25.01.10

ALLOCUTION D’OUVERTURE

MONSIEUR MEVLÜT ÇAVUŞOĞLU

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION DE JANVIER 2010

(Strasbourg, lundi 25 janvier 2010, 11h30)


Mesdames et Messieurs,

chers collègues,

C'est un grand honneur pour moi que d'avoir été élu à la présidence de notre Assemblée et je vous remercie de votre confiance. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’en montrer digne et j’entends bien assumer ces hautes fonctions le mieux possible.

Avant tout, je souhaite que nous observions une minute de silence en hommage aux victimes du tremblement de terre d’Haïti. J'espère vivement que l'Assemblée examinera cette semaine les moyens concrets que les pays européens peuvent mettre en œuvre pour apporter leur aide de la manière la plus rapide et plus efficace face à d'aussi terribles tragédies.

Même si j'ai toujours rêvé de m'engager en politique, je n'aurais jamais pu imaginer alors que, jeune garçon, je travaillais dans la ferme de mon père, à Alanya-Antalya, qu'un jour je deviendrais le Président d'une Assemblée qui représente 47 Etats et 800 millions d'Européens.

Je tiens à remercier sincèrement tous les membres de cette Assemblée. Je remercie les personnes qui ont proposé ma candidature et qui l'ont soutenue. Je remercie mon groupe politique, le Groupe des Démocrates européens, et tous les membres des autres groupes politiques, notamment leurs présidents. Je remercie les membres de la délégation turque, en rappelant que leurs prédécesseurs n’ont eu de cesse de servir cette Assemblée avec dévouement, depuis la création du Conseil de l'Europe, en 1949.

Cette année-là, le Vice-Président turc de l’Assemblée, M. Kasım Gülek, s'adressant aux membres fondateurs de cette maison, a déclaré : « Un jour, tous les pays et tous les peuples d'Europe seront représentés dans cette Assemblée ». Aujourd'hui, 60 ans plus tard, ce rêve est devenu réalité et notre Assemblée parlementaire est le seul organe véritablement paneuropéen. Nous attendons encore que le Bélarus soit en mesure de nous rejoindre.

Permettez-moi aussi de remercier le Gouvernement turc, dont un membre éminent est parmi nous aujourd'hui en la personne de M. Bağış, son ministre des Affaires européennes, et la Grande assemblée nationale de Turquie, pour leur soutien et pour leurs encouragements à mon égard, mais aussi pour les nombreuses réformes qu'ils ont récemment entreprises en Turquie, réformes qui ont conduit à la clôture de la procédure de suivi de mon pays par l'Assemblée parlementaire et qui ont encore renforcé les droits de l'homme, la démocratie et la prééminence du droit en Turquie.

Je tiens aussi à rendre hommage à mon prédécesseur, Lluís Maria de Puig. Son grand sens de la diplomatie, sa gentillesse et le respect qu’il témoigne à tous, indépendamment de leur appartenance politique, ont fait de lui un excellent Président ces deux dernières années ; grâce à lui, nous avons pu surmonter de nombreuses difficultés. Je tiens aussi à rendre hommage à un autre grand Président de l'Assemblée devenu Président du Sénat néerlandais, René van der Linden, qui est avec nous aujourd'hui.

Permettez-moi à présent de dire quelques mots en turc.

Chers collègues,

J'ai toujours pensé que l’on fait de la politique pour influer sur la vie des gens, pour apporter des changements et améliorer les choses. Je suis heureux et fier d'être le premier citoyen turc à occuper ce poste et d'être le plus jeune Président, et paradoxalement aussi le plus dégarni.

Chers collègues,

A l'ère de la mondialisation, nous sommes inévitablement confrontés à des défis : les crises économiques, les problèmes environnementaux, et surtout la montée de l'intolérance et de la discrimination dans nos sociétés. La tolérance reste, en Europe, un objectif important, que nous ne pouvons pas négliger. Nous devons éviter à tout prix que se créent de nouveaux clivages, dus à la fausse image que nous avons d'autrui et à notre refus d'accepter la différence. C'est d'abord dans nos têtes que nous devons faire tomber les murs. Sans ce changement de mentalité, il n'est pas de vraie liberté.

Nous devons bâtir notre maison commune européenne sur une société ouverte, qui respecte la diversité et refuse l'exclusion, refuse la discrimination, refuse la peur et refuse la haine. Les migrations doivent être considérées comme une chance, et non pas comme une menace. Il est de notre devoir d'intensifier le dialogue interculturel et interreligieux. Nous devons éradiquer le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, l'islamophobie, et toutes les craintes irraisonnées qui conduisent à la discrimination et à l'intolérance.

Permettez-moi de citer à ce propos le célèbre philosophe Mevlana Rumi, qui disait :

Viens, rejoins-moi, rapproche-toi,

Combien de temps encore va durer ce schisme ?

Combien de temps encore le vacarme des armes ?

Car tu es moi et je suis toi.

Combien de temps encore cette opposition entre toi et moi ?

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour réaliser l'idéal européen qui consiste à permettre à chacun de vivre dans la dignité et la sécurité. A cet égard, nous devons collaborer étroitement pour condamner et combattre le terrorisme, qui menace directement nos valeurs, mais sans jamais renoncer à respecter pleinement la démocratie, les droits de l'homme et la prééminence du droit.

Je suis particulièrement fier de prendre mes fonctions à un moment où il est devenu indispensable de réformer le Conseil de l'Europe, en tirant tous les enseignements de ses 60 ans d'existence.

Oui, aujourd'hui, la réforme est plus nécessaire que jamais. Nous devons nous employer activement à défendre les valeurs que nous partageons, le fonctionnement de la démocratie, la prééminence du droit et, plus que tout, la protection des droits de l'homme. Le Conseil de l'Europe, et notre Assemblée en particulier, ont à cet égard un rôle central à jouer.

A propos de réforme, je suis convaincu que nous soutenons tous sans réserve celle qui intéresse la Cour européenne des droits de l'homme.

Membre de cette Assemblée depuis sept ans, j'ai connu trois Présidents et deux Secrétaire Généraux. Aujourd'hui, avec un nouveau Président et un nouveau Secrétaire Général, je crois que nous avons une occasion unique de travailler tous ensemble pour contribuer à la réforme du Conseil de l'Europe.

Il n'est pas possible de protéger les droits et les libertés en restant loin des citoyens. Or nous, membres de l'Assemblée parlementaire, représentons les citoyens. Nous connaissons leurs besoins et pouvons mesurer les effets réels des initiatives du Conseil de l'Europe sur la population.

C'est pourquoi l'Assemblée parlementaire doit aider le Secrétaire Général à mettre en œuvre les améliorations institutionnelles qu'il envisage. Nous, au sein de l'Assemblée parlementaire, devons aussi commencer à discuter des changements que nous pouvons apporter à nos méthodes de travail, à nos procédures et à nos structures. Nous devons réfléchir aux moyens d'améliorer la pertinence et l'efficacité de nos activités.

Je poursuivrai ces objectifs en collaboration avec tous les groupes politiques et avec les présidents de toutes les commissions de l'Assemblée.

Je tends la main au Comité des Ministres et l'assure de ma volonté de collaborer. Les représentants permanents des Etats membres trouveront toujours ma porte ouverte. Il va sans dire que ma porte sera aussi grande ouverte à tous les membres de cette Assemblée.

Au cours de mon mandat, je souhaiterais, non pas transformer l'Assemblée, mais plutôt l’aider à tirer le meilleur parti de ses atouts. Je voudrais encourager l'Assemblée à ouvrir la voie et à convaincre les peuples de toute l'Europe que nous sommes une Organisation qui ne se contente pas de beaux discours, que nous sommes prêts à écouter et à agir en conséquence.

Je défendrai les droits de cette Assemblée, toujours et partout. A cet égard, j’aurai trois grandes missions en tant que Président de l'Assemblée :

-       défendre les valeurs de l'Assemblée ;

-       défendre le droit des personnes à venir à l'Assemblée et à participer librement à ses débats ;

-       défendre la cause de l'Assemblée parlementaire dans toute l'Europe.

Par ailleurs, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne crée de nouvelles possibilités de coopération avec l'Union européenne. Le renforcement des relations avec l'Union européenne doit être notre priorité.

Mesdames et Messieurs,

chers collègues,

Je viens d'un pays qui est fier d'être, depuis deux millénaires, un pont entre deux continents. Je veux donner une nouvelle dimension politique à cette fonction et être un pont entre les peuples d’Europe, qu’ils vivent sur les terres gelées de l’Arctique ou sur les plages ensoleillées d’Antalya. Et par « Europe », j'entends toute l'Europe : de Reykjavik, à l’ouest, à Vladivostok, à l’est, de Hammerfest, au nord, à La Valette, au sud. Je veux que les 800 millions d'Européens soient convaincus que l'Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe les écouteront, répondront à leurs préoccupations et protégeront ces valeurs auxquelles nous sommes tous, dans cet hémicycle, si profondément attachés.

Notre Organisation, qui représente ces 800 millions d'Européens, rassemble des pays très différents, mais rien n'est plus important que les valeurs qui unissent ces pays. Le rôle du Président et de maintenir cette cohésion et de faire connaître l'action de l'Organisation.

Je sais que ma tâche ne sera pas aisée, mais je ne suis pas entré en politique par facilité. J'espère cependant que nous aurons aussi quelques moments de sérénité, à l’idée que notre travail a été couronné de succès. Bien entendu, je ne peux réussir que si je peux compter sur votre soutien, et particulièrement sur celui de notre Secrétaire Général, M. Sorinas, et de ses collaborateurs. J’accepte avec humilité et enthousiasme la grande responsabilité que l’Assemblée me confie. Je travaillerai avec vous et pour vous.

Permettez-moi de conclure par les mots du premier Président de cette Assemblée, M. Paul-Henri Spaak : « Au travail ! »

Je vous remercie de votre attention.