14.04.08 - REVISEE

ALLOCUTION D’OUVERTURE

MONSIEUR LLUÍS MARIA DE PUIG

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION D’AVRIL 2008

(Strasbourg, 11h30, 14 avril 2008)


Mesdames et Messieurs, chers collègues,

Nous voici réunis de nouveau à Strasbourg. Comme toujours, la même passion nous anime : rendre notre action la plus utile possible, contribuer à ce que ce monde soit meilleur.

Des crises graves continuent à sévir dans ce monde : pensons au Proche Orient ; au Darfour ; à l’Iraq ; ou au Tibet.

Rendons-nous compte aussi de nouvelles crises qui peuvent nous affecter gravement : des émeutes de la faim qui éclatent de plus en plus souvent dans des pays du tiers monde et la paix et la stabilité en sont menacées.

Certes, nous n’avons pas le pouvoir logistique, économique ou militaire pour intervenir dans ces crises. Mais nous détenons un autre pouvoir essentiel, celui des droits de l’homme.

Car les droits de l’homme ne sont pas la cerise qu’on met sur le gâteau seulement après avoir atteint la stabilité et la prospérité économique. Ils sont la condition préalable, sans laquelle la paix, la stabilité et la prospérité durables sont impossibles.

Le Conseil de l’Europe est le temple des droits de l’homme sur notre continent. Mais en même temps, nous sommes les gardiens et les porteurs d’un message universel, qui tient chaud au cœur de tous les êtres humains qui veulent vivre dans la paix, la tolérance et la justice sociale.

Nous avons une tâche noble, mais qui est aussi lourde à porter. Elle est impossible sans un effort collectif, sans un relais ininterrompu. Voilà pourquoi je tiens à vous remercier vous tous, pour avoir pris le temps et l’effort de venir à Strasbourg cette semaine, et j’espère que nous aurons des débats bien animés, avec une bonne participation, des idées et des messages forts.

Chers collègues,

Si nous essayons de passer en revue les grands événements en Europe depuis notre partie de session de janvier, nous voyons que l’unité européenne a été mise à dure épreuve.

Je pense en particulier à la déclaration d’indépendance de l’Assemblée du Kosovo et aux divergences entre les membres du Conseil de l’Europe lors du dernier sommet de l’OTAN à Bucarest.

Il est sans doute impossible à ce stade de donner de réponses toutes faites aux nombreuses questions qui ont surgi à ces occasions et surtout celle de savoir si nous ne sommes pas en train de créer de nouvelles divisions en Europe.

Notre continent est d’une extraordinaire complexité historique, culturelle et géopolitique et nous devons respecter les sentiments de nos peuples à cet égard. Après tout, unité européenne ne signifie pas uniformité européenne.

Mais les divergences actuelles sont regrettables dans la mesure où elles sont le signe d’une certaine incapacité. Une incapacité de l’Europe à gérer les problèmes en amont et avec la conscience que nous sommes tous concernés.

Notre Assemblée est la seule enceinte où nous pouvons débattre toutes ces questions ensemble, sur un pied d’égalité. Alors, tâchons de transformer les risques de division en défis d’où tirer force et richesse.

Formulons des propositions respectueuses de nos particularités nationales mais aussi porteuses d’un avenir qui nous est commun à tous.

Je porte mes pensées aussi à la Turquie. La vocation et l’aspiration européennes de ce pays sont essentielles pour la stabilité et l’unité de notre continent.

Espérons donc que nos amis turcs sauront gérer un problème actuel interne, à savoir la requête devant la Cour Constitutionnelle concernant le parti au pouvoir, en s’inspirant des normes et standards les plus élevés que nous partageons ici, au Conseil de l’Europe.

Depuis notre dernière partie de session, une rue, Ledra, fermée depuis longtemps s’est ouverte à Chypre ; cette ouverture a donné libre cours à tous les espoirs que cette île injustement divisée sera enfin un lieu de partage pour tous les gens qui y habitent.

Chers collègues, aujourd’hui nous aurons des décisions à prendre au sujet des débats d’urgence et d’actualité qui sont proposés. Je suis sûr que vous ferez un choix responsable.

Mesdames et Messieurs,

Les droits de l’homme ne sont pas uniquement affaire de haute politique et d’instruments légaux. Leur présence, ou absence, se manifeste surtout dans la pratique quotidienne, et sont donc étroitement liés à la notion de qualité de vie.

Cette qualité de vie ne doit plus se mesurer uniquement par un réfrigérateur bien rempli ou par le nombre de voitures que nous possédons. Sa juste mesure doit être à quel point nous pouvons exercer nos droits et responsabilités dans la pratique, dans la vie de tous les jours.

Un phénomène qui nous affecte tous, et qui est sans doute le plus grand défi de notre temps, est celui du réchauffement climatique. Le droit à un environnement sain est un droit humain fondamental, car il est lié étroitement au droit à la vie.

J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de promouvoir cette idée en présence du Président de la Commission européenne, M . Barroso et du Président du Parlement Européen, M. Pöttering lors la 4ème session plénière de l’Assemblée Euro-méditerranéenne le 28 mars à Athènes.

D’autres problèmes graves nous affectent tous et la notion de droits de l’homme y est primordiale. Je pense à la lutte contre le terrorisme, ou à la migration, des domaines où l’Europe n’est pas toujours à la hauteur morale dont elle se réclame.

Nous sommes encore souvent tentés par le reflexe de nous isoler, nous barricader, interdire. Et, ce qui est bien pire, de fermer les yeux devant les tragédies, ou de tolérer sur notre sol des actes incompatibles avec nos valeurs.

Dans ce contexte, je tiens à saluer deux manifestations récentes dont notre Assemblée était co-organisatrice, auxquelles j’ai eu l’honneur de participer :

- la conférence sur les mesures anti-terroristes et la protection des droits de l’homme, au cours de laquelle on a discuté des détentions secrètes en Europe et des listes noires de terroristes présumés dressées par les Nations Unies et l’Union Européenne, tenue à Athènes fin mars, et

- la conférence interparlementaire sur la mondialisation des processus migratoires organisée conjointement avec l’Assemblée interparlementaire des pays membres de la Communauté des Etats indépendants, tenue à St Petersbourg, début avril.

Une autre conférence importante est devant nous :

Je me réjouis également que depuis notre dernière partie de session, une convention-clé du Conseil de l’Europe, celle contre la traite des êtres humains, soit entrée en vigueur le 1 février 2008. 17 pays l’ont déjà ratifiée : c’est bon, mais ce n’est pas suffisant pour combattre ce fléau qui dépasse les frontières nationales. A nous ici présents de faire en sorte que d’autres ratifications suivent prochainement.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais dire aussi quelques mots sur la tolérance et le respect. Quand on est en désaccord avec l’autre, il n’y a rien de plus facile, mais aussi rien de plus primitif et ignoble, que de s’en prendre à sa culture et à ses valeurs. Un film réalisé par un député néerlandais, diffusé récemment sur Internet, a fait exactement cela – insulter au lieu d’argumenter, désinformer au lieu d’informer.

C’est vrai, un autre cinéaste néerlandais a payé de sa vie son effort de mettre en lumière certaines pratiques qui ne correspondent pas à nos valeurs. Mais si nous remplaçons la dignité et la recherche de la vérité par la haine, notre attitude n’a rien de meilleur que celle que nous condamnons.

J’espère que la présence parmi nous d’un grand écrivain, Amin Maalouf, qui incarne deux cultures, celle de l’Europe et celle du Proche Orient, nous apprendra beaucoup.

Chers collègues,

En janvier, je vous remerciais de la confiance que vous m’aviez témoignée en m’élisant à la présidence de cette Assemblée. Entre-temps, des élections législatives se sont aussi tenues dans mon propre pays, l’Espagne. En dressant mon bilan depuis janvier 2008, je voudrais donc vous affirmer que mon réélection au Sénat espagnol me permet de continuer avec mes fonctions ici, à l’Assemblée.

J’ai déjà évoqué brièvement certaines manifestations auxquelles j’ai pu participer en tant que Président de l’Assemblée. Mes priorités pendant cette période étaient de prendre contact avec le pays hôte du Conseil de l’Europe, la France et avec le Parlement Européen, avec lequel nous devons agir en parfaite complémentarité. Je suis extrêmement content de ces premiers contacts et je ferai de mon mieux pour que la coopération se poursuive de la meilleure façon possible.

J’ai aussi profité de mes visites en Grèce et en Russie pour un nombre de contacts avec les autorités de ces deux pays.

Une grande tâche devant nous tous à présent est la Conférence européenne des Présidents de parlements qui se tiendra les 22-23 mai à Strasbourg. J’ai envoyé une lettre à tous les présidents de parlements pour leur demander une participation active ; le retour que nous avons eu est très encourageant. Je vous invite tous à prendre la réussite de cet événement très à cœur.

Chers collègues,

Notre double mandat, d’élus nationaux et membres de cette Assemblée, nous confère une grande responsabilité. Je sais à quel point il est souvent difficile de jongler entre nos obligations nationales et les grandes questions européennes auxquelles nous sommes tenus de donner des réponses dans cette Assemblée. Mais ce que nous faisons ici, c’est l’avenir de tous les élus européens. Car l’Europe, c’est nous tous, et nous tous faisons ensemble l’Europe.

Merci de votre attention.