justifiant le rejet du rapport. Les mêmes arguments ont parfois justifié un vote favorable. Cela montre combien la situation est difficile et complexe. Le fait que des intérêts extérieurs aient joué, ainsi que la politisation qui entoure ce rapport, font que cet exercice, qui se devait technique, est devenu animé et tendu.

En commission, nous avons clairement décidé que nous voulions un vote à la majorité des deux tiers sur cette résolution, qui n’est pas la majorité normalement requise. En effet, cette décision affectera durablement notre Règlement. J’ai entendu ceux qui demandaient pourquoi il fallait le faire maintenant, jugeant cela précipité. J’ai entendu l’argument selon lequel ce rapport devait être approuvé pour permettre aux Russes de revenir. J’ai beaucoup réfléchi toute la journée, tout au long des débats, en écoutant vos arguments. Le travail qui a été fait en commission ad hoc depuis un an, sur la base d’un grand nombre de positions utiles exprimées par toutes les délégations et tous les groupes politiques, a débouché sur un consensus afin d’améliorer nos procédures de vote et de validation des pouvoirs des délégations. Un consensus a émergé au sein de la commission du Règlement, mais je ne peux que constater que l’Assemblée parlementaire est divisée. En ma qualité de rapporteure, j’avais décidé d’emprunter la voie du changement pour améliorer nos procédures, mais je réalise à présent qu’il est impossible de poursuivre sur ce chemin aujourd’hui.

J’ai donc décidé de demander le renvoi du rapport en commission en application de l’article 37.1.d du Règlement de l’Assemblée.

Peut-être pourrons-nous nous retirer cette épine du pied et aborder les sujets qui fâchent lors de la partie de session de janvier? J’espère que le débat pourra reprendre calmement plus tard car je suis convaincue que le texte proposé constitue une amélioration de nos règles et permettrait de mieux résister aux situations de crise dans l’avenir. Il est impossible d’approuver ces changements aujourd’hui. Je propose donc de renvoyer le rapport en commission.

LA PRÉSIDENTE – Vous avez donc déposé, Madame la rapporteure, une demande de renvoi du rapport en commission.

Seuls peuvent être entendus, sur cette motion de procédure, l’auteur de la motion, une personne s’exprimant contre, et le rapporteur ou la rapporteure, ou le président ou la présidente de la commission.

Madame De Sutter, vous êtes à la fois l’auteure de la motion et la rapporteure.

Quelqu’un s’oppose-t-il à la proposition de renvoi en commission?

M. KOX (Pays-Bas)* – Je comprends la proposition qui nous est faite par la rapporteure, mais ce matin nous avons décidé de trancher cette question ici et maintenant, car elle est en suspens depuis longtemps.

Mon groupe souhaite que le projet de résolution soit adopté. Pour autant, il s’inclinera si la proposition de Mme De Sutter est votée à la majorité. C’est la démocratie! Retirer le rapport va à l’encontre de ce que l’Assemblée a décidé ce matin, mais un démocrate doit accepter une décision prise démocratiquement.

M. ARIEV (Ukraine)* – Je souhaiterais un éclaircissement, Madame la Présidente. À quelle date allons-nous renvoyer ce débat si la proposition de Mme De Sutter est adoptée? Il faut éviter qu’il ait lieu au sein de la Commission permanente, où il n’y a que 40 membres, plutôt qu’en session plénière. Allons-nous renvoyer le débat à la prochaine partie de la session?

LA PRÉSIDENTE – En qualité de Présidente, je décide de l’ordre du jour de la Commission permanente. Je peux donc vous dire que ce rapport ne sera pas soumis à la Commission permanente. Il sera débattu à nouveau en séance plénière, mais je ne peux pas vous donner de date.

Nous allons maintenant procéder au vote, à la majorité simple, sur la proposition de renvoi en commission. Celles et ceux qui veulent se prononcer en faveur de la motion votent «oui» et celles et ceux qui veulent la rejeter votent «non».

La motion de renvoi en commission est adoptée (99 voix pour, 79 voix contre et 16 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, il vous reste très peu de temps pour participer à l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Il est maintenant 17 heures. Le scrutin pour l’élection des juges est clos.

J’invite les quatre scrutateurs, M. Leśniak, Mme Bakoyannis, M. Huseynov et M. Montilla, à bien vouloir aller procéder au dépouillement des deux scrutins.

Les résultats seront proclamés si possible avant la fin de la séance ou, à défaut, à l’ouverture de la prochaine séance.

4. Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de Mme Maury Pasquier, présenté par M. Schennach, au nom de la commission des questions sociales sur «Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien» (Doc. 14583).

Dans la mesure où nous disposons de plus de temps, le temps de parole des orateurs sera porté à 4 minutes.

Monsieur Schennach, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), suppléant Mme Maury Pasquier, rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Ce rapport est le dernier rapport préparé par notre Présidente en tant que membre de la commission des questions sociales. En tant que président de cette commission, j’ai donc l’honneur de vous le présenter aujourd’hui.

La commission a travaillé très longtemps sur le sujet du traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien et, malheureusement, la délégation israélienne n’a jamais voulu coopérer avec notre rapporteure, ni avec la commission. Je le regrette profondément. En 2018, j’ai déposé la Résolution 2202 sur le rôle du Conseil de l’Europe dans le processus de paix israélo-palestinien. Bien que la rapporteure n’ait pas pu se rendre sur place pour étudier la situation, nous avons obtenu de très nombreuses informations de l’Unicef, de la Croix-Rouge et d’autres organisations non gouvernementales. Je ne peux que la féliciter d’être parvenue à élaborer ce rapport équilibré, qui ne prend pas position sur le conflit israélo-palestinien, mais qui se penche sur la question du traitement des mineurs palestiniens en prison en Israël. Ce rapport prend le parti des mineurs, et uniquement le parti des mineurs, indépendamment de l’évolution du conflit. C’est aussi ce qui nous a permis de l’adopter à une large majorité en commission.

Quelques amendements ont été déposés. J’en ai discuté avec notre rapporteure, et je voudrais vous expliquer ce qui s’est passé. En fait, seuls trois d’entre eux ont été adoptés en commission, car certains auteurs n’étaient pas présents en commission et personne n’a voulu les défendre. Mais sur cette question des amendements, un large consensus s’est dégagé au sein de notre commission.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’emprisonnement de jeunes Palestiniens dans des prisons militaires. Tous ceux qui se sont occupés de cette question le confirment. Depuis l’arrestation, en passant par l’instruction par le ministère public, jusqu’au procès, les droits de l’homme et les droits de l’enfant sont violés.

À une époque, j’avais élaboré un rapport sur une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants. La justice est loin d’être adaptée aux enfants dans les prisons israéliennes. On peut parler de mauvais traitements systématiques. Ces mineurs, ces enfants, sont arrêtés pendant la nuit. Leurs parents n’ont pas la possibilité d’entrer en contact avec eux. Ce sont des situations avérées. Indépendamment du conflit, c’est une situation inacceptable pour un État qui se veut un État de droit. Ce rapport dont je parlais, pour une justice qui tienne compte des droits de l’enfant, avait recueilli un avis favorable à une large majorité, car il faut éviter, à tout prix, que des mineurs ne soient emprisonnés.

Mais ici, nous parlons d’une situation bien différente. Il y a bien trop de mineurs dans les prisons israéliennes. Beaucoup de ces enfants sont arrêtés par des militaires et emprisonnés dans les territoires occupés. Par conséquent, l’accès est pratiquement impossible à leurs parentes. Ces enfants sont privés de sommeil, maltraités. Ce sont là des situations que le Conseil de l’Europe se doit de dénoncer, même si ces jeunes sont instrumentalisés dans un conflit. Jamais des mineurs ne devraient être instrumentalisés dans un conflit mais, quoi qu’il en soit, il faut que toutes les parties respectent les droits de l’homme et les droits de l’enfant et disposent d’un appareil judiciaire qui n’accepte pas d’acte terroriste.

Il faut que l’appareil judiciaire soit une aide à la réintégration. Bien sûr, dans les affaires pénales, il faut réagir – mais pas par le biais de la torture, ni en violant les droits de l’être humain et des enfants, qui sont des droits élémentaires. C’est dans cet esprit qu’il faut lire ce rapport. Celui-ci aborde un sujet extrêmement important: l’arrestation administrative, utilisée en son temps par les pouvoirs colonisateurs britanniques et toujours en vigueur dans la justice israélienne. Pour le dire autrement, c’est une honte! C’est inacceptable! Je crois que nous devrions tendre la main à la Knesset afin d’œuvrer ensemble pour que les mineurs soient traités de façon correcte, dans le respect des droits des enfants. C’est dans cet esprit que je vous invite à adopter à une large majorité le rapport de notre Présidente, que j’ai eu l’honneur de vous présenter.

LE PRÉSIDENT* – Merci, Monsieur Schennach. Il vous restera un peu moins de 5 minutes pour répondre aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole est tout d’abord aux porte-parole des groupes.

M. GOODWILL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Il est de la responsabilité de chaque État de protéger en premier lieu sa population. N’oublions pas que, contrairement à un grand nombre de ses voisins, Israël est une démocratie. Ce pays a une longue tradition de défense de nos principes démocratiques. Comme l’indique le rapport, il est tout à fait exact de considérer qu’en tant qu’amis sincères d’Israël, nous avons le devoir de faire en sorte, si les normes ne sont plus respectées, que les droits de tous – notamment ceux des enfants – le soient. N’oublions cependant jamais que les principaux coupables des violations des droits de l’homme dans la région sont des groupes terroristes, comme le Hamas, qui utilise souvent des enfants pour jeter des pierres afin de dissimuler les véritables responsables, ou comme des boucliers humains pour camoufler des armements dans des écoles ou des hôpitaux – enfants qui sont le plus souvent victimes des frappes aériennes engagées en représailles. Le Hamas diffuse ensuite des images terribles de victimes de façon extrêmement efficace, à des fins de propagande.

Je suis heureux de constater qu’Israël a opéré des progrès dans certains domaines, comme le mentionne cet excellent rapport. Ainsi, le nombre de détenus âgés de 12 à 14 ans est en baisse. Le passage de l’âge de la majorité de 16 à 18 ans est plus communément accepté. Des tribunaux distincts pour les mineurs ont été mis en place, de même qu’une loi sur la prescription propre aux mineurs.

En avril dernier, notre ministre responsable des droits de l’homme a soulevé la question des mineurs détenus auprès du ministre israélien de la Justice. Ce rapport renforce le message que le Royaume-Uni s’efforce régulièrement de transmettre à nos amis israéliens. Il n’est pas déraisonnable de demander que les entretiens avec des mineurs soient enregistrés, que les jeunes soient moins menottés, qu’on limite les arrestations nocturnes – même si je peux comprendre qu’elles facilitent l’arrestation de telle ou telle personne – et que l’on informe les détenus de leurs droits dans une langue qu’ils peuvent comprendre.

N’oublions pas non plus que les enfants relèvent essentiellement de la responsabilité de leurs parents. Pour nous, il est inconcevable qu’un parent autorise, voire encourage, ses enfants à se mettre en danger pour soutenir les objectifs d’une organisation terroriste.

Par ailleurs, nous devons faire preuve de solidarité avec les Juifs, où qu’ils se trouvent, face à la recrudescence de l’antisémitisme. Je crois qu’il n’est pas nécessaire de le rappeler ici, en France: ce matin encore, alors que je me rendais au Conseil de l’Europe en tramway, j’ai vu des policiers en armes devant une synagogue. En Europe, des responsables politiques ont manifesté leur volonté d’éradiquer l’antisémitisme.

Il me semble, enfin, qu’un aspect du rapport pourrait être amélioré. En effet, ce dernier n’évoque pas suffisamment la difficulté à évaluer précisément l’âge d’un enfant. Chez nous, au Royaume-Uni, cela a souvent posé problème lorsque des mineurs migrants ou des demandeurs d’asile se sont présentés après l’évacuation de Calais. Évaluer l’âge d’un mineur n’est pas toujours facile. J’espère que nous pourrons progresser dans ce domaine. J’espère aussi que les amendements présentés permettront d’améliorer le rapport, sans altérer ses éléments clés auxquels nous sommes très attachés.

Mme De BRUIJN-WEZEMAN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Le conflit israélo-palestinien s’éternise depuis des décennies déjà, sans perspective de paix durable. Pour sortir de cette impasse, les deux parties au conflit et la communauté internationale doivent continuer à travailler main dans la main à l’établissement d’un processus de paix. Mais ce qui n’aide pas, c’est que des générations de jeunes grandissent avec des stéréotypes sur l’ennemi, alimentés en partie par la façon dont ils sont traités une fois qu’ils sont en contact avec le système judiciaire. Comme le dit le proverbe, «on récolte ce que l’on sème». Je ne dis pas que le comportement criminel des mineurs ne doit pas être incriminé, mais grandir au cœur d’un conflit, être manipulé par des adultes et être influencé par des récits dépourvus d’objectivité, propagés par une autre communauté, durcit nécessairement le comportement. Les effets sur les jeunes sont très destructeurs.

Notre groupe soutient le choix de la rapporteure Mme Maury Pasquier de ne pas prendre parti eu égard au conflit en cours mais de retenir ce qui sert l’intérêt supérieur de l’enfant. Le rapport préconise l’introduction d’un système judiciaire adapté aux enfants en Israël, plutôt que de poursuivre des mineurs et de les placer en détention dans un système où ils sont soumis à des abus et des violations systémiques, ce qui n’est pas compatible avec les normes de base qui valent pour les enfants.

Ainsi, l’ADLE soutient cette résolution qui en appelle aux autorités israéliennes pour travailler à l’adoption de lois adéquates qui permettraient la pleine protection des droits des enfants palestiniens dans le système judiciaire israélien.

J’estime que le rapport se passe de commentaire. Certes, il faut réagir eu égard au statut tout particulier des enfants. Il n’y a jamais d’excuse à la maltraitance d’un enfant. Les enfants sont extrêmement vulnérables à l’endoctrinement, à la propagande. Lorsque les adultes ne tiennent pas la promesse faite de respecter les droits de l’homme de chacun, ils sont – nous sommes! – responsables de ces générations qui se succéderont sans être capables de reconnaître ces valeurs. Dans le cadre du conflit israélo-palestinien, d’ores et déjà trop de générations ont grandi dans un climat de radicalisation et de violence, qui vient alimenter le conflit. Il faut que cela préoccupe tous les adultes, de part et d’autre des frontières. J’en appelle ainsi à chacun d’entre eux. Brisez, s’il vous plaît, ce terrible cycle psychologique! Les enfants ne doivent pas être élevés pour combattre les soldats. Ils doivent être formés aux approches non violentes, au dialogue et au respect. Cela permettra-t-il de mettre un terme au conflit? Je l’espère. Mais j’ai bien peur qu’il faille faire plus encore. Adoptez cette résolution! Nous le devons aux enfants.

Mme SANDBÆK (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais avant tout remercier Mme Maury Pasquier pour son excellent rapport, qui montre clairement que le mauvais traitement des enfants palestiniens dans le système judiciaire militaire israélien est institutionnalisé. Je citerai des exemples de mauvais traitements prouvés par la DCI, Defence For Children International.

Un enfant était accusé d’avoir lancé un cocktail Molotov sur une Jeep israélienne, ce qu’il niait. Après deux heures d’interrogatoire, il a été emprisonné dans une cellule sans fenêtre, dotée d’un système de climatisation rendant l’atmosphère glaciale. On l’a empêché de dormir en maintenant l’éclairage allumé 24 heures sur 24. Il a été envoyé durant plusieurs jours dans un autre centre de détention avant de revenir dans le premier. Placé dans des conditions très difficiles, il est passé aux aveux alors qu’il était innocent.

Des adultes et des enfants sont parfois contraints de dormir sur le sol en béton sur des matelas crasseux. Dans des cellules destinées à l’isolement, un éclairage artificiel reste allumé 24 heures sur 24. Certaines sont spécialement conçues pour que l’on ne puisse pas s’appuyer contre les murs.

