FR18CR34

AS (2018) CR 34
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-quatrième séance

Jeudi 11 octobre 2018 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. La sûreté et la sécurité nucléaires en Europe

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de Mme Günay, présenté par M. Schennach, au nom de la commission des questions sociales, sur «La sûreté et la sécurité nucléaires en Europe» (Doc. 14622).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes et que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 12 heures.

Monsieur Schennach, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), suppléant Mme Günay, rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Mes chers collègues, c’est la deuxième fois cette semaine que j’ai l’honneur, en ma qualité de président, de présenter un rapport de la commission des questions sociales. Ce rapport n’est pas de moi mais, en tant que président, je soutiens tous ceux qui émanent de ma commission.

Mme Günay a préparé le présent rapport mais, après la dernière réunion de notre commission, et après qu’un amendement a été adopté à la quasi-unanimité, elle a considéré qu’il ne s’agissait plus de son rapport et s’est démise. Je la remercie néanmoins du fond du cœur de son travail.

Je veux dénoncer ici un problème institutionnel: l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, a refusé de coopérer avec le Conseil de l’Europe dans le cadre de ce rapport. Une telle attitude ne s’est jamais vue; elle est incompréhensible. Je ne vais pas en rester là et je demanderai à nouveau à rencontrer les représentants de l’AIEA, car cette situation est inacceptable du point de vue institutionnel: une institution comme l’AIEA ne peut pas refuser purement et simplement le dialogue. Ce n’est pas correct, et je tiens à ce que cela soit mentionné dans le compte rendu.

Dans son rapport, Mme Günay n’a pas voulu prendre position pour ou contre l’énergie nucléaire. Mais dans mon pays, l’Autriche, la population a décidé par référendum, à une majorité de 50,5 %, que la centrale nucléaire que nous avions construite ne serait jamais mise en service et, vingt ans plus tard, ce choix a été inscrit dans notre Constitution.

J’aimerais évoquer l’extraordinaire scientifique qu’était Erwin Chargaff, né en 1905 en Bucovine et mort à New York en 2002. Dans son livre Le Feu d’Héraclite, il écrit ceci, lui qui était l’un des plus grands chimistes au monde, lui à qui nous devons l’analyse de l’ADN: «Ma vie a été marquée par deux découvertes scientifiques inquiétantes: la fission de l’atome et l’élucidation de l’ADN et des caractères innés. Dans un cas comme un autre, c’est un noyau qui est maltraité: celui de l’atome et celui de la cellule. Dans un cas comme dans l’autre, j’ai le sentiment que la science a franchi une limite devant laquelle elle aurait dû reculer.» Cela devrait tous nous faire réfléchir.

Le rapport demande davantage de transparence, une transparence qui fait globalement défaut dans le business du nucléaire. Or, là où la population a eu la possibilité de décider, elle a refusé les centrales nucléaires. C’est ce qui est arrivé en Italie, lors d’un référendum organisé par Berlusconi, en Autriche – j’en ai parlé –, en Lituanie, ou encore au Luxembourg. Nous mettons en œuvre une technologie qui échappe au contrôle démocratique alors que nous ne pouvons en évaluer les conséquences et que les déchets mortels qu’elle produit vont être laissés pour des siècles aux générations futures.

L’Allemagne a décidé de se défaire de l’énergie nucléaire. Le rapport nous apprend l’existence d’un projet de construction d’une centrale nucléaire à la frontière entre la Lituanie et le Bélarus. La cartographie des 118 centrales nucléaires réparties dans 17 pays européens montre d’ailleurs que ces centrales sont presque toujours situées dans les zones frontalières. Il est donc indispensable de mettre en place des mécanismes de dialogue.

Depuis les catastrophes dévastatrices de Three Mile Island, Tchernobyl ou Fukushima, nous savons combien l’énergie nucléaire est dangereuse. On ne sait d’ailleurs toujours pas comment en finir avec les déchets nucléaires, comment les stocker de manière sûre. Des pertes de contrôle sont possibles. Bien que l’accident de Tchernobyl remonte à 1986, on relève encore aujourd’hui des traces de césium lourd dans les fruits, par exemple. Les nuages radioactifs ne s’arrêtent pas aux frontières, et certaines capitales sont particulièrement en danger: Vilnius par exemple, est menacée par la centrale du Bélarus, ce qui est inacceptable. Les risques sont d’autant plus grands que l’eau de refroidissement de la centrale bélarusse alimente en eau la ville de Vilnius.

Le parc nucléaire européen est majoritairement vieillissant. La question est de savoir non pas comment le rajeunir ou le moderniser, mais comment s’affranchir de cette technologie dangereuse et explosive.

Au sein de la commission, nous avons débattu de la recommandation de l’Agence internationale de l’énergie atomique visant à prolonger la production d’énergie nucléaire afin de nous protéger du changement climatique. Les deux phénomènes n’ont rien à voir: il s’agit en réalité de pur lobbying. Un amendement a d’ailleurs été déposé en ce sens et il a été clairement rejeté.

Pour lutter contre le changement climatique, nous devons utiliser plus efficacement l’énergie et nous tourner vers les énergies renouvelables. La solution ne peut pas être de prolonger la production d’énergie nucléaire. Nous allons perdre le contrôle de l’atome. Nous allons laisser à des générations et des générations un patrimoine rayonnant de danger.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Schennach, il vous restera un peu plus de 5 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous remercions M. Schennach de sa présentation et Mme Günay de son travail. Mon groupe appuie ce rapport sur la sûreté des centrales et les problèmes de coopération transfrontalière et de transparence. Le rapport ne porte pas sur l’avenir du nucléaire, ni sur la question de savoir s’il faut ou non des centrales nucléaires.

Néanmoins, les questions qu’il traite sont très sérieuses et nous appuyons ses conclusions. M. Schennach a rappelé que, dans des pays aussi différents que le Luxembourg, la Lituanie et l’Autriche – par exemple –, des référendums ont été organisés sur la question. Dans ces pays, les citoyens ont dit non au nucléaire. Il est d’autant plus problématique de voir se construire juste de l’autre côté de la frontière de nouvelles centrales nucléaires – l’exemple de la Lituanie, avec la centrale du Bélarus, n’est d’ailleurs pas un exemple isolé.

Le rapport insiste sur la coopération transfrontalière. Je suis moi-même originaire de la région d’Aix-la-Chapelle, proche de la Belgique et des Pays-Bas. Là-bas, les trois réacteurs de la centrale vieillissante de Tihange suscitent beaucoup de débats. Les villes d’Aix-la-Chapelle et de Maastricht, côté néerlandais, mais aussi des douzaines d’autres petites communes se plaignent de l’obsolescence de la centrale de Tihange. Une chaîne humaine de 70 kilomètres s’est même formée d’Aix-la-Chapelle à Tihange, en passant par Liège et Maastricht, pour attirer l’attention sur l’état de la centrale et demander qu’elle soit déconnectée du réseau.

Face à ce genre de problèmes, et comme le suggère le rapport, en vertu du principe de transparence, les populations frontalières directement concernées devraient disposer elles aussi d’un droit de codécision. Il est d’ailleurs assez frappant de constater que la plupart des centrales nucléaires en Europe sont construites dans des zones frontalières. Nous avons besoin de plus de coopération. Sans doute faudrait-il aussi poser les jalons d’une transition énergétique qui mettrait un terme à l’exploitation des centrales nucléaires.

M. HAMZAYEV (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Le monde entier a pu expérimenter les vastes destructions causées par les deux bombes atomiques lancées en 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. Des milliers de personnes innocentes ont perdu la vie, nombre d’autres ont été sérieusement blessées. Nous savons que des êtres humains victimes de maladies et de malformations ont été affectés directement par les radiations et que leurs effets perdurent pendant des décennies. Récemment, les accidents de Fukushima et Tchernobyl ont montré l’immensité des dommages potentiels. D’où l’importance de cette question pour l’Europe.

Dans le même temps, l’énergie revêt bien sûr une grande importance. C’est pourquoi nous devons nous efforcer de construire des centrales nucléaires plus sûres, en recourant aux technologies les plus avancées et en organisant une surveillance constante.

Au cours des dernières années, la communauté internationale a centré son attention uniquement sur les pourparlers entre superpuissances, en négligeant d’autres menaces nucléaires potentielles. Par exemple, certaines des menaces les plus graves proviennent de centrales obsolètes, qui menacent non pas seulement les pays voisins, mais l’ensemble du continent européen. Je pense aussi à de petites centrales, parfois situées dans de petits pays, qui doivent retenir elles aussi l’attention de la communauté internationale.

Étant donné que nous vivons dans un monde en perpétuelle mutation, la mise en place de centrales doit s’accompagner de normes très élevées en matière de sûreté, ce qui est bien le cas de la centrale turque construite à Akkuyu, qui respecte bien entendu les technologies modernes les plus avancées dans ce domaine. Nous devrions d’ailleurs fermer les centrales nucléaires obsolètes. Ce sont elles qui constituent la plus grande menace.

Le débat sur la sûreté nucléaire en Europe montre que le recours aux technologies totalement dépassées et l’absence de mise en œuvre des procédures de sûreté posent de graves problèmes pour l’environnement: il existe une pollution radioactive des bassins fluviaux, y compris au niveau transrégional.

Tous ces phénomènes ne font qu’attiser les conflits et malentendus entre nos pays. N’importe quel pays qui dispose d’armes nucléaires et qui s’engage dans la contrebande de matières radioactives menace la sécurité internationale dans son ensemble. Des mesures rigoureuses doivent être prises pour résoudre la question de la sûreté nucléaire et veiller au bien-être de l’Europe. Veillons à préserver l’Europe, veillons à en faire un lieu démocratique, prospère et plus sûr.

M. PODERYS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie Mme Günay de son excellent travail. Il est de la plus haute importance que notre Assemblée adopte ce rapport. Tous les États sont concernés en cas d’accident: la radioactivité ne connaît pas de frontières. En Europe, 184 centrales nucléaires sont en activité et 15 sont en construction. Alors que les centrales anciennes sont déjà un casse-tête très préoccupant, nous ne prêtons pas assez attention à la sûreté et à la sécurité des centrales en construction.

La compagnie russe Rosatom a commencé la construction d’une nouvelle centrale nucléaire au Bélarus, en violation des dispositions internationales sur la sûreté nucléaire. Le Bélarus ignore nos requêtes et n’a réalisé aucune évaluation sérieuse du site de construction. Les Lituaniens sont extrêmement inquiets du fait que le site ne soit ni sûr ni adapté. Récemment, les régulateurs européens ont dit que la construction de la centrale d’Astraviets au Bélarus n’avait pas tenu compte des leçons de Fukushima. Un nouvel accident aurait des conséquences dans l’Europe tout entière. Nous devons utiliser tous les outils possibles pour protéger nos populations.

Le projet de résolution est très équilibré. Il expose clairement les problèmes de sûreté nucléaire en Europe et contient un certain nombre de recommandations. Je vous invite à le soutenir, et à rejeter les amendements, qui ne feraient que l’affaiblir.

Mme OHLSSON (Suède), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – La sûreté et la sécurité nucléaires sont des processus dynamiques, qu’il faut adapter en permanence, en tenant compte de l’expérience, de la recherche et du développement. Nous sommes de plus en plus inquiets en Europe, depuis les accidents de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011. Nous craignons aussi des attaques terroristes.

Un référendum s’est tenu en 1980 en Suède sur le nucléaire. D’un point de vue politique, le défi essentiel est de garantir l’information de la société, sans remettre en cause la sécurité, et d’atteindre le niveau de sûreté et de sécurité nucléaires attendus. Il faut sans aucun doute renforcer la transparence et la communication sur le défi nucléaire. Se posent en particulier la question du transport des substances radioactives et du traitement des déchets nucléaires, la question du facteur humain et celle du coût faramineux de la défense des installations nucléaires. De nombreuses centrales vieillissent rapidement, ce qui aggrave le risque d’accident grave.

L’Assemblée fait plusieurs recommandations, notamment s’agissant des centrales en construction au Bélarus et en Turquie. Après les attentats en France, nous nous sommes dit qu’il fallait être plus vigilant concernant la sécurité des infrastructures nucléaires. Les centrales en activité ont été construites à une époque où les menaces étaient très différentes.

Les conséquences d’un accident nucléaire sont massives. Il faut rassurer les populations et leur prouver que les autorités de tutelle et les gouvernements les protègent efficacement. Nous nous réjouissons du fait que les organisations internationales plaident pour le renforcement permanent des normes à travers des règlementations techniques et juridiques. Les normes doivent être mieux harmonisées, de manière à renforcer la sécurité du parc nucléaire dans toute l’Europe. Tous les États doivent faire des efforts, y compris ceux qui semblent vouloir se passer du nucléaire et ceux qui ont l’intention de construire de nouvelles centrales. Plus de coopération est nécessaire.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je suis personnellement un fervent défenseur de l’énergie nucléaire. Ces dernières semaines, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC – a déclaré que le changement climatique risquait de conduire à une augmentation de la température mondiale, non pas de 1,5 degrés, mais de 3 degrés. Nous pouvons accepter ce chiffre, sans pour autant adhérer à la vision subjective qu’a le GIEC de l’énergie nucléaire. À cet égard, j’approuve la déclaration de politique nationale du Royaume-Uni, où il est dit que l’énergie nucléaire a un rôle important à jouer, au côté des technologies à faibles émissions de carbone, pour assurer la diversification et la décarbonation de nos sources d’électricité. Le fait que la part du nucléaire diminue soulève de graves préoccupations quant à notre capacité à limiter les effets du changement climatique.

