3.10.2011 – révisé

DISCOURS D’OUVERTURE DE M. MEVLÜT ÇAVUŞOĞLU

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

DU CONSEIL DE L'EUROPE

PARTIE DE SESSION D’OCTOBRE 2011

STRASBOURG, lundi 3 octobre 2011, 11 h 30

Chers collègues,

Je suis heureux de vous revoir à Strasbourg après la pause estivale. Cette année, la fin de l’été a été marquée par une terrible tragédie : la tuerie du camp de jeunes de l’île d’Utoya et l’attentat à la bombe d’Oslo. Permettez-moi d’exprimer à nouveau, au nom des 800 millions d’Européens que notre Assemblée représente, mes sincères condoléances aux familles des personnes décédées, aux autorités de la Norvège ainsi qu’à notre Secrétaire Général.

Nous avons été consternés par cette tuerie. A mon sens, le terrorisme reste la plus grande menace qui pèse actuellement sur les valeurs universelles des droits de l'homme. Mon pays, la Turquie, est également touchée par ce fléau ; en effet, récemment, l’explosion d’une bombe a fait trois morts à Ankara et, la semaine dernière, j’ai rendu visite, dans ma circonscription d’Antalya, à la famille d’un soldat turc tué par des terroristes, un parmi tant d’autres, malheureusement, à avoir perdu la vie en luttant contre le terrorisme. Pire encore, les victimes les plus récentes des terroristes en Turquie sont des femmes, des enfants, et même des bébés ; quatre jeunes filles ont été tuées à Siirt et une femme enceinte accompagnée de sa fille âgée de 4 ans ont brutalement trouvé la mort à Batman la semaine dernière.

Aucune cause, aucune motivation politique ne peuvent justifier le terrorisme et tout acte de cette nature, quelles que soient les raisons avancées, doit être considéré comme un crime contre l’humanité. Les terroristes n’ont aucune idée à défendre ; ils cherchent simplement à propager la haine et la barbarie. A l’occasion du 10e anniversaire des attentats terroristes de New York, nous avons publié, avec le Secrétaire Général et le Président en exercice du Comité des Ministres, M. Gryshchenko, une déclaration commune soulignant que le terrorisme n’est ni une idéologie, ni une nationalité, ni une religion. Sous toutes ses formes, le terrorisme est une violation du droit de l’homme le plus fondamental : le droit à la vie.

Notre réaction doit être fondée sur les droits de l'homme, la démocratie et l’Etat de droit. C’est pourquoi le rapport que nous présentera M. Dick Marty est si important ; il souligne que les services secrets et les agences de renseignements doivent rendre des comptes pour des violations des droits de l'homme comme la torture, les enlèvements ou les restitutions et qu’ils ne sauraient échapper aux enquêtes en invoquant de manière injustifiée la doctrine du « secret d’Etat ».

Une action rapide, ferme et efficace contre le terrorisme s’impose. Toutefois, à long terme, comme l’Assemblée l’a maintes fois affirmé, l’un des instruments les plus efficaces pour combattre l’extrémisme et l’intolérance, c’est le dialogue interculturel et interconfessionnel. Il y a un mois, au Parlement danois, j’ai déclaré que le meilleur modèle du « vivre ensemble » consistait à jeter des ponts entre les cultures et les religions dans un esprit de respect, de dialogue et de tolérance. Aujourd’hui, le multiculturalisme européen est en butte à des difficultés mais, au lieu de faire un constat d’échec, il faut adopter une approche réellement interculturelle permettant à des groupes culturellement différents au sein de la société de communiquer entre eux.

Chers collègues,

Après avoir marqué un certain recul au cours de l’année écoulée, la crise économique et financière s’aggrave de nouveau en Europe. Le cercle vicieux de l’endettement excessif, des déficits budgétaires considérables et de la faible croissance économique menace à présent le fondement même des structures européennes et la qualité de vie des citoyens européens.

L’Union européenne et son noyau dur, la zone Euro, sont sérieusement touchés par ces tendances négatives. Les plus hauts responsables européens parlent à présent d’une crise de l’Union européenne sans précédent depuis sa création. Il est extrêmement difficile de trouver les solutions adéquates pour y remédier mais j’espère que notre débat sur les activités de l’OCDE et notre échange de vues avec M. Gurria, son Secrétaire Général, nous permettront au moins de dégager quelques pistes.

La crise n’est plus purement économique. Les gouvernements sont contraints de faire des choix politiques, économiques et sociaux douloureux qui ont une incidence sur des millions d’Européens mais aussi sur nos valeurs. Lorsque le gâteau ne cesse de se réduire et qu’il n’y en a plus assez pour tout le monde, il devient de plus en plus difficile de s’assurer que les règles du jeu sont les mêmes pour tous. A mon avis, il est grand temps que notre Assemblée ait une discussion sérieuse et franche sur cette crise et ses conséquences.

Chers amis,

Le troisième défi important et urgent à relever que je tiens à mentionner ici aujourd’hui, c’est celui engendré par les changements révolutionnaires qui se produisent aux portes de l’Europe, notamment en Tunisie, en Egypte et en Libye, et par l’insurrection en cours en Syrie. S’agissant de notre action, j’estime que l’Assemblée est sur la bonne voie en mettant en œuvre une stratégie féconde, destinée à rapprocher les Etats non membres du Conseil de l'Europe et de nos normes.

Nous allons observer les élections en Tunisie et au Maroc et, après avoir accordé le statut de « partenaire pour la démocratie » au Parlement marocain, nous prendrons, demain, une décision sur la demande du Conseil national palestinien qui s’inscrit dans une évolution logique des choses puisque l’Assemblée coopère étroitement avec des représentants palestiniens depuis des années. Je suis convaincu que l’octroi du statut de « partenaire pour la démocratie » au Conseil national palestinien renforcera la coopération entre les Palestiniens et le Conseil de l'Europe et contribuera à la mise en œuvre de réformes démocratiques dans les territoires palestiniens. A cet égard, le discours de M. Mahmoud Abbas, jeudi prochain, sera un moment fort pour notre Assemblée.

Je tiens, en outre, à souhaiter la bienvenue parmi nous à une délégation du Parlement du Kirghizstan, conduite par son vice-président. Au cours de ma visite à Bichkek en juillet, j’ai encouragé le parlement à déposer une demande de statut de partenaire qui, je l’espère, nous parviendra prochainement.

Chers collègues,

Pour finir, je voudrais vous informer que la réunion conjointe annuelle traditionnelle des chefs des groupes politiques de notre Assemblée et du Parlement européen a eu lieu à Bruxelles, il y a deux semaines. Ce fut une bonne occasion de saluer les progrès réalisés concernant l’accord conclu sur les modalités de participation des représentants du Parlement européen à la procédure de l’Assemblée pour l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme.

Le soutien du Parlement européen à l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme et, de manière générale, sa volonté politique claire de renforcer notre coopération mutuelle ont été, pour nous, des signes d’encouragement. Par conséquent, le rapport de Mme Kerstin Lundgren relatif à l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l'Europe ne pouvait pas être présenté à un moment plus opportun.

J’espère vivement qu’en ces temps incertains, nos deux institutions uniront leurs forces pour créer un espace commun de protection des droits de l'homme sur l’ensemble du continent européen.

Je vous souhaite une session fructueuse. Je vous remercie de votre attention.