Des enfants ont lancé des cocktails Molotov par désespoir. Des enfants accusés à tort d’avoir lancé des pierres ou des cocktails Molotov sont arrêtés en pleine nuit. Durant leur interrogatoire, ils subissent de nombreux traumatismes. On les empêche de dormir, on leur donne une nourriture inacceptable, ils n’ont pas accès aux toilettes, ils peuvent être exposés à une chaleur ou à un froid intense, ou à des bruits assourdissants. Certains subissent même des sévices sexuels. Ils sont l’objet de menaces ou d’insultes. On cherche à leur extorquer des aveux à tout prix. Ces enfants sont confrontés à l’insomnie, à des peurs incontrôlables, à des pertes d’appétit, à des hallucinations, à l’automutilation, à la paranoïa, à des tentatives de suicide et au désespoir. Par conséquent, lorsqu’ils recouvrent la liberté, ces enfants ne sont plus capables de mener une vie normale.

Cela étant, je crains qu’Israël n’ait aucune intention de se conformer aux recommandations du projet de résolution contenu dans le rapport, ce qu’il a malheureusement le droit de faire en toute impunité.

M. O’REILLY (Irlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Alors que nous entamons ce débat, j’aimerais rappeler quelques valeurs et principes politiques de notre Assemblée parlementaire. Nous soutenons et encourageons la relance d’un processus de paix en vue d’une solution à deux États. Nous condamnons la radicalisation et la manipulation de jeunes, ainsi que le terrorisme. Cela dit, je félicite Mme Maury Pasquier pour son excellent rapport, argumenté et factuel, qui évoque des faits étayés par des sources irréfutables.

Il n’est pas acceptable que des mineurs palestiniens soient traités de la façon décrite par l’ONG spécialisée dans la défense des mineurs palestiniens, Defence for children International Palestine. L’Unicef a également publié un rapport en ce sens en 2013. La Croix-Rouge et d’autres ONG se sont penchées sur la question. Grâce à toutes ces sources, nous savons que les arrestations nocturnes donnent lieu à des menottages. Les enfants font l’objet d’abus verbaux et de déplacements longs et pénibles. Ils sont soumis à des interrogatoires accompagnés de méthodes terrorisantes. En tant que père et être humain, je suis révolté par ces pratiques. Ces traitements aboutissent à des extorsions d’aveux de culpabilité, dans 95 % des cas sous l’effet de la torture. Nous savons aussi que la détention administrative s’ajoute lourdement à ces pratiques déjà scandaleuses.

Tout cela entraîne la radicalisation d’une partie de la population. Ces enfants arrêtés, maltraités, sont le terreau des terroristes de demain, de ceux qui s’éloignent des standards démocratiques. Comme nous l’avons entendu, cela provoque le dysfonctionnement total d’une partie de la population. J’en appelle donc à la fin de la torture de ces personnes. Je demande que les autorités israéliennes écoutent notre Assemblée du fait de son autorité morale. J’en appelle à l’Assemblée, à l’Organisation, à son Secrétaire Général, afin de donner suite à ce rapport, afin de nous atteler à la tâche avec vigueur et détermination, afin de ne jamais oublier. Les mauvais traitements infligés à des enfants ne sont jamais acceptables, quel que soit le contexte. Je vous demande d’adopter cette approche à l’unanimité afin que les autorités israéliennes tiennent compte de l’autorité morale et du mandat démocratique de notre Assemblée.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – À la lecture du rapport, j’ai malheureusement éprouvé un sentiment désagréable de déjà-vu. J’ai rédigé en 2013 un mémoire sur le droit pénal international et sur le système judiciaire palestinien en Cisjordanie et à Gaza. En lisant le rapport, j’ai éprouvé le même sentiment de tristesse et de détresse qu’en rédigeant ce travail. Je ne peux toujours pas croire qu’un État qui se dit démocratique puisse justifier un tel traitement des enfants, puisse torturer des enfants, les juger devant des tribunaux militaires, détruire leur vie et leur avenir. J’éprouve aussi un sentiment de désespoir, car, à l’époque comme maintenant, ce traitement horrible ne suscite aucune réaction de la part de la communauté internationale.

J’éprouve de l’empathie à l’égard de ces enfants dont le domicile fait l’objet de raids au milieu de la nuit, qui sont enlevés par des soldats, dont on bande les yeux, que l’on bat, que l’on humilie, que l’on conduit vers un centre de détention où ils sont interrogés sans la présence d’un avocat ou d’un tuteur, où on les torture, où on les force à avouer des crimes et à dénoncer leurs amis. Ils passent devant des tribunaux militaires – Israël est le seul pays au monde qui juge des mineurs devant ces tribunaux -, puis ils sont envoyés dans des prisons en Israël loin de leur famille et de leur avocat pendant des mois ou des années. Lorsqu’ils reviennent, ils sont brisés, et leur souffrance a des effets en cascade sur leur famille et sur l’ensemble de la société.

Ce système institutionnalisé de mauvais traitements infligés à des enfants représente une punition collective, c’est-à-dire un crime de guerre au regard du droit international. En effet, pour moi, les choses sont parfaitement claires: en appliquant ces méthodes, les autorités israéliennes ne cherchent absolument pas à prouver la responsabilité pénale individuelle d’enfants qui jettent des pierres contre l’armée israélienne. Leur véritable objectif est de punir des communautés tout entières en enlevant leurs enfants, en détruisant leur futur, et en brisant l’esprit de communauté.

Ce rapport, parmi bien d’autres, décrit ces crimes par le détail. Cependant, je crains fort que rien ne change si l’on s’en tient à des rapports et à des recommandations. Que pouvons-nous faire alors? En premier lieu, je voudrais encourager tous les États membres à appliquer le principe de la compétence universelle qui permet de poursuivre toute personne responsable de crimes de guerre en émettant un mandat d’arrêt international. Cette mesure a montré son efficacité. En second lieu, nous pouvons utiliser les recommandations de notre Assemblée dans l’affaire Sergei Magnitsky pour prendre des sanctions ciblées contre les personnes qui, dans leur propre pays, bénéficient de l’impunité alors qu’elles violent systématiquement les droits de l’homme.

J’appuie donc ce rapport, mais je pense qu’il faut faire bien plus. La communauté internationale n’a pas fait son devoir à l’égard des mineurs palestiniens depuis des années. Il est temps que cela cesse.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Dans cet hémicycle, nous sommes tous d’accord pour dire que les individus qui sont traduits devant les tribunaux militaires israéliens doivent être traités avec dignité et respect. En particulier, les mineurs doivent être protégés de toute forme d’abus et de mauvais traitements. Il n’y a aucun doute à ce sujet.

Cependant, nous ne devons pas fermer les yeux sur un autre aspect de cette même question. Je me félicite que M. Goodwill ait évoqué une partie de cette réalité. En effet, les jeunes qui se trouvent dans ces zones sont encouragés à prendre part à la violence visant les juifs par leur système éducatif ainsi que par les médias palestiniens. En outre, les familles sont incitées financièrement à y participer. Enfin, les individus qui commettent des actes de violence et leur famille deviennent des martyrs; leurs noms sont donnés à des écoles, à des rues ou à des stades. Ainsi, en août dernier, le ministère palestinien de l’Éducation a baptisé une nouvelle école maternelle financée par le Gouvernement belge du nom de Dalal Mughrabi, terroriste responsable du décès de 37 innocents en 1978. Lorsque cette information a été rendue publique, après des pressions importantes, l’Autorité palestinienne a retiré ce nom du fronton de cette école, mais par la suite, il s’est avéré que ce nom avait été transféré à deux autres écoles non financées par la Belgique!

Toute forme de mauvais traitement visant les enfants doit cesser, mais ce type de comportement doit cesser également. Un message très clair doit être envoyé: nous devons affirmer que ce type de comportement ne sera plus toléré.

Nous devons nous pencher sur les problèmes que pose le traitement des mineurs par les tribunaux militaires israéliens. Cependant, cela ne saurait être invoqué comme une excuse pour promouvoir le terrorisme. Nous devons donc prendre en compte l’ensemble des circonstances et examiner de très près les influences auxquelles les jeunes Palestiniens sont soumis. Nous aurons ainsi un aperçu objectif et équilibré de la situation.

M. Schennach a affirmé que ce rapport était équilibré. Je regrette toutefois que Mme Maury Pasquier n’ait pas pu se rendre sur place afin d’établir les faits et je me demande comment nous pouvons affirmer que toutes les informations contenues dans ce rapport s’appuient sur des faits.

Pour que le rapport soit plus équilibré, je vous propose un certain nombre d’amendements. L’équilibre est en effet un principe de cette Assemblée, car il est injuste de critiquer seulement une des parties en présence.

Si ces amendements sont adoptés, je soutiendrai ce rapport.

Lord TOUHIG (Royaume-Uni)* – Les jeunes de Cisjordanie font chaque jour l’objet de violations de leur dignité et cette situation inacceptable est normalisée par l’occupation. Telle est la position d’une délégation d’évêques catholiques européens, nord-américains et africains, qui se sont entretenus avec des jeunes Palestiniens au début de l’année.

Les violations de la dignité humaine sont particulièrement flagrantes dans le cas de la détention des enfants dans les territoires occupés. D’après les chiffres les plus récents, 300 mineurs palestiniens ont été emprisonnés. Très souvent, on ne leur communique pas la raison pour laquelle ils sont arrêtés; ils sont interrogés sans que leur avocat soit présent et leurs droits fondamentaux sont violés. Ces enfants sont arrêtés pour avoir jeté des pierres, or les véritables responsables sont les parents et ceux qui les encouragent à ce geste. Ces jeunes essaient d’éviter les épreuves que j’ai mentionnées et la prison, ce qu’ils font en plaidant coupables pour des crimes qu’ils n’ont pas commis.

Je suis ami de longue date de l’État d’Israël. Cependant, de vrais amis ne doivent pas avoir peur de se dire la vérité. Or la maltraitance des enfants est inacceptable dans une société démocratique. En 2013, un rapport de l’Unicef a établi qu’en violation flagrante de la Convention des droits de l’enfant, de jeunes Palestiniens étaient placés en détention, faisaient l’objet de procédures d’isolement, de privation sensorielle, de violence et d’immobilisation douloureuse. Par exemple, un jeune a témoigné d’une situation dans laquelle des enfants de 14 à 18 ans avaient les yeux couverts d’un bandeau, les mains liées, et ne pouvaient pas bouger.

En 2018, malheureusement, peu de choses ont changé. Des études récentes montrent que 80 % des enfants de Cisjordanie détenus le sont dans des prisons militaires israéliennes et font l’objet de violences physiques après leur arrestation. Cette situation est inacceptable du point de vue non seulement humain, mais politique.

Après leur visite, les évêques ont déclaré que la colère qu’ils ont observée était entièrement justifiée. Et nous savons tous que la façon dont les jeunes sont traités dans l’enfance ou dans l’adolescence les influencera toute leur vie. Nous devons donc continuer de défendre ces jeunes Palestiniens au nom des droits humains, mais aussi pour continuer de chercher une paix durable qui ne pourra que bénéficier aux peuples palestinien et israélien.

M. HALICKI (Pologne)* – J’aimerais moi aussi remercier Mme Maury Pasquier de son rapport, qui, comme le disait M. Schennach, est très équilibré.

Nous sommes réunis dans cette Assemblée pour protéger les droits de l’homme. Il convient de garder ce principe à l’esprit à tout moment. Parfois, nous sommes tentés de prendre en considération la situation de l’autre. M. Ghiletchi a ainsi estimé qu’il ne fallait pas oublier qu’il s’agit là d’un conflit militaire, assorti d’un système de justice militaire. Mais le rapport s’intéresse à la situation de mineurs, d’enfants: cela n’a rien à voir avec l’antisémitisme, ni avec un conflit militaire qui, bien sûr, existe par ailleurs. Notre propos est de protéger ces centaines d’enfants qui, chaque année, se retrouvent dans les prisons israéliennes où ils sont maltraités, torturés, ce que nous ne pouvons accepter.

Ce n’est pas le moment de chercher une quelconque symétrie. Nous devons dire que cette situation relève de la responsabilité des autorités israéliennes et qu’elle est inacceptable: disons-le haut et fort!

À M. Ghiletchi et à d’autres collègues, signataires de certains amendements, je veux dire qu’il faut adopter le rapport sans l’amender, car aucune explication de l’emprisonnement de ces enfants ne saurait nous satisfaire.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – J’aimerais commencer par quelques données historiques.

En 2011, à la suite d’émeutes, plus de 3 000 arrestations ont été effectuées et plus de 1 000 personnes ont été poursuivies pénalement. La moitié d’entre elles avaient moins de 21 ans; 26 % étaient des mineurs âgés de 10 à 17 ans; 21 % environ ont été arrêtés pour avoir jeté des bouteilles ou des pierres, et 158 jeunes hommes âgés de 16 ans ou moins ont été condamnés à des peines de détention.

Cela ne s’est pas passé en Israël, mais au Royaume-Uni, à la suite des émeutes de 2011. Il est honteux que l’on n’applique pas les mêmes critères à Israël qu’à d’autres pays du monde.

Il y a un élément du rapport avec lequel je suis d’accord: le paragraphe 41, selon lequel le rapport a été décrit comme partial, comme ignorant «que les enfants palestiniens ont été endoctrinés ou instrumentalisés en tant que combattants pour la cause palestinienne». Je suis d’accord pour dire que le rapport est partial et qu’il ignore tout un aspect de la situation. Or on ne peut pas ne présenter qu’une moitié de la réalité.

Nous adoptons une position très ferme dans certains pays où les enfants sont utilisés comme soldats; nous devons critiquer de la même manière ce qui se passe dans les territoires palestiniens. On ne peut pas considérer un mineur comme un jeune innocent lorsqu’il lance des pierres ou lorsqu’il tient une kalachnikov.

Des changements importants ont déjà été apportés au système en place en Israël, du fait de différents rapports rédigés par des organisations ou des personnes amies d’Israël. Mon collègue Robert Goodwill en a parlé. Il s’agit notamment de la réduction du nombre de détenus mineurs, des tribunaux spéciaux pour mineurs et de l’utilisation de la langue arabe lors des procès.

Il n’est pas exact de dire qu’un enfant doit voir ses droits humains respectés quelle que soit la situation. En effet, le rôle qu’il joue peut avoir une incidence sur le droit à la vie d’autres personnes.

Je le répète, le rapport se concentre sur un seul aspect de la situation au Moyen-Orient et ne condamne que très légèrement les Palestiniens pour les actes qu’ils commettent: utiliser des jeunes comme boucliers humains, former des mineurs à attaquer les barrières qui séparent Gaza d’Israël en en connaissant parfaitement les conséquences, inciter des jeunes à appuyer sur la gâchette ou à déclencher le détonateur d’une bombe.

La clé pour résoudre ces problèmes réside dans une solution à deux États et dans l’éducation, mais pas la fausse éducation que les Palestiniens dispensent dans leurs territoires. Nous devons encourager les Palestiniens à éduquer les jeunes comme il convient: non à la haine, mais à la paix. Ce serait le moyen le plus rapide et le meilleur de mettre fin à toutes les formes de détention.

On ne peut pas compter sur l’Organisation des Nations Unies comme le fait le rapport: depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle a prononcé presque autant de condamnations contre Israël que contre tous les autres pays du monde réunis! Ce n’est pas juste, et cela tombe entre les mains des antisémites que nous devons tous condamner en Europe.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Le rapport est excellent, et j’en félicite les auteurs.

Il met en lumière les graves infractions visant les mineurs palestiniens. Cette situation ne peut plus durer. Il faut garder à l’esprit le contexte général de l’occupation israélienne, l’impasse dans laquelle se trouve le processus politique et le fait que la population palestinienne est composée à plus de 40 % d’enfants de moins de 15 ans. Quel espoir ces enfants peuvent-ils entretenir alors que le conflit et la violence caractérisent les liens entre occupants et occupés? Les territoires palestiniens occupés sont soumis à des mesures de contrôle et de restriction de la mobilité; les Israéliens n’y sont connus que comme des soldats armés usant de méthodes d’intimidation. Comment nos enfants, nos enfants palestiniens, pourraient-ils ne pas en être marqués?