Le rapport se penche en particulier sur deux réacteurs, au Bélarus et en Turquie. Il essaie de s’en saisir pour défendre certains arguments. Cependant, ces arguments perdent de leur poids devant le contexte géographique de ces deux réacteurs; leur présentation est biaisée. Le rapport aurait dû accorder une place à un partenariat avec l’Agence internationale de l’énergie atomique. Je suis conscient du fait que l’AIEA a déjà souligné l’importance d’avoir des personnes qualifiées à disposition pour la mise en route et l’arrêt des centrales. Il aurait aussi fallu insister davantage sur la sécurité, notamment sur la cybersécurité, avec les menaces de cyberattaques: il convenait de préciser ce que sont les cybermenaces, d’où elles peuvent provenir et de quel pays. Il me paraît aussi très important de dire, en matière de sécurité, que le niveau des radiations à Fukushima correspond au même niveau que le rayonnement naturel ambiant moyen.

Il revient aux gouvernements de fixer l’approche en matière d’établissement de la part du nucléaire dans la production énergétique d’un pays. Au Royaume-Uni, c’est le gouvernement qui propose les plans nationaux dans le domaine du nucléaire, lesquels font l’objet de consultations. Au niveau local, la population peut également participer aux auditions. Il est faux de dire que la population n’est pas consultée avant la mise en route d’une centrale ou lors de sa planification.

Par ailleurs, de nombreuses occasions ont donc été ratées lors de la rédaction de ce rapport: occasion de coopérer avec l’AIEA, de donner une dimension européenne à la question nucléaire, d’évoquer la cybersécurité, mais aussi de développer des techniques permettant d’assurer la sûreté de la production d’énergie nucléaire. Le Conseil de l’Europe pourrait en la matière jouer un rôle important à l’avenir.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je crains qu’il n’y ait un malentendu à propos des amendements. J’espère qu’il va se dissiper. L’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe accueille favorablement le rapport sur la sûreté et la sécurité nucléaires en Europe. Ce sujet est essentiel et doit être abordé. Il s’agit ici non pas de politique énergétique mais bien de recommandations en matière de sécurité.

Plusieurs accidents ont eu lieu sur notre continent, notamment celui de Tchernobyl, dont les conséquences se font encore sentir. D’autres catastrophes, telles que celle de Fukushima, ont démontré que la sûreté des centrales n’étaient pas assurée en cas d’incident météorologique, ce qui a abouti au relèvement du niveau de sûreté au niveau international. Chaque État est responsable de ses centrales, mais nous sommes tous collectivement responsables de la sécurité de tous les citoyens des pays membres. C’est d’ailleurs une des raisons d’être du Conseil de l’Europe.

Ainsi que le souligne le rapport, une attention particulière doit être apportée aux centrales obsolètes. Leur exploitation ne doit pas être prolongée si la sécurité des citoyens n’est pas absolument garantie. Il convient de se pencher sur le sujet du démantèlement des centrales car nous sommes encore assez novices en la matière sur notre continent. Enfin, la vigilance doit être de mise quant au choix des sites de construction des futures centrales. Il faut naturellement éviter les endroits présentant des risques sismiques, faute de quoi on met en jeu non seulement la sécurité des citoyens vivant aux abords immédiats mais aussi celle de tous les habitants des régions concernées.

Par ailleurs, il est impératif d’informer les citoyens, de diffuser les plans de sécurité. La transparence en la matière fait défaut aujourd’hui.

De nouveaux défis nous attendent. Le rapport évoque notamment les enjeux de sécurité liés au terrorisme. Effectivement, le niveau de sécurité des centrales a dû être relevé en raison des menaces d’attaques terroristes.

L’autre défi majeur est celui des effets du changement climatique. Ce point est sans doute à l’origine du malentendu que j’ai évoqué. Nous ne nous sommes pas prononcés contre le nucléaire mais nous avertissons des conséquences que le changement de climat peut avoir sur la sûreté des centrales, comme l’a montré l’accident de Fukushima. La pénurie d’eau et l’augmentation des températures peuvent avoir un impact sur le fonctionnement des circuits de refroidissement. Il convient d’en tenir compte lors de l’élaboration des plans de sûreté des centrales. Une fois encore, il ne s’agit pas là de savoir si on est pour ou contre le nucléaire: l’enjeu est d’étudier les effets que le changement climatique peut avoir sur notre sécurité. N’attendons pas un désastre lié au désordre climatique pour nous saisir de la question.

Enfin, nous ne sommes pas très expérimentés en matière de traitement des déchets nucléaires. Nous les stockons dans des piscines d’entreposage mais ils ne disparaissent pas au bout de dix ans: ils demeurent chez nous.

Il convient de dépolitiser les organes de contrôle en charge de la sécurité nucléaire. En effet, dès que les responsables politiques ont leur mot à dire, ils protègent des intérêts politiques et non les citoyens.

Quoi qu’il en soit, nous approuvons ce rapport et remercions son auteure, Mme Günay.

M. MASIULIS (Lituanie)* – Chers collègues, je suis physicien de formation. J’ai étudié la physique nucléaire, mais pour rien au monde je n’accepterais de vivre aux abords d’une centrale nucléaire. Non merci!

Les Lituaniens ont refusé par référendum la construction de nouvelles centrales par une entreprise japonaise. La centrale d’Ignalina, quant à elle, produisait 60 % de notre énergie électrique; nous l’avons fermée. Or, aujourd’hui, Loukachenko projette de construire une centrale à Astraviets, à 40 kilomètres de Vilnius, sur le fleuve qui traverse notre capitale. C’est inacceptable. On ne peut agir ainsi au XXIe siècle. Il nous faut de nouvelles règles, ainsi que M. Schennach l’a souligné.

Pourquoi les centrales sont-elles le plus souvent situées près des frontières? Pourquoi ne les construit-on pas près des capitales? Pourquoi Loukachenko ne bâtit-il pas sa centrale à Minsk? Pourquoi n’écoute-t-il pas les géologues, qui alertent sur les risques tectoniques existant dans la région choisie? Autant de questions qui restent sans réponse. Certains semblent considérer qu’elles sont vénielles. Au contraire: nous avons besoin de réponses au sujet de ces installations. D’où l’importance du rapport. Si quelque chose tourne mal, la centrale d’Astraviets polluera non seulement la Lituanie, mais aussi une grande partie du continent européen. La radioactivité ignore les frontières.

Nos travaux sur le sujet n’en sont qu’à leur début. Monsieur Schennach, s’il vous plaît, faites en sorte que nous continuions à approfondir la question. Il doit être possible d’intervenir en cas de construction d’une centrale dans une zone frontalière. Ma remarque ne concerne pas seulement la Lituanie: elle vaut pour l’ensemble du continent. On ne plus agir de la sorte au XXIe siècle. Quoi qu’il en soit, nous appuyons évidemment le rapport.

M. BUTKEVIČIUS (Lituanie)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier la rapporteure de ce projet de résolution fort bien rédigé.

La question de la sûreté et de la sécurité nucléaires nous concerne tous. Il s’agit du degré de sécurité en Europe, et de ce que nous transmettrons à nos enfants. Nous ne savons que trop bien qu’un accident nucléaire peut avoir des conséquences extrêmement graves et difficiles à corriger.

Mes chers collègues, permettez-moi de faire ici état de l’inquiétude de la population de Lituanie à propos de la centrale nucléaire qui est en construction dans son voisinage immédiat, au Bélarus. Cette centrale n’est située qu’à 20 kilomètres de la frontière de l’Union européenne et à environ 50 kilomètres de Vilnius, capitale d’un État européen. Cette installation n’est pas à la hauteur des normes internationales en matière de sûreté. Pourtant, sa construction se poursuit. Comme est-ce possible après l’accident de Fukushima et le désastre de Tchernobyl, dont le nuage radioactif a couvert pratiquement les trois quarts de l’Europe, de la Suède à la Grèce?

Alors qu’un incendie s’est déclaré dans la centrale d’Astraviets au printemps dernier, ni les institutions internationales compétentes ni la population lituanienne n’ont été informées de ce premier incident sérieux. C’est vraiment préoccupant. Ce manque de transparence est-il acceptable aujourd’hui en Europe?

En 2017, nous avions adopté une résolution concernant la situation au Bélarus, demandant notamment au pays d’interrompre la construction de cette centrale nucléaire, qui n’était pas sûre. Il faut faire preuve de cohérence: nous ne saurions faire de compromis en matière de sûreté et de sécurité nucléaires lorsque les populations sont soumises à un tel risque.

Pour ces raisons, nous vous invitons fermement à soutenir le projet de résolution.

M. ROCA (Espagne)* – L’énergie est sans aucun doute l’un des fondements de nos sociétés du bien-être. Elle fait partie des services de base qu’un État doit fournir à ses citoyens. L’énergie est, à l’évidence, un service essentiel, au même titre que le logement, l’éducation, les transports et la santé.

L’énergie, qui est si importante pour nos sociétés, exige toutefois que certains paramètres soient respectés: la sûreté, bien évidemment, mais les exigences climatiques doivent elles aussi être prises en considération, car nous connaissons les menaces dont est porteur le changement climatique, y compris les nouvelles migrations dont nous sommes témoins et qu’il va falloir gérer dans un avenir trop proche. Il est donc essentiel que toutes nos sources d’énergie, qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou d’une énergie nucléaire propre, nous permettent de prévenir le changement climatique, lequel affecte toutes nos populations.

Il est également essentiel que les entreprises et les citoyens puissent tous compter sur une fourniture d’électricité fiable et durable, mais aussi financièrement accessible.

Une fois toutes ces exigences respectées, il n’en demeure pas moins que l’énergie est quelque chose d’essentiel.

Dans ma province, nous avons trois centrales nucléaires. Tous les contrôles nécessaires sont faits régulièrement. Depuis 40 ans qu’elles ont été installées, le niveau de radiations le plus élevé a été enregistré au moment de l’accident de Tchernobyl, qui avait pourtant eu lieu à des milliers de kilomètres. Cela signifie qu’un accident nucléaire nous concerne tous, où qu’il se produise, parce que la radiation ne s’arrête pas aux frontières. Nous devons garantir la sûreté nucléaire de toutes les installations, où qu’elles soient situées.

La plupart des centrales qui sont actuellement en activité en Europe ont été construites à une époque où les menaces et les exigences étaient différentes. Aujourd’hui, de nouvelles menaces ont émergé, en particulier le terrorisme international, et nous devons faire en sorte que la sécurité de nos installations nucléaires soit véritablement mise à jour et adaptée.

C’est en garantissant que l’énergie est accessible à tous – aux familles comme aux entreprises –, sans surcoût, et qu’elle est propre, de manière à répondre à nos engagements en faveur du climat, que nous permettrons à nos concitoyens de connaître le bien-être.

M. VOVK (Ukraine)* – Tout d’abord, je remercie l’auteure du rapport. Cela dit, en tant qu’ancien physicien nucléaire et négociateur international sur la sûreté et la sécurité nucléaires, je pense que le titre nous induit en erreur. La «sécurité nucléaire» est une expression qui fait surtout référence à la non-prolifération des armes atomiques et à la prévention du terrorisme nucléaire.

Quatre sommets sur le nucléaire se sont tenus, dont le dernier à Washington en 2006. Il s’agissait d’empêcher la prolifération des armes atomiques et de réduire le risque de terrorisme nucléaire et radiologique dans le monde.

En octobre 2016, le Parlement européen, dans une résolution sur la sécurité nucléaire, s’est également concentré sur ces questions. Si nous voulons parler de sécurité nucléaire en Europe, souvenons-nous de la question de l’arsenal nucléaire ukrainien et des leçons qui doivent en être tirées.

Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, l’Ukraine avait hérité du troisième arsenal atomique mondial: il comptait 2 000 têtes nucléaires, soit deux fois et demie le nombre que possédaient le Royaume-Uni, la France et la Chine réunies. En 1994, l’Ukraine, avec le Royaume-Uni et la Russie, a signé le Mémorandum de Budapest. L’Ukraine a également adhéré au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

L’Ukraine, consciente de la menace russe, n’a accepté de renoncer à l’arme nucléaire qu’en échange des garanties de sécurité et d’intégrité territoriale données par les grandes puissances nucléaires. En fait, l’agression russe contre l’Ukraine sape l’ensemble des efforts de non-prolifération, et amène d’autres États à se dire que le nucléaire est un moyen légitime de se protéger contre l’agression.

Le Mémorandum de Budapest visait la non-prolifération, un sujet essentiel pour les Européens et la sécurité nucléaire de la planète. Quel signal envoyons-nous à l’Iran, à la Corée du Nord, à l’Arabie saoudite et à d’autres pays si la communauté internationale et le Conseil de l’Europe ne respectent pas le Mémorandum de Budapest? Cela discrédite tous les accords, toutes les garanties en termes de sécurité. Cela rend inévitable la prolifération nucléaire. Nous devons donc respecter le Mémorandum de Budapest: c’est là le principal défi pour la sécurité nucléaire en Europe. Malheureusement, le rapport oublie ce volet. Par conséquent, je ne pourrai pas le soutenir.

M. SEKULIĆ (Monténégro)* – Je remercie notre rapporteure d’avoir appelé notre attention sur un sujet de la plus grande importance pour tous nos pays, qu’ils disposent ou non de centrales nucléaires.

Mon pays, le Monténégro, ne dispose d’aucune installation nucléaire, ni même de combustible nucléaire sur son territoire. Les dispositions juridiques actuellement en vigueur y interdisent la construction de toute installation nucléaire. De la même façon, aucun document politique ou stratégique pour la période courant jusqu’à 2030 n’envisage la construction d’une centrale ou autre installation nucléaire.

Nous sommes parties à la plupart des instruments juridiques internationaux en matière de sûreté et de sécurité nucléaires. Le Monténégro réaffirme son engagement fort en faveur du renforcement du cadre national de sûreté et de sécurité, de même qu’il s’engage à soutenir les efforts en faveur d’un régime global de sûreté, de sécurité et de responsabilité nucléaires. C’est dans l’intérêt supérieur de tous nos pays, qu’ils disposent ou non d’installations nucléaires. Et pour cause: le risque d’un accident nucléaire qui causerait des dommages de part et d’autre des frontières est connu de longue date.

Pour cette raison, le Monténégro est favorable à ce que les pays disposant d’un programme nucléaire ou ayant l’intention d’en développer fournissent des informations adéquates au public, sans passer sous silence les aspects sécuritaires et en recherchant un consensus démocratique, lequel doit même primer sur les orientations stratégiques. Nous devons tous œuvrer ensemble pour assurer une plus grande transparence et plus de communication sur le nucléaire et ses dangers.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je souhaite avant tout remercier M. Schennach d’avoir bien voulu assumer ce rapport. Je remercie également Mme Günay, qui a largement travaillé à son élaboration. Le projet de résolution dont nous sommes saisis traite d’une question qui revêt une importance cruciale pour des millions de citoyens d’Europe – et au-delà. Des accidents nucléaires tragiques comme celui de Tchernobyl il y a 32 ans nous ont fait prendre conscience du fait que la sûreté nucléaire ne saurait faire l’objet de compromis. Après cet accident, bien des pays – y compris le mien – ont connu, entre autres, une recrudescence des cancers de la thyroïde. On ne peut donc pas ignorer les angoisses et les préoccupations légitimes de millions de citoyens quant au fonctionnement des centrales nucléaires et à la construction de nouvelles centrales.

La sécurité et le bien-être de nos citoyens doivent toujours rester des priorités absolues. Ce rapport est très important en ce qu’il souligne le secret qui entoure le fonctionnement des centrales nucléaires, de même que le défaut de consultation du public avant la construction et le choix des sites.

Certains collègues ont évoqué la centrale qu’est en train de construire la Fédération de Russie dans le sud de la Turquie, à Akkuyu. En 2017, une résolution du Parlement européen appelait, entre autres choses, le Gouvernement turc à interrompre cette construction, dans la mesure où ce site se trouvait dans une zone sismique – M. Masiulis a abordé le sujet tout à l’heure. Aucun d’entre nous ne souhaiterait vivre à quelques kilomètres d’une centrale construite dans une zone sismique. Malheureusement, la construction de cette centrale se poursuit, sans que la Turquie ait consulté au préalable ses pays voisins comme cela est pourtant stipulé dans la Convention internationale sur la sûreté nucléaire.

La santé et la sécurité de nos concitoyens ne sauraient être mises en danger, quelles qu’en soient les raisons – politiques ou autres. C’est pourquoi le projet de résolution a été significativement renforcé au terme de débats fructueux et grâce aux amendements constructifs qui ont été adoptés. Je vous demande instamment de le soutenir, sans l’édulcorer. Ainsi que nous l’avons souligné au cours des deux derniers jours, en rappelant la raison d’être de notre Organisation, nous ne pouvons pas abaisser la barre lorsqu’il est question de la santé, de la sécurité et des droits des citoyens des pays que nous représentons. Je vous demande donc instamment de soutenir le projet de résolution en l’état.

M. REISS (France) – Tout d’abord, je voudrais remercier M. Schennach d’avoir présenté le rapport et féliciter Mme Günay pour son travail complet et détaillé sur la question fondamentale de la sûreté et de la sécurité nucléaires en Europe.

Les risques d’attaques terroristes contre des centrales ou les risques d’accidents, en zone sismique par exemple, constituent de réelles inquiétudes pour notre sécurité. Dans ce rapport, notre vigilance est aussi appelée sur les réacteurs à l’arrêt. En l’occurrence, l’arrêt d’un réacteur ne signifie en aucune façon que le danger n’existe plus: il contient encore des matières radioactives et son démantèlement n’est pas sans poser de nombreuses questions, à la fois sur le plan technique et sur le plan financier.

Il est facile de décréter la fermeture de centrales anciennes, mais le processus de démantèlement est extrêmement complexe et sa faisabilité technique n’est pas toujours assurée. Selon la génération du réacteur, la déconstruction peut s’avérer particulièrement délicate, voire quasi impossible à ce jour – en témoigne l’exemple des réacteurs uranium naturel-graphite-gaz, dont EDF, en France, a décidé de reporter tout démantèlement à l’horizon 2100.

Par ailleurs, le coût financier de ces opérations peut s’avérer très élevé, car il ne faut pas oublier qu’au-delà du démantèlement, la question de la remise en état des sites doit être prise en compte, de même que celle des conséquences socio-économiques pour la région concernée. En Alsace, la fermeture de la centrale de Fessenheim aura des répercussions sur des milliers d’emplois directs ou en sous-traitance et les perspectives de reclassement des employés sur d’autres sites aura un coût social élevé, y compris pour les familles.

En outre, parmi les opérations liées aux démantèlements mais qui concernent la filière nucléaire dans son ensemble, la gestion des déchets radioactifs et l’évacuation du combustible usé ne vont pas sans poser de nombreuses interrogations quant à la sécurité. Le transport de ces déchets est routinier et prévisible, et donc particulièrement vulnérable aux agressions de toutes sortes. Le moindre accident pourrait devenir une catastrophe pour les régions traversées.

La question de l’entreposage des déchets est également délicate. En France, cet entreposage se faisait traditionnellement dans des piscines. Ainsi, à la Hague, l’équivalent de 110 cœurs de réacteur est entreposé dans quatre piscines. Or ce système arrivera à saturation en 2030. Aujourd’hui, plusieurs projets sont envisagés, dont celui de Cigéo – Centre industriel de stockage géologique –, à Bure, qui prévoit un stockage souterrain et n’est pas sans soulever des interrogations quant à la sécurité du site, eu égard aux terres et aux nappes phréatiques notamment.

La grande quantité de déchets, en France et en Europe, crée des situations sidérantes, comme l’envoi pour retraitement de déchets de France vers la Sibérie – 7 000 kilomètres à travers l’Europe en camion, bateau et train. Le danger est permanent. Certes, dans un contexte de lutte contre les gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire paraît indispensable au fonctionnement de nos économies, mais nous devons aller dans le sens d’une réduction drastique des déchets radioactifs. Nous devons réfléchir à des énergies alternatives et développer des énergies renouvelables compatibles avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Je soutiendrai cet excellent rapport.

M. MOLLAZADE (Azerbaïdjan)* – La tragédie de Fukushima a réveillé les consciences du monde entier. Elle a montré que même un pays disposant des plus hautes technologies ne peut rien contre la nature, ne résiste pas à un séisme. Cet accident nous a rappelé la tragédie de Tchernobyl: à l’époque, le régime soviétique criminel n’avait informé personne. Je me souviens de ce 1er mai: il y avait des milliers d’enfants dans les rues de Kiev et la pluie radioactive tombait sur eux. Cette stratégie de non-communication n’a pas concerné que l’Ukraine et le Bélarus. Nous, c’est la Suède qui nous a informés. Aucune information n’était délivrée au public, pas même aux médecins qui tentaient de traiter les pompiers de Tchernobyl souffrant des plus graves irradiations.

Ce rapport est extrêmement important. Il n’existe pas de plan international décrivant ce qu’il faut faire, par exemple s’agissant de centrales nucléaires comme celle de Tchernobyl. Il n’y a pas de plan d’urgence.

J’appellerai votre attention sur la présence de centrales nucléaires très dangereuses dans le sud-est de l’Europe, en particulier celle de Metsamor, en Arménie. Comparable à celle de Tchernobyl, et, de surcroît, implantée dans une zone sismique, il s’agit d’une véritable bombe à retardement. Monsieur Schennach, il faut ajouter dans votre rapport la centrale de Metsamor comme génératrice de danger imminent. Lors d’un nouveau tremblement de terre en Arménie, elle pourrait immédiatement irradier toute la région et tout le sud-est de l’Europe.

Plutôt que d’envisager la construction de nouvelles centrales nucléaires, ne vaudrait-il pas mieux attendre? Certes, il y a des problèmes d’approvisionnement énergétique partout en Europe, mais les centrales nucléaires de type Tchernobyl doivent absolument être mises hors service. L’Union européenne a attribué des fonds au Gouvernement arménien au titre de Metsamor, mais la centrale continue d’être exploitée. Le Premier ministre arménien s’est même déclaré prêt à utiliser le nucléaire dans une guerre contre l’Azerbaïdjan. Il existe une coopération avec les spécialistes iraniens, ce qui représente un nouveau danger. Je doute que l’Iran s’en tienne à une centrale nucléaire pacifique.

Ces anciennes centrales nucléaires soviétiques, où qu’elles se trouvent dans le monde, doivent fermer leurs portes. C’est une menace pour toute l’Europe. Il faut être bien plus attentif à ce type de centrales nucléaires. Elles sont beaucoup plus dangereuses que la nouvelle centrale turque ou que celle du Bélarus. La catastrophe de Tchernobyl doit nous rappeler le grave danger que court toute l’humanité. J’en appelle à vous, Monsieur Schennach, s’il vous plaît, n’oubliez pas de citer Metsamor, dans votre rapport!

M. Jonas Gunnarsson, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

M. EFSTATHIOU (Chypre)* – Je tiens d’abord à remercier le rapporteur suppléant, M. Schennach, pour son excellente présentation. Je soutiens pleinement le rapport.

Le démantèlement nucléaire en Europe et le passage progressif à des sources d’énergie renouvelables sont liés aux expériences tragiques de Tchernobyl et de Fukushima et aux risques inhérents associés au nucléaire. Il ne fait aucun doute que ces accidents catastrophiques capables d’éliminer toute vie sur la Terre, ainsi que les préoccupations de sécurité et de gestion des déchets, requièrent notre attention.

Dès les années 1950, les pionniers européens ont établi non seulement la Communauté économique européenne, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, mais aussi Euratom. Une coopération internationale est nécessaire pour contrôler l’énergie nucléaire. Des consultations publiques et internationales sont de la plus haute importance. Nous pensons qu’il faudrait créer pour les gouvernements concernés une obligation de signer des accords internationaux avant toute construction de nouvelle centrale nucléaire. Le public doit être informé. Les gouvernements ne sont pas légitimes à construire de nouvelles centrales nucléaires si la société y est opposée ou même si la physique fournit des éléments contraires. Les préoccupations environnementales et de santé publique sont devenues prioritaires pour les citoyens. La transparence, la reddition de comptes, la protection des vies humaines doivent prévaloir.

Le rapport met à juste titre l’accent sur le cas d’Astraviets, qui pose un problème entre la Lituanie et le Bélarus. Mais ce n’est malheureusement pas le seul. Des centrales nucléaires sont construites dans le jardin du voisin. C’est pourquoi je suis d’accord avec ma collègue Stella Kyriakides, qui a parlé d’Akkuyu. Cette centrale nucléaire est construite dans une zone sismique de la côte sud de la Turquie, avec une technologie et une expertise russes. Akkuyu est située à peine 45 miles de Chypre, soit à peu près la même distance qu’entre Astraviets et la Lituanie. C’est pourquoi la Turquie devrait consulter ses voisins, la Grèce et Chypre, parce que le problème ne se limite pas aux frontières de la Turquie et pourrait atteindre ses voisins, et pas seulement ses voisins immédiats.

Les mêmes règles doivent être appliquées dans tous les pays du Conseil de l’Europe en matière de normes de référence, de coopération avec les pays voisins, de sécurité et de sûreté nucléaires, de traitement des déchets. Quelles que soient les considérations politiques des uns et des autres, la santé et la survie de notre planète doivent passer d’abord.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Mes chers collègues, je vous demande de soutenir cet excellent rapport et tous les amendements. Ils ont fait l’objet de longs débats et ont été approuvés en commission.

Le 4 octobre, il y a exactement une semaine, le Parlement européen a adopté à la majorité une proposition de résolution visant à exprimer son inquiétude face à la poursuite de la construction de la centrale d’Astraviets. Le Parlement, faisant référence aux tests de résistance effectués au début de l’été, demande la poursuite de ces tests et d’en tenir compte avant tout décision de poursuite de la construction.

Vous le savez, on parle de priorité pour un partenariat entre l’Union européenne et le Bélarus. La centrale d’Astraviets doit en faire partie.

J’ai l’impression que nous sommes confrontés à une tentative de revanche géopolitique. Cette centrale est située à 40 kilomètres de Vilnius. C’est comme si on construisait une centrale près de l’aéroport Charles-de-Gaulle ou de celui d’Heathrow, à côté de Paris ou de Londres. De plus, elle est construite sur le cours d’eau qui traverse Vilnius. Le chantier a déjà été interrompu à deux reprises pour cause de graves insuffisances. Quand on voit ce qui s’est passé en Union soviétique et dans les pays de l’ex-Union soviétique en matière nucléaire, on ne peut qu’être inquiet.

Nous comprenons bien les préoccupations de nos amis chypriotes en ce qui concerne les projets turcs, notamment dans la partie nord de l’île, qui est occupée. Ne jouons pas avec le nucléaire. Le président Loukachenko a menacé notre pays en disant que si la Lituanie ne cessait pas de dénoncer le projet, elle pourrait s’en mordre les doigts. Nous ne pouvons tolérer ce chantage. J’espère que vous nous aiderez. En tout cas, agissons avant qu’une tragédie ne se produise!

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Ce rapport porte sur une question très importante. Aujourd’hui, les centrales nucléaires génèrent un tiers de l’électricité de l’Union européenne. La sûreté et la sécurité nucléaires constituent une préoccupation croissante en Europe, depuis Tchernobyl et Fukushima, mais aussi depuis les attaques terroristes récentes.

Comme l’écrit la rapporteure, les centrales nucléaires européennes vieillissent rapidement. Même lorsque la maintenance est bonne, l’état général de ces centrales se détériore graduellement, accroissant le risque d’un incident grave et même d’un accident.

La plus vieille centrale nucléaire de toute l’Europe est celle de Metsamor, qui a été construite en 1970 en Arménie, à l’ère soviétique. Elle a été fermée après le terrible tremblement de terre survenu en 1988 à Spitak. Toutefois, en 1995, malgré les protestations internationales, elle a été remise en service et un deuxième réacteur a été lancé. Cette décision a été fortement condamnée par la communauté internationale et surtout par les pays voisins, à savoir la Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan. C’est la première fois dans l’Histoire qu’une centrale nucléaire abandonnée a été remise en service.

L’existence en Arménie de la centrale nucléaire de Metsamor, largement dépassée sur le plan technologique, est très préoccupante. L’Union européenne considère que cette centrale nucléaire est dangereuse; elle a estimé que «sa fermeture et son démantèlement rapide» étaient un «objectif clé du plan d’action de la Politique européenne de voisinage, car cette centrale nucléaire ne peut pas être modernisée de manière à répondre aux normes de sécurité nucléaire internationales». Pourtant, le rapport n’en dit rien! Pourquoi? On parle des projets de construction turc et bélarussien, mais on ne dit pas un mot de la vieille centrale de Metsamor! C’est pourtant la centrale la plus dangereuse, non seulement pour la région, mais pour toute l’Europe.

Le terrorisme nucléaire est un véritable risque au XXIe siècle. En effet, les terroristes peuvent cibler les centrales nucléaires pour libérer massivement des substances radioactives dans l’environnement et dans les communautés qui l’habitent. Nous devrions tous nous en préoccuper! Mon pays, l’Azerbaïdjan, est très soucieux des risques et de la menace que le nucléaire constitue pour la communauté internationale, en particulier à Metsamor, qui est très proche de nos frontières.

Permettez-moi de vous rappeler qu’il y a de cela quelques années, un ancien Premier ministre arménien, membre du parlement, ainsi que de nombreux responsables arméniens, ont déclaré que l’Arménie disposait d’une arme nucléaire. Cette déclaration devrait être examinée par les organisations internationales pertinentes. Il faut mettre un terme à ces menaces et au chantage arméniens!

M. DZHEMILIEV (Ukraine)* – Le rapport soumis à notre examen sur la sûreté et la sécurité nucléaires est surtout consacré à la sécurité des centrales existantes et à la construction de nouvelles centrales. En effet, on compte sur le territoire européen presque 200 réacteurs en fonctionnement. Le rapport de Mme Günay a été bien élaboré et il est absolument indispensable de soutenir le projet de résolution.

Je souhaite aborder un autre aspect de la sécurité, qui est important non pas seulement pour l’Europe, mais pour l’humanité tout entière. Comme l’a dit M. Vovk, sur le territoire de l’Ukraine, avant l’effondrement de l’Union soviétique, on comptait plus de 2 000 missiles nucléaires, ce qui faisait de l’Ukraine la troisième puissance nucléaire au monde.

Le territoire de la Crimée actuellement occupé par la Fédération de Russie accueillait également une base secrète nucléaire, dont la construction avait commencé en 1951. Afin de maintenir secrète l’existence de cette base, toutes les personnes, et en particulier les détenus, qui ont participé à sa construction, ont par la suite été fusillés.

Après avoir acquis son indépendance, l’Ukraine, en partie de sa propre volonté et également à la demande pressante des pays possesseurs de la puissance nucléaire, a renoncé à l’arme nucléaire et, en décembre 1994, a signé à Budapest un mémorandum selon lequel elle devenait une zone dénucléarisée et ses missiles étaient transportés en Russie. En échange, on lui a rendu du combustible nucléaire pour les centrales nucléaires. Par ailleurs, les pays possesseurs de la puissance nucléaire devaient garantir l’intégrité territoriale de notre pays.

Vous savez parfaitement comment les événements ont évolué par la suite et de quelle façon ces garanties ont été respectées. En février 2014, mettant à profit la situation instable en Ukraine, la Fédération de Russie s’est emparée d’une partie du territoire de l’Ukraine ainsi que de la Crimée, ce qui représente un territoire de 45 000 kilomètres carrés, soit la même superficie que l’ensemble des Pays-Bas. La communauté internationale s’en est fortement émue, y compris au Conseil de l’Europe, en particulier à l’Assemblée parlementaire, à l’Assemblée générale des Nations Unies et à l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Cependant, cette occupation se poursuit depuis cinq ans. Depuis cinq ans, on constate des violations flagrantes des droits de l’homme, des arrestations arbitraires, des perquisitions, des exécutions sommaires. Une grande partie de la population a été contrainte de se réfugier en Ukraine. C’est un crime!

Pourtant, comme vous le savez, des voix se sont élevées pour dire qu’il fallait modifier le Règlement pour qu’il soit possible de réintégrer la Fédération de Russie avec tous ses droits à l’Assemblée parlementaire et pour que l’on ne puisse plus exclure ce pays.

Depuis les premiers jours de l’occupation, la Fédération de Russie a commencé à restaurer en Crimée les bases nucléaires dont elle disposait. D’après les informations que nous avons, en août 2016, un certain nombre de missiles nucléaires avaient déjà été installés. Il ne fait pas de doute que le rétablissement de bases secrètes fermées en Crimée, laquelle fait partie de l’Ukraine d’après les normes du droit international, constitue un crime. C’est pourquoi je propose d’envoyer en Crimée une délégation indépendante pour vérifier ce qui s’y passe et en tirer les conclusions nécessaires.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Avant de commencer mon intervention, je souhaite apporter un éclaircissement sur ce qu’a dit mon collègue, M. Zingeris. La Turquie n’occupe pas une partie de Chypre! Des forces turques sont déployées sur l’île conformément au droit international, pour y maintenir la paix et la sécurité.

Le point de départ de ce rapport est une motion présentée par l’un de nos collègues lituaniens en raison de préoccupations s’agissant de la construction d’une nouvelle centrale nucléaire au Bélarus. Une deuxième motion a été fusionnée avec la première. C’est la raison pour laquelle le rapport comprend une partie qui porte spécifiquement sur Astraviets.

Lors de la réunion de la commission des affaires sociales à Lisbonne, Mme Kyriakides a proposé d’amender le texte en ajoutant un paragraphe injuste et erroné au projet de résolution, paragraphe qui n’est pas de nature scientifique mais politique. Il n’y a aucune raison, en effet, de distinguer Akkuyu des 15 nouvelles centrales nucléaires alors qu’aucune de ces nouvelles centrales ou des 82 centrales construites depuis plus de 35 ans n’est même mentionnée dans le texte. Mme Kyriakides fait valoir qu’Akkuyu est située à 85 kilomètres du sud de Chypre et très près d’autres pays voisins. Mais Akkuyu relève de la troisième des quatre zones définies par l’AIEA – périmètre de 5 kilomètres autour d’une centrale, de 15 à 31 kilomètres, jusqu’à 100 kilomètres ou jusqu’à 300 kilomètres – et dans la deuxième des trois zones du classement opéré par le Groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire – 5, 20 et 100 kilomètres.

Il est donc injuste, je le répète, de réserver un sort particulier à la centrale d’Akkuyu, qui n’est ni plus dangereuse, ni plus proche de zones densément peuplées, que d’autres centrales européennes. La menace liée à la proximité d’une centrale existe partout en Europe! Voilà pourquoi, partout où des installations nucléaires sont implantées, les autorités locales et nationales devraient s’impliquer dans des plans de gestion de l’urgence et améliorer la communication et la coopération en matière de sûreté et de sécurité nucléaires.

Je le répète, il est inacceptable que le projet de résolution traite spécifiquement le cas d’Akkuyu alors que celui-ci n’est même pas abordé dans l’exposé des motifs du rapport.

Mme TRISSE (France) – Je remercie M. Schennach de sa présentation du rapport.

Notre débat entre en résonance directe avec les conclusions très récentes d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale française, qui a rendu public un rapport sur le même sujet le 28 juin dernier.

L’énergie nucléaire, si elle limite les émissions de gaz à effet de serre, n’en demeure pas moins polluante à long terme et présente des risques pour la sécurité des populations environnantes. Tous les incidents qui ont jalonné l’histoire de cette filière énergétique, de Tchernobyl à Fukushima, ont en effet montré que les conséquences se jouent des frontières et concernent de très nombreux pays.

Comme le souligne le rapport, on dénombre actuellement 184 réacteurs en service sur le continent européen, répartis dans 17 pays. Rien qu’en France, ce sont 58 réacteurs implantés sur 19 sites qui fournissent près de 75 % de l’électricité nationale. Mon pays est ainsi le premier au monde en nombre de réacteurs nucléaires en exploitation par habitant.

Loin de péricliter, la filière nucléaire se modernise: 15 réacteurs sont ainsi en construction en Europe, préparant l’avènement d’une nouvelle génération de centrales. Toutefois, c’est indéniable, le parc en service est vieillissant: près de la moitié des réacteurs en activité sur le continent européen – 35 % en France – ont plus de 35 ans.

Face aux risques de sûreté induits par les nouvelles menaces géostratégiques ou terroristes, face aussi à l’accroissement des dangers inhérents au vieillissement d’installations initialement conçues pour durer une quarantaine d’années, nous ne devons pas nous voiler la face. Il nous faut examiner lucidement les tenants et aboutissants d’une situation appelée à s’inscrire dans la durée, car les centrales nucléaires ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Il convient de tenir compte des enjeux et des problèmes.

La dimension transnationale du sujet appelle une meilleure coordination européenne. En ce sens, je souscris totalement au projet de résolution aujourd’hui soumis au vote de l’Assemblée parlementaire. Ce texte appelle aussi à associer plus étroitement les parlements au contrôle des installations nucléaires et à faire preuve d’une plus grande transparence. C’est un point de convergence avec les constats dressés par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale française, et je m’y rallie bien volontiers.

Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que l’exigence de sûreté nucléaire nous impose aujourd’hui, collectivement, d’inciter nos gouvernements respectifs à engager la transition vers des sources d’énergie renouvelable. Réduire l’importance du nucléaire permettra de réduire aussi l’aléa en termes de risques encourus. Nous le devons aux générations futures.

M. GATTOLIN (France) – Je félicite tout d’abord M. Schennach, notre rapporteur de fait, pour la présentation de ce rapport particulièrement important et pertinent.

Beaucoup a été dit, mais il faut rappeler un fait: quand on regarde la carte des installations nucléaires dans le monde, on observe trois zones de forte densité – les États-Unis, le Japon et le continent européen, qui arrive en tête avec 184 réacteurs en activité. Or notre continent a pour particularité d’être très fragmenté du point de vue géopolitique. Cela explique en partie l’importance des installations nucléaires situées en zone frontalière; mais, au vu des effets de la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, on peut considérer l’ensemble des pays membres de notre Organisation comme frontaliers d’une installation nucléaire en cas d’accident grave.

Par ailleurs, nos politiques énergétiques relèvent de la compétence nationale souveraine, ce qui pose un véritable problème et accroît la nécessité d’une étroite coopération internationale, ou en tout cas entre les pays membres du Conseil de l’Europe, qu’il s’agisse du choix des installations, de la concertation, de la surveillance ou de la sûreté et de la sécurité nucléaires.

Au fil du temps, on a vu se développer les risques entourant les installations nucléaires. Le risque sismique lui-même a évolué. Ainsi, en France, la centrale de Fessenheim, limitrophe de l’Allemagne et de la Suisse, était située dans une zone considérée comme exempte de risque sismique lorsqu’elle a été construite, en 1971. La remise à jour de la carte des risques sismiques en France, par deux fois, a montré que le risque était aujourd’hui avéré alors que nous n’en avions pas de connaissance scientifique lors de la construction de la centrale.

Quant au risque terroriste, déjà souligné à plusieurs reprises, le fait qu’une centrale ne fonctionne pas pendant 25 à 30 % du temps au cours de l’année conduit à construire deux ou trois réacteurs, voire quatre, sur un même site, ce qui accroît l’importance stratégique de celui-ci et aggrave les risques qui pourraient en découler en cas d’attaque terroriste ou de conflit militaire.

Enfin, le risque lié au changement climatique est très élevé. Nous avons eu l’occasion de le constater en France il y a quelques années, lorsqu’une montée des eaux liée à un grave incident météorologique a failli mettre en péril la centrale de Blaye.

Tous ces éléments sont importants. Il est donc essentiel non seulement que la coopération existe, mais aussi que nous nous dotions au niveau national d’autorités de sûreté nucléaire indépendantes. En France, pendant longtemps, ceux qui contrôlaient le nucléaire étaient ceux-là mêmes qui le fabriquaient. Dans la région du Bugey, dont je viens, on nous a construit cinq centrales nucléaires sans la moindre concertation avec le public. Ces temps-là sont révolus, et il faut reconnaître qu’au fil du temps, l’Autorité de sûreté nucléaire française a pris beaucoup d’autonomie et qu’elle se permet aujourd’hui de donner des indications essentielles à l’État et aux opérateurs privés. Mais ce qui pose problème, c’est son temps de réaction, la durée qui s’écoule entre le début d’un incident et son annonce officielle par les opérateurs, alors que la gestion du temps est absolument décisive en la matière.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée. Il nous reste un peu de temps si d’autres orateurs souhaitent s’exprimer.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Certains pays se considèrent comme forts et puissants, mais aucun n’est invulnérable. Aujourd’hui, personne ne peut échapper au terrorisme ou aux conséquences d’un manque de sûreté nucléaire.

Les États de la planète ont pris 250 engagements en matière de sûreté et de sécurité nucléaire. Si les trois quarts d’entre eux sont respectés, au moins une cinquantaine ne sont pas encore mis en œuvre. La communauté internationale semble divisée. L’incertitude règne. Ce qui est certain, en revanche, c’est que le monde entier court des risques.

Les grands pays essayent en général de transformer les petits pays en vassaux, de les utiliser pour mener à bien leurs propres politiques. L’Azerbaïdjan n’est pas un très grand pays, mais il se trouve à un carrefour stratégique. Nous essayons de mettre en place une politique indépendante et d’empêcher toute influence étrangère. Cela fait de l’Azerbaïdjan un partenaire recherché sur la scène internationale, notamment en matière de sûreté et de sécurité nucléaire.

Lors du Sommet sur la sécurité nucléaire de Washington en 2016, auquel participaient plus de cinquante pays, cela est encore apparu de manière très nette. Le Président américain a fait la déclaration suivante: «Il y a certains pays qui peuvent être des postes de transit pour le trafic de matériel nucléaire. Nous travaillons avec ces pays pour qu’ils puissent mieux assurer leurs frontières et détecter tout trafic éventuel.» Dans ce contexte, l’Azerbaïdjan apparaît comme un partenaire clé du simple fait de sa position géographique. Être ainsi considérés comme un partenaire fiable est pour nous une source de fierté.

Je voudrais cependant souligner les risques particuliers dans le sud du Caucase. Le Haut-Karabakh et les sept provinces azéries environnantes, sous occupation arménienne depuis 26 ans, échappent à tout contrôle international. Tous les trafics y sont possibles, trafics de drogue entre autres. Ces régions font office de zones d’entraînement pour les terroristes et, sans doute, de zones de transit, où les déchets nucléaires et autres circulent librement.

Pour l’ensemble de la région, pour le Moyen-Orient et pour l’Europe, l’Arménie constitue en fait un facteur de risque considérable en matière de sécurité nucléaire. Je voudrais évoquer également le problème de la centrale de Metsamor, construite en 1976 sur un modèle technologique soviétique dépassé. Cette centrale aurait dû être fermée depuis longtemps tant elle représente un risque d’accident permanent. Metsamor est construite sur une plaque sismique. Malgré tout, l’Arménie entend continuer à exploiter cette centrale, véritable menace permanente de mort pour elle-même et pour ses voisins, jusqu’en 2026.

En conclusion, l’Arménie représente une grave menace pour la sécurité nucléaire en Europe et des mesures d’urgence devraient être prises pour neutraliser cette menace.

LE PRÉSIDENT* – J’appelle la réplique de la commission.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Monsieur Kiliç, ayez l’amabilité de transmettre à Mme Günay les compliments qui lui ont été adressés.

Je voudrais me tourner tout d’abord vers la délégation de l’Azerbaïdjan. Malheureusement, vous lisez ce rapport de façon très sélective. Mme Gafarova déplorait qu’il n’était nulle part question de la centrale de Metsamor. Je suis désolé, mais en page 9, cinq ou six lignes y sont consacrées. Les problèmes posés par Metsamor, Tihange ou Kozlodouy n’ont donc pas été oubliés. Ce sont autant de centrales dangereuses qui devraient être fermées, non pas demain ni la semaine prochaine, mais immédiatement.

Madame Olsen, vous avez parlé du «conte de fées» de l’énergie nucléaire. On nous raconte que le nucléaire est une énergie propre et économique. C’est doublement faux! On ne tient pas compte des coûts qui vont perdurer des centaines d’années et qui seront répercutés sur tous les habitants des régions concernées, pendant des générations. Il est facile de dire «cela ne coûte pas cher». C’est peut-être vrai sur le moment, mais ce sont les générations futures qui, pendant des dizaines d’années ou des siècles, vont en supporter les coûts alors que les entreprises engrangent les bénéfices dès aujourd’hui.

Monsieur Sekulić, je vous remercie pour vos commentaires et j’adresse mes félicitations au Monténégro. Toutefois, je vous invite à ne pas détruire certaines zones magnifiques de votre pays avec d’autres projets qui ne sont peut-être pas nucléaires, mais qui sont également nocifs pour l’environnement.

Il nous a été reproché l’absence de discussions avec l’Agence internationale de l’énergie atomique. Sachez que nous avons sollicité l’AIEA à plusieurs reprises et que nous n’avons pas obtenu de réponse. Il n’est donc pas juste de nous en faire la critique. Critiquez l’AIEA, mais nous ne sommes pas responsables de ce manque de coopération. Si l’AIEA ne peut pas discuter avec des élus représentants de parlements démocratiques, avec qui le peut-elle?

Le nucléaire représente un vaste complexe industriel qui d’ailleurs n’hésite pas à se tourner vers des pays peu ou pas démocratiques pour développer de nouveaux projets de construction de centrales. C’est en effet plus facile dans ces pays. En tant que responsable de l’Union euro-méditerranéenne, j’ai lutté pendant des années contre un projet de centrale à Aqaba. Le golfe d’Aqaba est situé en Jordanie, à deux pas d’Israël, de l’Arabie saoudite et d’autres pays encore. C’eût été un crime de construire là-bas, d’autant plus que seul le complexe militaro-industriel en aurait tiré des bénéfices, certainement pas les populations.

Monsieur Vovk, je vous rappelle qu’aucun des pays ayant signé l’Accord de Budapest ne l’a pour l’instant ratifié. Celui-ci ne peut donc pas encore être appliqué.

Monsieur Gattolin, Madame Trisse, Monsieur Reiss, je vous remercie d’avoir fait entendre la voix de la France d’une façon aussi positive. Je suis ravi que vous soyez favorables à ce rapport.

Monsieur Yeneroğlu, vous avez évoqué la question de la distance. Je donnerai un exemple. Tchernobyl est situé à 1 200 ou 1 300 kilomètres de l’Autriche. Aujourd’hui encore, nous souffrons des conséquences de l’accident de 1986. Les faibles distances que vous citiez ne représentent rien pour un nuage de césium. Nous parlons de centrales proches de frontières. Non seulement elles sont proches de frontières, mais elles sont aussi souvent construites dans des régions critiques sur le plan sismique, comme Temelín, en République tchèque, et bien d’autres encore. Si vous souhaitez jouer à la roulette russe en Turquie, construisez des centrales! Mais je vous rappelle que toute la Turquie est instable sur le plan sismique. Combien avez-vous compté de séismes dans votre pays ces vingt dernières années? La Turquie occupe la première place dans le monde en ce qui concerne les tremblements de terre.

Je conclus sur le Protocole de Melk signé entre l’Autriche et la République tchèque au sujet de la centrale de Temelín. Monsieur Vovk, en tant qu’expert de physique nucléaire, vous savez ce qu’est l’INES, , l’échelle internationale d’évaluation de la gravité des accidents nucléaires. Plus de 100 accidents d’un niveau égal ou supérieur à 1 ont été recensés sur cette échelle. Chez nous, tout le monde a reçu des pilules de potassium, pour renforcer nos défenses immunitaires, au cas où!

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Rappel au Règlement! Je souhaiterais répondre à M. Schennach, qui a cité mon nom

LE PRÉSIDENT* – Ce n’est pas possible. La responsabilité du rapporteur était de vous répondre, et c’est ce qu’il a fait. Nous passons à la phase suivante du débat.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 10 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission proposait que l’amendement 2, qui a été approuvé à l’unanimité par la commission, soit déclaré adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est adopté.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le recueil des amendements. Je rappelle que les interventions sont limitées à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 9.

M. HUNKO (Allemagne)* – Nous sommes 47 États membres au Conseil de l’Europe. Dix-sept pays possèdent un parc nucléaire. On ne peut donc prétendre que l’Europe dépend fortement de l’énergie nucléaire. Cela vaut peut-être pour certains pays, mais non pour tout le continent. Je propose donc un texte plus neutre, qui dirait que «plusieurs États d’Europe produisent de l’énergie nucléaire». Ce n’est pas un jugement de valeur.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie d’un sous-amendement présenté par M. Leite Ramos..

M. HUNKO (Allemagne)* –  Je propose d’écrire « de nombreux pays » au lieu de « plusieurs pays »

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission a adopté à une large majorité ce sous-amendement qui a été présenté par M. Hunko.

Le sous-amendement est adopté.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – Avis favorable, à une large majorité, sur l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 9, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 10.

M. HUNKO (Allemagne)* – Cet amendement porte sur la situation des vieilles centrales qui se trouvent dans des zones frontalières. Dans le débat, nous avons souvent cité la centrale belge de Tihange, qui se trouve à la frontière avec le Luxembourg, l’Allemagne et les Pays-Bas. Nous devrions mentionner cet exemple dans le texte.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie d’un sous-amendement.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission a proposé de supprimer les mots suivants: «comme celle de Tihange, en Belgique, qui se trouve à proximité de l’Allemagne et des Pays-Bas.»

M. HUNKO (Allemagne)* – Devons-nous être concrets, oui ou non? Faut-il un exemple de ces anciennes centrales? Tihange est un cas d’école, cette centrale fait l’objet d’énormes polémiques depuis des mois, des années! Il faut donc la mentionner.

Le sous-amendement est adopté.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission est en faveur de l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 10, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT*– Les amendements 6 et 7 ne sont pas défendus par M. Batrincea.

Je suis saisi de l’amendement 8.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – Il s’agit de biffer le paragraphe 8 qui contredit le rapport. Il vise la centrale d’Akkuyu en Turquie de façon injuste et partiale. Supprimer cette partie du texte serait judicieux. Lors du débat, vous venez d’ailleurs de refuser de mentionner l’exemple de la centrale de Tihange.

M. SCHENNACH (Autriche) rapporteur suppléant* – Ce paragraphe a été approuvé par la commission à la quasi-unanimité. Nous en avons abondamment discuté lors de la réunion de Lisbonne. Il s’agit d’un fait. Cette référence factuelle étoffe le rapport et la résolution. Je souhaite maintenir le paragraphe 8.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

M. YENEROĞLU (Turquie)* – La centrale d’Akkuyu n’est pas évoquée dans l’exposé des motifs. Il est inacceptable de la mentionner au sein du rapport. La référence à cette centrale en particulier sape la cohérence du texte.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je vais laisser M. Schennach parler à ma place car la commission était pleinement d’accord pour ne pas modifier le paragraphe 8.

M. SCHENNACH (Autriche) rapporteur suppléant* – Cet amendement, comme le précédent, vise à supprimer le paragraphe 8 ou à lui ôter toute pertinence. J’ai les mêmes oppositions que pour l’amendement précédent.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT * – Je suis saisi de l’amendement 1.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ce matin, il ne s’agit pas d’imposer des politiques énergétiques, mais de traiter de la sécurité nucléaire. Si j’évoque ici l’Accord de Paris, c’est en songeant à la sécurité nucléaire et non pour orienter les politiques énergétiques des uns ou des autres. Je le précise à l’intention du rapporteur.

M. SCHENNACH (Autriche) rapporteur suppléant* – Je m’oppose à cet amendement parce que le lien entre l’Accord de Paris et le changement climatique d’une part, et la sécurité nucléaire d’autre part, est erroné. C’est contraire à l’esprit du rapport.

Je vois M. Kiral se tourner vers moi. L’AIEA n’est rien d’autre qu’une agence de lobbying et se réjouirait de cet amendement.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission est défavorable à l’amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT *– Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Avant la catastrophe de Fukushima, personne n’avait anticipé les répercussions qu’un incident météorologique était susceptible d’avoir sur la sécurité d’une centrale nucléaire. Le but de cet amendement est précisément de faire en sorte que les effets possibles du changement climatique sur la sûreté nucléaire soient étudiés et pris en compte, afin d’assurer une sécurité maximale.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* – Cela n’a rien à voir avec la teneur du rapport! Nous en revenons à la discussion de l’amendement précédent. Je m’oppose à cet amendement pour les mêmes raisons.

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – L’amendement a été rejeté par la commission à une large majorité.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Nous considérons que la transparence en matière de sécurité nucléaire est indispensable. J’ai déjà dit qu’il était bon de dépolitiser tous les organes chargés de la sécurité nucléaire pour éviter les ingérences. Après ce qui a été dit par le rapporteur sur les deux amendements précédents, j’espère que l’on ne va pas m’accuser de lobbying. Car, en matière de sécurité, nous ne faisons que dire qu’il faut disposer de toutes les données pour que la sécurité soit plus efficace et plus globale.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur suppléant* - Je suis favorable à cet amendement!

M. LEITE RAMOS (Portugal), vice-président de la commission – La commission aussi, à une large majorité.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14622, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (99 voix pour, 18 voix contre et 8 abstentions).

Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE – Chers collègues, avant de poursuivre notre ordre du jour, je vous rappelle qu’aux termes des articles 20.1et 22 du Règlement de l’Assemblée, il est de la responsabilité du ou de la Présidente de l’Assemblée de maintenir «l’ordre et les bons usages parlementaires» et de veiller «à ce que les débats se déroulent de manière civile et disciplinée dans le respect des règles et pratiques en vigueur.»

À cet égard, je rappelle aux membres de l’Assemblée qu’ils se doivent d’adopter «un comportement courtois, poli et respectueux les uns envers les autres», ainsi qu’envers les personnes qui prennent la parole devant cette Assemblée.

La manière et le ton employés ainsi que le caractère inapproprié de certaines interventions ont, cette semaine, outrepassé les limites de l’acceptable au sein de cet hémicycle et j’ai dû, au cours des débats, rappeler à l’ordre plusieurs de nos membres.

De plus, plusieurs incidents se sont produits autour de l’hémicycle, y compris des allégations d’agression sur des membres de l’Assemblée, la provocation envers des journalistes par un groupe de membres chantant à tue-tête, qui ne contribuent nullement à créer une ambiance positive ni à donner à cette Assemblée l’image de la Maison de la démocratie.

Dans ce contexte, j’invite toutes et tous les membres à respecter notre Assemblée et son Règlement.

2. Questions au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle les questions à M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Secrétaire Général, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle.

Les débats de cette semaine ont souligné l’importance du dialogue et de la coopération entre les organes statutaires du Conseil de l’Europe et les hauts représentants. C’est la raison pour laquelle je considère les échanges de vues de ce jour comme l’occasion d’aborder une discussion constructive sur les défis politiques et institutionnels auxquels nous faisons face, ainsi que sur les moyens d’aller de l’avant.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.

Je leur rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes et qu’ils doivent poser une question et non pas faire un discours.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme SCHOU (Norvège), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Secrétaire Général, notre Organisation, si précieuse, est en butte à des pressions croisées extrêmement délicates. Nous sommes confrontés à plusieurs dilemmes dans les efforts que nous déployons pour maintenir sa force, son rôle et son intégrité. Nous avons tous, je pense, à cœur de défendre au mieux les intérêts du Conseil de l’Europe mais, dans nos efforts pour résoudre la crise actuelle, les points de vue politiques et juridiques sont très divergents. À mon avis, la dernière chose dont nous ayons besoin est d’avoir un climat conflictuel, notamment entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire. Nous avons plutôt besoin d’enceintes permettant le dialogue pour encourager l’esprit de coopération.

Donc, Monsieur le Secrétaire Général, que pouvez-vous faire pour contribuer à fortifier ce nécessaire esprit constructif et de coopération entre ces deux organes statutaires?

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Je vous remercie infiniment, Madame, de cette question, qui est fondamentale. Mais avant d’adopter un point de vue trop pessimiste, dirais-je, nous devons également nous souvenir que le système des conventions européennes et la Cour européenne des droits de l’homme sont plus forts que jamais, et ce grâce aux réformes que nous avons effectuées.

En premier lieu, nous avons réformé la Cour. Il y a 9 ans, 130 000 affaires étaient en instance devant la Cour. Celle-ci n’était plus réellement une cour à proprement parler. Nous avons procédé à de nombreuses réformes, ce qui a permis de la mettre en terrain plus sûr.

Puis, nous avons voulu décentraliser l’ensemble du Secrétariat. Aujourd’hui, par exemple, nous comptons 50 personnes sur le terrain, en Ukraine. Notre présence est également très forte en Géorgie et dans tous les États membres qui ont besoin de notre assistance pour se réformer. Cela permet d’éviter justement que trop d’affaires ne soient portées devant la Cour. Tout cela vise à renforcer le système des conventions. La Cour a retrouvé aujourd’hui beaucoup de force et peut relever les défis, notamment s’agissant de la Turquie.

Certes, des menaces pèsent sur les conventions européennes, mais nous avons su y faire face. Lorsque la Cour constitutionnelle de Russie a indiqué qu’elle aurait le droit de décider si tel ou tel arrêt de la Cour devait être suivi d’effet, nous avons immédiatement répondu que si tel était le cas, la Russie devrait quitter le Conseil de l’Europe. Nous avons fait de même à l’adresse du Royaume-Uni lorsque celui-ci a déclaré qu’il ne comptait pas mettre en œuvre les arrêts sur le droit de vote de certains détenus. Nous avons répété qu’à partir du moment où un État membre annonce qu’il n’appliquera pas les arrêts de la Cour, il doit quitter le Conseil de l’Europe. En définitive, l’arrêt en question a été suivi d’effet.

Nous avons déclenché l’article 46.4 à l’encontre de l’Azerbaïdjan, qui maintenait en prison une personne en dépit des arrêts de la Cour. Pour la première fois dans l’histoire du Conseil de l’Europe, nous avons eu recours à cet article – et cette personne a fini par être libérée.

Vous voyez donc que les conventions européennes fonctionnent. Elles protègent les citoyens. C’est d’ailleurs tout leur objet. En l’occurrence, je pense que ma contribution au fonctionnement du système consiste à faire respecter les conventions et le droit, et à mettre en œuvre les articles du Statut – lesquels doivent permettre de faire appliquer les arrêts de la Cour européenne.

Il est très important qu’une bonne coopération s’instaure entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire. Je suis heureux d’affirmer que j’entretiens de très bonnes relations avec le Président et le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire. J’ai même invité le Secrétaire général à me rendre visite chez moi au cours des vacances d’été. Nous avons ainsi pu échanger durant des heures. Il m’a expliqué ce qui se passait au sein de l’Assemblée parlementaire et a précisé ses règles de fonctionnement. Je tiens toujours compte de ce qu’il m’indique à propos de l’Assemblée et des décisions que celle-ci a prises, avant de tirer des conclusions. Bien entendu, je tiens compte de tout ce qui m’est transmis par le Président et le Secrétaire général de l’Assemblée.

Dans le même temps, j’ai un statut spécial au regard de la Convention et du Statut du Conseil, que je respecte et que j’applique lorsque c’est nécessaire. C’est ce que j’ai fait concernant l’Azerbaïdjan. Voilà la façon dont je peux apporter ma contribution. Je dois me montrer extrêmement franc et préciser la façon dont je vois les choses. Je m’efforce toujours d’expliquer, ou en tout cas de présenter l’avis qui est le mien, conformément à ce qui est stipulé dans la Convention et à ce qui figure dans le Statut. Ainsi, le Comité des Ministres entend ce que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a à dire. Vous entendez également ma voix. Je présente toujours très sincèrement et franchement mon point de vue. C’est ainsi que je peux contribuer à défendre la Convention européenne des droits de l’homme.

M. SCHWABE (Allemagne) porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Merci de nous rappeler, à toutes et tous, nos responsabilités. Il est effectivement nécessaire de rétablir la confiance. Et surtout, nous devons essayer de voir ce que nous pouvons changer sans nécessairement blâmer les autres. Cette semaine, des divergences d’opinion se sont exprimées sur les avis juridiques et qui peut les fournir. Comment éviter ce type de conflits à l’avenir? Selon vous, que se passera-t-il en milieu d’année prochaine si un pays comme la Fédération de Russie ne contribue pas financièrement à l’Organisation?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Vous posez une question cruciale. Pour répondre à sa deuxième partie, sachez que j’exercerai mon mandat. Nous veillerons à régler la situation dans le respect du Statut et des règles. Évidemment, nous tiendrons compte de ce que vous direz. J’écoute votre Secrétaire général, notamment lorsqu’il est question des pouvoirs. Celui-ci a souvent affirmé, à juste titre, que si un État membre ne présentait pas ses pouvoirs pour la partie de session de janvier, il se mettait en dehors de l’Assemblée pour toute l’année.

Je n’approuve pas la façon de faire de la Fédération de Russie. Mais en politique, il faut écouter ce que disent les autres et ne pas chercher à interpréter leurs propos en fonction de ce que l’on préfére. En l’occurrence, j’ai entendu dire du côté de la Fédération de Russie qu’elle ne reviendrait pas à l’Assemblée en janvier. Et cela aurait d’ailleurs été le cas même si vous aviez voté le fameux rapport avec une majorité des deux tiers. De toute façon, cela n’aurait pas convaincu la Fédération de Russie de revenir. C’est ce que l’on m’a dit, et c’est ce que j’ai répercuté au Comité des Ministres et au Bureau. Je ne suis évidemment pas d’accord avec la décision de la Fédération de Russie.

Le Statut prévoit que les États membres ont le droit de soumettre des pouvoirs. Mais ils devraient en fait avoir l’obligation de le faire. Un État membre ne devrait pas pouvoir choisir à quelle partie de l’Organisation il participe ou pas. Payer sa contribution est aussi une obligation. Ce qui est sûr, c’est que les Russes ne viendront pas en janvier et ne paieront pas leur contribution pour 2019. Cela signifie qu’en tant que responsable du budget, je devrai faire sans la contribution russe pour l’année prochaine. Il faudra tenir compte de cette réalité dans la construction du budget.

Que fera le Comité des Ministres? À lui d’en décider! L’article 9 du Statut traite de cette question. Mes propositions budgétaires tiendront compte de la situation. J’ignore ce qu’en fera le Comité des Ministres. Mais il est de ma responsabilité de vous dire où nous en sommes. J’ai des compétences toutes particulières, qui me sont dévolues par le Statut. J’ai aussi des responsabilités tout à fait particulières, notamment vis-à-vis de l’ensemble du personnel. Je ne voudrais pas me retrouver à la tête d’une Organisation qui n’aurait plus les moyens de payer ses employés. En Norvège, mon pays, il serait illégal de vouloir gérer une entreprise sans payer ses employés. Il faut donc déjà que j’assure le paiement des salaires pour les deux années qui viennent. J’assume pleinement la responsabilité de la situation sur le plan budgétaire et j’avertirai le Comité des Ministres de cette situation. Cela vous plaira ou pas, mais je ne peux pas faire autrement! Je ne peux pas fuir mes responsabilités.

S’agissant du budget, le Comité des Ministres réagira comme il l’estime nécessaire à ma proposition. Nous n’en sommes pas encore à la finalisation de ce budget. Mais nous ne pouvons pas continuer à traîner, compte tenu de la situation. Nous devons trancher.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – La Recommandation 2124 du 16 mars dernier porte précisément sur la crise budgétaire, aggravée par le non-respect de ses obligations financières par la Fédération de Russie. Le Secrétaire Général est responsable du budget. Le Comité des Ministres disposait de trois mois pour répondre à cette Recommandation de l’Assemblée parlementaire. Demain, pourtant, trois parties de session se seront déroulées depuis l’adoption de cette Recommandation par l’Assemblée parlementaire. Pourquoi le Comité des Ministres, auquel le Secrétaire Général participe pourtant presque toutes les semaines, ne répond-il pas?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Cette question doit être posée au Comité des Ministres! Son Président était présent hier dans l’hémicycle. Vous auriez donc pu l’interroger. Je pense que le Comité des Ministres était dans l’expectative. Il attendait de voir ce qui allait se passer à l’Assemblée parlementaire avant de décider ce qu’il en sera pour les prochaines années. Pour ma part, je prends mes responsabilités. Vendredi, j’informerai le Comité des Ministres de ce qu’il en est. C’est le Comité des Ministres qui répondra. Une fois de plus, je prends mes responsabilités statutaires. C’est ce que je ferai.

M. Michael Aastrup JENSEN (Danemark), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Ma question concerne le débat que nous avons eu pendant toute la semaine au sujet d’un document juridique non contraignant que vous avez élaboré avec la présidence du Comité des Ministres. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce document a généré la pire relation entre le Comité des Ministres et nous. Face à cette situation difficile et à ce manque de coopération, vous, Secrétaire Général, pouvez-vous nous garantir aujourd’hui que cela ne se reproduira pas, que les choses ne se feront pas sans coopération et que nous ferons les choses ensemble et que vous n’agirez pas en solo, comme vous l’avez fait avec le Président du Comité des Ministres?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Monsieur Jensen, je vous remercie de cette question. La Présidente du Comité des Ministres, la ministre elle-même a répondu à votre question, hier. Elle nous a expliqué en détail pourquoi la présidence du Comité des Ministres souhaitait avoir une analyse juridique de la question et pourquoi elle m’a demandé de se joindre à cet effort.

Vous le savez, j’ai été parlementaire pendant des années avant d’être membre d’un gouvernement. Je n’ai jamais regretté d’obtenir le plus possible d’informations avant de prendre une décision. C’est justement l’âge des Lumières de l’Europe. Avant de prendre une décision, il faut avoir le plus possible de connaissances. Cela ne signifie pas que ce qui vient d’ici ou de là-bas doit être accepté sans le remettre en cause. Mais il est très important de tenir compte des renseignements, des informations que l’on peut obtenir. En tant que démocrate, c’est comme ça que je fonctionne. Je ne peux pas vous donner d’autre réponse.

Néanmoins, je puis vous garantir que je comprends qu’il y ait toutes sortes de sentiments autour de ce qui s’est passé. Je ferai de mon mieux pour que nous ne nous retrouvions plus à l’avenir dans ce type de situation.

Cela étant dit, en tant que démocrate, je serai toujours heureux d’avoir des informations, d’où qu’elles viennent, y compris de la part de ceux qui ont des arguments contraires aux miens, d’ailleurs plus de leur part que d’autres, parce que c’est cela qui permet de réfléchir.

Mme ŞUPAC (République de Moldova), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* –Monsieur le Secrétaire Général, en septembre de cette année, sept citoyens turcs enseignants ont été kidnappés en République de Moldova et, le même jour, déportés en Turquie. Ils sont désormais dans des prisons turques. Il semble que ce ne soit pas une coïncidence un mois et demi avant la visite officielle de M. Erdogan en République de Moldova.

Quel est votre avis concernant cette violation cynique des droits de l’homme?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Ma réponse à cette question, comme vous l’avez dit vous-même, c’est qu’il s’agit d’une évolution tout à fait regrettable des choses entre deux États membres. J’en appelle à ces deux États membres pour qu’ils évitent ce genre de situation et qu’ils veillent à une désescalade plutôt que d’envisager le contraire.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Que prévoyez-vous de faire, en tant que Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, après le mépris de l’avis juridique sur la suspension des droits de vote exprimé par l’Assemblée parlementaire et la violation des principes démocratiques par l’Assemblée parlementaire?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – J’ai suivi ce processus à l’Assemblée parlementaire, et ce depuis longtemps. J’ai déjà expliqué précédemment au cours de cette séance de questions quelle est ma vision des choses et quel sera le résultat inévitable de ce qui s’est passé ici. Mais j’ajouterai, et je le dis sincèrement, que je regrette profondément ce qui s’est passé. La Convention européenne des droits de l’homme a été élaborée pour protéger les droits des femmes et des hommes du continent. Si la Russie quitte le Conseil, les citoyens russes ne pourront plus faire appel à la Cour européenne des droits de l’homme. Ce sera un vrai recul pour les citoyens de la Fédération de Russie. De surcroît, nous ne pourrons plus mettre en œuvre les recommandations des grands organes de suivi, comme le CPT qui s’intéresse, par exemple, à ce qui se déroule dans les prisons russes. C’est un travail extrêmement important, auquel vous êtes sans doute sensibles.

Au moment où elle a adhéré au Conseil de l’Europe, la Russie avait un million de détenus dans des centres de détention, dans des prisons, qui ressemblaient à ce qui existait à l’ère soviétique, qui étaient dans un état déplorable. Des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme condamnent la Fédération de Russie à cause de l’état déplorable de ses prisons. La Fédération de Russie les a exécutés. Il y a eu une diminution de la population carcérale dans les prisons russes. Il y a eu des progrès grâce au travail des organes de suivi. Je ne cite que quelques exemples de l’importance de la Convention européenne des droits de l’homme pour ce pays, tout comme pour tous nos pays.

J’aimerais vous le dire en toute sincérité, je suis obligé de suivre ce qui se passe, j’écoute ce qui est dit. Malheureusement, aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation regrettable. Il s’est passé quelque chose au Royaume-Uni. Pendant des années et des années, il y a eu toute une campagne anti-Union européenne. La conclusion en a été le référendum sur le Brexit. Ils ont voulu ce référendum. On verra bien ce qui se passe, ont-ils dit. Eh bien! ça s’est passé! D’ailleurs, c’est de cette façon que la Première Guerre mondiale a été déclenchée.

Toute une série de livres ont été écrits sur le déclenchement de la Première Guerre mondiale. L’un d’entre eux est intitulé «The Sleepwalkers», «Les Somnambules». Comment est-on entré dans cette Première Guerre mondiale? Pour ainsi dire en dormant, sans s’en rendre compte. Certains l’appellent «la grande guerre patriotique», mais elle n’a rien de grande, cette guerre.

J’ai peur qu’il y ait de nouvelles lignes de scission en Europe. Je regrette ce qui s’est passé, mais j’accepte les décisions des organes statutaires du Conseil de l’Europe. Je vous explique simplement ma vision de la situation que je considère être la nôtre à l’heure actuelle. Mais ce sont les États membres qui sont responsables de la Convention. Qu’est-ce qu’un État membre, un État partie face à un traité, au Statut ou à la Convention? C’est un gouvernement. Le gouvernement rédige le statut, le parlement ratifie les traités internationaux. Les États membres ont la possibilité de réveiller les somnambules, de les arrêter de marcher dans leur sommeil. J’entends beaucoup de voix s’élever pour dire: ce n’est pas ce qu’on veut! En ce cas, c’est aux gouvernements d’agir.

Une réunion interministérielle se tiendra au moment du 70e anniversaire du Conseil de l’Europe. Les États membres, responsables du Statut du Conseil de l’Europe et de la Convention européenne des droits de l’homme, peuvent encore agir, tracer une nouvelle voie vers l’avenir. Je vous ai donné sincèrement mon avis. Comme je vous l’ai dit, je regrette ce qui s’est passé.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le Secrétaire Général, je pense que vous serez d’accord pour que nous groupions les questions par séries de trois.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* -J’en suis d’accord.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Secrétaire Général, nous avons lancé un appel pour deux personnes prises en otage en 2014 par l’Arménie - pays qui prétend être attaché aux valeurs démocratiques -, mais ces personnes n’ont pas été libérées. Que répondez-vous donc aux demandes de nombreux Azéris, réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, qui demandent que Shahbaz Guliyev et Dilgam Asgarov soient libérés de leurs geôles arméniennes?

M. KIRAL (Ukraine)* – Monsieur le Secrétaire Général, vous savez bien que la Seconde Guerre mondiale a éclaté parce que l’Europe n’a pas résisté aux agressions nazies, ne s’est pas renforcée.

Je répète la question que je vous ai posée hier et à laquelle j’attends une réponse concrète. Êtes-vous prêt à présenter un plan d’urgence sur la survie de notre institution sans la Fédération de Russie? Il faut que nous puissions nous préparer pour la réunion du Bureau en novembre et pour la commission du Règlement du 10 décembre. Nous ne pouvons pas attendre le mois de juin prochain, quand la Fédération de Russie quittera peut-être officiellement notre Organisation.

M. APOSTOL (République de Moldova)* – La Résolution 420 du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le CPLRE, prise en octobre 2017, sur la démocratie locale en Moldova, demande des précisions sur la suspension du maire de Chișinău, M. Chirtoaca, vice-président du CPLRE. Cette suspension pose des problèmes eu égard à la Charte européenne de l’autonomie locale. Quelles sont les recommandations de la Résolution 420 qui ont été mises en œuvre et quels sont les résultats concrets du suivi du Conseil de l’Europe en ce qui concerne l’affaire Chirtoaca?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* - J’ai abordé plusieurs fois le sujet des prisonniers en Arménie et je continuerai à le faire. Ce serait un geste de la part de l’Arménie de les libérer.

Monsieur Kiral, combien de fois ai-je affirmé que j’étais prêt à présenter un plan pour assurer la survie du Conseil de l’Europe sans l’argent russe! Cependant, quand je l’affirme, on prétend que j’exerce des pressions!

Il est possible de construire un budget sans contribution russe, ce que je vais faire, maintenant que la situation est plus claire. En outre, conformément au Règlement, la commission du Règlement a la possibilité de m’interpeller sur le sujet. Elle ne l’a pas fait jusqu’ici, mais quand vous me le demanderez, je me présenterai devant cette commission du Règlement pour expliquer ce que j’entends faire.

Selon moi, il n’y a jamais eu de pression économique exercée sur l’Assemblée parlementaire, car j’ai expliqué à maintes reprises que, si vous le souhaitiez, nous pouvions continuer nos travaux sans l’argent russe. Je n’ai donc jamais exercé de pression.

Comme je le disais, la situation est aujourd’hui plus claire, et j’expliquerai prochainement au Comité des Ministres comment le budget peut se présenter. Évidemment, les États membres contribueront avec l’Assemblée à ce processus.

Enfin, en ce qui concerne la suspension du maire de Chișinău, si je connais les grandes lignes de cette affaire, je ne peux pas vous donner de détails pour l’instant, Monsieur Apostol.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Monsieur le Secrétaire Général, vous savez pertinemment que l’enquête indépendante sur des faits de corruption a été un événement important dans la vie du Conseil de l’Europe. Or de nombreux membres de l’Assemblée ont le sentiment que l’un des volets de cette enquête mérite des éclaircissements.

M. Mammadov, ancien ambassadeur, était présent lors de la dernière partie de session. Il a affirmé vous avoir donné en 2011 des informations concrètes, à vous et à votre chef de cabinet sur ce qui était en train de se passer. Quant à vous, vous avez affirmé que ces réunions étaient générales et que M. Mammadov ne faisait que se plaindre de la corruption dans son pays. L’article 13-27 demande que les informations sur la corruption et la fraude soient transmises au directeur du bureau juridique et certains disent que vous devriez publier le procès-verbal de votre rencontre avec M. Mammadov. Êtes-vous prêt à le faire?

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Monsieur le Secrétaire Général, ma question porte aussi sur l’arrestation des enseignants turcs en Moldova, mais elle l’aborde sous un autre angle. Amnesty International affirme que cela fait partie d’une action d’envergure internationale du Gouvernement turc contre les membres du mouvement Gülen. En Norvège, les Turcs ont peur et demandent notre protection. Que peut faire le Conseil de l’Europe pour protéger les membres de la diaspora turque en Europe?

M. KILIÇ (Turquie)* – Monsieur le Secrétaire Général, étant donné les défis auxquels nous sommes confrontés, la réforme de notre Organisation est à l’ordre du jour. Ne devrions-nous pas tenir un sommet afin de lancer cette réforme dès 2019, alors que nous célébrerons le 70e anniversaire du Conseil de l’Europe?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* - Tout d’abord, par le passé, j’ai déjà répondu au moins deux fois à la question de M. Kandelaki. Les rencontres régulières du Secrétaire Général avec les ambassadeurs sont une pratique très importante dans cette maison. Nous ne prenons jamais de notes, mais un membre de mon cabinet assiste toujours à ces réunions. Presque toujours, il s’agit du chef de cabinet qui assiste à ces réunions comme témoin.

Pour en revenir aux rencontres que vous avez mentionnées, mon chef de cabinet, qui a assisté à toutes, a été convoqué par la commission d’enquête indépendante que vous avez mise sur pied et s’est expliqué devant elle. Cette commission n’a jamais considéré qu’elle devait me convoquer, et ne l’a jamais fait. Ce qui est clair, c’est que ce qu’il nous a dit sur ce qui se passait en Azerbaïdjan était si choquant que j’en ai fait l’objet de ma première communication publique: dès 2014, j’ai écrit un article dans le Guardian et dans la Frankfurter Allegemeine Zeitung. Et cela m’a aussi conduit, pour la première fois de mon mandat, à appliquer l’article 52 de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, comme je vous l’ai dit, le Comité des Ministres a dû recourir à l’article 46, paragraphe 4, pour la première fois de l’histoire.

Alors que tout cela se produisait, la commission d’enquête, le GIAC – le Groupe d’enquête indépendant concernant les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire –, a déclaré que trois membres de l’Assemblée et son Président, que vous aviez élu quelques mois avant la publication du rapport, avaient tout fait pour saper les efforts que nous déployions. Voilà le problème auquel nous avons été confrontés.

Je vous l’ai déjà dit et je vous le répète: si la commission d’enquête avait voulu donner suite, elle aurait pu le faire, mais elle ne l’a pas fait, parce qu’elle a considéré que les réponses données par mon chef de cabinet étaient suffisamment complètes.

Mme Christoffersen m’a demandé ce qu’il fallait faire au sujet des membres du mouvement Gülen présents dans nos États membres. C’est une obligation des États membres que de protéger les personnes qui résident sur leur territoire; c’est très important. Je pense que la plupart des États membres le font: ils n’acceptent pas qu’une personne puisse être extradée en Turquie sous prétexte qu’elle a entretenu des liens avec ce mouvement. De toute façon, il est toujours possible de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

En ce qui concerne un éventuel sommet, je crains que personne n’en ait vraiment envie dans la situation actuelle, même si des arguments plaident pour qu’il soit organisé. Mais les ministres et les parlementaires seront de toute façon impliqués dans le processus qui conduira à la réunion ministérielle d’Helsinki. Je me rendrai d’ailleurs dans une quinzaine de jours à Helsinki, où je rencontrerai tous les dirigeants en vue de la future présidence finlandaise du Comité des Ministres, notamment le Président de la République de Finlande, un très vieil ami et un homme très sage. Nous discuterons de ce qui peut être fait, et nous verrons. Voilà la logique selon laquelle je travaille.

LA PRÉSIDENTE – Earl of Dundee, inscrit pour poser une question, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur le Secrétaire Général, j’ai appelé votre attention, il y a environ deux ans, sur un problème lié à l’obtention du statut participatif par une organisation internationale non gouvernementale. L’organisation en question satisfait à tous les critères, elle bénéficie d’une accréditation auprès des Nations Unies, mais le Conseil de l’Europe lui a refusé ce statut au motif qu’elle défend une conception traditionnelle du mariage. Le dernier refus date du 6 juillet dernier.

Cette approche discriminatoire nuit gravement à la pluralité des opinions. Comment est-ce possible, ici, dans la Maison des droits de l’homme? Que peut-on faire?

M. MURRAY (Royaume-Uni)* – Les problèmes budgétaires du Conseil de l’Europe sont bien établis. S’agissant de la Russie, je pense que le Conseil de l’Europe a pris la bonne décision.

En revanche, j’ai essayé en vain de trouver le montant total des émoluments du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Pourriez-vous nous donner ce montant pour cette année, et nous indiquer quelle sera la contribution de ce poste au prochain budget de l’Organisation afin que celui-ci puisse être bouclé?

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande)* – Monsieur le Secrétaire Général, cet été, la Cour constitutionnelle bulgare a décidé que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ou Convention d’Istanbul, était inconstitutionnelle. Cela contribue à l’évolution très inquiétante observée ces dernières années en matière de droits des femmes: des États membres mettent à mal la Convention d’Istanbul et ses principaux objectifs, à savoir éliminer la violence à l’égard des femmes. Que faire pour que cette Convention soit mise en œuvre?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Monsieur Ghiletchi, je respecte pleinement les décisions souveraines de nos organes, qui ne sont pas de votre avis au sujet de l’organisation non gouvernementale en question.

Monsieur Murray, je vais expliquer tout cela, comme je l’ai déjà fait. Je n’ai pas cité de chiffres, mais je suis tout disposé à expliquer comment nous pouvons gérer notre budget sans la contribution d’un État membre. Nous l’avons fait lorsque la Turquie a réduit sa contribution du jour au lendemain, même si la situation était très difficile. Je dois tenir compte des réalités: je l’ai dit, j’aimerais que la réalité soit autre, mais c’est à cette réalité-là que nous sommes confrontés.

Je ne peux vous donner aucun chiffre maintenant, mais, comme je l’ai dit, la commission du Règlement a le droit de me sommer de donner des explications, et je le ferai.

Madame Brynjólfsdóttir, la Cour constitutionnelle bulgare a tranché. Or – je l’ai déjà dit dans cet hémicycle –, quand on me demande quelle est mon idéologie, si je suis socialiste, capitaliste, libéral, etc., je réponds toujours que je suis partisan du constitutionnalisme. Voilà pourquoi je défends le Statut du Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme – ce qui y est écrit et ce qui y est implicite.

Ce que je trouve regrettable, en Bulgarie et dans d’autres États membres, c’est de faire une interprétation erronée de la Convention d’Istanbul: on se trompe complètement sur le sens du mot «genre» dans ce texte. Je suis heureux, en revanche, que la présidence croate et le Premier ministre de la Croatie aient défendu la Convention d’Istanbul lors d’une campagne très négative orchestrée contre elle et qu’ils soient parvenus à la faire ratifier par le Parlement croate. J’espère que les autres pays feront de même; heureusement, c’est en cours. Il faudrait arrêter de déformer ce que dit cette convention et rappeler ce dont il s’agit et qui peut tous nous mettre d’accord: la protection des femmes contre la violence domestique, et rien d’autre!

M. PISCO (Portugal)* – Les citoyens détenus dans les prisons hongroises subissent des violations permanentes des droits de l’homme fondamentaux. Ils sont victimes de traitements dégradants et font face à des accusations absurdes. Parmi ces citoyens se trouvent aussi des Italiens et des Portugais qui souffrent eux aussi de ce système inhumain, marqué par des périodes de détention préventive abusives, des prisons surpeuplées, une atmosphère de xénophobie et d’arbitraire. Ils sont en outre privés de soins et d’aide judiciaire.

Cela constitue une violation de tous les droits fondamentaux de l’homme, des valeurs européennes et des conventions internationales. Monsieur le Secrétaire Général, je vous demande ce que peut faire le Conseil de l’Europe pour mettre un terme à cette situation et pour organiser des missions d’établissement des faits dans les prisons hongroises.

M. ORLANDO (Italie)* – Lorsque j’occupais le poste de ministre de la justice de mon pays il y a quelques mois encore, j’ai eu l’occasion d’apprécier l’action de M. Jagland et du Conseil de l’Europe. Même dans un pays comme le mien, riche d’une longue histoire comme État de droit, des problèmes subsistent: dans les prisons ou quant à la durée des procédures judiciaires; on recense même des cas de torture.

Ma question est la suivante: dans quelle direction nous entraînent les personnes qui cherchent à laver le linge sale en famille, à expulser des pays de cette Assemblée? Je pense que nous devrions promouvoir des initiatives visant à relancer le Conseil de l’Europe plutôt que donner l’impression que ce dernier n’a finalement plus d’avenir.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Monsieur Pisco, je vous remercie de m’avoir informé de cette situation. Je n’approfondirai pas ici la question, mais chaque fois que l’on m’informe de telles situations, je ne manque pas de les considérer très attentivement.

Je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance envers M. Orlando. L’Italie et le gouvernement auquel vous avez appartenu, Monsieur, ont montré très clairement l’importance et la force de la Convention européenne des droits de l’homme dans deux domaines très concrets.

Premièrement, les nombreux arrêts de la Cour concernant la longueur des procédures dans les tribunaux italiens ont incité le gouvernement à prendre des mesures. Deuxièmement, au sujet de la situation des détenus dans les prisons, vous avez joué le rôle de chef de file – et c’est un excellent exemple pour les autres – afin de réformer le système pénitentiaire et la façon dont l’on sanctionne les personnes. En la matière, vous avez abouti à d’excellents résultats et ces évolutions positives ont pour origine les arrêts de la Cour européenne.

Chers amis, j’ai entendu ces derniers jours bien des avis pessimistes. Surtout ne sombrez pas dans cet état d’esprit! Nous avons un système conventionnel très fort, qui s’applique et qui permet de faire la différence dans nos États membres. Toutes les réformes que nous avons menées à la Cour européenne, le fonctionnement actuel du Secrétariat Général, la décentralisation qui a été opérée, le fait que nous ayons réussi à mobiliser des ressources supplémentaires d’une ampleur jamais vue auparavant au Conseil de l’Europe, tout cela nous a permis de devenir plus forts sur le terrain: en Ukraine, en Géorgie, en Arménie, à Moscou.

Nous avons été en mesure de mobiliser ces ressources de la part des États membres, justement parce que nous sommes présents sur le terrain. Nous avons pu également en quelque sorte rivaliser sur le terrain avec des ressources venant de l’extérieur. La décentralisation de nos activités nous a permis de dégager 60 millions d’euros en plus du budget ordinaire, et de porter assistance à nos États membres. Les réformes de la Cour, la décentralisation de l’Organisation, tout cela a considérablement renforcé le Conseil de l’Europe.

Vous me dites maintenant que vous êtes en pleine dépression. Au contraire, soyez optimistes! Défendez la Cour, défendez les conventions, montrez les résultats concrets et les différences que cela peut engendrer pour les citoyens! La Convention n’a pas été adoptée pour les États membres, elle a pour vocation de protéger les citoyens de ces États membres. Rappelez-vous en, rentrez chez vous et défendez ces principes et ces textes! Après quoi, vous pourrez vous rendre à la réunion ministérielle d’Helsinki et essayer de trouver une voie pour aller de l’avant.

Monsieur Orlando, vous avez fait beaucoup quand vous étiez ministre. Vous avez appliqué la Convention en Italie. C’est comme cela que les choses fonctionnent et nous devons tous continuer à défendre ce système.

Restez optimistes au nom des droits de l’homme et de la Convention européenne!

LA PRÉSIDENTE – Merci infiniment, Monsieur le Secrétaire Général, du temps que vous nous avez accordé et de votre esprit positif.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Je suis un homme très raisonnable et je suis resté assis ici tranquillement, mais le Secrétaire Général s’enfuit! Il a peur de répondre aux questions!

LA PRÉSIDENTE – Monsieur Foulkes, le Secrétaire Général a répondu à toutes les questions de la manière dont il l’entend. Ce n’est pas à vous de lui dicter la manière dont il doit répondre aux questions.

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

SOMMAIRE

1. La sûreté et la sécurité nucléaires en Europe

Présentation par M. Schennach, suppléant Mme Günay, du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14622)

Orateurs: MM. Hunko, Hamzayev, Poderys, Mme Ohlsson, M. Howell, Mme Rodríguez Hernández, MM. Masiulis, Butkevičius, Roca, Vovk, Sekulić, Mme Kyriakides, MM. Reiss, Mollazade, Efstathiou, Zingeris, Mme Gafarova, MM. Dzhemiliev, Yeneroğlu, Mme Trisse, MM Gattolin, Huseynov

Réponse de M. le rapporteur suppléant

Vote sur un projet de résolution amendé

2. Questions à M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Questions: Mme Schou, M. Schwabe, Sir Roger Gale, M. Michael Aastrup Jensen, Mmes Şupac, Filipovski, MM. Huseynov, Kiral, Apostol, Kandelaki, Mme Christoffersen, MM. Kikiç, Ghiletchi, Murray, Mme Brynjólfsdóttir, MM. Pisco, Orlando

3. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ALTUNYALDIZ, Ziya [Mr]

APOSTOL, Ion [Mr] (GHIMPU, Mihai [Mr])

ARENT, Iwona [Ms]

AST, Marek [Mr] (BAKUN, Wojciech [Mr])

BADEA, Viorel Riceard [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

BADIA, José [M.]

BALIĆ, Marijana [Ms]

BARDELL, Hannah [Ms]

BARNETT, Doris [Ms]

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BECHT, Olivier [M.]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BERGAMINI, Deborah [Ms]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BOGDANOV, Krasimir [Mr]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BRUYN, Piet De [Mr]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (FIALA, Doris [Mme])

BUDNER, Margareta [Ms]

BURES, Doris [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

CEPEDA, José [Mr]

CHRISTENSEN, Jette [Ms] (MEHL, Emilie Enger [Ms])

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CRUCHTEN, Yves [M.]

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EFSTATHIOU, Constantinos [Mr] (LOUCAIDES, George [Mr])

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ERDEM, Arzu [Ms] (ÇETİN, Cemal [Mr])

ESTRELA, Edite [Mme]

EVANS, Nigel [Mr]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (OBRADOVIĆ, Marija [Ms])

FOURNIER, Bernard [M.]

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAILLOT, Albane [Mme]

GALE, Roger [Sir]

GATTOLIN, André [M.] (MAIRE, Jacques [M.])

GAVAN, Paul [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr] (HEER, Alfred [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Dame]

GOGUADZE, Nino [Ms] (PRUIDZE, Irina [Ms])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRAF, Martin [Mr]

GRIMOLDI, Paolo [Mr]

GRIN, Jean-Pierre [M.] (LOMBARDI, Filippo [M.])

HAIDER, Roman [Mr]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HAMZAYEV, Nagif [Mr] (AGHAYEVA, Ulviyye [Ms])

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HONKONEN, Petri [Mr] (KALMARI, Anne [Ms])

HOWELL, John [Mr]

HRISTOV, Plamen [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

IBRYAMOV, Dzheyhan [Mr] (HAMID, Hamid [Mr])

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JENSEN, Mogens [Mr]

JONES, Susan Elan [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KATSARAVA, Sofio [Ms]

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRAL, Serhii [Mr] (SOTNYK, Olena [Ms])

KIRILOV, Danail [Mr] (GROZDANOVA, Dzhema [Ms])

KOBZA, Jiři [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

KOÇ, Haluk [M.]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOX, Tiny [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LINK, Michael [Mr] (JENSEN, Gyde [Ms])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MARQUES, Duarte [Mr]

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

MASSEY, Doreen [Baroness]

MAVROTAS, Georgios [Mr] (ANAGNOSTOPOULOU, Athanasia [Ms])

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MIKKO, Marianne [Ms]

MILADINOVIĆ, Stefana [Ms] (OBRADOVIĆ, Žarko [Mr])

MOLLAZADE, Asim [Mr] (SEYIDOV, Samad [Mr])

MONTILLA, José [Mr] (GUTIÉRREZ, Antonio [Mr])

MUÑOZ, Esther [Ms] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

MURRAY, Ian [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

ÓLASON, Bergþór [Mr]

OOMEN-RUIJTEN, Ria [Ms]

O’REILLY, Joseph [Mr]

ORLANDO, Andrea [Mr]

ORTLEB, Josephine [Ms] (AMTSBERG, Luise [Ms])

ÖZSOY, Hişyar [Mr]

PACKALÉN, Tom [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms] (NAUDI ZAMORA, Víctor [M.])

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PAVIĆEVIĆ, Sanja [Ms] (ĆATOVIĆ, Marija Maja [Ms])

PISCO, Paulo [M.]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

PODERYS, Virgilijus [Mr] (VAREIKIS, Egidijus [Mr])

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])

RAMPI, Roberto [Mr]

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

ROCA, Jordi [Mr] (GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

RUSTAMYAN, Armen [M.]

ŞAHİN, Ali [Mr]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (KRARUP, Marie [Ms])

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SEKULIĆ, Predrag [Mr]

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

STIENEN, Petra [Ms]

STIER, Davor Ivo [Mr]

ŞUPAC, Inna [Ms]

THIÉRY, Damien [M.]

TOMIĆ, Aleksandra [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

TRISSE, Nicole [Mme]

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

VALENTA, Jiři [Mr] (STANĚK, Pavel [Mr])

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

VEN, Mart van de [Mr]

VOGT, Günter [Mr] (WENAWESER, Christoph [Mr])

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

XUCLÀ, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

YEMETS, Leonid [Mr]

YENEROĞLU, Mustafa [Mr]

YILDIZ, Zeynep [Ms] (GÜNAY, Emine Nur [Ms])

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]

ZRINZO AZZOPARDI, Stefan [Mr] (MALLIA, Emanuel [Mr])

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

AGHAYEVA, Ulviyye [Ms]

BESELIA, Eka [Ms]

CORREIA, Telmo [M.]

DOUBLE, Steve [Mr]

FOULKES, George [Lord]

GOODWILL, Robert [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HASANOV, Elshad [Mr]

JANIK, Grzegorz [Mr]

KATSIKIS, Konstantinos [Mr]

LOUCAIDES, George [Mr]

MAKHMUDYAN, Rustam [Mr]

MARUKYAN, Edmon [Mr]

RUSSELL, Simon [Lord]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHEPPARD, Tommy [Mr]

Observers / Observateurs

DAVIES, Don [Mr]

GALVEZ, Rosa [Ms]

HARDER, Rachael [Ms]

SIMMS, Scott [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ALQAWASMI, Sahar [Ms]

AMRAOUI, Allal [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

LEBBAR, Abdesselam [M.]

MUFLIH, Haya [Ms]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan