DISCOURS DU PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE
PARLEMENTAIRE, PETER SCHIEDER,
À L’OCCASION DE L’OUVERTURE
DE LA PARTIE DE SESSION D’AVRIL

(Lundi, 26 avril 2004)

Chers collègues et amis, je vous souhaite très chaleureusement la bienvenue à la deuxième partie de notre session de 2004 et j’adresse ces souhaits, en particulier, à ceux qui sont ici aujourd’hui pour la première fois.

Toutes les délégations membres, sans exception et quelle que soit leur dimension, sont désormais composées de femmes et d’hommes. Je suis très heureux que la modification du Règlement intérieur ait abouti à ce résultat. Je vous remercie d’avoir agi rapidement, même si je reste convaincu que nous pouvons nous rapprocher encore de la parité.

Nous évoluons vers une Europe différente et, à mon avis, une Europe plus forte, marquée par une cohésion accrue. Avec l’élargissement de l’Union européenne, quand davantage d’Etats membres du Conseil de l'Europe auront la possibilité de coopérer aux niveaux tant intergouvernemental que supranational, l’idée d’« une seule Europe » aura fait un pas de plus vers la concrétisation en une réalité politique.

Nous nous félicitons de l’élargissement de l’Union européenne. Dans le même temps, nous reconnaissons que les défis posés à l’Assemblée ne se sont absolument pas modifiés. Il suffit, pour s’en persuader, d’examiner l’ordre du jour de la session qui nous est présenté.

Après une période de négociation intéressante, une solution est en vue pour que Monaco devienne le 46e Etat membre de notre Organisation. Nous nous attendons également à des progrès dans nos relations avec le Bélarus, car nous sommes convaincus que les pressions politiques engendrées par les travaux de l’Assemblée entraîneront des changements qui permettront finalement à ce pays de revenir au sein de la famille européenne.

En ce qui concerne des questions qui prêtent à controverse sur le plan politique ou éthique, comme l’euthanasie, la biomédecine, la situation dans les prisons d’Europe ou l’avenir de nos systèmes de sécurité sociale, l’Assemblée continue à œuvrer, sans détour, non seulement pour les signaler à l’attention, mais pour que les avantages et inconvénients soient mis en parallèle et  débattus.

En tant que Président, je tiens en haute estime l’ambition, le courage et la créativité politique et je continue à réagir aux problèmes qui intéressent, à mon avis, l’Assemblée. Je voudrais vous en donner trois exemples.

S’agissant de Chypre, un vote positif aurait donné un signal clair en faveur d’« une seule Europe ». Il aurait marqué la fin de la division pour l’île et le début d’une ère d’unité et de renforcement.  Bien entendu, nous respectons entièrement le résultat du référendum et la volonté de la population de Chypre. Néanmoins, nous ne pouvons cacher que nous sommes profondément déçus qu’une chance historique ait été manquée. L’Assemblée examinera la situation au cours d’un débat en procédure d’urgence.

Au sujet d’Israël, dès lorsqu’il s’agit de défendre nos valeurs et convictions fondamentales, nous devons avoir le courage de faire face à nos amis et de rechercher un dialogue ouvert et critique. Il n’existe pas de faux dilemme entre les principes et les amis, même aux moments les plus difficiles.

Par la liquidation extrajudiciaire des dirigeants du Hamas, le Cheikh Yacine et Abdel Aziz al-Rantissi, quels que soient les crimes qui peuvent leur être attribués, le Gouvernement d’Israël a montré qu’il négligeait la primauté du droit. En outre, de tels actes ne sont-ils pas une invitation délibérée à la poursuite de la violence ? Une telle démarche ne peut être dans l’intérêt d’Israël. J’ai appelé la Knesset israélienne, puisqu’elle est dotée du statut d’observateur auprès de notre Assemblée, à faire tout ce qui est en son pouvoir pour les principes du respect des droits de l'homme et de la primauté du droit soient observés par le Gouvernement israélien dans ses relations avec les Palestiniens.

Le Gouvernement israélien n’a pas tardé à répondre à mon appel, en soulignant le droit d’Israël à l’autodéfense contre les organisations terroristes, et cette réponse a été transmise ce matin au Bureau de l’Assemblée.

