Intervention de M. Bruno HALLER,

Secrétaire Général de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

(1ère Partie de la session ordinaire de 2006,

Lundi 23 janvier 2006)

Monsieur le Président,

1. Je vous remercie sincèrement de me donner la parole devant l’Assemblée avant mon départ. Je vous félicite aussi chaleureusement pour votre réélection et vous souhaite plein succès dans votre importante fonction.

      Ensuite, je tiens à vous remercier vivement, ainsi que le Vice-Président Bernard Schreiner, pour les paroles élogieuses et amicales à mon égard, qui m’ont beaucoup touché.

2. M. le Président, Chers membres de l’Assemblée,

      Après trente trois années de service au Conseil de l’Europe, dont quinze à l’Assemblée, j’aurai beaucoup à dire. Impossible de présenter un rapport d’activités. Compte tenu du temps qui m’est imparti, je disposerais seulement de quelques secondes par année. Je ferai donc simplement quelques réflexions tirées de mon vécu personnel dans notre Organisation, sous forme de témoignage.

3. Lorsque je suis entré au Conseil de l’Europe en 1972, ce n’est pas moi qui ai enlevé Europe, la fille de Phoenix. Je n’avais ni la force ni la stature de Zeus pour me transformer en taureau. C’est Europe qui m’a enlevé et qui m’a accaparé tout ce temps et qui maintenant me dépose devant vous pour enlever quelqu’un d’autre. Soyez en sûrs, je continuerai à lui faire la cour.

4. Vous aurez compris que je vais profiter de cette occasion pour vous parler d’elle et de l’Organisation dans laquelle elle s’est incarnée ici à Strasbourg, au bord du Rhin, près de la Cathédrale. Pour moi, il n’y a pas de doute, si le Conseil de l’Europe n’existait pas, il faudrait l’inventer.

5.       J’entends bien, çà et là, les critiques sur son manque de pouvoir réel et d’actions concrètes. Il faut les écouter pour développer nos actions sur le terrain, ce que nous faisons de plus en plus, et augmenter notre influence dans le processus de construction européenne, ce que cette Assemblée fait avec détermination.

      Ces critiques ne doivent cependant pas nous faire douter de notre mission qui se place dans le domaine des valeurs, de l’éthique, de la pensée et de la finalité de la vie en société.

6. En 1949, au sortir de la tragédie de la seconde guerre mondiale, les Etats fondateurs et ceux qui les ont rejoint par la suite, n’ont pas hésité à investir dans le Conseil de l’Europe et ils ont eu raison. Grâce à cela, celui-ci a construit patiemment un grand espace politique de paix, de stabilité et de coopération et un édifice normatif incomparable sur le pilier de la Convention européenne des droits de l’homme. Cela me paraît concret et utile à la fois.

7. En 1989, c’est cet ensemble politique et normatif basé sur des valeurs qui attira les pays d’Europe centrale et orientale en quête de liberté, de dignité et de démocratie. Et le Conseil de l’Europe ne les a pas déçu. Il a su les accueillir sans trop attendre en créant les procédures et mécanismes appropriés et a ainsi apporté une contribution décisive à l’unification du continent. Cela aussi était concret et utile, ce qui a été reconnu par les Sommets de Vienne 1993 et de Strasbourg de 1997.

8.       Maintenant qu’il s’agit d’appliquer des décisions du Sommet de Varsovie de mai dernier, il faut effectivement développer les actions et les programmes sur le terrain pour consolider ce qui a été construit et faire devenir réalité pour tous les valeurs proclamées. Il s’agit aussi de répondre aux nouveaux défis qui résultent de l’évolution de nos sociétés multiculturelles et interdépendantes.

      Alors que la préparation du budget pour 2007 va commencer, j’espère que les Etats membres comprendront à nouveau leur intérêt à investir dans le Conseil de l’Europe dont le rapport coût efficacité est tout à fait convenable. Le philosophe Sénèque a dit « A celui qui ne sait pas vers quel port il navigue, aucun vent n’est favorable ». Jusqu’à présent, le Conseil a certainement aidé les Etats membres à discerner le port vers lequel ils devraient naviguer ensemble. Donnons-lui le vent favorable !

9. M. le Président, j’espère qu’il me reste du temps pour rendre hommage à cette Assemblée que j’ai servi pendant quinze ans et que j’ai vécu de l’intérieur avec ma double formation de juriste et de sociologue.

      Je viens d’écrire un livre qui lui est consacrée sur la période 1949 à 1989 et qui paraîtra durant cette semaine en langue française. J’espère que l’édition anglaise sera prête pour le mois de juin. L’écriture de cette période et ce que j’ai vécu me laissent tout simplement admiratif, confirmant pour moi ce que l’on a souvent affirmé, que l’Assemblée est le moteur du Conseil de l’Europe, la force d’impulsion et la vision politiques. Peut-être vais-je lui consacrer par la suite un 2ème livre portant sur la période 1990 à nous jours.

10.       Le bilan de l’Assemblée est extraordinaire. Dès sa première session à l’Aula de l’Université de Strasbourg en août 1949, elle met en chantier les 3 conventions majeures du Conseil de l’Europe, la Convention des droits de l’homme, la Charte sociale et la Convention culturelle. Par la suite, elle se bat de toutes ses forces pour que le Conseil reste le cadre politique général de toutes les initiatives ultérieures visant à créer des communautés intégrées restreintes dans des secteurs spécifiques. Dès le début des années soixante, elle songe à la vocation paneuropéenne du Conseil. Ce n’est donc pas par hasard qu’elle créé au début de 1989 le statut d’invité spécial pour les parlements des nouvelles démocraties, qu’elle accueille le Président Gorbatchev et met en route l’élargissement de l’Organisation dont elle dessine d’ailleurs la carte. M. le Président, que serait le Conseil de l’Europe sans son Assemblée ? J’espère que dans la discussion que vous allez entamer avec le Comité des Ministres sur l’équilibre institutionnel dans l’Organisation, il sera rendu justice à ce bilan et à cet engagement.

11.       Personnellement, j’ai vécu l’Assemblée comme un être vivant, avec ses enthousiasmes et ses doutes, ses élans de générosité et ses replis, mais toujours avec l’énergie nécessaire pour reprendre son travail de pionnier, de défricheur éthique, de visionnaire politique. Le sociologue en moi a été conquis par l’alchimie qui s’opère dans ce corpus sui generis entre des positions nationales et partisanes différentes, des convictions personnelles et des tempéraments différents, des origines, des modes de pensée et des expériences si diverses.

      C’est le ciment des valeurs fondamentales qui fait le liant. C’est aussi, je l’ai appris, la procédure et le règlement qui permettent de canaliser les énergies, d’encadrer et de lisser les conflits pour éviter qu’ils ne deviennent personnels. C’est enfin le vote qui permet de trancher le débat pour arriver à des décisions de la majorité. C’est avec passion que j’ai observé et participé à ce processus authentiquement démocratique, à cette dynamique de groupe.

12. A ce stade de mon intervention. Je tiens à adresser mes remerciements les plus sincères à tous les membres de l’Assemblée pour l’excellente collaboration. Je mentionnerai particulièrement les Présidents successifs avec lesquels j’ai travaillé directement et qui m’ont fait confiance. Anders Björck, le regretté Lord Finsberg, Miguel Angel Martinez, Leni Fischer, Lord Russel Johnson, Peter Schieder et René van der Linden, sans oublier Louis Jung avec lequel j’ai déjà coopéré avant de rejoindre les services de l’Assemblée.

      Je mentionnerai également les Présidents des Groupes Politiques, les Présidents des délégations nationales, les Présidents des commissions et les Rapporteurs qui durant ma période d’activité ont rempli ces charges importantes de l’Assemblée. Je ne voudrais pas oublier les Secrétaires des groupes politiques et des délégations nationales avec lesquels nous avons créé un réseau de coopération très efficace et amical.

13. Bien évidemment, l’Assemblée ne pourrait pas fonctionner aussi bien sans le soutien et la contribution des autres secteurs du Conseil de l’Europe et de leurs hauts responsables, le Secrétaire Général Terry Davis et la Secrétaire Générale Adjointe, Maud de Boer-Bucquichio. Je les en remercie très sincèrement et pense aussi à cet instant à leurs prédécesseurs avec lesquels j’ai eu le privilège de coopérer dans mes fonctions. L’interaction avec le Comité des Ministres est également essentielle et la bonne coopération de ces dernières années avec les présidences successives a donné beaucoup plus de substance au dialogue entre les deux organes. Celui-ci doit continuer si l’on veut arriver à un véritable partenariat. Je pense aussi au Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe, à la Commission de Venise, à la Cour des droits de l’homme, au Commissaire des droits de l’homme, et à tant d’autres instances et personnes que je tiens à remercier pour leur soutien.

14. Je rencontrerai mon équipe à la fin de la session et lui dirai alors tout le bien que je pense d’elle. Je tiens cependant à dire publiquement que cette équipe est formidable, loyale, motivée et dédiée à la défense et à la promotion des valeurs de l’Organisation. J’ai été très heureux de l’animer et d’obtenir leur adhésion dans la période exigeante de transformation de l’Organisation et d’évolution de ses missions. Je remercie aussi sincèrement les personnels temporaires qui renforcent notre équipe pendant les sessions. Nos relations avec eux sont malheureusement plus épisodiques mais sans eux, nous ne pourrions pas faire fonctionner l’Assemblée.

Dans quelques jours, je confierai cette belle équipe à Mateo Sorinas qui l’a animée avec moi durant plusieurs années. Je lui souhaite beaucoup de succès dans ses nouvelles fonctions.