FR18CR33

AS (2018) CR 33
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-troisième séance

Mercredi 10 octobre 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. L’avenir du Conseil de l’Europe
Débat d’actualité

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat d’actualité sur «L’avenir du Conseil de l’Europe».

Je vous rappelle que le débat d’actualité est limité à une heure et demie.

Le temps de parole de chaque intervenant est fixé à 3 minutes, à l’exception du premier orateur, désigné par le Bureau parmi l’un des initiateurs du débat, qui dispose de 10 minutes.

Lord BLENCATHRA (Royaume-Uni)* – Quand mon groupe, le Groupe des conservateurs européens, a proposé ce débat, nous l’avions intitulé «Le Conseil de l’Europe, une organisation en crise». Hier, j’écrivais que le Conseil de l’Europe n’avait pas d’avenir, parce que des technocrates non élus prenaient les responsabilités. Aujourd’hui, la phrase que j’utiliserai est: «Le Conseil de l’Europe a un avenir», parce que la volonté politique a prévalu, même si nous sommes toujours en crise.

Un scandale de corruption a entaché notre réputation. Suis-je le seul à penser que les sanctions n’ont pas été à la hauteur? S’ajoutent les difficultés financières. La solution du Secrétaire Général était d’obtenir à tout prix l’argent de la Fédération de Russie, solution rejetée hier, à juste titre. Sir Roger Gale l’a dit clairement: «La position de la délégation britannique est unanime: les principes de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ne sont pas à vendre. L’Assemblée se réserve le droit de contester les pouvoirs et d’imposer des sanctions quand cela est nécessaire. Cet exercice est une véritable erreur de la part du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parlementaire est une assemblée élue.»

Comme l’aurait dit Georges Orwell, le but était d’affaiblir la possibilité qu’ont les parlementaires de prendre des décisions. La Fédération de Russie viole le droit international en annexant la Crimée. Des bureaucrates nous disent que nous dépassons nos compétences en prenant des sanctions. Cette Assemblée inclut des centaines de responsables politiques de la quasi-totalité des pays européens. On essaie simplement de la réduire au silence, et de faire prévaloir d’autres principes. On croirait une scène de La vie de Brian des Monty Python, au moment de la crucifixion du Christ. La version de M. Jagland est que, lorsque la Fédération de Russie a envahi la Crimée, nous n’avions pas l’autorité pour prendre des mesures.

Que les choses soient claires. Je veux rencontrer nos collègues russes et dialoguer avec eux. Les Britanniques souhaitent aborder un certain nombre de sujets avec les Russes. Cependant, nous ne pouvons accepter qu’ils ne soient présents que dans les conditions voulues par M. Poutine. Je m’adresse donc directement au peuple russe. Vous êtes un grand peuple, qui mérite d’être entendu par tous les autres représentants des pays membres du Conseil de l’Europe. C’est une perte pour nous tous que votre absence à la table commune. Exercez des pressions sur votre gouvernement et sur vos responsables politiques pour pouvoir revenir au Conseil en tant que partenaires, sur un pied d’égalité, partageant les mêmes droits et les mêmes responsabilités. Écrivez à la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour que votre point de vue soit connu.

Le Secrétaire Général a bien évidemment besoin d’un budget durable, ce qui implique des coupes budgétaires dans certains programmes. Cependant, il ne faut pas se plier aux volontés des grands contributeurs pour recevoir de l’argent. Nous sommes l’Assemblée parlementaire! Insistons sur le terme «parlementaire»! Pourquoi dépenser nos ressources pour le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux? Le site internet du Conseil de l’Europe dit qu’il est composé de deux chambres, de trois comités et de centaines de responsables élus qui représentent plus de 2 000 pouvoirs locaux et régionaux. Cela coûte 7,5 millions d’euros en gestion et fonctionnement. S’ajoute un grand nombre de personnels. S’ajoute la Conférence internationale des ONG. D’après notre site internet, la Conférence inclut environ 400 ONG internationales et met en place des liens entre les politiques et les populations. Mais pourquoi avons-nous besoin des ONG pour nous adresser aux citoyens européens? Voilà une insulte faite aux parlementaires. C’est la mission des membres élus que d’être en contact avec les citoyens et de ne pas avoir à passer par le truchement d’une ONG non élue. Le Conseil de l’Europe est une organisation unique. L’Europe a besoin du Conseil et de l’Assemblée plus que jamais, et nous devons nous concentrer sur notre cœur de responsabilités.

Nous menons certaines actions parfaitement bien. Je suis arrivé, mardi, après une mission d’observation des élections en Bosnie-Herzégovine, mission présidée par Dame Cheryl Gillan. Une autre équipe de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe va se rendre en Géorgie d’ici deux semaines. Je me suis aussi rendu en Turquie et en Azerbaïdjan. Mme Sotnyk présidait la mission en Turquie. Je puis vous assurer que nos collègues s’acquittent avec brio de leur tâche, appuyés par un secrétariat de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe extrêmement professionnel. Partout où nous nous rendons, des organisations locales nous demandent d’envoyer plus d’observateurs. Les responsables de l’opposition en Turquie nous ont demandé d’en envoyer des centaines de plus. Il faudrait envoyer le double d’observateurs pour effectuer des vérifications dans le double de bureaux de vote. Il faut faire plus.

Regardez tous les problèmes que rencontre l’Europe. Nous les ignorons actuellement. Dans les années à venir, des dizaines de millions d’Africains viendront en Europe, non en tant que réfugiés qui fuient la torture, la guerre et l’horreur, mais simplement pour chercher un avenir meilleur. Ils viendront avec une culture totalement différente de notre culture européenne, qui est celle dans laquelle nous vivons depuis plusieurs siècles. Nous nous inquiétons de toutes ces personnes qui meurent en Méditerranée, mais nous faisons peu pour essayer de trouver des solutions qui les encouragent à rester en Afrique et à contribuer au développement de leur continent. Nous allons avoir un débat sur l’autonomisation des femmes en tant qu’acteurs clés pour l’intégration des migrants. Mais quand aurons-nous un rapport sur l’autonomisation des femmes en Afrique, pour obtenir une égalité économique et politique pour ces femmes dans leurs pays? Voilà ce qui doit être la priorité des rapporteurs. Des représentants d’Israël et de Palestine siègent au sein des mêmes commissions: n’est-ce pas la meilleure opportunité de faire des progrès au Proche-Orient? Nous laissons pourtant les États-Unis, la troïka européenne, Tony Blair ou l’Union européenne s’en occuper.

Chers collègues, il nous faut réorganiser nos semaines de travail à Strasbourg. Nous sommes une assemblée parlementaire au sein de laquelle tous les parlementaires de tous les pays membres doivent pouvoir faire entendre leur voix. Nous laissons s’exprimer des personnalités qui n’apportent pas grand-chose à nos débats, parfois inconnues dans leur propre pays, puis nous refusons un temps de parole à des parlementaires! Pourquoi un parlementaire se déplacerait-il à Strasbourg s’il ne peut s’exprimer?

Nos débats ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. Nous devons sanctuariser le débat libre du lundi. Supprimons les rapports d’activité ce jour-là. Organisons des débats d’urgence les lundis et mercredis. Évitons des rapports rédigés à la va-vite. Sur un sujet donné, les commissions pertinentes doivent travailler en vue de la prochaine session plénière, ce qui permettra de disposer de rapports de meilleure qualité.

Chers collègues, le titre du débat de vendredi matin: «Accords négociés dans le cadre de procédures pénales: le besoin de normes minimales pour les systèmes de renonciation au procès», suffit à expliquer qu’il n’y ait qu’un seul orateur inscrit. Le sujet est tout sauf passionnant!

Nous devons diminuer nos dépenses, les adapter à nos recettes, nous attaquer aux nouveaux problèmes de l’Europe, nous préoccuper des droits humains des nouveaux arrivants, aussi importants que les droits des personnes déjà présentes, veiller à ce que les parlementaires jouent un rôle central en session plénière.

En résumé, moins de rapports et plus de débats sur les sujets importants.

Pour reprendre une formule qui a fait florès en Angleterre, il est temps que les parlementaires reprennent le contrôle, c’est ainsi que nous offrirons au Conseil de l’Europe un avenir meilleur.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons aux porte-parole des groupes.

Mme KAVVADIA (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* –Chers collègues, il est heureux que le titre de notre débat d’aujourd’hui ait été modifié afin de présenter de manière plus positive les perspectives de notre Organisation. Cependant, le titre précédent, qui qualifiait le Conseil de l’Europe d’«organisation en crise», avait l’avantage de refléter la réalité de la situation.

En réalité, la crise touche moins le Conseil que l’Europe elle-même, et plus particulièrement le cadre institutionnel d’intégration né aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale afin d’assurer la paix, de promouvoir la démocratie, l’État de droit et la prospérité économique.

Ce cadre peut-il permettre à notre continent de faire face aux défis actuels? Pouvons-nous oblitérer le fait que le Brexit constitue pour l’Union européenne une amputation violente? Pouvons-nous dissimuler le fait que l’Eurozone est en constant déséquilibre, ce qui laisse planer des doutes sur sa viabilité, que l’Europe n’a pas su traiter la crise des réfugiés et des migrants de manière conforme à ses valeurs et ses intérêts, que l’extrême droite progresse dans de nombreux États membres de l’Union européenne au sein desquels se développe à grande échelle une rhétorique raciste et xénophobe?

Le Groupe pour la gauche unitaire européenne a toujours soutenu que l’origine de ce grand déclin européen réside dans le néolibéralisme, les inégalités sociales et économiques, l’exclusion de larges parties de nos populations, l’affaiblissement du tissu social, l’utilisation du nationalisme comme dérivatif à la colère populaire.

Cependant, en qualité de force politique de progrès qui soutient la solidarité européenne, la paix et la démocratie, nous formulons des propositions pour l’avenir du Conseil de l’Europe et de cette Assemblée, en lien avec les travaux du comité ad hoc.

De nombreux collègues seront d’accord pour reconnaitre que nos propositions sont de nature à renforcer notre Organisation comme outil alternatif de l’intégration européenne et à renforcer également notre Assemblée qui a pu, à juste titre, être appelée «la conscience démocratique de l’Europe élargie».

Nous devons sauvegarder notre système unique de protection des droits de l’homme, fondé sur nos conventions, notamment la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne.

Permettez-moi de terminer par une question: croyons-nous vraiment que notre Assemblée puisse jouer un rôle comme forum de diplomatie interparlementaire si elle n’est pas à la hauteur de ses principes fondateurs? L’atout maître du Conseil de l’Europe est d’inclure la grande majorité des États européens. Si nous l’oublions et commençons à exclure des États membres, nous ne ferons qu’accélérer le déclin de notre Organisation. Voulons-nous assumer cette responsabilité?

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Mes chers collègues, je m’engage à ne pas évoquer la Russie cette fois-ci et à centrer mon propos sur l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont nous célébrons le 70e anniversaire de la création.

Pendant ces 70 ans, le contexte a évolué. Il n’est plus aussi favorable aujourd’hui pour les organisations internationales. Comme les travaux de cette semaine le démontrent, le Conseil de l’Europe traverse une crise; son organisation actuelle n’est pas satisfaisante. Il nous faut le reconnaître.

Il y a 70 ans, sa création est intervenue dans un contexte de paix entre les États membres. Aujourd’hui, nous sommes en situation de conflit malheureusement. Des réformes sont nécessaires. Il faut y réfléchir. Confier la rédaction d’un rapport à un collègue de la commission du Règlement serait insuffisant car il ne s’agit pas d’une simple question règlementaire.

Il conviendrait d’organiser un groupe de sages chargés de réfléchir à un nouveau rêve. Car nous devons rêver comme les créateurs du Conseil l’ont fait en leur temps! Il nous faut trouver un nouvel équilibre entre universalisme des valeurs et efficacité. Il nous faut songer aux moyens de renouveler totalement le Conseil de l’Europe.

M. COAKER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – J’ai envie de me lever pour dire au Conseil de l’Europe que le moment est venu d’avoir plus confiance en lui. Certes, nous sommes confrontés à des difficultés pour aller de l’avant, certes, des débats suscitent parfois des conflits entre nous, mais j’ai aussi envie de dire combien je trouve extraordinaire que les pays européens se trouvent réunis, ensemble, dans cette enceinte.

Il faudrait pouvoir parler aux pères fondateurs. Imaginez-les, tels qu’ils sont décrits sur notre site internet: Churchill, Adenauer, De Gasperi, et tous ceux qui ont posé les bases du Conseil de l’Europe. Imaginez-les, à la fin de la Seconde Guerre mondiale: des millions de morts, l’Europe détruite, des pays en ruines, des violations des droits de l’homme comme on n’en avait jamais connu auparavant! Pourtant, ces hommes, et ces femmes aussi, se sont réunis pour dire qu’ils allaient trouver une voie meilleure.

Revenons à leur vision. C’est elle qui doit nous inspirer, plutôt que de s’abandonner au désespoir devant les problèmes actuels. C’est parce que l’Europe existe que nous pouvons nous réunir quand des problèmes surgissent et doivent être examinés par tous les pays européens. Churchill a dit: «Les dangers qui nous menacent sont grands, mais notre force aussi est grande.» Il n’y a pas de raison que nous ne réussissions pas à atteindre nos objectifs. Comme le disait Adenauer, il est extrêmement significatif qu’il existe au moins un endroit où l’ensemble des pays de l’Europe peuvent se réunir. Ce sont des mots de 1949. Nous sommes aujourd’hui en 2018, et ces mots doivent encore résonner à nos oreilles, comme si ces hommes nous parlaient encore aujourd’hui.

Bien sûr, des problèmes se posent et nous nous heurtons à des difficultés, parmi lesquelles la Russie, les migrations. Mais nous qui sommes ici, nous pouvons parler, discuter, débattre, pour trouver des solutions à ces problèmes, non pas dans une Europe qui se déchire, mais dans cet hémicycle consacré aux débats. C’est ici que nous nous battons pour nos idées, la liberté de la presse, les droits des personnes LGBT – lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres –, la détention sans procès, la liberté de religion, tous ces principes sur lesquels notre Assemblée repose.

Nous sommes à un carrefour: soit les pays se replient sur eux-mêmes, cherchent des solutions à l’intérieur de leurs frontières, soit nous avons confiance et nous nous disons que nous avons été créés en vertu de principes, et nous croyons que si les pays travaillent ensemble et coopèrent, ils s’en sortiront beaucoup mieux que si nous poursuivons nos objectifs individuellement et si nous nous battons.

Revenons aux mots de nos pères fondateurs: nous pouvons surmonter les défis qui sont les nôtres et nous le ferons mieux en travaillant ensemble. Tel est le message que nous devons adresser aujourd’hui aux peuples européens à partir de cet hémicycle!

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma gratitude à Lord David Blencathra pour cette extraordinaire et remarquable déclaration liminaire et pour les idées qu’il a exprimées sur l’avenir de notre Organisation, le Conseil de l’Europe, et notamment de notre Assemblée parlementaire. Je souscris également aux propos de notre collègue qui vient de s’exprimer, à savoir qu’il ne s’agit pas seulement d’un débat sur l’avenir, mais également d’une réflexion sur la crise que nous traversons, car si nous n’analysons pas la situation actuelle, il sera bien difficile de nous fixer un cap pour l’avenir.

Souvent, nous parlons de l’issue de cette crise. Tient-elle aux procédures, aux questions financières? Mai de toute façon ni les unes ni les autres ne suffiront à trancher sur l’avenir de l’Organisation. Nous devons réfléchir aux valeurs, aux comportements. C’est bien le problème qui se pose à nous: il nous faut nous pencher sur nous-mêmes. Pouvons-nous imaginer une organisation dans laquelle 8 pays sur 47 sont en guerre les uns avec les autres? Pouvez-vous imaginer l’avenir d’une telle organisation? Pouvez-vous imaginez une organisation dans laquelle 10 ou 12 pays font l’objet d’un suivi extrêmement rigoureux alors qu’un traitement tout à fait différent est réservé aux autres, parce qu’ils sont dits «démocraties anciennes»? Pouvez-vous imaginer une organisation où, très souvent, on parle d’antisémitisme et d’islamophobie? Il faut bien comprendre que si nous ne changeons pas vraiment nos attitudes, nos comportements les uns envers les autres, nous ne pourrons pas réfléchir à l’avenir de notre Organisation, à l’avenir de notre Assemblée parlementaire

À mon sens, il convient de créer sans délai une commission ou un groupe ad hoc, pour réfléchir à la solution qui nous permettrait de sortir de cette crise et à ce que nous devrions faire pour pouvoir insuffler des idées nouvelles qui seraient acceptables pour les 47 États membres. Alors seulement nous pourrions nous retrouver ensemble. Sans cela, l’avenir de cette Organisation est sombre et pourrait être remis en question.

Si le temps très limité dont nous disposons nous permettait de nous comprendre, de nous écouter, de nous respecter les uns les autres, nous pourrions peut-être définir un futur.

M. BECHT (France), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe - Le Conseil de l’Europe vit une crise profonde, nul ne peut le nier.

Première institution européenne créée après la Seconde Guerre mondiale, comment échapperait-il d’ailleurs à cette crise qui est d’abord celle de l’Europe dans son intégralité?

Après deux guerres mondiales qui avaient décimé notre continent, nos aînés ont fait le pari fou d’unir leurs États autour d’un rêve puissant, celui de la paix et de la prospérité, et autour de valeurs fortes, héritées du siècle des Lumières, les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie.

Soixante-dix ans plus tard, ce rêve est devenu réalité. Et c’est la raison pour laquelle ce n’est d’ailleurs plus un rêve mais, pour nombre de nos concitoyens, un simple acquis. Parallèlement, les institutions européennes, fortes de leurs succès, sont souvent passées en mode «gestion» davantage qu’en mode «projet». Aujourd’hui, elles gèrent trop le présent et ne construisent pas assez l’avenir.

Cette Europe, très juridique, a bien sûr sa raison d’être. Mais elle a perdu la force de ses idéaux. Face aux peurs issues de la mondialisation, du terrorisme, des grandes migrations, elle semble incapable d’apporter des réponses efficaces et, plus encore, les rêves qui, seuls, sont capables de nous faire dépasser nos peurs.

Mes chers collègues, soyons lucides, si cette Europe poursuit une vision strictement juridico-technocratique, elle mourra, dans les urnes, du rejet de nos concitoyens; et la déconstruction de l’Europe ramènera alors les guerres du XXe siècle.

Le groupe ADLE, convaincu de la responsabilité que nous avons devant l’Histoire, souhaite que nous préservions à tout prix le socle fondamental du Conseil de l’Europe autour des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Mais nous voyons bien que, pour garantir nos valeurs, il va falloir réveiller le rêve européen, c’est-à-dire motiver nos concitoyens, leur donner une nouvelle raison de croire en l’Europe. Pour cela, l’Europe doit relever les défis qui vont intéresser les gens, voire les enthousiasmer au XXIe siècle.

C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de travailler sans tarder à une réforme profonde de notre Institution. Osons dépasser nos querelles par le haut. Osons imaginer les projets concrets qui uniront les États et les hommes. Osons des projets pour améliorer la santé, trouver les thérapies qui vaincront le cancer, offrir une vie débarrassée de la maladie. Osons rechercher ensemble les énergies de demain, osons créer l’économie circulaire pour arrêter de puiser et d’épuiser les ressources de la planète. Osons bâtir les nouveaux moyens de transport non polluants. Osons retrouver le chemin de la conquête spatiale pour ne pas laisser le champ aux seuls Américains et aux seuls Chinois.

Voici quelques-uns des défis que l’Europe des 47 pourrait relever, en coopération avec l’Union européenne, mais aussi avec les grandes nations russe et turque et les autres peuples de l’Europe centrale et orientale. Le Conseil de l’Europe, en coordonnant une sorte de Communauté européenne technologique et humaine, en plus de ses missions actuelles, retrouverait un souffle nouveau.

Cette proposition n’est pas une chimère, elle n’implique pas de bouleverser notre Statut puisque l’article 1er paragraphe b, dit bien que le but du Conseil de l’Europe est poursuivi par la conclusion d’accords et d’actions communes dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l’homme. Mais pour y arriver, il est temps de retrouver l’audace, la vision, la foi et le courage des pères fondateurs. C’est ce qui sauvera l’Europe, ce qui sauvera le Conseil de l’Europe. C’est aussi, mes chers collègues, ce qui sauvera la paix!

LA PRÉSIDENTE – La parole est maintenant à Mme Katsarava, que je ne vois pas dans la salle…

Madame Katsarava, je constate que vous n’êtes pas installée à votre place habituelle. Normalement, vous devriez y être afin que je puisse vous donner la parole. Je vous la donne exceptionnellement, mais j’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’il est bien spécifié que les oratrices et les orateurs parlent depuis leur place. Faute de quoi, il est très difficile de gérer les débats d’un point de vue technique.

Mme KATSARAVA (Géorgie)* – Je vous remercie, Madame la Présidente.

J’exprimerai notre vision de l’avenir de l’Organisation et ce qu’il conviendrait de faire pour la rendre plus efficace et davantage tournée vers l’obtention de résultats.

En premier lieu, je veux insister sur l’attention que les parlementaires doivent prêter au cœur de leur mission, à leurs priorités, celles de chaque État membre du Conseil de l’Europe.

Ma deuxième remarque concerne les fondements de cette Organisation, qui doit rester solide et résiliente. Je suis convaincue que l’avenir du Conseil de l’Europe repose sur les valeurs et les normes élevées que représente d’Organisation. Il en va de la crédibilité, de l’efficacité et de la résilience de notre Organisation, si importante. Je voudrais, à cet égard, brièvement revenir sur les débats d’hier. Si des changements au Règlement devaient être adoptés, ce serait avant tout pour renforcer nos principes et nos valeurs, et non pas les saper. Le contraire reviendrait à envoyer un très mauvais message à l’Europe dans son ensemble et à porter atteinte à l’intégrité de l’Organisation. Je suis très heureuse d’avoir contribué à la décision prise hier, qui correspond aux principes essentiels de l’Assemblée. Ce type de décision est précisément à même de renforcer la confiance et la crédibilité de l’Organisation, laquelle doit continuer à montrer l’exemple aux États membres. De ce point de vue, je dois évoquer les problèmes de corruption, qui ne concernent pas seulement le Conseil de l’Europe. La corruption est un phénomène social particulièrement destructeur, pernicieux pour la gouvernance. Il est très important de la réduire significativement et de construire des institutions et des organisations qui y résistent. C’est vital pour nous. Si le Conseil de l’Europe souhaite restaurer sa crédibilité, il doit d’abord lutter contre la corruption en son sein. Une tolérance zéro doit être de mise à l’égard des pratiques de ce type. Une réforme anticorruption doit figurer parmi les priorités de l’Organisation et des États membres.

Je voudrais faire une dernière remarque sur les obligations financières. Il est très important que tous les États membres appliquent les normes et s’acquittent de leurs obligations, y compris financières. C’est un engagement que tous doivent respecter. C’est vital pour le fonctionnement du Conseil de l’Europe. Aucun pays ne peut utiliser son appartenance au Conseil de l’Europe pour exercer une influence. Par ailleurs, l’Organisation doit faire un meilleur usage de ses ressources financières. Dans cette optique, une réforme plus approfondie me semble nécessaire. Enfin, il existe une autre obligation que nous partageons tous – le respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est de notre devoir de les appliquer de bonne foi. Il faut trouver des mécanismes pour répondre de façon adéquate au problème du non-respect de ces décisions.

Voilà les trois domaines dans lesquels nous disposons d’une marge d’amélioration considérable. Il est essentiel de poser les bonnes questions et d’y répondre de façon complète. Nous devons surmonter ces défis. Ce n’est pas encore fait.

LA PRÉSIDENTE – La parole est à M. Usov.