Je n’accepte pas que l’on dise que nous envoyions nos enfants face aux soldats israéliens. Nous sommes dans une situation de conflit et les sociologues et psychologues sont là pour vous dire que les enfants, bien plus que les adultes, sont marqués par ce contexte.

Les Israéliens ont la responsabilité de mettre un terme à cette situation. S’ils ne le font pas, nous allons tous payer un prix très fort. À titre personnel, j’ai été le témoin de ce qui se passe à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. D’autres ont été témoins également de la façon dont des soldats israéliens interceptent des enfants de 10 ou 12 ans, cartable au dos, afin de les soumettre à une fouille au corps et de leur demander d’ouvrir leur cartable. Lorsqu’on relate ces faits aux Israéliens, ils en nient la réalité et mettent cela sur le compte de la propagande palestinienne. Lorsque vous voyez cela de vos propres yeux sur le terrain, vous comprenez cependant que cela se passe bel et bien comme cela. Ces soldats israéliens, ces agents de police, pourquoi agissent-ils ainsi avec les enfants palestiniens? Feraient-ils de même avec des enfants israéliens? Je ne le crois pas.

Sans espoir, sans processus de paix résolument engagé, le désespoir va frapper tous les Palestiniens et plus particulièrement les enfants. Les hommes et les femmes politiques israéliens doivent assumer la responsabilité de l’absence d’avancée dans le processus politique. Tant qu’il y aura occupation, tant qu’il n’y aura pas reconnaissance des droits nationaux légitimes des Palestiniens, tant que ce contexte d’annexion des territoires palestiniens perdurera avec de plus en plus de colonies, j’ai bien peur que ces infractions dont sont victimes les enfants palestiniens et plus largement l’ensemble des Palestiniens ne se poursuivent. À terme, les conditions extrêmement difficiles à réunir pour que prévalent la paix et les droits de l’homme ne pourront pas l’être si les dirigeants israéliens continuent de refuser d’aller de l’avant et d’envisager un processus de paix viable. Ce processus pourrait permettre l’avènement d’un État palestinien aux côtés d’Israël, l’établissement de liens pacifiques de cohabitation, la fin de l’hégémonie et de l’occupation au moyen d’un conflit armé.

M. STIER (Croatie)* – Je voudrais remercier la rapporteure. Au point 4 de ce rapport, il est dit que l’Assemblée ne souhaite pas prendre position sur le conflit israélo-palestinien mais uniquement défendre les enfants. Nous partageons tous, me semble-t-il cette position. Toutefois, pour atteindre cet objectif, soyons francs, le rapport doit être équilibré. Tel qu’il est rédigé, ce texte considéré comme «excellent» par l’orateur précédent crée des gagnants et des perdants. Il dilue notre message et son impact. Par le biais de notre amendement, nous souhaitons rééquilibrer ce rapport, justement pour atteindre l’objectif mentionné à l’article 4 et rappelé par le président de la commission dans sa présentation du rapport.

Examinons le texte: à l’article 6, on lance un appel aux autorités israéliennes, notamment pour que les enfants ne puissent être traduits devant des tribunaux pénaux qu’à partir de l’âge de 14 ans. Un autre article aborde l’éducation, dont nous ne devons pas sous-estimer le rôle essentiel et c’est pourquoi nous nous adressons aux deux parties.

À la télévision palestinienne, des présentateurs laissent entendre que le fait de kidnapper des soldats israéliens servirait la cause palestinienne. C’est inciter à la violence. Or si nous voulons une stratégie qui ne soit pas basée sur la violence, nous devons aussi dénoncer cette situation et demander aux autorités palestiniennes de changer d’attitude. Nous aurons alors une approche véritablement équilibrée et les excellents messages de ce rapport seront perçus comme issus d’un texte équilibré qui ferait uniquement des gagnants: les enfants. Je soutiens également les amendements allant dans le sens du renforcement du message de l’article 4, selon lequel dans ce conflit nous devons prendre qu’un seul parti, celui des enfants.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni)* – J’aimerais d’abord remercier Mme Maury Pasquier pour son rapport très courageux. Le Conseil de l’Europe est une des nombreuses organisations qui tels l’Unicef ou des ONG, s’intéressent à la question des enfants palestiniens dans le système judiciaire israélien. Les parlements nationaux s’intéressent aussi à cette question. Ce débat s’inscrit bien sûr dans un contexte. Seule la solution des deux États garantit un futur stable à la fois aux Palestiniens et aux Israéliens. C’est la seule solution qui doit recueillir le soutien de la communauté internationale. Seules la paix et la réconciliation apporteront une amélioration des conditions de vie des enfants.

Voyons ce qui se passe dans ce système judiciaire. Certains enfants jettent des pierres sur les soldats, d’autres font pire, mais n’oublions jamais ce que dit la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant. Force est de constater qu’Israël enfreint les articles sur la discrimination, l’intérêt de l’enfant, le recours prématuré à la détention, les voies de recours et le monitoring. Un groupe de juristes britanniques a conclu que l’injustice continuellement ressentie constituait un terreau dangereux. La justice n’est pas négociable, c’est un droit de l’homme fondamental qui, à lui seul, contribue déjà à atténuer les colères.

Les enfants à Gaza souffrent de conditions de santé catastrophiques: tuberculose, croissance contrariée, troubles psychologiques, blessures, et parfois cela peut aller jusqu’à la mort. Leurs maisons sont en ruine, l’eau et la nourriture se font rares. Leurs écoles sont détruites. Les ressentiments ne doivent pas dans ce cas nous surprendre. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 12 ans et le nombre des enfants arrêtés depuis 2015 a augmenté de 156 %. Certains de ces enfants se retrouvent dans des prisons militaires. Ils sont traités dans des conditions catastrophiques. Ils n’ont accès ni à leurs parents ni à des avocats.

J’aimerais évoquer ce témoignage d’une personne ayant assisté à ces prétendus procès auxquels sont soumis les enfants. Ces derniers plaident coupables pour échapper à une peine encore plus longue. Une fois que le juge a identifié l’enfant, il prononce son verdict. Tout cela prend au maximum 15 à 20 minutes. Une fois libérés, ces enfants, souvent, retournent dans des maisons et des quartiers entièrement détruits. On raconte aussi que les enfants palestiniens emportent leurs jouets préférés à l’école, craignant que leur maison ait été détruite avant la fin de la journée.

Comme le dit le rapport, le message de l’Assemblée parlementaire doit être d’en appeler à Israël pour que des organisations telles que la Croix-Rouge ou l’Unicef puissent travailler avec la société civile afin de changer les lois et les pratiques appliquées aux enfants palestiniens dans le système judiciaire israélien. Ce serait un pas important pour rendre moins intolérable une situation qui exige une réaction de notre part à tous, pour améliorer le sort des enfants bien sûr, mais aussi par humanisme.

M. GRIN (Suisse) – L’excellent rapport de Mme Maury Pasquier met le doigt sur de graves dysfonctionnements d’une justice inadaptée aux mineurs. Certaines révélations sont pour le moins inquiétantes. Notre Assemblée parlementaire doit en particulier prendre la défense des droits des mineurs.

Un mineur qui a commis un acte criminel doit certes être puni, mais la sanction doit être plus éducative que répressive. Un mineur est très influençable. Lorsqu’il se comporte en criminel, nous devons aussi nous interroger sur la motivation de son acte et sur l’influence qu’aurait pu avoir un adulte sur ce comportement. Quand nous parlons de deux pays en conflit depuis plus de soixante-dix ans, où les populations adultes ont de telles rancœurs, cette influence déteint forcément sur la jeunesse.

Plusieurs ONG accusent Israël de mauvais traitements sur des mineurs palestiniens. La justice militaire israélien ne respecte pas les normes applicables aux mineurs. La législation militaire israélienne, en particulier, n’accorde pas un certain nombre de garanties et de protections spécifiques prévues dans le droit international. Il est nécessaire de modifier rapidement cette législation, pour mettre fin à des pratiques abusives, et de traiter tous les mineurs selon le droit civil. Pourquoi le droit civil israélien s’applique-t-il à tous les enfants et mineurs qui vivent en Israël, palestiniens ou israéliens, alors que la législation militaire israélienne s’applique aux mineurs palestiniens qui vivent dans les territoires occupés?

Il n’est pas acceptable qu’un mineur placé en garde à vue soit interrogé sur un acte délictueux, ou tenu de faire ou de signer une déclaration portant sur son implication seule, sans la présence d’un membre de sa famille ou d’un avocat. De cette façon, l’obtention d’aveux est malhonnête, voire illicite, au regard des droits de l’homme.

Lors de ma participation à un congrès à Londres, l’année dernière, avec Mme Massey ici présente, sur la justice adaptée aux enfants, nous avons auditionné des mineurs qui avaient été entendus par la justice. Tous nous ont dit que la présence d’un parent ou d’un maître d’école était un réconfort qui leur donnait une certaine confiance pour leurs déclarations.

Pour remédier à ces nombreux dysfonctionnements, les autorités israéliennes doivent travailler avec l’Unicef et d’autres ONG et faire preuve de transparence en acceptant des visites de prisons. Tous les points du projet de résolution demandent une justice adaptée aux mineurs, telle qu’elle est défendue par le Conseil de l’Europe. Cela serait un premier pas pour éviter la radicalisation et le durcissement du cycle de la violence dans cette région en conflit permanent.

M. COAKER (Royaume-Uni)* – Ce rapport est remarquable. Cependant, lire un rapport remarquable et s’exprimer dans cet hémicycle, ce n’est pas suffisant. Nous voulons que ce rapport se traduise en actes et débouche sur des mesures concrètes. Voilà ce qui compte. J’en ai assez de voir certaines images à la télévision, de voir des soldats israéliens et de jeunes palestiniens s’affronter. J’en ai assez de lire que des jeunes sont abattus. J’en ai assez de voir de telles choses. Ce rapport nous dit comment avancer. La première chose à faire, c’est d’épargner les mineurs. Les enfants de doivent pas se livrer à des actions terroristes, mais ils restent des enfants. Nous devons leur donner les droits et la protection qu’ils méritent.

Dans le rapport nous trouvons des chiffres. Il est bon de les citer. Ils émanent de l’Unicef. Ils ne viennent pas d’un groupe de pression ou d’une organisation terroriste. C’est un organisme des Nations Unies respecté dans le monde entier. Il nous dit que 650 à 700 enfants de 12 à 17 ans, y compris des jeunes filles, sont condamnés chaque année par des tribunaux militaires, que chaque année. 60 % d’entre eux sont transférés depuis les territoires occupés dans des prisons sur le territoire israélien. L’Unicef ne ment pas. Pourquoi l’Unicef inventerait des chiffres? Le service pénitentiaire israélien est aussi cité dans ce rapport. 325 enfants palestiniens étaient détenus à la fin du mois de décembre 2017, ce qui représente 73 % d’augmentation par rapport à la moyenne constatée entre 2012 et 2015. Pourquoi les ONG, pourquoi l’Unicef, pourquoi toutes les organisations des Nations Unies inventeraient de tels chiffres?

Si les dirigeants d’Israël n’est pas d’accord avec ces chiffres – et je me tourne vers le Gouvernement israélien –, pourquoi n’ont-ils pas participé à aux enquêtes effectuées par les observateurs qui se sont rendus sur place pour visiter ces régions? Parlez avec eux, donnez et faites passer votre point de vue. Dans toute situation de conflit, on ne peut avoir des versions différentes des faits. Les faits sont les faits. Ce rapport a le grand mérite de dire: «Voilà les données, voilà les faits. Des enfants sont détenus. Des enfants sont victimes d’abus et de violences.» Israël doit assumer cette responsabilité et agir pour rectifier la situation. Si Israël défendait ses arguments, débattait et faisait valoir son point de vue par la parole, nous serions tout proches de la solution à deux États. C’est ce que tous nous voulons.

M. SHEHU (Albanie)* – Je remercie les auteurs de ce rapport d’une importance considérable et qui a demandé un travail difficile. Je comprends la difficulté qu’il y a à nous présenter toutes ces informations et conclusions. J’ai lu aussi très attentivement le texte de la proposition de résolution qui porte sur le traitement des mineurs palestiniens par le système judiciaire israélien.

Je suis convaincu de la nécessité de la solution à deux États, deux États qui vivraient côte à côte, en paix, et qui pourraient jouer un rôle déterminant dans toute la région. Cet avenir-là permettrait de régler un certain nombre de problèmes: terrorisme local et régional, utilisation d’êtres humains, et donc des enfants, comme boucliers humains et instruments de propagande. Nous pourrions ainsi atténuer les souffrances. Nous pourrions mieux faire respecter les droits de l’homme et les droits des enfants, qui souffrent de cette violence, d’être utilisés de la sorte et de se retrouver victimes de mesures inappropriées, comme l’expose ce rapport très sérieux. Chercher la paix n’est pas possible sans le dialogue, sans la coopération entre Palestiniens et Israéliens, entre toutes les parties prenantes, les États-Unis, les Européens et l’Otan.

Je pense que le projet de résolution n’est pas suffisamment équilibré, ni pleinement adapté à la situation. Il accuse une partie à l’exclusion de l’autre. Cette approche unilatérale et agressive ne permettra pas d’améliorer la situation. Le texte présente des faits sans proposer de solution. Son adoption compliquerait le dialogue alors que la situation actuelle doit nous inciter à avoir comme objectif l’atténuation des souffrances.

Le projet de résolution aurait dû être écrit différemment. Les amendements déposés ne sont pas à même de l’améliorer significativement. Il est préférable de renvoyer le texte en commission et de prendre le temps de le réécrire dans une approche plus multilatérale.

M. MADISON (Estonie)* – Le présent débat est chargé d’émotion, comme c’est toujours le cas lorsque la question palestinienne est abordée Le rapport est partial. Il présente Israël comme le seul coupable et la Palestine comme une victime innocente. Mais il convient de réaliser qu’Israël est le seul pays démocratique de la région. Il est impossible de le décrire comme terrorisant son voisin palestinien.

Le rapport conclut qu’Israël doit coopérer avec l’Unicef et les Nations Unies mais Israël coopère déjà. Il ne fait pas de doute que les enfants palestiniens doivent être protégés mais qu’en est-il lorsque qu’ils s’en prennent aux soldats israéliens qu’ils sont éduqués à détester? Les territoires palestiniens occupés ne le sont pas uniquement pas Israël. Ce pays n’est pas entièrement responsable de ce qui se passe. La Palestine accueille des terroristes. Tous les pays, y compris Israël, ont le droit de se protéger.

La Palestine a publié un nouveau budget en mars qui alloue 105 millions de dollars aux familles des terroristes. Est-ce que nous approuvons une telle décision ? L’Assemblée peut-elle l’ignorer?

Ce rapport n’est pas neutre. Il est loin de traiter seulement du respect des droits des enfants. Je voterai contre son adoption.

Mme LAVIE (Israël, observateur)* – Le rapport soumis à l’Assemblée plénière propose une présentation déformée et sélective de la réalité. Il ne donne pas aux représentants un aperçu complet de la situation. Je pourrais l’illustrer avec de nombreux exemples. J’en retiendrai un seul: le 16 septembre dernier, une semaine après le Nouvel An qui voit les juifs du monde entier prier pour la paix, Israël a été victime d’une nouvelle attaque terroriste.

M. Ari Fuld a été poignardé dans le dos à la sortie d’un centre commercial fréquenté à la fois par des palestiniens et des israéliens. Son agresseur était un palestinien de dix-sept ans.

Durant les dernières années, Israël a été régulièrement accusé par des ONG et des agences des Nations Unies de procéder à des arrestations abusives de mineurs palestiniens. Mais ces accusations méconnaissent le contexte de ces arrestations, c’est-à-dire l’engagement terroriste de ces mineurs.