A propos de la Turquie, j’ai réagi à la décision de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara confirmant la condamnation de Leyla Zana et de trois autres anciens parlementaires et j’ai demandé aux autorités turques de tout mettre en œuvre pour les libérer. 

A mon avis, la condamnation se fondait dans une large mesure sur une atteinte injustifiée à la liberté des requérants de débattre de questions d’intérêt public. En outre, un délai injustifiable s’est écoulé avant que les procédures pénales les concernant soient rouvertes. Vous vous souvenez de l’arrêt rendu par notre Cour en 2001, dans lequel elle avait jugé le procès original inéquitable.

De toute évidence, l’indépendance du judiciaire doit être respectée, mais je dois dire que la décision de la Cour a été prise à un moment particulièrement délicat. Nous examinerons cette semaine un rapport sur la Turquie qui recommande de clore la procédure de suivi, étant donné que ce pays a clairement démontré, au cours des trois dernières années, sa volonté et sa capacité de remplir ses obligations statutaires en tant qu’Etat membre du Conseil de l'Europe.

La décision de la Cour nuit à l’image globale que nous nous faisons de la Turquie, celle d’un pays qui met en œuvre un ensemble impressionnant de réformes et progresse vers le respect des droits de l'homme, de la prééminence du droit et des principes démocratiques.

Permettez-moi de vous communiquer également quelques informations sur la Conférence européenne des présidents de parlements,  qui se tiendra ici même, dans l’hémicycle de l’Assemblée, du 17 au 19 mai.

Un grand intérêt se manifeste pour cette conférence, et montre que les thèmes retenus sont opportuns et pertinents pour les parlements nationaux. Je vais illustrer certaines des questions qui seront traitées.

Quelle confiance les citoyens de nos pays ont-ils réellement dans les institutions d’Etat démocratiques et les partis politiques ? De quelles manières le public s’implique-t-il réellement dans la vie politique et la prise de décision ? Le manque de confiance ne va-t-il pas en s’aggravant ? Les taux d’abstention élevés qui caractérisent les élections dans l’ensemble de l’Europe n’attestent-ils pas d’une certaine lassitude à l’égard de la politique ?

D’autre part, les interactions électroniques se développent. Comment les parlements utilisent-ils les moyens de communication nouveaux et leur potentiel ?

La démocratie et le vote électroniques peuvent-ils contrebalancer l’insuffisance de l’intérêt pour la vie politique et contribuer à une plus grande transparence de l’Etat et des acteurs politiques ?

La conférence devrait conduire également à l’élaboration de propositions concrètes sur le renforcement de la coopération entre les parlements nationaux et les assemblées européennes telle que notre Assemblée parlementaire.

Cet exercice d’auto-questionnement me paraît extrêmement  important, pas seulement parce que l’éventualité d’un Troisième Sommet des chefs d’Etats de gouvernement se rapproche, et pas seulement non plus en raison de développements récents tels que la proposition déposée par un membre du Parlement européen qui tend à renforcer le dialogue politique transatlantique, l’objectif ultime consistant – je cite – à établir une Assemblée transatlantique UE-Etats-Unis. Je rappelle ce point parce que l’issue de la conférence doit nous montrer clairement la voie vers le renforcement des parlements et de la coopération européenne dans l’Europe élargie.

Nous allons vers une Europe différente, plus forte. Chypre, la République Tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie rejoindront l’Union européenne dans cinq jours. Dans les médias, ils sont dénommés « pays en voie d’adhésion ». Au Conseil de l'Europe, ce sont tous des membres expérimentés de l’Organisation, fermement attachés à nos valeurs de la démocratie, des droits de l'homme et de la primauté du droit.

Je souhaite un plein succès à ceux qui ont connu leur jeunesse politique européenne à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui ont rêvé du concept d’Europe élargie et ont combattu pour le traduire dans les faits et qui vont maintenant exercer des fonctions à la Commission et au Parlement européen. Gardez à l’esprit les mots que Schiller a placés dans la bouche du Marquis Posa, s’adressant à Don Carlos : « Restez fidèle aux rêves de votre jeunesse ».