DISCOURS D’OUVERTURE

DE M. MEVLÜT ÇAVUŞOĞLU

PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION D’OCTOBRE 2010

(Strasbourg, lundi 4 octobre 2010, 11h30)

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de vous souhaiter une fois de plus la bienvenue à Strasbourg. Au cours de cette partie de session, nous aurons l’occasion de célébrer un grand anniversaire, celui de la signature de la Convention européenne des Droits de l’Homme, il y a soixante ans, le 4 novembre 1950 à Rome. Je souhaiterais remercier les Etats membres qui ont décidé d’organiser des événements commémoratifs dans leurs parlements nationaux à cette occasion.

Soixante ans, c’est toute une page d’histoire – de nombreux documents de cette époque, sont devenus des pièces d’archives, dépassées par l’évolution des événements. Pas la Convention – en dépit des progrès considérables enregistrés dans le domaine des droits de l’homme depuis 1950, de la disparition quasiment totale des régimes oppressifs du paysage européen, ses principes sont remis en cause tous les jours quelque part en Europe.

Beaucoup d’entre vous savent que le principe de non-discrimination est d’une importance particulière pour moi. Ces deux derniers mois, des questions liées à la population rom d’Europe ont soulevé de graves problèmes de discrimination. Le 20 août, j’ai déclaré que j’étais choqué par les récents actes de violence à l’encontre des Roms en Europe. Les mesures prises dans certains pays d’Europe n’ont certainement pas contribué à améliorer l’intégration de cette minorité vulnérable. J’ai souligné qu’elles étaient susceptibles d’entraîner une aggravation des sentiments racistes et xénophobes en Europe.

Depuis, d’autres voix influentes ont attiré l’attention sur le traitement des Roms, en particulier au niveau de l’Union européenne. J’ai dû rappeler à plusieurs reprises les principes et recommandations réaffirmés par l’Assemblée dans la Résolution que nous avons adoptée au mois de juin dernier, notamment au cours de mes visites officielles à la fin août en Roumanie et la semaine dernière à Paris.

Tout comme M. Jagland, le Secrétaire Général du Conseil, je pense qu’il faut maintenant que nous nous attachions à donner l’élan politique indispensable aux actions nationales et internationales existantes en faveur d’une intégration durable des Roms. J’ai donc apporté pleinement mon soutien à l’initiative du Secrétaire Général de convoquer une réunion à haut niveau sur les Roms le 20 octobre 2010 au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Il est temps de le faire et de le faire dans ce cadre-là. Je suis convaincu que le travail réalisé par l’Assemblée dans ce domaine, y compris le débat d’urgence demandé pour ce jeudi, sera pris en considération dans la déclaration finale de cette réunion.

J’aborderai aussi la question de l’intégration avec M. Westerwelle, le Ministre allemand des Affaires étrangères, au cours de notre rencontre d’aujourd’hui. Pour moi, intégration ne rime pas avec assimilation. Il faut que nous réussissions à associer les exigences légitimes des Etats qui demandent aux migrants de faire davantage d’efforts pour s’intégrer notamment en apprenant la langue du pays d’accueil, et la nécessité de préserver les traditions culturelles et religieuses des migrants.

J’ai entamé mon discours en évoquant les droits consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme. Je suis donc particulièrement heureux que pendant cette partie de session, nous discutions des rapports sur les droits des enfants, qui forment toujours un groupe très vulnérable au sein de la société. A cet égard, je suis heureux que Mme Hayrünnisa Gül, qui parraine la campagne turque « l’éducation libère » ait accepté notre invitation et intervienne au cours du débat sur le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés.

Sur le plan plus institutionnel, je tiens à vous informer que lors d’une réunion conjointe du Comité des présidents de l’Assemblée et de la Conférence des présidents du Parlement européen en septembre dernier à Bruxelles, nous avons entamé des discussions sur les mesures que les deux institutions parlementaires doivent prendre dans la perspective de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme. Nous avons notamment évoqué le droit du Parlement européen de désigner et d’envoyer un certain nombre de représentants à l’APCE quand nous élisons des juges à la Cour européenne des droits de l’homme et la création d’un organe informel pour coordonner le partage d’informations.

Les relations avec l’Union européenne sont, nous le savons, d’une importance déterminante pour le Conseil de l’Europe. J’ai été très honoré d’avoir été invité la semaine dernière par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française pour un échange de vues sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’UE. Il est donc fort opportun d’examiner demain le rapport sur la nécessité d'éviter le chevauchement des travaux du Conseil de l'Europe par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Chers amis,

Dans bon nombre de nos pays membres, les tensions sociales et les manifestions se multiplient en réaction aux mesures d’austérité adoptées par les gouvernements européens. Aussi, je vous invite à utiliser au mieux la tribune qui vous sera offerte mercredi, à l’occasion de nos discussions sur les droits de l’homme et les entreprises, mais aussi sur les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et de la Banque de développement du Conseil de l’Europe. C’est en période de crise que notre attachement aux droits de l’homme, y compris aux droits sociaux, est mis le plus rudement à l’épreuve. Nous devons envoyer un message fort depuis Strasbourg à tous les citoyens d’Europe afin de leur donner l’assurance que l’Assemblée parlementaire défendra leurs droits encore plus activement dans les périodes difficiles.

Pour finir, j’aimerais remercier la Présidence macédonienne, qui s’achèvera le mois prochain, pour son travail remarquable et pour son engagement envers le Conseil de l’Europe. Nous avons collaboré très étroitement avec mon ami et ministre des Affaires étrangères, M. Antonio Milošoski, qui s’est toujours montré disposé et prêt à soutenir les propositions et initiatives de l’Assemblée. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de dresser un bilan des résultats et des réalisations de la Présidence macédonienne avec le Premier ministre, M. Nikola Gruevski, qui prendra la parole devant nous, jeudi.

Chers collègues,

Il peut nous arriver d'être découragés par ce que nous estimons être une absence d'avancées sur certaines de nos résolutions, qui plaident en faveur du respect de nos principes fondamentaux et qui, au final, sont victimes de la politique menée dans la pratique. Mais, tôt ou tard, le temps prouvera que nous avions raison de rester fidèles à ces principes. Il y a cinquante ans, l’Assemblée parlementaire, alors présidée par mon prédécesseur danois, Per Federspiel, adoptait la Résolution n° 189, qui appelait au respect du libre arbitre des peuples baltes concernant leur droit à l’autodétermination. C’était alors difficile à imaginer, mais aujourd’hui, des collègues estoniens, lettons et lituaniens siègent dans cette Assemblée pour y représenter leurs Etats indépendants et démocratiques. Je tiens à les féliciter pour leurs prouesses et rends hommage au courage et à la détermination de leurs peuples. Nous devons croire à des principes et à des idéaux, même s’ils semblent difficiles à concrétiser.

Je vous souhaite à tous une session profitable et productive.

Merci de votre attention.