Mesdames et Messieurs, soyons clairs. Il s’agit de tragédies et non de manifestations de folie juvénile. Ces mineurs sont victimes d’une manipulation vicieuse de la part de l’Autorité palestinienne qui les encourage à agir. Lancer des pierres sur les voitures, tue! Poignarder des gens dans le dos, tue!

Répondre à ce défi n’est pas aussi simple que la résolution présentée peut le laisser penser. Avant de critiquer Israël, considérez que les médias palestiniens encouragent régulièrement la haine des juifs parmi les enfants. Ils glorifient le martyr des enfants, donnent à des écoles les noms de terroristes, incitent les enfants à poignarder les israéliens et les utilisent comme des boucliers humains. Les manuels scolaires de l’Autorité palestinienne promeuvent la haine d’Israël et l’antisémitisme.

Ceux qui sacrifient leurs enfants -et les enfants des autres- préfèrent entrainer la prochaine génération à perpétuer la haine plutôt que de lui insuffler la volonté de bâtir un État pacifique envers ses voisins.

Mesdames et Messieurs, le terroriste qui a attaqué M. Fuld avait étudié ces manuels et il avait retenu leurs leçons de haine. Aujourd’hui grâce à votre largesse inconditionnelle, il perçoit une allocation! Il est récompensé pour son acte de terreur, une sorte de prix du sang!

Je vous rappelle que la rétention administrative et d’autres outils légaux sont très généralement utilisés dans le monde par de nombreux États membres de cette Assemblée, y compris à l’encontre de mineurs, pour se protéger contre le terrorisme.

Mesdames et Messieurs, une campagne est actuellement menée contre Israël qui est accusé de perpétrer des abus contre les enfants de manière systématique. Approuver ce rapport signifierait que l’Assemblée relaie cette campagne qui vise à ternir la réputation d’Israël et à porter atteinte à ses institutions démocratiques et à son droit à l’autodéfense.

Adopter ce rapport serait une nouvelle étape dans cette campagne qui est menée contre Israël, qui a été accusé de se livrer à des abus systématiques et généralisés contre les enfants. L’adopter apporterait plus de soutien encore à cette campagne internationale qui vise à ternir l’image d’Israël, à délégitimer nos institutions démocratiques et empiéter sur notre droit à la légitime défense.

Il y a deux jours, alors que cette Assemblée préparait sa partie de session actuelle, deux civils israéliens ont été assassinés par un collègue palestinien dans la zone industrielle de Barkan où Palestiniens et Israéliens travaillent côte à côte. Mettons un terme à l’hypocrisie et cessons d’appliquer deux poids, deux mesures.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons interrompre quelques instants notre débat.

5. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre de l’Albanie et de la Norvège (Résultats des scrutins)

LE PRÉSIDENT* – Je suis en mesure de vous donner les résultats du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie:

Nombre de votants: 183 voix

Bulletins blancs ou nuls: 13 voix

Suffrages exprimés: 170 voix

Majorité absolue: 86 voix

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. Sokol Berberi: 13 voix

M. Darian Pavli: 98 voix

Mme Marjana Semini: 59 voix

M. Pavli ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame juge à la Cour européenne des droits de l’homme.

Son mandat de neuf ans commence au plus tard trois mois après son élection.

Je suis également en mesure de vous donner les résultats du scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Norvège:

Nombre de votants: 183 voix

Bulletins blancs ou nuls: 9 voix

Suffrages exprimés: 174 voix

Majorité absolue: 88 voix

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. Jørgen Aall: 19 voix

Mme Elizabeth Baumann: 47 voix

M. Arnfinn Bårdsen: 108 voix

M. Bårdsen ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame juge à la Cour européenne des droits de l’homme.

Son mandat de neuf ans commence au plus tard trois mois après son élection.

6. Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien (Suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons notre débat.

Mme CREASY (Royaume-Uni)* – J’approuve entièrement le propos de mon collègue albanais. Ce rapport est pénible à lire parce qu’il avance des arguments irréfutables. D’autres orateurs ont raison: il y a des mineurs en prison qui attendent même, pour certains, d’être exécutés. C’est le cas, nous le savons, en Iran, en Égypte, aux Maldives et en Arabie saoudite où des enfants sont mis à mort. Mais il ne saurait être question de hiérarchie: il est de la responsabilité du Conseil de l’Europe de protéger les droits de tous les enfants.

Nous savons que le ressentiment, la colère qui croît parmi les jeunes est l’un des obstacles à cette paix que nous souhaitons tous, entre Israël et les Palestiniens. C’est la raison pour laquelle nous devons, au Conseil de l’Europe, agir. L’Unicef fait état des mauvais traitements dont sont l’objet les enfants palestiniens dans le système judiciaire israélien et affirme qu’il s’agit d’un phénomène répandu, et ce, de l’arrestation à la condamnation et jusqu’au moment où la peine est appliquée. Or quoi que fasse un enfant, quel que soit le crime qu’il ait pu commettre, quel que soit le comportement criminel dont il s’agit, cela ne lui enlève pas ses droits et cela ne nous dispense pas de notre responsabilité de les protéger.

Je suis frappée par les faits rapportés par l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem qui a signalé non seulement l’augmentation du nombre d’enfants prisonniers, mais également la façon dont ils sont traités: arrêtés dans la rue, chez eux, au milieu de la nuit, tirés de leur lit, menottés, les yeux bandés. Nous avons déjà parlé aujourd’hui des problèmes que pose la détention administrative. Nous savons que certains progrès ont été réalisés quant au fait que ces enfants doivent être présentés à un juge dans les 24 heures. Mais combien d’enfants attendent ensuite en détention durant des mois, voire davantage, avant d’être jugés? On pousse ces enfants à accepter un compromis pour éviter la prison: 80 % de ces enfants palestiniens n’ont pas été informés de leur droit à être assistés par un avocat pendant les interrogatoires. Des enfants sont détenus jusqu’au terme de la procédure, le tribunal considérant que c’est le seul moyen de faire en sorte qu’ils se présentent à leur audience. Ils sont séparés de leurs parents et séparés de tous ceux qui pourraient les aider.

Dans le rapport, il est question de mauvais traitements, et j’en suis d’accord. Le reconnaître cela ne doit pas nous empêcher de voir que ces enfants sont exploités à des fins politiques. Cela est aussi dit dans le rapport, de façon très équitable. Notre raison d’être n’est pas simplement d’identifier la difficulté, mais d’essayer d’avancer dans cette difficile situation, d’essayer de défendre les droits de ces enfants conformément aux normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme.

Je voudrais proposer des manières d’aller de l’avant qui pourraient avoir l’appui des Israéliens comme des Palestiniens. Nous pouvons tous tomber d’accord sur le fait que le processus de paix est la meilleure manière d’assurer la liberté et la sécurité pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. Les deux États doivent être reconnus. Nous devons coopérer avec chacun d’eux. Mais il faut commencer par régler cette question de mineurs, d’enfants et de leurs familles.

Je suis favorable à ce rapport de Mme Maury Pasquier, qui appelle Israël à coopérer avec des organisations comme l’Unicef. Les services d’aide juridique et médicale doivent avoir un accès plein et entier à ces jeunes pour les protéger. Les enfants qui n’ont pas été accusés d’un crime précis doivent être libérés immédiatement, dans les 24 heures, et il faut prévoir un délai pour les poursuites. Les familles de ces enfants doivent être perçues comme une partie de la solution et non pas exclues; elles doivent être partie prenante à leur traitement, mais aussi tenues responsables de ces enfants. Nous savons que de nombreux enfants sont radicalisés, encouragés à se livrer à des actes de violence.

Il faut remettre tout cela en question afin que les Israéliens, comme les Palestiniens, aient un avenir. Au sein de cet hémicycle, nous pouvons jouer un rôle important, nous pouvons être les amis des deux parties. Ce rapport est un bon exemple de la façon de faire face à cette situation, et je l’appuie.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Moi aussi, je vais commencer par féliciter tous ceux qui ont contribué à ce rapport, et tout particulièrement Mme Maury Pasquier parce que, à la différence d’autres rapporteurs, elle s’est fixé un objectif qui n’est pas de régler le conflit israélo-palestinien, mais un objectif, certes très important mais bien plus humble: veiller au respect du droit international, veiller au respect des droits de l’homme et des droits de l’enfant.

Mme Lavie nous disait que la présentation des faits et de la réalité était déformée. Alors, nous pourrions parler de bien d’autres choses, de l’état de Gaza en 2014 et de d’autres situations. Je pense, pour ma part, que tel n’est pas l’objectif de ce rapport. Son objectif est de réfléchir à la façon dont le droit des enfants doit être respecté. Soit dit en passant, il n’y a pas eu de collaboration de la part d’Israël à l’élaboration de ce rapport. Si Israël l’avait souhaité, il aurait pu participer et nous faire part de son point de vue pour que celui-ci soit dûment pris en compte.

Pour ma part, je vous citerai deux exemples que nous connaissons sans doute tous. Tout d’abord, celui d’une jeune fille de 16 ans, Ahed Tamini, qui vient d’être remise en liberté. Vous connaissez tous les raisons de sa détention: elle a été placée en détention administrative sans chef d’accusation pour un temps indéfini, elle est restée emprisonnée 8 mois – 8 mois derrière les barreaux! – pour avoir giflé un soldat. Comme c’est mal! Quelle infraction! Franchement, pensez-vous que dans un État comme celui dans lequel vous vivez une jeune fille de 16 ans pourrait passer 8 mois derrière des barreaux en détention administrative pour avoir giflé un représentant de l’autorité?

Autre exemple, le 24 mars 2016, un soldat israélien a abattu un Palestinien désarmé, qui se trouvait à terre. Les tribunaux israéliens l’ont condamné pour homicide. Combien de temps ce soldat a-t-il passé derrière les barreaux? Neuf mois!

Meurtre, 9 mois; gifle, 8 mois!

Nous parlons ici de respecter les droits de l’enfant. Voilà ce dont il est question! Nous ne parlons pas de la solution à apporter au conflit. C’est un sujet sur lequel nous pourrions passer beaucoup de temps et consacrer bien des débats! Nous parlons d’enfants détenus par l’armée et jugés par des tribunaux militaires.

En 2016, plus de 500 mineurs ont été arrêtés et traduits devant des tribunaux militaires par Israël. 45 % de ces arrestations ont eu lieu de nuit, et 77 % des enfants ont eu les yeux bandés. Quelles sont les conséquences de ce type de comportement? Que signifient-elles pour l’avenir de la société palestinienne? Quelles conséquences ce type de détention et ces infractions au respect des droits de l’homme peuvent-ils entraîner?

Je souhaite encore attirer votre attention sur la situation des écoles situées à Gaza, car j’estime qu’elle est très grave en raison de l’arrêt des financements de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Pourtant, la clé du développement, de l’avenir, de la paix, de la démocratie en Palestine est entre les mains des jeunes. Mais pour pouvoir donner forme à cet avenir, il faut que les écoles restent ouvertes. Pour jouir de leurs droits, les jeunes doivent d’abord recevoir une éducation. Et nous, nous devons les y aider.

M. GAVAN (Irlande)* – «Les soldats m’ont emmené à l’extérieur et l’un d’eux m’a attaché les mains derrière le dos. Il m’a bandé les yeux, puis les soldats m’ont emmené à l’autre bout du camp. Pendant tout ce temps, ils m’ont frappé avec leurs mains et leurs armes, et m’ont roué de coups de pied avec leurs bottes. Ils m’ont blessé et insulté.» Je cite ici Abed Sabah, du camp de réfugiés al-Jalazun près de Ramallah, arrêté à l’âge de 15 ans. J’ai tiré cette citation d’un rapport de l’organisation israélienne B’Tselem. Je voudrais également citer la mère d’une victime: «Malek est entré dans le tribunal pieds et mains liés, mais je n’ai pas pleuré. Il se trouvait à quelque 20 mètres de moi, dans une cage».

Je me félicite de ce rapport et j’appuie ses recommandations. Il est décevant de constater qu’un petit nombre de parlementaires souhaitent diluer ses conclusions au motif qu’elles se fondent sur des informations fournies par des organisations israéliennes de défense des droits de l’homme.

Les mineurs palestiniens sont les principales victimes des politiques israéliennes. Israël est le seul pays au monde à poursuivre automatiquement en justice des enfants devant des tribunaux militaires. Ahed Tamini a fait la une de la presse internationale et a été libéré. Mais de nombreux jeunes sont encore détenus. Dans les tribunaux civils israéliens, la détention est une mesure de dernier ressort pour un mineur. Mais il en va différemment lorsqu’il s’agit de jeunes Palestiniens.

Le rapport publié par B’Tselem indique que le taux de condamnation de mineurs par les tribunaux militaires dépasse 95 %. Par ailleurs, toutes les procédures se font en hébreu. L’accusé et sa famille ne les comprennent donc pas. Un témoin a également indiqué que l’interprète mis à disposition jouait avec son téléphone et ne prêtait pas attention à ce qui se passait.

Fin 2018, 273 mineurs palestiniens étaient détenus dans les prisons israéliennes pour des raisons de sécurité, y compris certains pour des raisons administratives. Un rapport publié cette année par Military Court Watch indique que deux tiers des mineurs palestiniens qui ont raconté leur arrestation et leur incarcération en 2017 ont déclaré avoir fait l’objet de violences physiques pendant leur détention. Cela a été confirmé par des rapports de l’Unicef. Chers collègues, nous parlons ici d’enfants! Des violences aussi répandues, systématiques et institutionnalisées à l’encontre d’enfants doivent prendre fin.

Certains orateurs en ont appelé au sens de l’équilibre. Que ne l’ont-ils fait lorsque le régime de l’apartheid était en place en Afrique du Sud ? Je me souviens que les conservateurs britanniques faisaient l’apologie de ce régime. Ils se trompaient alors, comme ils se trompent maintenant.

Mme SMITH (Royaume-Uni)* – Si cette Assemblée a une mission, c’est la défense des droits de l’homme. Elle a aussi la capacité de dénoncer la violation de ces droits. L’Assemblée parlementaire est également l’une des rares institutions à accueillir des délégations à la fois de la Knesset israélienne, qui a le statut d’observateur, et du Conseil législatif palestinien, qui a le statut de partenaire pour la démocratie.

Ce rapport, sur le fond, ne s’occupe pas des dimensions politiques du conflit dans la région – quoique, nous l’avons dit à juste titre dans cet hémicycle par le passé, cette Assemblée soutient une solution à deux États sur la base des frontières d’avant 1967. Il se penche sur le traitement et les droits des enfants concernés. Tout État-nation, indépendamment de son contexte, doit s’occuper du traitement des enfants. Durant des années, nombre d’organisations internationales – y compris l’Unicef – ont mis en lumière leurs préoccupations sur le mauvais traitement des Palestiniens et des enfants palestiniens, notamment par le système de détention militaire israélien qui ne respecte même pas les normes de base. Nous avons entendu bien des récits sur les abus commis. Nous devons résister à cette position israélienne sur ces mauvais traitements infligés aux enfants. Les dispositions du droit international sur les droits des enfants doivent être pleinement respectées. Les différents cas doivent être examinés individuellement avant toute intervention. Aujourd’hui, Israël semble répondre de façon draconienne à des contraventions pourtant mineures le plus souvent.

Nous avons beaucoup parlé d’incidents, par exemple des jets de pierres. Certes, ils ne sont pas tolérables. Mais cette réalité ne justifie pas ces pratiques inacceptables de la part d’un État, en l’occurrence l’État israélien. Les normes internationales doivent être appliquées. Nous ne parlons pas ici d’un tout petit nombre d’enfants. Même les services pénitentiaires israéliens le reconnaissent, quelque 352 enfants palestiniens étaient détenus en décembre 2017. Ce nombre a connu une augmentation de 73 % entre 2012 et 2015. Pire encore, l’Unicef a obtenu des témoignages d’individus, selon lesquels les mauvais traitements et les violations ne contreviennent pas seulement au droit humanitaire international, mais violent aussi la législation israélienne, avec de nombreux cas de violences physiques, d’abus, d’insultes, d’humiliations et d’intimidations.

