Discours de M. Abdüllah Gül,
Premier ministre de la République de Turquie

Extrait du compte-rendu
Strasbourg, 27 janvier 2003



M. GÜL, Premier ministre de Turquie (interprétation) fait part du plaisir qu’il éprouve à revenir dans cette assemblée dont il a eu l’honneur d’être membre. Le Conseil de l’Europe constitue une école de la démocratie et des droits de l’homme qui a contribué à la formation de l’orateur: il a en effet fait partie des commissions d’enquête qui se sont rendues dans les pays candidats lorsque la division de l’Europe a pris fin et il est ravi de voir aujourd’hui ces pays membres de plein droit.

En tant que Premier ministre, l’orateur souligne qu’il a eu l’occasion de mettre en œuvre les principes et les idéaux du Conseil de l’Europe et il exprime sa confiance aux nouveaux membres de la délégation turque.

La Turquie accorde une très grande importance aux activités du Conseil et de ses différentes instances, ce qui lui a permis d’approfondir sa démocratie. Le nouveau Gouvernement turc, aussitôt après les élections générales de novembre a poursuivi et accéléré ce processus. Au cours des deux premiers mois, deux trains de réformes ont été engagés; la détermination du gouvernement pour les mener à leur terme est entière, d’autant que le peuple turc lui a accordé une confortable majorité. Compte tenu des restrictions apportées, au nom de la sécurité, aux droits de l’homme dans le monde, le rythme des réformes est remarquable.

Dans le passé, certains membres de l’assemblée ont critiqué la Turquie notamment en ce qui concerne la torture et l’exécution des jugements de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Pour la torture, le gouvernement de M. Gül a décidé d’appliquer une «tolérance zéro» et des mesures législatives ont été prises pour la combattre, ainsi que les mauvais traitements. Ainsi, toute plainte en ce domaine sera systématiquement portée devant les tribunaux turcs; de même, les peines infligées aux coupables ne pourront plus être transformées en amendes. Pour l’exécution des jugements de la Cour européenne des Droits de l’Homme, le parlement a adopté un projet de loi permettant de demander un nouveau procès. Il s’agit là d’un progrès fondamental qui alignera la législation turque sur la législation européenne. D’autres critiques, enfin, portaient sur les restrictions apportées au droit de propriété des fondations religieuses et des minorités. La semaine dernière, le gouvernement a promulgué un décret levant toutes les restrictions. Enfin, la peine de mort venant d’être abolie, le gouvernement s’est saisi courant janvier du sixième protocole relatif aux droits de l’homme. (Applaudissements)

L’Europe devient ainsi un continent délivré de la peine de mort. L’état d’urgence, qui durait depuis trois décennies, a été supprimé dans la semaine qui a suivi le vote de confiance. L’habeas corpus a été rétabli. Tous les citoyens bénéficient des mêmes garanties. Le gouvernement entend compléter ces réformes intérieures en ratifiant les engagements internationaux relatifs aux discriminations raciales, aux droits culturels et aux droits politiques. Bientôt la Turquie sera partie prenante des plus grandes conventions des Nations Unies.

Le gouvernement prépare une nouvelle loi sur la presse, le droit de manifestation, les associations et le code pénal. L’objectif est de transformer la Turquie en une démocratie européenne entièrement opérationnelle. Cet approfondissement de la démocratie s’effectue avec la participation et le soutien de tout le peuple turc et en collaboration avec les ONG. Le Gouvernement turc entend mettre en œuvre les critères politiques de l’Union européenne pour entamer les négociations d’adhésion le plus vite possible.

Dans ces conditions, M. Gül invite l’assemblée à prendre en compte les efforts accomplis et lui demande de mettre un terme à la procédure de suivi, que la Turquie ne mérite plus. Une telle décision renforcerait et faciliterait l’approfondissement du processus démocratique.

Les nuages s’amoncellent au Proche Orient, la situation en Irak est très préoccupante. Le Gouvernement turc n’épargne aucun effort pour empêcher la guerre et trouver une solution pacifique, notamment en multipliant les déplacements et les rencontres, comme celle qui vient de réunir six ministres des Affaires étrangères de la région à Istanbul. Une solution pacifique dépend en premier lieu des dirigeants irakiens: l’Irak doit convaincre la communauté internationale qu’il ne dispose plus d’armes de destruction massive. Le processus des Nations Unies doit être poursuivi jusqu’à son terme; la Turquie entend y jouer un rôle, en véhiculant les normes européennes dans la région pour y établir une paix durable.

A Chypre, les deux parties ont engagé une négociation pour parvenir à un règlement fondé sur le plan Annan. Le Gouvernement turc soutient ce processus et souhaite un règlement rapide, global et juste du problème. L’île est une maison commune pour deux peuples, il faut une solution équilibrée; le Gouvernement turc encourage les Chypriotes turcs dans la voie de la négociation.

Les activités du Conseil de l’Europe affectent la vie quotidienne des citoyens turcs de multiples façons; ainsi, c’est la Banque de développement du Conseil de l’Europe qui a apporté son aide à la reconstruction après le tremblement de terre. A l’inverse, la Turquie apporte à l’Europe son expérience du dialogue interculturel.

La Turquie attache une énorme valeur aux activités du Conseil de l’Europe et souhaite un plein succès aux travaux de l’assemblée