DISCOURS DE MONSIEUR LLUIS MARIA DE PUIG,
PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL
DE L’EUROPE,
A L’OCCASION DE LA REMISE DU PRIX NORD-SUD
(Lisbonne, mardi, 1er avril 2008)
Mesdames et messieurs,
Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour célébrer la remise d’un prix d’un nom peu ordinaire – Nord-Sud.
Le Nord-Sud, tout comme le Est-Ouest, est malheureusement une distinction créée par l’homme. Dans un monde naturel et juste, tel celui dont nous rêvons, le Nord et le Sud ne devraient être que des notions de géographie. Et la seule ligne de partage entre les deux ne devrait être que celle de l’Equateur, non pas celle de la richesse et de la pauvreté ou celle de l’indifférence et du désespoir.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au nom de laquelle j’interviens ce soir, a réussi justement à estomper cette division entre l’Est et le Ouest, en rassemblant sous son toit, sur un pied d’égalité, tous les pays de l’Europe, avec la seule exception du Bélarus.
En tant que représentants directs des peuples qui nous ont élus, nous nous sommes vite rendus compte que ce qui nous unit – nos valeurs communes de démocratie, droits de l’homme et prééminence du droit – va largement au delà des clivages politiques et les particularités nationales, culturelles, religieuses et ethniques.
Qu’en est-il de la division Nord-Sud ? Heureusement, le monde prend de plus en plus conscience qu’il est comme n’importe quel autre globe dans l’univers : il ne peut exister que si ses deux moitiés sont en parfait équilibre.
Malheureusement, cette prise de conscience croit surtout à cause des problèmes globaux dont nous souffrons de plus en plus ensemble : le réchauffement climatique, le terrorisme, les conflits armés et la précarité qui engendrent des flux massifs de réfugiés ; les déséquilibres démographiques ; les pandémies comme le SIDA, etc.
Nous n’avons pas une réponse toute faite à tous ces défis, mais nous avons quelques clés pour ouvrir des portes. La première, ce sont ces mots qui sont l’essence-même du Centre Nord-Sud, l’interdépendance et la solidarité. Dans un monde global, on ne peut plus ignorer ce qui se passe en disant que c’est l’affaire des autres. Et on ne peut plus imposer des solutions, sans dialogue, concertation et entre-aide.
Mais le plus grand atout dont nous disposons, ce sont ces grandes personnalités dont la vision et l’action sont à l’échelle globale. Elles sont à même de surmonter même les clivages les plus profonds et de faire avancer même les causes les plus difficiles, grâce à leur attachement profond et sans faille aux droits de l’homme et à la dignité de toute personne humaine.
Je ne répéterai pas tout ce qui a déjà été dit par les orateurs précédents sur le parcours extraordinaire et les qualités exceptionnelles de nos deux lauréats, Madame Simone Veil et Monsieur Kofi Annan.
Mais puisque l’Assemblée parlementaire représente en quelque sorte « la voix des Européens », je tiens à souligner à quel point votre action est en harmonie avec elle et à quel point votre stature universelle est susceptible d’amplifier cette voix, non seulement en Europe mais aussi partout dans le monde.
Madame Veil, notre organisation est la référence européenne en matière de démocratie et de droits de l’homme, que vous avez ardemment défendus pendant toute votre carrière de magistrat et de femme politique. La mémoire de l’histoire et la coopération culturelle, auxquelles vous vous êtes consacrée aussi de part votre expérience personnelle de la Shoah, sont pour nous des éléments essentiels pour construire un avenir européen commun.
Dans la poursuite de nos objectifs, nous nous efforçons de coopérer aussi étroitement que possible avec le Parlement européen que vous avez présidé, pour éviter les doubles emplois et pour renforcer l’efficacité des institutions européennes au bénéfice de nos citoyens.
Nous avançons la cause des droits de la femme pour lesquels vous avez toujours lutté. A titre d’illustration, dans dix jours, pendant la partie de session d’avril de notre Assemblée parlementaire, nous consacrerons un grand débat à l’ « accès à un avortement sans risque et légal en Europe » - un acquis que les femmes françaises ont grâce à vous…
Monsieur Annan, l’Assemblée parlementaire a hautement apprécié la réforme des Nations Unies que vous avez engagée. Elle s’est prononcée en faveur d’un renforcement de la dimension parlementaire de l’organisation, pour rendre l’ensemble du système des Nations Unies plus transparent, légitime et responsable, devant ses Etats membres mais aussi devant l’opinion publique en général.
Comme vous, nous défendons l’idée que pour vaincre la pauvreté, la précarité et les maladies, il faut commencer par le respect des droits humains et la dignité de chaque personne, sans distinction de race, d’ethnie ou de religion… La cohésion sociale, à laquelle vous avez consacré autant de votre énergie, constitue l’une des préoccupations majeures de notre organisation.
Le prix que nous vous remettons ce soir est une façon modeste de vous dire merci et une façon forte de vous dire à quel point nous avons besoin de vous, et de personnes comme vous, pour avancer.