Communication du Comité des Ministres présentée par
Joseph BORG, Ministre des Affaires étrangères de Malte, Président en exercice du Comité des Ministres

28.01.2003

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand privilège que de prendre la parole devant cette éminente Assemblée. Je suis très honoré de cette possibilité qui m'est offerte de vous rendre compte des activités du Comité des Ministres depuis que Malte en assure la présidence.

Avant de le faire, permettez-moi, toutefois, de vous présenter ainsi qu'à vos familles, mes v_ux les plus chaleureux pour cette nouvelle année. Espérons qu'il s'agira d'une année de réalisations, au cours de laquelle les barrières seront éliminées et remplacées par le consensus et la coopération.

Le passé nous montre que des événements dramatiques, parfois même traumatisants, font de plus en plus partie de notre vie quotidienne. Très souvent, en raison de leurs effets très étendus ou de leur coût important, ils demandent une attention immédiate et une action concertée pour remédier à des conséquences négatives. Des rencontres comme celles qui auront lieu tout au long de cette semaine se révèlent souvent très utiles pour faire en sorte que les réactions soient opportunes et efficaces. C'est pourquoi je me félicite de ce dialogue régulier et aimerais vous prier de continuer à vous en servir pour l'échange nécessaire d'informations entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire.

Ceci dit, je voudrais maintenant aborder les événements récents qui méritent plus particulièrement notre attention.

Je me tournerai d'abord vers l'Europe du Sud-Est, dont la stabilité reste une priorité. Dans ce contexte, nous aimerions voir la République fédérale de Yougoslavie devenir membre du Conseil de l'Europe aussitôt que possible.

Le Comité continue à suivre de près l'évolution dans ce pays, sur la base des conclusions agréées lors de la 111e Session. Les élections successives qui s'y sont déroulées dans les derniers mois de 2002 ont suscité des réactions ambivalentes. Nous avons relevé avec satisfaction que les scrutins ont été conformes, pour l'essentiel, aux normes internationales, mais déploré le haut degré de radicalisation et la faible participation, éléments qui ont tous deux empêché d'obtenir les résultats attendus à l'occasion d'élections démocratiques.

Tout en étant conscient du climat politique et des difficultés auxquelles sont confrontés les dirigeants de la Serbie et du Monténégro, je prie instamment les autorités du pays de respecter leur obligation d'adopter la Charte constitutionnelle, car l'adhésion de la République fédérale de Yougoslavie au Conseil de l'Europe en dépend de manière très urgente.

Je me félicite des conclusions provisoires positives qui peuvent être tirées des huit premiers mois de la mise en oeuvre de la stratégie post-adhésion de notre dernier membre, la Bosnie-Herzégovine. A cet égard, puis-je vous rappeler à tous le programme d'assistance adopté lors de l'adhésion et la procédure de suivi spécifique mise en place dans le cadre du groupe de rapporteurs pour la stabilité démocratique. Les élections présidentielles et parlementaires qui ont eu lieu le 5 octobre ont marqué un tournant, qui doit permettre la poursuite et l'intensification des réformes.

Toujours à propos de l'élargissement, je voudrais vous indiquer que j'accorde également beaucoup d'attention aux progrès de Monaco vers l'adhésion, ce qui englobe le dialogue entre l'Assemblée parlementaire et les autorités monégasques et l'adoption l'an passé d'amendements constitutionnels et de changements de la loi électorale à Monaco. Je suivrai avec intérêt la conduite des élections parlementaires dans la Principauté, le 9 février. Elles seront un jalon important dans le processus qui devrait permettre à Monaco de rejoindre dans un avenir proche la famille des nations démocratiques européennes.

Au sujet du Bélarus, j'accueille favorablement l'accord signé en décembre entre le gouvernement et l'OSCE afin que la mission de cette dernière revienne à Minsk. Toutefois, je constate avec regret la lenteur des progrès. Je voudrais donc lancer un appel aux autorités compétentes afin qu'elles prennent des mesures tangibles pour sortir leur pays de cette impasse. Je demande aux parlementaires du Bélarus présents aujourd'hui de convaincre le Comité des Ministres que leur pays est prêt à faire des choix stratégiques fondamentaux et à suivre la voie qu'ont ouverte les autres gouvernements européens après la chute du mur de Berlin. Je souhaite vivement encourager la coopération et l'engagement de l'Assemblée parlementaire pour aider le Bélarus à progresser dans la bonne direction.

Le Comité continue également à suivre les principaux événements politiques dans les trois pays du Caucase du Sud.

Nous continuons de mettre l'accent sur les obligations qui incombent à l'Arménie et à l'Azerbaïdjan, après leur adhésion, de trouver une solution au conflit du Haut-Karabakh. La semaine dernière, le Comité des Ministres a eu un échange de vues sur ce sujet avec les Représentants spéciaux des Présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan et avec les co-présidents du Groupe de Minsk de l'OSCE. J'invite ces deux Etats membres à redoubler d'efforts et à avoir un dialogue constructif afin de trouver une solution pacifique au conflit et à satisfaire aux obligations qu'ils ont prises il y a deux ans.

Comme mon prédécesseur l'a souligné, la Géorgie continue de mériter notre attention et notre aide. A l'initiative du Secrétaire Général et suite à une mission d'enquête en Géorgie, le Comité des Ministres a décidé de faire bénéficier la Géorgie d'un suivi régulier et ciblé. L'évolution de la situation sera examinée tous les six mois. Les premiers points qui retiendront l'attention seront les préparatifs des prochaines élections, la réforme judiciaire et la lutte contre la corruption.

La Tchétchénie reste un point important de l'ordre du jour des Délégués des Ministres. Le Secrétaire Général tient le Comité régulièrement informé des rapports que lui communiquent ses experts auprès du Bureau du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour les droits de l'homme et les libertés civiles en Tchétchénie. Ces rapports sont complétés par une évaluation du Secrétariat sur l'état de la démocratie, des droits de l'homme et de la primauté du droit en Tchétchénie. La tragique prise d'otages d'octobre dernier au théâtre Doubrovka de Moscou et l'attentat de Grozny ont été de graves motifs d'inquiétude. Ils démontrent la nécessité de poursuivre les efforts constructifs dans cette région. La prolongation du mandat du Conseil de l'Europe pour les six mois à venir est un signe positif à cet égard.

Puis-je, à cette occasion, Monsieur le Président, vous féliciter de vos efforts et de la résolution que vous manifestez dans la recherche d'une solution politique. Je voudrais aussi vous complimenter de l'issue favorable de vos récents entretiens avec le Président Poutine à Moscou et me réjouis qu'il ait accepté votre invitation à prendre la parole devant l'Assemblée à sa prochaine session. J'ai déjà demandé à être informé des résultats du débat que vous tiendrez demain après-midi sur la question.

Je voudrais également saluer le travail remarquable des rapporteurs qui contribuent énergiquement à apaiser la situation délicate que connaît la République tchétchène. Lord Judd, M. Bindig et M. Iwiński, vos efforts et l'action de l'Assemblée dans ce contexte sont vivement appréciés.

Notre combat contre le terrorisme a pris désormais des formes et des contours plus précis. C'était l'un des thèmes clés examinés à la 111e réunion du Comité des Ministres à Strasbourg. Les Ministres ont évalué les progrès réalisés pour chacun des trois axes d'action qu'ils ont retenus l'année dernière : intensification de la coopération juridique dans la lutte contre le terrorisme, préservation des valeurs fondamentales et développement de la démocratie. Je m'attends à ce que le projet de Protocole modifiant la Convention européenne pour la répression du terrorisme soit adopté en 2003, ce qui devrait se faire en tenant compte de l'avis que vous adopterez d'ici la fin de cette semaine.

La proposition de tenir un Troisième sommet du Conseil de l'Europe reste un sujet d'actualité dans les débats parallèles qui ont lieu à la fois au sein de l'Assemblée et du groupe de travail sur les réformes institutionnelles. Le Comité des Ministres est pleinement conscient de l'importance d'un dialogue régulier et approfondi avec l'Assemblée parlementaire sur cette question, qui est essentielle pour l'avenir de l'Organisation. Le cadre de ces discussions a été défini pendant la 111e réunion du Comité des Ministres, où ceux-ci ont décidé de tenir un troisième Sommet dans le cadre d'une architecture européenne en évolution. Les Délégués ont été invités à en définir le thème et les modalités d'organisation en vue de la 112e réunion, que je présiderai. Permettez-moi de profiter de l'occasion pour réaffirmer le soutien de Malte à la tenue de ce sommet.

L'une de nos priorités lors des dernières réunions du Comité des Ministres a été la Cour européenne des droits de l'homme et la nécessité de réformes pour préserver son efficacité à long terme. Vous êtes tous bien conscients que la charge de travail considérable et le manque de ressources mettent gravement en péril le fonctionnement de la Cour. Des progrès manifestes ont été réalisés dans ce domaine, tout récemment par l'adoption d'un programme pour 2003 - 2005, qui renforce les ressources de la Cour et des services chargés de veiller à l'exécution de ses arrêts.

Monsieur le Président,

C'est un plaisir pour moi de rappeler la récente décision du Comité des Ministres de vous inviter officiellement à participer régulièrement à toutes les réunions futures du Comité des Ministres. Votre apport concret à nos récentes réunions et celui de vos prédécesseurs aux réunions informelles a contribué à renforcer notre volonté de coopération et montre qu'il est nécessaire de donner des bases plus solides à ce dialogue. J'attends d'avoir le plaisir de vous recevoir à la prochaine réunion que je présiderai.

Monsieur le Président,

Permettez-moi d'évoquer maintenant le programme de priorités et d'activités que Malte a lancé depuis que j'ai pris la présidence du Comité des Ministres le 7 novembre. Ce programme porte sur trois domaines : promotion et défense de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l'homme ; défense des droits sociaux comme élément essentiel de la gouvernance européenne ; et dimension méditerranéenne de l'Europe.

Onze jours après le début de notre présidence, nous avons eu le plaisir de recevoir la Commission permanente, y compris vous-même. Malte se félicite du nouveau rôle de la Commission et de cette visite au début de notre mandat. Heureux que le dialogue se renforce entre l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, nous présumons qu'il se poursuivra et qu'il contribuera à faire progresser notre évaluation mutuelle des besoins du Conseil de l'Europe.

Une semaine auparavant, nous avons tenu notre première manifestation, la conférence sur l'accès aux droits sociaux, qui a eu lieu les 14 et 15 novembre. Elle a basé ses travaux sur un rapport présenté par le professeur Mary Duly, qui a recensé un certain nombre d'obstacles empêchant l'accès aux droits sociaux. Le rapport nous a aussi donné des principes de bonnes pratiques, qui montrent qu'il importe de concevoir les servies en fonction des besoins des usagers, tout en appelant de ses v_ux l'établissement de partenariats entre le secteur privé et la société civile. Pendant les ateliers qui ont suivi, les participants ont été invités à examiner les questions fondamentales soulevées dans le rapport, à proposer des solutions sur la façon de combler le fossé entre les dispositions légales et la mise en _uvre de l'accès aux droits sociaux par le biais de mesures efficaces et de systèmes de protection sociale.

Dans le cadre de l'approfondissement du dialogue avec les pays méditerranéens voisins, nous nous sommes félicités de la participation à la conférence de représentants d'Etat non-membres, venus du Sud de la Méditerranée. Des représentants de la société civile et d'organisations internationales ont également participé à la conférence. Tous ont contribué à donner une approche pratique et globale aux directives pratiques qui ont été retenues au terme de celle-ci. Dans la « Déclaration de Malte » qui a été adoptée, les participants ont invité les gouvernements et autres partenaires à promouvoir l'accès aux droits sociaux et à mettre en _uvre les mécanismes de suivi nécessaires.

Une autre manifestation qui relève de la dimension socioculturelle de notre programme est la Conférence méditerranéenne sur les migrations qui est prévue en avril de cette année. Permettez-moi de rappeler la Déclaration finale, adoptée par la Conférence ministérielle au mois de septembre dernier à Helsinki. Celle-ci préconise un dialogue et un partenariat entre les pays d'origine, de transit et de destination en vue de régulariser les flux migratoires, d'assurer la cohésion sociale et de préserver les droits des personnes. En guise de suivi, les participants ont été invités à recenser les causes fondamentales des migrations et les mesures qui doivent être reprises au niveau interne. Ainsi, la défense de la démocratie et des droits de l'homme, le renforcement de l'économie nationale, la diffusion de l'information sur les questions de migration et le durcissement des lois sur les trafiquants. Les participants comprendront des représentants de gouvernements et d'organisations non gouvernementales venus des Etats membres et de la Méditerranée.

Vous aurez remarqué que notre présidence accorde beaucoup d'importance à la coopération avec d'autres organisations internationales. En décembre de l'année dernière, à l'issue d'une période d'intenses négociations présidées par le Représentant permanent de Malte à New York, et en collaboration avec plusieurs d'entre vous, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution sur la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l'Europe par 92 voix pour, 0 voix contre et 65 abstentions. On m'a rapporté que les principaux points de désaccord ont concerné nos lignes directrices sur le terrorisme, le Protocole n° 13 et la Cour pénale internationale. Je remercie les pays qui ont réaffirmé à cette occasion leur appréciation pour la coopération actuelle entre les Nations Unies et le Conseil de l'Europe.

M. le Président,

Dans le contexte de la promotion d'un espace affranchi de la peine de mort en Europe et dans nos Etats observateurs, j'aimerais vous informer du fait que suite à la communication du Secrétaire général et à une décision du Comité, j'ai envoyé au Gouverneur sortant de l'Etat de l'Illinois une lettre le félicitant d'avoir commué la peine de mort pour 167 personnes condamnées.

Je viens de signer une lettre à l'intention des autorités ukrainiennes pour attirer leur attention sur la situation des médias dans leur pays et sur les problèmes relevés dans les recommandations du rapport d'experts.

Revenant à la Méditerranée, j'aimerais commenter l'évolution positive de la situation à Chypre et en Turquie.

Je salue les mesures très positives et les réformes entreprises par le nouveau gouvernement de la Turquie. En raison de sa demande d'adhésion à l'UE, ce pays doit réaliser des progrès majeurs au cours des prochaines années. Les principaux motifs de satisfaction comprennent la levée de l'état d'urgence imposé depuis 15 ans dans l'Est de la Turquie et la signature, il y a quinze jours, du Protocole n° 6 à la Convention des Droits de l'Homme concernant l'abolition de la peine de mort en temps de paix.

Le Comité est impressionné par le processus de réformes légales et constitutionnelles de ce pays. Ce programme de réformes a déjà eu un impact considérable sur les travaux du Comité des Ministres relatifs à l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. J'ai suivi avec le plus grand intérêt la déclaration que le Premier ministre turc, M. Abdullah Gül, a faite hier après-midi devant cette Assemblée et qui a confirmé l'engagement de la Turquie envers l'Europe et ses valeurs.

Le Comité continue de surveiller la situation à Chypre, qui est régulièrement inscrite à l'ordre du jour des Délégués des ministres. A ce propos, j'aimerais évoquer la visite du Secrétaire général à Chypre au début du mois, et le féliciter pour ses efforts en faveur du règlement politique souhaité. Je m'associe à lui pour appeler toutes les parties présentes aujourd'hui à poursuivre le dialogue constructif en vue de l'adoption du plan des Nations Unies. Je salue la décision du Conseil européen de Copenhague autorisant Chypre à entrer dans l'Union européenne l'année prochaine en même temps que Malte et huit autres pays.

Pour conclure, je tiens à signaler que j'approuve entièrement les efforts concertés du Conseil de l'Europe - au sein duquel l'Assemblée parlementaire joue un rôle très actif - pour soutenir les autorités de la Moldova dans les difficultés qu'elles rencontrent dans le processus de transition démocratique que traverse le pays. Malte a déjà pris contact avec la prochaine présidence afin que la continuité soit assurée. Nous avons confiance dans la capacité de la Moldova à s'acquitter de cette responsabilité importante. A cet égard, j'encourage vivement les parlementaires moldaves à continuer de débattre de leurs différents autour des tables rondes et à trouver des solutions aptes à résoudre les difficultés politiques que leur pays connaît actuellement.

A ce stade, je me réfère au document qui vous a été distribué, dans lequel vous trouverez un rapport plus détaillé des activités du Comité des Ministres, et je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.

Merci.