DISCOURS D'OUVERTURE

DE M. MEVLÜT ÇAVUŞOĞLU

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION D’AVRIL 2011

(Strasbourg, Lundi 11 Avril 2011, 11h30)

Chers collègues,

J’ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à Strasbourg pour une semaine qui, une fois encore, va être dense. Le printemps est en général porteur de renaissance, de renouveau, et aussi d’amour.

Aujourd’hui, nous sommes témoins de forces de renaissance et de renouveau à l’œuvre dans le monde arabe. Malheureusement, dans la plupart des cas, ces forces ne sont pas porteuses d’amour mais, au contraire, de mort et de violence.

Les révolutions à l’œuvre actuellement sont la preuve puissante que les valeurs que le Conseil de l'Europe promeut et défend - la dignité humaine, les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit - sont des valeurs universelles. Elles peuvent soulever les peuples les plus démunis et les plus oppressés et déraciner les dictatures les plus solidement implantées.

Bien entendu, nous soutenons les peuples du monde arabe dans leur aspiration légitime à bâtir des sociétés plus démocratiques. Mais ces révolutions et leurs conséquences tragiques nous ont pris par surprise. Nous cherchons encore les bonnes solutions à adopter, face aux crimes contre l’humanité qui sont commis quotidiennement en Lybie, par exemple, ou face à l'absence de volonté politique suffisante pour aider à soulager le sort d'innombrables réfugiés.

Je suis fier de dire que le Conseil de l’Europe, dans le cadre de ses ressources limitées, a réagi avec célérité et proposé son assistance et son expertise, en particulier à la Tunisie et au Maroc. L’adoption de nouvelles constitutions, l’organisation d’élections libres et justes, l’établissement d’institutions véritablement démocratiques et l’émergence d’une société civile, la consolidation du rôle des médias, l’instauration d’un meilleur équilibre entre les sexes sont autant de domaines où nous pouvons, où nous devons, apporter notre aide.

Un rapport exhaustif sur la situation dans le monde arabe ainsi que deux rapports spécifiques sur le Maroc et la Tunisie sont maintenant en préparation ; ils formeront sans nul doute l’un des temps forts de notre partie de session de juin. Je pense qu’il serait aussi utile de débattre cette semaine de l’évolution en cours de la situation en Afrique du Nord, ainsi que le Bureau l’a proposé ce matin.

Toutefois, il faut avant tout s’occuper d’urgence des aspects humanitaires de ces événements. Chaque jour, des réfugiés meurent en mer. On craint que le naufrage au large des côtes de Lampedusa d’un seul bateau en provenance de la Libye ait coûté la vie à 250 réfugiés. Et des dizaines d’autres embarcations font route vers les côtes européennes. C’est pourquoi je vous invite à soutenir le débat d’urgence demandé par la Commission des Migrations.

Chers collègues,

Ces évènements soulignent combien il est urgent d’intensifier le dialogue et la compréhension mutuelle, que ce soit avec nos voisins ou au sein de nos sociétés. L'Assemblée a assumé un rôle de chef de file et notre débat de cette semaine sur la dimension interreligieuse du dialogue interculturel sera une autre contribution importante à ce processus.

J’aimerais vous remercier d’avoir manifesté votre vif intérêt sous la forme d'idées et de propositions pour ce débat. Cinq éminentes personnalités religieuses, non seulement s'adresseront à nous à cette occasion, mais aussi écouterons ce que nous avons à leur dire.

Je me réjouis en particulier que nos efforts ne soient pas isolés, mais s’inscrivent dans les travaux et priorités du Conseil de l’Europe en général. Voilà ce que doit être la réforme – se concentrer sur les questions essentielles et unir nos forces avec celles d’autres instances de l’Organisation.

C’est pourquoi, durant notre partie de session de juin 2011, nous allons tenir un autre débat élargi sur « Vivre ensemble au 21e siècle », basé sur le rapport du Groupe d’Éminentes personnalités qui sera présenté au Comité des Ministres à la prochaine session ministérielle de mai à Istanbul.

A ce sujet, je me félicite tout particulièrement que le Premier Ministre de la Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, ait accepté notre invitation. Il s’adressera à l’Assemblée mercredi.

Comme vous le savez, avec le Premier Ministre espagnol, M. Zapatero, M. Erdogan a coparrainé l’Initiative de l’Alliance des Civilisations pour promouvoir une action internationale contre l’extrémisme par le dialogue interculturel et interreligieux et pour la coopération. Cette initiative met particulièrement l'accent sur la réduction des tensions entre les mondes occidental et islamique. Au vu des questions que nous allons traiter durant cette partie de session, je suis sûr que le discours de M. Erdogan et l’échange de vues qui suivra seront du plus haut intérêt pour nous tous.

Chers amis,

J’aimerais également rappeler que les situations de crise ne touchent pas seulement les pays en-dehors de l’Europe, mais se produisent aussi sur notre continent. En tant que personnalités politiques, et membres de cette Assemblée, nous devons nous sentir interpelés par certains développements économiques mondiaux qui ont des répercussions sur les droits de l’homme de nos concitoyens. Je pense à l’endettement excessif dans bon nombre de nos États membres.

L’endettement excessif force les gouvernements à faire des choix politiques, économiques et sociaux difficiles qui touchent des millions d'Européens et menacent actuellement le fonctionnement des structures étatiques et la qualité de vie des tous. Dans cette situation, et malgré le pouvoir des marchés financiers et des agences de notation, nous devons veiller à ce que les États gardent le contrôle, en tant que régulateurs et garants des droits des citoyens.

J’ai abordé cette question à l’occasion du Forum bancaire et financier européen qui s’est tenu récemment à Prague et je me réjouis, de ce fait, du rapport de notre collègue néerlandais, M. Omtzigt, sur « Le surendettement des États : un danger pour la démocratie et les droits de l’homme », que nous examinerons cet après-midi.

Chers collègues,

Malgré les dossiers difficiles qui sont à notre ordre du jour, je suis optimiste – nous allons trouver des solutions et surmonter les difficultés. Nous pouvons tirer des encouragements et nous inspirer de grandes avancées de l'esprit humain qui ont fait l'histoire. L'un d'entre eux sera commémoré demain, le 12 avril 2011 : il s’agit du 50e anniversaire du premier vol habité dans l’espace, par Youri Gagarine, le 12 avril 1961.

Je vous souhaite une partie de session fructueuse : que votre esprit s'envole, mais que vos pieds, de grâce, restent fermement ancrés au sol – de préférence dans cet Hémicycle, cette semaine.

Merci de votre attention.