1.10.2012

DISCOURS D’OUVERTURE

DE M. JEAN-CLAUDE MIGNON

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION D’OCTOBRE 2012

(Strasbourg, lundi 1er octobre 2012, 11 h 30)

Chers/chères collègues,

« C’est une époque de turbulences, de transition et de transformation » a déclaré la semaine dernière le Secrétaire Général des Nations Unis, M. Ban Ki-Moon, à New York, à l’ouverture de la soixante-septième session de l’Assemblée Générale des Nations Unis. Cette phrase résume parfaitement les réalités du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Un monde où des conflits régionaux provoquent des conséquences politiques et humanitaires globales ; un monde où le respect des droits fondamentaux et l’égalité des chances sont une quête permanente alors qu’ils devraient être une réalité quotidienne ; un monde frappé par une crise économique et financière globale, qui met en question notre modèle social et nos institutions ; un monde où la montée de l’intolérance et de l’extrémisme sapent le dialogue et l’interaction entre les différents peuples, cultures et religions.

Le Continent européen n’est pas épargné. L’Europe est appelée aujourd’hui à apporter des réponses rapides et efficaces face à ces défis globaux. Et notre Assemblée me semble être une place idéale pour confronter aujourd’hui les vrais problèmes et suggérer des solutions qui marchent.

Tout d’abord, nous devons agir d’urgence pour répondre aux menaces à la stabilité politique et démocratique dans la vaste région Euro-méditerranéenne. La situation en Syrie est très grave : après plusieurs tentatives infructueuses de négociations et face à la paralysie des mécanismes internationaux existants, la guerre avec ses pires atrocités fait rage sans qu’il y ait une vraie perspective de sortie.

Durant cette session, nous avons la possibilité de chercher ensemble des moyens concrets d’apporter une réponse européenne, efficace et coordonnée, à la crise humanitaire dans ce pays. Personnellement, je soutiens la tenue d’un débat sur cette question, et j’espère que vous vous prononcerez en faveur de cette proposition.

Dans un contexte plus général, je ne peux que partager avec vous aujourd’hui une certaine inquiétude face aux événements qui ont suivi le « Printemps Arabe ». Aujourd’hui, alors que les nouvelles autorités dans ces pays, établies après des élections que nous avons jugées globalement libres et démocratiques, tentent de mettre en place d’importantes réformes, nous avons toujours des interrogations sur le respect des valeurs et des standards que nous défendons, notamment, dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la place de la religion dans l’Etat, du respect des droits et des libertés fondamentales de tous, sans discrimination.

La semaine dernière, nous avons examiné ce sujet au plus haut niveau politique, dans le cadre de la Conférence européenne des Présidents de Parlement. Notre débat a été très riche et nous avons identifié des idées concrètes afin d’adapter au mieux notre action aux réalités sur le terrain.

Ceci étant, tout en apportant des réponses ciblées aux situations d’urgence, nous ne devons pas oublier le contexte général : la montée de l’intolérance et la propagation des idées extrêmes et extrémistes représentent un vrai danger pour la démocratie.

L’embrasement du monde musulman à la suite de la diffusion récente d’un film islamophobe sur internet, dont l’assassinat de l’Ambassadeur des Etats-Unis en Lybie est la pire des manifestations, nous montre clairement l’effet que ces actes inconsidérés et provocateurs peuvent avoir. Ces événements mettent en exergue l’importance du « vivre ensemble » - un domaine où notre Organisation a développé une expertise solide.

Mon prédécesseur, Mevlüt Cavusoglu, et Anne Brasseur ont lancé l’année dernière une série d’initiatives pour le développement du dialogue interculturel et de sa dimension religieuse. Cette semaine, compte tenu du fait que ce sujet est l’une des priorités de la Présidence albanaise au Comité des Ministres, nous suivrons avec d’autant plus d’intérêt l’exposé de M. Edmond Panariti, Président du Comité des Ministre et Ministre des Affaires Etrangères de l’Albanie.

Chers/chères collègues, Mesdames et Messieurs,

Notre modèle politique est fondé sur l’unité des valeurs et des standards que nous nous sommes engagés à promouvoir. Notre coopération est basée sur la confiance mutuelle et la bonne foi. C’est pour cette raison que l’affaire « Safarov » représente, à mon avis, un vrai défi pour les valeurs que nous défendons au sein de cette Organisation.

Par conséquent, ce sujet mérite d’être discuté au sein de cette Assemblée. La glorification du crime odieux commis par M. Safarov est inacceptable et je regrette profondément qu’un instrument juridique du Conseil de l’Europe, développé dans des fins très « humanistes », ait été utilisé pour gracier un criminel.

Mesdames et Messieurs, Chers/chères collègues,

Demain, nous allons examiner le rapport sur le respect par la Fédération de Russie de ses obligations et engagements – le premier rapport depuis 7 ans ! La Fédération de Russie est un grand acteur sur la scène politique Européenne et internationale. C’est aussi un Etat membre de notre Organisation qui s’est engagé à respecter ses valeurs et ses standards. Par conséquent, le débat sur le rapport du monitoring nous permet de dresser le bilan politique de la participation de la Russie aux travaux du Conseil de l’Europe, tout en identifiant, ensemble, des mesures concrètes pour renforcer notre coopération davantage, entre autres, sur des dossiers qui provoquent encore débat.

Dans ce contexte, je dois avouer que les tensions autour de ce rapport me mettent mal à l’aise, car elles n’ont aucune raison d’être. Notre Assemblée est un lieu de débat entre parlementaires qui expriment librement leurs idées et leurs opinions. Nos débats sont organisés selon les principes de dialogue et de respect mutuel, sur un pied d’égalité et sans doubles standards. La délégation russe fait partie de notre Assemblée et les députés et les sénateurs russes ont la même possibilité d’exprimer leurs points de vue que leurs collègues des 46 autres parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe, et j’espère qu’ils le feront au sein de la Commission de suivi aujourd’hui et en plénière demain.

On dit que pour un dialogue il faut être deux. Je suis en faveur d’un dialogue avec nos collègues et amis russes. J’espère qu’ils partagent pleinement cette approche et que nous allons bientôt avoir une autre occasion d’organiser un échange de vues avec M. Naryshkine, Président de la Douma d’Etat de la Fédération de Russie, qui a malheureusement annulé sa venue à Strasbourg durant cette partie de session.

Chers/chères collègues,

Dans nos travaux sur le respect des obligations et engagements, tous les pays membres de notre Organisation sont sur un pied d’égalité et il est de notre devoir de réagir chaque fois que nous détectons des dérives possibles. Cet été, nous avons suivi de près les développements en Roumanie. Afin de mieux comprendre la situation, je me suis rendu à Bucarest les 18 et 19 juillet dernier, avec mes collègues du Comité des Présidents. Nous avons demandé aux principales forces politiques d’amorcer entre elles un dialogue sérieux afin de mettre fin aux pratiques qui sapent le fonctionnement démocratique des institutions. Après la décision de la Cour constitutionnelle d’invalider les résultats du référendum du 29 juillet, j’ai lancé un appel à tous les acteurs politiques afin d’assurer le respect de cette décision et je constate aujourd’hui avec satisfaction que la situation s’est stabilisée depuis.

Nous avons mis en place un dialogue direct avec les autorités roumaines. J’ai rencontré personnellement, le 11 septembre dernier, le Ministre des affaires étrangères de la Roumanie, notre ancien collègue, M. Corlatean, et je l’ai assuré de notre promptitude à apporter à nos partenaires roumains le soutien dont ils peuvent avoir besoin, y compris après les élections législatives prévues pour décembre 2012.

Chers/chères collègues, Mesdames et Messieurs,

Cette semaine, nous allons accueillir parmi nous M. Nicolae Timofti, Président de la République de Moldova, et M. Bujar Nishani, Président de la République d’Albanie. M. Timofti et M. Nishani ont été récemment élus tous les deux par les Parlements respectifs de leurs pays, dans un contexte de relations particulièrement difficiles entre la majorité et l’opposition. Selon moi, leur venue à l’Assemblée parlementaire à Strasbourg au tout début de leur mandat est fortement symbolique. Nous allons donc les écouter avec beaucoup d’intérêt, afin d’identifier conjointement de nouvelles actions de coopération pour soutenir la République de Moldova et l’Albanie sur le chemin de l’intégration européenne.

Chers/chères collègues,

En guise de conclusion, permettez-moi de rappeler également que cette partie de session s’inscrit dans une succession d’événements internationaux de très haut niveau qui se déroulent à Strasbourg : j’ai déjà mentionné la Conférence européenne des Présidents de Parlement qui a rassemblé il y a une semaine plus de 60 Présidents de Parlement. J’ai personnellement reçu dans mon bureau 18 Présidents, ainsi que le Président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Je peux dire que leur évaluation de la conférence était très positive et je m’en réjouis.

Ce vendredi, nous allons démarrer dans cet Hémicycle la Deuxième Assemblée des jeunes du Conseil de l’Europe, avec 170 participants venant de tout le continent européen.

La semaine prochaine, Strasbourg accueillera le Forum Mondial de la Démocratie –événement politique majeur dont notre Assemblée a suggéré la tenue– avec la participation d’éminentes personnalités, comme le Secrétaire Général des Nations Unis, M. Ban Ki-Moon.

Cette succession d’événements à l’échelle internationale témoigne du fait que l’action de notre Organisation est toujours aussi pertinente sur le plan politique, et je m’en réjouis.

Chers/chères collègues, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à toutes et à tous une session intéressante et vous remercie de votre attention !