M. YEMETS (Ukraine)* – Rappel au Règlement! Je suis inscrit avant M. Usov sur la liste des orateurs.

LA PRÉSIDENTE – Vous n’êtes pas assis à la place à laquelle vous devriez vous trouver. Comme je l’ai déjà indiqué, n’étant pas en mesure de savoir si vous êtes présent, je ne peux pas vous donner la parole. Je le rappelle, un orateur doit parler depuis la place qui lui est affectée. À défaut, il n’est pas possible de diriger la séance. C’est la raison pour laquelle j’ai donné la parole à M. Usov.

M. USOV (Ukraine)* – Hier, j’ai commencé à douter de notre Assemblée car j’ai eu le sentiment que son essence même était en train de se fissurer, si l’on peut dire. Des principes politiques ainsi qu’une véritable exigence de dignité fondent notre Organisation, créée par Winston Churchill et les grands esprits de l’après-guerre. Or hier, il m’a semblé que nous ne pourrions survivre à un pur chantage financier – ce que j’ai trouvé surprenant. Pourquoi? Sont-ce les fondations mêmes du Conseil de l’Europe qui posent problème? Ou bien est-ce la cime de notre grande construction internationale qui est défectueuse? Le monde change très vite et l’Europe a besoin d’un organe fort pour défendre les droits de l’homme. C’est essentiel. Nous passons beaucoup de temps et nous déployons beaucoup d’énergie, ici, pour veiller à ce que le Conseil de l’Europe fonctionne et soit le chien de garde de la Cour européenne. Nous ne sommes des marionnettes chargées de divertir les hauts responsables de l’Organisation et de leur donner quelques os russes à ronger.

Nous devons lutter contre toutes les formes de corruption au sein de notre maison. Nous devons nous débarrasser de tout accord suspect, de tout intérêt qui détruirait notre Organisation politique. Certains ont tenté – et, pour être franc, ont réussi jusque-là – de la saper. Nous devons être moins dépendants de certains bureaucrates au sein du Conseil de l’Europe, notamment de ceux qui pensent qu’ils n’ont pas pour mission d’œuvrer pour la démocratie mais pour son contraire Nous en avons été témoins hier. Nous l’avons tous vu! Enfin, nous ne devons jamais perdre de vue notre objectif ultime, ni oublier que notre rôle est de l’atteindre. Ce rôle consiste à lutter contre la corruption en interne et contre l’immunité de ceux qui sapent notre Organisation, à réduire notre dépendance vis-à-vis de l’argent et de tous les bureaucrates, et à nous rappeler pourquoi nous sommes là.

M. YEMETS (Ukraine)* – Je serais heureux de pouvoir dire aujourd’hui que nous avons surmonté la crise, que nous sommes plus unis que jamais, que nous continuons à œuvrer pour le bien-être des citoyens de nos pays et du monde entier. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Non seulement l’avenir du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée est en jeu, mais les valeurs mêmes de notre civilisation, sur lesquelles notre Organisation est fondée, sont attaquées – et nous savons tous quel est le nom de cet agresseur qui tente de détruire notre Organisation. C’est la Russie et sa guerre hybride, qui souhaite changer l’ordre mondial. Ce pays n’est pas satisfait d’un format qui permet à tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils soient dotés ou non de l’arme nucléaire, d’avoir les mêmes droits. La Russie souhaite changer les règles, pour que la puissance l’emporte sur la loi. Hier comme aujourd’hui, notre Organisation reste en première ligne de ce combat. Quand je parle d’hier, je parle en fait d’avant-hier, le jour où nous avons décidé que les valeurs l’emporteraient sur l’argent russe. C’est une bonne nouvelle, du moins pour la majorité des personnes présentes ici. Mais la mauvaise nouvelle est que les institutions européennes ne semblent pas être du même côté de la barrière. Il me paraît ainsi inacceptable que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe puisse parler dans l’hémicycle sans tenir compte de nos règles, car il n’a pas un droit illimité à l’exmression. De même, contrairement au Règlement de l’Assemblée et à son article 20.2 qui interdit au Président de l’Assemblée de prendre part au débat, hier, notre Présidente s’est permise de commenter le discours de M. Goncharenko, qui qui avait, pour la circonstance, mis des gants de protection. Dès lors que des agents russes ont utilisé des substances empoisonnées pour tuer des citoyens innocents, prendre des mesures de protection ne semble pas déplacé. L’Anglaise qui a succombé à un empoisonnement au Novitchok ne trouverait pas de telles mesures excessives ou ridicules.

Une Organisation fondée sur les principes de l’égalité des citoyens et de la primauté du droit se doit de respecter ses propres règles et de se souvenir de ses valeurs. Bien sûr, si les règles changent, les valeurs risquent aussi de changer, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Aujourd’hui l’APCE reste fidèle aux droits de l’homme et je veux croire que cela va se poursuivre.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Yemets, vous ne respectez pas notre Règlement. Je rappelle que notre code de conduite prévoit que les membres de l’Assemblée doivent avoir un comportement courtois, poli et respectueux, entre eux et envers le Président ou la Présidente de l’Assemblée. Je considère que les propos que vous avez tenus ne sont pas conformes à cette règle et je vous demande de la respecter à l’avenir.

Mme D’AMBROSIO (Saint-Marin)* – Il me semble fondamental, en ce moment historique, de parler de l’avenir du Conseil de l’Europe et de cette Assemblée. Certes, il y a des problèmes, mais le Conseil de l’Europe a toujours été confronté à des crises et a toujours réussi à protéger ses valeurs. À la question de savoir si un pays doit être encore membre ou non de notre Organisation, la réponse est que le Conseil de l’Europe doit préserver les valeurs qui sont les siennes. Ce n’est pas en niant les problèmes qu’on pourra les résoudre. Il faut que nous nous relevions les manches et que nous déployions des efforts pour retrouver nos valeurs, celles de nos pères fondateurs. Comme l’a dit tout à l’heure un de nos collègues, c’est ainsi que nous pourrons trouver des solutions à la hauteur des problèmes.

En tant que responsables politiques, nous pouvons faire des erreurs, mais nous ne pouvons jamais nous soustraire au mandat qui nous est attribué. Il y a quelques années, un de nos collègues avait déclaré ici: «Je n’ai pas d’idées politiques, je n’ai que des valeurs». Nous ne pouvons laisser d’autres envahir ce terrain. Nous devons veiller à consolider la démocratie, l’État de droit et les droits humains, ici et dans nos pays.

Notre mission, notre honneur, notre devoir, c’est de trouver de nouvelles pistes pour relancer notre Organisation. Il ne s’agit pas seulement d’obtenir des résultats pour le Conseil de l’Europe. Ce nouvel élan d’une importance fondamentale, nous le voulons pour les millions de citoyens des États que nous représentons. Ce nouvel élan, ce n’est pas une question politique, c’est une question de droits et de garantie de ces droits. Je l’ai déjà dit, le Conseil de l’Europe n’est pas un pays, c’est une communauté, une assemblée de parlementaires qui ont décidé de travailler main dans la main pour les droits, pour l’égalité. Si nous oublions cette mission, ces valeurs, la démocratie, l’État de droit, si nous voulons tout réduire à des questions politiques, nous faisons erreur. La valeur même de cette Assemblée, c’est de rassembler des personnes venant d’horizons très différents, travaillant main dans la main pour en garantir l’avenir.

Je souhaite donc un dialogue renouvelé, un nouvel élan. C’est notre devoir que de le faire. Il serait véritablement dommage de ne pas saisir cette opportunité.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Quels sont aujourd’hui les principaux défis lancés à notre Assemblée parlementaire? Ceux de la confiance, de l’unité et de l’engagement vis-à-vis des idéaux de nos pères fondateurs qui ont créé cette Assemblée, qui ont créé le Conseil de l’Europe et qui ont créé notre système européen de protection des droits de l’homme.

Comment aborder aujourd’hui tous ces défis? Plusieurs voies s’offrent à nous. D’abord, nous devons mettre un terme à la pratique du deux poids, deux mesures, des règles pour nos adversaires et des excuses pour nos amis. Cela me semble inacceptable à tous les niveaux. Nous devons ensuite faire preuve d’une plus grande transparence vis-à-vis de nos citoyens. Notre efficacité est assez peu claire. Ce que nous faisons, ce que nous coûtons, n’est pas clair. Notre budget et toute l’organisation financière doivent être plus transparents et mieux liés aux résultats.

Nous devons évidemment respecter nos principes, rester fidèles à nos textes fondateurs. Il me semble que l’une des faiblesses de notre action réside moins dans la prise de décision que dans la mise en œuvre par les États membres. Nous avons longuement parlé avec nos collègues de la manière dont on pouvait rectifier le tir, trouver des solutions. Peut-être faudrait-il définir des normes égales pour tous les États membres dans la façon de mettre en œuvre ou d’assurer le suivi des décisions que nous prenons au niveau national. Ce nouveau défi sera aussi une possibilité nouvelle pour cette Organisation de se renforcer et de lui donner davantage de sens dans les États membres.

Quant à notre vision, je crois que nous n’en avons jamais manqué depuis 70 ans. La démocratie est aujourd’hui menacée. Entre les libéraux, les socialistes et ceux qui sont vraiment à gauche, nous avons, au fond, les mêmes valeurs, articulées autour de la démocratie. Il nous faut une stratégie fondée sur une estimation réaliste de ce que nous pouvons vraiment faire, sur la façon dont nous pouvons travailler ensemble pour retrouver le sens de cette Organisation et le transmettre à nos citoyens.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Lorsque de grands Européens comme Winston Churchill ou Konrad Adenauer ont fondé cette Organisation, en 1949, ils n’étaient pas seulement inspirés par les horreurs traversées pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ils voulaient qu’après cette catastrophe, on comprenne bien que la démocratie est un système de gouvernement ô combien fragile, qui doit être protégé à tout moment. C’est un processus en permanente évolution. Edmund Burk a dit: «Pour que le mal l’emporte, il suffit que les hommes bons ne fassent rien». Les hommes bons doivent donc travailler ici sans relâche contre ceux qui souhaitent saper la démocratie. C’est ainsi qu’au fil des décennies, notre Assemblée s’est saisie de bien des sujets d’actualité brûlants.

Nous constatons que la capacité du Conseil de l’Europe à suivre ces problèmes est en train de s’éroder. Cela se marque notamment par le nombre de questions d’importance très secondaire qui sont abordées au sein de l’Assemblée. Ainsi, je me souviens que nous avons eu un débat consacré à des insectes! En revanche, le Conseil de l’Europe et son Assemblée ne trouvent pas le temps de traiter les questions brûlantes telles que la protection de la liberté d’expression, et en particulier d’examiner quelles mesures prendre pour venir au secours des personnalités politiques qui sont emprisonnées, comme c’est le cas dans mon pays!

Nous devons donc faire preuve d’une extrême vigilance et affirmer qu’aucune exception n’est recevable. Voilà la grande nouvelle que nous avons annoncée hier: les règles doivent être appliquées à tous sans exception.

Je terminerai mon intervention en citant Benjamin Franklin: «Ceux qui seraient tentés de renoncer aux grandes libertés pour s’assurer quelque sécurité ne méritent ni la liberté, ni la sécurité.»

M. KITEV («l’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – Notre débat permet d’identifier les faiblesses de la plus ancienne organisation européenne et de proposer des solutions pour y remédier. Nous devons travailler inlassablement à promouvoir la démocratie et l’État de droit sur le continent européen et au-delà, face à la montée de l’extrémisme, de la violence et de l’oppression, dans un contexte marqué par des problèmes sécuritaires et migratoires importants.

La Cour européenne des droits de l’homme et le rôle renforcé de l’Assemblée parlementaire constituent les spécificités les plus intéressantes du Conseil de l’Europe, si on le compare à d’autres institutions régionales. Pour défendre ces atouts, nous devons renforcer notre engagement à la transparence et à la responsabilité. Nous devons également faire preuve d’unité afin de réaliser les principes qui sont notre héritage commun et de faciliter le progrès social et économique. Il faut promouvoir et élaborer des principes démocratiques sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que sur la base des nombreuses normes et des traités adoptés dans le cadre institutionnel de notre Organisation. À l’avenir, les parlementaires pourraient jouer un rôle plus actif et demander des comptes à leur gouvernement pour ce qui est de l’exécution des arrêts de la Cour. À cette fin, des commissions spécifiques pourraient être créées, dotées de ressources financières, et des législations particulières pourraient être proposées.

La défense des droits de l’homme ne constitue pas seulement pour nous une obligation, mais c’est également une opportunité. Certes, nos orientations politiques sont différentes, mais nous devons préserver notre unité et lutter contre toute tentative visant à briser les valeurs du Conseil de l’Europe. Dans ce temple de la démocratie, réaffirmons notre volonté de lutter contre la corruption à tous les niveaux! Je conclurai en citant Václav Havel: «Je considère ces douze étoiles comme un rappel que le monde pourrait devenir meilleur si, de temps à autre, nous avions le courage de regarder vers les étoiles.»

M. MARQUES (Portugal)* – Nous devons saisir l’occasion qui nous est donnée de procéder à une autoévaluation. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire ont pour rôle de promouvoir la paix, les droits de l’homme et l’État de droit. Pourtant, nous consacrons parfois notre temps à nous battre, entre la gauche et la droite, la Russie et l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Nous passons alors d’un sujet à l’autre en oubliant les droits de l’homme et l’État de droit. Cependant, ces valeurs ne sont ni de droite, ni de gauche!

Comme l’a dit notre collègue ukrainien, si nous sommes réunis dans cet hémicycle pour défendre les droits de l’homme, nous devrions toujours être dans le même camp, quel que soit notre bord politique. Pourtant, nous consacrons parfois trop de temps à essayer d’excuser nos amis ou de sanctionner nos ennemis!

Dans cet hémicycle, nous devons promouvoir nos valeurs et ne pas essayer d’imposer nos intérêts nationaux, or nous évoquons parfois des sujets qui ne sont pas très pertinents pour les droits de l’homme, l’État de droit ou la démocratie. Pourquoi ? Pour faire valoir nos intérêts.

Nous devons tendre vers un même objectif: il est grand temps de sortir de la crise que connaît le Conseil de l’Europe pour protéger les droits de l’homme. Nous ne pouvons pas être la seconde chambre de l’Union européenne, pas plus que nous ne pouvons l’accuser d’être responsable de nos problèmes ou lui demander de les résoudre. Néanmoins, si nous coopérons avec ses institutions, nous protégerons de manière plus efficace les droits de l’homme et l’État de droit.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Je veux vous faire part de mon émotion et de celle de mes compatriotes lors des débats d’hier. Chers collègues, comprenez que, souvent, lorsque nos électeurs viennent nous trouver, ce n’est pas pour nous demander de résoudre des problèmes d’ordre économique ou de modifier la législation, mais pour nous dire: «Mon fils a été tué hier.» ou «Ma maison a été détruite.». Or cette situation est le fait d’un autre État membre du Conseil de l’Europe! Il me semble que vous pouvez comprendre notre émotion.

Savez-vous que l’Ukraine abrite près de 2 millions de réfugiés, c’est-à-dire une population aussi importante que la population totale de certains États membres?

Notre situation est très difficile, cependant nous ne demandons pas d’argent pour résoudre ce problème. Au contraire, l’Ukraine a récemment apporté une contribution volontaire supplémentaire au Conseil de l’Europe, parce que nous croyons à cette Organisation. En effet, nous savons que c’est elle qui est la source des normes les plus élevées au monde en matière de droits de l’homme. Nous sommes les gardiens de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus hier.

Des centaines de millions de personnes attendent de nous que nous défendions réellement les droits de l’homme. Qui aurait besoin d’un chien de garde qui ne pourrait pas mordre mais seulement aboyer?

Il suffit de regarder notre ordre du jour de la semaine pour mesurer l’importance des sujets dont nous débattons ici: la sécurité nucléaire, les femmes et les droits humains, entre autres. Ne sous-estimons donc pas notre Organisation. Battons-nous pour elle! Nous pouvons avoir beaucoup de force. Je crois en notre avenir. Hier, nous avons évoqué des défis considérables, dont le scandale de la corruption et l’annexion, pour la première fois de notre histoire, du territoire d’un État membre par un autre – je veux parler de l’Ukraine et de la Crimée. Malgré toutes ces difficultés, je crois en notre Organisation. L’an prochain, nous élirons un nouveau Secrétaire Général, et cela donnera un nouvel élan à notre action.

Je le répète: ne nous sous-estimons pas, soyons fermes, allons de l’avant. Les populations du continent européen ont vraiment besoin de nous!

M. WHITFIELD (Royaume-Uni)* – Après ce discours plein d’émotion, on comprend mieux ce qui fait l’importance de notre débat: nous avons des règles, des règlements, des principes moraux et des convictions, mais nous avons aussi des émotions, et ce sont elles que nous apportons ici lorsque nous y évoquons les sujets qui nous tiennent à cœur.

C’est aujourd’hui la 16e Journée mondiale contre la peine de mort, et c’est l’occasion de mettre l’accent sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. Il y a 70 ans, cette Organisation est née sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale pour se tourner vers l’avenir. Le chemin parcouru en 70 ans n’a pas été facile. Nous avons connu de nombreuses crises, et certains diraient que, parfois, nous nous sommes trompés de direction, nous avons pris la mauvaise décision. Mais nous avons continué, et c’est ensemble que nous avons décidé. Nous n’avons jamais débouché sur un cul-de-sac, nous n’avons jamais échoué à résoudre un problème. Peut-être n’avons-nous pas trouvé la meilleure solution, mais nous en avons trouvé une.

À l’avenir, il nous arrivera à nouveau de nous trouver à la croisée des chemins et de connaître des crises – certaines que nous pouvons anticiper, d’autres qui nous prendront par surprise. Mais c’est uniquement en siégeant, en discutant, en débattant, en écoutant, dans cette enceinte que nous trouverons une solution. Là encore, ce ne sera pas toujours la meilleure, mais nous en aurons une, que nous pourrons tous adopter.

Nous vivons un temps où l’on s’en remet souvent à soi-même quand il s’agit de résoudre un problème. Ici, nous pouvons regarder vers l’extérieur, voir au-delà de nos frontières, au-delà des conflits actuels. C’est important, parce que cela signifie que nous pouvons servir d’exemple moral à des nations, à des continents, et même au monde, quand il s’agit de défendre les personnes qui ne peuvent pas se défendre elles-mêmes – dont toutes celles dont nous avons parlé cette semaine, des mineurs palestiniens aux femmes en passant par les LGBTI; en fait, toute personne humaine vivante.

J’aimerais conclure par une citation de Sir Roger Gale que j’ai lue aujourd’hui même en visitant une exposition organisée dans nos bâtiments. Lorsque Murat Arslan, lauréat du prix Václav Havel l’an dernier, n’a pu venir recevoir sa récompense, Sir Roger Gale a déclaré: «Nous saluons leurs efforts. Václav Havel lui-même plaidait pour que l’on construise une société plus juste et plus pacifique, pour que nous réfléchissions à ce que nous faisons et ne faisons pas, guidés dans la bonne direction comme une boussole morale.» Voilà pourquoi nous nous réunissons plusieurs fois par an!

Mme DURANTON (France) – L’avenir du Conseil de l’Europe: voilà un sujet de débat vaste et important. Non, le Conseil de l’Europe ne va pas bien. Nos débats d’hier l’ont montré, et nous avons récemment été confrontés à bien des difficultés, dont des affaires de corruption au sein même de notre Assemblée.

Le Conseil de l’Europe se trouve dans une situation paradoxale: ambitionnant légitimement de devenir une organisation paneuropéenne, il souffre aujourd’hui des effets de sa dilution après un élargissement sans doute trop rapide et peu exigeant. Dans l’euphorie d’un prétendu nouvel ordre mondial, nous n’avons pas voulu voir les immenses difficultés qui affectaient plusieurs États européens et les affectent parfois encore. Nous avons naïvement cru que ces États adopteraient sans ciller nos valeurs. Aujourd’hui, nous voyons les résultats: certains États membres ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris lors de leur adhésion, en dépit de l’assistance que leur apportent tant le Conseil de l’Europe que notre Assemblée. Cette situation est parfois voulue: la démocratie et les droits de l’homme ne sont pas des priorités pour tous les dirigeants européens.

Peut-on dire pour autant que le Conseil de l’Europe n’a pas d’avenir? Je ne le crois pas un instant! Au contraire. Les valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit constituent le patrimoine commun de nos États et la valeur ajoutée de notre continent. Assurer leur respect et les faire vivre, telle est la raison d’être du Conseil de l’Europe. C’est pourquoi nous devons rester unis. Nous avons su nous retrouver dans la grande Europe au lendemain de la chute du mur de Berlin et du totalitarisme soviétique. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle essentiel pour rassembler des pays européens trop longtemps divisés par des guerres meurtrières.

Aujourd’hui, l’Europe doit résister à des tentatives de division qui peuvent venir de l’extérieur. Ne nous leurrons pas: au-delà des aspects économiques et commerciaux, l’Europe est aussi une cible en raison des valeurs qu’elle promeut. Dans un contexte géopolitique marqué par le repli identitaire, le protectionnisme et la brutalité, voire la violence comme mode de règlement des différends, les valeurs européennes sont nécessairement contestées et attaquées. Nous avons affaire à une remise en cause généralisée de leur portée universelle. Les coups sont portés à la fois par l’islamisme radical et par de grandes puissances qui ont pour seul point commun la nature non démocratique de leur régime. Ils le sont aussi parfois, depuis le début de l’année dernière, par notre grand allié naturel; je le regrette profondément.

Promouvoir sans complexe nos valeurs, en coopération avec les Nations Unies et l’Union européenne, développer des contre-discours, en particulier sur internet et sur les réseaux sociaux, et lutter contre les fake news constituent autant d’axes de travail pour notre Organisation. Voilà un beau chantier pour le Conseil de l’Europe au cours des années à venir!

Mme FIALA (Suisse)* – Comme présidente de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, je me sens investie d’une responsabilité particulière, qui m’impose d’exprimer mon opinion dans cet important débat.

Je suis convaincue que notre avenir dépend de notre capacité à défendre nos valeurs communes. Pour rester fidèles au projet originel de notre Organisation, créée pour prévenir les guerres, promouvoir la démocratie, protéger les droits de l’homme et préserver l’État de droit, nous devons être indépendants, notamment financièrement. Notre pérennité financière ne doit pas dépendre d’un pays en particulier, sans quoi nos valeurs peuvent être menacées, comme nous le voyons aujourd’hui, et nos résolutions se voir réduites à un bout de papier.

La solution logique à nos problèmes financiers, qui résultent du chantage financier exercé par certains États membres, consiste à assumer une responsabilité commune et à montrer que les États membres du Conseil de l’Europe peuvent, ensemble, combler notre manque de ressources pour assurer le fonctionnement futur de l’Organisation.

À cette fin, notre Organisation doit trouver des solutions innovantes à ses problèmes et être capable de réagir rapidement et efficacement. Lors de la réunion de notre commission en Jordanie, nous avons vu comment la technologie blockchain permettait de venir en aide aux réfugiés, en leur fournissant des pièces d’identité numériques, en leur offrant la possibilité d’utiliser des monnaies virtuelles et des opportunités d’emploi. Nous avons ensuite développé un projet destiné à permettre au Conseil de l’Europe de promouvoir les investissements directs des migrants et de la diaspora dans l’économie de leur pays d’origine et de créer des emplois grâce aux projets soutenus par la diaspora.

La technologie blockchain permet à ces organisations de financer leurs activités. J’ai déposé une proposition de résolution sur la question, mais elle est bloquée depuis six mois. Pendant ce temps, le Parlement européen, le Forum économique mondial, l’OSCE et d’autres organisations progressistes ont déjà commencé à travailler sur les chaînes de blocs. Il y a deux heures, une organisation de défense des apatrides a sollicité notre aide sur ce sujet.

Nous devons donc gagner en efficacité et nous montrer plus innovants. C’est une condition pour que le Conseil de l’Europe puisse défendre ses valeurs et rester une organisation indépendante et prospère.

M. GAVAN (Irlande)* – Comme l’ont dit d’autres orateurs, il ne fait aucun doute que l’Europe traverse une crise. Nous sommes les témoins de la constitution d’une Europe forteresse face à une crise migratoire sans précédent. Malheureusement, nous entendons des voix, celles de l’intolérance, dont nous pensions qu’elles appartenaient aux ténèbres du passé et que nous ne les entendrions plus jamais.

Le travail du Conseil de l’Europe est encore plus important aujourd’hui qu’hier. En tant que membre relativement récent de cette Assemblée, je dois dire que je tire une grande fierté de tous nos travaux. C’est une véritable source d’inspiration – je pense notamment aux propos de mon collègue de la commission des migrations, à la campagne contre la rétention des enfants, ou encore au débat sur la Palestine.

Nous devons effectivement accroître la visibilité de nos travaux, les relayer auprès de nos parlements nationaux. Il convient également de réaffirmer les valeurs fondamentales, celles de la Convention européenne des droits de l’homme mais aussi de la Charte sociale européenne.

En période de Brexit, notre Assemblée revêt une importance plus grande encore pour mon pays, l’Irlande, voisin du Royaume-Uni. C’est ici que se trouve le forum européen où nous pourrons nous rencontrer, discuter et avancer.

J’aimerais à présent faire référence au processus de paix irlandais. Pendant des années, nous avons entendu des voix s’élever en faveur de l’exclusion, prétendant que les républicains irlandais ne méritaient pas qu’on leur parle. Aujourd’hui, le processus de paix est bien enraciné. Il n’aurait pas été possible avec une politique d’exclusion. Les valeurs fondamentales que nous devons tous promouvoir ici sont les valeurs d’inclusion et de dialogue. Nous devons pouvoir demander des comptes aux uns et aux autres, ce qui est impossible si certains sont absents de l’hémicycle. On peut ne pas être d’accord, mais nous devons nous montrer respectueux. Commençons par garder à l’esprit que le Conseil de l’Europe sera plus fort dès lors que tous y participeront.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Je reviendrai, comme hier, sur l’expérience vécue par ma mère en camp de concentration. À 97 ans, elle est toujours de ce monde. Elle m’a parlé de son expérience avant la Seconde Guerre mondiale, elle m’a raconté comment l’Europe s’est retrouvée sous la coupe de Hitler et Staline. Elle me dit toujours: «Il faut pouvoir sentir les choses, user de son sixième sens. Ils vont nous faire taire.» Elle m’a parlé des élections de 1933 en Allemagne, du silence de l’Europe après le Pacte Ribbentrop-Molotov et les honteux Accords de Munich.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un énorme problème de radicalisation en Europe. Comment allons-nous nous comporter lorsque des représentants de partis extrémistes, vecteurs de haine, voudront siéger parmi nous? Comment allons-nous partager nos valeurs avec ces nouveaux collègues? Il faudra y réfléchir.

Mon message est le suivant: nous ne devons jamais oublier les enseignements de la Seconde Guerre mondiale. Comment lutter contre la radicalisation? Comment lutter contre ces messages de haine? Rappelons-nous l’histoire de cette Organisation. Ceux de nos collègues qui étaient déjà ici au cours des années 1990, au moment où de nouveaux membres rejoignaient l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, se souviennent peut-être des propos extraordinaires que M. Miguel Angel Martínez m’avait alors tenus: «Nous vous félicitons, nous qui sommes de gauche, vous qui êtes d’un parti opposé au nôtre, de défendre la démocratie». Voilà quelle était la vision à l’époque, à un moment où nous abolissions la peine capitale. Je voudrais souligner ici l’extraordinaire réussite qui a été la nôtre pour bâtir l’Europe et renforcer la démocratie parlementaire.

M. KIRAL (Ukraine)* – C’est un débat très important que celui d’aujourd’hui. Nous l’attendions depuis longtemps. J’ai entendu certains orateurs mentionner les valeurs fondamentales, les grands principes. Il faut d’abord, bien sûr, instaurer un climat de confiance. Nous devons être francs les uns envers les autres, ne pas nous mentir, ne pas essayer de manipuler l’information.

Je rappelle une nouvelle fois que nous n’avons exclu personne de l’Assemblée. La Russie, en tant qu’État membre, a choisi elle-même de ne plus prendre part à nos travaux. C’est un fait qui prête encore à discussion dans certains groupes.

Toute organisation se compose de deux éléments: d’une part, sa nature même, sa mission essentielle et les valeurs fondamentales qu’elle incarne, et, d’autre part, les capacités institutionnelles qui lui permettent de fonctionner de façon effective, avec les organes, les procédures, le règlement. Avons-nous un problème avec le premier aspect de la question? Je ne le crois pas. Nous sommes dans la continuité de que souhaitaient les pères fondateurs de cette Organisation. Nous avons toujours pour mission la protection de la démocratie. Comme le disait M. Kandelaki, c’est un processus interne. Nous devons imposer l’État de droit dans tous nos pays membres. L’aide de l’Organisation nous est précieuse pour édifier un système judiciaire, réformer le parquet, etc. Les droits de l’homme sont aussi bien sûr une composante essentielle.

Le problème se pose pour ce qui est des capacités institutionnelles. Au regard de l’environnement actuel, elles ne sont pas adéquates. En 70 ans, le monde a changé. Dans quelle mesure notre bureaucratie interne, nos procédures ont-elles évolué? Les départements, les divisions, les unités ne sont-ils pas un vestige du moment où nous étions tous contents, où nous avions beaucoup d’argent? Nous devons nous pencher sur cette question.

Peut-être aussi faut-il cesser de suivre ceux qui veulent détruire notre Organisation. Voilà quatre ans que l’on essaie de faire revenir les représentants de la Russie au sein de l’hémicycle. Je crois que nous avons fait la preuve de notre bonne volonté. Cela ne suffit-il pas désormais? Si les Russes continuent à vouloir s’exclure eux-mêmes de l’Organisation, nous ne pourrons les en empêcher.

Notre tâche est grande. Les organisations ne se dirigent pas encore grâce à l’intelligence artificielle. Nous nous adressons encore à des individus – et en premier, ici, au Secrétaire Général Jagland, qui dirige l’Organisation.

J’aimerais que tous, vous vous associez à moi pour demander à M. Jagland de bien vouloir enfin nous présenter un plan de réforme, un plan d’urgence, et nous dire d’ici au 10 décembre ce que nous allons faire l’année prochaine sans l’argent russe. Quelles sont les décisions qui seront prises au Comité des Ministres?

LA PRÉSIDENTE – M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe souhaite répondre à l’interpellation dont il vient de faire l’objet.

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe*– Je souhaite répondre immédiatement à votre question, Monsieur Kiral.

Je l’ai dit au sein de cette Assemblée et au Comité des Ministres, à plusieurs reprises: je présenterai un nouveau budget si la Fédération de Russie quitte le Conseil de l’Europe. Il est assez clair que c’est la voie qui est prise. J’ai informé le Comité des Ministres de ce que je prévois et de la manière dont les choses seront faites.

J’ai également informé le Comité des Ministres de la manière dont je comprends l’article 9 du Statut du Conseil de l’Europe. Celui-ci stipule que, si un État membre ne verse pas sa contribution, le Comité des Ministres peut décider de suspendre les droits de représentation de cet État. Par ailleurs, selon une règle édictée par le Comité des Ministres, si un État ne paie pas sa contribution pendant deux ans, l’article 9 s’applique. Dans le cas présent, deux ans se seront écoulés au moins de juin prochain. Je pense que le Comité des Ministres non seulement peut, mais doit appliquer l’article 9, parce qu’il serait parfaitement intolérable qu’un État membre ne paie pas sa contribution et continue d’être présent dans l’institution, qu’il puisse être à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Ce serait une catastrophe pour l’ensemble du système de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il y a dix ans, la Cour européenne des droits de l’homme traversait une crise aigüe, due au nombre considérable de requêtes. Nous avons réformé en profondeur la Cour, et celle-ci connaît aujourd’hui une situation beaucoup plus sûre. Nous déployons des ressources pour aider les États membres à réformer leurs pratiques, notamment dans le domaine judiciaire. Notre représentation à Kiev est plus importante qu’elle ne l’a jamais été, et un plan d’action sans précédent a été mené à destination de l’Ukraine. Il en a été de même s’agissant de la Géorgie et de la République de Moldova, pour aider ces pays à se réformer, afin de réduire le nombre de requêtes devant la Cour émanant de ces pays.

Il y a quelques semaines, j’ai envoyé une lettre au Président Porochenko. Il avait demandé que nous lui fournissions des experts pour sélectionner de nouveaux juges, ce qui est inévitable pour obtenir de nouveaux prêts. Sans notre expertise, ce processus n’aurait pas été possible, et le pays n’aurait pas obtenu de prêt. Nous avons agi dans de nombreux États membres. Nous avons mobilisé 60 millions d’euros pour leur apporter une assistance.

Désormais, la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour sont très fortes. Nous recevons aujourd’hui de nombreuses requêtes émanant de la Turquie. Nous sommes le dernier recours pour un grand nombre de personnes détenues dans ce pays.

Je souhaitais vous apporter ces informations complémentaires, et je réitère les propos que j’ai tenus il y a deux ou trois ans: s’il devient clair que la Fédération de Russie va sortir du Conseil de l’Europe, je présenterai un nouveau budget. J’en informerai le Comité des Ministres vendredi.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Secrétaire Général, nous vous remercions pour votre intervention. Nous reprenons la liste des orateurs.

M. KILIÇ (Turquie)* – J’avais préparé un discours sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, mais j’ai décidé, à la suite des différentes interventions, notamment de celle de M. le Secrétaire Général, de ne pas le lire.

Je me demande si nous faisons suffisamment pour lutter contre le racisme, la xénophobie, l’intolérance et les discours de haine en Europe. Faisons-nous suffisamment pour nous pencher sur les problèmes de nos pays? Nous sommes les représentants de nos peuples, nous sommes des élus, et nos électeurs ont des attentes à notre égard. Ils veulent savoir ce que nous faisons ici; ils veulent savoir si, au sein de notre Organisation, nous entendons leurs idées et leur voix, et si nous nous penchons sur leurs droits et leurs aspirations.

Certains de nos amis ont parlé de personnes déplacées. Nous en accueillons en Turquie environ 2,5 millions, qui viennent de Syrie. C’est le nombre le plus important de réfugiés d’un même pays au sein d’un autre pays. Est-ce que nous nous penchons sur les véritables problèmes? Notre Organisation connaît une crise, mais faut-il donner des réponses à tout? Ne devrions-nous pas nous concentrer sur les vraies questions et éviter les chevauchements? Nous trouverons une issue à la crise de notre institution; mais comment nous penchons-nous sur les véritables problèmes?

L’un de nos collègues évoquait des voix venues du passé. J’aime cette expression. Notre Organisation a été fondée pour que l’on n’entende plus en Europe ces voix qui dénoncent votre couleur et vos origines. Voilà ce qui doit faire l’objet de notre attention. Certes, nous rencontrons des problèmes, mais le dialogue nous permettra de sortir de la crise. Je sais que mes propos ne plaisent pas à tous, mais si nous ne nous penchons pas sur le problème des discours de haine, sur la question de l’intolérance et du populisme, qui est finalement du racisme, nous ne pourrons pas être à la hauteur de ce que nos concitoyens attendent de cette Organisation.

M. OEHME (Allemagne)* – Le Conseil de l’Europe, en 70 ans, a connu des hauts et des bas. Néanmoins, il a toujours su trouver des solutions. Des tensions et des risques de pression exercée par tel ou tel pays existent toujours, mais j’espère que le Conseil de l’Europe parviendra à trouver une issue à la crise actuelle.

Je souhaite vous soumettre quelques réflexions sur l’avenir du Conseil de l’Europe. À cet égard, il serait bon que le rapport en cours de préparation évoque la nécessité, pour les délégations nationales, d’obtenir un statut officiel associé à certains droits – par exemple le droit, pour les commissions des parlements nationaux, d’être consultées. Il est temps de trouver des solutions pour que tous les États membres puissent de nouveau coopérer les uns avec les autres dans tous les organes du Conseil de l’Europe, tout en remplissant leurs obligations financières à l’égard de l’Organisation. Le débat d’hier sur les pouvoirs aurait pu être un pas important dans la bonne direction.

Sans la Russie, il ne peut y avoir de sécurité sur le continent; il ne peut pas non plus y avoir de perspective européenne commune. Après le Brexit, les liens du Royaume-Uni avec le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – OSCE – seront mis à l’épreuve.

Le Conseil de l’Europe et l’OSCE sont nés à l’époque où la donne politique était totalement différente. Le Conseil de l’Europe ne peut se reposer sur un Statut qui reflète la situation entre 1949 et 1951.

Nous ne pouvons ignorer les transformations de l’architecture européenne et les progrès du parlementarisme international. Dès lors, il est logique que le Président Poutine appelle de ses vœux de nouveaux accords d’Helsinki.

Le Conseil de l’Europe n’a plus de projet politique. Autrefois, il constituait la première structure institutionnelle d’accueil et de stabilisation des pays européens qui n’étaient pas encore intégrés dans le cadre bruxellois. Depuis 2007, aucun pays nouveau n’a adhéré si l’on fait abstraction du statut spécial du Kosovo. Chaque élargissement de l’Union européenne et de ses compétences a entraîné un affaiblissement de la légitimité du Conseil de l’Europe.

Que se passera-t-il lorsque les États membres de l’Union européenne disposeront de la majorité des deux tiers dans des instances telles que le Comité des ministres? Si nous ne faisons rien, la procédure de suivi gagnera certes en importance mais elle sera rejetée par les pays auxquels elle s’applique; les véritables coopérations des quarante-sept États existeront de moins en moins. La valeur ajoutée du Conseil de l’Europe pour les pays non membres de l’Union s’affaiblira.

M. WHALEN (Canada, observateur)* – C’est un grand honneur pour moi de m’exprimer en qualité d’observateur. Le Canada entretient des liens avec tous les États membres ici représentés. C’est avec respect que je voudrais faire quelques observations sur ce qui a été qualifiée de «crise du Conseil de l’Europe».

Toute crise est une chance. Je ne siégeais pas ici à l’époque de la réunification allemande, de la Glasnost et de la Perestroïka, ni au moment de la dissolution de l’Union soviétique. Je suppose que ces évènements ont été vécus ici comme des crises, mais elles ont été surmontées.

Des appels ont été lancés à l’unité aujourd’hui. L’unité peut être envisagée comme nécessaire au sein d’une chambre démocratique mais on peut à l’inverse valoriser l’expression de voix dissidentes comme signe de la vitalité démocratique. Du point de vue du Canada, la crise qui surgit est abordée de manière sérieuse et donne lieu à un débat démocratique approfondi. Dans une institution parlementaire, il faut accepter les conséquences de l’exercice de la liberté.

Nous voudrions que tous les gouvernements représentés adhèrent aux valeurs de paix et d’unité, y compris la Russie et le Belarus. Des propositions cyniques ont été faites hier; je suis certain que l’Organisation trouvera de meilleures solutions.

Il ne s’agit pas du seul défi. Le Brexit constitue une chance pour votre Organisation car elle offrira, dans l’avenir, une instance de dialogue avec les parlementaires britanniques.

Le Canada continue à partager avec cette Organisation l’engagement en matière de protection des droits de l’homme et de promotion de la paix partout dans le monde.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

Je vous rappelle qu’à l’issue d’un débat d’actualité, l’Assemblée n’est pas appelée à voter.

Ce débat aura néanmoins permis un échange de vues intéressant entre les membres de l’Assemblée. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit renvoyée à la commission compétente pour rapport.

2. Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Jonas Gunnarsson, au nom de la commission sur l’égalité, sur «Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle» (Doc. 14620).

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Avant de vous donner la parole, je voudrais souligner que vous présentez votre dernier rapport en séance plénière car il s’agit de votre dernière participation aux travaux de l’Assemblée. Je voudrais vous féliciter pour votre travail, vous remercier pour votre engagement au service de nos valeurs communes et vous souhaiter le meilleur pour l’avenir.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Madame la Présidente, je voudrais demander un renvoi en commission, sur le fondement de l’article 37.1.d du Règlement. En effet, les auditions menées dans le cadre de la préparation de ce rapport ont été très partiales, avec des experts qui ne soutenaient qu’un seul point de vue sur le mariage.

Le rapport présenté par Mme De Sutter, bien qu’il ait été adopté à l’unanimité, a ensuite été renvoyé en commission. Je demande la même chose pour le présent rapport.

LA PRÉSIDENTE – Souhaitez-vous que votre demande soit examinée maintenant ou à la fin des débats? La décision vous revient.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je souhaiterais que ma demande soit examinée maintenant.

LA PRÉSIDENTE – Je rappelle que, s’agissant d’une motion de procédure, seuls peuvent être entendus l’auteur de la motion, un orateur contre et le rapporteur ou le président de la commission concernée.

M. Mogens JENSEN (Danemark)* – Il n’y a aucune raison de renvoyer ce rapport en commission. La procédure habituelle a été suivie, chacun a pu présenter ses propositions. Il s’agit d’un bon rapport, d’un rapport équilibré. Nous pouvons tout à fait nous prononcer aujourd’hui.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Il y a longtemps que nous sommes tombés d’accord sur la date de présentation de ce rapport. Sans parler de la conférence qui s’est tenue à Copenhague au début du mois de mars, la commission a tenu six réunions sur l’examen de ce rapport. Il y avait largement le temps de présenter des idées et des amendements. La procédure suivie a été normale du début à la fin et, lors de la dernière réunion, qui a eu lieu à Paris en septembre, ce rapport a été adopté à l’unanimité.

LA PRÉSIDENTE – L’avis de la commission est donc clair.

Nous allons procéder au vote. Je rappelle que la majorité simple est requise.

La proposition de renvoi en commission n’est pas adoptée.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons donc examiner le texte.

M. Jonas GUNNARSSON (Suède), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Je vous remercie, Madame la Présidente, de vos aimables paroles. Ce fut un privilège pour moi de travailler au sein de cette formidable Organisation au cours des sept dernières années. Cela m’a beaucoup apporté et je souhaite à tous mes collègues parlementaires de pouvoir bénéficier d’une telle expérience.

Je suis très fier de m’adresser aujourd’hui à vous, dans cet hémicycle, sur cette question qui relève des responsabilités fondamentales de notre Organisation. La manière dont nos sociétés traitent les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes – LGBTI – est un test de leur capacité à accorder et à protéger des droits fondamentaux.

Huit années se sont écoulées depuis la dernière fois que l’Assemblée s’est penchée sur cette question. C’était alors dans le cadre du «rapport Gross», comme nous l’appelons. Ce rapport était essentiel à l’époque pour que cette Organisation comprenne l’importance de la question et pour lancer un processus.

Depuis 2010, nous avons pris au sein de cette maison des mesures d’importance pour ce qui est des droits des LGBTI, dans le cadre notamment du travail réalisé par la commission sur l’égalité et de ses courageux membres.

Cette maison est, en fait, le miroir de la situation politique prévalant sur tout le continent européen. Il est donc inévitable que les changements très largement positifs en cours dans de nombreux États membres soient visibles et se traduisent dans les décisions et les débats qui se déroulent dans cette enceinte. De plus, la jurisprudence de la Cour a grandement évolué en la matière. Le moment est donc venu pour nous non seulement de confirmer, d’un point de vue politique, ce qui se passe dans nos États membres, mais aussi de participer au changement.

Je sais que, pour de nombreux collègues et citoyens en Europe, ce changement est difficile à accepter. Ils souhaitent conserver ce qui existait auparavant. Laissez-moi vous dire que ce changement, le passage de la discrimination et de l’oppression à autre chose, n’est pas dangereux. Il ne menace ni les familles ni les individus. C’est aussi simple que de reconnaître que la manière dont chaque personne et chaque famille veut vivre peut être différente d’une personne ou d’une famille à l’autre. Reconnaître cela ne retire aucun droit à d’autres, et cela ne peut que renforcer nos sociétés puisque davantage de personnes pourront vivre la vie qu’elles souhaitent. Or, comme nous le savons tous, pour construire des sociétés prospères, il importe que les familles se sentent en sécurité.

J’ai beaucoup de reconnaissance pour les efforts déployés par la présidence danoise du Comité des Ministres. La conférence qu’elle a organisée à Copenhague au mois de mars nous a donné la possibilité de discuter de ces questions de manière plus approfondie avec des responsables politiques, des chercheurs, des experts ainsi qu’avec des militants et des organisations non gouvernementales. Tous ceux d’entre nous qui étaient présents à cette conférence se rappellent, en ayant chaud au cœur, du témoignage de Gabriel Santos, cet adolescent espagnol qui, avec courage, nous a parlé de sa vie et de ce que c’était de grandir avec deux pères. Il a conforté ce que nous savons tous déjà: quelle que soit sa structure, dans toute famille où les enfants sont guidés et aimés, ces derniers deviennent des membres capables, forts et aimants de notre société.

Lors de la même conférence, notre ancienne collègue et actuelle ministre de l’Enfance et de la Jeunesse en Irlande, Katherine Zappone, nous a expliqué que, lorsque les Irlandais ont connu l’expérience de familles de membres de la communauté LGBTI, ils ont accepté ce modèle, adoptant une attitude juste et équitable à son égard. Cela s’est reflété dans le résultat du référendum qui s’est tenu récemment, et en dit beaucoup des mécanismes de l’esprit humain et de nos modes de fonctionnement.

Nous devons faire face à nos peurs et nos préjugés si l’on veut construire des sociétés inclusives. Nous ne pouvons que féliciter les Irlandais et toutes les autres nations qui suivent la même voie.

J’entends dire parfois qu’il ne faudrait pas dépenser trop d’énergie ni déployer autant d’efforts pour des questions relatives aux droits des LGBTI, à l’égalité de genre ou, plus généralement, aux droits des minorités, que ce ne sont que des questions marginales et qu’elles prennent la place de questions plus urgentes. C’est une position qui est à la fois triste et dangereuse. Les sociétés qui ne sont pas inclusives, qui n’acceptent pas la différence et la diversité, créent des groupes qui ont le sentiment qu’ils n’appartiennent pas à la société, qu’ils sont les proies d’une discrimination juridique, voire de la violence.

Si vous avez lu mon exposé des motifs, vous vous rendez compte que nous discutons de sujets très pertinents pour tout un chacun. Il s’agit du droit de visite, du droit de prendre une décision lorsque son partenaire se retrouve aux urgences, du droit des enfants, de la question de la pension de réversion lorsque votre partenaire, votre époux ou épouse meurt. Il s’agit d’avoir le droit de continuer à vivre dans la maison où vous avez vécu tant d’années avec votre partenaire alors que devenez veuf ou veuve. Il s’agit de toutes ces choses que nous, responsables politiques, devons réglementer et qui ont trait au vivre-ensemble.

Nous devrions également garder à l’esprit que cela concerne beaucoup de personnes – car partout il y a des LGBTI. Ils sont vos fils, vos filles, vos collègues; ils sont vos parents ou vos amis. Les LGBTI sont partout et ont le droit d’être traités avec équité, sans discrimination, avec respect et amour. Tout le reste n’est que cruauté et ne fera que blesser les individus, les familles et leurs enfants. En effet, quoi que nous fassions ici aujourd’hui, quelle que soit la façon dont nous décidons de réglementer tout cela dans nos pays respectifs, les LGBTI ne vont pas disparaître. Quelle que soit la réglementation, ils s’aimeront, s’installeront ensemble et des familles arc-en-ciel se formeront, et des enfants naîtront.

J’ai tenté de vous exposer le contenu de ce rapport mais, bien entendu, mon exposé n’avait rien d’exhaustif. J’attends donc avec impatience la discussion générale et je répondrai à vos questions. Toutefois, avant de m’interrompre, permettez-moi de dire, parce que j’ai entendu que certains pensent que si ce projet de résolution était adopté, cela aurait pour résultat la demande d’égalité devant le mariage, que tel ne sera pas le cas. Cela ressort clairement du rapport même si, à titre personnel, je pense que l’égalité face au mariage est la bonne voie à suivre si l’on veut construire des sociétés inclusives.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, il vous restera 5 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. SHEHU (Albanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie les auteurs de ce projet de résolution qui, il est vrai, traite de problèmes concrets auxquels nous devons réfléchir. Je viens d’un pays de l’ancien bloc communiste, l’Albanie, et je suis opposé à toute forme de discrimination à l’encontre de son prochain.

C’est moi qui, en 1991, ai insisté au sein de mon parlement pour que l’on abolisse les articles du Code pénal qui condamnaient les homosexuels. Ensuite, j’ai été l’un des promoteurs de la loi albanaise contre la discrimination – loi qui reposait sur les critères du Conseil de l’Europe. Pour autant, je ne suis pas d’accord avec nombre d’interprétations et conclusions du projet de résolution qui, à mon sens, sont incompatibles avec nos valeurs universelles – celles de la famille, qui reste le pilier de notre société. La famille est sacrée. Dans son concept même, elle est composée d’un homme et d’une femme unis dans l’espoir que Dieu leur donne des enfants. On ne peut pas changer cela par des lois ou en décidant qu’il en est autrement. Le concept de famille ne peut pas non plus être simplifié. La famille est liée à l’essence même de la vie, à notre existence en tant qu’espèce et société humaine.

Le projet de résolution évoque l’adoption d’enfants par les couples homosexuels. Cela pose un problème. Les enfants et leur vie au sein de leur famille doivent être compatibles avec le concept que je rappelais à l’instant. Les règles de l’adoption doivent donc correspondre, elles aussi, à ce concept. Je comprends les bonnes intentions qui animent beaucoup de couples homosexuels lorsqu’ils souhaitent adopter des enfants, mais je crois que d’autres principes plus profonds et indispensables doivent être respectés. Je ne veux offenser personne, mais je pense que les choses ne peuvent pas fonctionner ainsi. Un enfant doit pouvoir appeler ses parents «maman» et «papa». Notre vie le confirme d’ailleurs depuis des millénaires. Telles sont les valeurs au fondement de notre existence, de notre culture. Il nous incombe de les défendre.

Pour ce qui est, en revanche, des droits financiers et successoraux pour les couples homosexuels ou hétérosexuels non mariés, le projet de résolution indique à juste titre qu’il faudra entreprendre quelque chose. Mais ce sujet relève du Code civil, éventuellement du Code pénal. Il n’a rien à voir avec le Code de la famille ou d’autres lois se rapportant à la famille.

Dans la mesure où ce projet de résolution est chargé de contradictions, je m’y oppose. Je le considère comme totalement inapproprié.

Mme GURMAI (Hongrie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Nous sommes réunis pour débattre d’un aspect très important de l’égalité dans nos sociétés – celui des familles arc-en-ciel. Depuis 1989, date de la première reconnaissance des couples homosexuels, la situation a évolué au Danemark jusqu’à accorder aux couples de même sexe les mêmes droits qu’aux autres. Aujourd’hui, 25 % des couples homosexuels, qu’ils soient mariés ou en union civile, bénéficient de cette reconnaissance et jouissent des mêmes droits que les couples mariés hétérosexuels. Nous avons essayé de faire disparaître les préjugés, et de plus en plus de membres de la communauté LGBTQI ont pu sortir de l’ombre et vivre au grand jour en bénéficiant de cette liberté. Cette évolution se traduit par le nombre croissant de familles arc-en-ciel.

Le plus essentiel au sein d’une famille, nous le savons, c’est l’amour, la compassion – rien d’autre. Toutefois, comme l’indique très justement le rapport de M. Gunnarsson, notre tâche n’est pas encore achevée. Dans la plupart des sociétés, l’évolution juridique se fait par le biais de débats très animés, et aucune nation n’est préservée du risque d’un retour en arrière. Aux États-Unis, par exemple, les partenaires non mariés de diplomates homosexuels ne pourront plus avoir de visa. Un certificat de mariage devra systématiquement être produit pour qu’une demande de visa soit validée. Cette nouvelle règle signifie qu’un diplomate danois, si talentueux soit-il, ne pourra pas devenir représentant de son pays à l’Onu indépendamment de son orientation sexuelle.

Au Danemark, les membres de la communauté LGBTQI peuvent se marier et bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels, mais ce n’est pas encore le cas dans de très nombreux États de notre communauté, au sein du Conseil de l’Europe. C’est la triste réalité d’aujourd’hui. Les citoyens LGBTQI de 22 pays continueront donc à souffrir des conséquences de leur orientation sexuelle dans leur carrière. Même s’ils réussissent brillamment dans leur profession, leur partenaire sera discriminé dans la mesure où le mariage ne leur est pas ouvert.

Nous avons vu un exemple récent de la façon dont les règlementations peuvent aider ou, au contraire, freiner les évolutions, en ayant une influence sur la vie des minorités. Des politiques non discriminatoires et inclusives sont indispensables pour tous. Il faut laisser les gens vivre leur vie tels qu’ils sont. Ils doivent être acceptés dans l’ensemble de la société pour que l’on ne perde pas de talents en leur fermant la porte. C’est la raison pour laquelle j’appuie très fortement le rapport de M. Gunnarsson et je suggère à nos représentants de faire un effort pour créer un espace européen encore plus inclusif pour nous tous, quelle que soit notre orientation sexuelle.

M. EVANS (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je félicite M. Gunnarsson pour son excellent rapport. Au Conseil de l’Europe, nous sommes une Organisation des droits de l’homme. Nous croyons à l’égalité. Nous croyons qu’il ne devrait y avoir ni haine ni préjugés dans notre société. Nous devons respecter tous les êtres humains dans leur diversité. C’est ce que devrait viser la législation dans nos pays, en matière de santé, de famille, de partenariat mais aussi d’adoption. L’égalité n’est pas une décision à la carte: soit on y croit, soit on n’y croit pas.

Une règle simple doit être observée: celle de la non-discrimination. Si les couples hétérosexuels peuvent adopter, les couples homosexuels devraient aussi en avoir le droit. Au Royaume-Uni, nous avons entamé un long voyage sous Tony Blair, avec la mise en œuvre des partenariats civils, puis avec David Cameron et le mariage homosexuel, mais il reste encore du chemin à parcourir. Pour ma part, je suis chrétien mais je ne peux pas me marier dans l’Église anglicane. Je serais un homosexuel de première classe, mais pas un chrétien de première classe. Cela ne va pas! La discrimination ne devrait pas exister au sein de l’Église non plus.

M. Gunnarsson le disait en évoquant le référendum irlandais sur le mariage homosexuel: parfois, les responsables politiques sont à la traîne de l’opinion publique, et les gens ont été surpris du résultat du vote. En Australie, 61 % des électeurs ont voté pour légaliser le mariage homosexuel. Aujourd’hui, trois pays sont dirigés par des homosexuels: le Luxembourg, la Serbie et l’Irlande. Nous comptons davantage de parlementaires homosexuels au Parlement britannique que n’importe quel autre parlement au monde. J’en suis fier, et je suis fier d’en faire partie.

Dans les pays membres du Conseil de l’Europe, les politiques restent encore assez diversifiées. Quoi qu’il en soit, je crois quand même que, dans l’ensemble, nous sommes sur la bonne voie et nous avançons dans la bonne direction. Les pays du monde entier se tournent vers notre Organisation et respectent nos valeurs et nos croyances. Mais nous savons que dans certains d’entre eux, en Afrique ou au Moyen-Orient, la diversité et l’égalité ne sont pas respectées – avec des effets sur les individus qu’il convient de ne pas sous-estimer. Lorsque les gens sont contraints de vivre dans le mensonge, dans la pauvreté, dans le rejet, ils en viennent à se détester eux-mêmes, à vivre dans l’isolement et la répression. Certains d’entre eux songent même au suicide.

Pour la première fois ici, je voudrais citer Judy Garland: «Quelque part au-delà de l’arc-en-ciel, les cieux sont bleus / Et les rêves que vous osez rêver / Se réalisent.» Nous avons non seulement la chance de représenter les rêves de nos concitoyens, mais aussi la possibilité de les concrétiser. Alors, venez avec moi, suivez-moi et faisons ce que nous prêchons. Nous croyons à l’égalité; nous croyons à la diversité; nous croyons à l’égalité pour tous, hétérosexuels ou LGBTI.

Sir Roger Gale, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

Mme STIENEN (Pays-Bas), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je tiens à féliciter M. Gunnarsson pour son rapport si important, qui donne tout son sens au concept de famille moderne en 2018.

La lecture de ce rapport m’a fait penser à la scène d’ouverture de l’un de mes films favoris, Love Actually. On y voit des images des portes d’arrivée à l’aéroport d’Heathrow et on y entend la voix de Hugh Grant, sans doute cité pour la première fois dans cet hémicycle: «Chaque fois que l’état du monde me rend mélancolique, je pense aux portes d’arrivée à l’aéroport de Heathrow. On veut nous faire croire que nous vivons dans un monde de haine et de cupidité. Je ne le vois pas ainsi. J’ai l’impression que l’amour est partout. Il n’est pas toujours particulièrement majestueux ou sensationnel, mais il est présent. Il y a des pères et des fils, des mères et des filles, des maris et des femmes, des copains et de copines et des vieux amis. Lorsque les avions ont heurté les tours jumelles, aucun des appels passés par les passagers à bord n’était un message de haine ou de vengeance, tous étaient des messages d’amour. Si vous regardez bien, j’ai l’impression que vous verrez qu’en fait, l’amour est partout.»

Dans cet hémicycle, nous disons que nous voulons protéger les droits humains. Or l’un de ces droits fondamentaux est le droit au respect de la vie privée et familiale, tel que défini à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans de nombreux États membres, dont le mien, les Pays-Bas, d’immenses progrès ont été accomplis pour supprimer des lois qui empêchaient une plus grande égalité pour les familles arc-en-ciel. Beaucoup de pays ont fait des progrès en matière d’acceptation sociale de ces familles – que je préférerais qualifier de «normales» plutôt que d’«arc-en-ciel», même si j’aime la métaphore.

Le groupe de mon parti politique – Démocrates 66 – au Sénat attend avec impatience de pouvoir féliciter notre dirigeante Annelien Bredenoord et son épouse, Ayla Schneiders, pour la naissance de leur enfant, prévue à la fin du mois. Notre Vice-Premier ministre, Kajsa Ollengren et son épouse Irene Van den Brekel ont deux fils ensemble. En 2018, elles se considèrent comme des familles normales. Elles savent, de même que beaucoup de couples de même sexe, qu’elles seront traitées à égalité lorsqu’elles voudront acheter ou louer une maison, contracter une assurance santé ou aller aux urgences à l’hôpital.

Au nom de l’ADLE, je tiens à rappeler que nous pensons qu’il est normal que tous les citoyens puissent bénéficier de ce droit, partout dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Nous vous demandons donc de voter pour ce rapport.

Mme KAVVADIA (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Mes chers collègues, nous parlons des personnes LGBTQI, qui sont bien souvent la cible de préjugés et de discriminations dans leur environnement social. Il est donc encore plus important que leurs familles soient protégées et reconnues par le droit, afin de minimiser le mépris de la société et de faciliter leur intégration dans la société.

Le fait que, jusqu’à une date récente, il n’y avait pratiquement pas de lois ciblées permettant de protéger les familles arc-en-ciel ne veut pas dire qu’elles n’existaient pas, mais tout simplement qu’elles passaient au-dessous du radar officiel et devaient se contenter de ce que les lois générales pouvaient leur offrir.

Dans ce contexte, les familles arc-en-ciel se sont heurtées depuis des années à des problèmes bien concrets et à des exigences de l’État. L’État grec, avec le Gouvernement de Syriza, a fait des efforts conséquents, ces dernières années, pour faire progresser les droits sociaux et familiaux des personnes LGBTQI en mettant à jour la législation, en instituant le partenariat civil entre personnes de même sexe et en adoptant une loi sur l’identité de genre qui a aidé les familles arc-en-ciel et les familles ayant des enfants ou des adolescents LGBTQI.

Ces lois reflètent les principes de notre groupe, qui soutient les politiques permettant aux familles et aux partenaires de vie LGBTQI de sortir du placard et de les rendre visibles dans les États membres en reconnaissant tout ce qui concerne les droits fiscaux, en matière de succession, de divorce, de pension alimentaire, de la même façon que pour les autres couples. À mesure que ces personnes et leurs droits seront respectés, ils s’attireront le respect et la fierté de la société, et seront traités sur un pied d’égalité.

Il faut faire encore davantage. D’abord, dans le domaine de la parentalité, qui demeure une grande difficulté pour bien des couples LGBTQI dans de nombreux États membres, y compris le mien. Ensuite, les couples LGBTQI réfugiés devraient bénéficier des mêmes prérogatives que les couples hétérosexuels. Les problèmes sont encore plus complexes en tant de crise. Pourtant, les lois et les gouvernements doivent conduire les communautés vers la tolérance et le progrès, et non l’inverse. Dans ce contexte, nous poursuivons nos efforts pour que toutes les familles aient les mêmes droits. Félicitations à M. Gunnarsson pour son très important rapport.

Mme ÅBERG (Suède)* – Je souhaite remercier le rapporteur pour son excellent rapport sur un sujet important.

Je tiens aussi à souligner que je suis en total désaccord avec M. Shehu. À une époque où des référendums visant à interdire les mariages homosexuels sont organisés dans des pays membres du Conseil de l’Europe, il est de la plus haute importance de défendre l’égalité des droits humains de toutes les personnes, leur droit d’aimer et d’épouser qui elles souhaitent et de fonder une famille avec qui elles souhaitent.

L’égalité des droits pour les familles arc-en-ciel est une question de justice. Aucun être humain, aucune famille ne doivent souffrir de discriminations pour des raisons d’orientation sexuelle. Il est triste que les politiques familiales de nombreux pays n’incluent pas tous les types de familles. Il est du devoir de l’État de faciliter la vie de tout le monde, d’aider ses citoyens à vivre dignement et à organiser leur famille conformément à leurs préférences, indépendamment de leur orientation sexuelle.

Le fait que certains collègues, ici, au Conseil de l’Europe, invoquent la religion ou la tradition pour dénier aux personnes LGBT leurs droits fondamentaux est tout à fait répréhensible. Il faut du temps pour que l’opinion publique change. Pour cela, il faut que nous, responsables politiques, fassions des efforts. Il est de notre devoir de promouvoir l’égalité et l’inclusion. Nous devrions être en première ligne pour défendre les droits humains et lutter contre les préjugés et la haine.

Certains peuvent penser que c’est facile à dire. La Suède a parcouru un long chemin en matière de droits des familles arc-en-ciel et des personnes LGBT. Beaucoup reste encore à faire. De nombreux jeunes migrants LGBT sont victimes de violences et sont opprimés parce que leurs familles souhaitent préserver ce qu’elles considèrent comme leur honneur.

C’est le dernier débat auquel M. Gunnarsson assistera au sein de l’Assemblée. Je tiens à le remercier pour sa lutte sans relâche pour les droits de l’homme, pour sa façon de travailler collégiale. Il a favorisé la coopération, au-delà des divisions entre les partis et des frontières nationales.

M. TORNARE (Suisse) – Nous l’avons entendu: il existe partout en Europe des familles arc-en-ciel. Doivent-elles vivre dans la honte ou bien dans la dignité? Qui cela gêne-t-il qu’elles vivent dans la dignité? J’ai souvent l’impression que, dans notre société, l’amour gêne plus que la guerre.

Dans le domaine des familles arc-en-ciel, il y a eu des progrès, comme l’a dit le rapporteur, mais on s’est hâté lentement, et il existe beaucoup de disparités, ce qui nous gêne.

L’un de nos collègues allemands regrettait tout à l’heure que cette institution ne porte plus de projet européen. Selon moi, faire en sorte que tous les États tirent à la même corde dans ce domaine serait un projet européen fiable et viable. La force de l’Europe repose en effet sur le respect des différences. En quoi nous gênent-elles?

Comme on l’a dit, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a évolué dans le bon sens, mais on peut faire encore mieux. Dans ce domaine, l’Europe doit parler d’une seule voix. Il nous faut éviter les reculs législatifs, à l’opposé de ce que nous avons constaté récemment en Roumanie en matière de mariage homosexuel. Nous devons offrir un cadre juridique stable et donner des injonctions aux États afin que la législation progresse partout, sans exception.

Je ne reprendrai pas, après notre rapporteur, l’inventaire des exemples d’avancées pour les familles arc-en-ciel dans le domaine des biens ou des soins médicaux. Je souhaite vous donner un exemple qui m’a réjoui, en tant que citoyen suisse. Il y a vingt ans, le peuple suisse – car la Suisse est le seul pays au monde dans lequel existe le suffrage universel dans ce domaine – a voté un article 261 bis du Code pénal pénalisant toutes les manifestations publiques d’antisémitisme ou de discrimination. Or, comme vous le confirmeront mes collègues suisses, il y a quelques semaines, les deux Chambres du Parlement ont accepté d’adjoindre à cette liste l’homophobie. Dorénavant, les dérapages homophobes dans les médias ou sur la place publique sont donc passibles d’une peine allant jusqu’à 3 ans de prison et 50 000 euros d’amende.

Je terminerai mon intervention en rendant hommage à notre rapporteur. En tant que premier vice-président de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, je regrette beaucoup que M. Gunnarsson, qui participe aux travaux de l’Assemblée depuis sept ans, quitte cette commission. Il en était l’un des piliers, et pour moi il représente ce que la Scandinavie offre de meilleur dans le domaine des droits humains.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Le mois dernier, j’ai reçu le courriel suivant: «Nous vous écrivons parce que vous participez à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Lors de la prochaine partie de session, l’Assemblée débattra d’un projet de résolution présenté par M. Jonas Gunnarsson, intitulé " Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle ". L’importance de ce débat a été soulignée lors de la conférence sur ce même sujet organisé par la commission sur l’égalité et la non-discrimination et la présidence danoise au mois de mars. Comme l’ont montré des interventions lors de cette conférence, les discriminations en Europe peuvent avoir des conséquences importantes sur des millions de citoyens LGBTI et sur leurs enfants. Le projet de résolution présenté par M. Gunnarsson est le premier, toutes organisations internationales confondues, à traiter ce sujet avec un tel degré de détail. Il s’agit d’un sujet extrêmement important pour la communauté LGBTI européenne. Malheureusement, cette résolution devra faire face à une opposition qui tâchera de l’affaiblir. Nous vous serions très reconnaissants si vous pouvez être présente lors de la discussion de ce rapport et voter favorablement.»

J’apporte avec plaisir mon soutien à ce projet de résolution. C’est un de mes devoirs en tant que membre de cette Assemblée. Cela dit, je ferai trois remarques au sujet du courriel dont j’ai donné lecture.

Tout d’abord, même au sein de nos États membres, qui se sont engagés en faveur de la Convention européenne des droits de l’homme, l’égalité n’est pas garantie. Les discriminations fréquentes envers les familles arc-en-ciel nuisent aux adultes mais aussi aux enfants.

Ensuite, je suis fière que le Conseil de l’Europe soit la première organisation internationale qui traite de ce sujet de manière aussi approfondie.

Enfin, j’espère que l’auteur de ce courriel a tort en pensant qu’au sein de cette Assemblée qui défend les droits de l’homme, ce projet de résolution devra faire face à une opposition bien organisée.

Des progrès ont été réalisés dans la voie d’une plus grande égalité pour les familles arc-en-ciel. Toutefois, comme l’a montré M. Gunnarsson dans son rapport, de nouveaux efforts sont nécessaires. Franchissons donc une étape supplémentaire en approuvant ce rapport et en défendant le principe fondamental de la non-discrimination dans toutes les sphères de la vie.

Mme ENGBLOM (Suède)* – Pour quelle raison entre-t-on en politique? En ce qui me concerne, j’étais animée par la colère envers des politiciens qui utilisaient l’argent des contribuables pour différents projets sans demander l’avis de leurs concitoyens. La liberté personnelle est pour moi primordiale. Je me suis dit alors que si je ne pouvais pas convaincre les hommes politiques, il fallait me joindre à eux.

Or ce rapport représente ce pour quoi j’ai décidé d’entrer en politique, car il traite des droits des individus à vivre pleinement leur vie, à voir leurs rêves se réaliser, à tomber amoureux de qui ils désirent, de fonder une famille, d’être respectés comme toute autre personne. Cela vaut que vous soyez européen, asiatique ou africain, catholique, juif, bouddhiste ou musulman, un homme, une femme ou un transgenre, hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel. Certains membres de ma famille et certains de mes amis ont fondé des familles arc-en-ciel: ils ont les mêmes rêves, les mêmes amours, la même vie de famille que les autres personnes qui vivent ensemble, qui se marient et qui élèvent des enfants. Les enfants de ces familles arc-en-ciel sont aimés tout autant que les enfants des autres familles, et peut-être même davantage. Il ne faut pas heurter avec des préjugés ces enfants, qui sont innocents par définition.

Lorsque mes enfants sont entrés à la crèche, on leur a dit: «Vous avez de la chance d’avoir deux mamans!».

Les droits fondamentaux de l’individu sont à la base même de cette éminente Assemblée. Comme l’a fait M. Evans, je souhaite à mon tour remercier Jonas Gunnarsson et la commission sur l’égalité et la non-discrimination, et en particulier Mme Kovács, sa présidente, d’avoir produit ce rapport auquel je suis heureuse d’être associée.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande)* – Je souhaite moi aussi féliciter Jonas Gunnarsson pour ce rapport historique. Il y a quelques décennies, l’homosexualité était considérée comme une maladie mentale et définie comme telle dans les ouvrages de médecine. Nous nous sommes éloignés de cette approche ridicule et nous ne punissons plus les gens en raison de la personne qu’ils aiment, malgré quelques terribles exceptions, ici, au Conseil de l’Europe.

Nous avons pris nos distances avec ces pratiques discriminatoires; nous allons faire de même avec les points de vue obsolètes et également discriminatoires des représentants du Groupe du Parti populaire européen. Ils n’ont pas bien compris certaines choses sur la biologie humaine et sur l’amour, mais nous pouvons travailler ensemble pour y remédier.

Notre collègue a ainsi déclaré que la famille était sacrée: c’est vrai; mais la famille, ce sont également ceux que nous choisissons, et notre choix en la matière doit lui aussi être sacré. Je pense que ce point de vue se répandra, mais ce progrès ne se fera pas sans peine. Dans mon pays, l’Islande, c’est grâce à des campagnes sans relâche que l’opinion publique vis-à-vis des personnes LGBTI, initialement très négative, est devenue incroyablement positive en quelques décennies seulement – au point que notre pays s’est doté il y a quelques années de son premier chef de gouvernement ouvertement homosexuel.

Mais ce progrès n’est pas certain, et ne sera pas permanent à moins que nous continuions de faire constamment bouger les lignes, comme s’y efforce le rapport, et que nous restions vigilants vis-à-vis de tout risque de régression – un danger pour tous les mouvements progressistes, on le voit aujourd’hui s’agissant des droits des femmes.

Nous sommes tous convaincus que chaque individu a droit à la recherche du bonheur et a le droit d’aimer qui il veut – à condition, bien sûr, que celui-ci soit consentant. Seule l’ignorance et la peur empêchent certains de nos collègues d’accepter que les familles LGBTI bénéficient de ces droits.

De ce point de vue, le rapport va dans la bonne direction: il fait savoir que les familles LGBTI sont comme les autres et doivent bénéficier des mêmes droits. Je félicite et je remercie à nouveau Jonas de cet excellent travail, qui témoigne d’une coopération très satisfaisante au sein de notre Assemblée.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Je remercie le rapporteur de son travail. Il est banal de dire des rapports qu’ils sont nécessaires. Mais, en l’occurrence, dans certains pays représentés ici, on perçoit les personnes en fonction de leur orientation sexuelle et on ne respecte pas les droits des LGBTI. Ainsi, en 2018, dans le Rainbow Index, classement des pays européens en fonction des droits qu’ils accordent aux personnes LGBTI, huit de nos pays membres ont obtenu un score inférieur à 20 %, et même à 10 % pour trois de ces pays. Le rapport est donc entièrement justifié.

Les personnes LGBTI ont fait l’objet de discriminations dans certains pays. Il est essentiel d’en parler, car défendre les droits de l’homme, c’est défendre les personnes abstraction faite de celui ou celle qu’elles aiment, de la manière dont elles aiment et dont elles décident de vivre.

On parle de «familles arc-en-ciel»; je ne sais pas si c’est une bonne expression, car elle permet à ceux qui ne les soutiennent pas de prétendre qu’il ne s’agit pas de véritables familles. Mais qui va nous dire à quoi doivent ressembler nos familles? La famille repose sur l’amour et le respect, non sur l’orientation sexuelle de l’un ou de plusieurs de ses membres. Garantir l’égalité, c’est défendre les droits de tous les membres de la famille. Nier une réalité évidente ne la fera pas disparaître. La société nous montre la manière d’avancer et la façon dont les préjugés nous font au contraire prendre du retard. Il faut défendre les droits des personnes. Quand vous rencontrez quelqu’un, lui demandez-vous qui il aime, avec qui il vit, pour déterminer s’il vous plaît ou non?

Il importe donc de soutenir le rapport, de croire un peu plus en l’égalité et de comprendre que le Conseil de l’Europe a pour raison d’être de défendre les droits de tous et en particulier la liberté individuelle. Je n’ai pas le pouvoir de dire à quiconque ce qu’il doit faire dans sa vie privée. Notre société évolue; n’étiquetons pas les personnes. Ce qui compte, c’est notre âme et ce sont nos décisions individuelles. Je crois en différents modèles de famille: la famille va bien au-delà de l’idée traditionnelle que certains s’en font encore.

M. MULLEN (Irlande)* – Je regrette de devoir briser le quasi-consensus qui semble se dégager dans cet hémicycle. En écoutant le débat, je vois partout les éléments d’une fausse alternative: soit on est pour tout, y compris le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption par ces couples, soit on est homophobe, irrespectueux de leur situation personnelle et de leur vie de famille. C’est illogique et injuste; c’est la preuve d’une nouvelle intolérance, fondée sur des éléments très faibles, et un manque de respect envers la diversité des opinions. On trouve un nombre considérable de personnes aimables, raffinées et intelligentes des deux côtés!

Mon ami Nigel Evans, pour qui j’ai le plus grand respect, a estimé que même les Églises devraient plier devant cette nouvelle orthodoxie. Je suis en profond désaccord avec lui. Il a parlé du référendum de 2015 en Irlande; mais les 38 % d’opposants à la nouvelle définition du mariage n’étaient pas tous des homophobes, mais des personnes qui croient que le mariage doit servir en particulier des fins sociales, comme il l’a toujours fait, et qu’il faut soutenir la complémentarité entre l’homme et la femme, fondement de la famille. Cela ne veut pas dire que ces personnes veulent rejeter toutes les autres formes de famille, ni qu’elles nient que celles-ci existent de facto et qu’il faut les protéger ainsi que les enfants en leur sein. Mais on a le droit de penser que des enfants sont tout de même mieux élevés par un père et une mère.

Or, à en croire tout ce que j’entends aujourd’hui, ces vues seraient le fruit de la peur, de l’ignorance et autres termes paternalistes. Mes chers collègues, voilà qui ne promeut guère le respect et l’échange d’idées, alors même que nous déplorons le manque actuel de dialogue et d’échange. Si l’on veut aller dans le sens des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, on ne peut pas mépriser des pays qui veulent promouvoir les droits démocratiques de leur population en consultant celle-ci sur la manière dont elle souhaite que le mariage soit défini.

Je suis d’accord avec ceux qui invoquent la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour dire qu’il faut reconnaître les relations entre personnes de même sexe, mais la Cour a estimé qu’il n’existe pas non plus de droit au mariage entre ces personnes, laissant aux États une marge d’appréciation en la matière. On remet ainsi en cause la légitimité de la Cour européenne des droits de l’homme en se permettant de critiquer tous les pays qui usent de cette marge d’appréciation dans un sens traditionnel.

Je me dois donc de voter contre le rapport. Il convient d’approfondir notre réflexion pour promouvoir le respect et une véritable diversité.

M. McGINN (Royaume-Uni)* – Nous sommes tous parfaitement conscients des difficultés rencontrées par de nombreuses personnes LGBTI. Non seulement elles font face à des discriminations, mais dans certains pays elles subissent des menaces, voire des violences. Il est du devoir de cette Organisation et de ses membres d’interroger constamment les pays qui ne reconnaissent pas les droits des LGBTI. Comment peut-on ne pas lutter avec force contre ceux qui décident de ce qui est normal ou non dans une relation? Pour qui se prennent-ils? De quel droit peuvent-ils dire à ceux qui vivent une relation d’amour avec une personne de même sexe qu’ils ou elles sont anormaux et ne doivent pas être traités comme des égaux?

Je ne repartirais pas de Strasbourg avec fierté si je restais silencieux face à cette ignorance. En tant que membre du Parlement britannique, je suis très fier que l’Irlande et le Royaume-Uni aient beaucoup fait pour faire avancer les droits des LGBTI et de leurs familles. Un point noir subsiste néanmoins: on continue à ne pas donner les mêmes droits au mariage par exemple en Écosse, où les couples de même sexe peuvent se marier, et en Irlande du Nord où cela leur est interdit. C’est une anomalie à laquelle nous devons remédier. J’ai présenté en ce sens une proposition de loi à la Chambre des communes. Ce texte a bénéficié d’un large soutien de la part de la population de l’Irlande du Nord et des membres de la Chambre des communes. Je continuerai à le défendre afin de faire avancer cette question fondamentale en matière de droits de l’homme. La question n’est pas d’être gay ou d’être marié. C’est une question d’égalité de tous devant la loi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cher M. Gunnarsson, au cours des huit dernières années, nous avons souvent été en désaccord. Ce n’étaient pas, je l’espère, de mauvais désaccords. Ce rapport est votre dernier dans cette Assemblée. J’aimerais moi aussi vous remercier pour votre dévouement et votre travail et vous souhaite tout le succès possible dans votre avenir professionnel.

Nous sommes tous d’accord, il me semble, pour dire que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège les familles, y compris le mariage et les droits parentaux. En même temps, la Cour européenne des droits de l’homme considère la définition du mariage et des droits associés comme relevant de la législation nationale et confère aux États une marge d’appréciation.

Depuis l’affaire Hämäläinen c. Finlande, les États membres conservent en effet une prérogative juridique pour définir le mariage et légiférer en conséquence. Dans l’affaire Oliari et autres c. Italie, la Cour a précisé que les États membres n’avaient pas besoin de légaliser le mariage homosexuel.

Si le rapport évoque cette jurisprudence, le projet de résolution va au-delà de l’interprétation de l’article 8 par la Cour. En réalité, il en appelle aux États membres pour qu’ils s’abstiennent d’interdire le mariage de deux personnes de même sexe et pour qu’ils œuvrent en faveur de l’adoption du mariage homosexuel partout.

Ce faisant, la résolution sape la compétence des États membres pour légiférer eux-mêmes dans ces domaines. Elle va au-delà de la jurisprudence Hämäläinen et Oliari. M. Tornare a évoqué le référendum en Roumanie. Il est commun de critiquer les référendums dont les résultats ne nous plaisent pas, et dans le même temps, de soutenir d’autres référendums dans d’autres pays. Nous devons nous respecter les uns les autres, et respecter cet instrument démocratique.

Je crois donc que l’Assemblée parlementaire doit encourager des procédures démocratiques et délibératives fortes dans chaque État membre, y compris en matière de mariage et de famille. Ces questions relèvent à juste titre de la compétence des États membres.

Malgré tout le respect que j’ai pour l’avis de M. Gunnarsson et celui d’autres collègues, je considère ce rapport comme très partisan. J’en appelle donc aux membres de l’Assemblée pour qu’ils le rejettent et respectent ainsi les frontières juridiques tracées par la Cour européenne des droits de l’homme dans leur interprétation de l’article 8 relatif au concept de mariage et droits associés.

LE PRÉSIDENT* – M. Xuclà, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme Violeta TOMIĆ (Slovénie)* – Contrairement aux apparences, la vie réelle des LGBTI en Slovénie n’a rien d’un conte de fées. La Slovénie a été la première des ex-Républiques yougoslaves à dépénaliser l’homosexualité en 1977. Après 1991 et l’indépendance, le pays a adopté un certain nombre de dispositions juridiques et de protections contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, jusqu’à disposer aujourd’hui d’un des plus larges arsenaux législatifs anti-discrimination. La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle a été interdite dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, des services, de la protection des données personnelles et dans bien d’autres domaines encore.

La lutte civile pour la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe a été menée au départ par des ONG. En 2016, un texte de loi a garanti les mêmes droits maritaux aux couples de même sexe, à l’exception du droit d’adoption mutuel des enfants et du droit à l’insémination artificielle pour les femmes lesbiennes. L’initiative en faveur de ce pacte d’union civile est d’ailleurs venue de notre parti.

Le problème essentiel reste cependant la mise en œuvre de ces textes législatifs. Les actes de discrimination, les discours de haine perdurent malgré ce cadre juridique solide de protection contre les discriminations. Même si nous nous efforçons de respecter les normes européennes, la mise en œuvre de ces textes est imparfaite. Cela s’explique par la méfiance des citoyens envers le système juridique et la prééminence du droit. Les personnes LGBTI craignent également les conséquences négatives si elles venaient à notifier des cas de discrimination. Les victimes gardent ainsi le silence et ne défendent pas leurs droits. Quant à l’opinion publique vis-à-vis de la minorité, elle est divisée entre les grandes villes beaucoup plus ouvertes et inclusives, et les zones rurales où l’on observe des attitudes parfois hostiles.

Étant donné la forte influence de l’Église catholique et des partis de droite en Slovénie, les droits des LGBTI et d’autres minorités sont sans cesse la cible d’attaques. Nous avons assisté à des cas de violation de droits de l’homme, de la dignité, de l’intégrité de personnes et de communautés LGBTI, y compris de politiques et de parlementaires. Ces actes visaient à les humilier, à discréditer les partis qui les soutiennent. Tout cela ouvre la voie à l’intolérance, à la propagation de discours de haine qui sont pourtant interdits par la loi, mais ne provoquent aucune réaction chez les autorités. C’est pourquoi j’appuie pleinement ce projet de résolution.

Mme BLONDIN (France) – Je me joins au concert de louanges par lequel ont été salués le travail et l’engagement sans faille du rapporteur dans la défense des droits humains. Je souhaite également un grand succès pour la suite à notre collègue M. Gunnarsson. Son dernier rapport rappelle l’obligation faite à tous les États membres de notre Organisation de garantir le respect de la vie privée et familiale.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme doit s’appliquer à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît l’existence d’une vie familiale dans un couple homosexuel.

En écoutant avec attention les propos de certains de nos collègues, j’ai cru revivre pendant un moment les débats difficiles qui ont eu lieu dans mon pays, en 2012 et 2013, sur « le mariage pour tous ». Les manifestions furent importantes et rudes, les slogans difficiles à entendre. On nous prédisait une société complètement délabrée. Ce n’est pas ce qui s’est passé, la société française n’a pas été bouleversée.

Pour revenir au rapport, les difficultés demeurent et les discriminations sont nombreuses. Les couples homosexuels ne bénéficient pas des mêmes garanties face à tous les aléas de la vie, tels que le décès et la maladie. Je ne reprendrai pas les exemples du rapport. Il faut à tout prix garantir l’égalité des droits, et la question de la parentalité est au cœur de nombreux débats.

Alors que nous discutons pour savoir si les couples homosexuels sont aptes à élever des enfants, beaucoup d’entre eux grandissent déjà avec des parents de même sexe. Il est donc nécessaire de leur apporter une protection juridique identique à celle des autres enfants. En effet, c’est de là que viennent les risques pour leur avenir, et non du fait qu’ils ont des parents LGBTI. La reconnaissance légale du deuxième parent permettra à celui-ci de continuer à s’occuper de l’enfant; voilà l’essentiel en cas de décès du parent biologique.

Dans beaucoup de pays, les homosexuels sont accusés de vouloir diffuser l’homosexualité pour limiter la natalité au profit de l’immigration, ou même de pervertir la jeunesse. Je crois, mes chers collègues, que nous devons faire en sorte qu’un ciel dégagé brille au-dessus de ces familles homoparentales.

Mme ESTRELA (Portugal) – Chers collègues, je veux saluer le rapporteur pour la qualité de son rapport sur un sujet si important et actuel. Dans toute l’Europe, dans le monde entier, existent des couples de même sexe et des familles arc-en-ciel. Depuis que le Danemark, en 1989, a accordé une reconnaissance juridique aux couples homosexuels sous forme de partenariats civils, depuis que les Pays-Bas, en 2001, ont autorisé le mariage des couples de même sexe, nous avons constaté beaucoup de progrès. Actuellement, beaucoup d’États membres du Conseil de l’Europe accordent une forme de reconnaissance juridique aux couples homosexuels. Je suis fière d’appartenir à un parti, le Parti socialiste portugais, qui, étant au gouvernement, a permis le mariage homosexuel et l’adoption par les couples homosexuels. Cela représente une avancée de civilisation.

En revanche, certains États membres privent ces familles de leurs droits, au seul motif de l’orientation sexuelle des partenaires ou des parents. S’il existe des pays comme le mien, le Portugal, qui a pris d’importantes mesures pour garantir les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels, il en existe d’autres, comme la Hongrie, où l’on constate un recul depuis 2012, avec la limitation du mariage aux couples hétérosexuels. En Fédération de Russie, il existe une législation interdisant la prétendue «propagande homosexuelle».

La discrimination à l’égard de la communauté LGBTI est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Je regrette qu’il y ait encore de nos jours, dans des pays démocratiques et civilisés, des gouvernements qui n’ont rien fait pour éliminer les préjugés existant au sein de la société, et qui favorisent la haine contre la communauté LGBTI. Les États membres doivent faire plus d’efforts pour éliminer la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et parvenir à l’égalité dans le domaine de la vie privée et familiale. C’est une question de droits humains.

M. BATRINCEA (République de Moldova)* – Ces dernières décennies, le Conseil de l’Europe a adopté toute une série de résolutions dont le but est de promouvoir le droit des minorités, des transgenres aux intersexes. Pour l’auteur de cette dernière proposition de résolution, ce n’est pas suffisant. Nous avons bien compris comment les choses se passent. Au mois de juin de cette année, le Conseil de l’Europe a pris une décision qui rend plus facile de retirer un enfant à sa famille. Il semblerait que les intérêts de l’enfant soient supérieurs au droit organique de la famille et de ses parents biologiques. Cependant, l’enfant n’est pas en mesure de prendre des décisions conformes à ses intérêts.

L’étape suivante est celle-ci: une proposition de résolution qui exige des 47 États membres qu’ils valident l’enregistrement des mariages entre personnes de même sexe et qu’ils les aident à adopter un enfant. Les auteurs de la proposition écrivent que les États membres doivent lutter de façon énergique contre les préjugés. Une famille formée par un homme et une femme, parents biologiques des enfants, est-ce un préjugé?

On ne parle jamais du droit souverain des États à amender leur propre Constitution. On nous dit qu’il faut prendre en compte les intérêts d’un groupe particulier. En République de Moldova, une réunion sur la famille s’est tenue; plus de 130 pays ont participé à cette conférence, où nous avons évoqué les spécificités de notre Constitution. Au Conseil de l’Europe, nous nous trouvons dans une situation très délicate, car nous sommes tous obligés de respecter nos Constitutions. Les auteurs de la proposition de résolution font référence à la Cour européenne des droits de l’homme, et disent que les États membres doivent rendre conformes leur propre Constitution et leur législation. Ce rapport est biaisé, il ne permet pas de répondre à toutes les questions. Ce projet de résolution met les 47 États membres dans une situation extrêmement difficile.

Chers collègues, je pense que le moment est venu de mettre un terme à ces attaques organisées contre l’institution traditionnelle qu’est la famille. N’oublions pas que les citoyens ont été élevés par une mère et un père. Il s’agit d’une question de démocratie. L’institution de la famille doit être défendue, c’est une question de survie pour l’Europe. Nous savons qu’en Europe un homme et une femme ne donnent naissance qu’à un seul enfant; c’est ce que disent les statistiques. Il se peut fort bien que les Européens disparaissent tout simplement. Si les Européens disparaissent, l’Europe elle-même pourra disparaître, et peut-être même prendra-t-elle un autre nom, car elle sera régie par d’autres règles.

LE PRÉSIDENT* – Mme la Présidente a indiqué qu’elle ne donnerait pas la parole aux orateurs qui ne sont pas assis à leur place. Je ne suis pas aussi sévère, mais je vous demande de bien vouloir respecter cette consigne qui facilite le travail de la présidence.

Mme GORROTXATEGUI (Espagne)* – Si j’en juge l’évolution du débat, nous sommes tous à peu près d’accord pour considérer que la liberté sexuelle est une conséquence de la reconnaissance des droits de l’homme. Nous avons la faculté de nous autodéterminer sexuellement ce qui comprend la faculté de vivre en fonction de notre orientation sexuelle.

La liberté n’existe pas si elle ne s’accompagne pas d’une reconnaissance des droits. En l’occurrence, sauf à faire preuve d’hypocrisie, il nous faut donc reconnaître le droit à l’égalité sexuelle.

Les discriminations fondées sur l’orientation sexuelles doivent disparaitre. Il reste beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à l’égalité sexuelle. Ce rapport constitue un pas important dans cette direction.

Notre place dans le monde, notre sécurité, nos droits ne doivent pas dépendre du sexe de la personne que nous aimons. Grand merci à toi, Jonas Gunnarsson, pour ton rapport. Je suis certaine qu’il sera adopté!

M. Mogens JENSEN (Danemark)* – Je tiens également à remercier Jonas Gunnarsson pour son excellent travail. Ce rapport s’inscrit dans la lignée d’autres rapports insistant sur les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et de cette Assemblée.

Au nombre de ces valeurs se trouve le principe selon lequel personne ne doit faire l’objet de discrimination en raison de son orientation sexuelle. Il trouve son fondement dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui consacre le droit au respect à la vie privée et familiale. Ce droit est important pour chacun mais en matière d’égalité sexuelle, les progrès sont plus lents que dans d’autres domaines.

Nous devons demander aux gouvernements des États membres de prendre des mesures pour aller vers plus d’égalité en matière d’orientation sexuelle. Cela est indispensable. Aujourd’hui encore dans de nombreux pays européens, les personnes ayant une orientation sexuelle différente subissent l’intolérance; l’identité sexuelle est parfois utilisée par les autorités pour les discriminer et pour légitimer les violations des droits de la personne humaine.

Le rapport et le projet de résolution fournissent une base solide pour demander aux États membres de lutter plus efficacement contre les préjugés; les gouvernements rempliront ainsi leur devoir de protection des droits humains.

M. Jonas Gunnarsson l’a dit à juste titre, ce rapport ne porte pas sur des questions abstraites. Derrières les mots, il y a des êtres humains de chair et d’os, des parents et des enfants qui souffrent au quotidien parce que la société, les lois ne répondent pas à leurs besoins. Il nous faut donc continuer notre travail à l’échelon national pour que les familles arc-en-ciel soient protégées comme les autres.

En Europe, de nombreux enfants grandissent dans des familles arc-en-ciel. Leurs relations avec leurs parents doivent être sécurisées. Le rapport et la résolution permettent de se rapprocher de cet objectif. Je remercie à nouveau M. Jonas Gunnarsson de son action en faveur des droits des personnes LGBTI.

M. De BRUYN (Belgique)* – Chers collègues, en ma qualité de rapporteur général sur les droits des personnes LGBTI, je voudrais féliciter M. Jonas Gunnarsson pour son excellent rapport, équilibré et qui touche à l’essence même de nos engagements.

En tant que membres d’une assemblée réunissant des élus des 47 États du Conseil de l’Europe, nous souhaitons tous promouvoir et protéger l’égalité dans nos sociétés mais nous devons reconnaître que la mise en œuvre concrète de ce principe laisse encore à désirer dans nos pays respectifs.

La Conférence à haut niveau sur la vie privée et familiale des personnes LGBTI organisée par l’ancienne présidence de notre Assemblée à Copenhague en mars 2018 a mis en évidence la diversité des approches vis-à-vis des familles arc-en-ciel au sein de nos pays.

Le droit au respect de la vie privée et familiale figure à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme mais les progrès sont lents en la matière. Les différences juridiques ne concernent pas seulement la reconnaissance des partenariats entre personnes du même sexe mais aussi l’accès aux droits fondamentaux. Le rapport évoque des droits tels que celui de rendre visite à son conjoint en cas d’urgence, la possibilité de conserver son logement en cas de décès du conjoint.

Le rapport et la résolution traitent également du quotidien des familles arc-en-ciel. De nombreux enfants grandissent aujourd’hui avec des parents de même sexe; ils ont le droit de voir reconnaitre leur relation avec leurs parents et d’être protégés. Cela est essentiel.

J’aimerais à cet égard revenir à l’audition tenue à Paris en juin dernier. Nous nous sommes penchés sur la situation de ces enfants sous l’angle scientifique et non politique. Les études menées ces derniers temps, notamment une étude réalisée en Finlande, démontrent que c’est la société – et non les parents – qui porte atteinte aux droits de ces enfants parce qu’elle refuse la diversité.

Je souhaite vivement que cette résolution soit adoptée à une vaste majorité, car elle touche le cœur des valeurs du Conseil de l’Europe. J’en appelle à tous les États membres afin qu’ils protègent la vie de leurs citoyens et éliminent les discriminations.

Mme GALVEZ (Canada, observateur) – Chers collègues, je fais partie de la délégation canadienne qui a le statut d’observateur au sein de cette Assemblée.

Tout d’abord, je voudrais remercier M. Jonas Gunnarsson pour son rapport, ainsi que les membres de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

En tant qu’êtres humains, nous avons tous les mêmes droits et la discrimination n’est pas acceptable. La Déclaration universelle des droits de l’homme le rappelle qui promeut le «respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales» et rappelle l’importance de l’égalité pour tous.

La Déclaration encourage les individus et les sociétés à s’efforcer, «par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés».

L’un des droits garantis par la Déclaration est celui de se marier et de fonder une famille.

Au Canada, notre législation en matière des droits de la personne s’inspire des principes de la Déclaration.

La Charte canadienne des droits et des libertés dispose que tous les Canadiens sont égaux devant la loi et ne peuvent faire l’objet de discriminations fondées sur des motifs liés à l’identité, comme la race ou le sexe.

En 1995, la Cour suprême du Canada a établi que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle contrevenait à la Charte.

La loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée afin de protéger les Canadiens de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Le tribunal canadien des droits de la personne a statué que le fait de refuser d’offrir les avantages sociaux aux partenaires de même sexe, des avantages qui seraient autrement offerts aux conjoints de fait de sexe opposé, constituait de la discrimination.

Les tribunaux canadiens ont également statué que dénier aux couples de même sexe le droit de se marier contrevenait à la Charte et au droit des Canadiens d’être traités sur un pied d’égalité, sans discrimination.

La loi sur le mariage civil, adoptée au Canada en 2005, garantit l’accès égal au mariage à des fins civiles pour les couples de sexe opposé et les couples de même sexe.

Comme bon nombre de vos pays membres, le Canada a accompli des progrès remarquables au fil des ans pour protéger les droits des couples de même sexe et de leurs familles.

L’adoption de changements similaires ailleurs dans le monde et l’acceptation de ces changements par les sociétés sont possibles au moyen d’une meilleure éducation. En effet, grâce à l’éducation, nous pouvons aider les citoyens à se comprendre les uns et les autres, à promouvoir l’importance des droits de la personne et des libertés fondamentales et à poser les gestes nécessaires pour parvenir à l’égalité pour tous.

Mme RAUCH (France) – Alors que se déroule actuellement à Strasbourg les Semaines de l’égalité 2018 avec en sous-titre « Discriminer, c’est détruire, apprenons à vivre ensemble », je tiens à féliciter mon collègue, M. Jonas Gunnarsson, pour son excellent et important rapport. Je suis heureuse que notre Assemblée parlementaire l’ait inscrit à notre ordre du jour. Ce rapport intitulé «Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle» nous permet, en effet, de nous pencher à nouveau sur des discriminations fondées sur tous les motifs, y compris l’orientation sexuelle, abordées pour la dernière fois en 2010.

Fort heureusement, des progrès importants ont été réalisés dans les États membres au cours de ces huit années, mais l’intérêt du rapport de notre collègue est de dresser un état des lieux de la situation dans chaque pays ainsi qu’un bilan des évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Ainsi, concernant la reconnaissance juridique des partenariats entre personnes de même sexe, la tendance à une généralisation se poursuit, portant à 16 sur 47, le nombre d’États membres du Conseil de l’Europe reconnaissant le mariage des couples homosexuels.

Notre rapporteur cite la France où en 2013, écrit-il, «de grands rassemblements ont vu le jour pour contester l’introduction du mariage pour tous». Son rapport nous permet en effet de revenir sur la loi du 17 mai 2013 instituant le mariage pour tous, qui a permis à la France de devenir le 9e pays européen et le 14e pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. Cette loi a ouvert de nouveaux droits pour le mariage, l’adoption et la succession au nom des principes d’égalité et de partage des libertés.

Cinq ans après, environ 7 000 mariages gays et lesbiens sont prononcés chaque année, soit 3 % du total. En revanche, très peu d’adoptions semblent comptabilisées. La procédure restant compliquée en France – et encore plus à l’étranger – et la priorité donnée à des couples avec un père et une mère poussent certaines associations à réclamer une anonymisation des dossiers afin d’éviter les discriminations.

Toutefois, même si le mariage pour tous et les familles homoparentales sont entrés dans les mœurs, on peut déplorer que, dans mon pays, l’homophobie reste toujours prégnante. Ainsi, selon le rapport 2018 de SOS Homophobie, après plusieurs années de baisse, les cas d’agressions physiques sont malheureusement à nouveau en augmentation ainsi que le nombre de témoignages d’actes LGBTphobes. Ceci, alors que notre Comité national d’éthique vient de se dire favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, y compris en couple lesbien ou célibataires. J’espère que nous n’aurons pas à revivre la violence des débats que nous avons connue en 2013.

Pour conclure, je remercierai à nouveau notre collègue pour son excellent rapport qui permet de remettre à l’ordre du jour les droits des personnes LGBT et surtout les discriminations dont elles peuvent être l’objet. Les droits ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années. Néanmoins, les États membres conservent des divergences, notamment sur le mariage homosexuel ou l’adoption homoparentale.

De plus, on le constate malheureusement chaque jour, la loi ne suffit pas et les discriminations de toutes sortes persistent au quotidien. Aussi ne devons-nous jamais cesser de parler d’égalité et de lutte contre les discriminations afin de sensibiliser notre jeunesse et de faire en sorte que, sur tous nos territoires européens, droits et protections s’harmonisent.

Mme BARDELL (Royaume-Uni)* – Pendant longtemps, j’ai été très embarrassée, gênée; pendant longtemps, je ne savais pas comment me comporter. Aujourd’hui, je suis heureuse et les anxiétés que j’avais n’existent plus. Ce sont mes propres mots, voilà ce que j’écrivais il y a 18 mois à propos de ma propre expérience mentale et de mon coming out. Le rapport de M. Gunnarsson arrive à un excellent moment dans notre calendrier. Pour moi et pour d’autres de la communauté LGBTI, il est vraiment réconfortant de lire une analyse aussi fouillée et détaillée des défis qui restent à relever pour la communauté LGBTI dans tous les États membres, et même dans des États comme l’Écosse ou le Royaume-Uni où existe le mariage pour tous et où, dans l’ensemble, la loi nous protège.

Je suis profondément attristée d’entendre encore des discours vraiment insultants. M. Shehu, qui précise bien au début de son intervention qu’il ne veut offenser personne, m’a profondément scandalisée et outragée. Je pense que les autres LGBTI dans cet hémicycle ont ressenti la même chose. Ce que nous voulons, c’est une organisation de la démocratie et des droits de l’homme dans laquelle nous serions tous sur un plan d’égalité.

À cet égard, le vote de ce soir est très important. Les valeurs que nous chérissons dans tous nos États membres ne pourraient être mieux décrites et défendues que dans ce rapport. Je sais que certains ont peur pour le mariage traditionnel et la vie familiale. Quant à moi, j’espère un jour créer une famille et avoir des enfants avec ma compagne. Je ne vois pas pourquoi nous serions de plus mauvais parents que des hétérosexuels.

Je songe aussi aux familles monoparentales. Je n’ai jamais connu mon père. Cela ne m’a jamais empêchée d’avancer dans la vie. D’après les études, les enfants des familles telles que les nôtres ne sont pas retardés ni inadaptés!

Monsieur Gunnarsson, en tout cas, votre rapport compte beaucoup pour nous, pour moi personnellement et pour l’ensemble de la communauté LGBTI. J’espère que tout le monde le soutiendra ce soir.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. Jonas GUNNARSSON (Suède), rapporteur* – Je suis touché par tous les remerciements que j’ai entendus dans cet hémicycle cet après-midi. Je suis également très heureux que la commission sur l’égalité ait été capable de présenter un rapport sur toutes ces questions qui a été adopté à l’unanimité.

Nous sommes nombreux à considérer qu’il s’agit d’un rapport très important, qu’il fallait présenter dans cet hémicycle. Je regrette d’entendre des représentants de partis qui ont pourtant participé aux débats lorsque nous avons élaboré ce rapport et ce projet de résolution en commission dire que le traitement de la question a été partial. Vous avez eu toute latitude pour participer aux travaux d’élaboration de ce rapport. Nous avons tenu six réunions, où vous auriez pu faire entendre votre voix, où vous auriez pu demander la présence d’autres experts ou d’autres sources d’information. Vous ne l’avez pas fait. Nous avons entendu des experts issus du monde universitaire, qui ne sont absolument pas partiaux. Ils nous ont apporté des connaissances et nous ont fait profiter de leur expertise sur laquelle nous nous sommes fondés pour rédiger ce rapport, comme c’est toujours le cas à l’APCE. Vos propos ne visent qu’à saper la valeur de notre travail!

Je ne peux pas répondre à chacun. Comme je l’ai dit, je suis vraiment touché par toutes les paroles aimables qui ont été prononcées.

Je voudrais revenir sur deux points. D’aucuns ont évoqué la démographie, pour observer que le fait de donner des droits aux couples LGBTI constituerait un obstacle à la natalité et à une bonne démographie. Ils ont tort. C’est tout à fait faux! Regardez la Suède, mon pays. Notre taux de natalité est probablement l’un des plus élevés d’Europe. Pourtant, nous sommes une société égalitaire, dans laquelle les personnes gays ont le droit de se marier, d’adopter et d’avoir des enfants. Ce n’est pas en restreignant les droits des LGBTI que l’on améliore le taux de natalité, mais en offrant des places en crèche aux enfants ou en adaptant le marché du travail à l’emploi des femmes.

D’aucuns ont également avancé que les valeurs traditionnelles procuraient le droit de discriminer certaines personnes. Là encore, ils ont tort! Le droit à la discrimination n’existe pas dans notre Convention. Or notre base de travail est la Convention, pas une tradition vieille de 100 ans – car si tel était le cas, l’on aurait encore le droit de violer sa femme ou de battre ses enfants. Les sociétés évoluent. C’est une bonne chose. Nous devrions en être fiers.

Nous avons encore entendu dire qu’il fallait protéger le mariage traditionnel, parce que c’est dans ce cadre que les enfants doivent naître. Vous pouvez toujours le dire! Mais de nombreux enfants naissent hors mariage. Il existe de nombreuses familles monoparentales. Le mariage n’est pas le seul cadre dans lequel naissent les enfants. Vous devriez le savoir. Regardez vos propres sociétés en face! Ce sont les personnes qui ont besoin d’être protégées, pas la tradition ou les idées des uns ou des autres. On ne peut pas interdire aux gens d’avoir des enfants! Ils en auront, quoi que nous en pensions. Il faut surtout procurer à ces enfants un environnement sûr dans lequel ils puissent grandir. Nous y parviendrons en donnant des droits à ces enfants et à leurs parents.

Je suis heureux que la possibilité m’ait été donnée de travailler dans cette Assemblée. Je remercie tous ceux qui ont appuyé mon rapport, ainsi que le secrétariat de notre commission, qui m’a aidé à rédiger cet excellent texte.

LE PRÉSIDENT* – Nous vous souhaitons tout le meilleur pour l’avenir!

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – C’est un véritable honneur et un plaisir pour la commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire que de présenter ce rapport. Le 2 mars dernier, lors de la conférence coorganisée avec le Parlement danois et la Présidence danoise du Comité des Ministres à Copenhague, nous avons pu entendre le discours très puissant et très émouvant de la ministre irlandaise de l’Enfance et de la Jeunesse, Mme Zappone. Quelle différence pour ces familles arc-en-ciel d’être reconnues et acceptées!

L’orientation sexuelle fait très profondément partie de l’identité de chacun d’entre nous. Personne ne devrait être traité différemment à cause de son identité sexuelle. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée appelle les États membres à s’assurer que leurs lois interdisent la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. La liberté de réunion doit être protégée, pour les LGBTI comme pour le reste de la population. Quelle que soit son orientation sexuelle, chacun et chacune doit avoir accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, aux biens, aux services, au logement, à l’assistance sociale.

En 2010, nous avons reconnu l’importance des questions liées à la vie familiale – comme la fiscalité, le statut familial, le droit de résidence pour les couples de différentes nationalités. Mais la question de la législation en la matière, dans laquelle les États membres disposent d’une marge de manœuvre, n’a toujours pas été réglée. Néanmoins, ceux-ci ont été appelés à permettre aux enfants de partenaires de choisir leur voie en fonction de leurs intérêts propres. Cela a permis des changements. Mais le progrès, en particulier en matière de vie privée et familiale, n’a pas toujours été linéaire, comme nous avons pu l’entendre. Je considère qu’il faut toujours garder présentes à l’esprit les personnes qui sont affectées par ces questions dans leur vie quotidienne.

Je remercie de tout cœur notre rapporteur. Monsieur Gunnarsson, merci pour tout le travail réalisé et l’énergie déployée! Nous sommes très tristes que vous nous quittiez. Je vous remercie également toutes et tous pour ce débat qui a globalement su rester respectueux.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé. Je vous rappelle que le temps d’intervention est limité à 30 secondes.

Je suis donc saisi de l’amendement 1.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Je n’étais pas présente en commission pour défendre cet amendement car je n’en suis pas membre. Nier la réalité ne la fera pas disparaître. De nombreux parents LGBTI ont recours à la maternité de substitution. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte. Je propose donc d’ajouter «en réglementant également la maternité de substitution altruiste».

M. Jonas GUNNARSSON (Suède), rapporteur* – J’y suis opposé, tout simplement parce que la maternité de substitution échappe au champ de ce rapport. Du reste, un rapport et un débat ont déjà porté sur ce sujet.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission* – La commission est contre également.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14620.

Le projet de résolution est adopté (67 voix pour, 14 voix contre et 5 abstentions).

3. L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe
et des Nations Unies aux États membres, y compris aux «zones grises»

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport sur «L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États membres, y compris aux "zones grises"», présenté par M. Schwabe, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 14619).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Monsieur Schwabe, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – «Les droits de l’homme sont-ils une question exclusivement nationale?» C’était la question posée par M. Zeid Ra’ad Al Hussein, commissaire aux droits de l’homme de l’Onu devant le Conseil des droits de l’homme, à Genève, en septembre 2016. Voici sa réponse: «Il appartient aux gouvernements de respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et de respecter les normes. Mais le respect des droits de l’homme, de toute personne, dans n’importe quel pays, exige également que nous lui accordions notre attention collectivement».

M. Al Hussein a posé cette question, car un nombre croissant d’États semblent ne plus accepter ce principe. De plus en plus de pays ne coopèrent plus avec le Haut-Commissaire, avec l’Onu et ses autres mécanismes de suivi. Ils refusent les visites ou fixent des conditions inacceptables, voire remettent en cause la légitimité de l’action de suivi.

J’étais dans la salle quand il a prononcé son discours. J’ai été ébranlé de l’entendre mentionner une série de pays membres du Conseil de l’Europe.

Le Haut-Commissaire est d’ailleurs revenu sur ce sujet lors de deux discours ultérieurs, notamment en juin de cette année, à Genève, où j’étais présent pour le rencontrer.

Le Conseil de l’Europe a ses propres mécanismes de suivi: le Commissaire aux droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Tous ont les mêmes problèmes. Les difficultés d’accès à certaines zones du Conseil de l’Europe ne concernant pas tout le territoire des pays mais une partie. A l’exception du sud-est de la Turquie, il s’agit surtout de ce que nous appelons des «zones grises» qui sont administrées par des autorités de facto non reconnues, en particulier l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie, la Transnistrie, le Haut-Karabakh et la Crimée.

Il s’agit toujours de territoires situés dans une zone hors du contrôle effectif de l’État central. Ne parlons pas ici du statut juridique d’un territoire. Nous ne sommes pas ici pour discuter de la situation juridique du territoire de tel ou tel État membre. En faisant abstraction de cette question, nous pouvons insister sur le respect des normes en matière de droits de l’homme.

Il est très difficile pour les organisations de suivi international de l’Onu, du Conseil de l’Europe ou de l’OSCE d’avoir accès à ces territoires, en particulier pour les comités conventionnels du Conseil de l’Europe. Quelle est la base juridique pour rendre visite à un territoire dont les autorités ne sont pas reconnues par le droit international? Quelles normes peut-on appliquer à une administration qui n’a pas d’obligation liée à un traité? A qui s’adresser sur le plan pratique pour organiser les déplacements? Comment appeler les autorités de facto? Ce ne sont pas seulement des questions techniques, ce sont aussi des questions éminemment politiques qui suscitent souvent des passions énormes et auxquelles il est très difficile de répondre.

Lors de la préparation de mon rapport, j’ai toutefois été rassuré de constater que de nombreux travaux avaient déjà été réalisés pour tenter de répondre à ces questions. M. Giakoumopoulos, le directeur général des droits de l’homme et de l’État de droit au Conseil de l’Europe, a présenté ses travaux à la commission des questions juridiques et à moi-même.

Comment avoir des relations fonctionnelles entre les organismes de suivi et les autorités de facto non reconnues? Il faut deux conditions essentielles. Les autorités centrales doivent permettre un dialogue entre les groupes de suivi et les autorités de facto, lesquelles doivent accepter que le monitoring ait lieu dans le respect intégral de leur mandat. Il faut une attitude constructive des deux parties, les autorités centrales de jure et les autorités locales de facto. Grâce à l’attitude constructive des autorités de Moldavie et des autorités de facto de Transnistrie, le CPT a pu se rendre en Transnistrie. De même, il a pu se rendre en Abkhazie grâce à l’attitude constructive des autorités de facto et des autorités de jure géorgiennes. Nous ne pouvons que nous en féliciter et encourager d’autres à suivre cet exemple.

Bien entendu il y a toujours des risques d’exploitation politique d’une visite de suivi. C’est souvent ce qui empêche une attitude constructive. D’aucuns cherchent à présenter une visite de suivi non pas comme une enquête sur les droits de l’homme mais comme une reconnaissance juridique du statut de la «zone grise».

Nous disons au paragraphe 3 de notre texte que «les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de facto ne devraient pas être présentés comme une reconnaissance en droit international de la légitimité de ces autorités». Plus loin, dans le même paragraphe, nous expliquons que le fait d’aller voir sur le terrain ce qu’il en est en matière de droits de l’homme n’a aucune implication sur le statut légal des autorités de facto. De toute façon, ceux qui contrôlent un territoire, de jure ou de facto, doivent assurer les mêmes normes en matière de droits de l’homme pour toutes les populations. Personne ne peut s’arroger des pouvoirs d’autorités légitimes sans en assumer les responsabilités.

Le projet de résolution demande aussi qu’il soit présumé que les États ont autorisé la visite des organes de suivi des droits de l’homme dans des conditions spécifiques. En l’occurrence quand on peut légitimement penser qu’il y a de graves violations des droits humains fondamentaux ou de la dignité humaine: menaces de mort, torture, traitements inhumains ou dégradants ou privation des besoins humanitaires essentiels. Dans ces cas-là, les organes de suivi devraient pouvoir se rendre sur place immédiatement. Ce principe est déjà établi pour le CPT mais pas pour les autres. Or ce principe devrait toujours valoir, dès qu’une telle situation apparaît. Il ne devrait pas y avoir de distinction entre les différents types d’organes de suivi. Chaque fois qu’il y a une situation grave, un mécanisme de suivi devrait pouvoir être activé et une visite être possible immédiatement.

Cette proposition, nous la faisons aussi dans le projet de recommandation au Comité des Ministres. Celui-ci devrait appeler tous les États membres à appliquer ce principe, par exemple; par le biais d’une résolution.

Nous proposons deux autres recommandations au Comité des Ministres.

La première est l’organisation d’un débat d’urgence chaque fois qu’un État membre interdit à un organe de suivi du Conseil de l’Europe en matière de droit de l’homme l’accès à telle région ou à tel territoire. Le suivi des droits de l’homme est une activité essentielle du Conseil de l’Europe. C’est pour cela que les mécanismes de suivi ont été mis en place, avec le consentement exprès des États membres. Il n’y a aucune excuse au refus de coopérer avec ces organes de suivi. Le Comité des Ministres n’a aucune excuse s’il ne prend pas au sérieux des cas où l’autorité du Conseil de l’Europe et de ses organes est bafouée.

Nous recommandons enfin au Comité des Ministres un examen systématique de l’état de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Onu en matière de suivi du respect des obligations dans le domaine des droits de l’homme. Je ne veux pas donner l’impression que rien n’est fait, qu’il y a des carences graves dans le système. Au contraire, il y a déjà énormément d’actions communes qui fonctionnent bien.

Cependant ce système peut encore être amélioré, par exemple en améliorant la collaboration entre le CPT du Conseil de l’Europe et le sous-comité pour la prévention de la torture de l’Onu. M. Al Hussein, du reste, a expliqué devant le Conseil des droits de l’homme pourquoi il fallait accéder à ces zones. Les violations des droits de l’homme ne disparaîtront pas si un gouvernement empêche l’accès des observateurs internationaux à une partie de son territoire et se lance ensuite dans une campagne de relations publiques destinée à neutraliser toute publicité indésirable. Bien au contraire, les efforts qu’il déploie pour refuser tout examen attentif de la situation nous conduisent à nous demander ce qu’il cherche à cacher.

Mme Brynjólfsdóttir, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Sir Roger Gale au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE*– Monsieur le rapporteur, il vous reste 3 minutes pour répondre aux orateurs à la fin du débat.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je souhaite remercier M. Schwabe pour ce rapport qui montre que le Conseil de l’Europe, les Nations Unies et l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, doivent agir de concert dans ce domaine.

Nous avons envoyé des rapporteurs dans des pays qui souffrent de conflits gelés, or ils ne peuvent se rendre que dans certaines régions. C’est pourquoi, il y a 3 ans, nous avons mis en place une sous-commission chargée des conflits entre États membres, de manière à pouvoir engager un dialogue avec les autorités de fait. Nous y sommes parvenus en Transnistrie, par exemple. Il est urgent de le faire en Crimée, où des avancées ont eu lieu grâce à cette sous-commission en Abkhazie, en Ossétie du Sud ainsi qu’au Haut-Karabakh. Nous avons des débats à ce sujet.

À vrai dire, les possibilités qui s’offrent à nous ne sont pas nombreuses. C’est pourquoi le rapport recommande au Comité des Ministres de se confronter lui aussi à cette question. En particulier, il faut assurer un suivi dans les lieux de détention ou dans d’autres afin de savoir dans quelle mesure l’État de droit est respecté dans ces lieux auxquels nous n’avons pas accès. Les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’OSCE doivent agir de concert, car nous devons montrer clairement aux autorités de fait que nous ne perdons pas de vue la situation des droits de l’homme dans ces zones de conflit. Ce rapport présente donc une avancée véritable et j’espère que nous approuverons massivement le projet de résolution.

M. MOLLAZADE (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – L’un des problèmes essentiels pour le Conseil de l’Europe est le respect de l’État de droit, y compris du droit international. Or, dans ce projet de résolution, on trouve des dispositions qui violent l’intégrité territoriale des pays de l’ex-URSS. Toutes ces «zones grises» sont tout simplement des territoires occupés: 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie ou de la République de Moldova sont occupés, et l’on y mène une guerre d’indépendance. Au Haut-Karabakh, une ville a été détruite, et des centaines de femmes et d’enfants ont été tués à cause du nettoyage ethnique. Cette situation est horrible!

Et voici que, sous prétexte de protection des droits de l’homme, nous sommes saisis d’une proposition qui vise à légitimer ces régimes occupants! Si vous voulez savoir ce qui s’est passé pour les Tatars de Crimée, il n’est pas besoin d’aller en en Crimée, allez voir Moustafa Djemilev à Kiev! L’annexion de l’Ukraine, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan n’aurait pas été possible sans le consentement d’un certain nombre d’États. Or l’Onu dispose de moyens pour faire pression sur ces pays.

Les prétendues autorités de facto dans les zones grises sont des forces d’occupation! La plupart d’entre elles ont commis des crimes de guerre!

Le Conseil de l’Europe doit respecter l’intégrité territoriale de tous ses États membres. Or, si nous adoptons ce projet de résolution, demain, une prétendue autorité de facto sera légimitée par notre Organisation. Que se passe-t-il en Anatolie? La Turquie est un État membre et son intégrité territoriale ne semble pas respectée.

Ce rapport doit donc être rejeté car il viole tous les principes et de toutes les valeurs du Conseil de l’Europe. Il existe d’autres mécanismes pour protéger les droits de l’homme.

Mme SOTNYK (Ukraine), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je souhaite d’abord féliciter le rapporteur, car il s’agit d’un sujet important et difficile à traiter. En effet, ces «zones grises» posent un problème de définition et de sécurité juridique.

L’ADLE pense que les citoyens qui vivent sur ces territoires ont besoin de notre aide et de notre vigilance plus que n’importe qui d’autre, car ils n’ont aucune garantie que les droits de l’homme seront respectés et défendus. Par conséquent, ces personnes placent leurs espoirs dans une institution qui pourrait leur offrir une telle protection et, dans les moments cruciaux, s’immiscer justement dans les affaires intérieures.

En fait, l’une des façons les plus cyniques de refuser les droits de l’homme est d’empêcher, par exemple, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de se rendre sur place. C’est le problème que nous rencontrons par exemple en Crimée, où sont perpétrées de graves violations des droits de l’homme, notamment envers les Tatars. De nombreux civils sont réprimés par les autorités: ils ne peuvent exprimer leur désaccord parce que ce serait signer leur arrêt de mort, ou du moins s’exposer à de gros ennuis.

De nombreux témoignages ont fait état de cas de torture ou de jugements arbitraires.

Il est donc très grave de ne pouvoir se rendre sur place, y prendre vraiment la mesure de la situation, y recueillir des témoignages, y rencontrer des militants des droits de l’homme. Les décisions de la commission de suivi, en particulier touchant la Crimée, doivent pouvoir être appliquées et notre Commissaire aux droits de l’homme doit pouvoir actualiser dès que possible son rapport de 2014. Cela suppose de faire pression sur la Russie et de se montrer très direct avec elle.

Le rapport ne mentionne pas l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dont nous devrions, je crois, nous rapprocher davantage puisque, elle aussi, s’est dotée de mécanismes de protection des droits de l’homme. En tout cas, il faut tout faire pour assurer cette protection dans les «zones grises».

M. OVERBEEK (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, je remercie le rapporteur. Son rapport, approfondi et réfléchi, soulève une question pertinente et urgente dont nous devrions tous nous préoccuper.

La complexité de la politique internationale contemporaine a abouti à la création de «zones grises», que le rapport définit scrupuleusement et avec neutralité. Les organes de suivi des droits de l’homme ont beaucoup de mal à accéder à ces territoires et à y travailler librement. L’urgence de ce problème a été mise en évidence récemment encore, lorsque le dernier parlementaire d’opposition en Transnistrie a été privé de son immunité et jeté en prison.

Les États membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation légale de coopérer avec les organes internationaux de suivi des droits de l’homme sur leur propre territoire, mais l’existence de «zones grises» complique la mise en œuvre de cette obligation. Les projets de résolution et de recommandation qui nous sont présentés proposent d’améliorer cette situation.

Trois recommandations concrètes y sont formulées. Dans la première, et la plus fondamentale, le rapporteur propose au Comité des Ministres de créer une présomption de consentement, ce qui rendrait plus difficile le blocage des territoires par l’État ou par les autorités locales qui les contrôlent de facto. Deuxièmement, le rapporteur recommande au Comité des Ministres d’organiser un débat d’urgence chaque fois qu’un organe de suivi du Conseil de l’Europe se voit refuser l’accès à ces territoires. Enfin, il appelle le Comité des Ministres à étudier de manière systématique et détaillée l’état de la coopération entre le Conseil de l’Europe et les mécanismes onusiens de suivi des droits de l’homme dans le but de développer la coopération internationale.

Si modestes soient-elles, ces recommandations sont parfaitement sensées, et leur mise en œuvre améliorerait de façon décisive l’accès des organes internationaux de suivi des droits de l’homme aux zones en question. Mais elles ne résoudront pas toutes les difficultés.

J’appelle particulièrement votre attention sur trois problèmes à propos desquels j’aimerais entendre le point de vue du rapporteur.

D’abord, les organes de suivi qui pénétreront dans les territoires visés sur le fondement de la présomption de consentement auront une lourde responsabilité s’agissant de la sécurité et de l’immunité de leur personnel et de leurs collaborateurs sur place.

Ensuite, comme le reconnaît d’ailleurs le paragraphe 3 du projet de résolution, il importe de s’assurer que la communication avec les autorités de facto, évidemment inévitable, ne puisse être interprétée d’aucune manière comme la reconnaissance de ces autorités.

Enfin, il faut également prendre garde à ce que le suivi des droits de l’homme ne soit utilisé par des tiers pour justifier une intervention partisane dans des conflits en cours, gelés ou non.

Sous ces réserves, la GUE soutiendra les projets de résolution et de recommandation.

M. MULLEN (Irlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je suis tout à fait d’accord avec les trois remarques par lesquelles M. Overbeek a conclu son intervention.

Je félicite M. Schwabe de son rapport, dont j’approuve en grande partie le contenu.

Dans le monde actuel, il est quasiment inexcusable de la part de quelque État que ce soit de refuser l’accès d’un territoire aux organes des Nations Unies et du Conseil de l’Europe chargés de s’assurer du respect des droits de l’homme. Les États membres des deux organisations ont implicitement accepté ce suivi, qui ne devrait donc donner lieu à aucune controverse. Seuls la défense nationale, la sécurité ou le risque de grave trouble à l’ordre public pourraient justifier un tel refus.

Les «zones grises» mentionnées dans le rapport sont précisément celles qui nécessitent une vigilance particulière s’agissant des droits de l’homme. Je songe singulièrement à la Crimée, que M. Schwabe cite dans son rapport. Le traitement de toutes les communautés religieuses y pose de graves problèmes depuis l’annexion illégale du territoire par la Russie. Les chrétiens, les musulmans et de plus petites communautés religieuses subissent les lois russes qui restreignent l’expression publique de sa foi et la liberté de réunion, étendues à la Crimée au cours des dernières années. Des prêtres catholiques munis d’un visa de tourisme y ont ainsi été poursuivis pour avoir participé à un culte.

Le rapport relève à juste titre que ces «zones grises» sont très différentes les unes des autres et qu’il n’existe pas de solution qui conviendrait à toutes. Les missions de suivi y sont très sensibles. Ainsi, on peut se demander si elles ne risquent pas d’apparaître comme une reconnaissance implicite des régimes de facto, tel le régime soutenu par la Russie en Crimée, ce qui peut provoquer des difficultés et des résistances de la part des gouvernements de jure, comme le Gouvernement ukrainien à Kiev.

Le rapporteur fait observer que les visites des organes du Conseil onusien des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe suscite des résistances particulières, alors que celles des organes du Conseil de l’Europe sont mieux accueillies. Peut-être cela est-il dû à la politisation rampante des organes onusiens de protection des droits de l’homme au cours des dernières années, qui donnerait aux États le prétexte dont ils ont besoin pour résister à ces visites.

Ainsi, les États-Unis se sont récemment retirés du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies et leur ancienne ambassadrice, respectée et considérée comme modérée, estime que «les régimes les plus inhumains du monde continuent d’échapper à son examen, et [que] le conseil continue de politiser les boucs émissaires des pays ayant des antécédents positifs en matière de droits de l’homme afin de détourner l’attention des abuseurs dans ses rangs». Peut-être y a-t-il eu quelques glissements aux Nations Unies. C’est un élément qui mérite d’être pris en considération et qui ne l’est pas dans le rapport.

M. FARMANYAN (Arménie)* – Je félicite moi aussi M. Schwabe de son excellent rapport sur un sujet très difficile. Ce rapport vise à maximiser l’efficacité des mécanismes respectifs de suivi des droits de l’homme de notre Organisation et de l’Onu, ainsi que les synergies entre eux.

Les droits de l’homme sont par nature universels. Aucun territoire, aucun État ne peut prétendre s’exempter de leur suivi. En la matière, il ne saurait exister de territoires oubliés dans l’espace du Conseil de l’Europe.

Nous nous réjouissons que certaines de ces zones grises aient coopéré avec le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’Onu et d’autres mécanismes de suivi. Encore une fois, il s’agit de mieux protéger les personnes, y compris dans les zones de conflit. En ce qui concerne le Haut-Karabakh, l’Arménie et le Haut-Karabakh ont toujours défendu l’option soutenue par M. Jagland et par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’Onu.

Fondamentalement, peu importe pour le Conseil de l’Europe qu’il s’agisse d’une zone de conflit ou non: il ne devrait pas y avoir le moindre pouce de territoire où le respect des droits de l’homme ne fasse pas l’objet d’un suivi. Souvenons-nous des succès enregistrés au Kosovo ou dans d’autres zones difficiles. Les autorités du Haut-Karabakh ont fait preuve dans de nombreuses lettres de leurs dispositions à coopérer avec les mécanismes de suivi des droits de l’homme internationaux. Ces organismes doivent saisir ces opportunités. La dernière en date remonte à l’après-guerre du printemps 2016. Les autorités du Haut-Karabakh ont invité les organes du Conseil de l’Europe et de l’Onu à se rendre sur place, à faire l’état des lieux en matière de droits de l’homme, à se rendre compte de l’agression de l’Azerbaïdjan et des atrocités que l’on peut qualifier dignes de celles des nazis, à constater qu’il y avait bien eu des victimes civiles au Haut-Karabakh.

En tout cas la démarche adoptée par M. Schwabe dans son rapport devrait faciliter la recherche de solutions à ces problèmes graves. Le respect des droits de l’homme facilite la recherche de solutions politiques aux conflits. C’est une ligne de conduite que je recommande à nos amis d’Azerbaïdjan.

LA PRÉSIDENTE* – Puis-je rappeler aux intervenants que leur temps de parole n’est que de 3 minutes.

M. WHITFIELD (Royaume-Uni)* – Les droits de l’homme sont universels et indivisibles. Ils sont un bouclier qui protège notre continent. Pour que ce bouclier fonctionne, des mécanismes de suivi effectifs sont nécessaires. Cela signifie que les États membres doivent s’engager pleinement dans cette voie, de manière inconditionnelle et avec célérité.

Lorsque cette coopération n’est pas assurée de cette façon, nous devons nous interroger sur les raisons. Les refus de coopération sont de plus en plus fréquents, non seulement avec les Nations unies mais également avec le Conseil de l’Europe.

Ces échecs répétés rendent d’autant plus nécessaires ce débat sur les zones grises. Le rapport établit clairement que le suivi des droits de l’homme ne doit pas être une visite humanitaire ponctuelle. Il implique un suivi dans la mise en œuvre des normes et l’existence de voies de recours.

La coopération entre le Conseil de l’Europe et les Nations unies notamment, est indispensable. Cette synergie entre les idées et les visites sur le terrain est une condition si l’on veut remporter des succès dans ces zones grises, qui sont des zones de conflits.

Je ne crois pas que les visites dans les zones grises confèrent, comme entendu, une certaine légitimité aux autorités de fait. Elles ne sont rien d’autre qu’une façon de s’assurer que les droits de l’homme sont respectés, et un moyen de collecter des éléments de preuve. En aucune façon, elles ne sauraient faire office de reconnaissance. Les autorités de fait ne deviennent nullement légitimes du seul fait qu’une visite a eu lieu sur le territoire. Je soutiens entièrement le rapport, ses conclusions et ses propositions.

M. ZSIGMOND (Hongrie)* – Si les États membres ont pour responsabilité de respecter les normes du Conseil de l’Europe, les droits de l’homme requièrent, dans tous les pays, notre attention collective. Les violations des droits de l’homme ne vont pas disparaître parce qu’un État bloquera la frontière et empêchera les observateurs internationaux de s’y rendre. En mars 2001, le Gouvernement hongrois a émis une invitation permanente aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

Il peut y avoir, dans certains conflits, des aspects cachés. Aujourd’hui en Ukraine, les droits des minorités hongroises sont violés. Des persécutions ont lieu. Les locaux d’une association hongroise ont été incendiés en février 2018. Le 30 juin, il y a eu un assassinat et plusieurs personnes ont été blessées dans un attentat. Les attaques contre les diplomates sont régulières. Les représentants de la minorité hongroise sont de plus en plus sous la pression des services de sécurité ukrainiens. Les harcèlements de nos diplomates rappellent ceux de l’époque soviétique. Le 19 septembre, toutes les règles du droit international et de la démocratie ont été violées par une opération secrète dans les locaux de la représentation hongroise à Kiev. Dans les relations bilatérales entre l’Ukraine et la Hongrie, des missions de bons offices s’imposeraient. Nous pensons que tous les États membres concernés doivent coopérer de manière pleine et entière et sans délai avec le Conseil de l’Europe.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Je remercie M. Schwabe pour son travail sur ce sujet très important. Nous nous félicitons des efforts de l’Assemblée pour accéder aux zones grises en matière de droits de l’homme.

En ce qui concerne la Turquie cependant, le rapport donne une image biaisée de la situation, d’où mon avis dissident. À tort, le rapport suggère que le commissaire aux droits de l’homme de l’Onu n’a pas pu se rendre dans le sud-est de la Turquie. M. Zeid Ra’ad Al Hussein a été invité à se rendre en Turquie à de multiples reprises. Nous avons dit publiquement que nous serions heureux de l’accueillir dans notre pays pour un séjour qui inclurait aussi le sud-est. Malheureusement, il n’a jamais fait suite à cette invitation.

Notre délégation tient à souligner qu’il n’y a aucune limite aux voyages, dans quelque partie que ce soit du pays. Nous pouvons le prouver: de nombreux partenaires internationaux se sont rendus un peu partout en Turquie depuis deux ans. Citons par exemple, pour ce qui est des organisations internationales spécialisées dans les droits de l’homme, la visite en mars 2016 du groupe de travail de l’Onu sur les disparitions involontaires et forcées et Anatolie et, en avril 2016, la venue en Anatolie de M. Muiznieks, ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Nous sommes l’un des 116 pays qui ont lancé une invitation ouverte à la procédure spéciale des Nations Unies depuis 2001. Nous avons toujours reçu les rapporteurs thématiques, nous avons accepté toutes les demandes de visite. En tant que partie à la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies, nous continuerons à coopérer sans restriction avec les mécanismes des Nations Unies. Nous fournissons régulièrement des rapports nationaux aux comités pertinents et accordons la plus grande importance à un dialogue interactif avec toutes les instances des Nations Unies. Tout cela semble avoir été oublié par le rapporteur; il devrait donc reconsidérer sa position sur ce plan.

M. Espen Barth EIDE (Norvège)* – Ce rapport est essentiel à l’action même du Conseil de l’Europe. En effet, le Conseil de l’Europe, c’est avant tout le respect des droits de l’homme et de la primauté du droit. Avec les Nations Unies, nous disposons de la Convention et des instruments de suivi les plus importants au monde pour les droits de l’homme. Si nous voulons mesurer le poids de notre Organisation, il ne faut pas regarder la mise en œuvre de nos normes dans les États les plus respectueux des règles, mais dans les régions les plus difficiles, où les populations rencontrent les circonstances les plus dures, c’est-à-dire dans les «zones grises».

Le rapport est extrêmement éloquent quand il décrit la différence entre l’application du principe universel des droits de l’homme d’une part, et la question de la légitimité et de la reconnaissance par le droit international d’autre part. J’ai entendu notre collègue, M. Mollazade, poser cette question. Personne ici ne souhaite implicitement reconnaître ce qui n’a pas lieu d’être reconnu. En revanche, nous ne pouvons autoriser l’existence de zones géographiques dépourvues de toute protection des droits de l’homme. La distinction est très claire. Elle doit être rappelée, pour qu’il n’y ait pas de confusion, et que certains n’interprètent pas des visites comme une reconnaissance.

J’apprécie beaucoup l’appel lancé aux Nations Unies pour la recherche de moyens plus effectifs de coopération dans un monde de plus en plus complexe et difficile.

Je m’arrête sur un autre point essentiel, celui de la présomption de consentement, qui signifie qu’un État, ou l’autorité de facto, soit considéré comme autorisant a priori la visite. S’il la refuse, il doit justifier les raisons et les dates de ce refus. Un processus de vérification des motifs aura lieu pour vérifier s’ils sont valables. Il est très bon que les règles soient précisées de la sorte. Ces règles valent universellement, et il faut les rappeler. Ce rapport est excellent.

M. MARUKYAN (Arménie)* – Le travail de la commission est extraordinaire.

Je me demande si M. Mollazade s’est exprimé au nom du Groupe des conservateurs européens. Il a en fait présenté la position officielle azerbaïdjanaise. J’espère que le Groupe des conservateurs européens votera en faveur de cette proposition de résolution. Je ne suis pas surpris que M. Mollazade s’exprime contre cette proposition de résolution, car l’Azerbaïdjan viole les droits de l’homme et les libertés fondamentales en attaquant des civils au Haut-Karabakh, en décapitant des soldats, disant ensuite qu’il est contre toute surveillance dans les «zones grises».

Il existe peut-être des «zones grises», mais les «êtres humains gris», eux, n’existent pas. Les êtres humains sont égaux entre eux et méritent tous protection, tout comme leurs libertés fondamentales. Nous ne pouvons dévier de cette voie.

D’après le rapport, le Haut-Karabakh est considéré comme partiellement libre, alors que l’Azerbaïdjan n’est pas un pays libre. Cet indicateur nous fait comprendre pourquoi l’Azerbaïdjan est contre l’application des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire ont pour mandat de protéger et promouvoir les droits de l’homme, et d’encourager les personnes à avoir accès aux mécanismes de protection de ces droits. Le Haut-Karabakh, unilatéralement, a ratifié de nombreux traités portant sur les droits de l’homme, adoptés par les Nations Unies et le Conseil de l’Europe. Ces traités sont aujourd’hui appliqués au Haut-Karabakh; ils ont été traduits dans la législation nationale; un pas très important a été franchi.

Nous appuyons donc cette proposition de résolution. J’espère qu’elle sera adoptée. Aucune zone, qu’elle soit rouge, verte ou jaune – ou de quelque couleur que ce soit –, aucune zone ne doit pouvoir fermer la porte à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

LA PRÉSIDENTE* – Mme Hopkins, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. KITEV («l’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont souscrit à la Convention européenne des droits de l’homme, traité conçu pour protéger les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit. La Cour européenne des droits de l’homme contrôle la mise en œuvre de la Convention dans les États membres. Le préambule de la Charte des Nations Unies de 1945 et celui du Statut du Conseil de l’Europe de 1949 confirment l’un comme l’autre un engagement envers la paix, la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit. Il suffit de lire les deux textes pour constater les parallèles entre les missions essentielles des deux organisations. Les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit sont confrontés aujourd’hui en Europe à une crise sans précédent depuis la fin de la guerre froide. Des violations graves, y compris la corruption, l’immunité vis-à-vis des poursuites, l’impunité, la traite des êtres humains, le racisme, les discours de haine et la discrimination, connaissent une croissance exponentielle sur le continent. Les droits sont également menacés par la crise économique et les inégalités croissantes. Le Conseil de l’Europe et ses États membres doivent agir d’urgence, pour mettre un terme à cette érosion des droits fondamentaux.

À la suite de réformes récentes, le Conseil a réalisé des progrès importants dans différents domaines. Avec la baisse du nombre d’affaires présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme, le droit de recours individuel, menacé il y a de cela cinq ans par des affaires trop nombreuses, a pu être sauvegardé. Des programmes de coopération, basés sur des projets concrets, sont en train d’être mis en œuvre dans plusieurs États membres. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est sur la bonne voie.

Nous devons saisir l’occasion offerte par ce rapport de renforcer le système conventionnel, unique en son genre. Je considère que le dialogue bilatéral constructif avec les États membres dans le contexte de ce rapport est des plus encourageants. Ensemble, nous pouvons remettre l’Europe sur la voie de l’unité et de la coopération, sur la base de valeurs, normes et obligations juridiques communes.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Ce thème est très sensible. Dans l’introduction du texte, le rapporteur a mentionné les territoires que l’on pourrait appeler les «zones grises». L’un d’entre eux fait partie de mon pays, l’Azerbaïdjan: il s’agit du Haut-Karabakh et de la région qui l’entoure, territoires occupés par l’Arménie depuis plus de vingt-cinq ans. Ces terres sont toujours occupées aujourd’hui.

Elles représentent 20 % du territoire azerbaïdjanais internationalement reconnu. Le régime séparatiste créé par l’Arménie les utilise pour mener des activités illégales - stockage de déchets nucléaires, traite d’êtres humains, colonisation illégale, exploitation illégale des ressources naturelles et dangereuses. Le Haut-Karabakh est ainsi devenu une zone grise du fait de la politique d’occupation arménienne. Les conséquences néfastes et dangereuses de cet état de fait subsisteront tant que l’occupation durera.

Pour éliminer le phénomène des zones grises, il faut s’attaquer à ses causes.

Dans le cas du Haut-Karabakh, il s’agit de l’occupation arménienne et du nettoyage ethnique qui l’accompagne. Un million d’Azerbaïdjanais originaires de cette zone grise ont été déplacés en Azerbaïdjan. Ils ne peuvent plus vivre sur leurs terres. Je pose la question: avec qui les représentants des Nations-Unies vont-ils discuter? Avec les occupants ou avec ces personnes déplacées?

Le Gouvernement arménien ne manque pas une occasion de présenter toute visite d’hôtes étrangers au Haut-Karabakh comme valant reconnaissance de son régime par la communauté internationale. Il est clair que les visites des zones grises par les organes de suivi des droits de l’homme seront instrumentalisées par les régimes séparatistes aux fins d’obtenir une reconnaissance internationale. Dès lors, ces visites n’aideront pas à la disparition de ces zones, mais les conforteront au contraire.

En conclusion, je crois que nous devrions prendre le mal à la racine et ne pas mettre en œuvre des demi-mesures qui ne feront qu’aggraver les choses.

LA PRÉSIDENTE* – Lord Touhig, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. VOGT (Liechtenstein)* – Je remercie le rapporteur pour son travail. L’existence de zones auxquelles les organes de suivi n’ont pas accès est incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme. Les États membres se sont engagés à protéger les droits de toutes les personnes relevant de leur juridiction.

Les visites des organes de suivi doivent être coordonnées avec les autorités politiques locales; cela ne signifie pas qu’elles emporteront reconnaissance de la légitimité desdites autorités dans les zones qui font l’objet de revendications par plusieurs parties.

Nous pouvons nous féliciter de la recherche d’une nouvelle coopération du Conseil de l’Europe avec les Nations Unies en matière de reconnaissance des droits de l’homme, en particulier dans le contexte de l’existence de ces zones grises, et, plus généralement, de tous les échanges d’informations entre ces institutions.

La préparation de rapports dans le cadre du suivi des accords de protection des droits de l’homme représente un coût élevé, notamment pour les États de petite taille. Le Liechtenstein souhaiterait encourager les synergies et la mutualisation des moyens afin de réaliser des économies au bénéfice des États comme des organisations internationales.

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – Il ne fait pas de doute que le Conseil de l’Europe devrait avoir un accès illimité aux territoires des États membres, y compris dans les zones grises. Toutefois ces contacts peuvent, dans certains cas, être interprétés de façon ambiguë.

En janvier 2018, une table ronde sur le règlement de la question de la Transnistrie a été organisée à Paris par la sous-commission de notre Assemblée en charge des conflits entre États membres. Les discussions se sont tenues à huis clos. J’y ai assisté en qualité de représentante de l’opposition moldave.

Les médias de Transnistrie ont présenté cet évènement comme un grand succès de leur diplomatie, ayant offert, pour la première fois en quinze ans, la possibilité de faire valoir leur point de vue sur l’indépendance devant le Conseil de l’Europe. Une agence de presse de Transnistrie a publié un article affirmant: «Le président du Conseil suprême de Transnistrie, Alexandre Shcherba, a souligné face à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que l’indépendance de la Transnistrie repose sur des bases historiques et juridiques objectives. Il a indiqué que la Transnistrie était prête à siéger au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en tant qu’observateur.»

Or ni moi, ni les représentants de la majorité gouvernementale moldave, n’avons pu réagir publiquement parce que nous respectons les règles de confidentialité du Conseil de l’Europe applicables aux réunions à huis clos.

Je me félicite donc que le troisième paragraphe du projet de résolution stipule que «les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de fait, y compris leurs contacts avec ces autorités et les visites des territoires en question, ne constituent pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance en droit international de la légitimité de ces autorités».

À l’avenir, des évènements tels que celui organisé à Paris devront donner lieu à une communication claire de l’Assemblée spécifiant l’absence de toute reconnaissance juridique internationale. Si cette condition est respectée, l’Assemblée parlementaire de l’Europe pourrait devenir un forum intéressant pour évoquer les droits de l’homme dans les colonies de Transnistrie étant observé qu’actuellement, les violations des droits de l’homme se produisent sur les deux rives du fleuve. Dernier exemple en date, le kidnapping et la déportation de sept enseignants moldaves vers des prisons turques

M. COAKER (Royaume-Uni)* – Je félicite M. Schwabe pour son excellent rapport. Il est dommage qu’il soit débattu si tard dans la journée devant un hémicycle déjà clairsemé. Il méritait mieux!

Les zones grises suscitent des appréciations contradictoires. Ce fut le cas autrefois à propos de l’Irlande du Nord. On pouvait lire tout et le contraire de tout sur la situation de ce territoire.

Le rapport souligne que placer la protection des droits de l’homme dans ces zones au cœur des préoccupations permettrait de les sortir de l’impasse.

Si l’on demande un accès sans limite à ces zones grises, c’est bien pour permettre qu’au-delà de la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté de religion, toutes les règles soient respectées. Si tout cela est bafoué, il est évidemment plus difficile de trouver une solution globale au problème. La démarche privilégiant les droits de l’homme doit, par conséquent, venir en priorité.

J’appelle votre attention sur les recommandations de la commission. Dans le projet de recommandation, l’accent est porté sur les responsabilités particulières du Comité des Ministres: à lui de suivre ces questions et de faire avancer les situations. J’espère que le Comité des Ministres entendra notre discours. Le Comité des Ministres doit travailler avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, avec l’Onu et tous les organismes de suivi, pour que des pressions soient exercées entre pairs et ministres afin de garantir l’accès à ces zones grises. Nous ne devrions pas demander ou lancer un appel au Comité des Ministres, mais exiger de lui qu’il agisse quand des rapports mettent en évidence des violations de droits de l’homme. Cela ferait avancer les choses!

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Je comprends l’idée du rapporteur: il veut protéger les droits de l’homme, mais je ne suis pas du tout d’accord avec ses propositions sur les zones grises.

Je voudrais, encore une fois, vous rappeler que compte tenu du principe de l’inviolabilité des frontières, traverser une frontière doit se faire dans le respect de certaines conditions. Il faut respecter les frontières internationalement reconnues et les modalités de franchissement de ces frontières qui sont reconnues par les traités internationaux et les lois nationales. Dans ce contexte, le Haut-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan, et l’Azerbaïdjan, comme tous les autres États, peut exiger que n’importe qui franchisse les frontières dans le cadre des règles en vigueur.

Si l’on accepte une violation du régime de franchissement des frontières, comment imposer de respecter d’autres droits. D’ailleurs, quels droits voulez-vous vérifier dans les zones grises? Normalement, il s’agit de vérifier le respect des droits des populations. Certes, mais au Haut-Karabakh, il y a des décennies que les militaires arméniens font la loi et que les populations autochtones ont été chassées. Des personnes par centaines de milliers sont devenues des réfugiés, ont quitté le Haut-Karabakh. Qui allez-vous rencontrer là-bas? Les droits de qui allez-vous contrôler? Ceux des militaires arméniens? Ce ne serait pas logique.

Cette proposition ne fait qu’envenimer les choses et ne contribue en rien à trouver une issue au problème. En fait, toute une série de mesures prises par l’Arménie n’ont fait qu’envenimer la situation.

Ce fut le cas, tout récemment, de la visite de la femme du Premier ministre d’Arménie, qui a organisé un voyage réunissant de nombreuses femmes dans cette région. Officiellement, cela se faisait dans le cadre d’une opération de diplomatie en faveur de la paix de la part des femmes. Je reconnais que les femmes sont sans doute les plus préoccupées par ces questions, elles ont peur pour leurs enfants. Mais à quoi cela sert-il alors que les militaires arméniens tirent sur des enfants azéris innocents, de l’autre côté de la frontière? On ne peut pas obtenir la paix de cette façon. C’était simplement une provocation.

Monsieur Schwabe, l’enfer est pavé de bonnes intentions. En fait, rendre visite à ces territoires sans autorisation de l’État de jure, même avec les meilleures intentions du monde, ne servira à rien.

Mme BLONDIN (France) – Madame la Présidente, je salue à mon tour le rapport extrêmement précis de notre collègue M. Schwabe dont j’approuve les projets de résolution et de recommandation, en particulier sa proposition évoquée à plusieurs reprises de présomption de consentement.

Ce rapport constitue, hélas, un constat supplémentaire du recul des droits de l’homme et de leur respect dans le monde – et donc au sein de nos États membres. Sa tonalité est plutôt pessimiste et décourageante, mais il est difficile de le contredire. Dans ce contexte, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Al Hussein, a même annoncé qu’il ne briguerait pas un second mandat en raison du manque d’empressement de nombreux États à tenir leurs engagements et du faible soutien politique de la communauté internationale dans l’accomplissement de sa difficile tâche.

Il me semble extrêmement inquiétant pour les générations futures que de nombreux États, contestant le respect des droits de l’homme, développent des arguments relativistes qui contribuent à affaiblir la valeur et la portée universelles de ces droits, à un moment où certaines grandes puissances – la Chine, par exemple – tentent de promouvoir le bien-fondé de leur modèle qui n’est en rien démocratique et que l’on pourrait résumer ainsi: la modernisation sans l’occidentalisation. Nous sommes en train d’assister à un grand retournement de nos valeurs.

Dans ce contexte nouveau qui est en train de se former, où l’Occident n’occupera sans doute plus la première place, nos valeurs constitueront à la fois le point commun et la valeur ajoutée de l’Europe. C’est la raison pour laquelle, pour construire un continent européen unifié sur la base de ces valeurs, et peser ainsi sur la marche d’un monde où la coopération ne sera peut-être plus recherchée, il importe que nos États coopèrent avec nos mécanismes de suivi et mettent pleinement en œuvre leurs recommandations. C’est loin d’être toujours le cas aujourd’hui: certains États membres ne les appliquent que partiellement, d’autres les ignorent. Nous n’avons collectivement rien à gagner à affaiblir la crédibilité de ces mécanismes de suivi, mais tout intérêt à renforcer les synergies, notamment avec les Nations Unies.

Je me réjouis que la France se soit toujours engagée activement au sein du Conseil des droits de l’homme de l’Onu et qu’elle participe aux discussions visant à améliorer l’efficacité des travaux du Conseil, dont le réexamen doit intervenir en 2021.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Chers amis, comme vous le savez, 20 % de l’Azerbaïdjan sont occupés par l’Arménie, et ce en dépit de toutes les résolutions du Conseil de l’Europe, de l’Onu ou d’autres organisations internationales. Une politique déterminée d’épuration ethnique a été conduite dans le Haut-Karabakh. En fait, l’Arménie a chassé tous les Azéris de ce territoire il y a vingt-cinq ans, voire plus. Et depuis, ces personnes déplacées, ces réfugiés azéris ne peuvent rentrer chez eux.

L’Onu et le Conseil de l’Europe feraient mieux de se préoccuper de leur sort et ne pas chercher à discuter avec les autorités terroristes de ces zones grises, d’autant qu’il serait contraire aux lois d’Azerbaïdjan de se rendre au Haut-Karabakh sans l’autorisation de l’Azerbaïdjan. Pourtant, cette zone grise ne manque pas de visiteurs. De nombreux ministres arméniens s’y sont notamment rendus sans autorisation de l’Azerbaïdjan, ainsi que toutes sortes de visiteurs européens. Vous comprendrez que les personnes qui vivent là-bas sont toutes des occupants ou des proches des occupants.

On parle beaucoup de toutes ces questions, mais quelles mesures avez-vous prises? Aucune, et je ne vois pas en quoi l’adoption d’un tel document ferait avancer les choses!

L’OSCE vient de créer une mission qui s’est rendue dans le territoire occupé. Un rapport de mission a été rédigé. Mais, de toute façon, l’Arménie ne respecte aucune recommandation, quels que soient les textes, quels que soient les rapports.

L’Arménie détient toujours en otage deux Azerbaïdjanais qui rentraient chez eux dans une région d’Azerbaïdjan qu’elle occupe, et refuse de les libérer en dépit des demandes formulées par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Si le Président arménien envoie son fils faire son service militaire au Haut-Karabakh, ce n’est pas innocent non plus. Plusieurs mesures auraient dû être prises. L’Assemblée parlementaire aurait dû condamner cette occupation, qui n’est pas tolérable. Or cela n’a jamais été le cas.

M. GATTOLIN (France) – Comme nombre de mes collègues, je tiens à féliciter le rapporteur, M. Schwabe, pour son rapport qu’à la première lecture, hors de cette ambiance d’hémicycle, j’ai trouvé par moments un peu superfétatoire tant les propositions qu’il contient sont logiques et rationnelles au regard des engagements pris par tout État membre de notre Organisation. Et puis, après avoir écouté le débat qui vient de se tenir, j’aurais volontiers abandonné mes trois minutes de parole au rapporteur pour qu’il puisse répondre aux questions et préciser un certain nombre de points.

Lorsque j’entends dire qu’une mission de suivi dans une zone grise constituerait de facto, d’une certaine manière, un acte de reconnaissance d’une autorité non reconnue internationalement, en dépit de toutes les précautions posées, qui sont celles du droit inscrit dans notre Organisation à travers la Convention européenne des droits de l’homme, je me demande quand même si certains ici ne se moquent pas du monde et n’utilisent pas des arguments du même type que celui qui a été avancé la semaine passée par l’ambassadeur chinois aux États-Unis qui, à la suite des mesures de rétorsion de l’administration américaine vis-à-vis d’un certain nombre de responsables chinois, a affirmé qu’il existait une véritable liberté de visiter le Tibet et que si les journalistes et les responsables ne s’y rendaient pas, c’est qu’ils étaient victimes de l’altitude et du climat.

N’oublions tout de même pas que nous nous exprimons dans un hémicycle et que nous sommes les représentants de nos parlements nationaux, en charge de faire appliquer et respecter des conventions que nous avons adoptées et ratifiées – et non de les remettre en cause par des subterfuges.

Monsieur le rapporteur, c’est bien volontiers que nous voterons des deux mains à la fois votre projet de résolution et votre projet de recommandation – dont nous vous remercions.

M. CANDAN (Représentant de la communauté chypriote turque)* – L’effectivité des mécanismes de suivi des droits de l’homme dépend de la bonne volonté des parties à coopérer avec eux, afin qu’ils puissent réellement effectuer leur travail, en particulier dans les zones de conflit. Plutôt que de politiser ce conflit, il est essentiel d’assurer une désescalade et de permettre l’accès à ces zones.

Avant de parler de la partie nord de Chypre, je voudrais souligner que la communauté chypriote turque souhaite trouver la place qui lui revient dans la communauté internationale, et concentrer ses efforts en vue d’aboutir à un règlement global permettant la réunification de l’île. Nous avons œuvré en faveur de l’harmonisation de la législation chypriote pour qu’elle respecte les acquis européens, de manière à assurer, d’une part, la réunification et, d’autre part, le strict respect de la Convention européenne des droits de l’homme.

Toutefois, il ne saurait s’agir d’une démarche à sens unique. Une coopération avec les organisations internationales pertinentes est nécessaire. C’est pourquoi nous nous sommes toujours réjouis que le Conseil de l’Europe et les organes de suivi des Nations Unies s’intéressent à la partie nord de Chypre. Leurs rapports formulent des conclusions et des recommandations sur la République turque de Chypre du Nord. Non seulement nous nous en félicitons, mais nous invitons les rapporteurs à s’y rendre. C’est au contraire la partie chypriote grecque qui tente d’empêcher l’accès des organisations internationales à la partie nord de l’île. Elle s’y réfère comme à un territoire problématique, ce qui prête à confusion dans le rapport actuel. C’est en fait le statu quo qui pose problème.

La dénommée «République de Chypre», qui se proclame successeur de celle de 1960, laquelle était fondée sur un partenariat réel entre les deux communautés, est un échec. Plusieurs articles fondamentaux de la Constitution de 1960 ont été suspendus et, depuis lors, les Chypriotes turcs n’ont plus leur place dans le système. Aujourd’hui, ils sont déterminés à mettre un terme à ce statu quo. En 2004, la majorité d’entre eux a soutenu le plan de règlement des Nations Unies – et c’est là la preuve la plus tangible de notre soutien. Ce sont les Chypriotes grecs, désireux de maintenir le statu quo, qui ont voté contre le plan. Depuis, ils ont à nouveau manifesté une attitude peu constructive à Crans-Montana.

Le fait que les Chypriotes grecs jouent avec l’idée neuve d’une confédération aux contours flous continue de saper nos efforts. J’espère que cela ne les minera pas, d’autant que le Secrétaire général des Nations Unies, António Gutteres, avait formulé des propositions constructives à Crans-Montana. Les Chypriotes turcs espèrent que les négociations reprendront, en vue d’un résultat concret et d’une solution permettant à Chypre d’être un pays comme les autres, de même qu’un État membre de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe comme les autres. J’invite tous les futurs rapporteurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe chargés d’étudier la situation de l’île et les organes de suivi du Conseil de l’Europe à se rendre dans la partie nord de Chypre. Nous ferons tout pour faciliter leur venue.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur* – Merci, chers collègues, pour vos interventions constructives. Je voudrais répondre à trois questions et formuler quelques observations sur le fond.

Mme Sotnyk a évoqué l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE. Bien entendu, celle-ci connaît les mêmes difficultés que le Conseil de l’Europe ou les Nations Unies. Ce qui vaut pour le Conseil de l’Europe et les Nations Unies vaut aussi très largement pour l’OSCE.

Monsieur Overbeek, vous souhaitez savoir ce qu’il en est des personnes qui soutiennent les missions sur place. Apparemment, les représentants du Conseil de l’Europe n’ont pas rencontré de problèmes de sécurité lorsqu’ils ont pu se rendre dans les zones grises. Mais évidemment, il faut assurer la logistique et la sécurité des personnes qui se rendent sur le terrain.

M. Yeneroğlu a parlé du sud-est de la Turquie. En fait, nous avons repris les rapports du Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, qui critiquent le fait que l’on ne puisse pas aller librement dans certaines parties de votre pays. Nous voulons une coopération sans restriction. On ne peut pas admettre la moindre entrave au travail d’une telle mission.

J’en viens aux observations fondamentales, d’abord à l’adresse de nos collègues d’Azerbaïdjan – même si je ne voulais pas parler de territoires en particulier. Vous n’êtes pas d’accord avec le rapport. Il n’en demeure pas moins que vous refusez toutes les demandes. Je vous renvoie au paragraphe 3 du projet de résolution: «les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de fait […] ne constituent pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance en droit international de la légitimité de ces autorités».

C’est justement ce qui vous inquiétait. Qui peut autoriser l’accès? C’est précisément ce que nous disons, à savoir les autorités de jure et de facto.

Pour conclure, je voudrais une fois de plus défendre le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’Onu que l’on dit sous influence. Il est remarquable de constater qu’il est critiqué de toutes parts, ce qui prouve bien qu’il défend vraiment les droits de l’homme. Il entend défendre les mécanismes de l’Onu et nous devons vraiment nous engager en faveur de ces organismes, ainsi que de tous les organismes de ce genre du Conseil de l’Europe.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), présidente de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Ce rapport qui, à première vue, peut paraître technique touche au cœur de mission du Conseil de l’Europe. C’est la vocation de notre Organisation, en tant qu’organisation paneuropéenne, de promouvoir et de protéger les droits de l’homme universels pour tout un chacun sur notre continent. Ce rapport parle de notre rôle en tant que contrôleur des droits de l’homme. Si un État refuse de coopérer avec ces mécanismes sur son territoire ou sur une partie de son territoire, il crée des trous noirs dans la protection des droits de l’homme. La gravité des problèmes décrits exige une réponse de la part de l’Assemblée parlementaire.

La situation la plus courante dans laquelle les organismes de défense des droits de l’homme ne peuvent avoir accès au territoire concerne les zones grises, à savoir celles où les gouvernements légitimes n’ont pas accès et qui sont placées sous des autorités de facto. Lorsqu’une entité non reconnue sur le plan international contrôle ces territoires, les autorités de suivi des droits de l’homme sont instrumentalisées pour poursuivre des objectifs internes. Or cette approche est fatale pour le Conseil de l’Europe.

Si nous voulons améliorer la vie des personnes qui vivent dans les zones grises, il faut laisser la question du statut hors de notre mission. C’est ce qui est au cœur de notre rapport. Nous faisons deux propositions innovantes à soumettre à l’examen du Comité des Ministres. En premier lieu, que soit organisée une discussion d’urgence chaque fois que l’accès à des territoires est refusé aux organismes des droits de l’homme. En second lieu, prévoir une présomption d’acceptation de l’entrée des organismes de suivi, là où les droits de l’homme sont menacés.

Nous voulons que le Conseil de l’Europe puisse remplir pleinement sa mission statutaire et que les droits de l’homme soient mieux protégés partout en Europe.

LA PRÉSIDENTE* – La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel six amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel un amendement a été déposé.

Nous commençons par le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait que les amendements 2 et 1, qui ont été approuvés à l’unanimité par la commission, soient déclarés adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), présidente de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je suis saisie de l’amendement 3.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Afin d’aligner ce texte sur des résolutions antérieures de l’Assemblée parlementaire, nous proposons de remplacer le mot: «Abkhazie» par les mots: «Abkhazie occupée, Géorgie (2009)».

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), présidente de la commission* – L’amendement a été rejeté par la commission.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 4.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Je retire l’amendement.

LA PRÉSIDENTE* – Personne ne souhaite le reprendre. L’amendement 4 est retiré.

Je suis saisie de l’amendement 5.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Comme avec l’amendement 3, nous souhaitons modifier une partie du texte afin de l’aligner sur des résolutions antérieures de l’Assemblée parlementaire en utilisant le nom «Tskhinvali».

M. SCHWABE (Allemagne), rapporteur* – Je suis contre l’amendement. Nous avons déjà dit que dans certains cas, il n’y a plus de contrôle de l’État de jure: celui-ci est exercé par des autorités de fait. Nous le disons dans le texte et nous voulons encourager les autorités d’Ossétie du Sud à coopérer.

Mme ÆVARSDÓTTIR (Islande), présidente de la commission* – L’amendement a été rejeté par la commission à une large majorité.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 6.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Je le retire.

LA PRÉSIDENTE* – Personne ne souhaite le reprendre. L’amendement 6 est retiré.

LA PRÉSIDENTE* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14619, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (39 voix pour, 6 voix contre et 4 abstentions).

LA PRÉSIDENTE* – Nous en venons au projet de recommandation.

Je suis saisie de l’amendement 7.

Mme CHUGOSHVILI (Géorgie)* – Je le retire.

LA PRÉSIDENTE* – Personne ne souhaite le défendre. L’amendement 7 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14619. Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (43 voix pour, 7 voix contre et 1 abstention).

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 20.

SOMMAIRE

1. L’avenir du Conseil de l’Europe

Débat d’actualité

Orateurs: Lord Blencathra, Mme Kavvadia, MM. Vareikis, Coaker, Seyidov, Becht, Mme Katsarava, MM. Usov, Yemets, Mmes D’Ambrosio, Sotnyk; MM. Kandelaki, Kitev, Marques, Goncharenko, Whitfield, Mmes Duranton, Fiala, MM. Gavan, Zingeris, Kiral

M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

MM. Kiliç, Oehme, Whalen

2. Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle

Motion de renvoi en commission

MM. Ghiletchi, Mogens Jensen, Mme la présidente de la commission sur l’égalité

Présentation par M. Jonas Gunnarsson du rapport de la commission sur l’égalité (Doc. 14620)

Orateurs: M. Shehu, Mme Gurmai, M. Evans, Mmes Stienen, Kavvadia, Åberg, M. Tornare, Mmes Christoffersen, Engblom, Ævarsdóttir, Rodríguez Hernández, MM. Mullen McGinn, Ghiletchi, Mmes Violeta Tomić, Blondin, Estrela, M. Batrincea, Mme Gorrotxategui, MM. Mogens Jensen, De Bruyn, Mmes Galvez, Rauch, Bardell

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité

Vote sur un projet de résolution

3. L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux Etats membres, y compris aux «zones grises»

Présentation par M. Schwabe du rapport de la commission des questions juridiques (Doc.14619)

Orateurs: MM. Schennach, Mollazade, Mme Sotnyk, MM. Overbeek, Mullen, Farmanyan, Whitfield, Zsigmond, Yeneroğlu, Espen Barth Eide, Marukyan, Kitev, Mme Gafarova, M. Günter Vogt, Mme Şupac, M. Coaker, Mmes Fataliyeva, Blondin, Pashayeva, MM. Gattolin, Candan

Réponses de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

4. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

ALTUNYALDIZ, Ziya [Mr]

APOSTOL, Ion [Mr] (GHIMPU, Mihai [Mr])

ARIEV, Volodymyr [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

BARDELL, Hannah [Ms]

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BECHT, Olivier [M.]

BERGAMINI, Deborah [Ms]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BESELIA, Eka [Ms] (KVATCHANTIRADZE, Zviad [Mr])

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BRUYN, Piet De [Mr]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (MÜLLER, Thomas [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

BURES, Doris [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSHKA, Klotilda [Ms]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

COAKER, Vernon [Mr] (WILSON, Phil [Mr])

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ENGBLOM, Annicka [Ms] (SVENSSON, Michael [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FARMANYAN, Samvel [Mr]

FASSINO, Piero [Mr] (FLORIS, Emilio [Mr])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (AGHAYEVA, Ulviyye [Ms])

FIALA, Doris [Mme]

FOULKES, George [Lord] (MASSEY, Doreen [Baroness])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GATTOLIN, André [M.] (MAIRE, Jacques [M.])

GAVAN, Paul [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr] (HEER, Alfred [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GOGUADZE, Nino [Ms] (PRUIDZE, Irina [Ms])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOODWILL, Robert [Mr] (GALE, Roger [Sir])

GORROTXATEGUI, Miren Edurne [Mme] (BUSTINDUY, Pablo [Mr])

GRAF, Martin [Mr]

GRIMOLDI, Paolo [Mr]

GRIN, Jean-Pierre [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

GURMAI, Zita [Mme]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAIDER, Roman [Mr]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HERKEL, Andres [Mr] (TERIK, Tiit [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

JENIŠTA, Luděk [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KATSARAVA, Sofio [Ms]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (BEREZA, Boryslav [Mr])

KITEV, Betian [Mr]

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LANGBALLE, Christian [Mr] (HENRIKSEN, Martin [Mr])

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LINK, Michael [Mr] (JENSEN, Gyde [Ms])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

MARQUES, Duarte [Mr]

MARUKYAN, Edmon [Mr] (RUSTAMYAN, Armen [M.])

MAVROTAS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

McGINN, Conor [Mr] (SHARMA, Virendra [Mr])

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MOLLAZADE, Asim [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

MONTILLA, José [Mr] (GUTIÉRREZ, Antonio [Mr])

MULLEN, Rónán [Mr] (COWEN, Barry [Mr])

MUÑOZ, Esther [Ms] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

MURRAY, Ian [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

O’REILLY, Joseph [Mr]

OVERBEEK, Henk [Mr] (MAEIJER, Vicky [Ms])

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (SEKULIĆ, Predrag [Mr])

PISCO, Paulo [M.]

PODERYS, Virgilijus [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])

RAMPI, Roberto [Mr]

RAUCH, Isabelle [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

RUSSELL, Simon [Lord] (DONALDSON, Jeffrey [Sir])

ŞAHİN, Ali [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHEHU, Tritan [Mr]

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SIRAKAYA, Zafer [Mr]

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]

SMITH, Angela [Ms]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

STIENEN, Petra [Ms]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

TOMIĆ, Violeta [Ms] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TOUHIG, Don [Lord] (PRESCOTT, John [Mr])

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

USOV, Kostiantyn [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

VEN, Mart van de [Mr]

VOGT, Günter [Mr] (WENAWESER, Christoph [Mr])

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WASERMAN, Sylvain [M.]

WHITFIELD, Martin [Mr] (McCARTHY, Kerry [Ms])

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

YEMETS, Leonid [Mr]

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]

YILDIZ, Zeynep [Ms] (GÜNAY, Emine Nur [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (MALLIA, Emanuel [Mr])

ZSIGMOND, Barna Pál [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

ANTL, Miroslav [M.]

BLENCATHRA, David [Lord]

CORREIA, Telmo [M.]

DOUBLE, Steve [Mr]

KATSIKIS, Konstantinos [Mr]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

VICKERS, Martin [Mr]

Observers / Observateurs

GALVEZ, Rosa [Ms]

HARDER, Rachael [Ms]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

AMRAOUI, Allal [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

LABLAK, Aicha [Mme]

NYSHANOV, Saidulla [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan