FR18CR32

AS (2018) CR 32
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-deuxième séance

Mercredi 10 octobre 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10h 5 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Rappel au Règlement ! Madame la Présidente, vous vous souvenez qu’hier deux rappels au Règlement ont été faits concernant le comportement de deux membres du Secrétariat du Conseil de l’Europe. Vous nous avez répondu à juste titre que c’était au Secrétaire Général de répondre et qu’il viendrait faire une déclaration en temps voulu. Toutefois, il n’est pas satisfaisant qu’il se contente d’inclure cette déclaration à son intervention prévue demain, car le temps prévu pour celle-ci est limité. Aussi je souhaite que vous nous indiquiez à quel moment il viendra faire cette déclaration dans l’hémicycle à propos de ses collaborateurs.

LA PRÉSIDENTE – J’ai reçu hier soir une lettre du Secrétaire Général ; M. Jagland, qui répond à la question soulevée hier. Selon la procédure usuelle, je ferai suivre cette lettre aux délégations nationales par les canaux habituels, sachant que, pour le reste, comme vous l’avez dit, le Secrétaire Général viendra demain répondre aux questions des membres de l’Assemblée.

1. Réglementer le financement étranger de l’islam en Europe afin de prévenir
la radicalisation et l’islamophobie
Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe
(
Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint sur deux rapports.

Nous entendrons d’abord la présentation par Mme Fiala du rapport de la commission des questions politiques intitulé « Réglementer le financement étranger de l’islam en Europe afin de prévenir la radicalisation et l’islamophobie » (Doc. 14617).

Ensuite, Mme Gafarova présentera le rapport de la commission des migrations sur la « Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe » (Doc. 14625).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 12 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 40 afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle que les rapporteures disposent d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’elles peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure de la commission des questions politiques et de la démocratie* – C’est un plaisir pour moi de me présenter devant vous. Je vous présente d’ores et déjà mes excuses, car j’ai choisi de m’exprimer dans ma langue maternelle, l’allemand, ce qui me permettra d’être plus précise. Je souhaite en effet éviter tout malentendu au sujet de ce rapport si important.

Le nombre de musulmans augmente en Europe et la peur à leur égard grandit. En Suisse, le nombre de musulmans a décuplé en 10 ans et ils désirent à juste titre s’intégrer. C’est dans ce contexte qu’il faut placer la lutte contre l’islamophobie. La compréhension mutuelle, le respect et la confiance sont nécessaires dans des pays qui reposent sur la liberté de religion, qui encouragent la paix et la lutte contre la radicalisation.

Les recherches montrent l’ampleur du défi à relever. Ainsi, en Suisse, nous sommes habitués au modèle dans lequel l’État prélève une taxe sur les membres de l’Église catholique. Or l’islam ne peut pas être abordé de cette manière, car il est structuré différemment. J’ai étudié d’autres modèles, comme ceux de l’Autriche et du Royaume-Uni, qui sont très appréciés par certains, et j’ai organisé des auditions dans ces pays. J’ai également élaboré une liste de questions que j’ai adressées à l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, le Royaume-Uni, la France, la Suisse et la Turquie, qui m’ont répondu de manière très complète, même si je n’ai pas pu tenir compte des réponses de la Bulgarie, qui me sont parvenues tardivement. Permettez-moi enfin de remercier pour leur travail sérieux et réfléchi les experts du secrétariat qui m’ont assistée.

Le 10 septembre, lors d’une réunion à Paris, on a montré que les débats en ligne sur l’islam en France étaient influencés par des documents diffusés par les islamistes et on a exprimé le souhait que les musulmans s’impliquent davantage, de manière à faire prévaloir non pas la peur mais la raison. J’ai également auditionné le président de la Fondation de l’islam de France.

Nous nous sommes efforcés d’analyser le degré de transparence du financement étranger de l’islam en Europe et d’apprécier la manière dont ce financement influence la perception de la radicalisation. Nous cherchons comment éviter les amalgames et contrer l’islamophobie. Il nous faut également tenir compte des différents modèles de rapport entre l’État et la religion selon les États membres. En outre, nous constatons que certains États essaient d’influencer la situation dans un autre pays en utilisant la religion.

Il y a huit ans déjà, un rapport de notre Assemblée évoquait le problème. Différentes mesures ont été prises par les États membres pour tenter de réguler le financement étranger de l’islam. Tout cela m’a permis de formuler des recommandations en vue d’éviter une expansion politique depuis l’étranger et de contrer les tentatives de constitution de sociétés parallèles.

Nous devons respecter les principes du Conseil de l’Europe en toute chose, notamment sur cette question. Une « interdiction générale de tout financement étranger […] est vraisemblablement déraisonnable et ″non nécessaire dans une société démocratique″ », selon la Commission de Venise. Voilà pourquoi je pense qu’il faut se concentrer sur la transparence. Les mesures prises par le Royaume-Uni fournissent un bon exemple de cette démarche, qui devrait nous inspirer. D’éventuelles mesures plus drastiques doivent néanmoins respecter l’égalité entre toutes les religions : il serait inacceptable que la communauté musulmane fasse l’objet d’une suspicion généralisée. La question du financement étranger de l’islam ne doit pas être instrumentalisée.

La formation des imams dans les pays dans lesquelles ils vivent est donc particulièrement importante. Ce sujet est débattu dans de nombreux pays et fait parfois l’objet de certaines controverses.

Deux études européennes sur l’intégration des communautés musulmanes sont mentionnées au paragraphe 10 du rapport. Soyons conscients des conclusions de ces travaux. Il faut agir pour empêcher l’islamophobie.

Chers collègues, je vous remercie d’avance de votre franchise et je me réjouis de la possibilité qui nous est offerte de débattre en séance plénière, surtout sur ces sujets.

LA PRÉSIDENTE *– Madame la rapporteure, il vous restera 5 minutes pour répondre aux orateurs.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – La radicalisation des migrants et des communautés de diaspora en Europe est au cœur de l’attention des médias et des responsables politiques du monde entier depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

Les attentats terroristes survenus plus récemment en Europe ont suscité un débat très vif sur l’infiltration par les terroristes des derniers flux d’arrivée de réfugiés et de migrants. Il se trouve que la majorité des attaques terroristes sont le fait de membres de la diaspora, et non de réfugiés. Il est donc très important que les responsables politiques n’établissent pas de lien entre la population de réfugiés et la menace extrémiste.

Il faut tout faire pour prévenir le plus tôt possible la radicalisation des migrants et des communautés de la diaspora.

Dans mon rapport, j’ai essayé de me concentrer sur les facteurs qui influencent la radicalisation des migrants et sur les stratégies européennes permettant de la prévenir. J’aimerais insister ici sur certaines conclusions qui me paraissent importantes pour bien comprendre le processus de radicalisation.

Contrairement à ce que l’on pense souvent – à savoir que la majorité des personnes radicalisées sont des fanatiques religieux –, plusieurs enquêtes européennes montrent que bon nombre des intéressés n’ont jamais ouvert le Coran et ne fréquentent pas les mosquées. La plupart des attentats semblent avoir été orchestrés et perpétrés par des individus inspirés par Daech. L’une des principales raisons pour lesquelles les immigrés, surtout de deuxième et de troisième génération, se radicalisent est une crise d’identité. Ces jeunes n’ont adopté ni le mode de vie laïque occidental ni l’identité musulmane de leurs parents. Ils cherchent à redécouvrir leurs racines religieuses et peuvent être influencés par les djihadistes salafistes qui, par leur idéologie extrémiste, leur donnent l’impression de trouver une nouvelle identité.

Les jeunes immigrés sont particulièrement vulnérables à la radicalisation par rapport à d’autres groupes d’âge. Le profil type est le suivant : un jeune migrant de deuxième génération, âgé de 16 à 24 ans, ayant des antécédents d’échec scolaire et un casier judiciaire, sans expérience professionnelle. Les jeunes migrants non accompagnés sont eux aussi davantage exposés au risque de radicalisation dès lors qu’ils sont séparés de leurs parents.

Un autre motif potentiel de radicalisation est l’instabilité économique et sociale. Beaucoup de migrants vivent dans des zones ou communautés isolées marquées par la pauvreté, l’exclusion sociale et l’insatisfaction. Ils cherchent donc des moyens – souvent illégaux – de gagner leur vie.

La discrimination est aussi un facteur important. Les migrants sont régulièrement confrontés aux inégalités en matière de recherche d’emploi ou d’obtention d’un logement, ou encore aux contrôles au faciès pratiqués dans certaines zones urbaines.

Tous ces facteurs m’amènent à conclure que, pour prévenir la radicalisation, les gouvernements européens devraient repenser leur politique à l’égard des migrants en encourageant l’inclusion sociale et la participation des migrants à la vie de leur société.

Je suis persuadée que l’un des éléments clés est l’éducation. L’enseignement tant primaire que supérieur a un rôle essentiel à jouer pour prévenir la radicalisation, rectifier les idées fausses et promouvoir la compréhension mutuelle. La prévention de la radicalisation devrait donc faire partie intégrante de la formation professionnelle de tous les enseignants, qui devraient être formés à accepter les différences et à prendre conscience des différences culturelles et religieuses. Il conviendrait aussi d’enseigner quotidiennement la démocratie et les droits de l’homme aux enfants, qui doivent apprendre à devenir des citoyens responsables et être encouragés à participer activement à la vie sociale.

Aujourd’hui, la radicalisation passe surtout par internet et par les réseaux sociaux. Les gouvernements européens pourraient donc encourager les initiatives d’associations locales promouvant l’autorégulation d’internet et la lutte contre la radicalisation en ligne.

Les communautés religieuses ont un rôle essentiel à jouer pour traiter le problème de la radicalisation des populations vulnérables. Les jeunes radicalisés connaissent mal l’islam ; leurs recruteurs leur en présentent une interprétation déformée et, faute d’être confrontés à d’autres points de vue, les jeunes ont tendance à les croire. Les médias et les dirigeants de la communauté musulmane pourraient diffuser une image plus fidèle de l’islam.

Certains pays européens ont engagé des projets spécifiques encourageant la participation de représentants religieux aux actions de prévention de la radicalisation. En France, la préfecture du Bas-Rhin, en coopération avec la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, a conçu une formation à l’intention des représentants des associations religieuses musulmanes afin de leur apprendre à prévenir la radicalisation des jeunes.

Il convient d’envisager une réorganisation plus efficace au plan national et européen. Différentes instances religieuses pourraient se réunir dans ce cadre et convenir d’actions conjointes pour promouvoir une coexistence pacifique.

Le meilleur moyen de prévenir la radicalisation est d'explorer le potentiel des communautés de diaspora à travailler auprès de ceux qui défendent des idées radicales et à s'opposer à ces points de vue. La société et les autorités ne peuvent faire qu’une partie du travail. Les associations de la diaspora peuvent contribuer à dissiper les malentendus et la méfiance au niveau local, et à encourager les relations personnelles et le dialogue entre personnes aux origines différentes.

Je voudrais également insister sur le rôle des femmes dans la prévention de la radicalisation. En tant que mères, les femmes peuvent être les premières à détecter des signes de radicalisation et leur voix, en tant que contre-discours aux récits qui conduisent à la radicalisation, pourrait être décisive. Leur rôle ne devrait toutefois pas se limiter à l’environnement familial : elles devraient être encouragées à participer à l’élaboration des politiques, aux activités éducatives et aux actions menées sur le plan local en matière de prévention de la radicalisation.

De nombreux pays européens ont pris un certain nombre de mesures aux niveaux local, régional et national, pour prévenir la radicalisation des migrants et des membres de la diaspora. Vous trouverez dans le rapport certains exemples positifs, notamment la Norvège et l’Italie, où je me suis rendue pour conduire des missions d’établissement des faits.

Le projet de recommandation suggère différentes mesures touchant la planification des politiques, les stratégies de prévention par l’éducation et l’inclusion sociale, la prévention de la radicalisation en ligne et dans les prisons.

Cependant, l’une de mes principales conclusions est que la lutte contre la radicalisation ne doit pas être confondue avec l’anti-islamisme. Il importe de contrer la rhétorique anti-islamique qui renforce les messages anti-occidentaux de Daech adressés aux migrants et aux jeunes en Europe. Les politiques de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme devraient bien davantage se focaliser sur la manière de faire en sorte que les migrants se sentent en sécurité dans les pays d’accueil, qu’ils soient inclus dans les sociétés sans pour autant rejeter leur propre identité culturelle.

La lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent exige une collaboration étroite et coordonnée entre toute une série de parties prenantes – gouvernements, municipalités, forces de l’ordre, individus, société civile – à tous les échelons, locaux, régionaux ou nationaux, et toujours en collaboration avec la société civile. Tous ces efforts devraient viser la protection des droits de l’homme et le rejet de la violence en tant que moyen d’expression. À mes yeux, le rôle des pouvoirs locaux et des municipalités est essentiel pour prévenir la radicalisation et l’extrémisme. Il serait souhaitable que davantage de personnes issues de la communauté des migrants participent aux activités de la police locale et des municipalités. La coopération entre les municipalités, la police et la société civile, est aussi très importante. Je pense que le dialogue interconfessionnel devrait être encouragé dans tous les pays européens comme outil pour combattre l’extrémisme et la radicalisation.

LA PRÉSIDENTE – Madame la rapporteure, il vous restera 5 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe)* – Au nom l’ADLE, je voudrais féliciter Mmes Fiala et Gafarova pour leurs rapports d’une extrême pertinence. Je me souviens avoir signé la proposition de résolution de Mme Fiala à l’origine de l’élaboration de ce rapport. À l’époque, j’avais exprimé certaines réserves car je craignais que l’islamophobie ne soit alimentée par la stigmatisation d’un groupe et d’une religion en particulier. C’est précisément l’inverse qui s’est produit. Ce que nous devons faire, c’est comprendre les mécanismes de financement. Les modèles sur lesquels vous vous êtes penchée, Mme Fiala, nous en apprennent beaucoup. Vous avez évoqué à juste titre l’émergence de structures et sociétés parallèles. Ce débat général sur le financement des religions et sur la transparence est nécessaire. Il faut éviter que le financement de tel ou tel groupe religieux depuis l’étranger ne se transforme en financement d’une influence politique puissante, qui pourrait orienter les choses et menacer les valeurs de cohabitation qui prévalent dans certaines sociétés.

Par ailleurs, le rapport de Mme Gafarova souligne des éléments très intéressants à garder à l’esprit, en particulier la radicalisation de certains jeunes issus de l’immigration de deuxième génération. Vous le savez, des attentats terroristes ont été perpétrés par des groupes islamistes à Barcelone le 17 août dernier. Il se trouve que la cellule à l’origine de ces attentats terroristes est née dans une ville située à 40 km de ma ville natale et au cœur de ma circonscription. Nous savons désormais quel était le profil de ces jeunes. C’est exactement celui décrit par Mme Gafarova : des jeunes de 16 à 17 ans, issus de l’immigration de la deuxième génération, déjà très intégrés au sein de la communauté, maîtrisant parfaitement la langue, mais qui traversaient une crise identitaire très aiguë. Cette crise identitaire a donné lieu, en un temps record, et par le biais d’Internet, à une espèce d’accélération du phénomène de radicalisation. Très rapidement, ces jeunes ont constitué une cellule qui ensuite s’est livrée à des attentats terroristes. Les deux rapports qui nous sont soumis sont d’une très grande utilité. Ils alimentent notre réflexion et reçoivent bien sûr le soutien du groupe libéral.

M. GAVAN (Irlande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, je félicite à mon tour les deux auteures des rapports. Un spectre terrible hante une fois encore l’Europe. Il ne s’agit pas de l’islam, mais du fascisme. Nous ne savons que trop bien que le fascisme a dévasté l’Europe il y a 70 ans. Des parallèles très clairs peuvent être établis avec ce dont nous nous sommes témoins aujourd’hui. Les tenants de l’extrême droite ciblent les groupes minoritaires vulnérables et ceux qui se dressent à leurs côtés. Ils comptent parmi leurs cibles principales les musulmans, et leur idéologie dégouline d’islamophobie. L’un de leurs messages de haine le plus souvent propagé est celui du financement étranger des groupes musulmans. Comme auparavant, ils ciblent ces groupes minoritaires religieux, les désignant comme des agents étrangers n’ayant pas leur place sur ce continent.

Au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne, je voudrais toutefois exprimer une préoccupation au sujet du rapport. Comme l’a déjà dit mon collègue, président de groupe, M. Kox, ce rapport devait être intitulé « Réglementation du financement étranger du terrorisme en Europe », car comme le dit le rapport lui-même, toutes les religions doivent être traitées sur un pied d’égalité.

Notre groupe politique n’a pas de difficultés avec l’intention générale et les conclusions du rapport. Je formulerai toutefois une mise en garde : il existe une ambiguïté s’agissant de la loi adoptée en Autriche, l’Islamgesetz. Nous soutenons pleinement la recommandation visant à accroître la transparence du financement étranger et nous soutenons son corollaire : toute exigence en matière de transparence ne doit pas mener à des restrictions de liberté et doit concerner toutes les religions de la même façon.

Je me félicite tout particulièrement de la reconnaissance du fait que la discrimination contre les musulmans reste d’un niveau très élevé et qu’ils constituent un des groupes sociaux les plus marginalisés. Reconnaissons les niveaux de privation économique que l’on trouve si souvent dans les communautés musulmanes et encourageons les États membres à prendre des mesures en faveur d’une inclusion réelle de ces personnes et d’une amélioration de leur niveau de vie, pour faire en sorte qu’il y ait des perspectives d’avenir pour ces groupes. Il convient également de rejeter l’islamophobie et tous les mensonges sur lesquels s’appuient les fascistes.

Ce rapport conclut qu’il revient aux États membres du Conseil de l’Europe de prendre en compte les besoins des citoyens musulmans. Nous savons tous que si le financement étranger peut certes rendre plus aisée la radicalisation, c’est l’islamophobie qui est le terreau de cette radicalisation. Et je pense ici à « l’éléphant au milieu de la salle », à ces décennies d’invasions et d’attaques menées par les puissances occidentales contre des pays du Moyen-Orient, au massacre absurde de deux millions de personnes lors des guerres en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en Libye et au Yémen, qui continue encore, à ces guerres contre le terrorisme soutenues par des États membres. Il n’est pas question ici seulement des combattants contre lesquels il a fallu se battre, mais des innocents qui ont perdu la vie. La majorité de ces victimes étaient de religion musulmane. Cela peut-il avoir un lien avec la prétendue radicalisation des jeunes musulmans ? Qu’on accepte de le reconnaître ou non, il y a un lien direct entre ces guerres contre le terrorisme et les actes atroces perpétrés par les groupes Al-Qaida et Daech.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Je voudrais féliciter Mmes Fiala et Gafarova pour leurs rapports extrêmement intéressants. Je souhaite évoquer les principaux problèmes des communautés musulmanes et des migrants en Europe. Alors que la Turquie a accueilli de nombreux migrants, l’Europe a pris des mesures pour ne pas accueillir des réfugiés. Nous devons trouver des mesures de paix, contrer la xénophobie et l’islamophobie. Dès que ces réfugiés arrivent en Europe, on leur demande de renoncer à leur identité. Je demande aux États membres d’améliorer les conditions d’accueil des migrants et des réfugiés le plus rapidement possible.

Les migrants ne sont pas des radicalisés. La raison fondamentale de la radicalisation dans certains pays est l’attitude négative de ces pays à l’égard des migrants, pour des causes identitaires. La préservation de l’identité de certains musulmans et migrants en Europe ne pose pas de problème. L’attitude de certains pays européens est cependant préoccupante, car ils créent le terreau du radicalisme. Un grand nombre de jeunes souhaitent rejoindre Daech ; la cause de ce phénomène réside en grande partie dans les politiques inappropriées de certains pays européens. Médias et hommes politiques prônent la fermeture des frontières. Fermer les frontières n’aura jamais d’effet positif. Les États membres doivent adopter de véritables mesures d’intégration, pour éviter la radicalisation des migrants. Prendre en compte les idées et besoins des migrants vivant en Europe est une nécessité.

M. MUNYAMA (Pologne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Les attaques terroristes dans les pays membres de Conseil de l'Europe continuent, tout comme les mécanismes révélés par les « Panama Papers ». En dépit de l’adoption, en mai 2015, de règles visant à lutter contre le blanchiment d’argent, des lacunes existent toujours dans le contrôle des ressources financières utilisées par les terroristes (espèces, biens culturels, monnaies virtuelles, cartes prépayées anonymes, etc.). La quatrième directive anti-blanchiment de l’Union européenne a comme objectif de réduire le nombre de ces lacunes. Beaucoup d’États membres doivent maintenant mettre en œuvre les dispositions de ce texte d’ici 2020. Un des aspects importants de l’Union européenne dans l’action contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est de renforcer la coopération opérationnelle entre les unités de renseignement financier des États membres.

Les membres des diasporas peuvent par ailleurs apporter une contribution très positive. Un grand nombre de pays dans le monde ont commencé à mettre en place ou à consolider les relations avec les membres de leur diaspora, contribuant ainsi au renforcement du développement social, économique et culturel de leurs propres sociétés.

Soyons très critiques cependant à l’égard de la radicalisation des diasporas en Europe. L’inclusion et l’éducation permettraient de minimiser le problème.

M. COAKER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Nous savons tous, ici, que la menace de radicalisation de certaines personnes dans nos sociétés existe. On constate une montée concomitante de l’islamophobie. Voilà autant de défis graves et lourds à relever ; ces deux rapports apportent à cet égard une excellente contribution.

Si nous voulons relever le défi de la radicalisation, si nous voulons lutter contre la menace qu’est l’islamophobie, nous devons reconnaître que la vaste majorité des membres de la communauté musulmane veulent la même chose que nous. En tant que musulmans et familles musulmanes, ils veulent eux aussi nous aider à arrêter la radicalisation de la société. Ils ne veulent pas que leurs fils et leurs filles se laissent tenter par cette forme pervertie de l’islam.

La majorité des mosquées ne participent pas à cette radicalisation. La menace vient principalement de sites internet, de contacts en ligne, de jeunes qui regardent des vidéos en streaming. La seule manière de lutter efficacement est de travailler avec ces communautés, avec toutes ces personnes. Au Royaume-Uni, c’est la voie que nous tentons de prendre. Combien de gens connaissent cette religion ? L’éducation en matière de religion, dans nos écoles, est très souvent accessoire. Lutter contre l’islamophobie passe aussi par une meilleure compréhension de cette religion, comme de toutes les autres religions.

Ces rapports ont su trouver l’équilibre entre la nécessité de la lutte contre la radicalisation et le travail avec les communautés musulmanes et les médias pour lutter contre ces activités en ligne.

Il s’agit d’un nombre infime de personnes. Les musulmans, les pays musulmans, et les sociétés musulmanes, à une vaste majorité, souhaitent s’associer à nous dans cette lutte contre la radicalisation. Une meilleure connaissance et une meilleure compréhension de cette religion permettront d’atteindre cet objectif.

Lord RUSSELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – La radicalisation n’est pas un fait nouveau, non plus que les violences et les guerres au nom de la religion. Ce qui est nouveau, ce sont les technologies modernes de communication, les mouvements de masse des populations et les lignes sans cesse plus troubles entre politique et religion. La conjugaison et l’affrontement de ces deux pôles sont souvent problématiques.

Il faut savoir raison garder. Premièrement, au Royaume-Uni, les musulmans représentent 3 millions de personnes, soit 5 % de la population. Ils sont les bienvenus. Ils ont 1 750 mosquées à leur disposition, et seule une centaine sont qualifiées de salafistes ou wahhabites. Seule une proportion minuscule de celles-ci a posé problème. Voyons les proportions telles qu’elles sont.

Deuxièmement, si un groupe, quel qu’il soit, se sent exclu, écarté ou ignoré, il s’installe très rapidement un dialogue de sourds. Comme cela vient d’être rappelé, il faut travailler avec ces communautés. Combien de familles et de parents chrétiens et musulmans voudraient qu’un membre de leur famille se radicalise ? Presque personne !

Troisièmement, il faut intervenir fermement chaque fois qu’un problème est identifié. Dans le paragraphe 69 du rapport de Mme Fiala, nous lisons que les autorités ont réagi rapidement en Catalogne, ayant identifié deux mosquées financées par des organisations koweïtiennes qui préconisaient le désengagement et la haine envers un pays qui les avait pourtant accueillies.

Quatrièmement, les religions sont en même temps une force de division et une force de paix. Les croyances qui prétendent détenir le monopole de la vérité ne sont pas des religions. Elles font preuve d’arrogance et d’agressivité, manifestent un manque de respect humain. Elles sont dans l’erreur.

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Rappel au Règlement ! Madame la Présidente, vous avez fixé l’heure de clôture des débats et il est manifeste que de nombreux orateurs inscrits ne pourront s’exprimer sur un sujet pourtant extrêmement important. Compte tenu des pressions financières qui s’exercent sur notre Organisation, il conviendrait sans doute de diminuer le nombre de rapports et de nous concentrer sur les questions importantes. Il est inacceptable que des orateurs inscrits ne puissent pas prendre pas la parole.

LA PRÉSIDENTE – C’est noté. Je vous rappelle que l’ordre du jour a été approuvé par l’Assemblée au début de cette partie de session. Nous n’allons donc pas passer davantage de temps sur cette question. Nous voulons que le plus grand nombre possible de membres puissent s’exprimer.

M. STROE (Roumanie)* – Je voudrais remercier nos deux rapporteures, Mmes Gafarova et Fiala, pour leurs travaux importants.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver nos valeurs démocratiques communes. Elles constituent le fondement de notre liberté et de notre prospérité. Elles font de l’Europe une destination attractive pour les réfugiés qui veulent échapper aux conflits et pour les migrants économiques qui fuient la misère et l’absence de perspective.

La tolérance et la liberté d’expression, qui sont deux des piliers fondamentaux des démocraties occidentales, sont mises à l’épreuve à l’occasion de leur confrontation avec le phénomène de radicalisme religieux. Le compromis est difficile avec des visions du monde qui n’autorisent pas la pluralité des choix de vie et l’égalité de traitement entre les citoyens.

Les États membres doivent prendre des mesures pour préserver les valeurs démocratiques et protéger les groupes les plus exposés à la radicalisation. Les rapporteurs ont proposé une série de mesures utiles en ce sens. Il est capital de ne pas cesser le dialogue avec les groupes fragiles qui pourraient devenir des foyers de radicalisation et d’extrémisme.

Je suis heureux de pouvoir présenter un exemple de bonne pratique, celui de la Dobrogea, en Roumanie. Il s’agit d’une région multiethnique et multiculturelle qui abrite une communauté musulmane petite mais dynamique. L’État finance le clergé musulman et les lieux de culte, ce qui permet d’éliminer les financements étrangers. Le Grand mufti de Roumanie est unanimement respecté et s’engage contre la radicalisation.

Je pense que ce genre de dialogue et d’appui nourrit le respect mutuel et la paix sociale. Il constitue un modèle qui pourrait être reproduit avec succès dans d’autres États membres.

M. EFSTATHIOU (Chypre)* – Mme Fiala relève dans son rapport que certains pays sont critiqués car ils utilisent la religion pour exercer une influence dans d’autres États. Il s’agit principalement de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis et du Koweït. Quel est l’intérêt, pour ces pays, de financer des institutions ou des organisations islamiques dans d’autres pays ? L’importance de ces fonds et l’opacité sur la manière dont ils sont attribués sont-elles conformes aux intérêts d’une démocratie européenne ? C’est fort douteux à mon sens. Ce n’est, en tout cas, ni le cas de la Diyanet turque - dont le budget annuel excède 2 milliards d’euros et qui emploie plus de 150 000 fonctionnaires -, ni de l’Institut iranien d’études islamiques avancées du Royaume-Uni. Croyons-nous vraiment que le seul objet de ces institutions soit la réalisation d’études sur la religion, les cultes et les valeurs de l’islam ? Leur taille, à elle seule, l’exclut.

Pensons-nous vraiment partager des valeurs avec l’Arabie Saoudite, non pas parce qu’il s’agit d’un État islamique, mais parce qu’il s’agit d’un État totalitaire, antidémocratique pour sa propre population et celle des pays voisins ?

La réponse à la question soulevée par le rapport est claire : le financement étranger de l’islam en Europe constitue un sujet de préoccupation car il ne semble pas servir des buts compatibles avec les valeurs du Conseil de l’Europe. Au contraire, il mène à la radicalisation et à la dépendance des instituions islamiques vis-à-vis d’États étrangers.

Quel intérêt légitime poursuit l’Arabie Saoudite lorsqu’elle dépense 4 milliards de dollars pour promouvoir le wahhabisme à l’étranger, ainsi que cela est mentionné dans le rapport ? On pourrait s’interroger tout autant à propos des dépenses du Qatar et, dans une moindre mesure, du Koweït.

Chers collègues, nous vivons dans une région qui s’enorgueillit de ses valeurs démocratiques, du respect des droits de l’homme et de l’État de droit. Ces valeurs n’ont rien en commun avec le fanatisme ou les formes radicales d’une religion quelle qu’elle soit. Nous ne pouvons accepter les divisions fondées sur des critères religieux ou raciaux.

Nous devons donc être vigilants et contrôler les financements étrangers et nous interroger en permanence sur leur légitimité et sur les intérêts cachés qu’ils servent. Ce qui est en jeu dans nos États membres régis par les valeurs et principes fondamentaux que j’ai évoqués, c’est une tentative de détourner ces valeurs en exportant la peur, la haine et l’expression d’un islam radical.

Nos sociétés doivent combattre la radicalisation non pas en critiquant la foi musulmane, mais grâce à des politiques d’intégration, de respect des valeurs et de la diversité, en investissant dans le dialogue et la tolérance.

M. CSENGER-ZALÁN (Hongrie)* – Je voudrais commencer par féliciter nos deux rapporteures qui ont réalisé un excellent travail. Ces rapports traitent des plus grands défis actuels : les migrations illégales et leurs conséquences possibles en termes de radicalisation et de terrorisme. Mme Gafarova renvoie aux facteurs qui rendent les migrants vulnérables aux agissements d’organisations extrémistes : problèmes identitaires, liés à l’environnement social, discriminations, mauvaises conditions économiques, marginalisation culturelle, influence exercée parfois par le pays d’origine.

Le rapport souligne que les mesures prises pour prévenir la radicalisation doivent être conçues en lien avec les mesures de sécurité prises pour la population et respectueuses des droits fondamentaux des communautés de réfugiés. Les politiques doivent être équilibrées : elles doivent assurer la sécurité physique et culturelle des réfugiés dans les pays hôtes tout en favorisant leur insertion sociale. Ils ne doivent pas être obligés de renoncer à leur identité culturelle.

Dans l’autre rapport qui nous est soumis, Mme Fiala passe en revue l’ampleur du financement étranger de l’islam et évoque l’absence de transparence et le contrôle du financement de ces organisations qui contribuent à la radicalisation des communautés de migrants. C’est un premier aspect. Second aspect de son rapport, elle indique comment éviter l’évolution de l’islamophobie.

Ces rapports présentent des recommandations concrètes. Quelles politiques de prévention mener ?

La Hongrie a bien compris dès le début, les dangers que représentait la migration de masse. Nous avons non seulement renforcé les gardes aux frontières, mais nous avons aussi pris des mesures pour identifier les véritables réfugiés, les accueillir et organiser leur prise en charge. Nous avons ensuite mis en place un cadre juridique permettant d’assurer la transparence des organisations qui apportent un financement de l’étranger, indépendamment de leur affiliation cultuelle, sans opérer aucune discrimination, et ce afin de réduire l’ampleur de la radicalisation et de lutter contre le terrorisme, comme indiqué dans les recommandations de ce rapport.

M. VALLINI (France) – Madame la Présidente, mes chers collègues, le financement étranger de l’islam en Europe suscite de nombreuses inquiétudes, comme l’ont montré les deux excellents rapports de nos collègues. Ces inquiétudes concernent notamment les lieux de culte qui pourraient favoriser le communautarisme, voire le terrorisme.

Concernant la menace terroriste, à titre personnel, je ne pense pas que les mosquées soient les principaux lieux de radicalisation. Celle-ci se fait davantage sur internet. Les auteurs d’attentats terroristes en France étaient le plus souvent des délinquants de droit commun qui, pour la plupart, n’avaient jamais mis les pieds dans une mosquée.

En revanche, je suis beaucoup plus inquiet de l’impact que peut avoir le financement étranger de l’islam sur l’intégration des musulmans dans nos sociétés européennes.

Tout d’abord, si des États tels que l’Algérie ou le Maroc financent des lieux de culte dans des États européens, c’est qu’ils entendent garder un lien avec ce qu’ils considèrent, à juste titre, comme leur diaspora. En France, ce financement ne pose pas problème, il n’a pas vocation à véhiculer un islam politique, et encore moins intégriste. Il en va un peu différemment de la Turquie, car, sur le plan politique, nous avons pu constater à quel point les dernières élections qui s’y sont déroulées en juin ont constitué une occasion d’instrumentaliser la diaspora turque dans les États européens.

En revanche, lorsque les fonds proviennent du Moyen-Orient, l’objectif est souvent et clairement de promouvoir une vision orthodoxe de l’islam, prônant un retour aux pratiques en cours du temps du prophète Mahomet : c’est le salafisme ou le wahhabisme. Ces courants de pensée qui peuvent conduire certaines personnes à une rupture avec le reste de la société constituent une véritable menace pour le vivre-ensemble au sein de nos sociétés européennes.

Si un financement étranger peut se révéler nécessaire, notamment pour garantir des lieux de culte décents aux musulmans dans des pays comme la France où l’État ne finance pas les cultes, ce financement doit être transparent et doit être interrompu si des prêches radicaux y sont prononcés.

Enfin, je pense que la lutte contre la radicalisation passe par la lutte contre les discriminations, pour favoriser une société plus inclusive à l’égard des musulmans, car nous ne devons pas oublier que la stigmatisation des musulmans peut aussi favoriser leur radicalisation.

M. BÜCHEL (Suisse)* – Il ne fait aucun doute qu’en Europe, l’islam est financé de l’extérieur. Il est bon que nous fassions finalement ce constat par le biais d’un des deux rapports qui nous sont soumis. Cela préoccupe de nombreux citoyens de nos 47 États membres.

Nous devons veiller à ne pas susciter dans nos États membres un sentiment très répandu de méfiance à l’égard des financements étrangers. Il faut également s’attacher à ne pas créer un monstre de bureaucratie ; il s’agit seulement de lutter contre le radicalisme, cela est clairement dit dans le rapport. Il faut lutter contre le financement qui peut mener, de façon directe ou indirecte, au terrorisme. Je ne tiens pas à ce que mon pays connaisse un nationalisme islamique ni un radicalisme de quelque type que ce soit.

Dans un rapport discuté il y a huit ans – je dis bien huit ans ! –, l’Assemblée avait constaté que des États membres étaient confrontés à des organisations islamiques extrêmement actives, financées par des gouvernements étrangers, et avait considéré que ces États membres devaient exiger la transparence de la part des États étrangers qui finançaient ces institutions islamiques. En 2010, nous avions donc déjà prévu la situation actuelle, car il ne s’agissait pas de bouddhistes, de chrétiens, ni d’athées. J’étais satisfait d’entendre hier le ministre des Affaires étrangères de la Tunisie dire clairement qu’il était disposé à accueillir des citoyens tunisiens qui vivent en Europe à l’heure actuelle.

C’est très important pour une bonne coexistence des différentes communautés vivant dans nos pays. Sinon, la méfiance ne fera que croître entre elles. En tant que législateurs, nous avons la possibilité de prendre des mesures. Nous ne pouvons pas nous borner à agir ici, il faut aussi agir dans nos parlements nationaux.

M. KILIÇ (Turquie)* – Je remercie Mmes Fiala et Gafarova pour leur travail. Les remarques que je vais formuler ne les visent en aucun cas, car je sais que ce travail a été réalisé en toute bonne foi.

Mesdames et Messieurs, lorsque l’on parle des financements d’une religion ou d’idées religieuses, de fondamentalisme, en rapprochant cette idée de l’islam, je pense que l’on part du mauvais pied. Combien de personnes dans cet hémicycle, combien de citoyens installés dans les tribunes qui nous écoutent ce matin, ont vraiment étudié l’islam ? Lorsque l’on évoque certains aspects, certaines informations que l’on trouve dans les journaux, lorsque l’on parle de certains comportements radicaux inacceptables, vous êtes-vous posé la question de savoir de qui on parle vraiment ?

Al-Qaida, Daech, sont des organisations terroristes, composées d’assassins.

Moi, je suis musulman. J’essaie de pratiquer ma religion, dans la mesure de mes moyens, mais jamais, jamais, je n’aurai rien de commun avec Daech, Al-Qaida ou toute autre organisation criminelle. Ce n’est pas parce qu’elles prétendent être musulmanes qu’elles font partie de notre communauté ou qu’elles appartiennent à notre foi. Nous prenons nos distances avec elles.

Mais il faut aussi réfléchir à ce qui se passe dans les pays à prédominance musulmane. Car que se passe-t-il ? Qui a le droit de dire qu’en raison de vos convictions ou de votre religion, vous ne pouvez pas vous insérer dans un pays ? Personne ne peut le dire, personne n’a le droit de dire cela !

Je suis né et j’ai grandi en Allemagne, en tant que musulman. J’ai d’excellents amis dans ce pays. Nous discutons tous ensemble ici, dans cet hémicycle. Selon la Commission de Venise, l’accent doit avant tout être mis sur la coordination et, dans ce domaine, l’égalité est une donnée essentielle. Je comprends que certains d’entre vous émettent des réserves, mais l’islamophobie est un problème.

Le problème, c’est la discrimination envers les autres : voilà le sujet que nous devons traiter ici. Certes, un effort est nécessaire, mais établir une distinction entre les croyants – de quelque confession que ce soit – et ceux qui tuent, se livrent à des actes de terrorisme et agissent contre nos valeurs communes, est essentiel de la part d’êtres humains et de personnes de bonne volonté. Il ne s’agit donc pas de discriminer la religion : il faut s’occuper de toute personne prête à terroriser et à tuer et refusant d’accepter les autres en raison de la couleur de leur peau ou de leurs opinions.

Mme Kyriakides, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

M. FOURNIER (France) – Dans notre débat conjoint, Mme Fiala formule plusieurs propositions sur la réglementation du financement de l’islam. Dans de nombreux pays d’Europe occidentale, le culte musulman est d’implantation récente, mais compte aujourd’hui de nombreux fidèles. En France, il ne s’est implanté qu’après la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, mais constitue la deuxième religion du pays, avec près de 6 % de la population, soit environ 3,7 millions de personnes.

La communauté musulmane française reste marquée par ses liens avec les pays d’origine, notamment le Maroc, l’Algérie et la Turquie – c’est pourquoi l’on devrait plutôt utiliser le pluriel et parler de « communautés musulmanes ». Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne l’envoi d’imams détachés, la formation d’imams français, l’habilitation à délivrer les cartes de sacrificateur halal ou encore le financement des mosquées.

Bien souvent, les imams détachés, qui sont des fonctionnaires des États d’origine, ne maîtrisent pas la langue française et ne connaissent pas – ou connaissent mal – le contexte socio-culturel français. C’est pourquoi ils ne peuvent constituer qu’un palliatif, dans l’attente d’imams formés dans le pays dans lequel ils prêchent, sur la base d’une formation unifiée et adaptée au contexte national.

En matière de financement, les Frères musulmans jouent un rôle avéré en Europe. L’origine des financements de leur organisation sur notre continent est opaque et diverse. Ces financements servent à rémunérer des imams, à construire des mosquées ou à organiser des événements et des rencontres. Ils proviennent des pays du Golfe et d’une finance islamique largement présente en Europe depuis au moins une quarantaine d’années.

En France, le culte musulman serait essentiellement financé, comme les autres cultes, par les fidèles eux-mêmes. Les financements étrangers, qu’un rapport du Sénat français avait évalués en 2016 à au moins 12 millions d’euros, proviennent pour l’essentiel du Maroc, de l’Algérie, de la Turquie et de l’Arabie saoudite mais, faute de comptabilisation, il est impossible de connaître les financements étrangers d’origine privée.

C’est pourquoi il est important de faire transiter la totalité des financements provenant de l’étranger par une seule institution dûment habilitée. De même, il convient de faire respecter la logique de la loi de 1905 en imposant aux associations gérant un lieu de culte de se constituer en association cultuelle pour assurer une transparence plus importante de leurs financements. Par ailleurs, les États d’origine devraient faire transiter leurs subventions par cette même institution et permettre un fléchage précis des subventions de chaque État vers les associations qu’ils souhaitent financer.

Un récent rapport propose ainsi de créer une institution chargée d’organiser et de financer le culte musulman en France. Cette piste intéressante convergerait avec les propositions de Mme Fiala.

Mme JONES (Royaume-Uni)* – C’est un grand privilège de pouvoir participer à ce débat. Je voudrais remercier les deux rapporteures pour leur travail. J’estime que notre continent a été fortement enrichi par différentes diasporas, anciennes et nouvelles. Certains d’entre nous ont eu le privilège de vivre dans d’autres pays que le leur, comme c’est mon cas. Pour moi, vivre et travailler à l’étranger a été un choix. En revanche, nombre de personnes viennent en Europe non pas par choix mais parce qu’elles y sont contraintes, par exemple pour fuir la pauvreté. Elles entendent apporter une contribution positive au pays qui les accueille. En tant qu’élus, porteurs de différentes traditions politiques, que pouvons-nous faire pour éviter la radicalisation ? Je ne parle pas des leaders qui détestent nos valeurs fondamentales et cherchent à les détruire à chaque occasion qui se présente.

Les défis sont nombreux ; nous devons tous les relever. À mes opposants de droite ou du centre droit, je dirais que le principal d’entre eux consiste à promouvoir une société multiculturelle. Il nous faut accueillir de nouvelles cultures, de nouvelles mentalités, de nouvelles religions. J’estime qu’il est possible de le faire tout en réaffirmant les traditions judéo-chrétiennes de notre continent.

À l’intention de mes collègues de la gauche et du centre gauche, j’évoquerais un défi différent. J’ai bien conscience qu’il existe plusieurs conceptions du concept de laïcité, mais il faut absolument mettre l’accent sur la liberté et la tolérance. Aujourd’hui, la laïcité se manifeste de la pire façon qui soit. La laïcité fondamentaliste risque d’effrayer nombre de citoyens, notamment ceux appartenant aux diasporas. Aussi devons-nous examiner ces questions, parmi d’autres.

LA PRÉSIDENTE* – Mme Hopkins et Dame Cheryl Gillan, inscrites dans le débat, ne sont pas présentes dans l’hémicycle.

M. O’REILLY (Irlande)* – Au début de ce débat, il convient d’énoncer les principes qui dictent notre travail – ici et dans nos parlements. Dans mon pays, les minorités musulmanes sont fort bien intégrées, et c’est également vrai pour la plupart des communautés musulmanes en Europe. Il est important de le reconnaître d’entrée de jeu. Il convient également de poser que l’islamophobie et le fascisme sont contraires à toutes nos valeurs. Malheureusement, de nombreux extrémismes de droite, qui sont le fait de groupes à orientation fasciste, montent en puissance en Europe. Il est de notre responsabilité de relever ce défi, en tant que démocrates, pour créer, dans nos sociétés, des conditions de vie dans lesquelles chacun peut prospérer.

J’ajoute que ce sont principalement les diasporas qui ont vu naître des terroristes en leur sein et non les communautés musulmanes en tant que telles. L’intégration et l’inclusion des migrants doivent être envisagées, mais il importe aussi que les problèmes soient clairement analysés, comme l’ont fait les rapporteures.

Il convient de contrôler et de suivre les financements – M. Fournier invitait ainsi à les canaliser par des sources uniques. L’observation et le suivi par l’État sont nécessaires. L’intérêt dicte que ces financements soient autorisés dès lors qu’ils ne sont pas problématiques. Par ailleurs, une attitude appropriée doit être préconisée pour les services de police : ces derniers doivent travailler avec les communautés de migrants de manière constructive, tout en observant la situation.

Il faut donc contrôler à la fois le financement et l’intervention de la police, mais il convient également de s’intéresser aux causes de la radicalisation – le chômage en est une. Il faut soutenir davantage les groupes musulmans et leurs leaders, dès lors qu’ils sont modérés, et s’assurer d’une bonne intégration dans nos sociétés. Ces problèmes sont trop importants pour que nous reculions. Nous devons maîtriser la situation, contrôler les financements, tout en prenant des mesures constructives et positives.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Je remercie nos deux rapporteures pour leur travail sur des sujets très importants.

Aujourd’hui, un quart de la population mondiale est musulmane et cette part de la population croît à un rythme élevé. Le prophète Mohamed, fondateur de cette religion, a dit que Dieu est beauté et aime tout ce qui est beau. L’islam est un ensemble de croyances fondées sur le principe de beauté. L’islam est une religion de vérité, de justice et d’humanisme. Il s’oppose donc à toutes les formes de violence, d’oppression et d’hypocrisie. Ainsi, il est erroné de voir l’islam comme une religion susceptible d’engendrer la peur, dans laquelle on puisse trouver quelque forme de négativité que ce soit. On cite souvent la phrase de Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde », en oubliant la suite : « mais l’argent le perdra ». L’argent, ce sont les intérêts matériels ou politiques, les conflits, les provocations visant à la destruction.

Considérons la situation dans le monde moderne et posons-nous la question suivante : pourquoi tous les pays musulmans sont-ils confrontés à des guerres, à des conflits militaires sans fin, aux problèmes des réfugiés, à la misère ? Est-ce un phénomène naturel ou cela procède-t-il d’une intention sous-jacente ? Les débats sur l’islam organisés dans le cadre de forums internationaux et censés défendre cette religion ont en réalité d’autres objectifs moins avouables. La défense de l’islam n’y est que de façade : une politique est à l’œuvre, qui vise à attiser les peurs à l’égard de l’islam. En réalité, les musulmans sont aujourd’hui les plus exposés au radicalisme, aux pressions militaires et au terrorisme. Ce sont eux qui souffrent le plus de ces phénomènes. Derrière tout cela, des responsables politiques, des services de renseignement agissent en coulisse de manière très professionnelle. C’est une véritable toile d’araignée mondiale. Ils créent eux-mêmes des scénarios, en choisissent les acteurs et prennent des mesures contre l’islam quand ils le jugent nécessaire. Ils organisent eux-mêmes les réponses les plus perfectionnées au nom de l’islam.

Il est vrai qu’il faut réglementer le financement de l’islam en Europe et dans le reste du monde. Dans ce domaine, la publicité et la transparence devraient être garanties. Il est également vrai que nous devons combattre toutes les formes de radicalisation. Mais il faut aussi s’efforcer de détruire les mythes générateurs d’islamophobie. En outre, ne soyons pas naïfs : n’oublions pas les scénaristes, les producteurs et les acteurs. En coulisse, certaines personnes tirent les ficelles des marionnettes. Nous n’appréhendons qu’une partie de la vérité. Nous ne pourrons obtenir des résultats qu’après avoir analysé honnêtement les faits.

M. PSYCHOGIOS (Grèce)* – Je tiens à féliciter les deux rapporteures pour la qualité de leur travail.

Dire que le terrorisme est lié aux flux de réfugiés est une affirmation dangereuse et infondée. C’est un stéréotype, un cliché xénophobe qui ne repose sur aucun fait avéré. C’est plutôt une excuse pour justifier le tournant conservateur de l’Union européenne en matière de politique migratoire et de réfugiés. Investir sur le risque du terrorisme, cultiver un sentiment de peur, c’est ce que font certaines forces politiques et certains gouvernements pour masquer leur refus d’appliquer les principes fondamentaux du droit international relatif aux demandeurs d’asile.

Aucun fait ne prouve que les flux de migrants et de réfugiés ont entraîné une augmentation du nombre d’actions terroristes. En effet, la majorité des terroristes impliqués dans les attentats les plus récents étaient des citoyens européens, nés et ayant grandi dans l’Union européenne.

Dans ce contexte – le rapport de Mme Gafarova le dit très bien –, nous devons concevoir des stratégies de lutte en nous attaquant aux causes profondes du terrorisme et de la radicalisation. Ces causes profondes sont d’abord les guerres, les conflits armés, les régimes dictatoriaux et totalitaires, la pauvreté et la faim dans un grand nombre de pays. Une autre cause majeure est le creusement des inégalités sociales au sein de l’Union européenne, lequel rejette un nombre important de personnes dans les marges de nos sociétés, où elles sont privées des droits économiques fondamentaux. Enfin, il est urgent de combattre la montée des partis d’extrême droite et néo-nazis, en Europe comme ailleurs, qui prônent des idées et des politiques racistes, sexistes et xénophobes. Voilà les vraies raisons qui conduisent à la radicalisation et à l’extrémisme.

N’oublions jamais dans cet hémicycle que la loi de la jungle, que certaines forces tentent de favoriser, menace non pas seulement les réfugiés et les migrants, mais aussi les minorités et les groupes vulnérables, qu’il s’agisse des pauvres, des personnes sans domicile fixe ou encore des membres de la communauté lesbienne, gay, bi- et transsexuelle, et, plus largement, toute personne souhaitant lutter pour une société ouverte et démocratique. Par conséquent, notre réponse ne doit pas être d’ériger de nouvelles clôtures, d’être dans le déni ou de recourir à la répression. Elle doit résider dans le respect plein et entier du cadre juridique international, des normes internationales et des valeurs fondamentales de la solidarité et de la justice sociale.

Voilà pourquoi il est plus urgent que jamais de travailler plus efficacement et plus collectivement à la mise en œuvre d’un plan d’intégration complet, qui englobe l’éducation, l’accès aux systèmes de santé, à l’emploi, ainsi qu’aux événements culturels et sportifs. Ce n’est que par une véritable participation à la vie et aux activités de la société que nous combattrons efficacement des phénomènes de nature à conduire toute personne ou tout groupe vers la radicalisation.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je félicite les rapporteures pour leur travail.

Toutes les religions devraient être sur un pied d’égalité. L’islam est un phénomène qui appartient à l’Europe et les communautés musulmanes ne devraient pas être regardées avec suspicion. Comme le soulignait M. Huseynov, il faut dire clairement qu’aucun passage du Coran ne justifie le terrorisme et l’usage de la force.

S’agissant des financements étrangers, il faut savoir qu’il existe un mode de financement agressif. Il est question ici de la transparence pour le financement des Églises. J’entends déjà les protestations de l’Église catholique.

Quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut faire preuve de bon sens dans nos débats afin d’éviter un climat de suspicion générale à l’égard de l’islam. Je dois toutefois concéder que, lorsque des imams viennent chez nous alors qu’ils ne comprennent absolument pas les principes démocratiques d’une société moderne et prêchent des idées contraires à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à d’autres valeurs qui nous tiennent à cœur, cela pose un énorme problème. Ainsi, dans les Balkans occidentaux, de très nombreuses mosquées sont construites par des pays du Proche-Orient. Nous devons interdire le financement de ces imams par d’autres États.

Comme le souligne le rapport, il est essentiel de mettre en place des partenariats afin d’éviter que des sociétés parallèles empoisonnent nos pays. Ainsi, en Allemagne, les imams reçoivent une formation afin de comprendre la société allemande. Cela dit, le principal risque de radicalisation provient peut-être plus d’internet que des mosquées.

Au Moyen Âge, l’Église catholique a, elle aussi, traversé une époque extrêmement sombre. L’islam n’a pas encore connu son siècle des Lumières.

Compte tenu de ces différents éléments, je donnerai mon appui à ce rapport.

M. TORNARE (Suisse) – Je souhaite féliciter à mon tour les deux rapporteures.

Je mettrai l’accent sur quatre points.

Premièrement, le rapport de Mme Fiala montre que nous ne disposons pas de données statistiques globales et agrégées concernant le financement de l’islam. C’est bien le problème. Toutefois, si l’on voulait vraiment savoir d’où vient l’argent, on pourrait le faire. J’ai approuvé des mesures similaires visant à améliorer la transparence dans mon pays, afin d’identifier des flux d’évasion fiscale. De même, nous pouvons interdire que des États financent des mosquées dans d’autres pays, ce qui est inadmissible, comme lorsque, récemment, la Turquie a financé une grande mosquée à Sarajevo. En outre, l’absence de données statistiques conforte les rumeurs.

Deuxièmement, les effets de l’instrumentalisation de la religion par les États sont bien visibles. André Malraux, le grand écrivain et ministre français, affirmait : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » Malheureusement, nous y sommes – même si Dieu a bon dos. Ce n’est pas seulement l’islam qui utilise la religion à des fins politiques : les évangélistes américains font de même, notamment en Amérique du Sud, les catholiques en Pologne, mais aussi les orthodoxes – M. Poutine lui-même, qui professait l’athéisme pendant toute sa jeunesse, est devenu une grenouille de bénitier. Cette instrumentalisation par les États de la religion est inadmissible, d’où qu’elle vienne – des pays du Maghreb, des Émirats arabes unis ou encore de la Turquie – et il faut la combattre.

Troisièmement, l’une des rapporteures a affirmé que la lutte contre la radicalisation passait par l’éducation. C’est vrai, mais la plupart des islamistes radicaux en Europe sont des gens extrêmement cultivés – je puis en témoigner car il y en a à Genève. Comme je l’ai fait lorsque j’étais proviseur d’un collège, il faut obliger les enseignants dans toute l’Europe à enseigner le fait religieux plutôt que la religion. En effet, si la religion relève de la sphère privée, l’enseignement du fait religieux doit être assuré par l’école publique.

Quatrièmement, il nous faut tenir compte du fait que les discriminations dont sont victimes les personnes qui viennent de pays musulmans sont porteuses de dérives radicales. Les imams qui sont des petits soldats, des fonctionnaires payés par certains pays, exercent une influence extrêmement délétère.

Enfin, j’ai entendu beaucoup de représentants de pays musulmans qui affirmaient que l’Europe devait faire un effort. Certes, mais les pays musulmans doivent eux-mêmes faire un effort pour défendre les droits de l'homme. Ainsi, si les Turcs acceptaient mieux les juifs, les chrétiens arméniens et les orthodoxes dans leur propre pays, je les écouterais avec davantage de considération.

Pour conclure, je souhaite que la solution vienne du renforcement d’États laïques et républicains en Europe, qui protègent toutes les religions sans exception, et non de religions d’État.

M. GONÇALVES (Portugal) – Les rapports sur la radicalisation des migrants qui sont aujourd’hui en discussion abordent une question devenue essentielle pour nos sociétés à la suite des attentats terroristes. Les migrations sont à l’ordre du jour du débat politique partout en Europe. Les migrants sont souvent perçus négativement et sont instrumentalisés par des discours populistes et xénophobes. La question migratoire en Europe appelle une réflexion profonde comme celle que nous menons dans cet hémicycle. Ces rapports nous permettent de comprendre la vulnérabilité des migrants face aux discours et aux méthodes des organisations extrémistes.

Plusieurs stratégies ont été adoptées, en particulier en ce qui concerne la prévention, qui doivent être encouragées. Il faut passer aux actions concrètes, notamment auprès des jeunes, afin de faciliter leur intégration et de leur éviter de tomber dans le piège de la radicalisation, qui peut mener au terrorisme. Ainsi, il faut développer l’esprit critique des adolescents face aux médias et éviter les raccourcis trop souvent véhiculés par les réseaux sociaux.

Les recommandations de ces rapports en matière de planification des politiques, de stratégie et de prévention, me paraissent une excellente contribution pour relever ces grands défis. Je remercie donc les rapporteures pour leur excellent travail.

Chers collègues, même si ce thème n’est pas à l’ordre du jour, je saisis cette occasion pour appeler votre attention sur la situation que connaît actuellement le Venezuela, et en particulier sur la crise migratoire qui touche ce pays, lequel, en trois ans, a perdu 1,6 million d’habitants fuyant la pauvreté, l’hyperinflation et la pénurie. Ce flux migratoire continue de s’intensifier, à la suite des désastres économiques que subit le pays, et d’autres pays d’Amérique du Sud sont concernés. En effet, le Brésil, l’Équateur, le Pérou et la Colombie se disent aujourd’hui débordés par le flux. On assiste à une détérioration de la situation des droits de l'homme, de la démocratie et de l’État de droit. Aujourd’hui, le peuple du Venezuela n’a plus accès aux produits ni aux services de base tels que la nourriture, la santé, l’eau et les médicaments.

Je rappelle qu’au Venezuela vit aussi une importante communauté européenne provenant de divers pays, dont 400 000 personnes venant du Portugal. J’appelle votre attention sur le fait que des milliers de ressortissants européens sont retournés en Europe, en particulier au Portugal, au Royaume-Uni ou en Espagne.

L’Assemblée parlementaire doit donc se montrer solidaire envers le peuple vénézuélien. Nous devons demander à ce pays d’autoriser l’aide humanitaire et nous efforcer de trouver des solutions pour venir en aide à ceux qui le quittent actuellement. Face à cette situation, nous ne pouvons pas rester indifférents.

LA PRÉSIDENTE*– Chers collègues, étant donné l’importance du débat et le nombre d’inscrits sur la liste des orateurs, je souhaite vous proposer une modification de l’ordre du jour.

Le débat d’actualité de cet après-midi deviendrait le deuxième point de l’ordre du jour de demain après-midi – et non le premier car nous recevons une invitée –, ce qui nous permettrait de poursuivre le débat en cours et de procéder aux votes nécessaires cet après-midi.

Une majorité des deux tiers des votants est nécessaire pour prendre cette décision. Approuvez-vous cette proposition, sachant qu’un orateur pour et un orateur contre peuvent s’exprimer ?

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Excellente idée, Madame la Présidente.

M. KIRAL (Ukraine)* – Je suis opposé à cette idée. Le débat d’actualité concerne l’avenir du Conseil de l’Europe, et il y a beaucoup d’inscrits dans ce débat également. C’est d’ailleurs mon cas ; or je ne serai pas là demain en fin d’après-midi. J’imagine que bien d’autres collègues sont dans la même situation.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure* – Nous sommes d’accord pour poursuivre la discussion cet après-midi et pour voter à l’issue du débat.

Il est procédé au vote

LA PRÉSIDENTE*– La proposition de modification de l’ordre du jour n’ayant pas recueilli la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, nous poursuivons la liste des orateurs, mais nous devrons l’interrompre avant qu’elle ne soit épuisée.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Les deux rapports qui nous sont présentés sont étroitement liés.

Nous avons été récemment témoins de plusieurs attentats terroristes tragiques dans plusieurs pays européens comme dans d’autres parties du monde. Ces attentats sont souvent commis par des jeunes radicalisés agissant par eux-mêmes ou dans le cadre d’un réseau organisé. Ce serait toutefois une grave erreur que de céder aux stéréotypes et de n’imputer ces actes qu’aux migrants et aux membres des diasporas en Europe. Pour les mêmes raisons, nous aurions tort de vouloir réglementer le financement étranger d’une seule religion. Je suis donc d’accord avec Mme Fiala : l’exigence de transparence du financement doit s’appliquer de la même manière à toutes les religions.

L’extrémisme et la radicalisation peuvent être observés dans différents contextes, chez les migrants comme dans la population autochtone. Le terroriste qui a frappé à Utøya, en Norvège, en 2011 fournit un bon exemple de ce dernier cas de figure.

Un autre sujet de préoccupation vient des « combattants étrangers », en fait souvent nés sur le territoire européen. Leur motivation semble idéologique, mais ce n’est habituellement pas vrai : d’après Kadafi Zaman, journaliste norvégien renommé, l’attrait du sexe et de la violence sont pour eux de bien plus puissants moteurs que le Coran et Allah. En fait, ils connaissent fort peu le Coran. Le processus de radicalisation de ces personnes ne se déroule pas dans une mosquée : ils s’auto-radicalisent sur internet. Ce schéma est très similaire à celui qu’a suivi le terroriste norvégien déjà cité, dont je rappelle qu’il a massacré 77 personnes en 2011 : il s’était radicalisé tout seul, converti tout seul à l’extrême droite.

J’approuve donc Mme Gafarova lorsqu’elle souligne que, pour prévenir la radicalisation et l’extrémisme violent, il faut se concentrer sur le besoin qu’éprouvent les migrants de se sentir en sécurité et intégrés dans leur pays d’accueil sans devoir abandonner leur héritage culturel. Mais il ne faut pas non plus oublier les autochtones qui sont eux aussi radicalisés. Le problème n’est pas que les gens soient musulmans : le problème est l’extrémisme violent en tant que tel. D’ailleurs, l’héritage culturel de plusieurs de nos États membres est musulman, et très proche de l’héritage chrétien.

Le ministre tunisien des Affaires étrangères a dit hier une chose importante en réponse à une question sur la prévention de la radicalisation chez les jeunes Tunisiens : il a cité les programmes éducatifs nationaux ayant pour but de concrétiser les attentes et les espérances des enfants vulnérables et exploités. Cela devrait aussi intéresser nos sociétés européennes.

LA PRÉSIDENTE* – Si les temps de parole sont respectés, nous pourrons encore écouter deux intervenants.

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Je félicite les deux rapporteures, mais je suis d’accord avec un orateur précédent pour dire qu’il faudrait peut-être modifier le titre du premier rapport. En effet, on est en train de mélanger la question du financement de l’islam et celle du financement des religions en général.

Je suis issu d’une famille de migrants, venue d’Irlande pour s’installer en Angleterre, où j’ai été éduqué en jeune catholique. Chaque fois que nous allions à l’église, nous pouvions déposer notre écot dans une petite boîte pour financer les missions en Afrique. L’argent était destiné à former les Africains à la « vraie religion » – le catholicisme, évidemment, et non le protestantisme. Tout cela était dit avec une assurance injustifiée. Je me rappelle ce que nous déclaraient, très tôt, les religieuses : les Juifs avaient tué Jésus et tout ce qui leur arrivait était bien mérité.

Que de chemin parcouru en matière de tolérance ! Tout de même, nous nous mélangeons parfois un peu les pinceaux. N’oublions pas certains événements survenus dans les Balkans occidentaux et qui n’avaient rien à voir avec les musulmans et tout à voir avec des chrétiens qui s’attaquaient à eux. Prenons donc un peu de recul, et sachons distinguer la question du financement étranger des religions, d’une part, et, d’autre part, l’automatisme qui nous conduit à penser au terrorisme. La grande majorité des mosquées et des musulmans contribuent à l’existence des sociétés, comme le font les fidèles de toutes les autres religions – et il y a beaucoup de religions dans nos sociétés multiculturelles.

Le paragraphe 120 du rapport souligne quatre points.

D’abord, « les musulmans des pays européens concernés ressentent un attachement fort envers leur pays de résidence ». Certes, mais la plupart des migrants sont dans ce cas. Ma famille est désormais britannique, et non plus irlandaise, et nous avons des amis issus d’autres pays européens, mais qui se considèrent aujourd’hui comme britanniques.

Ensuite, « cet attachement se double du maintien d’un lien fort avec un pays dont ils sont originaires ». C’est évident : vous suivez les événements qui surviennent dans le pays dont vient votre famille et où elle a sans doute laissé des parents ; cela ne fait pas de vous un mauvais patriote.

« Par ailleurs », poursuit le rapport, « les musulmans interrogés sont plus religieux que les autres communautés ». Je conteste cette affirmation : dans notre église catholique locale, les communautés polonaise et philippine ont constitué chacune son propre groupe ; elles travaillent ensemble, car c’est une façon pour elles de se retrouver, d’exprimer leur solidarité mutuelle. Il s’agit non pas des musulmans, mais de la manière dont les êtres humains se comportent et réagissent.

« Enfin », conclut le texte, « les discriminations dont ils font l’objet restent à un niveau élevé ». Pourquoi est-ce le cas ? Parce que nous devons mieux comprendre les sociétés multiculturelles au sein desquelles nous vivons.

M. MARQUES (Portugal)* – Je tiens à féliciter les auteures de ces deux rapports équilibrés. Nous avons précisément besoin d’équilibre. Nous devons lutter ensemble contre toute forme de radicalisation, contre l’extrémisme religieux certes, mais aussi contre le radicalisme de ceux qui tentent de s’opposer aux valeurs européennes. Il faut que nous favorisions le vivre-ensemble. Nous ne saurions céder à ceux qui veulent imposer leurs valeurs en Europe. Nous devons permettre l’intégration de ceux qui partagent des valeurs différentes. Ces derniers doivent trouver leur place au sein de nos communautés et de notre civilisation. C’est pourquoi nous devons travailler main dans la main.

C’est une occasion à saisir car elle nous permet aussi de parler du réseau parlementaire sur les politiques des diasporas. Ce réseau va au-delà des membres de la commission des migrations. C’est un réseau au sein duquel on peut travailler main dans la main avec les ONG, avec les chefs spirituels ou religieux présents dans nos pays. Ce n’est qu’avec les modérés que nous pourrons lutter contre les radicaux – lesquels n’ont pas leur place en Europe. Travaillons avec ceux qui peuvent nous entendre, et luttons contre tous les radicaux avec la même force, y compris quand il s’agit de citoyens européens et qu’ils sont d’origine européenne.

Je voudrais parler moi aussi du Venezuela puisque l’occasion m’en est donnée ce matin. Nous essayons de tout mettre en œuvre pour aider les réfugiés en provenance d’Afrique alors que plus de 2 millions de citoyens descendants d’Européens essayent de fuir le Venezuela comme de véritables réfugiés. Il faudrait que nous fassions davantage pour ces migrants européens qui sont originaires d’Italie, du Portugal, d’Espagne, d’Angleterre ou encore des Pays-Bas et qui essayent d’échapper à un régime radical. Ils veulent retrouver l’Europe, leurs racines, leur société. Nous devons avoir un mot pour eux aussi.

LA PRÉSIDENTE*– Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle maintenant la réplique des commissions.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure* – Je vous remercie tous, chers collègues, pour ce débat très ouvert et très riche. J’ai écouté très attentivement chacun d’entre vous. Pour ce qui est du catholicisme, la transparence existe, et je voudrais vous rappeler que le pape lui-même s’est engagé pour assurer une plus grande transparence. Nous devons nous inspirer de cet exemple dans nos États membres, et je puis vous dire qu’en Suisse cela n’a pas été facile.

J’ai bien compris qu’il fallait procéder pas à pas. Dans notre rapport, nous écrivons que nous mettons toutes les religions sur un pied d’égalité. Je n’accorde donc pas plus d’importance à telle ou telle religion. Je puis vous dire qu’en tant que rapporteure, je suis tout à fait disposée à ce que l’on s’assure exactement de la même manière de la transparence des flux monétaires touchant la religion catholique.

Je réponds à présent à M. Csenger-Zalán. Je serais très heureuse, bien sûr, s’il suffisait de clôturer chacun de nos pays, d’élever des murs aux frontières pour résoudre tous nos problèmes. Ce n’est pas le cas. Je voudrais vous rappeler que tous les risques majeurs actuels sont des risques de portée mondiale : le terrorisme, la cybercriminalité, le crime organisé, la traite des êtres humains, les réfugiés, les pandémies… Tous ces problèmes sont communs à l’humanité et se moquent des frontières. Même si l’on érigeait des murs le long de nos frontières nationales, nous ne pourrions arrêter ces problèmes aux frontières. C’est donc la coopération qui s’impose.

Je voudrais répondre ensuite à M. Kiliç, et lui dire combien votre collaboration a été précieuse et nous a permis d’améliorer le rapport. Monsieur Kiliç, je comprends votre prise de position en faveur de votre pays, mais je tiens à vous rappeler que la Turquie est elle aussi victime du terrorisme ; elle souffre elle aussi de la radicalisation. Par conséquent, il me semble que, sur ce point, nous partageons exactement la même situation. Permettez-moi de vous le dire : vous disposez d’une organisation de 100 000 personnes qui répond directement aux ordres de votre Président, M. Erdoğan, et qui est active dans le monde entier. Vous devez donc comprendre qu’un grand nombre d’États membres, parmi lesquels la Suisse, craignent ce qui est enseigné dans nos pays, dans une langue que souvent nous ne comprenons pas. Il s’agit sans doute d’un autre débat, mais je crois que nous pouvons nous entendre sur un certain nombre de sujets.

Je répondrai enfin à M. Büchel. En Suisse, les services du procureur considèrent que le financement étranger de l’islam est une question extrêmement importante et qu’il faut en faire davantage pour assurer la transparence. Le fait est que certaines fondations religieuses échappent au contrôle de l’État suisse et que c’est un problème. Je ne peux cependant m’exprimer au nom de tous les pays car, dans certains d’entre eux, les solutions appliquées sont différentes. Je serais très heureuse si vous pouviez convaincre votre parti politique que la transparence est importante pour garantir la sécurité. La bureaucratie ne doit pas faire obstacle à des actions positives, ni ici ni en Suisse.

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Je souhaite remercier tous les intervenants pour leurs précieuses contributions à ce débat. Ce sujet est brûlant, dans chacun de nos États membres. Tous les orateurs l’ont confirmé.

Je remercie tout particulièrement Mme Fiala ainsi que les membres de la commission des questions politiques, qui ont abordé de façon exemplaire ce sujet ô combien délicat. Au sein de la commission, nous avons modifié le titre initial, car nous souhaitions dissiper toute ambiguïté, tout malentendu quant à la portée et quant à l’objectif de ce rapport. Nous souhaitions nous assurer qu’il traitait bien de la prévention de la radicalisation et de l’islamophobie, sans pour autant stigmatiser l’islam. Le débat – je suis heureuse de le constater – a confirmé cette approche. Je remercie Mme Fiala et M. Kiliç, le président de la délégation turque, pour le sens de la responsabilité dont ils ont fait preuve au moment de l’examen des amendements. J’espère très sincèrement que ce texte équilibré sera adopté par notre Assemblée.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan), rapporteure* – Je remercie tous les intervenants, et particulièrement Mme Fiala, la commission des questions politiques et sa présidente pour leur collaboration dans la préparation et le déroulement de ce débat conjoint.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les avis exprimés, qui montrent que ce rapport était nécessaire, eu égard à la situation qui prévaut en Europe et dans le monde. Ces avis ont aussi montré l’ampleur des problèmes auxquels nous sommes tous confrontés.

Pour régler un problème de société, il nous faut agir de façon responsable sur le plan politique. Où nous sommes-nous trompés ? Pourquoi avons-nous mal abordé certains de ces problèmes ? Les statistiques montrent que la majorité des attentats terroristes sont perpétrés par nos concitoyens. Qu’ils aient des origines étrangères ou non, ils restent nos concitoyens. Nous avons une responsabilité envers eux. Nos sociétés n’ont pas réussi à se débarrasser de la haine et de la discrimination. La marginalisation et la haine des migrants sont toujours présentes.

Je ne souhaite pas minimiser les préoccupations exprimées concernant l’expérience que fait l’Europe du multiculturalisme – nous avons parlé des migrants de deuxième génération, et j’ai bien compris vos propos –, mais il faut surtout envisager les contributions des migrants aux États membres, et tout ce qu’ils pourraient continuer à apporter à nos sociétés.

La radicalisation peut être évitée, ou à tout le moins ralentie. Il faut tout mettre en œuvre pour que les jeunes radicalisés ne deviennent jamais des terroristes. Anticipons les changements à l’œuvre dans nos sociétés et réfléchissons à leur évolution. Nous devons tout faire pour rendre cette approche effective.

Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à mes collègues qui siègent au sein de la commission des migrations, et à tous ceux qui ont contribué au débat de ce jour, montrant l’importance de cette question. Nous devons absolument assurer le suivi de nos rapports et des recommandations que nous formulons. Le travail ne s’arrête pas ici, aujourd’hui. Je remercie aussi le secrétariat de notre commission pour son soutien et son travail.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure* – Madame la Présidente, encore un mot, s’il vous plaît !

LA PRÉSIDENTE*– Madame Fiala, je sais que vous êtes également présidente de la commission des migrations, mais nous avons malheureusement peu de temps devant nous. Je vous donne la parole, mais vous demande d’être brève.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure* – Je le serai. Je souhaite simplement remercier Mme Gafarova pour son excellent rapport. Toutes ses recommandations ont mon soutien.

Madame Gafarova, vous m’avez permis d’aller plus avant dans mon propre travail. Si cette coopération pouvait à l’avenir se poursuivre de cette manière, ce serait formidable.

LA PRÉSIDENTE*– Nous en venons au premier rapport, intitulé : « Réglementer le financement étranger de l’islam en Europe afin de prévenir la radicalisation et l’islamophobie ».

La commission des questions politiques a présenté un projet de résolution sur lequel 5 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait que l’amendement 4, qui a été approuvé à l’unanimité par la commission, soit déclaré adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente ?

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est adopté.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je suis saisie de l’amendement 1.

M. KILIÇ (Turquie)* – Il est question dans le paragraphe en cause d’une « forme radicale de l’islam », mais celle-ci n’est pas définie, ce qui pourrait être facilement exploité par certains, eu égard au paysage politique, à droite, en Europe. Nous légitimerions certains actes. Mon amendement vise à corriger le texte sur ce point.

Mme FIALA (Suisse), rapporteure* – Je ne m’exprimerai pas sur les autres amendements, mais je maintiens ma position sur celui-ci et souhaite la réaffirmer : je suis clairement contre.

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques* – La commission, en revanche, s’y est déclarée favorable, à une courte majorité.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 2.

M. KILIÇ (Turquie)* – Il est important de mentionner que le financement en question a été prouvé « par des critères objectifs ». Je crois savoir que Mme la rapporteure est d’accord sur ce point.

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques* – La commission s’est prononcée à une large majorité en faveur de cet amendement.

L’amendement 2 est adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 3.

M. KILIÇ (Turquie)* – Les cultes doivent tous être placés sur un pied d’égalité. Ils font tous partie des sociétés européennes. Lorsque des mesures sont envisagées, elles ne doivent pas peser sur une seule communauté – en particulier la communauté musulmane.

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 5.

M. KILIÇ (Turquie)* – Cet amendement vise à mettre le texte en conformité avec le principe de participation. Il est important de consulter les représentants des communautés musulmanes. Par ailleurs, je réponds à M. Tornare, qui s’est exprimé tout à l’heure sur le rapport, qu’il devrait s’intéresser au nombre de mosquées – et de synagogues – rénovées par la Turquie en Turquie.

Mme OOMEN-RUIJTEN (Pays-Bas), présidente de la commission des questions politiques* – La commission a approuvé cet amendement, à une large majorité.

L’amendement 5 est adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14617, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (115 voix pour, 10 voix contre et 4 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons au deuxième rapport « Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe », sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14625.

Le projet de résolution est adopté (109 voix pour, 7 voix contre et 2 abstentions).

Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

2. Communication du Comité des Ministres

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la communication du Comité des Ministres à l’Assemblée, qui sera présentée par Mme Pejčinović Burić, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes de la Croatie, Présidente du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Après sa communication, Mme Pejčinović Burić répondra à des questions des membres de notre Assemblée. Une question écrite a par ailleurs été publiée (Doc. 14631).

Madame la Présidente du Comité des Ministres, c’est pour moi un très grand plaisir de vous souhaiter à nouveau la bienvenue dans notre hémicycle. Ce sera votre dernière intervention devant notre Assemblée en votre qualité de Présidente du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous remercier très chaleureusement de votre coopération et de votre travail pendant votre présidence.

Ce dernier échange avec les membres de notre Assemblée est ainsi l’occasion de tirer un bilan des résultats que vous avez obtenus au cours de ces derniers mois. Nous nous réjouissons de continuer à jouer pleinement notre rôle dans la mise en œuvre de votre programme d’activités, notamment dans le cadre de l’organisation de la conférence internationale de haut niveau sur le thème : « Renforcer la transparence et la responsabilité pour assurer l’intégrité : unis contre la Corruption » et de la Conférence parlementaire sur le « Renforcement de la sécurité démocratique en Méditerranée : défis communs, responsabilités partagées ».

Madame la Présidente, vous avez la parole.

Mme PEJČINOVIĆ BURIĆ, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes de la Croatie, Présidente du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe – Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs, merci beaucoup, Madame la Présidente de votre accueil chaleureux et de votre appréciation bienveillante de notre travail.

Je suis très honorée de prendre la parole devant vous aujourd’hui en ma qualité de Présidente du Comité des Ministres. Le rapport d’activité sur les progrès accomplis sous la présidence croate au cours de ces derniers mois vous a déjà été transmis. Je souhaite toutefois revenir sur certains développements récents qui me semblent particulièrement importants pour l’avenir de notre Organisation et pour celui de l’Europe.

Les importantes délibérations que vous avez eues cet automne sur la base du rapport de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire constituent un de ces développements majeurs. Je me réfère aussi aux discussions que vous avez eues hier et lundi sur les suites à donner au rapport intitulé « Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote » de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles présidée par l’éminente rapporteure, Mme Petra De Sutter.

Je voudrais tout d’abord vous remercier, Madame la Présidente, pour la manière dont vous avez constamment cherché à informer et à impliquer le Comité des Ministres, y compris sur des sujets aussi sensibles. Vous aviez vous-même parlé de l’importance de poursuivre cette coopération quand vous vous êtes adressée aux Délégués des Ministres au mois de juillet dernier. Et vous avez donné suite à cette intention, puisque, à votre demande, le Comité mixte s’est réuni à nouveau lundi dernier pour un échange de vues qui a porté principalement sur cette question.

Lors de la réunion du Comité mixte, des voix se sont fait entendre pour contester l’interprétation que certains font des règles régissant les pouvoirs et compétences de nos organes respectifs.

Je suis intimement convaincue qu’il faut que nous reconnaissions et que nous respections les rôles importants joués respectivement par les institutions clés du Conseil de l’Europe. Il faut que nous préservions la meilleure collaboration et la meilleure coordination possible entre les organes clés de l’Organisation – en particulier le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire. Cependant, il faut absolument que nous soyons clairs sur le rôle spécifique, les droits et les privilèges des deux organes statutaires de notre Organisation. Je sais qu’il arrive parfois que des questions assez compliquées soient soulevées. Cependant, j’ai tendance à considérer que le Statut du Conseil de l’Europe est notre Constitution. Si nous avons des doutes ou si nous pensons que ce texte manque de clarté sur les pouvoirs ou les fonctions spécifiques conférés aux institutions, il faut consulter le Statut et, si nécessaire, demander une analyse juridique. Il en est ainsi en particulier lorsqu’il y a débat sur des questions liées à des sanctions, à la suspension de droits de représentation, voire au retrait ou à l’exclusion d’un État membre.

Beaucoup d’ambassadeurs et de délégations ont pris contact avec la Présidence et ont laissé entendre qu’il serait utile de solliciter une analyse juridique sur des questions aussi compliquées et essentielles que celles-là. C’est pourquoi moi-même, en qualité de Présidente du Comité des Ministres, et le Secrétaire Général, avons pris ensemble l’initiative de demander au conseiller juridique du Conseil de l’Europe d’élaborer une analyse juridique sur « Le rôle et les responsabilités des organes statutaires du Conseil de l’Europe plus particulièrement en matière de limitation des droits attachés à la qualité de membre ».

J’espère que cette analyse juridique, dont je crois savoir qu’elle vous a été transmise, Madame la Présidente, peut apporter plus de clarté et nous aider à mener un débat constructif et réfléchi. Je tiens à remercier le conseiller juridique du Conseil de l’Europe d’avoir élaboré un document aussi complet et clair.

Vous avez décidé hier, après un long débat, le renvoi en commission du rapport intitulé « Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote ».

Soyez assurée, Madame la Présidente, que le Comité des Ministres est déterminé à poursuivre un dialogue constructif et une coopération étroite avec votre Assemblée. C’est dans ce sens que j’entends agir en ma qualité de Présidente du Comité des Ministres. C’est en unissant nos efforts que nous pourrons répondre aux défis actuels et protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit en Europe.

(Poursuivant en anglais) Chers amis, Mesdames et Messieurs les parlementaires, permettez-moi d’évoquer une autre question importante, à laquelle nombre d’entre nous réfléchissons, tant au sein de cette Assemblée qu’au sein de nos ambassades ou de nos gouvernements. Bien qu’étant un État membre du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie a choisi de ne pas participer aux travaux de l’un des organes statutaires de l’Organisation, à savoir ceux de l’Assemblée parlementaire. Nous regrettons que, dans le même temps, la Fédération de Russie ait décidé de ne pas verser sa contribution obligatoire au budget du Conseil de l’Europe.

Je crois fermement en la valeur du Conseil de l’Europe en tant que plateforme paneuropéenne de dialogue et de coopération, en tant que véhicule de promotion et de défense de nos valeurs et normes communes, dans le domaine des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie partout en Europe. Cette situation sans précédent, associée à d’autres défis, place notre Organisation dans une situation difficile. Cependant, nous devons trouver les moyens d’avancer.

Dans le cadre des préparatifs de notre réunion ministérielle annuelle, qui se tiendra à Helsinki en mai prochain, le Secrétaire Général a lancé un débat plus large sur les mesures de réforme supplémentaires tout en précisant les défis politiques clés auxquels doit faire face cette Organisation. Face aux circonstances difficiles que nous connaissons, j’ai l’espoir par ce processus d’arriver à renforcer plus encore le travail important de l’Organisation et de parvenir à l’aider à s’acquitter de sa mission, vitale dans l’Europe d’aujourd’hui. Si je demeure optimiste, je suis en même temps réaliste : il est impératif que nous nous unissions pour protéger et soutenir le Conseil de l’Europe en ces temps difficiles. Il faut notamment que nous protégions le cadre multilatéral que nous avons construit depuis la Seconde Guerre mondiale.

À ce titre, le 3 septembre 2018, nous avons célébré le 65e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention européenne des droits de l’homme. Cela a été un événement très important parce que la Convention telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme a eu un impact profond sur l’évolution de nos pays respectifs. Il s’agit du premier instrument international juridiquement contraignant portant protection des droits de l’homme, d’un instrument central dans l’Europe démocratique moderne. Cet héritage précieux nous a été transmis par nos prédécesseurs. Chacun d’entre nous a la responsabilité de le protéger et de le promouvoir.

Je sais que l’Assemblée parlementaire est un grand défenseur du système conventionnel. Le Comité des Ministres, lui aussi, travaille en vue de garantir l’effectivité à long terme de ce système. À l’heure actuelle, il se penche sur un certain nombre de questions qui sont en lien avec la Déclaration de Copenhague. Étant donné l’importance évidente de l’élection de juges dotés de la plus grande compétence à la Cour, juges essentiels pour l’autorité de cette dernière, le Comité des Ministres a commencé à s’intéresser au passage de cette déclaration évoquant le processus régissant la sélection et l’élection des juges.

Je me félicite de noter que votre Assemblée travaille elle aussi sur ces questions, car notre objectif est de faire avancer ce travail dans un esprit de coopération et de dialogue étroit avec l’Assemblée parlementaire. La Convention européenne des droits de l’homme garantit les droits et libertés fondamentaux, non seulement aux ressortissants des États membres, mais aussi à toute personne relevant de leur juridiction. Cela inclut les migrants et les réfugiés.

Votre Assemblée s’est très activement intéressée à la question de la migration. J’en veux pour preuve l’ordre du jour de cette partie de session auquel sont inscrits un certain nombre de débats et de rapports traitant précisément de ce sujet. Le Comité des Ministres est également bien conscient de l’importance de ces questions relatives aux migrations.

Le mois dernier, les Délégués des Ministres ont eu deux échanges de vue avec M. Tomáš Boček, Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés. Ce dernier a soumis aux Délégués un rapport sur la mise en œuvre du Plan d’action sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe (2017-2019), ce qui a permis un échange très riche d’informations qui se poursuivra lors d’une réunion informelle consacrée aux questions de migration qui se tiendra en novembre. Les activités menées au titre de ce plan d’action, qui retient une approche transversale, mettent plus particulièrement l’accent sur les enfants non accompagnés ou qui ont été séparés de leur famille. Au cours des échanges, des délégations sont intervenues en faisant spécifiquement référence à votre campagne parlementaire visant à mettre un terme à la détention des enfants migrants.

La protection des données à caractère personnel fait partie intégrante des droits de l’homme. À 13 heures aujourd’hui, après notre échange de vues, j’aurai le plaisir d’être présente à l’ouverture à signature du Protocole portant modernisation de la Convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe. Le processus de rédaction de ce protocole a été long. Nombre de parties prenantes y ont fait valoir leur point de vue et leurs intérêts. Mais nous sommes parvenus à notre objectif et l’adoption de ce protocole par le Comité des Ministres démontre la capacité de notre Organisation à établir des normes, à forger des compromis et à réagir aux nouveaux défis auxquels nos sociétés sont confrontées. Je voudrais ici souligner le rôle clé joué par l’Assemblée parlementaire, qui a soutenu ce texte dès le tout début du processus de rédaction.

Les scandales dont nous avons récemment été témoins révèlent les dangers liés à l’utilisation de données à caractère personnel, qui peuvent enfreindre le droit au respect de la vie privée mais aussi celui de ne pas être victime de discriminations. Ces dangers concernent tous nos concitoyens et peuvent également donner lieu à la manipulation des décisions qu’ils prennent. Je me réjouis d’annoncer qu’aujourd’hui, 21 États signeront ce protocole et j’espère sincèrement que de nombreux autres choisiront de le signer et de le ratifier rapidement afin que cette convention modernisée puisse entrer en vigueur dans les meilleurs délais et continuer à nous protéger contre les abus liés aux données à caractère personnel, que ce soit en Europe ou au-delà.

L’aide que vous pouvez apporter, en tant que membres éminents de cette Assemblée, pour accélérer la signature et la ratification de cet instrument serait particulièrement bienvenue.

En août 2018, nous avons célébré un bien triste anniversaire. Dix années se sont écoulées depuis le début de guerre en Géorgie – un conflit qui n’est malheureusement toujours pas résolu. En ma qualité de Présidente du Comité des Ministres, j’ai saisi l’occasion qui m’était donnée d’exprimer mon plus profond désarroi et mon plein soutien aux victimes du conflit. Nombre de collègues, venus de tous les pays européens, en ont fait de même et se sont prévalus de cet événement pour rappeler le soutien indéfectible des États eu égard à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie dans le cadre de ses frontières internationalement reconnues. Ils ont eux aussi saisi l’opportunité d’appeler la Fédération de Russie à honorer ses obligations et engagements conformément au droit international. Cette question, vous le savez, est toujours à l’ordre du jour des Délégués des Ministres et reste une priorité pour notre Comité. Le mois prochain, les Délégués des Ministres se pencheront sur un nouveau rapport bisannuel portant sur le conflit en Géorgie, soumis par le Secrétaire Général.

Dans le même temps, le conflit armé dans l’est de l’Ukraine connaît sa cinquième année. En dépit des efforts diplomatiques déployés, aucun projet tangible n’est en vue pour la résolution du conflit. Nous attendons encore l’établissement d’un cessez-le-feu durable. Le conflit continue à entraîner des pertes de vies et des souffrances humaines, ce qui empêche la protection des droits de l’homme pourtant accordée et garantie par la Convention européenne des droits de l’homme.

Je comprends que la situation en termes de sécurité reste tendue dans le Donbass, dans les régions de Louhansk et de Donetsk. J’espère que les efforts en cours pour constituer une mission internationale de maintien de la paix, qui serait envoyée dans le Donbass, seront couronnés de succès. Je relève que Kurt Volker, représentant spécial des États-Unis pour l’Ukraine, a déclaré dans un entretien récent que nombre de pays sont prêts à prendre part à une telle opération de maintien de la paix. Certes, le Conseil de l’Europe en tant que tel n’est pas directement impliqué dans l’établissement de ces accords de règlement des conflits. Mais les questions humanitaires, comme la remise en liberté de détenus et de prisonniers, restent pertinentes au regard du rôle de cette Organisation. L’accord conclu au cours de l’été entre les présidents de l’Ukraine et de la Fédération de Russie sur les visites aux détenus qui pourraient être mutuellement menées par les ombudsmans des deux pays constitue une étape dont il convient de se féliciter. Malheureusement, ce processus s’est récemment trouvé paralysé. Ainsi que cela a été clairement indiqué dans un certain nombre de décisions du Comité des Ministres relatives à la situation en Ukraine, y compris en Crimée, nous ne saurions transiger sur nos principes.

En Crimée, le défi est grand face à l’incapacité des mécanismes de monitoring indépendants du Conseil de l’Europe à exercer leur mandat, et même à avoir accès à la péninsule pour y mener une évaluation indépendante de la situation en matière de droits de l’homme et pour se pencher sur les violations alléguées. Le travail dans ce domaine s’est jusqu’à présent avéré difficile. Il doit pourtant être poursuivi.

Le Conseil de l’Europe, je l’ai dit, n’a pas de responsabilité directe en matière d’établissement de la sécurité et de prévention des conflits armés.

Ces sujets relèvent des compétences du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. L’Organisation a toutefois travaillé dans de domaine. Elle peut déployer ses efforts et mobiliser son expertise pour renforcer la sécurité démocratique, protéger les droits individuels – et ainsi permettre, à terme, de désamorcer ou d’éviter un conflit armé.

Je voudrais également préciser qu’en août dernier, une cérémonie de commémoration a été organisée ici, à Strasbourg, en hommage aux Roms et aux Sintis victimes de l’Holocauste. Le génocide des Roms, plan mis en œuvre par le régime nazi et ceux qui le soutenaient, visait à exterminer ce peuple et le faire disparaître d’Europe. Pour la Croatie, qui a fait de la protection des droits des minorités nationales et des groupes vulnérables une priorité de sa Présidence, il convient d’accorder une attention toute particulière à la promotion et à la protection des droits des membres des communautés roms. Il est important de reconnaître les souffrances subies par le peuple rom par le passé, mais il est tout aussi nécessaire d’améliorer la situation des droits des Roms aujourd’hui et à l’avenir.

Avant de conclure, je voudrais brièvement évoquer les autres priorités de la présidence croate. En juin dernier, je vous ai présenté nos projets. Je voudrais aujourd’hui faire une description rapide de ce que nous avons entrepris dans d’autres domaines. En septembre, nous avons organisé à Rijeka une réunion des coordinateurs des cités interculturelles sur la priorisation des politiques d’intégration inclusives. Il y a quelques jours à peine, les 4 et 5 octobre, le forum régional sur la législation en matière de cybercriminalité dans l’Europe du Sud-Est a été organisé à Zagreb. Demain, le 11 octobre, la présidence croate organisera en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies un événement consacré à la protection des enfants dans l’environnement numérique. L’occasion nous sera ainsi fournie de présenter les lignes directrices adoptées par le Comité des Ministres en juillet pour le respect, la protection et le plein accomplissement des droits des enfants.

Permettez-moi également de mettre à nouveau en lumière l’événement saillant de la Présidence croate – la conférence de haut niveau intitulée « Renforcer la transparence et la responsabilité pour assurer l’intégrité : unis contre la corruption ». Elle se tiendra à Šibenik les 15 et 16 octobre, et est organisée en étroite coopération avec le GRECO.

De surcroît, courant octobre et novembre, nous organiserons toute une série d’événements. J’évoquerai par exemple la conférence sur « La mixité dans le sport, parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes » qui se tiendra le 25 octobre à Zagreb ; la conférence sur « Le patrimoine culturel sous-marin en Europe aujourd’hui » qui se tiendra les 25 et 26 octobre à Zadar ; la conférence régionale sur « Le rôle des autorités de régulation dans la lutte contre le discours de haine et la promotion de l’éducation aux médias » qui se tiendra début novembre à Zagreb ; la conférence sur « Les routes de l’olivier » qui aura lieu en novembre sur l’île de Lošinj.

Alors que nous approchons de la fin de la présidence croate du Comité des Ministres, permettez-moi d’attirer votre attention sur la conférence parlementaire qui sera organisée à Dubrovnik le 6 novembre prochain, en collaboration avec le Parlement croate et la commission des questions politiques et de la démocratie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle permettra d’aborder les défis qui se présentent dans le domaine de la stabilité et de la construction de la sécurité démocratique dans le bassin méditerranéen, et rassemblera des participants de haut niveau parmi lesquels vous-même Madame la Présidente, la Secrétaire Générale adjointe Mme Battaini-Dragoni, le président de la Commission de Venise ainsi que le vice-président du Parlement européen. Nous serions ravis d’y accueillir le plus grand nombre possible de membres de l’Assemblée parlementaire.

En conclusion, je voudrais dire quel honneur cela a été pour nous de présider le Comité des Ministres – et cela reste un honneur. Le mois prochain, notre Présidence arrivera à son terme. Je voudrais exprimer le plein soutien de ma délégation à la Finlande, qui assumera ensuite la Présidence. Je vous remercie de votre attention et je serai ravie de répondre à vos questions.

LA PRÉSIDENTE – Merci beaucoup, Madame la Présidente. Je me réjouis d’ores et déjà du débat qui va suivre et des questions qui vous seront posées. J’ai pris particulièrement note de ce que vous nous avez indiqué quant aux considérations qui vous ont conduite, en tant que Présidente du Comité des Ministres, à demander une analyse juridique, mais également de votre appel à un débat constructif et de votre soutien à une coopération étroite entre le Comité des Ministres et notre Assemblée.

Nous allons maintenant aborder les questions.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les questions à la Présidente du Comité des Ministres ne doivent pas dépasser trente secondes et doivent avoir un caractère strictement interrogatif.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Excellence, nous avons, d’une part, une analyse juridique qui a suscité beaucoup de frustration et de sentiments négatifs parmi les membres de l’Assemblée, et, d’autre part, un projet de rapport préparé par Mme De Sutter, qui a été renvoyé hier en commission. Qu’entend faire le Comité des Ministres dans ce contexte difficile, au-delà du dialogue que vous avez évoqué ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – J’y ai fait référence dans mon intervention, le projet de rapport de Mme De Sutter nous a semblé un premier pas très important. Nous pensons qu’il est important de reconnaître et de respecter les rôles respectifs des différentes institutions du Conseil de l’Europe. C’est aussi ce qu’indique le projet de rapport.

Comme je l’ai dit aussi à plusieurs reprises, nous devons mettre en œuvre la meilleure coopération possible. La coopération et la coordination entre les organes principaux de l’Organisation, le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, sont des éléments importants. Nous espérons que le dialogue se poursuivra. Quelles qu’en soient la complexité et la difficulté -je suis bien consciente des intérêts et des avis différents -, nous sommes tous des gens responsables et nous devons œuvrer à la recherche d’une solution dans l’intérêt de l’Organisation.

Mme STRIK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Il est encourageant d’entendre que votre présidence a retenu la lutte contre la corruption comme première priorité. Nous savons qu’un des États membres est responsable des cas de corruption qui ont frappé si durement l’Assemblée parlementaire, donc l’Organisation tout entière. Quelles mesures concrètes le Comité des Ministres entend-il prendre pour sanctionner ce comportement et empêcher qu’il se reproduise ? Mènera-t-il des enquêtes dans des cas de corruption dans d’autres organes de l’Institution ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je le répéterai car c’est très important, la corruption sape la confiance des citoyens, donc les institutions démocratiques, ainsi que vous semblez le dire dans votre question. La corruption entrave le développement économique et est contraire aux valeurs mêmes que nous représentons ici.

Dans ce contexte, le travail du GRECO, fort apprécié dans les États membres comme au niveau international, a pris une importance accrue. La lutte contre la corruption est une des priorités de notre Organisation et une des premières priorités de notre présidence du Comité des Ministres. Comme je l’ai mentionné, nous organisons d’ici une semaine, conjointement avec le GRECO, une conférence à haut niveau sur le renforcement de la transparence et l’intensification de la lutte contre la corruption.

Les allégations de corruption au sein de l’Assemblée ont affecté l’ensemble de l’Organisation. Elles ont été préjudiciables à sa réputation. Cela est déplorable, inacceptable. Nous devons faire tout notre possible pour traiter attentivement ces questions et, dans la mesure du possible, prévenir leur répétition.

En tant que Comité des Ministres, nous nous sommes félicités de la décision de l’Assemblée de créer un groupe d’enquête indépendant pour examiner la question. Nous avions encouragé les États à participer à cette investigation. Après la publication du rapport, le Comité des Ministres s’est félicité de la position de tolérance zéro de l’Assemblée face à la corruption et aux comportements non déontologiques. Nous avons informé l’Assemblée que le GRECO tiendrait compte des conclusions du rapport.

Je peux vous assurer que le Comité des Ministres continuera à suivre de très près le travail réalisé par le GRECO ainsi que le suivi des recommandations assuré par les États membres et que la lutte contre la corruption restera aux tout premiers rangs de l’ordre du jour de l’Organisation.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Madame la ministre, la stabilité européenne, peut-être favorisée par la décentralisation, est un sujet important. En juin, vous avez mentionné des initiatives transfrontalières en relation avec le Congrès des pouvoir locaux et régionaux et la nécessité de renforcer l’autonomie locale, ainsi que la coopération régionale en Europe. Quels aspects de ces questions transmettrez-vous aux successeurs à la présidence du Comité des Ministres en vue de consolider les progrès que vous avez réalisés ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Ma réponse sera brève. Oui, nous accordons beaucoup d’importance à la coopération transfrontalière, comme je le disais au mois de juin. Mais dans les faits, le travail est réalisé par le truchement du Congrès, dans ses territoires et ses collectivités. Je vous invite donc à poser la question au Congrès. En tant que présidence du Comité des Ministres, nous considérons la coopération transfrontalière comme un outil permettant d’appliquer les valeurs que nous représentons, en lesquelles nous croyons, ici, au Conseil de l’Europe, à savoir la confiance, la coopération et le dialogue. Nous pensons que ce type de projet, au niveau local, encourage les contacts entre les êtres humains et, par conséquent, favorise la coopération et la compréhension.

Il a toujours été très pertinent d’encourager cette forme de travail en Europe et ce l’est plus encore aujourd’hui avec la montée des nationalismes. Le Comité des Ministres n’est pas l’instance qui traite directement de ces questions, mais il a le pouvoir d’encourager tous ceux qui le font afin de remplir cette tâche importante qu’est la défense des valeurs du Conseil de l’Europe.

M. Michael Aastrup JENSEN (Danemark), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Plutôt que de nous encourager à modifier notre Règlement pour que la Russie revienne dans l’Assemblée, le Comité des Ministres ne devrait-il pas aborder le vrai problème ? La Fédération de Russie n’a rempli aucune de ses obligations. De nombreuses résolutions l’ont montré, la Russie viole directement nos valeurs. Quelles mesures concrètes la présidence et le Comité des Ministres dans son ensemble sont-ils prêts à prendre pour que toutes nos discussions sur une Organisation fondée sur des valeurs ne soient pas seulement de belles paroles mais soient traduites en actes, et pour que la Russie remplisse ses obligations ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je vous remercie de cette question. Je rappellerai des faits. A l’automne dernier, votre Assemblée, avec des délégations des États membres, a décidé de lancer une procédure visant à harmoniser les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires tout en respectant pleinement leur autonomie. Un rapport a ensuite été adopté à la quasi-unanimité par la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.

La procédure au sein de l’Assemblée se poursuit et ce rapport a été renvoyé à la commission du Règlement.

Cela étant dit, je crois que nous devons respecter les rôles que jouent respectivement le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire et nous devons tout faire pour préserver la meilleure coopération et la meilleure coordination possible entre les deux. Comme je l’ai indiqué dans mon allocution, nous devons être tout à fait clairs en ce qui concerne les rôles et les privilèges des organes statutaires. Si nous pensons que les pouvoirs ou les fonctions de ces organes ne sont pas clairs, nous devons nous référer au statut du Conseil de l'Europe et, en cas de besoin, demander une analyse juridique.

Pour répondre à votre question, le Comité des Ministres a la faculté de préparer des rapports de suivi. Au travers de tels mécanismes, nous pouvons nous informer des actes d’un État membre. L’examen de tels rapports vient s’ajouter aux démarches que j’ai déjà évoquées, à savoir le dialogue et la coopération avec l’Assemblée.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Madame la Présidente, permettez-moi d’abord de vous remercier de vos utiles éclaircissements sur la position du Comité des Ministres concernant le débat que nous avons interrompu hier et que nous poursuivrons demain.

Ma question concerne la Bosnie-Herzégovine, où des élections se sont déroulées dimanche dernier. Trois chefs d’État ou de Gouvernement ont déclaré ouvertement leur appui à tel ou tel candidat à la présidence. Pensez-vous que c’est acceptable et même sage, ou bien que cela produira des effets contraires au but visé ? Des chefs d’État et de Gouvernement peuvent-ils légitimement intervenir et s’exprimer concernant des élections dans un autre État ? Le Président Poutine, le Président Erdoğan ainsi que votre propre Président ont tous choisi l’un des candidats. Ne faudrait-il pas laisser aux citoyens d’un pays le soin de choisir leurs représentants ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* - Je vous remercie de cette question. Je ne pense pas que je puisse vous répondre en ma qualité de Présidente du Comité des Ministres, mais je vous répondrai en ma qualité nationale, pour la partie croate, car je ne peux pas parler au nom d’autres pays.

La Bosnie-Herzégovine est à bien des égards le voisin le plus important de la Croatie. S’il y a un pays au sein de cet hémicycle qui est profondément et sincèrement intéressé à la stabilité, à la prospérité et à l’intégrité de ce pays, c’est la Croatie. En effet, nous avons avec ce pays la plus longue frontière extérieure de l’Union européenne, qui s’étend sur 1 100 kilomètres. Ensuite, la population croate est l’une des trois populations constitutives de la Bosnie-Herzégovine. En outre, nous avons des échanges commerciaux très importants et sommes le deuxième investisseur dans ce pays. La Bosnie-Herzégovine est notre premier partenaire, et de loin, en matière de coopération technique. Enfin, notre Constitution affirme que nous devons nous soucier du sort des Croates qui vivent à l’extérieur de nos frontières.

C’est à ce titre et parce que la Croatie est l’un des garants des accords de paix de Dayton que nous estimons avoir l’obligation d’intervenir en Bosnie-Herzégovine afin de protéger une Bosnie-Herzégovine souveraine, de préserver son intégrité territoriale et de l’aider dans ses relations avec la communauté euro-atlantique. En effet, nous pensons que comme pour d’autres pays de notre région, l’intégration européenne est la meilleure manière d’encourager la prospérité, de favoriser la transformation de la société et surtout de conserver la paix dans la région. En outre, la longue frontière que nous avons avec ce pays nous oblige à nous soucier des flux migratoires qui traversent aujourd'hui la Bosnie-Herzégovine, qui est devenue depuis 2016 une sorte d’itinéraire bis pour les migrants. De l’autre côté de la frontière, nous avons besoin d’avoir des partenaires, des collègues, des amis, avec lesquels coopérer. La Croatie et son gouvernement sont donc extrêmement intéressés par la paix et la stabilité dans ce pays.

Les élections qui se sont tenues dimanche dernier écartent pour la troisième fois, pour des raisons sur lesquelles je ne peux pas me pencher ici, le représentant de la population croate, ce qui va à l’encontre des accords de Dayton et d’un principe constitutionnel confirmé par un arrêt de la Cour constitutionnel d’après lequel la représentation légitime de tous les peuples constituants et de tous les citoyens doit être garantie. Nous déplorons vivement que tel n’ait pas été le cas. Les habitants de la Bosnie-Herzégovine, les responsables politiques et la communauté internationale doivent apporter leur concours pour réformer la législation électorale. Les autorités, à tous les échelons, doivent s’atteler à cette réforme attendue bien trop longtemps.

La Croatie continue de soutenir la Bosnie-Herzégovine sur sa voie vers l’intégration européenne et euro-atlantique. Nous pensons en effet que c’est la meilleure perspective pour ce pays, car c’est le cadre dans lequel la Bosnie-Herzégovine peut s’avancer sur la voie de la prospérité et de la stabilité. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Quelles sont les valeurs les plus importantes pour promouvoir le dialogue interculturel dans les États membres du Conseil de l'Europe ? Faut-il avancer de nouvelles valeurs ? Comment le Conseil de l'Europe doit-il coopérer avec d’autres institutions internationales pour encourager le dialogue interculturel ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* - Je serai très brève car j’ai répondu longuement à la question précédente.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de promouvoir de nouvelles valeurs, mais il faut redoubler d’efforts dans les domaines de l’éducation, de la politique de la politique de la jeunesse et la culture.

LA PRÉSIDENTE – Nous regrouperons maintenant les questions par séries de trois.

M. GATTOLIN (France) – Le 13 août dernier, la peine de prison d’Ilgar Mammadov a été commuée en régime de libération conditionnelle, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Il ne s’agit néanmoins que d’une libération conditionnelle assortie d’une période probatoire de deux ans et comportant des mesures restrictives.

L’arrêt de la Cour de Strasbourg sur cette affaire doit être pleinement exécuté et la procédure engagée sur le fondement de l’article 46.4 de la Convention conserve toute sa pertinence.

Comment le Comité des ministres entend-il continuer à suivre cette affaire ?

Mme Aleksandra TOMIĆ (Serbie)* – Excellence, selon vous, l’action du Conseil de l'Europe est-elle suffisante pour influencer les gouvernements de l’Union européenne afin qu’ils acceptent les recommandations de la Commission européenne en matière de lutte contre le racisme et l’intolérance et afin qu’ils adoptent un cadre législatif qui protège pleinement les droits de toutes les minorités ?

Mme EBERLE-STRUB (Liechtenstein)* – Madame la Présidente, l’une des priorités de la présidence croate du Comité des Ministres est la lutte contre la corruption, comme le montre la tenue, les 15 et 16 octobre, d’une conférence de haut niveau sur le thème « Renforcer la transparence et la responsabilité pour assurer l’intégrité : unis contre la corruption ».

En tant que Présidente du Comité des Ministres, comment évaluez-vous l’examen des allégations de corruption touchant des membres de l’Assemblée parlementaire ? Comment éviter de telles situations à l’avenir ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – Je commencerai par la dernière question, à laquelle je crois avoir déjà longuement répondu. Nous continuerons de tout faire pour lutter contre la corruption au plus haut niveau, de même que l’ensemble du Conseil de l’Europe, car, en la matière, le combat n’est jamais terminé. La conférence que nous organisons en effet avec le Groupe d’États contre la corruption à Šibenik la semaine prochaine prouve que nous poursuivons nos efforts.

J’en viens au rapport que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, l’Ecri, a consacré à la Croatie. Nous accordons aux rapports de l’Ecri le plus grand respect et la plus grande attention. Le respect des minorités fait partie des priorités de la Croatie en tant qu’État membre, mais aussi en interne, au niveau national. J’en veux pour preuve le fait que des minorités sont représentées au sein de notre gouvernement de coalition. En outre, nous avons un plan de coopération avec chaque minorité qui fait l’objet d’un point mensuel. J’en suis également responsable comme Vice-Premier ministre chargée des droits de l’homme. Sachez que mon gouvernement mettra tout en œuvre pour traiter les problèmes soulevés dans le rapport.

(Poursuivant en français) En ce qui concerne le cas de M. Mammadov, nous nous réjouissions, comme vous, qu’une étape importante ait été franchie. Le Comité des Ministres a demandé à plusieurs reprises sa libération inconditionnelle. De plus, compte tenu de l’extraordinaire importance de ce cas, nous avons ouvert dès 2017 une procédure d’infraction conformément à l’article 46 § 4 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette procédure est actuellement devant la grande chambre de la Cour.

Nous déplorons, comme vous, que M. Mammadov ait été emprisonné il y a déjà cinq ans et demi, et, si nous nous sommes réjouis de l’annonce de sa libération, nous ne sommes pas entièrement satisfaits du fait qu’il s’agisse d’une libération conditionnelle. Je vous confirme que le cas de M. Mammadov figure toujours et continuera de figurer sur l’agenda de toutes les réunions du Comité des Ministres jusqu’à ce que la Cour européenne des droits de l’homme rende son jugement.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Dans vos discussions sur l’avenir du Conseil de l’Europe, qu’avez-vous dit du nombre de membres qui devraient siéger dans votre Assemblée ?

Mme BARTOS (Hongrie)* – Excellence, la commission mixte intergouvernementale pour la protection des minorités associe efficacement nos pays respectifs, la Croatie et la Hongrie. Quelle est votre conception du rôle et de l’importance de ce cadre institutionnel pour établir et renforcer la stabilité en Europe du Sud-Est ?

LA PRÉSIDENTE – M. Kandelaki, prochain orateur inscrit, renonce à prendre la parole.

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – Le 6 septembre dernier, sept citoyens turcs, des enseignants, ont été kidnappés en République de Moldova et expulsés en Turquie, où ils sont maintenant emprisonnés. Le Comité des Ministres a-t-il l’intention de prendre position vis-à-vis de la République de Moldova et de la Turquie à propos de cette situation illégale ?

Mme LA PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES* – En ce qui concerne la première question, le sujet mentionné n’a pas été abordé par le Comité des Ministres. Nous sommes actuellement plus préoccupés par les aspects budgétaires, même si tout est lié.

En ce qui concerne la question des minorités, qui, comme vous l’avez suggéré, permettent d’établir des passerelles entre les pays, je ne peux que répéter que la protection des minorités, question essentielle pour le Conseil de l’Europe, est l’une des grandes priorités de la présidence croate du Comité des Ministres. Au niveau national, la Croatie entend appliquer les normes les plus exigeantes en matière de droits des minorités.

Dans ce domaine, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales est en effet un instrument important. Nous sommes très heureux d’en avoir fêté cette année le vingtième anniversaire, en même temps que le dixième anniversaire du texte « sœur » que représente la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Tous les États membres de l’Organisation doivent s’engager durablement dans ce cadre, car c’est le meilleur moyen d’améliorer les relations de voisinage, mais aussi la situation de chaque minorité dans chacun des pays concernés.

Quant à la stabilité en Europe du Sud-Est, il est essentiel à nos yeux de protéger les droits des minorités. En ce qui concerne la Croatie au plan interne, je peux vous assurer que nous sommes attentifs à cet aspect dans le cadre de l’intégration européenne. En effet, nous sommes convaincus que, comme on l’entend souvent dire, on peut juger de l’état de la démocratie et de la protection des droits de l’homme dans un pays à la manière dont il traite les plus vulnérables ; or les minorités font manifestement partie de ces derniers. La Croatie soutient donc résolument ce type d’approche.

La question relative à la République de Moldova n’a pas été abordée au sein du Comité des Ministres. Ce que je sais cependant, c’est qu’elle a mobilisé beaucoup d’attention dans ce pays.

Je relève également que la requête relative à l’expulsion de ressortissants turcs a été déposée récemment au greffe de la Cour européenne des droits de l’homme. Je m’abstiendrai donc de tout commentaire portant sur cette affaire spécifique. Permettez-moi cependant un commentaire de portée plus générale. Je voudrais souligner que l’arrestation, la détention et l’expulsion d’individus doivent être strictement conformes aux obligations juridiques internationales qui incombent aux États membres, parmi lesquelles figurent les exigences formulées par la Convention européenne des droits de l’homme.

LA PRÉSIDENTE – Il nous faut arrêter là les questions à Mme Pejčinović Burić, que je remercie vivement. Je me réjouis, Madame la Présidente, de continuer notre collaboration étroite dans un futur proche.

3. Prochaine séance publique

La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30 avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

SOMMAIRE

1. Réglementer le financement étranger de l’islam en Europe afin de prévenir la radicalisation et l’islamophobie

Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Fiala du rapport de la commission des questions politiques (Doc. 14617)

Présentation par Mme Gafarova du rapport de la commission des migrations (Doc. 14625)

Orateurs : MM. Xuclà, Gavan, Mme Pashayeva, MM  Munyama, Coaker, Lord Russell, MM. Stroe, Efstathiou, Csenger-Zalán, Vallini, Büchel, Kiliç, Fournier, Mme Jones, MM. O’Reilly, Huseynov, Psychogios, Schennach, Tornare, Gonçalves, Mme Christoffersen, Lord Balfe, M. Marques

Réponses de Mmes les rapporteures et de Mme la présidente de la commission des questions politiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de résolution

2. Communication du Comité des Ministres

Mme Pejčinović Burić, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes de la Croatie, Présidente du Comité des Ministres

Questions : M. Ghiletchi, Mme Strik, Earl of Dundee, M. Michael Aastrup Jensen, M. Kox, Mme Pashayeva, M. Gattolin, Mmes Aleksandra Tomić, Eberle-Strub, M. Howell, Mmes Bartos, Supac

3. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms]

APOSTOL, Ion [Mr] (GHIMPU, Mihai [Mr])

ARENT, Iwona [Ms]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

BALFE, Richard [Lord] (McCARTHY, Kerry [Ms])

BALIĆ, Marijana [Ms]

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BECHT, Olivier [M.]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BILLI, Simone [Mr]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BOGDANOV, Krasimir [Mr]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BOSCHI, Maria Elena [Ms]

BRENNER, Koloman [Mr] (GYÖNGYÖSI, Márton [Mr])

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

ÇELİK, Sena Nur [Ms]

CEPEDA, José [Mr]

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

COURSON, Yolaine de [Mme] (LOUIS, Alexandra [Mme])

COZMANCIUC, Corneliu Mugurel [Mr] (ȘTEFAN, Corneliu [Mr])

CRUCHTEN, Yves [M.]

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

D'AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DOUBLE, Steve [Mr] (WILSON, Phil [Mr])

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr] (KYRIAKIDES, Stella [Ms])

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ENGBLOM, Annicka [Ms] (ÅBERG, Boriana [Ms])

EROTOKRITOU, Christiana [Ms] (LOUCAIDES, George [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FASSINO, Piero [Mr] (FLORIS, Emilio [Mr])

FIALA, Doris [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (OBRADOVIĆ, Marija [Ms])

FOURNIER, Bernard [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GATTI, Marco [M.]

GATTOLIN, André [M.] (MAIRE, Jacques [M.])

GAVAN, Paul [Mr]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GRAAS, Gusty [M.]

GRIMOLDI, Paolo [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAIDER, Roman [Mr]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HALICKI, Andrzej [Mr]

HASANOV, Elshad [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HERKEL, Andres [Mr] (TERIK, Tiit [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HRISTOV, Plamen [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JABLIANOV, Valeri [Mr]

JANIK, Grzegorz [Mr] (MULARCZYK, Arkadiusz [Mr])

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (BEREZA, Boryslav [Mr])

KIRILOV, Danail [Mr] (GROZDANOVA, Dzhema [Ms])

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KOBZA, Jiři [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KORODI, Attila [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KYTÝR, Jaroslav [Mr]

LABAZIUK, Serhiy [Mr] (BILOVOL, Oleksandr [Mr])

LANGBALLE, Christian [Mr] (HENRIKSEN, Martin [Mr])

LEIGH, Edward [Sir]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LINK, Michael [Mr] (JENSEN, Gyde [Ms])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOMBARDI, Filippo [M.]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

LUPU, Marian [Mr]

MADISON, Jaak [Mr] (ZZ...)

MANIERO, Alvise [Mr]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MARQUES, Duarte [Mr]

MASSEY, Doreen [Baroness]

MELKUMYAN, Mikayel [M.] (RUSTAMYAN, Armen [M.])

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MIKKO, Marianne [Ms]

MILADINOVIĆ, Stefana [Ms] (OBRADOVIĆ, Žarko [Mr])

MONTILLA, José [Mr] (GUTIÉRREZ, Antonio [Mr])

MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MUÑOZ, Esther [Ms] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

MURRAY, Ian [Mr]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OBREMSKI, Jarosław [Mr] (WOJTYŁA, Andrzej [Mr])

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O'REILLY, Joseph [Mr]

ORLANDO, Andrea [Mr]

PACKALÉN, Tom [Mr]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (SEKULIĆ, Predrag [Mr])

PISCO, Paulo [M.]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

PODERYS, Virgilijus [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])

PUTICA, Sanja [Ms]

RAMPI, Roberto [Mr]

RAUCH, Isabelle [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

RUSSELL, Simon [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

ŞAHİN, Ali [Mr]

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEŠELJ, Aleksandar [Mr]

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SIRAKAYA, Zafer [Mr]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

STIER, Davor Ivo [Mr]

STRIK, Tineke [Ms]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TOMIĆ, Violeta [Ms] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TRISSE, Nicole [Mme]

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

VALENTA, Jiři [Mr] (STANĚK, Pavel [Mr])

VALLINI, André [M.] (LAMBERT, Jérôme [M.])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VEN, Mart van de [Mr]

VOGT, Günter [Mr] (WENAWESER, Christoph [Mr])

WASERMAN, Sylvain [M.]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

YEMETS, Leonid [Mr]

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]

YILDIZ, Zeynep [Ms] (GÜNAY, Emine Nur [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (MALLIA, Emanuel [Mr])

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ANTL, Miroslav [M.]

COAKER, Vernon [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

GOLUB, Vladyslav [Mr]

KATSIKIS, Konstantinos [Mr]

MANNINGER, Jenő [Mr]

MASIULIS, Kęstutis [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

VENIZELOS, Evangelos [M.]

VICKERS, Martin [Mr]

WALLINHEIMO, Sinuhe [Mr]

WHITFIELD, Martin [Mr]

ZAVOLI, Roger [Mr]

Observers / Observateurs

HARDER, Rachael [Ms]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALAZZAM, Riad [Mr]

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

AMRAOUI, Allal [M.]

BOUANOU, Abdellah [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

LEBBAR, Abdesselam [M.]

MUFLIH, Haya [Ms]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan