FR18CR35

AS (2018) CR 35
Edition provisoire

SESSION ORDINAIRE DE 2018

________________

(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-cinquième séance

Jeudi 11 octobre 2018 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès
des processus de décentralisation

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Leite Ramos, au nom de la commission des questions sociales, sur «Le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès des processus de décentralisation» (Doc. 14623).

Après avoir écouté M. le rapporteur, nous aurons le plaisir d’entendre Mme Mosler-Törnström, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole des orateurs est de 4 minutes.

Nous devons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 17 h 40. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 h 20, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier les membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, du Comité européen sur la démocratie et la gouvernance, du Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale du Conseil de l’Europe et les membres de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, ainsi que ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE –, pour leur contribution à ce rapport sur «Le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès des processus de décentralisation».

Je remercie tout particulièrement Mme Mosler-Törnström, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, de son soutien et de sa participation à notre débat. Je remercie aussi M. Kiefer, Secrétaire général du Congrès, pour son soutien et pour les suggestions et propositions qu’il nous a prodiguées tout au long de la préparation de ce rapport. Je voudrais aussi remercier Mmes Pererva, Lambrecht et Kleinsorge, du secrétariat de la commission des questions sociales, pour leur professionnalisme, leur compétence, leur engagement et leur dévouement dans la préparation et l’achèvement de ce rapport.

Le sujet de la décentralisation me tient à cœur, en raison non seulement de mon profil académique et de mon expérience professionnelle, mais aussi – et surtout – de mon engagement politique en faveur des principes et des valeurs de la démocratie locale et de la gouvernance démocratique. En tant que dirigeant d’administration publique, professeur, élu local et député, j’ai été personnellement impliqué dans des réformes territoriales, des processus de décentralisation ou des projets de coopération transfrontalière, et je suis de près les développements dans ce domaine dans mon pays et dans le monde.

La décentralisation est un sujet qui est fondamental pour le bien-être de nos sociétés. Nous observons de multiples conflits entre les autorités centrales et locales ou régionales. Je suis convaincu que la meilleure façon de les gérer est d’établir des processus de décentralisation clairs et transparents, et de veiller à leur mise en œuvre efficace. Ces dernières décennies, nous avons été témoins des progrès importants réalisés dans le domaine de la décentralisation. Cependant, dernièrement, des processus de décentralisation ont échoué, ont été mis en veille ou ont été abandonnés dans plusieurs pays. Plusieurs instances, dont le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, ont donné l’alarme.

Une idée reçue consiste à considérer que, dans les temps de crise, un pouvoir fort – et donc centralisé – serait mieux à même de faire face aux difficultés. Or un pouvoir centralisé n’est pas en mesure de tenir compte de la diversité des opinions et de répondre aux besoins de la population de manière efficace. Une centralisation trop forte crée souvent des frustrations et des résistances. C’est un grand risque et un vrai danger pour la stabilité et la sécurité démocratiques.

Il me semble que le pouvoir décentralisé peut nous apporter davantage de solutions et que c’est lui, en réalité, qui constitue le véritable pouvoir fort. Sa force réside dans la persuasion, la négociation et la recherche du bien-être commun, accessible à chacune et chacun d’entre nous. Certes, cela nécessite du temps et des ressources, mais cela produit des résultats plus solides et plus durables.

C’est la raison pour laquelle je considère que le rôle des parlements dans les processus de décentralisation est primordial. Cela concerne d’abord leurs tâches législatives, y compris l’adoption du budget et la transcription des éléments essentiels de la décentralisation dans les lois de leur pays. Il est important qu’ils soient impliqués dès le début des processus relatifs à la décentralisation et non conduits à valider ultérieurement les arrangements négociés par d’autres acteurs.

L’engagement des parlements doit aller beaucoup plus loin. Une fois la législation adoptée, il leur revient d’en assurer le suivi, de veiller à une mise en œuvre transparente et efficace, de tirer les leçons des succès et des échecs, ainsi que de procéder aux réajustements nécessaires.

Des mesures très concrètes sont proposées dans ce projet de résolution: mettre en place ou renforcer des commissions parlementaires permanentes, établir des garanties légales adéquates pour permettre aux collectivités locales d’exercer leurs pouvoirs efficacement et sans heurts, signer et ratifier le Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales – entre autres exemples. Nos pays sont très différents, mais ils sont tous en mesure d’entreprendre des actions en faveur de la décentralisation.

Pour conclure, je voudrais rappeler que nous fêtons cette année le 30e anniversaire de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui reconnaît la démocratie locale en tant que valeur européenne commune et fournit le cadre d’action à nos pays membres. Ce contexte nous offre une occasion excellente de donner un nouvel élan aux réformes en cours et à venir.

Je tiens également à remercier la Présidence croate du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe d’avoir choisi la décentralisation au nombre de ses priorités. C’est un signal fort de l’engagement de nos gouvernements pour la démocratie locale et régionale.

J’espère que l’Assemblée, le Congrès et le Comité des Ministres maintiendront leur dialogue sur ce sujet dans les années à venir.

Je me réjouis que M. Jean-Pierre Grin, qui est mon successeur en tant que rapporteur général sur les pouvoirs locaux et régionaux de l’Assemblée, soit très engagé pour soutenir ce dialogue, et je lui souhaite beaucoup de succès dans l’accomplissement de ce mandat.

J’espère que le présent projet de résolution sera utile à tous ceux qui œuvrent dans le domaine de la décentralisation.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, il vous restera un peu moins de 7 minutes pour répondre aux orateurs.

J’ai le plaisir d’accueillir maintenant Mme Mosler-Törnström, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Madame la Présidente – Liebe Gudrun –, c’est un grand plaisir de vous recevoir dans cet hémicycle que vous connaissez bien, même s’il est occupé par des personnes différentes lorsque vous y siégez. Nous attendons avec intérêt vos réflexions sur les bonnes pratiques permettant d’assurer la réussite du processus de décentralisation et sur les actions requises pour relever les défis actuels et futurs d’une décentralisation efficace.

Je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée d’entendre dans cette enceinte, avec nos collègues parlementaires, la Présidente d’un organe du Conseil de l’Europe que nous connaissons en fait si peu alors que nous avons beaucoup à partager.

Je vous félicite, Madame la Présidente, pour le travail accompli durant votre mandat, qui touche à sa fin, et de la coopération constructive et fructueuse que vous avez toujours promue avec notre Assemblée.

J’ajoute que j’apprécie énormément votre engagement personnel en faveur de la participation des femmes à la vie politique.

Une fois encore, je vous remercie d’être parmi nous et je suis convaincue que votre intervention constituera une contribution précieuse à notre débat.

Mme MOSLER-TÖRNSTRÖM, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs, c’est un plaisir et un honneur d’être présente ici aujourd’hui. Je suis heureuse de pouvoir affirmer que le Congrès et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe coopèrent actuellement plus étroitement que jamais – ce débat en constitue une illustration. Nous avons beaucoup à nous offrir mutuellement; nous avons beaucoup à donner au Conseil de l’Europe dans son ensemble.

Nous avons entretenu une coopération étroite avec vos rapporteurs généraux sur les pouvoirs locaux et régionaux – dernièrement avec vous, Monsieur Leite Ramos, mais nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre sur cette voie avec votre successeur, Jean-Pierre Grin, qui s’exprimera devant le Congrès en novembre, lors de sa prochaine session.

Cependant, après ces paroles positives, il me faut aussi vous faire part de quelques remarques assez directes que plusieurs membres de l’Assemblée m’ont faites cette semaine. Certains d’entre vous m’ont dit qu’ils n’étaient pas très au courant de ce que faisait le Congrès, en dehors du fait qu’il est l’instance de suivi de la Charte européenne de l’autonomie locale. Il s’agit également de la seule instance internationale assurant une observation systématique des élections locales.

Je voudrais vous donner quelques exemples de notre travail. Le Congrès organise annuellement un sommet des maires contre la radicalisation. Nous préparons un manuel sur le dialogue interreligieux et interculturel dans les municipalités. Nous élaborons également des rapports sur la prévention de la corruption à l’échelle locale et régionale et formulons des propositions sur l’accueil des migrants et leur intégration.

C’est au niveau des villes et des régions que se trouvent les solutions à la plupart des difficultés actuelles. Ce qui ne fonctionne pas à l’échelle locale ne fonctionnera pas davantage à l’échelle nationale. Nous autres, au Congrès, nous sommes les acteurs du Conseil de l’Europe à la base. Il y a d’ailleurs une forte dimension locale dans de nombreuses politiques et conventions du Conseil de l’Europe.

En novembre 2018, le Congrès adoptera un manuel sur les activités en matière de droits de l’homme à destination des maires. Nous partagerons cet outil important avec vous et nous espérons que vous pourrez le diffuser largement, puisque beaucoup d’entre vous ont des mandats locaux.

Je crois donc qu’au-delà de la coopération entre nos rapporteurs, nous devrions travailler pour favoriser une meilleure connaissance mutuelle de nos deux institutions. Il est toujours utile de communiquer davantage, pour vous comme pour nous.

La décentralisation, notre sujet d’aujourd’hui, traverse des difficultés, en partie pour des raisons financières mais pas uniquement. De nombreux maires se sentent sous pression à mesure que leurs pouvoirs et leurs moyens sont rognés.

Monsieur Leite Ramos, j’ai lu votre rapport avec beaucoup d’attention. Vous y faites référence à l’une des analyses que nous avons faites sur les problèmes récurrents. En effet, le Congrès s’est récemment penché sur les problèmes récurrents qui menacent la démocratie locale et régionale en Europe. Dans ce contexte, il convient de relever une véritable tendance à la recentralisation dans nos États membres. Celle-ci se traduit par une supervision croissante des pouvoirs locaux et régionaux par les autorités nationales; un manque de transfert de ressources nationales clairement affectées, ce qui place les pouvoirs locaux en situation de dépendance à l’égard des gouvernements; un manque de consultation des échelons régionaux ou locaux de la part de l’échelon national.

Ces tendances sont assez symptomatiques d’un déclin de l’autonomie locale, alors que ce principe était, il y a encore quelques années, largement mis en œuvre dans nos États membres. Cette évolution doit nous inquiéter.

Du fait de mon expérience en la matière, je suis convaincue que la décentralisation est directement liée à une interaction et une coopération fortes entre toutes les parties prenantes impliquées dans le processus, ainsi qu’entre les instances parlementaires ad hoc et les représentants des pouvoirs locaux.

C’est sur la qualité de cette interaction que nous devons nous concentrer. Il faut prévoir des consultations efficaces en veillant au respect mutuel de tous les acteurs et en faisant preuve d’ouverture et de transparence, pour parvenir à une gouvernance «multi-échelons». Ces consultations permettront aux pouvoirs locaux de mieux comprendre les responsabilités des parlements et des gouvernements s’agissant de l’ensemble du secteur public. Il nous faut plus communiquer pour mieux comprendre nos besoins respectifs.

L’un des acteurs clés de ce processus de consultation, ce sont les commissions parlementaires nationales qui ont le mandat pour adopter un cadre réglementaire national sur l’autonomie locale. Malheureusement, la législation nationale encourage rarement les commissions parlementaires à organiser des consultations de ce type. Dans la mesure où ce sont les gouvernements qui soumettent la plupart des initiatives législatives, les instances parlementaires partent du principe que les consultations nécessaires ont déjà eu lieu lors de la phase préparatoire. Néanmoins, trop souvent, ce n’est pas tout simplement pas le cas.

Qui mieux que les parlements, qui sont la maison des citoyens, peut offrir de tels mécanismes de concertation entre le peuple et les élus locaux et régionaux? C’est véritablement une question que nous devons nous poser. L’essence même d’un parlement, c’est le débat public, la consultation, l’ouverture – et bien plus encore.

J’ai donc tendance à dire que les règlements des commissions parlementaires devraient inclure des dispositions spécifiques concernant l’organisation de consultations ou d’auditions publiques impliquant les pouvoirs locaux. Il faut identifier les sujets des consultations, définir les procédures, le calendrier ainsi que l’ensemble des participants au processus. J’encourage donc les associations nationales des pouvoirs locaux et régionaux à élaborer des protocoles d’accord avec les parlements nationaux et les ministères compétents. Ces protocoles d’accord pourraient prévoir les lignes directrices, mais également le détail des processus de consultation, ainsi que les modalités opérationnelles concernant le droit à être consulté.

Nous avons beaucoup travaillé sur cette question cette année, et je suis heureuse de vous annoncer que, lors de notre prochaine session, le 8 novembre, mon collègue Andres Knape présentera, en plénière, le Code de conduite européen pour toutes les personnes participant à la gouvernance locale et régionale. C’est la raison pour laquelle votre nouveau rapporteur général, Jean-Pierre Grin, s’est dit prêt à venir s’adresser à nous lors de cette session.

La dimension locale a une dimension particulière, car elle constitue l’échelle qui est la plus proche des citoyens, elle permet le contact direct avec nos concitoyens. Si nous parvenons à assurer plus de transparence à l’échelle locale, il sera par la suite plus facile d’adapter ces méthodes de travail à l’échelle nationale.

En conclusion, je tiens à dire quelques mots sur la Charte européenne de l’autonomie locale, qui reste une convention clé en la matière, un instrument juridique unique pour sauvegarder et développer la démocratie locale – dans nos États membres et au-delà. Le suivi de la Charte, dont le Congrès a été chargé par le Comité des Ministres, reste la base de notre propre dialogue avec les gouvernements nationaux. Dans le cadre de ces missions de suivi, nous avons appris à apprécier le rôle central joué par les parlements dans le cadre de la conception, de l’élaboration et de la garantie des processus de décentralisation.

Je n’oublierai jamais que notre Congrès est né dans cette Assemblée, en 1957, sur l’initiative du futur Premier ministre français Jacques Chaban-Delmas, alors que votre Assemblée était déjà pleinement consciente de la nécessité de se concentrer sur les échelons locaux et régionaux de la gouvernance. Il y a là un lien logique entre nos deux institutions, lesquelles ont clairement vocation à coopérer sur un certain nombre de sujets.

La gouvernance démocratique ne peut se faire à un seul niveau. Nous autres, au Congrès, maires et conseillers municipaux ou régionaux, nous avons besoin de vous, parlementaires, tout autant que vous avez besoin des élus locaux et régionaux pour mener à bien les politiques décentralisées qui répondent aux besoins de nos citoyens. C’est grâce à ces synergies que nous arriverons à renforcer la démocratie en Europe et que nous pourrons contrer les tentations de recentralisation, qui s’apparentent à un retour en arrière. Cela nécessite notre attention au quotidien, parce que la démocratie ne se protègera pas elle-même. Je vous remercie donc d’avoir préparé cet excellent rapport.

LA PRÉSIDENTE* – (Commençant en allemand) Je vous remercie, Madame la Présidente. Votre intervention était particulièrement intéressante pour nos membres.

(Poursuivant en français) La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. GONCHARENKO (Ukraine), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Permettez-moi tout d’abord de remercier notre rapporteur pour son excellent travail, qui traite de principes très importants: la décentralisation et la subsidiarité. Cette dernière, qui est essentielle quand il s’agit de décentralisation, est l’un des principes clés du droit européen.

Que nous disent ces deux principes? Que toutes les décisions politiques doivent être prises de la manière la plus proche possible des citoyens. Or qui sait mieux ce qui doit être fait au niveau local que les collectivités locales elles-mêmes, dans les domaines de l’éducation, de la santé, des affaires sociales, ou encore de la planification familiale?

C’est la raison pour laquelle en Ukraine, immédiatement après la Révolution de la dignité, nous avons lancé une réforme de la décentralisation. Le secrétaire de la commission du Parlement ukrainien sur la politique locale et la décentralisation est directement responsable de cette réforme. J’occupe cette fonction, et je puis vous assurer que cette réforme est la plus réussie parmi celles qui ont vu le jour ces dernières années.

J’ai été membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pendant plusieurs des années, et je suis très attaché au fait de promouvoir la décentralisation plutôt que la recentralisation. Il convient, pour ce faire, de travailler avec le Congrès.

Dans la région d’Odessa, dont je suis natif, les villes de Podilsk et de Balta ont modifié leur régime fiscal, faisant ainsi respectivement passer leur budget de 50 à 150 millions de hryvnias et de 20 à plus de 100 millions de hryvnias, soit une multiplication par cinq. Pour sa part, le budget d’Odessa, capitale de la région, est passé de 3,5 milliards de hryvnias en 2014 à près de 12 milliards cette année. La décentralisation financière est vraiment essentielle. Si l’on entend confier de nouvelles responsabilités aux pouvoirs locaux, encore faut-il que ceux-ci aient la possibilité d’agir. Il est donc primordial de travailler sur ce sujet.

J’encourage tous mes collègues ici présents à se saisir de ce sujet de la décentralisation. Je suis prêt à partager l’expérience ukrainienne en la matière. Par ailleurs, je pense que nous ne devrions pas nous arrêter à la mise en œuvre de la législation. Certes, cette première étape est indispensable, mais il faut aussi suivre de très près ce qui se passe une fois qu’une loi a été adoptée. C’est tout aussi important. Nous savons tous que le pouvoir exécutif privilégie la centralisation. Nous l’observons dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. C’est la raison pour laquelle il importe de suivre de très près ce qui se passe. C’est ainsi que l’on peut évaluer les résultats. En l’occurrence, la décentralisation peut favoriser, par une gouvernance efficace, la démocratie et l’État de droit au niveau local. Je vous encourage tous à œuvrer dans cette direction.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie le rapporteur pour son travail, ainsi que la Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pour sa présence parmi nous. Mon groupe ne partage pas la totalité des analyses de l’exposé des motifs, notamment en ce qui concerne mon pays. Je tiens toutefois à affirmer très clairement que l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe appuiera ce rapport.

Dans tout processus de décentralisation, deux notions doivent primer: les droits et les libertés de nos citoyens. Ces droits et libertés sont régis par nos constitutions, lesquelles visent précisément à défendre l’État de droit, les droits de l’homme et les libertés individuelles de chaque habitant de nos pays. Aussi considérons-nous que le citoyen doit être au cœur de toutes les politiques publiques, au-delà des intérêts particuliers ou des élites locales qui se constituent parfois en lobbies et effectuent un travail de pression pour défendre leurs propres intérêts. Les citoyens doivent être au cœur du processus de décentralisation.

Un fossé s’est créé entre les décideurs politiques et les citoyens – qui le déplorent. La décentralisation permettra un plus grand rapprochement, mais sera aussi le gage de décisions plus efficaces. Pour que cela fonctionne, encore faut-il avoir bien défini les compétences respectives de chaque organe et de chaque autorité, aux niveaux local, régional et national. À défaut, il est difficile de comprendre les limites des différents champs de compétences – ce qui complique la mise en œuvre des projets.

Nous sommes convaincus que les politiques publiques doivent avant tout garantir l’égalité des chances et l’éducation pour tous nos citoyens. Cela implique de mettre au point des mécanismes d’évaluation et d’identification des politiques, de manière à savoir si certaines d’entre elles sont mal appliquées et, si tel est le cas, d’apporter les corrections nécessaires.

J’ai déposé un amendement visant à préciser qu’un État décentralisé garantit l’égalité d’accès aux services publics entre les citoyens partout dans le pays. Tous les citoyens d’un pays décentralisé doivent avoir le même droit à la santé et à l’éducation, indépendamment du lieu où ils vivent sur le territoire. Il faut donc absolument éviter de confondre décentralisation et entorse au principe d’égalité. C’est la raison pour laquelle nous considérons que la décentralisation doit être conçue comme le moyen d’une gestion plus efficace et d’une meilleure utilisation des ressources publiques, afin d’apporter des réponses directes aux attentes des citoyens. La décentralisation n’est jamais une fin en soi, et elle ne doit jamais être envisagée comme un outil politique.

Comme je l’ai très souvent répété, les citoyens doivent être au cœur de la décentralisation. Notre Assemblée a précisément pour mission de défendre les droits et libertés de chacun, donc l’État de droit dans chacun de ses pays membres. C’est grâce à l’État de droit et à nos législations nationales que nous garantirons que tous les citoyens de nos pays seront défendus, qu’il s’agisse d’assurer l’égalité ou la protection sociale et juridique.

Je félicite à nouveau le rapporteur. Notre groupe votera en faveur du rapport.

Mme GORROTXATEGUI (Espagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Les avantages d’un système décentralisé s’observent à deux niveaux. Tout d’abord, la plus grande proximité avec les citoyens améliore la gestion des ressources et renforce les services publics. Ensuite, elle permet aux différentes communautés de se sentir parties intégrantes d’un projet politique commun, au-delà de leur appartenance culturelle ou nationale.

Toutefois, en dépit de ces avantages non négligeables, les systèmes décentralisés présentent très souvent des faiblesses, des manquements ou des dysfonctionnements. Ces difficultés s’observent lorsqu’il existe un décalage entre la réalité juridique et la réalité sociale, lequel se produit en l’absence d’un cadre juridique adapté visant à résoudre les conflits liés à la décentralisation. Des problèmes se posent aussi en cas de non-coïncidence entre un modèle de décentralisation théorique et les moyens confiés au pouvoir décentralisé.

Lorsque ce décalage existe, il faut essayer de trouver des solutions. À défaut, deux légitimités s’affrontent: d’un côté, la légitimité démocratique et, de l’autre, la légitimité juridique. Ces deux légitimités devraient aller de pair, au risque d’annihiler les avantages de la décentralisation. Le pouvoir s’éloigne alors des citoyens et les nations, outre qu’elles nourrissent le sentiment que leur volonté d’autonomie n’est pas satisfaite, ne sont pas intégrées dans le projet commun qu’est censé être un gouvernement décentralisé. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que l’idéologie à la base de la décision constitutionnelle de décentralisation et les processus permettant de résoudre les conflits aillent de pair.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Je remercie M. Leite Ramos pour son rapport.

Les parlements, dans le cadre de leur rôle législatif et de contrôle, devraient encourager la décentralisation. Par ailleurs, la décentralisation financière et la réforme constante des municipalités doivent avoir pour but de renforcer l’efficacité de ces dernières, de les moderniser et d’accroître leur professionnalisme, dans l’intérêt des citoyens.

Dans mon pays, la Serbie, le cadre législatif a profondément évolué au cours des dernières années, en vue d’améliorer la transparence des municipalités et la participation des citoyens à la prise de décisions. En effet, la prise en compte du citoyen doit être à l’origine de toute réforme. Cela veut dire que nous devons chaque fois écouter les besoins des citoyens, y compris au niveau parlementaire.

La Serbie a adopté, entre autres, des lois sur la décentralisation et sur l’Académie nationale, dont le but est d’assurer la formation systématique des représentants des municipalités. La lutte contre la corruption au niveau local joue un rôle très important. Il en va de même pour la numérisation. Ce sont autant de conditions préalables à l’efficacité de la décentralisation.

Mme MUÑOZ (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais commencer par saluer tous mes collègues parlementaires: c’est la première fois que je participe aux travaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. J’ai l’honneur de le faire non seulement en tant que déléguée espagnole, mais aussi au nom de mon groupe parlementaire.

Vous le savez, l’action des responsables politiques doit toujours se fonder sur l’intérêt et les droits de la personne humaine. Je voudrais, à cet égard, féliciter le rapporteur pour son rapport, même s’il contient un certain nombre d’éléments contestables quant à la situation en Espagne – je ne m’y étendrai pas. Les citoyens ont le droit de vivre où ils le souhaitent, que ce soit dans une grande ville ou dans un village. Ils ont le droit aux mêmes services où qu’ils habitent. Or la décentralisation rapproche les services de base – santé, éducation, transports – des citoyens. Vous le savez, mon pays, l’Espagne, est un des pays les plus décentralisés au monde, comme le dit le rapport. Forts de nombreuses années d’expérience en la matière, nous pouvons partager avec vous quelques réflexions.

Il est fondamental de prévoir des mécanismes de contrôle, pour éviter que la décentralisation n’aboutisse à des divisions, des privilèges ou des affrontements avec les citoyens. Vous le savez, l’Espagne a récemment subi une tentative de rupture de l’intérieur, précisément à cause d’une décentralisation mal comprise. Heureusement, notre Constitution prévoit des mécanismes de contrôle garantissant que la souveraineté nationale appartient au peuple et non aux différents territoires. En outre, dans notre pays, la séparation des pouvoirs est importante, ce qui permet de protéger les droits des citoyens.

Les 40 années de décentralisation que nous avons connues dans mon pays sont une réussite, aux quelques réserves près exprimées par la délégation espagnole. Je prendrai l’exemple de ma région, la Castille et Léon – l’une des plus grandes régions d’Europe en termes de superficie, avec 2 millions d’habitants très dispersés, puisqu’on y trouve de toutes petites municipalités comptant quelques centaines d’habitants seulement. Pour mon territoire, la décentralisation a nécessité une attention redoublée aux services. En matière d’éducation, notre région a obtenu un des meilleurs scores du rapport du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, dit «Pisa». De même, les services de santé ont été développés. Tout cela n’aurait jamais été possible, dans ma communauté autonome, sans la décentralisation.

Pour conclure, lorsque la décentralisation se fixe comme objectif d’améliorer la vie des personnes et non pas la création d’identités, d’affrontements ou de privilèges, lorsqu’elle permet à la société d’avancer, elle très positive. Elle permet une amélioration réelle et tangible de la vie des citoyens. Par conséquent, je vous encourage à voter pour la décentralisation dans vos pays; cela me semble très important pour améliorer la vie des citoyens.

M. SCHÄFER (Allemagne), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Madame la Présidente, cher Monsieur Leite Ramos, chère Madame Mosler-Törnström, ce rapport est très important. C’est la raison pour laquelle il faut savoir dans quel contexte il se situe.

Il faut le souligner: du fait de la mondialisation, les gens vivent de plus en plus dans des systèmes centralisés. Parallèlement, ils ont envie de patrie, d’un lieu où ils se sentent protégés. Ne l’oublions pas: si la centralisation gouvernementale n’a rien d’antidémocratique, en revanche, tous les pays non démocratiques sont centralisés. Tel est le contexte dans lequel il convient d’analyser ce rapport. C’est d’ailleurs un point de vue partagé par l’ensemble de mon groupe politique.

S’agissant du renforcement des pouvoirs des régions et des municipalités, il est clair que notre responsabilité de parlementaires implique que nous nous engagions, à l’échelon européen, en faveur de bonnes conditions de vie pour les personnes que nous représentons. Il convient de voir dans quelle mesure cela va de pair avec une autonomie locale. Cela signifie tout simplement qu’au niveau local et régional, les problèmes doivent être réglés sur la base des besoins existants, des ressources disponibles, des solutions envisagées à cette échelle. Or, quand on observe ce qui se passe à l’échelle régionale dans de nombreux pays, on s’aperçoit que l’autonomie n’est souvent pas suffisante, que les finances restent la compétence du gouvernement central. Dans ces conditions, à l’échelle locale, on ne peut apporter que des corrections limitées.

J’appellerai votre attention sur un aspect particulier. Beaucoup d’entre nous détiennent des mandats locaux. Or, lorsqu’on avance en politique, il ne faut jamais oublier d’où l’on vient. Il ne faut jamais oublier les difficultés rencontrées à l’échelle locale. Dans notre travail quotidien, nous devons toujours veiller à assurer une connexion entre ces différentes préoccupations. Les pouvoirs locaux et régionaux doivent pouvoir mieux s’exprimer. Les pouvoirs locaux ne sont pas la cave de la démocratie: ils en sont les fondements. L’Union européenne et le Conseil de l’Europe sont des piliers, mais au même titre que le niveau local ou régional.

S’agissant de l’Europe, il convient de parler de nos acquis. L’an prochain se tiendront les élections européennes. Tous les citoyens européens ont le droit de participer à ce scrutin au niveau local, mais tous les pays ne les autorisent pas à participer aux élections locales. Or c’est très important pour que les gens se sentent impliqués et aient le sentiment de maîtriser leur destin.

M. SOLEIM (Norvège)* – Ce sujet est très important et il suscite de nombreux débats dans beaucoup de pays. Pour moi, la décentralisation de la prise de décision ne peut avoir lieu que dans l’intérêt des populations.

Si ce transfert de compétences détériore la qualité des services, il ne faut pas décentraliser. Il faut tenir compte du fait que les pouvoirs locaux ont souvent un budget réduit. Si la responsabilité est transférée du pouvoir central au pouvoir local, le pouvoir central doit respecter les décisions qui sont prises au niveau local pour que ces services soient assurés.

Plus les services seront fournis au niveau local, mieux ce sera. En effet, lorsque les électeurs ne sont pas satisfaits, par exemple en ce qui concerne les structures d’accueil des personnes âgées, il leur est beaucoup plus aisé d’entrer en contact avec les responsables politiques locaux plutôt qu’avec les responsables nationaux.

En Norvège, la Constitution confère aux citoyens le droit de prendre des décisions sur toute une série de sujets au niveau local. Nous lançons actuellement une grande réforme afin de transférer des responsabilités du niveau national au niveau régional. Ainsi, un certain nombre d’institutions sont implantées dans les capitales des régions. Nous avons également décidé que toute nouvelle institution devait être localisée hors de la capitale, ce qui permet de développer des emplois dans les zones rurales.

Certes, la décentralisation est importante, mais le parlement doit avant tout veiller à ce que la structure choisie soit accessible aux citoyens, où qu’ils se trouvent. Les gens doivent se sentir écoutés au niveau local. En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que ce soit effectivement le cas. Je remercie M. Leite Ramos pour ce bon rapport.

M. GOLUB (Ukraine) – Je remercie à mon tour le rapporteur pour son excellent travail.

Le XXIe siècle a confirmé la nécessité de changer notre stratégie en matière de gestion. Ce changement concerne d’abord l’administration. En effet, je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’Union soviétique a laissé en héritage aux nouveaux États indépendants un système administratif de gestion par commandement basé une conception verticale et rigide du pouvoir. Ce système enrayait le progrès des pays d’Europe centrale et orientale vers la démocratie, l’économie de marché, les initiatives émanant de la société civile et la liberté.

La Révolution de la dignité a posé à l’Ukraine une série de problèmes et un besoin impérieux de réformer le système de gestion publique s’est exprimé. En 2014, l’Ukraine a commencé à mettre en œuvre une réforme visant à décentraliser. Le 1er avril 2014, le gouvernement a défini les orientations de la réforme des collectivités locales et de l’organisation territoriale du pouvoir. Le parlement a ensuite approuvé la loi sur la coopération des collectivités territoriales et, en 2015, la loi sur la fusion volontaire des collectivités territoriales, sur laquelle repose la mise en œuvre de la décentralisation. Quatre ans après le début de la réforme, on peut affirmer avec assurance que c’est la réforme la plus réussie qui ait eu lieu en Ukraine ces dernières années et qu’elle a obtenu des résultats réels.

Je voudrais aussi parler des conséquences de cette politique de décentralisation pour les Ukrainiens. La délégation de pouvoirs aux collectivités territoriales par les autorités centrales a donné un élan à la conception et au développement d’une série de projets, mais l’essentiel est que cette réforme redonne aux gens leur dignité et leur confère la responsabilité de leurs actes. Il est de plus en plus rare que les Ukrainiens fassent profil bas devant des autorités centrales, qu’ils attendent une assistance de leur part ou de la part des autorités de leur région. Les Ukrainiens apprennent à assumer leurs responsabilités, à prendre des risques, à construire, à s’instruire et à créer des biens dont ils jouiront eux-mêmes et dont jouiront leurs enfants.

En outre, la décentralisation a donné un puissant élan à la constitution de la société civile en Ukraine. Aujourd’hui, en effet, presque toutes les décisions sont prises après consultation avec les collectivités et élaborées à travers des contacts et des discussions animées par la recherche d’un compromis.

La décentralisation mise en œuvre par l’Ukraine est une expérience intéressante et un exemple pour les autres pays de la région. Elle montre d’une manière évidente que ma patrie s’éloigne d’un passé antidémocratique et corrompu, pour avancer vers un futur fondé sur la légalité, les libertés et le respect mutuel. Cette réforme permet à des millions d’Ukrainiens d’accéder à des décisions responsables et transparentes et aux valeurs européennes et elle accroît le désir de mieux vivre et de forger notre propre destin.

Bien sûr, on ne peut pas dire que toutes les réformes engagées en Ukraine donneront rapidement des résultats. Tout ne peut pas être fait en même temps. Cependant, l’exemple de la décentralisation montre d’une manière évidente que mon pays s’est engagé dans une voie juste, qu’il a rompu avec son passé autocratique et avec le patrimoine soviétique et qu’il se rapproche de l’Europe, où les droits et les libertés valent plus que la force, la fraude et la perfidie dont ceux qui n’ont jamais respecté les principes fondamentaux de la démocratie ont pris l’habitude.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je tiens d’abord à remercier le rapporteur ainsi que la Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Mme Mosler-Törnström, pour avoir montré que la décentralisation est l’un des points forts de la démocratie. En effet, la décentralisation repose sur la coopération – une attitude positive qui n’est pas assez souvent mise en œuvre par nos différentes institutions.

La décentralisation est un axe politique fondamental, car ce sont les institutions les plus proches des citoyens qui doivent s’occuper de leurs problèmes. En effet, à l’évidence, le pouvoir local est le plus à même de prendre en charge des problèmes concrets tels que les crèches ou l’éducation.

Favoriser la participation des citoyens eux-mêmes est indispensable, car il faut que les institutions connaissent leurs problèmes. Tenir des élections tous les quatre ans ne suffit pas pour atteindre cet objectif. Les responsables politiques ne peuvent pas se soustraire à cette mission et ils ne doivent pas avoir peur de poser des questions à leurs concitoyens, sinon ils s’éloigneront de leurs électeurs jusqu’à devenir indifférents à leurs besoins. Ils ne pourront plus alors remplir la mission pour laquelle ils ont été élus.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le processus de mondialisation renforce les pouvoirs locaux, car ceux-ci ont reçu comme mandat des citoyens de leur fournir les services dont ils ont besoin. Encore faut-il respecter ces impératifs: la loyauté mutuelle s’impose entre toutes les institutions; c’est donc la loi qui doit être au fondement de tout travail accompli dans le cadre d’un processus de décentralisation, mais la loi doit être respectée par toutes les parties.

Il se trouve que 24 % des orateurs dans ce débat sont espagnols. Pourquoi? Parce qu’en Espagne, deuxième pays le plus décentralisé au monde, nous avons des divergences et des problèmes liés à la question de la décentralisation. Voilà pourquoi il faut respecter les lois, établir très clairement les compétences, et assurer l’autonomie financière. Autres éléments fondamentaux: le système judiciaire et la Cour constitutionnelle. Le système judiciaire doit être unifié pour assurer l’équilibre entre les différentes institutions afin de garantir le respect de la loi et la loyauté dont j’ai parlé.

Merci beaucoup de ce rapport. Nous rapprocher des citoyens en approfondissant la décentralisation nous permettra de renforcer la démocratie et le bien-être de nos concitoyens.

Sir Roger Gale, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, merci de veiller à respecter votre temps de parole. Faute de quoi je devrais être presque aussi ferme que Mme la Présidente.

M. Özsoy, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Monsieur le rapporteur, je vous félicite de ce rapport qui témoigne de votre carrière universitaire et professionnelle, mais aussi de vos activités politiques au Portugal, un pays qui a lui aussi ouvert le débat sur la décentralisation, surtout grâce à votre parti politique et à vous-même.

On a beaucoup parlé de ce qui ne fonctionnait pas en Europe après la Première Guerre mondiale, puis après la Seconde. Après la Seconde Guerre mondiale, les pères fondateurs de l’Europe ont instauré le principe de subsidiarité et, les gouvernements constructifs ayant tiré les enseignements de la République de Weimar, ce principe et celui de la décentralisation se sont développés de différentes manières dans plusieurs pays.

La décentralisation présente évidemment de grands avantages s’agissant des services publics, en particulier sociaux et de santé: la proximité, mais aussi la responsabilité, car les autorités régionales doivent rendre des comptes aux citoyens en matière de qualité des services. Il existe en outre des systèmes concurrentiels de gestion de la santé ou d’autres services: les États peuvent décider que tel modèle de gestion est préférable à tel autre. Cette mise en concurrence est certainement favorisée par la décentralisation.

Je fais partie des 24 % d’orateurs espagnols évoqués par M. Bildarratz. À ce titre, j’aimerais m’attarder sur le paragraphe 50 du rapport. Il évoque une situation factuelle qui est aujourd’hui en débat en Espagne. Or il est peut-être prématuré de faire état ici du débat qui a lieu au Parlement espagnol. En revanche, je suis tout à fait d’accord pour dire que la légitimité démocratique doit s’accorder avec la légitimité juridique. Lorsqu’une volonté politique s’exprime dans les urnes, elle doit pouvoir déboucher sur une solution démocratique. Cela vaut pour l’Écosse comme pour l’accord entre les parties au Canada, par exemple.

L’Europe, ce ne sont pas seulement 47 États membres: c’est beaucoup plus complexe. Il existe des États plurinationaux, dont nous avons différents exemples ici même. J’apprécie beaucoup qu’un représentant du Portugal ait ouvert ce débat dans notre Assemblée, et je lui renouvelle mes remerciements.

LE PRÉSIDENT* – Il semble que le nom de M. Murray ait été supprimé par erreur de la liste des orateurs. Je vous donnerai donc la parole ensuite, Monsieur Murray.

M. SIMMS (Canada, observateur)* – Je vous remercie de m’avoir invité à prendre part à cet important débat. Je félicite le rapporteur de son formidable rapport et Mme Mosler-Törnström, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, de son travail fantastique.

Quand nous autres voyageons en Europe, nous entendons toujours parler de tensions et on me dit souvent que c’est dû au poids de l’histoire. Chez nous, le problème, c’est la géographie! Mon pays est le deuxième le plus vaste au monde; son histoire n’est pas longue, mais ses habitants sont répartis sur un très vaste territoire.

En 1867, le Canada a été officiellement créé comme un pays décentralisé. Le processus s’est donc déroulé, si je puis dire, en sens inverse. Quatre régions distinctes se sont réunies pour former le pays. Par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, nous avons délimité très précisément les pouvoirs de chacun. Par la suite, les provinces ont gagné en compétences.

Comment la décentralisation fonctionne-t-elle? Créer localement un parlement, un gouvernement, une administration, c’est très bien; encore faut-il leur transférer des pouvoirs essentiels et leur assurer des ressources autonomes. Chez moi, en Terre-Neuve-et-Labrador, on dit que toute ressource, qu’elle vienne de la forêt, de la pêche, de l’exploitation du pétrole ou de celle du gaz, doit principalement bénéficier à celui qui en est le plus proche. C’est essentiel, et il appartient au gouvernement d’y veiller.

Ainsi, l’Alberta, province de l’Ouest du Canada, tire un bénéfice considérable de ses ressources pétrolières, car le pétrole est à terre, alors que Terre-Neuve-et-Labrador a aussi du pétrole, mais offshore. Ce problème relève de la responsabilité fédérale.

Pendant des années, nous nous sommes battus pour qu’en tant qu’habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, nous puissions profiter principalement de ces ressources. Dans les années 1980, nous avons remporté la bataille. C’est pour moi un succès de la décentralisation et un modèle à suivre.

Je félicite mon collègue espagnol. Votre système décentralisé est fantastique. Prenez garde toutefois au risque du fédéralisme asymétrique. Assurez-vous que votre région ne parte pas dans toutes les directions. Au Canada, la santé est une prérogative du gouvernement provincial. Une loi fédérale sur la santé donne certes toute autonomie aux provinces, mais elle impose le respect des grands principes que sont l’universalité et l’accès de tous à la santé.

Monsieur Muñoz, quand vous évoquez la globalisation, vous l’associez à tort à une moindre décentralisation. Au contraire, la globalisation et la technologie permettront aux collectivités les plus petites et les plus éloignées de devenir de véritables acteurs à l’échelle mondiale.

M. MURRAY (Royaume-Uni)* – Permettez-moi d’abord de féliciter le rapporteur pour son excellent rapport qui illustre bien des questions dont nous débattons régulièrement au Royaume-Uni. La subsidiarité, comme l’a dit M. Golub, est une grande tradition européenne. De nos jours, les citoyens se sentent très éloignés de leurs responsables et de leurs structures politiques, et sont très méfiants à leur égard. Cela suscite un radicalisme de gauche et de droite un peu partout en Europe.

Une partie du problème vient selon moi de la responsabilité que nous avons tous, lorsque nous accédons au pouvoir, de restituer ce pouvoir par le biais de la décentralisation. Au paragraphe 62 du rapport, il est dit: «Je suis convaincu que la réussite de la décentralisation dépend dans une large mesure de ses modalités de mise en œuvre». Je partage cette idée et j’en veux pour preuve ces deux exemples.

Le premier exemple est la façon dont le Royaume-Uni a mis en œuvre sa politique de décentralisation en 1977. Le gouvernement travailliste de l’époque s’était engagé à rendre le pouvoir aux pays du Royaume-Uni, l’Angleterre, l’Irlande du Nord, l’Écosse et le Pays de Galles. Ce fut une grande réussite. Les transferts de législation subséquents ont fait du Parlement écossais l’un des plus puissants au monde, un peu moins peut-être que les cantons suisses ou les provinces canadiennes, mais à peine.

Cependant, les décisions qui ont été prises ensuite par le Gouvernement et par le Parlement écossais ont consisté à retirer du pouvoir aux autorités locales. Au fond, ces autorités locales sont devenues le bras administratif du Gouvernement écossais. Elles se sont vues privées de toute possibilité de lever l’impôt, et de toute capacité à mettre en œuvre leurs propres politiques en matière d’éducation, en matière sociale ou de santé. Une décentralisation mal conduite nuit beaucoup à la décentralisation. Le Gouvernement écossais est très doué pour parler des pouvoirs qu’il n’a pas et pour mettre au point un programme fondé sur ces pouvoirs, mais il est moins doué lorsqu’il s’agit d’appliquer les pouvoirs dont il dispose.

Le deuxième exemple est celui du conseil municipal d’Édimbourg, qui a transféré beaucoup de responsabilités à certains quartiers, mais sans leur allouer les ressources financières correspondantes. En conséquence, les autorités locales n’ont pu prendre que des décisions mineures et le grand public, qui a pu participer à ces décisions, s’est rapidement rendu compte qu’il n’avait que très peu de pouvoirs. Lorsque la décentralisation se fait, elle doit se faire dans de bonnes conditions, faute de quoi elle risque d’être atteinte dans son essence même.

Je me félicite de ce rapport. La décentralisation peut connaître des retours en arrière. En temps de crise, les gouvernements ont parfois tendance à vouloir «recentraliser» et ce rapport décrit très bien cette problématique. Nous avons pour responsabilité, certes d’accéder au pouvoir sur mandat des citoyens, mais aussi de leur rendre immédiatement ce pouvoir.

M. LOPUSHANSKYI (Ukraine)* – Je tiens à remercier le rapporteur pour cet excellent travail. Vu les aspirations européennes claires de l’Ukraine et afin de garantir un développement durable à l’échelle régionale, il convient de mettre en place un système efficace de gouvernement local.

Dans la mise en œuvre des réformes, nous manquons de personnels compétents au niveau local, en particulier dans les conseils municipaux. Le système d’autonomie locale et son bon fonctionnement dépendent de la façon dont les perspectives de développement sont prises en compte. Or, pour ce faire, il est indispensable de disposer d’un personnel compétent. Les mauvaises décisions ont un impact négatif sur l’ensemble de la société. Elles mènent à une situation dans laquelle la population perd confiance dans les autorités. Vu les événements historiques et l’entrée en vigueur de l’Accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, le succès du processus de décentralisation est éminemment important. Il dépend notamment de la formation du personnel à l’échelle locale et régionale.

En la matière, l’Ukraine a entrepris des efforts pour se rapprocher des normes européennes. Afin de rendre plus efficace la formation de nos fonctionnaires locaux et régionaux, nous proposons de mettre en place un collège dédié sur le modèle de ce qui existe en Europe. Le choix des institutions de formation est crucial. Dans ce domaine, le Collège d’Europe fait figure de référence, et c’est pourquoi nous avons décidé de nous en inspirer.

Mme ŞUPAC (République de Moldova)* – Permettez-moi tout d’abord de féliciter la Présidence croate du Comité des Ministres d’avoir enfin intégré, parmi les priorités de l’Organisation, la question de la décentralisation. J’adresse également mes félicitations au rapporteur pour son excellent travail.

La République de Moldova n’a toujours pas concrétisé ses belles paroles au sujet de la démocratie locale. La stratégie de décentralisation adoptée en 2012 aurait dû être totalement mise en œuvre en 2015. Or ce délai a été prolongé une première fois de deux ans, puis à nouveau de trois ans, pour atteindre finalement un horizon de mise en œuvre définitive en 2020. La dernière fois que le parlement a examiné les questions liées à la décentralisation, c’était lorsque la commission compétente était dirigée par un représentant de l’opposition. À chaque fois que la question est posée au parlement, l’idée est rejetée par la majorité. À ce jour, nous ne savons pas dans quelle mesure la stratégie de décentralisation a été mise en œuvre en République de Moldova.

Le régime totalitaire installé en République de Moldova harcèle les représentants des pouvoirs locaux et exerce une pression cruelle sur eux. Des dizaines d’affaires portées devant les tribunaux administratifs, ainsi qu’au pénal, visent des maires. Toutes les promesses visant à clore ces affaires sont toujours enterrées par le parti au pouvoir. Plus de 600 maires, sur un total de 898, font l’objet de procédures judiciaires. Aujourd’hui, plus de 600 maires sont membres du Parti démocrate; aux dernières élections, ils étaient 287; est-ce une coïncidence?

Les affaires sont initiées par les autorités elles-mêmes. Elles traînent pendant des années, ce qui permet de maintenir les maires dans une position de dépendance. Pendant ce temps, de nouvelles législations sont adoptées, imposant toujours plus de responsabilités au niveau local, sans doter les pouvoirs locaux de moyens efficaces pour remplir toutes leurs fonctions. Cela va jusqu’à l’absurde: les maires sont responsables des orphelins ou de l’attribution des places dans les cimetières.

Aujourd’hui, à moins d’un an des élections municipales, beaucoup de maires, eu égard aux conditions d’exercice actuelles de leur mandat, expliquent qu’ils ne se représenteront pas. À Chișinău, le résultat des élections a été annulé, démontrant que les autorités moldaves ne connaissent aucune limite. Les conseils municipaux qui luttent contre le système sont obligés d’avoir recours à des moyens tels que la grève de la faim. C’est précisément ce qui s’est passé au début de l’année 2018 à Bălți, qui est la deuxième ville du pays.

Il est évident que nous appuyons le projet de résolution. Cependant, étant donné la situation actuelle en République de Moldova, il est naïf de parler de développement de la démocratie locale dans notre pays.

M. HOWELL (Royaume-Uni)* – Le thème de la décentralisation me tient à cœur. On constate toujours une tension entre le besoin du gouvernement central de contrôler et les besoins des autorités locales de se voir attribuer des pouvoirs. La décentralisation est essentielle, surtout pour les pays où les autorités locales sont bien développées. Nous pouvons faire le meilleur usage des autorités locales en leur transférant des compétences, pour que le pouvoir central ne conserve que les pouvoirs les plus importants. L’aspect du financement est ici essentiel: il faut trouver les façons d’établir une véritable indépendance et un véritable contrôle des sources de financement des autorités locales, afin qu’elles en disposent au mieux.

L’autonomie locale consiste en un transfert de compétences dont la liste est établie par le gouvernement central. Lorsque nous nous sommes réunis à Lisbonne pour préparer ce rapport, j’ai moi-même parlé de la question de l’aménagement urbain. La décentralisation nous a semblé parfaitement adaptée à ce thème, et j’ai posé la question de savoir comment nous montrer plus efficaces, ce qui a donné lieu à la question suivante: en donnant aux autorités locales et aux populations engagées dans ce processus le pouvoir et la compétence d’aborder ce thème de façon professionnelle, comment faut-il procéder? Nous avons un système, au Royaume-Uni, de double transfert. La responsabilité de l’aménagement urbain est transférée à des collectivités individuelles et partagée avec les autorités locales. Cependant, il existe toujours des tensions avec le gouvernement central quand il s’agit de grands projets.

J’ai pu constater que, lorsque les choses ne se déroulent pas comme les collectivités le souhaitent, plutôt que de s’engager dans ce processus, elles soulèvent la question auprès d’une autorité supérieure, et refusent d’accepter que nous ne sommes pas tout en haut d’un grand arbre des responsabilités, pour dire aux autorités locales ce qu’elles peuvent faire ou non.

Tous ces exemples sont des exemples pratiques du fonctionnement éventuel de la décentralisation, mais aussi des difficultés qui se présentent. Ce rapport nous est utile à tous, et nous montre comment nous devons rapprocher la prise de décision des populations locales. Je pense réellement que c’est la voie à suivre.

Lord FOULKES (Royaume-Uni)* – Je prends la parole avec grand plaisir à la suite de mon collègue britannique, car nous sommes plus en accord que nous ne voudrions l’admettre, malgré nos appartenances politiques respectives. Je ne suis cependant pas d’accord sur la question budgétaire. N’oublions pas que les pouvoirs locaux fournissent des services essentiels dans l’éducation, le logement, le soin aux personnes âgées, services essentiels qui sont réduits considérablement par les conservateurs au Royaume-Uni, en Angleterre comme en Écosse.

J’ai eu le privilège de siéger dans un grand nombre d’assemblées britanniques. J’ai constaté ce qui se passe au Royaume-Uni, et particulièrement en Écosse. J’ai beaucoup soutenu le transfert des compétences et la décentralisation. Toutefois, comme l’a dit M. Leite Ramos, nous avons connu des échecs et des difficultés, y compris au Royaume-Uni. Le transfert des compétences est différent de l’indépendance. Les partis séparatistes, en Écosse et ailleurs, exploitent le transfert des compétences pour tenter d’obtenir l’indépendance. Le transfert des compétences implique que l’on reste partie intégrante d’un pays. En Écosse, le pays est tellement préoccupé par toute la campagne en faveur de l’indépendance que les responsables politiques oublient ce qu’ils doivent faire au quotidien, c’est-à-dire fournir un service efficace aux populations, notamment aux personnes âgées et aux jeunes.

L’autre problème que nous rencontrons, mentionné dans le rapport et par M. Xuclà, est l’asymétrie d’un système quasi fédéral. Au Royaume-Uni, nous avons donné des pouvoirs à l’Écosse, au Pays de Galles, à l’Irlande du Nord, mais nous constatons un déficit démocratique, car il n’existe pas de véritable transfert des compétences pour les territoires anglais. Des mesures ad hoc, pour Londres ou d’autres villes, ont été prises, mais elles ne sont pas satisfaisantes, car elles ne sont ni cohérentes ni compréhensibles, et elles sont incomplètes. En Écosse, il existe une Convention constitutionnelle, qui constitue un modèle. Il faudrait une Convention constitutionnelle pour l’ensemble du Royaume-Uni, qui décrirait une structure fédérale. En Écosse, c’est le parti travailliste qui avait élaboré ce modèle, avec l’opposition, les Verts et la société civile. C’est nous qui avons élaboré ce modèle! Je disais à M. Corbin, le dirigeant du Parti travailliste, que nous pourrions faire la même chose. Si les conservateurs n’y sont pas prêts, les travaillistes devraient le faire. Nous pourrions ainsi voir émerger un système pleinement fédéral. C’est ainsi que nous pourrions assurer la sécurité et la stabilité du Royaume-Uni.

M. REISS (France) – Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail sur un thème qui a un impact particulièrement important pour nos citoyens et leurs droits: le succès ou l’échec des processus de décentralisation.

En Europe, de nombreuses réformes territoriales ont eu lieu, souvent sous le prétexte de mieux prendre en compte les conséquences de la crise grâce à des économies d’échelle et à de prétendues simplifications administratives.

Dans les faits cependant, nous constatons que ce processus aboutit progressivement à ce que nous appelons en France du jacobinisme, c’est-à-dire une recentralisation financière et administrative, un affaiblissement de la proximité avec le citoyen.

En France, les réformes les plus récentes ont conduit, d’une part, à une métropolisation accrue et, d’autre part, à une fusion des régions qui est loin de répondre aux souhaits des citoyens comme des élus.

La métropolisation conduit à un recentrage sur le fait urbain alors que la décentralisation avait permis de redonner sa place au monde rural et aux petites villes, au «désert français». Présentée comme un atout pour l’économie et la société, la métropole est polycentrique, segmentée entre différents quartiers qui s’ignorent et des communautés sociales tentées par l’entre–soi.

La fusion des régions, quant à elle, s’est faite dans la douleur et le mécontentement. La région historique à laquelle pouvait s’identifier le citoyen a été remplacée par une méga-région impersonnelle et ne répondant ni aux économies d’échelle – les administrations étant souvent dupliquées plus que fusionnées –, ni à l’efficacité qui était celle des régions, clés de voute de l’économie locale.

À ce phénomène s’est ajoutée partout en Europe une forte baisse des dotations allouées aux collectivités locales, qui doivent souvent faire plus avec moins, la crise entraînant de fait des besoins sociaux plus importants. L’État central a attribué des compétences nouvelles aux collectivités sans leur allouer les financements correspondants.

L’attachement du citoyen à son espace géographique est le cœur du succès du processus de décentralisation.

Ainsi, la recentralisation française, accentuée depuis les années 2010, risque de se traduire par un moindre engagement des citoyens dans la vie locale, mais surtout par une augmentation des taux d’abstention aux élections. Dans certaines régions, en France comme en Europe, des velléités d’autonomie, parfois même d’indépendance, se font jour.

Lors de la mise en place du premier acte de la décentralisation dans les années 1980, l’idée de rendre l’administration locale plus efficace, plus proche des décideurs, de montrer que l’économie d’un pays ne dépend pas que de l’économie nationale mais également des dynamiques locales, était la conséquence d’un choix: celui d’une «unité nationale librement choisie, préférée à une uniformité administrative imposée».

Dans ce cadre, qui me semble aujourd’hui encore d’actualité, les parlementaires doivent prendre toutes leurs responsabilités car ils sont élus sur un territoire. En renouant avec nos citoyens, en imposant le respect des principes de l’autonomie locale, nous redonnerons confiance en la démocratie et en la politique.

Alors que nous connaissons une montée des populismes et des communautarismes, je reste persuadé qu’un succès de la décentralisation peut être une des clés pour faire gagner les valeurs chères au Conseil de l’Europe.

M. KITEV («L’ex-République yougoslave de Macédoine»)* – Je félicite le rapporteur pour son excellent travail. La décentralisation est présentée comme un concept d’organisation et une méthode de gestion gouvernementale.

C’est aussi un processus dont le déroulement est influencé dans chaque pays par les traditions juridiques, la structure institutionnelle du gouvernement, le système fiscal, les ressources humaines et financières disponibles, et le niveau de développement. Aussi, à l’avenir, dans le cadre du débat sur la décentralisation, devrions-nous distinguer davantage le processus de court terme et le processus de long terme.

Je voudrais traiter à la fois des grands thèmes de la décentralisation et des facteurs qui l’influencent.

La décentralisation, l’autonomie locale et les formes de démocratie directe, peuvent apparaître comme des remèdes dans un contexte de crise de la démocratie représentative. Les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale, démontrant ainsi que la démocratie locale est devenue une valeur européenne partagée.

Aujourd’hui, les autorités locales européennes sont confrontées à un populisme et à un nationalisme croissants. Cela représente un nouveau défi pour des structures politiques démocratiques fondées sur la séparation des pouvoirs.

La déconcentration, la décentralisation administrative et fiscale, pourraient aider à consolider la démocratie. Une démocratie locale et régionale forte consolide la confiance des citoyens dans la démocratie.

Dans mon pays, la République de Macédoine, le Parlement et l’Association des collectivités locales jouent un grand rôle dans ces domaines: ils promeuvent le débat public, adoptent des législations pertinentes et contrôlent les politiques et les dépenses publiques. Ce rôle doit être consolidé.

La célébration du 30e anniversaire de la Charte européenne de l’autonomie locale constitue une bonne occasion de dresser un bilan comparatif des expériences européennes et de confirmer que le processus de décentralisation est probablement la méthode la plus efficace d’organisation des sociétés démocratiques fondées sur l’économie de marché.