Je voudrais donc soutenir les recommandations du rapport et conclure en en appelant à Israël – en tant qu’amie et soutien de ce pays – pour qu’il travaille avec l’Unicef. Il est important que cet État adopte des normes internationales sur les droits de l’enfant. J’en appelle à Israël pour qu’il travaille avec l’Unicef, le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres, pour modifier ses lois et ses pratiques afin que tous les enfants palestiniens, et d’ailleurs tous les enfants présents dans ce pays, soient correctement protégés.

M. TÜRKEŞ (Turquie)* – Permettez-moi de remercier la rapporteure d’avoir rédigé avec enthousiasme cet important document.

J’appelle les autorités israéliennes à se conformer aux frontières de 1967 et à se retirer des territoires occupés. Il est clair qu’Israël agit en violation du droit international et des droits de l’homme.

Malgré les avertissements de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de nombreuses organisations internationales, Israël poursuit ses politiques non conformes aux principes universels du droit.

Je condamne fermement l’approbation par Israël de la construction de plus de deux mille unités supplémentaires en Cisjordanie, sous occupation israélienne.

Des mesures prises au mépris du droit international et des résolutions pertinentes des Nations Unies sapent de manière irréparable le processus de paix. S’opposer à ces pratiques qui bafouent les droits inaliénables du peuple palestinien est une obligation en termes de droit comme pour nos consciences. J’appelle les membres de l’Assemblée parlementaire à s’acquitter de cette obligation.

De plus, la loi adoptée le 19 juillet 2018 par le Parlement israélien sur l’État-nation juif foule aux pieds les principes universels du droit et fait fi des droits des citoyens palestiniens.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Türkes, vous vous éloignez de l’objet du débat. Conformément à l’article 35.4 du Règlement, je vous demande de vous en tenir au sujet du débat.

M. TÜRKEŞ (Turquie)* – il s’agit de ce que fait le pouvoir israélien.

Il y a neuf ans, Mohamed al-Durah, un enfant âgé de 9 ans, a été tué dans la rue. Il ne jetait pas de pierres. Il n’avait pas de pierre dans la main, il n’avait rien volé. Il a été abattu par un soldat israélien alors qu’il se cachait derrière son père. Bien qu’un crime ait été commis aucune action n’a été engagée à l’encontre de ce soldat.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Türkeş, là encore, il ne s’agit pas du sujet du débat. Nous parlons du traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien.

M. TÜRKEŞ (Turquie)* – C’était un mineur palestinien !

M. WHITFIELD (Royaume-Uni)* – Je voudrais féliciter la rapporteur et la commission pour la confection de ce rapport qui met en exergue un grand mal que nous connaissons depuis de nombreuses années.

En 2013, l’Unicef a publié un rapport sur les enfants détenus par les militaires en Israël qui concluait que les enfants en contact avec le système militaire étaient victimes d’abus systématiques. En 2012, un groupe d’avocats britanniques indépendants a publié une étude sur ce sujet et a constaté qu’Israël violait au moins huit de ses obligations internationales au titre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et de la «quatrième convention de Genève», au sujet du traitement des enfants palestiniens détenus militairement. Quarante recommandations avaient été adressées sur l’arrestation, la détention, la négociation judiciaire, les plaintes, etc. L’année dernière, Military Court Watch a indiqué qu’une seule recommandation du rapport, celle portant sur la séparation des enfants et des adultes en détention, avait été réellement mise en œuvre. Les éléments de preuve empiriques sont clairs. Des années après la publication de ces différents rapports, très peu de progrès ont été réalisés, très peu de recommandations ont été mises en œuvre.

Le rapport rappelle que l’article 3 de la Convention souligne que les enfants sont avant tout des enfants et doivent être traités comme tels. Même lorsqu’un enfant entre en conflit avec la loi, qu’il ait été convaincu de le faire par endoctrinement, en échange d’une récompense ou qu’il ait agi par choix, il doit être traité en fonction du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. La justice des enfants, nous l’avons entendu aujourd’hui, doit trouver le moyen de s’occuper de ces enfants. Military court Watch indique que dans les 70 rapports examinés il y a quelques années, 80 % des enfants n’ont pas eu accès à un avocat pendant leur interrogatoire. C’est souvent au moment du procès militaire consécutif à l’interrogatoire que les enfants se trouvent pour la première fois en contact avec un avocat. C’est ainsi que différentes organisations ont lancé des campagnes sur l’accès à un avocat pour informer les enfants palestiniens de Cisjordanie de leurs droits élémentaires en cas de détention.

Les enfants ne sont enfants qu’une seule fois. S’ils ne sont pas protégés par les droits de l’homme, comment attendre d’eux, une fois devenus adultes, qu’ils promeuvent et défendent les droits de l’homme pour autrui? Nous l’avons entendu aujourd’hui, beaucoup de faits sont dissimulés et il y deux côtés différents dans ces affaires. Ainsi que le prévoit l’article 3, les enfants concernés sont d’abord et avant tout des enfants.

Mme ALQAWASMI (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je souhaite tout d’abord remercier notre rapporteure pour son rapport objectif, ainsi que l’Assemblée qui s’est engagée pour la défense de ses valeurs afin de trouver une solution à ce problème.

Il existe différentes sortes de violations. Il y a eu l’assassinat d’enfants par des soldats israéliens qui les ont ensuite accusés. Mohammad Abou Khdeir, un jeune garçon âgé de 12 ans a été kidnappé au petit matin, a été brûlé vif par des colons jusqu’à en perdre la vie. Un jour plus tôt, d’autres enfants avaient été tués. En 2015, Ahmed Dawabcheh, un enfant de 5 ans, avait été brûlé par des colons. Son frère et son père ont été tués.

LE PRÉSIDENT *– Désolé, Madame Alqawasmi, conformément à l’article 35.4 du Règlement, je rappelle que vous devez vous en tenir au sujet du rapport qui est en l’occurrence «Le traitement de mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien».

Mme ALQAWASMI (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je parle précisément de mineurs. Un mineur âgé de 12 ans, un autre âgé de 10 ans, enlevés à leur famille à Hébron, ont ainsi été empêchés d’aller à l’école et même de quitter leur domicile pour aller jouer avec d’autres enfants.

Mes chers collègues, il est clair qu’il y a deux poids, deux mesures au sein du système judiciaire israélien. Les soldats israéliens et les colons sont clairement au-dessus de la loi et ne font pas l’objet de poursuites judiciaires. Nous devons suivre la procédure. Je remercie les collègues qui se sont exprimés en faveur des mineurs palestiniens. Je suis persuadée que nous pourrons changer les choses.

M. HEER (Suisse)* – Ce rapport, que j’ai lu avec beaucoup d’attention, est totalement unilatéral: il prend parti contre Israël. Je comprends que l’on s’intéresse aux enfants détenus, mais il est nécessaire de se demander d’où vient cette situation. Or vous devriez comprendre que le problème réside dans l’éducation. Ainsi, à la télévision palestinienne, on voit des enfants de cinq ans en uniforme militaire, armés par le Hamas et l’Autorité palestinienne. Les responsables palestiniens élèvent leurs enfants dans la haine d’Israël et en font des soldats. Il ne faut pas s’étonner qu’ils deviennent terroristes et fassent preuve de violence envers la société civile israélienne. Ainsi, le Hamas a envoyé des enfants le long de la frontière entre Israël et la bande de Gaza.

LE PRÉSIDENT* – Comme je l’ai déjà dit à des orateurs précédents, veuillez vous en tenir à l’objet du rapport.

M. HEER (Suisse)* – Je parle bien des enfants dans le système judiciaire israélien, car je vous explique pourquoi ils sont parfois détenus. Lorsque vous présidez la séance, essayez de rester objectif.

Nous ne savions pas qu’Israël avait autant d’amis au Conseil de l’Europe. En effet, chaque antisémite commence son discours en disant qu’il est un ami d’Israël pour pouvoir ensuite le critiquer inlassablement. Je ne suis pas d’accord avec une telle attitude!

L’armée israélienne doit tout faire pour garantir la sécurité du peuple israélien. Certes, il est vrai que ces forces de défense israéliennes agissent parfois avec excès. Nous devons émettre ces critiques et dialoguer, mais si nous produisons de tels rapports, nous ne pourrons jamais trouver de solution ni être considérés comme un interlocuteur neutre entre la partie israélienne et la partie palestinienne en vue de trouver une véritable solution pour la paix et la stabilité dans la région. Si nous continuons ainsi, le Conseil de l’Europe finira par disparaître parce que nous perdrons toute légitimité et toute crédibilité.

M. KOÇ (Turquie)* – Je souhaite d’abord remercier Mme Maury Pasquier pour son rapport.

En Cisjordanie, deux systèmes juridiques distincts s’appliquent sur un même territoire. Or le seul facteur qui détermine quelles lois qui s’appliquent à un individu est sa nationalité, son appartenance ethnique. Ainsi, les colons israéliens qui vivent en Cisjordanie sont soumis au système juridique civil et pénal israélien, tandis que la loi militaire israélienne, qui ne garantit pas les droits fondamentaux, s’applique à l’ensemble de la population palestinienne. Dans les tribunaux civils israéliens, la détention est toujours une mesure de dernier recours pour un mineur, mais pour les mineurs palestiniens devant les tribunaux militaires israéliens, la prison est quasiment garantie. Rappelons qu’Israël est le seul pays au monde qui poursuive automatiquement des enfants devant des tribunaux militaires qui ne présentent pas les garanties minimales d’un procès équitable.

Un pays est censé promouvoir le bien-être des enfants, et non pas faire fi du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or les normes internationales de la justice des enfants exigent qu’ils ne soient privés de leur liberté qu’en dernier recours, et seulement dans des cas exceptionnels. Il faut donc mettre un terme à cette pratique répandue de la détention des enfants palestiniens et promouvoir le bien-être de tous les enfants.

Enfin, j’estime que les États-Unis se sont engagés à donner 38 milliards de dollars à Israël sous forme d’aide militaire pendant les dix années à venir, au lieu de mettre ce pays devant ses responsabilités en ce qui concerne les violations du droit international et des droits de l’homme. La déclaration venant du Parlement israélien et de l’administration Trump, selon laquelle Jérusalem est la capitale d’Israël, est inacceptable. Les États-Unis doivent arrêter de permettre à Israël d’infliger ce traitement épouvantable aux Palestiniens et la communauté internationale doit réagir.

LE PRÉSIDENT* – Je vous rappelle que vous devez vous en tenir au sujet du rapport, qui est très clairement défini dans son titre.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Si nous souhaitons préserver notre crédibilité, il faut que notre point de vue soit équilibré.

Nous sommes bien entendu sensibles aux souffrances des Palestiniens, mais il faut reconnaître également le fait que le Hamas s’est lancé dans une entreprise très cynique et utilise les enfants comme boucliers humains. Les enfants peuvent être blessés, et les souffrances qui s’ensuivent viennent alimenter la propagande du Hamas.

Compte tenu de tout cela et du fait qu’Israël est une démocratie parlementaire dans laquelle règne l’État de droit, en tant qu’ami à la fois du peuple israélien et du peuple palestinien, m’efforçant moi-même d’être équilibré, je voudrais dire aux autorités israéliennes, que si bien entendu le droit doit s’appliquer aux enfants qui commettent des actes de violence, cependant ceux-ci doivent être traités de manière équitable, conformément aux normes internationales. Or il existe des preuves que les enfants palestiniens, qui ont peut-être été manipulés par le Hamas, ne sont pas traités comme nous souhaiterions que des mineurs le soient dans un système judiciaire en Europe.

En outre, j’aimerais que ce rapport réunisse davantage d’informations afin d’établir si tous les faits qu’on nous rapporte sur le traitement des enfants dans le système israélien sont vrais. Nous avons examiné à la Chambre des Communes en 2016 le rapport de Defence for Children International. Est-il vrai que 87 % des affaires examinées par cet organisme ont permis d’identifier des cas de violence? Est-il vrai que les enfants ne sont pas informés de leurs droits lorsqu’ils sont arrêtés ou maintenus en détention? Les autorités israéliennes ont confirmé que les enfants ont le droit au silence, comme on l’attendrait dans tout système équitable, mais pouvons-nous être sûrs que ce droit est appliqué lorsque les enfants sont en détention? Des informations très préoccupantes nous poussent à croire que la grande majorité des condamnations d’enfants se fondent sur des aveux. On nous dit que, dans le système judiciaire israélien, tout suspect a le droit d’avoir accès à un avocat, mais ce droit est-il respecté? De même, on affirme encore que les droits de visite par les parents sont rarement respectés. Je pourrais vous donner d’autres exemples qui montrent sans aucun doute que le système n’est pas équitable.

Je souhaite vivement nous défendions une approche équilibrée. Je lance donc un appel à l’État d’Israël, dont je reconnais qu’il se trouve dans une situation très difficile, car j’admets que ces enfants peuvent être utilisés et manipulés par le Hamas. Cependant, dans l’intérêt d’Israël, il faut que les enfants soient traités conformément au droit international.

Mme CHRISTENSEN (Norvège)* – Ce rapport est au cœur de ce qui définit notre institution. Des enfants sont privés de leurs droits dans le cadre d’un conflit. Le rapport le dit: «Le traitement des mineurs palestiniens dans le système de justice israélien ternit l’image d’Israël en tant qu’État démocratique qui respecte les droits humains et l’État de droit.»

Des organisations palestiniennes et israéliennes attestent depuis des années l’existence d’abus sexuels et de mauvais traitements. B’Tselem a aussi fait état de cas où des enfants ont été abattus par balle. Depuis longtemps, des organisations israéliennes et palestiniennes disent que des enfants sont placés à l’isolement, frappés, et que l’objectif est de les intimider. Nery Ramati, avocat israélien et défenseur des droits de l’homme, estime que les arrestations font partie d’une stratégie visant les Palestiniens et destinée à bafouer leurs droits. Quand des personnes protestent, il est très efficace d’arrêter leurs enfants.

Israël dit que, dans les territoires occupés, les droits de l’homme ne comptent pas. Mes chers collègues, l’occupation israélienne n’est pas légale, et les droits de l’homme comptent!

Voilà pourquoi le rapport qui nous est soumis est si important.

L’Organisation des Nations Unies a recueilli le témoignage de 165 enfants emprisonnés dans les prisons militaires israéliennes. Le rapport ne prend pas position dans le conflit, mais la réalité nous y oblige et c’est dans une certaine mesure ce qui se passe dans ce débat.

Le moyen le plus efficace de faire durer un conflit aussi longtemps que possible est de faire subir l’injustice aux enfants, car, ainsi, la peur est reçue en héritage.

Dans ce débat, certains défenseurs des Israéliens ont estimé que le rapport n’était pas impartial et ont sous-entendu qu’il relayait la propagande des médias palestiniens. Je regrette profondément que ce discours ait été tenu dans cette enceinte. On parle d’équilibre: je ne crois pas que l’Organisation des Nations Unies pèche par défaut d’équilibre, non plus que les États-Unis; or de l’une comme des autres sont venus des éléments allant dans le même sens que le présent rapport.

Si Israël ne s’intéresse pas aux droits de l’homme ni aux enfants palestiniens, il devrait au moins se soucier de lui-même. Or ces pratiques, en elles-mêmes, déstabilisent non seulement la Palestine, mais toute la région. Elles doivent cesser.

Mme ÇELİK (Turquie)* – Je remercie la rapporteure de ce rapport riche en informations, dont les constations et recommandations méritent la plus grande considération de la part de l’Assemblée. La communauté internationale devrait presser Israël de coopérer avec la rapporteure dans l’exercice de son mandat.

Comme le dit le rapport, «les mauvais traitements des mineurs palestiniens dans le système de détention militaire israélien sont répandus, systématiques et institutionnalisés». Les rapports de plusieurs organisations internationales s’accordent sur ce point.

