29.09.08

ALLOCUTION D’OUVERTURE

MONSIEUR LLUÍS MARIA DE PUIG

PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

PARTIE DE SESSION DE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2008

(Strasbourg, 11h30, 29 septembre 2008)


Chers collegues, chers amis,

Le fait de nous retrouver dans cette enceinte est toujours un moment d’unité et de partage.

Aujourd’hui cette unité nous est plus indispensable que jamais, car les préoccupations que nous partageons sont grandes.

Mais avant d’aborder les questions qui nous interpellent, j’aimerais que nous nous retrouvions dans ce qui est le plus humain : le sentiment de tristesse et de vide que cause la perte d’amis.

Cet été l’Assemblée a perdu l’un de ses anciens présidents et l’une de ses personnalités les plus marquantes : Lord Russell-Johnston. Il a présidé l’Assemblée parlementaire de 1999 à 2002 et en a été membre pendant vingt-trois ans.

Lord Russell-Johnston était un grand Européen, dans son comportement et dans la défense de nos valeurs. Tout au long de sa carrière politique, il a été guidé par l’idée que la moralpolitik doit l’emporter sur la realpolitik. Mais Lord Russell-Johnston était aussi quelqu’un de profondément humain. Cette qualité le rendait non seulement un ami exceptionnel sur le plan personnel ; c’était aussi une qualité qui marquait la philosophie de son action politique.

Un livre de condoléances sera ouvert à tous ceux qui souhaitent témoigner leur sympathie à la famille de Lord Russell-Johnston à partir de 17h, avec une petite cérémonie à la salle de prière et de recueillement.

Une autre personnalité remarquable nous a quittés récemment, Michel Dreyfus-Schmidt, Vice-président de la délégation française. Au sein de cette Assemblée il a ardemment œuvré à la défense des libertés individuelles et a contribué substantiellement à la réflexion sur le rôle du Conseil de l’Europe.

Dans la vie publique, il a laissé une empreinte tant par ses compétences de pénaliste de renom, que par la droiture et l’humanité de l’homme politique, au Sénat français, au sein de son parti, et dans sa ville natale de Belfort.

Finalement, le Conseil de l’Europe a aussi perdu un de ces anciens secrétaires-généraux, Georg Kahn-Ackermann – membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe de 1963 à 1974, puis Secrétaire Général de 1974 à 1979. Il était aussi connu comme journaliste, auteur de divers livres et ancien membre du Bundestag.

Je propose d’honorer la mémoire de nos collègues en observant une minute de silence.

Chers collègues,

Pendant l’été, l’Europe a connu une des crises les plus graves depuis la chute du mur de Berlin. Deux états voisins, tous les deux membres du Conseil de l’Europe, la Géorgie et la Russie, se sont engagés dans un conflit qui va à l’encontre des principes et valeurs que défend notre organisation.

On ne peut pas dire que cette crise était imprévisible, même si son ampleur, sa violence et ses effets ont dépassé ce que nous pouvions imaginer. En essayant de définir les responsabilités des uns et des autres, nous avons aussi des questions sérieuses à nous poser à nous-mêmes. Sommes-nous à la hauteur de notre vocation, en tant qu’organisation qui incarne la paix et la stabilité démocratique à l’échelle européenne ?

J’ai suivi la crise jour par jour et même heure par heure. Il n’était pas facile de trouver des informations fiables sur ce qui se passait exactement ; il y avait aussi beaucoup de désinformation.

Ma préoccupation immédiate était donc d’assurer que l’ Assemblée ne soit pas emportée par les vagues de la propagande ou par les coups des émotions. Je tiens à rendre hommage au dévouement et la disponibilité de tous ceux qui ont se sont engagés à la recherche de la vérité des faits et à la promotion du dialogue entre les parties : les chefs de groups politiques, les rapporteurs de cette Assemblée qui ont visité les deux pays, la commission ad hoc qui vient de rentrer de sa mission, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Commissaire aux Droits de l’Homme, le Comité des Ministres, ainsi que le secrétariat.

Si cette Assemblée accepte le débat d’urgence dans le format proposé par le Bureau, nous aurons la possibilité de débattre des conséquences de la guerre pendant deux jours, demain matin et jeudi matin. C’est notre obligation d’engager un dialogue entre toutes les parties concernées, d’entendre un maximum de points de vue et d’arriver sur cette base à des conclusions responsables.

Le Conseil de l’Europe ne doit épargner aucune critique et dénoncer de la façon la plus ferme tout ce que nous considérons comme violation de nos principes et valeurs. Mais nous devons nous tourner surtout vers l’avenir et faire preuve de prudence et sérénité, de perspicacité et vision politique. Car nous sommes tous conscients que le conflit entre la Géorgie et la Russie est lourd de conséquences, non seulement pour ces deux pays, mais pour toute la région, pour d’autres régions en Europe et pour l’Europe toute entière.

La préoccupation majeure qui devrait nous guider dans cette réflexion est celle: qu’est-ce que nous voulons pour l’avenir de l’Europe et comment pouvons-nous garantir sa paix et stabilité ?

Chers collègues,

La crise dans entre la Géorgie et la Russie ne devrait pas nous faire perdre de vue d’autres préoccupations qui subsistent dans d’autres pays membres.

Je parle notamment de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, où je me suis rendu pendant l’été pour leur apporter un soutien politique dans le meilleur intérêt de leurs citoyens. En juin dernier, l’Assemblée a adressé à ces deux pays des recommandations concrètes qui visaient à redresser un certain nombre de problèmes qui allaient à l’encontre de leurs engagements en tant que membres du Conseil de l’Europe. Nous attendons dans les deux cas des résultats convaincants et nous les jugerons avec la même bienveillance, mais aussi avec la même rigueur que nous devons appliquer à chaque fois quand il s’agit de défendre nos principes et valeurs.

Chers amis, je voudrais signaler brièvement aussi quelques moments positifs, quelques moments de soulagement et d’espoir.

Je pense notamment à la Turquie où la Cour constitutionnelle a refusé d'appliquer la mesure extrême d’interdire le parti pour la justice et le développement actuellement au pouvoir. Une grande crise constitutionnelle et politique a ainsi pu être évitée.

En Serbie, l’arrestation de l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, permettra enfin de faire justice et d’honorer la mémoire des milliers de victimes du génocide de Srebrenica, du siège de Sarajevo et de tant d’autres atrocités. Mais d’autres criminels doivent toujours rendre des comptes devant le Tribunal pénal international de la Haye.

Finalement, les négociations qui se déroulent à Chypre sous l’égide des Nations Unies représentent un grand espoir pour l’avenir du peuple de l’île, qui souffre injustement de son partage. Un aboutissement positif constituerait un exemple de gestion pacifique de conflit : un exemple dont nous avons vraiment besoin en ce moment.

Finalement, je ne peux pas passer sous silence la crise financière qui est en train de secouer le monde entier. Ce n’est pas uniquement une crise des marchés ; c’est aussi une crise qui risque d’avoir des répercussions sociales terribles et par conséquent pourrait affecter des droits humains fondamentaux. Voici encore un signal d’avertissement, un réveil qui sonne pour nous mettre en face de nos responsabilités en tant que femmes et hommes politiques et en tant que citoyens européens.

Merci pour votre attention.