M. ROCA (Espagne)* – Merci, Monsieur Leite Ramos, pour votre rapport. Je suis catalan, membre de la délégation espagnole. J’ai été élu municipal, élu régional, et je siège actuellement au Parlement national. J’ai donc travaillé à tous les échelons de l’État.

Je peux affirmer que l’Espagne est l’une des démocraties les plus décentralisées du monde. La décentralisation a été un réel succès en Espagne. Ce n’est pas un hasard si les Espagnols représentent un quart des orateurs cet après-midi. Nous sommes à même de partager notre expérience!

Premier enseignement: le fait que les dépenses et les recettes ne relèvent pas du même niveau institutionnel peut générer des problèmes. Il convient d’opérer une répartition claire des compétences financières afin d’éviter d’avoir à saisir la Cour constitutionnelle pour trancher des conflits.

Second point: la décentralisation peut créer des conflits de loyauté, par exemple quand un État régional, dans notre cas la Catalogne, se rebelle contre l’État central en ayant recours au mensonge et à la violence.

Les mouvements populistes ont cherché à faire porter la responsabilité des difficultés sur l’Union européenne. La réalité est venue les contredire. En octobre dernier, en Catalogne, nous avons connu des problèmes inquiétants. Exciter les pires instincts de la population mène inévitablement à la frustration. Le Parlement catalan est fermé depuis quatre mois. Les nationalistes ont essayé d’y entrer par la force. Certains parlent d’une Espagne pluraliste, mais ne veulent pas de pluralisme en Catalogne. Ils n’acceptent pas que d’autres puissent exister.

Ce rapport porte sur le rôle des parlements nationaux dans la décentralisation. Le Gouvernement espagnol a demandé aux nationalistes catalans de discuter, mais ces derniers en ont décidé autrement. Ils n’ont donc pas respecté les décisions du Parlement national ni du Parlement régional, pas plus que l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle. Lorsque vous essayez de rejeter la faute sur d’autres, c’est que vous ne faites pas ce que vous avez à faire. Les mouvements nationalistes catalans devraient accepter le dialogue avec le Parlement national. Ils ne le veulent pas parce qu’ils ont fermé la porte au dialogue, fermé la porte à la politique. Ils ont violé la Constitution espagnole et ont effectivement porté atteinte au statut d’autonomie.

M. BÜCHEL (Suisse)* – Je constate, après M. Roca, le nombre important de collègues espagnols s’étant inscrits dans ce débat, ce qui est compréhensible étant donné les discussions menées actuellement dans ce pays en matière de décentralisation.

Monsieur Leite Ramos, je vous félicite pour cet excellent rapport, car il importait que nous évoquions ce sujet. Si nous voulons véritablement aujourd’hui faire progresser la décentralisation dans nos pays, si vous voulons mieux prendre en compte les besoins locaux, alors c’est une bonne journée dans la longue histoire de notre Conseil de l’Europe car, en adoptant ce rapport, nous renforcerons aussi la confiance dans les autorités nationales. C’est important et nécessaire dans de nombreux pays.

Je viens d’un pays, la Suisse, qui a toujours été structuré de façon décentralisée, et je suis persuadé que ce qui explique le bien-être de ses citoyens, c’est que les décisions sont prises dans les municipalités, les cantons et les régions, avant d’être adoptées à l’échelle fédérale. D’ailleurs, notre collègue canadien nous a expliqué un peu la même chose pour son pays. C’est dans l’ADN de la Confédération helvétique. C’est important, parce que c’est cela la démocratie! M. Bildarratz a bien expliqué tout cela à propos de l’Espagne. Cela ne nous plaît pas, cela heurte notre ego, quand, à un certain niveau, les politiques n’ont pas leur mot à dire, mais, pour les citoyens, c’est une véritable bénédiction.

Je me réjouis que tous les membres du Conseil de l’Europe aient ratifié la Charte européenne sur l’autonomie locale. Je ne le savais pas. La Présidence croate du Comité des Ministres a fait de la décentralisation une priorité. Cela permettra de donner un nouvel élan au processus de décentralisation dans les États membres. Au cours des derniers mois, j’ai eu l’impression que les processus de décentralisation dans certains pays avait connu un certain ralentissement et que plutôt que de décentraliser, ils ont recentralisé. M. Reiss l’a évoqué à propos de la France, et la Norvège est aussi un excellent exemple de cette tendance.

Ensemble, nous devons lutter pour contrer cette évolution et ainsi nous pourrons renforcer la confiance dans nos démocraties et dans nos sociétés. L’essentiel est que nous soyons tous disposés à renoncer à des compétences et à des pouvoirs. C’est impératif si l’on veut plus de décentralisation. Si nous y sommes véritablement disposés, nos citoyens s’en porteront mieux.

Quelques mots encore sur les aspects financiers: à la lecture du projet de résolution, on peut avoir l’impression que tout cela est très coûteux. Je suis persuadé que c’est exactement l’inverse. M. Howell et Lord Foulkes ne se sont pas entendus sur tout mais, sur ce point, ils étaient d’accord entre eux, et avec moi: il faut qu’il y ait adéquation entre recettes et dépenses; cela permet un meilleur contrôle.

C’est un sujet qui nous concerne tous. Soyons francs et ouverts, et essayons de contrer les tendances à la recentralisation qui, au bout du compte, ne profiteront pas aux citoyens de nos pays.

LE PRÉSIDENT* – M. Csenger-Zalán, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. WASERMAN (France) – Chers collègues, j’aimerais commencer par féliciter le rapporteur pour ce rapport qui porte dans cet hémicycle un sujet d’actualité et un sujet d’innovation.

Un sujet d’actualité, parce que j’ai la conviction qu’aujourd’hui, dans nos démocraties, l’enjeu est de créer des circuits courts entre les citoyens et la décision publique. Nous ne sommes plus dans une époque où existerait une couche intermédiaire, si je puis dire, entre les citoyens et la décision publique, qui serait constituée par les élus. On observe une véritable désintermédiation, une ubérisation de la politique, qui fait que notre enjeu démocratique réside bien dans la création de ces circuits courts. Il existe bien des façons de créer ces circuits courts, mais il est certain que si la proximité – et donc, le transfert de la décision – au plus près du citoyen n’est probablement pas le seul modèle, elle est certainement le modèle le plus facilitateur de tels circuits.

Un sujet d’innovation également, et j’aimerais faire part d’une seconde conviction – tout au moins pour ce qui concerne mon pays: les grandes vagues de décentralisation ne sont probablement plus le modèle à privilégier. En France, nous avons souvent modifié le curseur entre une société centralisée et une société décentralisée: le jacobinisme ou le girondisme, comme l’on dit chez nous.

Aujourd’hui, la logique, me semble-t-il, doit privilégier des modèles de différenciation des territoires. Vous êtes ici en Alsace, à Strasbourg, dans la région Grand-Est qui est une région frontalière. L’apprentissage de la langue allemande, la langue du voisin, est pour nous un enjeu stratégique pour nos politiques à destination de la jeunesse, nos politiques de recherche d’emploi, nos politiques d’amitié entre les peuples en zone frontalière. Donc, à l’évidence, pour notre territoire, le transfert de la compétence de l’enseignement de la langue du voisin a une importance toute particulière, qui n’existe sans doute pas de la même façon en Bretagne ou en Occitanie. Par conséquent, je pense que cette logique de différenciation est une nouvelle innovation, une nouvelle façon, qui existe dans certains pays déjà, d’adapter la décentralisation à la réalité, à l’identité, à la spécificité du territoire. Ce faisant, on gagne en efficacité et en impact. Merci beaucoup pour ce rapport, sur l’actualité et l’innovation. Même si l’hémicycle n’est pas rempli, je sais que cette thématique tient à cœur à nombre d’entre nous. Nous devons incessamment, et de manière continue, travailler sur ce sujet.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur – Monsieur le Président, je dispose de très peu de temps, aussi mes réponses seront-elles assez télégraphiques, pour réagir à quelques-unes des remarques et des contributions de nos intervenants. Je remercie chacune et chacun d’entre eux pour leur contribution.

La diversité des points de vue, les approches parfois contradictoires et très diverses, montrent à quel point ce thème de la décentralisation est complexe, un polyèdre offrant des perspectives très différenciées. C’est un thème qui suscite des passions et des interrogations dans chaque pays; dans certains cas, sur une décentralisation qui n’a pas été mise en place, dans d’autre cas, sur des excès ou des processus mal conduits. Mais, comme le disait le dernier orateur, c’est un thème d’actualité, un thème incontournable, car il est au cœur même de nos systèmes et de nos régimes démocratiques.

N’oublions pas que ce rapport porte sur le rôle des parlements nationaux dans le processus de décentralisation. Je me permets d’insister car, souvent, nos parlements nationaux, même lorsqu’ils soutiennent le gouvernement en place, ne sont pas associés à la mise en place d’un processus de décentralisation et ne peuvent que constater in fine les éventuels problèmes, comme le manque de consistance ou de cohérence. Les parlements approuvent les budgets et les lois relatives à la décentralisation, puis se trouvent confrontés à des situations dans lesquelles les ressources financières et humaines sont insuffisantes pour répondre aux besoins des collectivités locales et ne leur permettent pas d’exercer leurs compétences et leurs responsabilités.

Lors de l’examen des différentes expériences, ce constat a été dressé dans presque tous les cas. Les parlements doivent jouer un rôle central dans le processus de décentralisation, non seulement au départ, lors de la discussion des projets de loi, mais aussi durant tout le processus de négociation et même après la mise en place, afin d’évaluer les processus, d’identifier les obstacles et de combler les éventuels vides en termes constitutionnels – comme cela arrive souvent –, le manque de transparence quant à la répartition des tâches entre les différents niveaux, ou encore l’insuffisance de moyens des collectivités locales. Je rappelle que nous statuons sur les budgets de nos États. Nous ne pouvons donc pas, dans le même temps, déplorer que les moyens confiés aux collectivités locales pour assumer leurs responsabilités soient insuffisants. Le rôle des parlements est essentiel. Je crois sincèrement qu’en tant que parlementaires, nous avons l’obligation, le devoir d’exiger qu’il soit plus actif, plus interventionniste, plus responsable. Quelle que soit la chambre dans laquelle nous sommes élus, dès lors qu’elle a des responsabilités dans ce domaine, nous avons l’obligation d’accompagner, de suivre, d’évaluer, d’exiger et de travailler dans le sens d’un approfondissement des processus de décentralisation.

Je n’ai aucun doute à ce sujet. Si nous voulons vraiment renforcer nos régimes démocratiques, si nous voulons combattre les populismes, la démagogie et les extrémismes, nous avons besoin de rapprocher les niveaux décisionnels et les élus des citoyens. Il n’existe pas d’autre façon de procéder. En tout cas, je n’en connais pas, et je ne vois pas de meilleure manière de reconquérir la confiance des citoyens que d’instaurer une gouvernance de proximité, à l’écoute des besoins des citoyens et capable d’y répondre avec efficacité.

C’est la raison pour laquelle je terminerai en affirmant que la décentralisation n’est pas une simple question technique. C’est une question politique de la plus haute importance. Elle se situe au cœur même de la défense des droits humains, de l’État de droit et de la démocratie. C’est pour cela que nous tous, élus représentants des citoyens, avons l’obligation de travailler à l’approfondissement de la décentralisation et de construire un système plus juste, plus proche des citoyens et, surtout, plus démocratique.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je souhaite avant tout remercier notre rapporteur Luis Leite Ramos, qui a aussi été notre représentant au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ces deux dernières années. Il s’est extrêmement bien acquitté de sa tâche jusqu’en juin dernier. Nous sommes maintenant saisis de son rapport. Vous avez entendu ses derniers mots. Vous sentez à quel point le contenu de ce rapport est important pour lui.

Je remercie aussi le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe pour sa collaboration. Merci Monsieur Kiefer, et merci à la Présidente Gudrun Mosler-Törnström, qui s’adressait aujourd’hui à nous pour la dernière fois. J’espère que cette bonne coopération se poursuivra à l’avenir. Le Congrès alimente nos travaux, et vice-versa. Aussi devrions-nous renforcer les liens entre nos deux organisations. Ce rapport était un moyen de le faire.

Enfin, je remercie le secrétariat de la commission qui a travaillé très dur ces six derniers mois.

Une audition a été organisée à Lisbonne, à laquelle M. Kiefer était d’ailleurs présent. Les pays diffèrent les uns des autres. En Autriche, d’où je viens, c’est la loi de 1849 sur les villages qui a donné toute liberté aux citoyens. C’est très important! J’espère que nous serons en mesure d’adopter ce rapport.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 8 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission proposait que les amendements 1, 4 et 5, qui ont été approuvés à l’unanimité par la commission, soient déclarés adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je suis saisi de l’amendement 8.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement vise à garantir de bonnes relations entre les pouvoirs locaux et les autorités centrales. Je sais que M. Leite Ramos propose un sous-amendement, que j’appuie. Je demande aux membres de l’Assemblée de bien vouloir le soutenir également.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a en effet été saisie par la commission du sous-amendement oral suivant:

«Au second alinéa de l’amendement 8, les mots: "renforcer l’efficacité des" sont remplacés par les mots: "améliorer l’accès aux" et les mots: "y compris par des mesures concrètes, en particulier l’attribution de sièges garantis" sont remplacés par les mots: "sur la base des principes d’inclusivité et de non-discrimination"».

Le second alinéa de l’amendement 8 serait donc ainsi rédigé: «améliorer l’accès aux services publics en assurant une représentation adéquate des communautés locales et des populations autochtones dans les assemblées législatives, sur la base des principes d’inclusivité et de non-discrimination.»

Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent. Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur – Ce sous-amendement vise essentiellement à clarifier l’amendement grâce à une nouvelle rédaction simplifiée.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement, ainsi sous-amendé.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur – La commission l’a adopté, à une forte majorité.

L’amendement 8, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme MUÑOZ (Espagne)* – Nous pensons qu’il est important, dans tout processus de décentralisation, de tenir compte du principe de loyauté, comme cela se fait en Allemagne. La décentralisation ne doit pas être utilisée pour ériger des murs ou accorder des privilèges, elle n’est pas une fin mais un moyen.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission du sous-amendement oral suivant: «Au second alinéa de l’amendement 6, les mots: "le principe de la loyauté institutionnelle soit un des fondements de tout processus de décentralisation, reconnu et inscrit dans la loi" sont remplacés par les mots: "les processus de décentralisation se déroulent dans le respect réciproque du cadre institutionnel et constitutionnel, en consultation avec toutes les parties concernées"».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur – Une fois encore il s’agit de clarifier la rédaction dans toutes les langues et d’en rendre les objectifs et l’esprit plus explicites.

Mme MUÑOZ (Espagne)* – Pour.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement, ainsi sous-amendé. La commission donne évidemment un avis favorable.

L’amendement 6, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

Mme MUÑOZ (Espagne)* – Nous voulons mettre en place un mécanisme de contrôle de la législation. Toutefois le rapporteur a indiqué qu’en anglais, l’expression «mécanisme de contrôle» n’est pas suffisamment claire. Je pense au principe de coercition fédérale prévu par l’article 36 de la Constitution allemande et à un article de ce type figurant dans la Constitution suisse. Il convient d’éviter qu’un vote puisse être déclaré inconstitutionnel.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable du sous-amendement oral suivant: «Au second alinéa de l’amendement 7, les mots: «stabiliser un mécanisme de contrôle» sont remplacés par les mots:»établir un mécanisme efficace de responsabilisation».»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

M. LEITE RAMOS (Portugal), rapporteur – Cette rédaction est plus claire et plus confortable pour tout le monde.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement 7, ainsi sous-amendé. La commission donne évidemment un avis favorable.

L’amendement 7, sous-amendé est adopté.

LE PRÉSIDENT* – J’ai été saisi de l’amendement 2.

M. ROCA (Espagne)* – Cette amendent vise à garantir à tous les citoyens l’égalité d’accès aux services publics, indépendamment de la région ou du pays dans lequel ils se trouvent. La décentralisation ne doit en rien être synonyme de manque d’égalité des citoyens dans l’accès aux services publics.

Mme GORROTXATEGUI (Espagne)* – Cette proposition peut paraître anodine, mais le texte d’origine fait déjà état du principe d’égalité d’accès. Or la rédaction proposée pourrait empêcher différentes politiques sur différents territoires.

M. SCHENNACH (Autriche), président de la commission* – Plus des deux tiers des membres de la commission ont voté pour.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – J’ai cru comprendre que Mme Rodriguez Hernandez souhaitait retirer l’amendement 3.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Tout à fait.

LE PRÉSIDENT* – Personne ne souhaitant le reprendre, l’amendement 2 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14623, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (57 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions).

Mme Maury Pasquier, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

2. Le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres
du Conseil de l’Europe
Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes:
donner aux femmes les moyens d’être des actrices essentielles de l’intégration
(Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint.

Nous entendrons d’abord la présentation, par Mme Sandbæk, au nom de la commission des migrations, du rapport sur «Le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe» (Doc. 14626).

Mme Heinrich présentera ensuite, au nom de la commission sur l’égalité, le rapport sur «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être des actrices essentielles de l’intégration» (Doc. 14606).

Mme Jansson présentera enfin l’avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 14630).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des oratrices et orateurs vers 19 h 25, afin de pouvoir entendre la réplique des commissions et de procéder aux votes nécessaires.

Les rapporteures disposent chacun d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’elles peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Mme SANDBÆK (Danemark), rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Permettez-moi de citer ce qu’a dit hier M. Mogens Jensen lors de notre débat sur «Vie privée et familiale: parvenir à l’égalité quelle que soit l’orientation sexuelle»: «ce rapport ne porte pas sur des questions abstraites. Derrière les mots, il y a des êtres humains de chair et d’os, des parents et des enfants.» Ne l’oublions jamais!

Le sujet de ce rapport, à savoir le regroupement familial des réfugiés et des migrants, me tient à cœur. Cela a donc été un grand plaisir pour moi de le préparer. Cependant ce travail a également constitué un défi de taille, car je voudrais que ce sujet touche au cœur chacun d’entre nous, dans cet hémicycle, mais aussi dans nos capitales, où des décisions sont prises et où des lois sont adoptées qui ont un impact majeur sur de nombreuses familles de migrants.

Je connais ce sujet depuis mon enfance, lorsque j’étais à Genève, où mon père travaillait jour et nuit pour la Croix-Rouge, après la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il aidait des réfugiés et des personnes déplacées à retrouver leur famille dans une Europe encore déchirée par la guerre la plus terrible que l’Humanité se soit jamais infligée.

Comment oublier qu’il y a aujourd’hui, en dehors de l’Europe, des pays qui sont dévastés par des guerres, par la violence et par de graves violations des droits de l’homme. Toutes les personnes que ces violences atteignent méritent notre soutien et notre sympathie. Les Européens ne peuvent en effet pas tourner le dos aux souffrances des personnes qui sont hors de l’Europe. Nous sommes tous des êtres humains; nous avons tous les mêmes droits et les mêmes besoins, comme celui de vivre ensemble et de former ainsi une famille.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme oblige nos États membres à protéger la vie familiale de chacun, y compris celle des réfugiés et des migrants. Pourtant, la plupart des États membres rendent le regroupement familial des réfugiés et des migrants si difficile que c’est comme s’ils l’interdisaient.

Vous trouverez dans mon rapport des faits et des statistiques. Je n’en citerai que quelques exemples.

La France est l’un des rares pays accueillant un grand nombre de migrants à ne pas faire de distinction entre réfugié et personne bénéficiant d’une protection subsidiaire. Si la France en est capable, pourquoi d’autres pays, comme le mien, devraient-ils craindre d’autoriser le regroupement de toutes les familles?

Depuis 2015, l’Allemagne a accordé des visas à quelque 300 000 personnes pour permettre le regroupement familial. Pourquoi les pays considéreraient-ils comme un problème d’admettre que c’est là un droit fondamental et que les familles réunies constituent en réalité une richesse pour le pays hôte?

J’en appelle à vous et à vos gouvernements pour qu’ils respectent les droits de l’homme et pour qu’ils fassent preuve de bon sens en matière de regroupement familial des réfugiés et des migrants. En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que nos législations nationales soient conformes à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et nous devons également faire preuve de bon sens.

Nous ne devons pas non plus oublier d’autres traités du Conseil de l’Europe. La Charte sociale européenne exige de nos gouvernements qu’ils respectent les droits sociaux tels que l’accès aux soins de santé et au logement. Les réfugiés qui souhaitent retrouver leur famille sont également titulaires de ces droits.

Depuis 1960, l’Accord européen relatif à l’abolition des visas pour les réfugiés leur permet de voyager sans visa vers d’autres pays signataires pendant une période de 3 mois. Si davantage d’États membres appliquaient cet accord, les réfugiés pourraient facilement maintenir des liens familiaux au-delà des frontières, au lieu d’être exposés aux passeurs et aux voies irrégulières de la migration.

Au plan international, le regroupement familial est également régi par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et par la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Il est évident que les règles juridiques ne sont bonnes que si les autorités les appliquent. Il est donc essentiel qu’en tant que responsables politiques, nous créions un environnement politique dans lequel les proches des réfugiés et des migrants ne soient pas traités avec hostilité.

Il faut en tenir compte afin de définir ce qu’est une famille qui a le droit au regroupement. Les autorités nationales devraient adopter une définition plus large que la définition traditionnelle de la famille afin de faciliter le regroupement, car la définition traditionnelle ne correspond pas forcément à toutes les façons dont les gens peuvent former une famille aujourd’hui.

Si des personnes vivaient ensemble en formant une famille avant d’être séparés par une guerre, par exemple, une autorité nationale ne peut pas légitimement faire abstraction de ces liens familiaux et exclure ces membres de la famille de la protection conférée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Je pourrai en dire bien davantage, mais le temps m’est compté. Il me semble que nous pouvons tous facilement comprendre ce que cela signifie d’être séparé de ses proches, d’un conjoint ou d’enfants qui vivent dans une zone de guerre, alors que, jour et nuit, on se ronge d’inquiétude, sans savoir ce qu’il est advenu d’eux, ni même s’ils sont morts ou vivants. Les réfugiés souffrent de traumatismes graves. Si l’on y ajoute la séparation d’avec leurs proches, leur intégration dans leur nouvelle société sera quasiment impossible. Travaillons donc ensemble afin d’empêcher ces souffrances.

Notre Assemblée est l’institution pertinente pour prendre cette initiative, car les parlements nationaux sont au cœur de ces politiques. Je vous soumets donc ce rapport assorti d’une résolution et d’une recommandation au Comité des Ministres.

Je serais reconnaissante de vous laisser guider par votre esprit mais aussi par votre cœur lorsque vous voterez dans cet hémicycle mais aussi dans vos parlements nationaux.

LA PRÉSIDENTE – Madame la rapporteure, il vous restera 6 minutes pour répondre aux orateurs.

Nous en venons au second rapport.

Mme HEINRICH (Allemagne), rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Ces derniers mois, nous avons entendu d’excellents rapports sur les violences faites aux femmes et sur les mécanismes de protection mis en place dans les États membres. Nous avons mis l’accent sur les femmes réfugiées. Le rapport que nous examinons aujourd’hui souligne la nécessité de soutenir ces femmes et d’accroître leur participation à notre société.

Jusqu’à présent, c’est sur les hommes que l’on a davantage mis l’accent lorsqu’il s’est agi de faire des efforts d’intégration, parce qu’ils étaient plus nombreux à venir et parce que leur intégration sur le marché du travail semblait plus importante. Mais si les nouveaux arrivants doivent pouvoir apporter leur contribution à la vie culturelle et à la prospérité économique de nos sociétés, il faut placer les hommes et les femmes sur un pied d’égalité.

En outre, les femmes sont un élément important du processus d’intégration en raison de leur potentiel, de leur expérience et de leur rôle au sein de la famille. La proportion de femmes parmi les migrants est passée de 35 à 40 %. Mais, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE –, les femmes participent moins aux programmes d’intégration que les hommes; en revanche, lorsqu’elles font des études, elles obtiennent de meilleurs résultats qu’eux. Elles ont aussi beaucoup plus de contacts qu’eux avec leur communauté.

De nombreuses raisons peuvent expliquer la moindre visibilité des programmes d’intégration pour les femmes: le fait qu’elles s’occupent du foyer et des enfants, le contrôle social auquel elles peuvent être soumises, les expériences horribles qu’elles ont vécues et dont elles n’ont toujours pas surmonté les conséquences. J’ai toutefois rencontré des femmes victimes de violences, en particulier sexuelles, qui n’en sont pas moins pressées d’apprendre et de travailler pour donner à leur vie une orientation positive.

Bien sûr, il y a aussi des femmes déjà qualifiées parmi les migrants qui arrivent dans mon pays: par exemple, des médecins, des infirmières, des aides-soignantes, toutes indispensables au système de santé allemand.

Les démarches d’intégration des femmes dans la société ont pris de nombreuses formes dans nos pays respectifs. Je me suis attachée à citer dans mon rapport les exemples positifs susceptibles de nous inspirer. Lors de deux missions d’information à Oslo et à Milan, j’ai découvert les différentes politiques et structures qui existent dans ce domaine, ainsi que les projets très variés qui ont été lancés. J’ai aussi observé deux autres projets à Berlin et à Nuremberg.

Je remercie particulièrement la délégation norvégienne d’avoir pris le temps de répondre à mes questions lors de ma mission à Oslo. Je remercie également mes interlocutrices et interlocuteurs italiens, au premier rang desquels notre ancienne collègue Milena Santerini. Merci à mes collègues de la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour la manière constructive dont ils ont accompagné la préparation du rapport. Enfin, aucun rapport ne serait possible sans la coopération précieuse du secrétariat de la commission.

Je l’ai dit, les approches de l’intégration des femmes diffèrent beaucoup selon les pays. En Norvège, l’intégration et la participation sont au cœur des projets: le pays investit beaucoup dans l’autonomisation des femmes, qu’elle soit financière ou passe par l’intermédiaire de structures de soutien. En Italie, on s’appuie davantage sur la consultation. Dans ce pays, on trouve proportionnellement plus de femmes dont la famille est restée dans le pays d’origine et qui travaillent à domicile. En Allemagne, la consultation et l’information des femmes sont au premier plan et l’on soutient beaucoup les mères de famille dans leur rôle d’épouse et de mère.

Parmi les différents projets décrits par le rapport, certains visent des femmes avec lesquelles il est difficile d’entrer en contact. Ainsi, Mutti-Kulti, à Vienne, permet d’aller à leur rencontre dans les aires de jeux pour enfants, sans quoi il serait impossible de nouer des relations avec elles. D’autres ont pour but d’inciter les femmes à prendre des initiatives, comme SEEMA, en Norvège, les Stadtteilmütter («mères de quartier»), en Allemagne, ou la Fondation Yasmin, aux Pays-Bas.

SEEMA est un réseau créé par une Norvégienne d’origine indienne pour aider les femmes qualifiées à trouver un emploi. Les Stadtteilmütter aident les familles dans les domaines éducatif et social et dans la vie quotidienne. La Fondation Yasmin, à La Haye, a pour objectif d’aider les femmes à développer leurs talents, notamment pour trouver un emploi. Il existe dans les différents pays des offres structurelles, par exemple de conseil et de soutien juridique gratuit, comme à Milan.

Bref, le rapport décrit des projets très différents qui ont tous pour but de soutenir et de motiver les femmes dans leur nouveau pays.

Pour améliorer l’intégration des femmes, il faut viser l’égalité et défendre leur droit à l’autodétermination, au sein de la famille et en dehors d’elle. Il est primordial de les protéger de la violence. Les femmes qui émigrent chez nous doivent pouvoir y réussir leur vie.

LA PRÉSIDENTE *– Madame la rapporteure, il vous restera un peu moins de 4 minutes pour répondre aux orateurs.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Au nom de la commission des migrations, je remercie Mme Heinrich de ce rapport excellent et d’une grande importance, et j’approuve le projet de résolution.

Le rapport montre bien le rôle essentiel que peuvent jouer les femmes dans le processus d’intégration des réfugiés et des migrants. Il est évident que l’intégration risque d’échouer si on ne tient pas compte de la perspective de genre.

La commission des migrations a présenté un petit nombre d’amendements destinés à améliorer encore ce rapport déjà très satisfaisant. Je me réjouis que la commission sur l’égalité et la non-discrimination ait acceptés ce matin plusieurs d’entre eux. Malheureusement, elle n’a pas adopté l’amendement 1. Par cet amendement, nous souhaitions remplacer les termes «Union européenne» par «États membres du Conseil de l’Europe». Il est facile en effet de rejeter la faute sur l’Union européenne pour des problèmes qui sont en réalité créés par nos propres gouvernements. La Suède, l’Allemagne et 26 autres États sont certes membres de l’Union européenne, mais le Conseil de l’Europe rassemble un nombre d’États plus important. Par ailleurs, nous trouvons dans le rapport des exemples concernant la Norvège, qui n’est pas membre de l’Union européenne.

Nous avons tous, tout comme nos gouvernements, l’obligation d’agir. L’Union européenne ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes. Plusieurs rapports et résolutions de notre commission sur les questions migratoires ont appelé instamment les États membres du Conseil de l’Europe à prendre des mesures et à trouver des solutions communes. Il serait donc cohérent que la résolution s’adresse aussi aux États membres du Conseil de l’Europe.

Enfin, permettez-moi de souligner combien il est important de disposer de données statistiques ventilées par sexe, sur les migrations comme sur d’autres questions. En effet, les statistiques peuvent nous permettre de définir des politiques appropriées.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. BILDARRATZ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Comme vous le savez, le groupe ADLE représente une sensibilité humaniste que j’espère être capable de vous transmettre dans le cadre de la discussion de ces excellents rapports.

Comme l’ont dit les rapporteures, le défi est immense. Nous devons faire parler notre cœur face à la souffrance humaine. Je parle de cœur car ces rapports ont une âme. Ils insistent sur la nécessaire empathie dont nous devons faire preuve afin d’adapter nos politiques. Par conséquent, je vous invite toutes et tous à lire ces rapports en vous mettant à la place de ces femmes qui souffrent. Cela nous permettra de les comprendre et de leur offrir des perspectives meilleures.

Ces femmes arrivent dans un pays qu’elles ne connaissent pas. Elles sont sans ressources, elles sont seules et livrées à elles-mêmes. De telles situations d’isolement et de souffrances, qui durent parfois pendant huit années, sont inacceptables. Combien d’enfants, combien de femmes sont en train de les vivre actuellement?

Le premier rapport préconise des mesures immédiates en faveur des enfants, parmi lesquelles le regroupement familial. Nous devons protéger ces femmes et ces familles au moyen d’instruments internationaux et européens. Les enfants mineurs non accompagnés peuvent être l’objet d’exploitation ou de traite des enfants et c’est pourquoi le regroupement des familles peut être une solution. J’insiste sur le rôle prépondérant que joue la femme dans ces situations. Nous devons certes assurer l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Cependant, la situation est encore plus criante dans le cas des femmes migrantes. Celles-ci sont confrontées à une situation de stigmatisation et de double vulnérabilité, en tant que femmes, et en tant que migrantes.

Dans nos municipalités, les maires doivent prendre des mesures d’intégration en faveur de ces femmes, qui sont aussi des mères. Celles-ci doivent pouvoir jouer leur rôle prépondérant au sein de la famille. L’intégration des femmes doit être au cœur des politiques d’intégration des migrants dans nos sociétés.

M. PSYCHOGIOS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, je voudrais féliciter sincèrement nos deux rapporteures pour leur excellent travail. L’unité de la famille est un principe général qui découle de la Convention de Genève relative aux réfugiés, ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et d’autres textes juridiques.

Concernant les États membres de l’Union européenne, on trouve aussi dans le Règlement de Dublin une référence spéciale relative au processus de regroupement familial. Celui-ci doit être réalisé dans un délai strict de six mois au maximum. Or ces dernières années, certains États européens ont eu tendance à fixer des obstacles, des restrictions à la procédure, et à limiter le nombre de personnes éligibles.

Un autre aspect très important est la procédure spécifique pour les membres de familles originaires de pays tiers. Comme l’indique le projet de résolution, les exigences en matière de visas constituent souvent un obstacle très important au regroupement familial. Souvent, les demandeurs doivent attendre longtemps, en raison de critères bureaucratiques ou financiers très exigeants. Dans la pratique, pour ces raisons et pour d’autres encore, il arrive que les membres des familles ne reçoivent jamais la réponse à leur demande, ce qui contrevient au droit international.

Enfin, la question des mineurs non accompagnés nous préoccupe également. Les États membres devraient garantir le regroupement familial des enfants sans délai et, parallèlement, leur garantir une protection essentielle pendant le laps de temps où ces mineurs sont séparés de leur famille et vivent dans les pays hôtes.

À cet égard, j’aimerais vous décrire certaines des mesures prises par la Grèce, l’un des pays en première ligne sur ces questions. Nous avons tout d’abord adopté une nouvelle loi créant une procédure complète qui institue des tuteurs pour les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile. Cette procédure vise à garantir leurs droits et leur sécurité pendant leur séjour dans notre pays. Dans le même temps, l’augmentation des structures d’accueil et l’accès au système éducatif sont considérés comme essentiels. Les ministères compétents coopèrent pour faciliter le processus de regroupement familial des personnes originaires de pays tiers en tenant compte des critères fixés par le droit international.

Enfin, les membres du parlement, ainsi que le ministère grec de l’Immigration soulignent, dans toutes les instances européennes, la nécessité de mettre en œuvre le système de regroupement familial sans délai ni restrictions. Dans ce cadre, les derniers chiffres de suivi du Règlement de Dublin indiquent que le nombre de membres de familles ayant fait l’objet de mesures de regroupement dans les pays de destination, en particulier en Europe du Nord, a augmenté lentement. Nous restons cependant toujours bien loin des exigences légales et des besoins réels de ces populations. La question est urgente, tant sur le plan juridique, que politique et humanitaire.

Pour conclure, outre la mise en œuvre pleine et entière des systèmes de regroupement familial, nous devrions demander la mise en place d’un mécanisme permanent de réinstallation des réfugiés, comme cela est déjà mentionné dans des résolutions adoptées par le passé.

Mes chers collègues, nous avons besoin de solutions collectives, fondées sur le principe de solidarité, et non de mesures unilatérales fondées sur le refus d’accepter dans les ports de la Méditerranée des navires, mesures qui font de cette mer, au lieu d’un espace de coopération, un véritable cimetière. Nous appuyons pleinement ces deux rapports, et encourageons nos collègues à porter ces questions devant leurs parlements nationaux et à soutenir et promouvoir cet instrument juridique pour atteindre les exigences requises.

Mme FILIPOVSKI (Serbie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Au nom de mon groupe, je veux remercier Mme Sandbæk. Le droit à la vie de famille s’applique à tous, y compris les réfugiés et les migrants. Cela exige des mesures rapides et efficaces en matière de regroupement familial. Sans regroupement familial, les réfugiés et migrants voient leurs souffrances perdurer, surtout les plus vulnérables, les femmes et enfants qui fuient les zones de conflit. Leur existence est précaire: ils risquent de rester des réfugiés toute leur vie et de ne pouvoir reprendre une vie normale dans la société qui les accueille.

Nous devons mettre en place des directives permettant d’assurer un regroupement familial effectif, en tenant compte, aussi, des structures familiales non traditionnelles, pour garantir les droits fondamentaux des enfants auprès de leurs parents, sans distinction entre les réfugiés et les personnes qui font l’objet de mesures subsidiaires ou temporaires de protection. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir appelé l’attention de l’Assemblée sur ces questions.

M. HEINRICH (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Les deux rapports ont au moins un point en commun, qui est au centre de notre travail: protéger, concentrer nos efforts sur les plus vulnérables. Nous pouvons en être fiers, surtout en ces temps où nous pouvons connaître des doutes quant à notre mission. Mon groupe partage la demande de plus de protection pour les enfants non accompagnés. Le Comité international de la Croix-Rouge réalise un excellent travail. Nous encourageons aussi la coopération entre les autorités nationales et les parlements nationaux. Nous sommes tous d’accord pour dire que la vie de famille est fondamentale, que l’immigration est une des causes principales de la séparation des familles et que leur unité doit être préservée et protégée.

Quant au second rapport, face à la situation que traverse l’Europe aujourd’hui, il est important de considérer le fait que certains présentent les migrants masculins comme des terroristes potentiels. En même temps, peu d’attention est accordée aux femmes migrantes et réfugiées. Les autorités m’ont confirmé que plus de 40 % des personnes arrivant en Allemagne actuellement sont des femmes. Ce sont elles les plus vulnérables, après les enfants. Toutefois, leur potentiel de participation à l’intégration des migrants est trop rarement souligné. Nous savons que les femmes permettent de renforcer la capacité à s’intégrer et à intégrer une famille, encouragent les enfants à suivre une éducation et partagent néanmoins les traditions du pays d’origine avec les enfants. Nous devons promouvoir l’autonomisation des migrants, des femmes migrantes et réfugiées en particulier, en luttant contre toute forme de discrimination de genre. Nous devons tirer les enseignements des erreurs du passé – nous, Allemands, avons fait des erreurs – mais aussi des bonnes pratiques, notamment celles du modèle nordique. Il nous revient de transformer toutes vos recommandations en actions concrètes.

Pour conclure, les réfugiés femmes et enfants sont les plus vulnérables face à la prostitution et aux violences sexuelles. Un besoin de protection supplémentaire est nécessaire, tel que le rapport le mentionne. Il faut plus que de la protection, il faut plus d’autonomisation, pour ne pas nous retrouver ici, dans cinq, dix ou quinze ans, à déplorer toujours les mêmes situations. L’approche de genre est nécessaire pour toute politique d’intégration. Les femmes doivent participer à la vie de la société sous tous ses aspects.

Mme BAYR (Autriche), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – En principe, deux manières existent d’aborder le défi de l’immigration et de l’intégration. Une approche est de se concentrer sur les problèmes, d’encourager les conflits et les peurs et de mettre à mal la cohésion sociale. C’est une façon de s’assurer les faveurs d’un certain électorat, mais cela est néfaste pour nos sociétés. Une autre approche vise à souligner le potentiel et les chances que représente cet enrichissement, vise à miser sur les échanges et les expériences positives. C’est une approche fondée sur les droits de l’homme, qui a pour objectif des sociétés inclusives vivant dans la paix. Le but est, entre autres, de réunifier les familles en aidant les enfants à retrouver leurs parents, pour qu’ils vivent en paix, dans la légalité, avec leurs familles. C’est l’approche que les socialistes, démocrates et verts préconisent. C’est la meilleure solution pour proposer des vies dignes au plus grand nombre.

Les deux rapporteures préconisent cette approche, je les en remercie. Il est logique et sensé de coopérer avec les femmes migrantes, pour en faire des acteurs du changement et de l’intégration, de leur permettre de s’autonomiser, d’être des multiplicateurs de valeur partagée et de diversité respectée, de leur proposer une éducation linguistique et professionnelle, de les conseiller sur les possibilités d’enseignement supérieure ou d’employabilité, de leur permettre de comprendre pleinement les attentes de la société qui les accueille, qui ne correspond pas toujours aux codes des sociétés d’origine. Une approche fondée sur les droits de l’homme est celle qui protège les enfants, qui sont parmi les groupes les plus vulnérables, surtout quand ils sont séparés de leurs parents. Nous devons leur garantir une mise en œuvre solide de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, celui qui affirme le droit à la vie de famille.

Nous avons besoin d’une définition moderne de la famille reflétant les réalités d’aujourd’hui. Nous avons l’obligation juridique et morale de tout mettre en œuvre pour répondre à l’intérêt supérieur des enfants.

Au nom de mon groupe, je voudrais remercier Ulla et Gabriela pour leurs excellents rapports. Je suis heureuse que l’un de ces rapports ne se contente pas d’évoquer les problèmes d’exclusion mais qu’il propose aussi des exemples concrets de bonnes pratiques. J’espère que les modèles d’autonomisation des femmes mis en avant inspireront chacun d’entre nous dans nos pays respectifs.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du groupe des conservateurs européens* – Moi aussi, je souhaiterais remercier nos rapporteures qui ont élaboré des rapports forts et solides, étayés par de nombreux détails factuels.

Dans le cadre du dernier débat, Lord Foulkes a affirmé qu’il y avait plus de choses qui nous réunissaient que de choses qui nous séparaient malgré nos appartenances politiques différentes. Cela est particulièrement vrai en l’espèce. Je conviens avec le porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe que ces rapports ont du cœur et touchent nos cœurs et nos sentiments profonds.

J’ai vu les effets du regroupement familial dans ma circonscription. Je n’ai pas besoin de me fier aux medias ou à la presse pour connaitre la réalité des situations et des sentiments.

Je voudrais ici remercier tout particulièrement la Croix-Rouge internationale. Le travail très difficile qu’elle accomplit dans des situations terribles mérite d’être salué. Elle doit identifier des enfants pour les rapprocher de leurs parents. C’est une tâche capitale. Que ferions-nous sans elle?

Le Royaume-Uni a mis en place un système qui permet la réunification des familles entendues au sens large: parents, enfants, grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes mais aussi conjoints du même sexe. Cela est très important.

L’affreux phénomène des trafiquants d’êtres humains et des passeurs en Méditerranée a déjà été évoqué. Mais nous n’avons encore rien vu… Il ne s’agit que du commencement. Je suis l’envoyé du Premier ministre britannique au Nigeria en matière économique et je suis convaincu que si nous n’assurons pas le développement économique de l’Afrique, nous devrons faire face à des flux massifs de migrants africains qui débarqueront en Italie.

J’aurais aimé parler de l’intégration des femmes. Je rappelle qu’en 2016, en Allemagne, lors des fêtes de fin d’année, 1 200 femmes ont été harcelées sexuellement par 2 000 hommes. Nous devons agir pour empêcher que cela ne se reproduise.

LA PRÉSIDENTE – Je voudrais profiter de la présence d’Alfred Heer dans l’hémicycle pour lui souhaiter un bon anniversaire. Tous nos vœux.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Moi aussi, je voudrais remercier de tout cœur nos trois rapporteures. Elles ont attiré l’attention sur un problème grave.

Comme le dit Mme Heinrich, les femmes sont souvent invisibles ou plutôt, nous ne voulons pas les voir. La façon dont on abuse d’elles, dont on les maltraite, est horrible. Lorsqu’elles arrivent chez nous, le processus d’intégration est compliqué. Récemment, une femme a été expulsée d’Autriche, car son mariage avait été célébré sur Skype.

Pour revenir aux propos de Mme Heinrich, de nombreux programmes d’intégration mettent l’accent sur les hommes, sur les moyens de les aider à trouver un travail. Mais si nous aidions les femmes à s’intégrer, l’intégration serait deux à trois fois plus rapide! Car si nous leur rendions leur dignité, leur indépendance, elles nous aideraient à intégrer leurs maris et leurs enfants du même coup. Or nous ne le faisons pas assez.

Un collègue m’a dit qu’il souhaitait se rendre à Vienne. Je ne peux que lui conseiller de réserver une chambre à l’hôtel Magdas. Il est géré par des réfugiés, dont de nombreuses femmes et elles y ont retrouvé leur dignité, leur confiance en elles.

L’orateur précédent a remercié la Croix-Rouge, je voudrais en ce qui me concerne remercier l’équipe de l’Aquarius qui a sauvé tant de femmes et d’enfants malgré l’interdiction de débarquer signifiée par un État membre de notre organisation.

Nous avons besoin de programmes d’urgence pour accompagner les mineurs isolés. Aucun d’eux ne doit séjourner dans des camps de réfugiés; ils doivent être pris en charge individuellement.

Je voudrais enfin lancer un appel de la part de la Jordanie: l’Union européenne ne pourrait-elle pas réfléchir à la façon dont elle investit des fonds en Libye et commencer par créer dans ce pays un centre pour femmes et enfants seulement, avec une protection internationale ?

M. BAKRADZE (Géorgie)* – Ces rapports nous rappellent, à juste titre, que l’Europe est plus que jamais une destination pour les personnes qui cherchent à être protégées des guerres et des troubles politiques ou qui fuient la pauvreté et la misère.

Cela dit, en matière de migration, il ne faut jamais oublier que les ressortissants de pays tiers ne sont pas les seuls à arriver dans les pays européens, mais que des citoyens européens aussi se rendent à l’étranger pour trouver de meilleures possibilités d’emploi. La migration de la main-d’œuvre est et demeure une importante question, qu’il convient aussi de traiter. Aucun débat sur la migration ne saurait être complet si l’on faisait l’impasse sur la question de la migration de la main-d’œuvre au sein des États membres du Conseil de l’Europe.

À cet égard, permettez-moi de citer l’exemple de mon pays, la Géorgie, qui ne fait pas exception.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, nous avons vu des Géorgiens se rendre dans d’autres pays – surtout ceux de l’Union européenne – en quête d’emplois. Le taux élevé de chômage, la faible croissance économique, l’impossibilité de rembourser des prêts bancaires sont les principales raisons qui poussent les Géorgiens à chercher des possibilités d’emploi temporaire à l’étranger. Malheureusement, la plupart d’entre eux finissent par être en situation irrégulière, sans statut juridique et sans aucune chance de trouver un emploi légal.

Il a été dit, dans cette enceinte, et à juste titre, que la majorité des migrants sont des hommes. Dans le cas de la Géorgie, c’est le contraire. Plusieurs rapports montrent que jusqu’à 70 % de cette main-d’œuvre irrégulière, sont des femmes. L’absence de statut juridique les empêche d’avoir accès aux services de base, comme les soins de santé, les hôpitaux et autres. Cela limite leurs possibilités de circuler, de revoir leurs familles et leurs enfants. Je considère donc que cette question du regroupement familial des migrants et réfugiés dans les États membres du Conseil de l’Europe est étroitement liée aux problématiques de migration de main-d’œuvre dans les États membres du Conseil de l’Europe.

Que faire pour régler ces problèmes?

En premier lieu, il faut offrir des possibilités d’emploi légales aux ressortissants d’autres pays européens, dont les citoyens géorgiens, qui cherchent de telles possibilités et qui, aujourd’hui, sont des migrants en situation irrégulière. Cela permettra d’améliorer leur accès à des services de base, de renforcer leur protection et d’améliorer leurs revenus. De plus, cela aidera les pays hôtes à obtenir une main-d’œuvre qualifiée et à réduire les aspects négatifs des migrations irrégulières. Inutile d’inventer la roue, l’Union européenne l’a déjà fait pour toute une série de pays, y compris des États membres du Conseil de l’Europe, sur une base bilatérale. Une solution pourrait notamment être l’introduction de quotas pour les citoyens de pays qui en ont besoin, dont les Géorgiens.

Les autorités géorgiennes sont claires à ce sujet, leur objectif est de coopérer avec les pays et les organisations partenaires pour permettre aux Géorgiens qui travaillent à l’étranger de bénéficier du même niveau de protection et des mêmes droits que les citoyens d’autres États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas encore membres de l’Union européenne.

La clé pour résoudre ce problème de la migration illégale de main-d’œuvre est l’amélioration de la situation économique ainsi que la création d’emplois dans le pays d’origine. J’espère que nous réussirons à améliorer la situation économique en Géorgie. Mais, dans l’intervalle, des milliers de personnes ont besoin de protection, de meilleures conditions de vie et de voir leurs droits fondamentaux protégés. Le Conseil de l’Europe a aidé la Géorgie dans de nombreux domaines du développement par le biais de la coopération. J’espère qu’avec votre aide, nous pourrons aussi atteindre cet objectif.

En conclusion, permettez-moi de remercier nos rapporteurs pour ces rapports de qualité et très complets.

M. Heer, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Maury Pasquier au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Mme Mikko, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. DOUBLE (Royaume-Uni)* – C’est un honneur pour moi de prendre la parole pour la première fois dans cet hémicycle. C’est un honneur de pouvoir contribuer à cet important débat, qui porte sur l’un des défis majeurs que l’Europe doit relever, un défi qui risque de devenir redoutable dans un avenir proche.

Je remercie les rapporteurs pour ces deux excellents textes qui, dans l’ensemble, sont des contributions constructives, même si je n’en partage pas totalement tous les éléments. Nous savons que chaque État membre du Conseil de l’Europe devra apporter sa contribution, car ce n’est pas une problématique qu’un pays peut espérer résoudre seul. Nous devons travailler ensemble pour trouver les meilleures solutions, des solutions dont nous avons tous besoin.

J’évoquerai pour ma part trois aspects particuliers dont il faut tenir compte simultanément pour espérer construire un système efficace en matière de migration et de regroupement familial.

Tout d’abord, comme beaucoup l’ont dit, il faut un système humain, compréhensif. Personne ne peut souhaiter la séparation des familles, surtout lorsqu’il s’agit de réfugiés, à un moment où ils sont très vulnérables. Il est vital de se montrer compréhensif. Un système qui le serait permettrait le regroupement de ces familles de migrants ou de réfugiés car, au cœur du système, il y a toujours des êtres humains, de vraies vies marquées par de véritables difficultés.

Mais il faut aussi conserver un certain équilibre afin d’éviter les conséquences indésirables, et notamment de créer un appel d’air qui inciterait toujours plus de personnes à entreprendre ce périlleux voyage, d’autant qu’avec la tentation d’envoyer un premier membre de la famille vers l’Europe, les familles sont souvent éclatées. Notre système ne doit pas créer d’appel d’air et ne pas encourager ces personnes, à un moment où elles sont particulièrement vulnérables, à faire ce dangereux périple.

Ce système doit aussi reconnaître les préoccupations réelles de nos populations. Les migrants et les réfugiés ont généralement toujours eu un impact positif sur nos sociétés et nos économies, mais ce n’est pas nécessairement le cas de toutes les sociétés. Il faut prendre en compte des points de vue populistes que l’on ne peut écarter d’un simple revers de main, et reconnaître les difficultés que connaissent les communautés qui doivent accueillir un nombre important de réfugiés et de migrants et dont l’expérience n’est pas toujours positive. Il convient également d’accorder les ressources nécessaires afin que les réfugiés puissent être regroupés dans leurs familles. Mais pour qu’ils puissent s’intégrer dans la société d’accueil, ils doivent se sentir accueillis, se sentir appartenir à ces sociétés.

Tels sont les différents éléments dont il faut tenir compte: un système juste et compréhensif, fondé sur des idées humaines qui permettent aux familles de vivre réunies, qui n’encourage pas les gens à entreprendre un voyage dangereux, tout en reconnaissant les difficultés et les préoccupations légitimes de nos populations.

C’est ainsi que nous pouvons espérer surmonter les problèmes.

LE PRÉSIDENT* – M. Murray, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. ŞAHİN (Turquie)* – Souvent, la migration est présentée comme un phénomène de déplacements de masse avec des conséquences dramatiques. On a longtemps négligé de traiter de l’intégration des migrants dans la société, notamment celle des migrantes qui rencontrent des difficultés liées au fait qu’elles sont des femmes. C’est la raison pour laquelle je voudrais remercier la rapporteure d’avoir mis l’accent sur ces faits.

Les migrants et les réfugiés représentent un énorme potentiel pour les pays hôtes tant sur le plan culturel que sur le plan économique. Leur intégration dans nos sociétés devrait figurer à l’ordre du jour de tous nos pays. Pourtant, les femmes sont souvent négligées, voire exclues de ce processus. Or il est absolument fondamental d’aider les femmes migrantes et réfugiées en les encourageant à participer à la vie de nos sociétés. Cela permettra aussi de garantir aussi l’intégration des générations futures, élément fondamental au développement de sociétés pacifiques.

La résolution des problèmes socio-économiques des réfugiés syriens qui ont quitté leur pays en raison de la guerre, de conflits internes, d’oppression politique ou de persécutions doit constituer l’une des principales préoccupations de la communauté internationale. Notre projet de création d’une association internationale pour la réhabilitation et l’intégration sociale des femmes réfugiées en Turquie et en Europe constitue une base importante pour nous-mêmes et pour nos pays partenaires.

Les femmes sont exposées à de très nombreux défis, qui engendrent souvent des problèmes psychologiques. Aussi longtemps que la guerre continuera, nombre de Syriens devront émigrer en Turquie et dans d’autres pays. Je voudrais insister sur le fait que les femmes réfugiées souffrent des traumatismes liés aux violences, aux sévices sexuels ou encore à la perte de membres de leur famille durant la guerre civile. Ces traumatismes sont ensuite source de difficultés psychologiques. Dans ce contexte, un programme de réhabilitation sera élaboré à destination de ces femmes. Des centres de loisirs seront notamment créés afin de les intégrer dans notre société. Nous informerons également les réfugiées de leurs droits.

Je viens de la ville de Gaziantep, près de la frontière syrienne, où se trouvent actuellement 100 000 réfugiés syriens. Pour nous, ce ne sont pas des réfugiés. Ce sont des sœurs et des frères. Nous considérons les femmes d’Alep comme celle femmes de Paris, de Londres ou de Madrid. Nous considérons les enfants d’Idlib comme ceux d’Ankara, de Rome ou de Berlin. Et ce, parce que nous croyons en l’humanité!

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande)* – Je félicite les deux rapporteurs pour leur travail. Je voudrais mettre l’accent sur les problèmes des femmes et des filles en matière de migration.

S’agissant du rapport sur «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être des actrices essentielles de l’intégration», je voudrais mettre l’accent sur les difficultés éprouvées par les femmes et les filles en matière de migration. Trop peu d’attention a été accordée aux femmes, à leur vulnérabilité et aux défis qu’elles doivent relever lorsqu’elles arrivent en Europe. Celles-ci sont confrontées à une double menace. Nombre de femmes et de filles ont été discriminées en raison de leur sexe lorsqu’elles ont fui leur pays. Elles ont connu cette discrimination dans leur pays d’origine, puis dans leur pays d’accueil. Il faut renforcer les droits des femmes et des filles.

Qui plus est, les migrantes souffrent du fait qu’elles sont séparées de leurs familles. Cela m’amène à l’autre rapport, sur «Le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe». Il faut absolument éviter que les familles soient séparées lorsqu’elles doivent quitter leur pays d’origine, dans lequel leur sécurité est menacée.

Toutes les personnes qui se trouvent dans une situation fragile, probablement la pire qu’elles auront à connaître durant toute leur vie, doivent pouvoir compter sur notre humanité. Elles doivent avoir la possibilité d’apporter leur contribution à nos sociétés – des sociétés dans lesquelles l’humanité reste l’une des principales valeurs.

Mme ÇELİK (Turquie)* – J’aimerais féliciter les rapporteures pour leur excellent travail. Leurs recommandations et leurs conclusions sont extrêmement importantes tant elles concernent une dimension de la migration que l’on oublie souvent: la nécessité de l’intégration et de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce domaine.

La dimension du genre a un rôle important à jouer tout au long du périple des réfugiés et des migrants, depuis l’expérience vécue durant le voyage jusqu’à la vie dans le pays d’accueil. Les politiques, les programmes et les services de tous les États membres doivent être sensibilisés à cette dimension, afin que les femmes et les jeunes filles réfugiées et migrantes vivent en sécurité, que l’on tienne compte de leur vulnérabilité, qu’elles puissent jouir pleinement de leurs responsabilités et s’intégrer dans leur nouveau pays.

Le rapport cite des exemples intéressants de mécanismes d’intégration en Norvège, en Italie et en Allemagne. Mais la Turquie pourrait aussi partager ses expériences positives en la matière. Nous accueillons aujourd’hui plus de 4 millions de personnes déplacées par la force, dont plus de 3,5 millions de Syriens parmi lesquels plus de 1,5 million de femmes. Face à cette catastrophe humanitaire de grande ampleur, les autorités turques ont mis en œuvre, en coopération étroite avec des associations, des mesures et des programmes prenant en compte la dimension de genre et visant à intégrer les femmes réfugiées dans la société turque. Les programmes linguistiques et les formations techniques dispensés dans les camps ont fait la preuve de leur efficacité. Un grand nombre de ces femmes apprennent le turc et créent de petits ateliers pour vendre des produits d’artisanat. Dans le même temps, les responsables des camps font en sorte que les femmes puissent avoir des responsabilités dans la gestion quotidienne des camps. Cette participation aux mécanismes de décision, à l’intérieur des camps, a permis à des femmes réfugiées de jouer un rôle majeur dans leur propre communauté. Des programmes similaires ont également été mis en place pour les femmes vulnérables dans les villes.

Les différents types d’intégration, conçus en fonction du parcours de ces femmes, de leur éducation et de leurs objectifs professionnels, ont permis de renforcer leur participation à la main-d’œuvre locale. En outre, des programmes de microcrédit proposés par diverses institutions financières du Gouvernement turc ont permis d’encourager l’esprit d’entreprise parmi ces femmes. Toutes les personnes qui s’occupent de la gestion des réfugiés ainsi que les volontaires syriens sont formés à la question des droits des femmes et pour ce qui est l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans ce contexte, je pense que si les rapporteurs avaient inclus le modèle d’intégration turc dans leur rapport, cela aurait apporté une contribution importante à l’analyse de cette question, en la rendant beaucoup plus complète.

De façon plus générale, il est particulièrement important de réfléchir à la situation des migrants étant donné la situation actuelle. Dans le monde, des groupes entiers de personnes – comme les Rohingyas – sont victimes d’une purification ethnique. Des millions de Syriens sont déplacés par la force, tandis que les chefs d’État continuent à s’adresser des menaces de guerre et que des milliers d’enfants sont détenus à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.

Le processus de l’intégration des réfugiés, en particulier des femmes, n’est jamais une voie à sens unique. Il exige de préparer la société, dans les pays d’accueil, afin d’éviter les attaques contre les réfugiés, qui ont des modes de vie, des croyances et des cultures différentes. Dans un grand nombre de pays européens aujourd’hui, la montée des partis populistes crée un obstacle majeur au bon fonctionnement du processus d’intégration. Je pense tout particulièrement à l’intégration des femmes réfugiées venant de pays musulmans, à l’encontre desquelles les barrières culturelles, les stéréotypes raciaux, l’intolérance et la xénophobie sont de plus en plus marqués. Les femmes sont toujours les premières visées. Il est difficile de passer sous silence le fait qu’elles font face à une discrimination beaucoup plus explicite dans un grand nombre de pays européens du fait de leur façon de s’habiller, notamment parce qu’elles portent un foulard.

Nous devons réfléchir à l’impact potentiel de la montée en puissance des groupes d’extrême droite sur les processus d’intégration, et nous devons les combattre. Nous devons nous concentrer sur la façon dont l’intimidation, la peur, les tentatives d’exclusion par les sympathisants de ces groupes influent sur le processus d’intégration et sur les meilleures manières de résoudre ce problème croissant pour protéger la cohésion sociale et l’intégrité personnelle de nos communautés.

M. WHALEN (Canada, observateur)* – Je salue l’excellent travail de la commission des migrations, ainsi que la qualité des deux rapports.

Au Canada, je suis membre de la commission de la citoyenneté et de l’immigration. Nous avons réalisé une étude sur les schémas d’immigration. J’ai donc lu avec beaucoup d’intérêt le rapport sur le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que celui sur les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous faisons face au Canada aux mêmes questions. Je parlerai surtout du rapport de Mme Sandbæk, tandis que ma collègue s’exprimera dans quelques instants sur celui de Mme Heinrich.

Au Canada, le regroupement familial n’est pas un droit; c’est, cependant, un objectif reconnu par notre loi de 2001 sur l’émigration et la protection des réfugiés. Au sein de notre système d’immigration, le gouvernement a créé une catégorie «famille» qui permet aux individus de retrouver leurs époux ou épouses, leurs partenaires, leurs enfants, ainsi que leurs parents et leurs grands-parents.

Au cours des trois dernières années, le Gouvernement fédéral a accru le nombre de personnes accueillies dans le cadre de cette nouvelle catégorie «famille». Nous sommes passés de 65 000 personnes en 2015 à environ 84 000 en 2017. D’ici à 2020, par un programme adopté cette année par notre parlement, le gouvernement fédéral s’attend à accueillir quelque 91 000 personnes au titre de cette catégorie.

Cela s’inscrit dans le cadre du plan d’immigration qui prévoit l’arrivée de 340 000 réfugiés en 2020, soit 0,9 % de la population canadienne. Les réfugiés, les personnes protégées, ainsi que leurs personnes à charge font partie d’une catégorie distincte, avec ses propres niveaux d’immigration, et représentent environ 15 % de ce 0,9 %.

Les définitions canadienne et européenne de la famille sont très proches. Les individus peuvent faire venir leur conjoint, leurs enfants mineurs, les enfants de leur conjoint dans leur pays de résidence. Le Canada, comme certains pays européens, autorise la réunification avec les concubins, avec les enfants adultes à charge et leurs enfants à charge, ainsi que les parents et les grands-parents, même si le processus peut parfois être très long. Mais au Canada, il y a notamment des migrants économiques qui souhaitent retrouver leurs parents, leurs grands-parents, leurs conjoints et leurs enfants restés à l’étranger.

Il y a un très petit nombre de mineurs non accompagnés au Canda. Dans un rapport récent, on en dénombrait 212. Ceux qui ont franchi la frontière illégalement ne sont pas comptabilisés, mais leur nombre est très réduit.

Beaucoup des sujets traités dans ces rapports sont importants. Ils le sont aussi au Canada mais dans une bien moindre mesure qu’en Europe.

En 2017, le Canada a porté de 19 à 21 ans l’âge maximal des enfants à charge, afin de permettre à davantage d’enfants de retrouver leur famille et à davantage de membres de familles de réfugiés d’être considérées comme personnes à charge. Toutefois, les enfants âgés de 22 ans ou plus peuvent toujours être considérés comme personnes à charge s’ils dépendent de leurs parents, en raison d’un problème de santé mentale ou physique. L’augmentation de l’âge des enfants à charge permettra de garder davantage de familles regroupées. Elle présentera des avantages sociaux et économiques pour les familles comme pour la société. Cela permettra aussi de faire mieux face aux problèmes humanitaires ou de sécurité pour les personnes déplacées par la force, en particulier les mineurs non accompagnés, dans les camps de réfugiés ou ailleurs.

Contrairement à l’Europe, où le rapporteur a noté que cela posait un problème grave, la plupart des mineurs non accompagnés, chez nous, vivent dans des camps. Cela concerne beaucoup de membres de ma circonscription qui sont arrivés au Canada comme réfugiés et qui cherchent un regroupement familial.

Nous considérons que nos efforts à cet égard vont dans le bon sens, mais nous pourrions faire mieux. Nous sommes donc très reconnaissants à votre commission de nous aider à réfléchir à cette question importante en matière de droits de l’homme.

Mme GALVEZ (Canada, observateur) – Je suis ravie de m’exprimer pour la première fois dans cet hémicycle. Je tiens à remercier Mme Heinrich pour son rapport dans lequel elle souligne l’importance qu’il faut attacher au sort des femmes migrantes.

J’évoquerai l’expérience du Canada en matière d’immigration et d’inclusion sociale.

Entre 2011 et 2016, 1,2 million de nouveaux immigrants se sont établis au Canada, soit 3,5 % de la population totale. C’est une échelle différente, mais d’autres défis se présentent à nous. La majorité des migrants sont des femmes, relevant principalement de la catégorie «raisons économiques», mais aussi de la catégorie du regroupement familial ou de celle des réfugiés.

Le Canada reconnaît que ses politiques et programmes d’immigration doivent tenir compte des besoins diversifiés et des vulnérabilités de l’ensemble des nouveaux arrivants, qu’il s’agisse d’immigrants, de réfugiés ou de demandeurs d’asile.

Afin de faciliter la transition pour les immigrants, le Gouvernement fédéral travaille en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les employeurs, les fournisseurs de services et les organismes communautaires pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer durablement. Ces partenariats permettent d’offrir une vaste gamme de programmes multiculturels, des formations linguistiques, de l’aide à l’emploi, des programmes destinés aux enfants et aux jeunes.

Parmi les autres mesures d’intégration, figurent la garde d’enfants, l’aide aux transports, les services de traduction et d’interprétation, les conseils en cas de crise et les mesures destinées aux personnes handicapées. Tout cela est très important pour les femmes. En effet, si on ne leur offre pas, par exemple, des services de garde, elles ne seront pas en mesure de participer aux divers programmes multiculturels et d’établissement.

S’il est important pour un pays comme le Canada ou pour des pays européens d’assurer l’intégration des immigrants, il est tout aussi important d’offrir de l’aide humanitaire, ainsi que du soutien multilatéral et diplomatique aux pays d’origine des migrants, pour s’attaquer aux causes fondamentales du déplacement des populations. C’est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les pays d’origine des réfugiés.

Ainsi le Canada a contribué de façon importante au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés depuis plus de 50 ans et établi des partenariats avec cette organisation afin de trouver des solutions. Grâce aux fonds reçus par les pays donateurs, le Haut-Commissariat peut offrir des mesures d’aide et de protection aux personnes déplacées, ainsi que des produits de première nécessité et de l’aide juridique.

Je voudrais souligner aussi que la migration, qu’elle soit forcée ou volontaire, n’est jamais facile. Si certaines personnes peuvent profiter de nouvelles occasions, d’autres sont exposées à de nouveaux risques. C’est particulièrement le cas s’agissant des canaux de migration illégaux exposés aux risques de traite des personnes ou pire encore.

Nos politiques de migration doivent viser à donner le pouvoir aux migrants et mettre l’accent sur les avantages économiques de la migration tout en améliorant parallèlement la protection des migrants, des femmes et des filles.

En conclusion, il est important que les pays coordonnent leurs actions avec celles des principaux partenaires internationaux, afin que nous puissions contribuer à tous les efforts de protection des personnes déplacées, plus précisément des femmes et des filles.

Mme D’AMBROSIO (Saint-Marin) – Je tiens à remercier nos collègues pour ces deux rapports d’un grand intérêt.

Bien souvent, dans cette Assemblée, nous avons évoqué la nécessité de reconnaître la protection des droits des mineurs. En période de crise, en particulier, les droits des femmes et des enfants sont les plus menacés. Nous avons souvent parlé de la nécessité de mettre en place un réseau social pour empêcher que les mineurs migrants ne soient happés par les circuits illégaux dont ils sont souvent les victimes. Nous avons parlé de la nécessité de permettre à ces enfants de grandir au sein de leur famille, de ne pas les éloigner. Nous avons parlé aussi, ici même, des mariages forcés.

Aujourd’hui, il s’agit de mettre l’accent sur le traitement réservé aux mineurs, d’évoquer les normes insuffisantes pour faciliter leur regroupement au sein de la famille. Nous parlons ici de la nécessité d’impliquer les femmes le plus possible dans les processus d’intégration.

Le niveau du débat politique, dans beaucoup d’État membres du Conseil de l’Europe est aujourd’hui trop souvent lié à un discours de haine, de discrimination et de racisme. Les États membres se sont pourtant engagés à protéger les droits à la vie de famille inscrits à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et qui s’appliquent de manière universelle, donc y compris aux migrants.

Le rapport de Mme Sandbæk invite les États membres à développer et à respecter les lignes directrices qui permettent l’application de ces droits à la vie familiale, donc au regroupement.

Comme je l’ai dit, dans une situation de crise, les mineurs et les femmes sont les groupes les plus vulnérables. Il est donc important d’en tenir compte au moment d’élaborer des politiques d’intégration.

Comme le montre Mme Heinrich dans son rapport, les femmes sont la clé de l’intégration, car elles peuvent la promouvoir au sein de leur famille en veillant à l’éducation de leurs enfants, à la fois en partageant avec eux la tradition du pays d’origine et en respectant les règles du pays d’accueil.

Enfin, comme on l’a dit, les politiques d’intégration doivent tenir compte des critères des politiques de genre.

Je remercie de nouveau les deux rapporteures pour leur excellent travail.

LE PRÉSIDENT* – Mme Gafarova, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme HARDER (Canada, observateur)* – Je suis très heureuse d’avoir l’occasion de m’exprimer dans cet hémicycle à propos de l’accueil des femmes et des filles réfugiées. La date est bien choisie car, le 11 octobre, nous célébrons la Journée internationale de la fille. C’est donc l’occasion de souhaiter la prospérité économique à toutes les femmes et à toutes les filles, notamment aux migrantes que nous accueillons. Le Canada partage l’espoir de l’Europe d’intégrer et de responsabiliser les femmes.

Je souhaite parler d’un groupe particulier de femmes et d’enfants réfugiés, les yézidis. Ces femmes et ces enfants ont souffert de crimes, tels que des tortures, des viols, de l’esclavage sexuel. Nombre d’entre eux ont vu des membres de leur famille torturés et tués.

En 2017, plusieurs centaines de femmes et d’enfants yézidis ont été réinstallés au Canada. Nos intentions étaient bonnes: nous souhaitions leur offrir une meilleure vie. Cependant, nous nous sommes aperçus, après une analyse par nos commissions parlementaires, que des mesures supplémentaires étaient nécessaires. Il faut savoir qu’au Canada, les efforts d’intégration sont pris en charge par les ministères mais aussi par des acteurs non gouvernementaux, et nous pensons que les deux échelons sont nécessaires.

Lorsque le gouvernement a fait venir ces jeunes femmes yézidies au Canada, nous les avons accueillies dans le pays. La première année, nous leur avons fourni gratuitement un logement, des soins médicaux, ainsi que des cours de langue. Or nous nous sommes aperçu que cela ne suffisait pas pour qu’elles accèdent réellement à ces services. En effet, les nouveaux venus ont besoin de l’aide de personnes qui font partie de la société civile, d’amis, de membres de la communauté, par exemple pour les aider à se rendre dans un lieu où ils peuvent recevoir des cours de langue ou trouver une banque alimentaire, à mieux comprendre la culture locale, à faire les courses, à aller voir un médecin, à s’occuper de leurs enfants. Les Églises et plus généralement les organisations religieuses jouent un rôle très important dans la société canadienne pour aider ces femmes à s’intégrer et à conquérir leur indépendance.

En outre, il est très important que les femmes réfugiées sachent qu’elles sont en sécurité. Au Canada, récemment, une jeune femme se trouvait dans un bus à Toronto lorsqu’elle a reconnu un autre passager : c’était un militant de Daech qui l’avait violée, torturée et vendue. Il vivait au Canada, tout comme elle. Hier, votre Assemblée a adopté une résolution pour permettre la réintégration de personnes radicalisées qui reviennent dans leur pays d’origine. Si nous choisissons de réintégrer ces hommes, nous devons aussi être attentifs à l’impact que cela pourrait avoir sur les femmes et les jeunes filles qui ont trouvé un refuge chez nous. Les pays doivent faire face à la fois à l’accueil des femmes réfugiées ayant été victimes de viols et à la réintégration des personnes qui sont coupables de ces viols.

Nous devons en tenir compte lors de la mise en œuvre de la Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023, dont l’un des objectifs vise à protéger les droits des migrants, des réfugiés et des jeunes femmes qui demandent l’asile.

J’imagine que nous partageons tous le désir de permettre aux femmes réfugiées d’être libres, de se sentir en sécurité, de développer leurs compétences et de se réaliser pleinement. Pour atteindre cet objectif, leur sûreté et leur sécurité doivent être notre priorité. Nous devons faire en sorte que les péchés qui ont été commis contre elles dans leur pays d’origine ne se répètent pas dans le pays où elles sont accueillies. C’est seulement alors que les femmes réfugiées pourront vraiment guérir et être pleinement intégrées.

M. SANER (Représentant de la communauté chypriote turque)* – Au moment où le nombre de migrants et de réfugiés arrivant en Europe augmente, garantir le droit au regroupement familial semble être l’un des défis les plus difficiles à relever. Les pays européens doivent se saisir de cette question avec diligence.

Je souhaite remercier Mme Sandbæk pour sa contribution à cette question très importante. Il est bien connu qu’en l’absence de solutions légales telles que des mécanismes efficaces pour le regroupement familial, les migrants n’ont d’autre choix que de se tourner vers les trafiquants, les passeurs, et de traverser la Méditerranée au risque de leur vie.

Chypre a les frontières les plus orientales de l’Union européenne et c’est l’un des itinéraires privilégiés par les migrants. Bien que l’application de l’acquis communautaire soit suspendue dans le nord de Chypre, notre littoral reste une destination de prédilection pour les réfugiés et les trafiquants. Le peuple chypriote turc, en dépit de ses ressources limitées et de restrictions bien connues, essaie d’aider les réfugiés et les migrants, avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le UNHCR.

Notre parlement est en train d’élaborer un texte législatif visant à améliorer les droits des réfugiés. Cependant, il faut que nous puissions renforcer notre coopération ainsi que nos relations diplomatiques avec les pays européens pour mettre en place un système efficace de protection des réfugiés.

Le 18 juillet 2018, un bateau transportant 150 réfugiés a coulé au large des côtes de la partie nord de Chypre. Les garde-côtes chypriotes turcs, avec le concours des garde-côtes turcs, ont sauvé ces personnes et les ont amenées à terre en Turquie – pays qui, j’en profite pour le rappeler, a accueilli 3 millions de réfugiés et de migrants. Une personne réfugiée gravement malade a été traitée dans le nord de Chypre, puis elle a été accompagnée par le HCR dans la partie sud de Chypre, où sa famille avait déjà demandé l’asile.

Une autre fois, la mer a rejeté des réfugiés sur les côtes de la partie nord de Chypre. Nos autorités ont été informées par le HCR que les parents de l’une de ces victimes avaient demandé l’asile dans la partie sud. Comme l’ont demandé ses parents, cette victime a pu trouver une sépulture digne dans la partie nord. Les parents ont pu venir assister à la cérémonie funéraire, en dépit du fait qu’ils ne disposaient pas de documents de voyage valides.

LE PRÉSIDENT* – Puisqu’il nous reste un peu de temps, je donne la parole à Mme Christoffersen, même si elle n’était pas initialement inscrite sur la liste des orateurs.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Merci, Monsieur le Président.

Dans son rapport, Mme Sandbæk nous rappelle à juste titre que le droit à la vie familiale est protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Or la Convention ne concerne pas les seuls Européens, mais s’étend à toute personne qui réside sur le sol européen. Son article 8 protège donc le droit à la vie familiale de tout résident, permanent ou temporaire. En d’autres termes, le fait de permettre le regroupement familial par des moyens sûrs et légaux est une obligation que nous impose la Convention. C’est un point important que nombre des États membres de notre Organisation semblent avoir oublié.

En juin 2017, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a publié un document sur le regroupement familial dont le message était parfaitement clair: «Les États membres sont soumis à l’obligation juridique et morale de garantir le regroupement familial. En vertu des normes internationales en matière de droits de l’homme, les personnes en quête de protection doivent pouvoir se faire rejoindre par leur famille de manière effective et dans un délai raisonnable. Les États doivent lever les nombreux obstacles au regroupement familial et traiter de la même manière toutes les personnes en quête de protection.» Cela vaut tant pour les réfugiés, pour lesquels s’applique la Convention de 1951, que pour les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire.

Pourtant, les pays s’efforcent les uns après les autres de circonscrire l’afflux de demandeurs d’asile en limitant le regroupement familial. Leurs arguments officiels sont la lutte contre les trafiquants et la crainte que les gens ne risquent leur vie en traversant la Méditerranée. Ce dernier argument manque de logique: sans moyens sûrs et légaux de regroupement familial, les personnes cherchant à gagner l’Europe par des chemins dangereux seront encore plus nombreuses, et parmi elles il y aura des femmes et des enfants, lesquels sont particulièrement vulnérables.

Nous avons débattu ici même, hier, des risques de radicalisation, qui résultent notamment de l’échec de l’intégration. N’oublions pas cet aspect en discutant du rapport de Mme Heinrich. En 2016, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a publié un autre document, intitulé «Intégration des migrants: il est temps que l’Europe prenne ses responsabilités», qui démontrait par des faits qu’un regroupement familial rapide favorise l’intégration, surtout si l’on donne davantage de pouvoir aux femmes. Lorsque les migrantes ont accès à l’éducation, au marché du travail, à la vie sociale et aux activités culturelles, elles sont moins vulnérables à la discrimination, à la violence, aux mariages forcés et aux mutilations génitales. En outre, les femmes étant aussi des mères, en leur donnant davantage de pouvoir, on en donne aussi aux générations futures.

LE PRÉSIDENT* – Voilà qui conclut la liste des orateurs.

J’appelle la réplique des commissions.

Mme HEINRICH (Allemagne), rapporteure* – Merci à tous de vos mots aimables sur mon travail.

Il ressort des nombreuses interventions que cette Assemblée considère les femmes comme une partie intégrante et importante du système. Il était bon de le répéter.

J’aimerais réagir à ce qu’ont dit nos deux collègues de Turquie. Je sais parfaitement tout ce que la Turquie a fait et tout ce qu’elle fait encore pour les nombreux réfugiés qu’elle accueille. Malheureusement, pour différentes raisons, il n’a pas été possible d’obtenir des informations sur ce point de manière à pouvoir les inclure dans le rapport. Nous le regrettons, mais le processus est loin d’être achevé.

M. Bakradze a estimé que nous devrions parler aussi de l’immigration économique. Or, au-delà des seules réfugiées, mon rapport concerne bien toutes les femmes qui arrivent dans nos sociétés. Toutes ont besoin de notre soutien, même si elles ne le demandent pas toujours.

M. Heinrich a indiqué que nous avions en Allemagne une certaine expérience des travailleurs étrangers. Certaines erreurs ont été commises, dont nous devons nous garder à l’avenir pour éviter toute forme d’exclusion.

Parmi les différents projets auxquels je me suis intéressée en préparant mon rapport figure le plan d’action norvégien intitulé «Le droit de décider de sa propre vie». Voilà la meilleure protection possible: les femmes peuvent s’autonomiser, décider par elles-mêmes de la manière dont elles souhaitent vivre, s’intégrer et inclure leur famille dans cette démarche.

Je n’ai pas été surprise des interventions de nos amis du Canada, traditionnellement pays d’accueil. J’étudierai le sujet, et je ne doute pas que nous y trouverons beaucoup d’exemples très positifs.

Contribuer à l’inclusion des femmes dans le processus d’intégration pour les rendre plus visibles, étudier les financements des projets: tout cela est dans nos moyens. Soyons donc plus attentifs à ces femmes. À ce stade, je ne peux espérer produire d’autres effets par ce seul rapport. De toute façon, nos rapports ne sont jamais la conclusion d’un processus, mais ils peuvent servir de point de départ à une amélioration au sein des États membres.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – La commission sur l’égalité et la non-discrimination est très fière du rapport de Mme Heinrich, que nous remercions de son excellent travail.

Notre rapporteure a examiné le phénomène migratoire sous l’angle de l’égalité de genre et sous un jour positif. Les migrantes et les réfugiées s’exposent à bien des dangers; elles sont souvent victimes de violences, notamment sexuelles, et de traite. Dans la société où elles arrivent, elles se heurtent fréquemment à des préjugés. Toutefois, le rapport montre aussi le potentiel considérable de ces femmes, qui peuvent commencer une nouvelle vie, mais également aider leur communauté à mieux s’intégrer.

Le rapport fait état de la multitude de projets et de programmes qui ont été créés un peu partout en Europe pour permettre à ces femmes de s’exprimer, d’apprendre, de travailler, de créer des richesses dans leur nouvel environnement, en relayant les histoires d’autres femmes qui ont réussi à apporter quelque chose de différent.

Le rapport présente les femmes non pas seulement comme des épouses, des mères ou des sœurs, mais bien comme des personnes à part entière. Comme tous les migrants et réfugiés, elles ont besoin d’aide pour s’épanouir pleinement. Cela nécessite de prendre en considération la perspective de genre.

Beaucoup de nouvelles arrivantes ne sont pas entièrement conscientes de leurs droits et des possibilités qui s’offrent à elles. Certaines sont cantonnées à des rôles traditionnels qui limitent leurs ambitions et les empêchent de s’épanouir. Le texte appelle les États membres à se préoccuper de ces problèmes.

Mes chers collègues, je vous invite à apporter tout votre soutien au projet de résolution contenu dans notre rapport, dont le but final est la réussite des migrantes et des réfugiées, dans l’intérêt de toutes les femmes, des hommes et des sociétés européennes en général.

Mme SANDBÆK (Danemark), rapporteure* – Je voudrais commencer par remercier ma commission, en particulier son secrétariat, particulièrement M. Dossow qui m’a aidée à rédiger le projet de résolution et qui a réuni un groupe d’experts remarquables, notamment à Bruxelles, où nous avons rencontré nombre de personnes compétentes.

Permettez-moi également de remercier l’ensemble des participants au débat. J’ai été très heureuse de constater qu’ils partageaient mon sentiment: il s’agit ici non pas de règles ou de statistiques, mais d’êtres humains, d’hommes et de femmes qui se trouvent séparés de leurs proches et qui ont droit au regroupement familial.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à la vie familiale. Malheureusement, il n’explique pas comment le regroupement familial doit s’effectuer. Il n’édicte pas des règles que les États membres pourraient appliquer, par exemple en matière de délais ou de mesures à prendre.

Plusieurs parlementaires ont souligné ce besoin d’encadrement, de directives communes à tous. C’est extrêmement important, car nous constatons qu’un nombre croissant d’États membres utilisent les règles en matière de regroupement familial pour décourager les réfugiés de gagner leur pays. Mon propre pays est du nombre. Chaque fois que l’on rend les règles plus strictes, on dissuade des réfugiés de venir. On commence par dire qu’une demande de regroupement familial ne peut être déposée qu’au bout d’un an, puis on met extrêmement longtemps à répondre à ces demandes. Pour les personnes faisant l’objet d’une protection subsidiaire, la demande de regroupement familial n’est possible qu’au bout de trois ans.

Bien entendu, les réfugiés recherchent le pays qui sera le plus accueillant, qui leur accordera la meilleure protection. L’une de leurs priorités est naturellement de retrouver leurs proches. Lorsqu’un pays s’arrange pour rendre cela pour ainsi dire impossible, il dissuade de fait les réfugiés et les migrants de s’y rendre. Je trouve ce procédé déplorable et j’espère que nous pourrons mettre en place des règles communes pour que nos pays ne puissent plus décourager ainsi les migrants et les réfugiés.

Un grand nombre d’entre vous ont évoqué également la situation des mineurs non accompagnés. C’est un thème particulièrement important. Il faut leur offrir les meilleures conditions possibles. J’aimerais, à cet égard, aborder un point dont je n’ai pas parlé précédemment et que je n’ai pas non plus évoqué dans mon rapport. Lorsqu’un mineur non accompagné se trouve dans un pays, bien souvent on lui attribue un tuteur. Je suis moi-même tutrice d’un mineur non accompagné qui, fort heureusement, a été autorisé à rester au Danemark. Je peux vous dire qu’aujourd’hui, il fait partie de la famille. La plupart de ces mineurs non accompagnés finissent pas s’intégrer dans les familles d’accueil. Ils ont aussi un droit à la vie familiale. Or, lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, ils sont renvoyés dans leur pays d’origine, alors qu’il n’y a plus personne sur place pour s’occuper d’eux. Ils sont donc séparés de leur famille d’accueil et c’est aussi regrettable.

Prenons l’exemple des mineurs originaires d’Afghanistan, que personne ne souhaite accueillir. Certains d’entre eux arrivent à l’âge de 10 ans ou 11 ans dans leur pays d’accueil. Une fois qu’ils ont 18 ans, c’est-à-dire au moment où ils sont pleinement intégrés dans une famille d’accueil – au Danemark, par exemple –, on les renvoie en Afghanistan, un pays dont ils ne connaissent même plus la langue, où ils ne connaissent personne car, la plupart du temps, leur famille se trouve en Iran et ils ne peuvent pas la retrouver car ils ignorent où elle se trouve précisément.

Il faudrait donc que des règles établissent que, si l’on a vécu un certain nombre d’années dans un pays en tant que mineur non accompagné, on peut obtenir le statut de réfugié. Être renvoyé ainsi dans son pays d’origine est un traitement inhumain.

Je tiens enfin à féliciter le Canada, car même s’il n’existe pas de règles l’incitant à accepter le regroupement familial, ses représentants nous ont communiqué il y a quelques instants des chiffres assez impressionnants sur le nombre de familles qui ont pu être réunifiées. C’est un excellent exemple, qui doit nous inspirer en Europe, où le regroupement familial n’est pas toujours aussi bien appliqué.

Je vous remercie tous et vous invite à relayer dans vos parlements respectifs le message que nous avons émis aujourd’hui, afin de préserver l’esprit de ce débat.

M. MUNYAMA (Pologne), vice-président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Notre commission souhaite exprimer sa satisfaction. Les rapports de Mmes Sandbæk et Heinrich ont été débattus conjointement et Mme Jansson a pu faire part de son avis. Le débat conjoint nous a permis d’approfondir ces questions.

Je voudrais remercier Mme Sandbæk de sa contribution extrêmement intéressante à notre commission lors de la préparation de son rapport, en particulier pour l’audition organisée avec l’UNHCR et pour les contacts qu’elle a noués avec l’Union européenne.

La séparation des familles sur une très grande échelle est un fléau. Dans un processus de migration, les familles ont toujours été séparées. Nous avons été frappés par des récits extrêmement tristes dans les médias. Mme Sandbæk a fait référence aux obligations internationales des États, en évitant toute tendance à faire preuve d’une position subjective et superficielle.

Je voudrais enfin remercier les secrétariats de commission pour l’excellent travail qu’ils ont mené pour aider nos rapporteurs.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

S’agissant du premier rapport sur «Le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe» (Doc. 14626), la commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel 4 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous abordons tout d’abord le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la présidence de la commission des migrations proposait que les amendements 4 et 1, qui ont été approuvés à l’unanimité par la commission, soient déclarés adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. MUNYAMA (Pologne), vice-président de la commission des migrations* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande)* – Les réfugiés manquent souvent d’argent pour payer les frais de voyage pour un regroupement familial. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a proposé de créer un fonds spécial pour régler cette question. Nous devons soutenir cette initiative.

M. MUNYAMA (Pologne), vice-président de la commission des migrations* – Avis favorable.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme BRYNJÓLFSDÓTTIR (Islande)* – Je souhaite insister sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Les procédures de divorce ne doivent pas entraver le regroupement familial.

M. MUNYAMA (Pologne), vice-président de la commission des migrations* – Avis favorable.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14626, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (35 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention).

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14626.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (36 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons au second rapport sur «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être des actrices essentielles de l’intégration» (Doc. 14606).

La commission sur l’égalité a présenté un projet de résolution sur lequel 9 amendements et 2 sous-amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait que les amendements 2, 4, 5, 7, 8 et 9, qui ont été approuvés à l’unanimité par la commission, soient déclarés adoptés par l’Assemblée.

Les amendements 3 et 6 ont également été adoptés à l’unanimité par la commission. Cependant, dans la mesure où ils ont été sous-amendés, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité * – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je suis saisi de l’amendement 1.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis* – Nous souhaitons souligner la responsabilité des États quant à leur action ou leur inaction. Cette responsabilité ne doit pas seulement incomber aux États membres de l’Union européenne; elle doit s’appliquer à tous les États membres du Conseil de l’Europe.

Mme HEINRICH (Allemagne), rapporteure* – Je suis contre cet amendement. Nous devons avant tout critiquer l’Union européenne pour sa politique en matière de migrations, non le Conseil de l’Europe.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité »* – Avis défavorable.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis* – La reconnaissance des études et des diplômes est un objectif du Conseil de l’Europe. Les migrants et réfugiés ont souvent des difficultés à les faire reconnaître dans leur pays d’accueil.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie d’un sous-amendement par la commission sur l’égalité.

Mme HEINRICH (Allemagne), rapporteure* – L’amendement de la commission des migrations est pertinent, mais il ne se trouve pas à la bonne place. Nous préférerions qu’il figure après l’article 8.8.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité* – Avis favorable sur l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 3, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis* – L’amendement est soutenu.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie d’un sous-amendement par la commission sur l’égalité.

Mme HEINRICH (Allemagne), rapporteure* – L’amendement est bon, il améliore le rapport. Nous proposons que les mots en question ne soient pas ajoutés au paragraphe 8.5, mais qu’ils deviennent un paragraphe à part entière.

Mme JANSSON (Suède), rapporteure pour avis* – Avis favorable.

Le sous-amendement est adopté.

Mme KOVÁCS (Serbie), présidente de la commission sur l’égalité* – Avis favorable sur l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 6, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT*– Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14606, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (38 voix pour, 2 voix contre, 1 abstention).

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19h45.

SOMMAIRE

1. Le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès des processus de décentralisation

Présentation par M. Leite Ramos du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14623)

Mme Mosler-Törnström, Présidente du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

Orateurs: M. Goncharenko, Mmes Rodríguez Hernández, Gorrotxategui, Filipovski, Muñoz, MM. Schäfer, Soleim, Golub, Bildarratz, Xuclà, Simms, Murray, Lopushanskyi, Mme Şupac, M. Howell, Lord Foulkes, MM. Reiss, Kitev, Roca, Büchel, Waserman

Réponses de M. le rapporteur et de M. le président de la commission

Vote sur un projet de résolution amendé

2. Le regroupement familial des réfugiés et des migrants dans les États membres du Conseil de l’Europe.
Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être actrices essentielles de l’intégration

(Débat conjoint)

Présentation par Mme Sandbæk du rapport de la commission des migrations (Doc. 14626)

Présentation par Mme Heinrich du rapport de la commission sur l’égalité (Doc. 14606)

Présentation par Mme Jansson de l’avis de la commission des migrations (Doc. 14630)

Orateurs: MM. Bildarratz, Psychogios, Mmes Filipovski, Heinrich, Bayr, MM. Howell, Schennach, Bakradze, Double, Şahin, Mmes Brynjólfsdóttir, Çelik, M. Whalen, Mmes Galvez, d’Ambrosio Harder, M. Saner, Mme Christoffersen

Réponses de Mmes les rapporteures, de Mme la présidente de la commission sur l’égalité et de M. Munyama, vice-président de la commission des migrations

Votes sur un projet de résolution amendé et un projet de recommandation (Doc. 14626)

Vote sur un projet de résolution amendé (Doc. 14606)

3. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure.The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement.Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ÆVARSDÓTTIR, Thorhildur Sunna [Ms]

ALTUNYALDIZ, Ziya [Mr]

BAKRADZE, David [Mr]

BARNETT, Doris [Ms]

BAYR, Petra [Ms] (ESSL, Franz Leonhard [Mr])

BERGAMINI, Deborah [Ms]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BÖKE, Selin Sayek [Ms]

BRYNJÓLFSDÓTTIR, Rósa Björk [Ms]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (FIALA, Doris [Mme])

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ÇELİK, Sena Nur [Ms]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CILEVIČS, Boriss [Mr] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

COAKER, Vernon [Mr] (WILSON, Phil [Mr])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr]

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DOUBLE, Steve [Mr] (DONALDSON, Jeffrey [Sir])

EIDE, Espen Barth [Mr]

EMRE, Yunus [Mr]

ESTRELA, Edite [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (OBRADOVIĆ, Marija [Ms])

FOULKES, George [Lord] (SHARMA, Virendra [Mr])

FRESKO-ROLFO, Béatrice [Mme]

FRIDEZ, Pierre-Alain [M.]

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GAILLOT, Albane [Mme]

GAVAN, Paul [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr] (LOMBARDI, Filippo [M.])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GOLUB, Vladyslav [Mr] (GERASHCHENKO, Iryna [Mme])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORROTXATEGUI, Miren Edurne [Mme] (BUSTINDUY, Pablo [Mr])

GRAF, Martin [Mr]

GRIMOLDI, Paolo [Mr]

GUNNARSSON, Jonas [Mr]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HEER, Alfred [Mr]

HEINRICH, Frank [Mr] (VOGEL, Volkmar [Mr])

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

KASIMATI, Nina [Ms]

KASSEGGER, Axel [Mr] (AMON, Werner [Mr])

KATSIKIS, Konstantinos [Mr] (MEIMARAKIS, Evangelos [Mr])

KAVVADIA, Ioanneta [Ms]

KILIÇ, Akif Çağatay [Mr]

KIRILOV, Danail [Mr] (GROZDANOVA, Dzhema [Ms])

KITEV, Betian [Mr]

KOPŘIVA, František [Mr]

KOX, Tiny [Mr]

KYRIAKIDES, Stella [Ms]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LEŚNIAK, Józef [M.] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

LINK, Michael [Mr] (JENSEN, Gyde [Ms])

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr] (BEREZA, Boryslav [Mr])

MASIULIS, Kęstutis [Mr] (TAMAŠUNIENĖ, Rita [Ms])

MIKKO, Marianne [Ms]

MUÑOZ, Esther [Ms] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

MUNYAMA, Killion [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

MURRAY, Ian [Mr]

NENUTIL, Miroslav [Mr]

NISSINEN, Johan [Mr]

OEHME, Ulrich [Mr] (KLEINWAECHTER, Norbert [Mr])

ORTLEB, Josephine [Ms] (AMTSBERG, Luise [Ms])

ÖZSOY, Hişyar [Mr]

PACKALÉN, Tom [Mr]

PISCO, Paulo [M.]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (TZAVARAS, Konstantinos [M.])

RAMPI, Roberto [Mr]

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme]

ROCA, Jordi [Mr] (GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

ROJHAN GUSTAFSSON, Azadeh [Ms] (OHLSSON, Carina [Ms])

ŞAHİN, Ali [Mr]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHÄFER, Axel [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

SIDALI, Zeki Hakan [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOLEIM, Vetle Wang [Mr] (WOLD, Morten [Mr])

ŞUPAC, Inna [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (MAURY PASQUIER, Liliane [Mme])

TÜRKEŞ, Yıldırım Tuğrul [Mr]

VOGT, Günter [Mr] (WENAWESER, Christoph [Mr])

WASERMAN, Sylvain [M.]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (MATARÍ, Juan José [M.])

YEMETS, Leonid [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BEREZA, Boryslav [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

Observers / Observateurs

GALVEZ, Rosa [Ms]

HARDER, Rachael [Ms]

SIMMS, Scott [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

---

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

CANDAN Armağan

SANER Hamza Ersan