La rapporteure fait valoir qu’il faut séparer l’analyse de cette situation du conflit qui la sous-tend. De ce fait, j’estime que le rapport ne fournit pas une image complète du problème ni les moyens de le résoudre véritablement.

En effet, la nette augmentation du nombre d’enfants palestiniens détenus dans les geôles israéliennes et les violations de leurs droits ne peuvent pas être expliquées uniquement par les défaillances du système judiciaire israélien. Elles doivent être replacées dans le contexte de l’occupation militaire illégale de la Cisjordanie par Israël, du siège inhumain imposé à Gaza, des expulsions, des démolitions de maisons et du développement des colonies israéliennes.

Le fait qu’autant d’enfants aient récemment pris part à des manifestations témoigne de l’aggravation de leurs problèmes sociaux et de leurs griefs politiques. Le mépris systématique du droit international par Israël, son usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, toutes les mesures unilatérales prises par le Gouvernement israélien ne peuvent pas être séparés des conditions dans lesquelles vivent ces enfants.

Dans ce contexte, l’absence de coopération d’Israël avec les organisations internationales en cette matière et l’absence d’amélioration malgré certaines promesses montrent qu’une réforme du système judiciaire est peu probable et, surtout, ne suffirait pas à alléger les conditions de vie des enfants. La solution du problème doit passer par l’amélioration des conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles se trouvent les enfants palestiniens, ce qui suppose la fin du blocus, de la colonisation illégale et, en définitive, de l’occupation.

Je ne veux pas parler au nom des enfants palestiniens: nous avons vu récemment qu’ils savent très bien parler en leur propre nom. Car ils sont obligés de grandir et de devenir adultes bien avant l’âge, à cause de la violence de l’occupation brutale qu’ils subissent tous les jours.

Voici donc ce que disait Ahed Tamimi après avoir passé huit mois en prison pour avoir voulu défendre sa maison de l’agression israélienne. «Après mon arrestation, je suis devenue le symbole de l’occupation, mais il y a 300 autres enfants dans les prisons israéliennes dont personne ne connaît l’histoire. Je voulais devenir footballeuse, mais je participe à des manifestations et à des confrontations avec l’armée israélienne depuis que je suis enfant. Beaucoup critiquent cela, mais pourquoi ne pas critiquer l’armée qui se met devant des enfants? Sous l’occupation, tout est un crime. Les gens ne devraient pas nous accuser; c’est l’occupation qui est mauvaise.»

M. SHEPPARD (Royaume-Uni)* – Israël est le seul pays au monde qui utilise systématiquement les cours martiales pour juger des enfants et les condamner à la détention. Ce sont 500 à 700 enfants qui sont ainsi placés en détention chaque année. Mais Israël ne fait pas subir cela à tous les enfants, seulement aux enfants palestiniens.

Je sais, pour m’être rendu dans les territoires occupés et avoir parlé avec des juristes internationaux qui s’efforcent de faire connaître la situation qui y prévaut, que celle-ci fait partie de tout un ensemble de mesures administratives destinées à soutenir l’occupation militaire de la Palestine et à briser la résistance qui s’y oppose.

D’où les récits, rapportés par d’autres orateurs, d’arrestations au milieu de la nuit, d’enfants arrêtés dont 90 % sont menottés, 80 % ont les yeux masqués par un bandeau et 80 % encore se voient refuser l’accès à un avocat, de violations flagrantes des droits civils et humains. Le pire, dans ce système, est la manière dont il y est vain de protester de son innocence: une fois entrés dans ce système, une fois qu’on les a empêchés de contacter leur famille ou un avocat, les enfants ont le choix entre plaider coupable, et être relâchés au bout de quelques mois, et défendre leur innocence, auquel cas on leur dit qu’ils seront maintenus en détention pendant des années.

Les statistiques montrent que 80 % des enfants ont signé des aveux dans une langue qu’ils ne comprennent pas et ne parlent pas. La statistique la plus préoccupante est le nombre d’arrestations dans les territoires occupés où 99 % des arrestations se soldent par une condamnation.

Mon collègue John Howell, dont je ne partage pas l’opinion, évoquait précédemment les statistiques liées aux événements de 2011. Il indiquait que sur 1 000 arrestations, 168 périodes différentes de détention avaient été recensées. Imaginez un instant que sur 1000 arrestations en Angleterre, 1000 personnes aient été incarcérées. Je pense que John Howell se sentirait alors beaucoup plus préoccupé. Ajoutons à cela la violation de l’article 49 de la Convention de Genève et les déplacements de personnes en Israël, qui compromettent grandement pour ces personnes la possibilité de recevoir le soutien de leurs proches et de leurs amis. Là encore, il s’agit d’une violation flagrante de leurs droits.

Beaucoup de mes collègues ont regretté le manque d’équilibre ce rapport. Qu’entendons-nous par-là? L’équilibre exige d’appliquer les mêmes critères, les mêmes normes à toutes les parties. Cela ne signifie pas tout accepter. Les Palestiniens affirment qu’ils ont le droit d’avoir une patrie, Israël affirme qu’il a le droit d’occuper militairement ce territoire. Il n’y a pas ici d’équivalence. Toute personne qui l’affirmerait n’adopterait pas une approche équilibrée, mais au contraire, prendrait parti.

Monsieur le Président, lorsqu’il s’agit de la violation des droits de l’homme, on ne devrait pas se poser la question de savoir si oui ou non nous devons prendre parti. On ne devrait pas se mettre dans une situation dans laquelle le monde se demande quelle est notre position. Comme elle l’a fait depuis 70 ans, cette institution devrait s’exprimer sans équivoque. Elle devrait lutter pour la défense des droits de l’homme et des libertés, où que ce soit, y compris pour les enfants de la Palestine aujourd’hui.

M. DAVIES (Canada, observateur)* – Je tiens à remercier le rapporteur et la commission d’avoir mis en en lumière le traitement réservé aux Palestiniens dans le système judiciaire israélien ou par les forces d’occupation israéliennes dans les territoires occupés. En avril, je me suis rendu en Palestine, en Cisjordanie, où j’ai vu de mes propres yeux des enfants palestiniens subir quasiment au quotidien des violations de leurs droits. Parmi tant d’injustices, les enfants palestiniens sont confrontés à des peines disproportionnées pour de petits actes de défi à l’égard de l’occupation de leur pays. En Israël, ils ne relèvent malheureusement pas de cours ou de tribunaux civils, mais de juridictions militaires. Des centaines d’enfants palestiniens sont détenus chaque année. La majorité sont condamnés pour avoir jeté des pierres, d’autres tout simplement pour avoir été présents lors de troubles civils.

La plupart des enfants palestiniens détenus ont témoigné de mauvais traitements, humiliations, intimidations, abus verbaux et violences physiques. Beaucoup sont arrêtés en pleine nuit, privés de sommeil, interrogés avec beaucoup d’agressivité, sans pouvoir accéder à leurs parents ni à des avocats. Après leur contact avec les soldats israéliens, ils restent très souvent gravement traumatisés.

L’une des pratiques les moins acceptables est la détention des enfants, de leur arrestation jusqu’à la fin de leur procès. C’est une violation d’un des principes fondamentaux de la justice. On relève un taux très important d’aveux forcés, souvent rédigés en hébreu, une langue que la plupart des enfants palestiniens ne comprennent pas. Pourquoi? Parce que la plupart des accusés savent que, même s’ils sont acquittés, leur temps de détention en attente du procès serait plus long que s’ils acceptent une négociation de plaidoyer. Ceux qui sont condamnés à la prison y côtoient des adultes. En juin, on dénombrait plus de 300 enfants palestiniens détenus. C’est une forme de torture. Les enfants palestiniens qui ont fait cette expérience restent marqués à vie sur le plan physique, psychologique et émotionnel.

Tout cela s’inscrit dans une stratégie délibérée qui doit être condamnée très fermement. J’emploie à dessein le mot «délibéré» qui n’est pas le mien, mais celui d’anciens soldats des forces armées israéliennes, membres du groupe Rompre le silence. Ils m’ont exposé que leurs ordres consistaient à donner aux Palestiniens l’impression que les forces armées israéliennes sont partout, qu’ils ne peuvent pas se cacher et qu’on les pourchassera où qu’ils se trouvent. Les autorités israéliennes prétendent que les protections spéciales pour les enfants au titre de la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant et du Pacte international sur les droits civils et politiques ne s’appliquent pas aux enfants palestiniens. La Cour de justice internationale n’est pas de cet avis, et je crois qu’il en est de même dans tous les pays civilisés.

Je suis déçu que les membres de la délégation israélienne de cette Assemblée aient refusé d’engager un dialogue avec leurs collègues sur ce sujet. Nous avons entendu dire que les promesses des autorités israéliennes de revoir leurs pratiques n’ont pas été tenues. En adoptant cette résolution, notre Organisation remplirait sa mission, celle de protéger les droits de l’homme parmi lesquels le droit des enfants à être traités comme des enfants. Je ne peux pas envisager un droit humain plus important que celui qui concerne nos enfants. Ce projet de résolution a été rédigé avec soin. Il présente des attentes spécifiques et très claires auxquelles Israël peut répondre. À défaut, la situation ne serait pas acceptable. Israël ne peut demander une légitimité démocratique partout dans le monde et ensuite violer les normes internationales. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion d’exprimer mon soutien à cette initiative si importante.

M. LOUCAIDES (Chypre)* – Je voudrais moi aussi féliciter chaleureusement Mme Maury Pasquier pour son travail, malgré l’absence de coopération de la part de la délégation israélienne, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de l’Assemblée parlementaire. Je voudrais aussi entériner les propositions et recommandations du projet de résolution. Les solutions préconisées dans le rapport préservent non seulement les principes de cette Organisation, mais protègent aussi, voire améliorent sa crédibilité.

Chers collègues, je voudrais vous demander à vous tous, qui avez des enfants, des petits-enfants, des neveux ou des nièces, de les imaginer comme des enfants palestiniens aux mains des autorités israéliennes. Représentez-vous des soldats armés faisant irruption chez vous au milieu de la nuit. Imaginez vos enfants menottés. Pensez à des soldats israéliens leur bandant les yeux, les sortant de force, les insultant, les frappant, les plaçant à l’isolement, sans que vous en ayez connaissance, et sans que personne ne sache de quoi les enfants sont accusés. Imaginez-vous ces soldats les interrogeant en votre absence, sans la présence d’avocats, leur remettre un papier écrit dans une langue qu’ils ne comprennent pas, les forçant à signer leur reconnaissance de culpabilité, les traduisant enfin devant des tribunaux militaires et les condamnant après une procédure expresse.

Un État qui commet tous ces actes ne peut pas se prétendre la seule démocratie du Moyen-Orient. Quoi que l’on puisse penser du problème au Moyen-Orient, aucun enfant ne doit être privé de ses droits fondamentaux. Il ne peut y avoir d’excuses ou de circonstances atténuantes pour tout mauvais traitement contre un enfant, quoi qu’il ait pu faire, quelles que soient les accusations portées contre lui. Et encore moins si la seule accusation est celle de résister aux atrocités commises au quotidien dans le cadre de la lutte de ce peuple pour sa liberté. L’État d’Israël n’a pas d’excuses, lorsqu’il refuse d’appliquer les conventions internationales qu’il a signées, tels la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, le Pacte international des droits civils et politiques et la Convention de Genève.

Les Israéliens prétendent qu’ils ne sont pas obligés de l’appliquer à des Palestiniens qui vivent sous son occupation. C’est scandaleux sur le plan moral, mais aussi infondé juridiquement, d’après la Cour internationale de justice. Israël doit mettre un terme à ces mauvais traitements systématiques des enfants palestiniens. Israël doit bouleverser sa législation, ses pratiques et ses habitudes.

Plutôt que de menacer des enfants palestiniens de prison à perpétuité parce qu’ils ont insulté des soldats israéliens – comme l’a dit un ministre israélien – l’État d’Israël doit réfléchir aux raisons qui poussent ces enfants à ressentir cette rage et à jeter des pierres. La réponse est simple, la raison, c’est cette occupation qui se perpétue, par Israël, des territoires palestiniens.

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande)* – Je souhaite féliciter Mme Maury Pasquier pour l’équilibre de son rapport, et sa tentative de ne pas politiser ce débat sur le droit des enfants. Le rapport et la proposition de résolution s’inscrivent dans la tradition de tous les travaux réalisés au sein de cette Assemblée sur une justice favorable aux enfants. Veillons à ce que les enfants ne grandissent pas dans la violence et qu’elle ne devienne pas naturelle et acceptable pour eux. Nous n’y parviendrons pas en violant les droits des enfants. Les rapports de l’Unicef, de Human Rights Watch, de Defence for Childrens Palestine et de B’Tselem soulignent tous les violations systématiques des droits des enfants palestiniens qui se retrouvent en détention militaire.

Devant notre commission, dans le cadre de la préparation de ce rapport, l’Unicef a expliqué que l’organisation recueille des témoignages sous serment de centaines d’enfants, chaque année, qui témoignent de violations de procédure et de mauvais traitements. D’après les statistiques des services pénitentiaires israéliens, la détention d’enfants a augmenté au cours des dernières années. Par ailleurs, depuis la fin de 2015, 26 mineurs ont fait l’objet d’une détention prolongée sans chef d’accusation. La pratique consistant à arrêter les enfants en pleine nuit et à leur bander les yeux est une pratique très répandue, d’après B’Tselem.

J’encourage le Gouvernement israélien à garantir le respect du droit international et de la loi israélienne, lorsque les mineurs sont en contact avec les forces de l’ordre. Chers collègues, nous devons tous dire que la pratique consistant à bander les yeux des enfants et à les mettre à l’isolement n’est jamais acceptable. Les enfants ont également le droit à la présence d’un avocat et de parents pendant un interrogatoire, et ont le droit à ce que la procédure se déroule dans une langue qu’ils parlent et comprennent.

La cause profonde de ce problème est bien évidemment la situation actuelle d’occupation des terres palestiniennes par Israël. Certes, je ne voudrais pas politiser le débat, alors que la rapporteure a tenté de se concentrer sur la question du bien-être des enfants, mais j’ajouterai néanmoins que la solution politique au conflit israélo-palestinien est une nécessité absolue pour que les deux parties puissent vivre en paix et en sécurité. C’est une condition sine qua non au respect des droits de l’homme dans la région.

J’espère très sincèrement qu’une solution politique sera trouvée à ce conflit, sur les fondements d’une solution à deux États. Je suis fière qu’en 2011, le Gouvernement de l’Islande, ait été le premier en Europe occidentale à reconnaître l’État de Palestine dans ses frontières d’avant 1967. Les deux parties méritent la paix et la sécurité, et j’espère qu’elles l’auront très bientôt.

M. GOUTTEFARDE (France) – Si je prends la parole sur ce sujet délicat du traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien, c’est notamment parce que l’exercice du pouvoir judiciaire, mission régalienne de l’État, est, en tant que tel, révélateur de l’intégrité de l’État de droit, et parce que le respect des droits humains, et en particulier des enfants, constitue une des conditions essentielles de la pérennité d’une grande nation.

Sans prendre position dans ce conflit qui oppose l’État d’Israël et le peuple palestinien depuis maintenant plus de soixante-dix ans, je souhaite mentionner plusieurs éléments fondamentaux: premièrement, les enfants, et particulièrement ceux nés dans un conflit armé, qui ont commis des exactions, restent des enfants et doivent être traités comme tels; deuxièmement, les différents traumatismes auxquels un conflit armé expose ces enfants doivent être pris en compte dans le traitement judiciaire et carcéral; troisièmement, les États exercent leur souveraineté en contractant des traités. Il en va de l’intégrité du droit international public et de l’ordre de la communauté internationale que chacun se conforme à ses obligations: pacta sunt servanda, comme le dit l’adage de droit international. Israël a ratifié les conventions internationales relatives aux droits de l’enfant, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou encore la convention interdisant la torture et les traitements inhumains ou dégradants, mais refuse partiellement de les appliquer aux Palestiniens; cette exemption est contraire à l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2004.

En ce qui concerne les lois et pratiques israéliennes, je tiens à souligner particulièrement les deux éléments suivants: premièrement, le droit civil israélien s’applique à tous les mineurs vivant en Israël, alors que le droit militaire s’applique aux mineurs palestiniens des territoires occupés, qui sont majoritairement jugés par les juridictions militaires; deuxièmement, la majorité pénale semble ne pas être clairement établie. Dans son projet de résolution, notre Assemblée appelle Israël à élever l’âge de la responsabilité pénale à 14 ans, sans discriminer les Palestiniens, conformément à sa Résolution 2010 (2014). Cependant, il semblerait, selon une certaine presse, qu’en 2011 la majorité devant les tribunaux militaires eût été élevée de 16 à 18 ans, malgré une pratique discordante.

Je veux signaler un élément significatif du rapport de Mme Maury Pasquier: un mémoire de l’avocat général militaire, diffusé après la publication du rapport de l’Unicef de 2013, enjoignait l’absence de toute violence lors des arrestations et préconisait des conditions de détention raisonnables. Ces directives pénales interdisent donc de qualifier le traitement judiciaire des mineurs palestiniens comme résultant d’une politique pénale générale et systématique, malgré la persistance de violences qu’il convient de dénoncer.

Pour conclure, je voudrais réaffirmer ma confiance dans l’État d’Israël en tant que grande nation de la communauté internationale, et qu’à ce titre, très précisément, il est de son devoir de se mettre en conformité avec ses obligations internationales en matière de protection des enfants, quelle que soit leur nationalité ou leur confession et malgré leurs exactions. L’État d’Israël s’est en grande partie fondé sur la persécution et les violences inqualifiables subies par son peuple, à une époque que personne ne peut oublier. Il en va de son honneur de se prémunir de toutes dérives excessives de violence, en particulier à l’égard des enfants, protégés par les conventions internationales. Les enfants sont l’avenir, en eux réside aussi, partiellement mais essentiellement, l’aboutissement d’un processus de paix malheureusement malmené depuis de nombreuses années.

Mme KAVVADIA (Grèce)* – Je souhaite féliciter Mme la rapporteure, et vous rappeler le rôle de Mme Groth, qui avait soutenu la motion. Voilà quelques semaines, j’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet avec la militante palestinienne Ahed Tamimi, pendant son voyage en Grèce. Ahed Tamimi avait 11 ans quand elle fut arrêtée pour la première fois par l’armée israélienne. Il y a quelques mois, j’ai aussi pu m’entretenir avec la population de Ramallah, sur le terrain. Cette question est d’une très grande importance, car elle constitue une violation de droits fondamentaux. Les cas rapportés par l’Unicef ou d’autres ONG font état de mauvais traitements d’enfants et de mineurs.

La cause du problème tient aux lois de l’État israélien, qui place les enfants dans des catégories selon leur nationalité et leur lieu d’origine. C’est ainsi que des enfants qui habitent en Israël sont soumis à certaines lois, indépendamment de leur origine ethnique. Il en va de même pour les enfants israéliens qui vivent dans des colonies et les enfants palestiniens qui habitent à Jérusalem-Est. Quant aux enfants palestiniens qui habitent dans les territoires occupés, ils sont soumis à la loi martiale. En tout état de cause, ces enfants sont légalement responsables dès l’âge très précoce de 11 ans.

Cette approche, qui légitime un système pénal a priori injuste et oppressif, viole les principes fondamentaux des droits de l’homme, notamment des droits de l’enfant, et crée un cadre qui favorise la perpétuation du conflit dans la région.

L’absence de volonté d’Israël de coopérer avec l’Assemblée parlementaire – manifestée par le refus d’accorder aux membres des délégations la possibilité d’étudier les procédures judiciaires et l’accès aux lieux de détention des enfants palestiniens – est très bien décrite dans le rapport.

Très récemment, une opération militaire de l’armée israélienne a entraîné le décès d’un enfant de 12 ans, tandis que 126 autres enfants ont été blessés. Ce type d’évènements doit conduire l’Assemblée parlementaire à user de toute son influence pour établir un cessez-le -feu régional.

Mme Violeta TOMIĆ (Slovénie)* – Je remercie la rapporteure pour cet excellent rapport. Torturer des enfants dans le but de discipliner leurs parents est inacceptable. Rien ne peut excuser les mauvais traitements infligés aux enfants: chaque enfant devrait recevoir la sécurité, l’éducation et l’amour.

La société subit les conséquences des traumatismes infligés aux enfants. Les graines de la violence qui sont jetées aujourd’hui porteront un mauvais fruit demain. Nous sommes responsables du visage que le monde aura dans l’avenir.

Trop d’enfants souffrent aujourd’hui. Je parle non pas seulement des enfants palestiniens mais de ces millions d’enfants sans abri, entassés dans des camps de réfugiés et dont un grand nombre disparaissent sans laisser de trace.

Les appels lancés aux autorités israéliennes afin qu’elles travaillent avec la Croix-Rouge, l’Unicef et les ONG ne constituent pas une solution satisfaisante pour assurer la protection des enfants palestiniens dans le cadre du système pénal actuel. La seule solution est la reconnaissance de la Palestine comme État indépendant et souverain.

Lorsque mon parti – Levica – a proposé au Gouvernement slovène de reconnaître la Palestine à la fin de l’année 2014, ce dernier a tergiversé et a renvoyé l’examen de la question à l’Assemblée nationale. Début 2016, après que le débat s’est tenu au parlement, il a été décidé que cette reconnaissance interviendrait à la fin de l’année 2017. Pourtant, tel n’a pas été le cas. En effet, le gouvernement a estimé que la reconnaissance de l’État palestinien aurait plus de poids si elle était réalisée en coordination avec d’autres États membres de l’Union européenne. Or aucun d’entre eux n’a franchi ce pas. À la suite de l’annonce du Gouvernement slovène, les chefs des 48 organisations juives américaines les plus puissantes ont demandé à celui-ci de ne pas procéder à cette reconnaissance.

LE PRÉSIDENT* – Vous vous éloignez du sujet du débat. Conformément à l’article 35.4 du Règlement, je vous demande de vous en tenir au sujet.

Mme Violeta TOMIĆ (Slovénie)* – Nous ne pouvons pas sauver les enfants sans assurer la paix. L’ambassade américaine s’est dite préoccupée par le fait que des États pourraient individuellement reconnaître la Palestine. Pour la Slovénie, la question n’est pas de savoir si elle reconnaîtra la Palestine mais quand elle le fera.

Notre objectif doit être de faire en sorte que la Palestine soit reconnue par les Parlements nationaux car c’est le seul moyen de sauver les enfants. Ils sont notre avenir, nous devons agir pour eux.

Mme CHRISTODOULOPOULOU (Grèce)* – Lors du débat précédent, de nombreux orateurs ont déploré que les droits de l’homme ne soient pas respectés en Russie. Ils ont tous quitté la salle maintenant alors que nous discutons des droits des enfants palestiniens. Je crois que notre approche des violations des droits de l’homme est sélective et dépend beaucoup du lieu où elles sont commises.

De même, je prends la parole dans cet hémicycle depuis trois ans et je constate que mes interventions, comme celles des autres membres de la gauche unitaire européenne, sont toujours programmées en fin de liste. Y a-t-il deux poids, deux mesures, Monsieur le Président?

En Israël, il n’existe pas d’État de droit pour les mineurs palestiniens. La justice est arbitraire. C’est une absence de justice.

Dans tous les pays, les droits des enfants sont spécifiquement protégés: en raison d’un défaut de maturité, les enfants ne sont pas capables d’évaluer correctement les conséquences de leurs actes.

La justice doit s’appliquer de la même façon à tous, c’est un principe fondamental du droit. Un même crime doit faire l’objet de la même peine. Rien de cela dans les territoires occupés. Des enfants de 12 ans sont arrêtés et traités comme des criminels quand ils jettent des pierres. Dès leur arrestation, ils subissent de mauvais traitements. Par la suite, on leur refuse d’être assistés par un avocat pendant leur interrogatoire. Ils considèrent Israël comme leur ennemi car ce pays piétine leurs droits. C’est par l’éducation qu’ils comprendront que l’avenir ne réside pas dans l’inimitié éternelle.

L’erreur d’Israël est de violer constamment leurs droits. L’Assemblée parlementaire doit condamner le comportement d’Israël et lui demander de coopérer avec ceux qui veulent améliorer la situation des enfants. Les Nations Unies doivent elles aussi être impliquées dans cette question si importante, car il y va de la violation non seulement du droit, mais des droits de l’homme et des droits des citoyens.

LE PRÉSIDENT* – Il existe des règles quant à la constitution de la liste des orateurs. Si vous souhaitez des réponses plus précises, je vous renvoie au service de la séance. Sachez toutefois qu’il n’y a pas de discrimination envers le Groupe pour la gauche unitaire européenne ou un autre s’agissant de l’élaboration de la liste des orateurs.

M. ZAYADIN (Jordanie, partenaire pour la démocratie)* – Je félicite Mme Maury Pasquier pour cet excellent rapport. Je souhaite le répéter: oui, des enfants sont emprisonnés et torturés en Israël. Ce sont des faits, Mesdames et Messieurs.

Ahed Tamimi, cette adolescente palestinienne qui a passé 8 mois en prison, est devenue une icône de la résistance à l’occupation, et un symbole de la lutte contre la détention des mineurs par les forces d’occupation israéliennes. Des milliers d’enfants ont été arrêtés par Israël. Depuis juin 2018, l’ONG Military Court Watch a rapporté 273 cas de mineurs détenus, dont 65 % ont été arrêtés chez eux entre vingt-deux heures et cinq heures du matin. Les soldats israéliens ont donc fait irruption dans leur maison et les ont arrachés aux bras de leurs parents – entre vingt-deux heures et cinq heures du matin.

Les deux tiers de ces enfants disent avoir fait l’objet de sévices physiques pendant leur détention. Certains d’entre eux affirment qu’ils ont été attachés, mains et chevilles menottées, pendant les interrogatoires et lors de leur comparution devant le tribunal. Ils reçoivent des gifles, des coups de pied, des coups portés avec des objets tels que des fusils d’assaut. Ils subissent des positions inconfortables, tenues très longtemps. Ils sont poussés contre des murs ou des barbelés. Certains ont été déshabillés et fouillés à leur arrivée dans les centres de détention. D’autres disent qu’ils ont dû rester accroupis, nus, pendant les fouilles. Les autorités continuent d’ignorer les recommandations de l’Unicef quant à la façon dont ces fouilles doivent se faire.

Parfois, ces enfants ne voient pas d’avocat jusqu’au jour du procès. Ils se retrouvent devant un tribunal militaire. Israël est le seul pays au monde qui poursuit automatiquement des enfants devant des tribunaux militaires, lesquels ne présentent pas les garanties en matière de respect des droits fondamentaux. Les enfants sont transférés illégalement et détenus en Israël, en violation de l’article 76 de la 4e Convention de Genève de 1949. Cette pratique, qui dure depuis 50 ans, est considérée comme un crime de guerre en droit international.

Ces actes horribles perpétrés par l’armée israélienne contre des mineurs palestiniens les terrorisent physiquement, les marquant à jamais. Ces horreurs qui se déroulent depuis 50 ans, Mesdames et Messieurs, ne sauraient continuer. Il y va de notre responsabilité collective. Nous devons y mettre un terme dès aujourd’hui. Israël ne peut plus continuer à se croire intouchable alors qu’il viole le droit international, les droits de l’homme et d’autres normes de façon flagrante. Il ne peut rester impuni.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Chers collègues, je tiens à vous remercier au nom de la rapporteure. Je me permets de vous le dire d’emblée: merci pour ce débat animé et passionnant, qui montre que, dans les différents États membres et dans quasiment tous les groupes politiques, l’intention de ce rapport a été bien comprise, qui était non pas de prendre parti dans le conflit israélo-palestinien mais de se pencher sur le destin des mineurs palestiniens. Je suis ravi que nombre d’entre vous aient compris l’intention et l’ait respectée.

Nous sommes tous d’accord, je pense, pour dire que l’avenir des deux pays est entre les mains des prochaines générations, c’est-à-dire de ces enfants qui, un jour, seront adultes, de ces enfants qui grandissent au sein de sociétés traumatisées, de familles traumatisées, de ces enfants qui souffrent parfois, eux-mêmes, de traumatismes multiples. Si le paragraphe 8 du projet de résolution est si important, c’est que la rapporteure y appelle, au nom de cette Assemblée, «les autorités israéliennes et palestiniennes à éduquer les enfants et les jeunes de leurs communautés respectives à des approches non violentes pour mettre fin aux agressions et aux conflits en vue de redonner un nouvel élan au processus de paix».

Je ne peux pas ici répondre à tout le monde mais, Monsieur Gavan, je dois réagir à ce que vous avez dit, parce que s’il est un point clairement expliqué dans l’exposé des motifs par la rapporteure, c’est bien le cas d’Ahed Tamimi. Vous avez dit qu’il y avait eu une détention administrative. Dans les paragraphes 28 à 35 de l’exposé des motifs, Mme Maury Pasquier résume les faits: il n’y a pas eu de détention administrative.

Madame Lavie, vous avez dit que ce rapport ne donnait pas une image globale de la situation. Il est un peu difficile d’accepter de telles critiques alors que la délégation israélienne a refusé toute coopération avec la rapporteure. Mme Maury Pasquier est une personne qui aurait volontiers coopéré avec la délégation israélienne, mais cela n’a malheureusement pas été possible.

Autre point important abordé lors du débat – et j’en reviens au rapport sur «Une justice pénale adaptée aux enfants –, vous savez que nous avons une convention qui prévoit qu’en-dessous de 14 ans, un jeune doit être traité comme un enfant et que la responsabilité pénale ne peut pas être fixée en-dessous de cet âge. Au paragraphe 7 du projet de résolution, il est demandé qu’Israël augmente l’âge de la responsabilité pénale à au moins 14 ans. Je le sais, j’ai moi-même critiqué des États membres de cette Assemblée parce qu’ils ne respectaient pas cet âge pour la responsabilité pénale des enfants. J’espère vraiment que nous parviendrons à une solution.

Ce rapport ne parle pas de l’ensemble de cette communauté traumatisée; il parle exclusivement les mineurs. Il ne s’agissait de revenir sur le conflit israélo-palestinien et sur tous les traumatismes liés à ce conflit dans les deux sociétés respectives. Il s’agit de se pencher sur les droits de ces enfants, sur le respect du droit de l’enfant mineur, y compris dans des situations de stress extrême, d’exception ou d’urgence.

Nombre d’intervenants ont prétendu que les amendements permettraient de rééquilibrer le projet de résolution. Pour ma part, je pense que le texte est suffisamment équilibré pour ne pas avoir besoin d’amendement. C’est comme cela que le voit également la commission. Aussi, Monsieur le Président, avec votre accord, je me permettrai de me prononcer sur chacun des amendements.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je saisis cette occasion pour remercier notre Présidente, Mme Maury Pasquier, ainsi que M. Schennach, qui nous présente un rapport très important. Je souhaite également remercier tous les collègues qui sont restés dans l’hémicycle pour en débattre.

Je m’exprime en tant que vice-présidente de la commission, dont le mandat couvre également la protection des droits de l’enfant. Ce mandat ne requiert pas de prendre position sur le conflit israélo-palestinien. Je me félicite donc de la décision prise par la rapporteure de ne pas prendre de parti, sinon celui des enfants. Il y a quatre ans, le président de notre commission avait rédigé un rapport sur «Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants». Les principales recommandations de ce rapport s’adressaient aux États membres du Conseil de l’Europe, mais elles s’appliquent tout autant aux observateurs qu’à nos partenaires pour la démocratie. Elles avaient été adoptées avec seulement deux voix contre. Elles doivent donc être prises en considération; elles s’appliquent à tous les enfants en contact avec le système judiciaire.

Je souhaite souligner le message central du rapport que nous examinons aujourd’hui: rien ne saurait justifier les mauvais traitements infligés aux enfants, quel que soit le système, quel que soit le pays, quel que soit le conflit. Ce message n’est pas biaisé. C’est un message sur les droits de l’homme, sur les droits de l’enfant. C’est ce message que nous devrions transmettre ce soir.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés. Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 2.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Selon M. Schennach le rapport se concentrerait sur les seuls enfants, sans aborder la solution au conflit. Or le premier paragraphe du projet de résolution évoque une solution à deux États, sur la base des frontières de 1967. Ma proposition vise à remplacer les mots: «sur la base des frontières de 1967» par les mots: «qui pourrait reposer sur les frontières de 1967, si les parties s’accordaient sur les termes de cette solution». Une solution ne saurait être imposée. Si l’on veut une véritable solution à ce conflit, il faut que les parties s’accordent. Je crois donc que le libellé que je propose devrait être accepté.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – L’expression visée, que tout le monde connaît, provient d’une résolution que nous avons tous adoptée en 2018. Il est donc impossible de la modifier.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

Si cet amendement est approuvé, l’amendement 1 n’a plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 3 vise à supprimer la deuxième phrase du paragraphe 4, parce que les mots employés sont très durs. Or nous souhaitions un texte équilibré. On semble insinuer qu’Israël n’est pas un État démocratique, ce qui est faux. Certes, ce n’est pas une démocratie parfaite, mais sous-entendre que cet État n’est pas démocratique ne me semble pas juste.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Il s’agit d’un fait. Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien sape l’image de cet État. Beaucoup de collègues ont relaté aujourd’hui ce qu’ils ont pu voir, lire ou entendre. Je ne comprends donc pas pourquoi vous voulez supprimer cette phrase, laquelle reflète un fait.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je propose de remplacer les mots: «système de justice israélien» par les mots: «système de justice militaire pour les mineurs». En effet, les termes «système de justice israélien» sont généraux et ne s’appliquent pas au territoire palestinien. M. le rapporteur suppléant et nombre de collègues l’ont dit: les mineurs palestiniens sont traduits en justice dans le cadre du système judiciaire militaire. Nous devrions accepter cet amendement technique, car il n’y a pas lieu de se montrer trop général en parlant du «système de justice israélien».

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Je suis désolé, mais il ne s’agit pas d’un amendement de nature technique. Il s’agit vraiment d’un amendement de fond. Vous oubliez Jérusalem Est, qui a le même système judiciaire. Il s’agit d’un système de justice civile. Du reste, les mots «système judiciaire israélien» figurent dans le titre du rapport.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Ainsi que je l’ai indiqué, et comme d’autres collègues l’ont également observé, nous ne nions pas l’existence d’un problème mais nous constatons que les taux élevés d’implication de mineurs palestiniens dans des activités criminelles qui les confrontent au système militaire de justice des mineurs sont le symptôme d’un problème plus vaste. L’amendement le précise. On ne peut pas ignorer qu’il existe un problème plus vaste. Nous devons protéger ces enfants, mais nous ne pouvons pas non plus faire abstraction d’un autre problème plus vaste que nous constatons en Palestine.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – C’est une affirmation politique. Or dans une résolution, il nous énoncer des faits. Mme Maury Pasquier s’est constamment fondée sur des faits pour élaborer son rapport. Tel n’est pas le cas de cet amendement.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement vise à indiquer que le traitement des mineurs palestiniens par Israël doit être évalué conformément aux normes applicables du droit international humanitaire. Il est problématique que des politiques décident de faire également office de juges et de procureurs. Il existe des textes, des instruments, des conventions internationales: ce sont eux qui doivent nous guider. Nous ne pouvons pas prononcer nous-mêmes de verdict.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Selon les auteurs de cet amendement, «il existe des cas de mauvais traitement». L’adopter reviendrait à ignorer tout ce que disent l’Unicef, la Croix-Rouge et d’autres organisations non gouvernementales, qui affirment que le mauvais traitement des mineurs palestiniens est généralisé, systématique et institutionnalisé. Ce ne sont pas seulement quelques cas. Je suis désolé, mais nous ne pouvons pas l’accepter.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5. S’il est adopté, les amendements 8 et 9 n’ont plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il était dit précédemment «les cas» et non «quelques cas». Soyez précis, Monsieur Schennach, avec vos contre-arguments. Dans un souci d’équilibre, je propose néanmoins de retirer l’amendement 5, qui est assez complexe.

LE PRÉSIDENT* – M. Ghiletchi demande le retrait de l’amendement 5 . Il n’est pas soutenu par un autre membre de l’Assemblée ; il est donc retiré.

Je suis saisi de l’amendement 8.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – J’ai déjà avancé des arguments applicables à cet amendement lors de l’examen d’un amendement comparable. Il serait plus précis et plus juste de parler de «système militaire de justice des mineurs», car cela correspond à la réalité. Il est d’ailleurs paradoxal de parler de «système de justice israélien» dans la mesure où l’on accepte de le voir appliqué dans les territoires palestiniens, tandis que l’on n’accepte pas le système de justice israélien dans les territoires occupés. Par conséquent, rejeter cet amendement irait à l’encontre de la solution à deux États.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – On a refusé le même libellé dans l’amendement 1. Si nous voulons que cette résolution conserve son libellé, je vous demande, mes chers collègues, de rejeter cet amendement. Est-ce que ce serait une excuse? Un système militaire de justice des mineurs serait-il plus dur? Je ne sais pas, mais soyons cohérents avec l’amendement 1.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 9.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il s’agit d’un amendement comparable. Je ne peux que déplorer qu’en raison de considérations politiques, nous refusions d’accepter une réalité. Ces enfants sont traduits en justice dans le cadre du système militaire de justice des mineurs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Je répète mon argument de tout à l’heure. Nous devons nous en tenir au libellé qui correspond à la bonne expression.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 7 ressemble à l’amendement 6. Il dit qu’il existe un problème plus vaste, lié aux médias, à l’éducation, aux mesures d’incitation financière. D’ailleurs, Monsieur Schennach, s’agissant des incitations financières, nous retrouvons déjà cette expression dans la résolution de 2018. Si nous voulons un rapport équilibré, il est juste d’accepter cet amendement.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – C’est une position politique qui est exprimée ici et non une position factuelle. La commission y est opposée.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 10.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Dernier amendement et dernier argument. Ma proposition est conforme au paragraphe 5 du projet de résolution. Monsieur Schennach, lisez le paragraphe 5, il est très clair. Il y est fait état des «mauvais traitements des mineurs palestiniens dans le système de détention militaire israélien». C’est de cela que l’on parle. C’est conforme au texte de la résolution. Vous insistez pour qu’on emploie une expression différente dans un autre paragraphe. Ce n’est pas cohérent. Soyons justes et acceptons les faits.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Monsieur Ghiletchi, en tant qu’ancien président de la commission, vous devriez savoir qu’on ne change pas le titre d’une proposition de résolution à la dernière minute. Cette proposition de résolution a toujours porté ce titre, ce qui a toujours convenu à l’ensemble de la commission ainsi qu’au Bureau.

Mme OHLSSON (Suède), vice-présidente de la commission* – La commission est contre.

L’amendement 10 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14583.

Le projet de résolution est adopté (47 voix pour, 11 voix contre et 4 abstentions).

7. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 10.

SOMMAIRE

1. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège (Suite)

2. Discours de M. Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères de la Tunisie

Questions: M. Vareikis, Lord Anderson, M. Howell, Mme Rodríguez Hernández, MM. Loucaides, Büchel, Cepeda, Huseynov, Mmes Csöbör, Anttila, MM. Schennach, Bildarratz, Mme Christoffersen, M. Sabella, Mme Alqawasmi, MM. Xuclà, Espen Barth Eide

3. Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote (Suite)

Orateurs: MM. Liashko, Bereza, Xuclà, Mme Lundgren, M. Knežević

Réponse de Mme De Sutter, rapporteure

MM. Kox, Ariev

Vote sur une motion de renvoi en commission

4. Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien

Présentation par M. Schennach, suppléant Mme Maury Pasquier, du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14583)

Orateurs: M. Goodwill, Mmes De Bruijn-Wezeman, Sandbæk, M. O’Reilly, Mme Ævarsdóttir, M. Ghiletchi, Lord Touhig, MM. Halicki, Howell, Sabella, Stier, Baroness Massey, MM. Grin, Coaker, Shehu, Madison, Mme Lavie

5. Élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège (Résultats des scrutins)

6. Le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien (Suite)

Orateurs: Mme Creasy, MM. Bildarratz, Gavan, Mme Smith, MM. Türkeş, Whitfield, Mme Alqawasmi, MM. Heer, Koç, Sir Edward Leigh, Mme Çelik, MM. Sheppard, Don Davies, Loucaides, Mme Brynjólfsdóttir, M. Gouttefarde, Mmes Kavvadia, Violeta Tomić, Christodoulopoulou, M. Zayadin

Réponses de M. le rapporteur suppléant et de Mme Ohlsson, vice-présidente de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution

7. Prochaine séance publique

Appendix I / AnnexeI

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

AMTSBERG, Luise [Ms]

ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms]

ANDERSON, Donald [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

APOSTOL, Ion [Mr] (GHIMPU, Mihai [Mr])

ARIEV, Volodymyr [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

BADIA, José [M.]

BAKOYANNIS, Theodora [Ms]

BALFE, Richard [Lord] (GILLAN, Cheryl [Dame])

BARNETT, Doris [Ms]

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYR, Petra [Ms] (BURES, Doris [Ms])

BECHT, Olivier [M.]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BOGDANOV, Krasimir [Mr]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BOSCHI, Maria Elena [Ms]

BRENNER, Koloman [Mr] (GYÖNGYÖSI, Márton [Mr])

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BUCCARELLA, Maurizio [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSHKA, Klotilda [Ms]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

ÇELİK, Sena Nur [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

COAKER, Vernon [Mr] (MURRAY, Ian [Mr])

CREASY, Stella [Ms] (SHARMA, Virendra [Mr])

CSÖBÖR, Katalin [Mme]

DALLOZ, Marie-Christine [Mme]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ESSL, Franz Leonhard [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FASSINO, Piero [Mr] (FLORIS, Emilio [Mr])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (PASHAYEVA, Ganira [Ms])

FIALA, Doris [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (OBRADOVIĆ, Marija [Ms])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GATTI, Marco [M.]

GAVAN, Paul [Mr]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GOLUB, Vladyslav [Mr] (YEMETS, Leonid [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOODWILL, Robert [Mr] (DONALDSON, Jeffrey [Sir])

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRECH, Etienne [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])

GRIN, Jean-Pierre [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GURMAI, Zita [Mme]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HALICKI, Andrzej [Mr]

HARDT, Jürgen [Mr] (MOTSCHMANN, Elisabeth [Ms])

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HERKEL, Andres [Mr] (TERIK, Tiit [Mr])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JABLIANOV, Valeri [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JUHÁSZ, Hajnalka [Ms] (VEJKEY, Imre [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (HAIDER, Roman [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRILOV, Danail [Mr] (GROZDANOVA, Dzhema [Ms])

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KNEŽEVIĆ, Milan [Mr]

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KUHLE, Konstantin [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LANGBALLE, Christian [Mr] (HENRIKSEN, Martin [Mr])

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

LEYTE, Carmen [Ms]

LIASHKO, Oleh [Mr]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOUCAIDES, George [Mr]

LOVOCHKINA, Yuliya [Ms]

LUPU, Marian [Mr]

MADISON, Jaak [Mr] (ZZ...)

MAKHMUDYAN, Rustam [Mr] (FARMANYAN, Samvel [Mr])

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MIKKO, Marianne [Ms]

MILADINOVIĆ, Stefana [Ms] (OBRADOVIĆ, Žarko [Mr])

MONTILLA, José [Mr] (GUTIÉRREZ, Antonio [Mr])

MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

NACSA, Lőrinc [Mr] (CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr])

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms]

NÉMETH, Zsolt [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NICK, Andreas [Mr]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

ÓLASON, Bergþór [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O’REILLY, Joseph [Mr]

ORLANDO, Andrea [Mr]

PACKALÉN, Tom [Mr]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (SEKULIĆ, Predrag [Mr])

PISCO, Paulo [M.]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

RAMPI, Roberto [Mr]

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

ŞAHİN, Ali [Mr]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (KRARUP, Marie [Ms])

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHMIDT, Frithjof [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SHALSI, Eduard [Mr]

SHEHU, Tritan [Mr]

SHEPPARD, Tommy [Mr] (BARDELL, Hannah [Ms])

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SIRAKAYA, Zafer [Mr]

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SORRE, Bertrand [M.]

SOTNYK, Olena [Ms]

STELLINI, David [Mr]

STIENEN, Petra [Ms]

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TOMIĆ, Violeta [Ms] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TOUHIG, Don [Lord] (JONES, Susan Elan [Ms])

TRISSE, Nicole [Mme]

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

TZAVARAS, Konstantinos [M.]

VALENTA, Jiři [Mr] (STANĚK, Pavel [Mr])

VALLINI, André [M.] (LAMBERT, Jérôme [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VESCOVI, Manuel [Mr]

WASERMAN, Sylvain [M.]

WHITFIELD, Martin [Mr] (McCARTHY, Kerry [Ms])

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WILSON, Phil [Mr]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr] (D’AMBROSIO, Vanessa [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (MALLIA, Emanuel [Mr])

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BOCCONE-PAGES, Brigitte [Mme]

CORREIA, Telmo [M.]

DOUBLE, Steve [Mr]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr]

EROTOKRITOU, Christiana [Ms]

GILLAN, Cheryl [Dame]

HAMZAYEV, Nagif [Mr]

KATSIKIS, Konstantinos [Mr]

LUNDGREN, Kerstin [Ms]

MURRAY, Ian [Mr]

NOVYNSKYI, Vadym [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr]

TILKI, Attila [Mr]

VICKERS, Martin [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

HARDER, Rachael [Ms]

LAVIE, Aliza [Ms]

SIMMS, Scott [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

AMRAOUI, Allal [M.]

BOUANOU, Abdellah [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

SABELLA, Bernard [Mr]

ZAYADIN, Kais [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan

Appendix II /Annexe II

Representatives or Substitutes who took part in the ballot for the election of a Judge to the European Court of Human Rights in respect of Albania and Norway / Représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Albanie et de la Norvège

ÅBERG, Boriana [Ms]

BADIA, José [M.]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BLANCHART, Philippe [M.] /SUTTER, Petra De [Ms]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

EVANS, Nigel [Mr]

FIALA, Doris [Mme]

GAILLOT, Albane [Mme] / RAUCH, Isabelle [Mme]

GHIMPU, Mihai [Mr] /APOSTOL, Ion [Mr]

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GURMAI, Zita [Mme]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms] / TOUHIG, Don [Lord]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LAIZĀNE, Inese [Ms] / KLEINBERGA, Nellija [Ms]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUCAIDES, George [Mr]

MADSEN, Rasmus Vestergaard [Mr]

MATARÍ, Juan José [M.] / XUCLÀ, Jordi [Mr]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme] / TORNARE, Manuel [M.]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MIKKO, Marianne [Ms]

MULDER, Anne [Mr] / BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms]

MURRAY, Ian [Mr] /COAKER, Vernon [Mr]

PELKONEN, Jaana Maarit [Ms] / WALLINHEIMO, Sinuhe [Mr]

PISCO, Paulo [M.]

SHALSI, Eduard [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr] / CREASY, Stella [Ms]

SMITH, Angela [Ms]

STANĚK, Pavel [Mr] / VALENTA, Jiři [Mr]

STIER, Davor Ivo [Mr]

SVENSSON, Michael [Mr]

UCA, Feleknas [Ms]

WOLD, Morten [Mr] / SOLEIM, Vetle Wang [Mr]

YEMETS, Leonid [Mr] / GOLUB, Vladyslav [Mr]