14.04.2008

Discours de Ivan GAŠPAROVIČ Président de la République slovaque

à l’occasion de la 2e partie de la session ordinaire de 2008 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

(Strasbourg, 14-18 avril 2008)


(Extrait du compte rendu des débats)

M. GASPAROVIČ, Président de la République slovaque, (Interprétation) remercie le Président de l’avoir invité à s’adresser à l’Assemblée au moment où la République slovaque préside le Comité des Ministres et où elle fête le 15e anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe. L’orateur vient d’ailleurs d’inaugurer une exposition sur l’histoire mouvementée de son pays, dans les locaux de l’Assemblée.

L’orateur souligne la signification symbolique de sa présence. En juin prochain, il y aura quinze ans que deux pays indépendants sont devenus membres du Conseil de l’Europe après s’être séparés de façon pacifique et civilisée. Ces deux Etats, liés par de nombreux liens historiques et familiaux, se retrouvent aujourd’hui au sein de la maison commune de l’Europe.

L’orateur rappelle que c’est en novembre 1992 que le Parlement de la jeune République slovaque a adopté une résolution exprimant son voeu d’adhérer au Conseil de l’Europe. Cette demande a été approuvée en juin de l’année suivante, faisant de la République slovaque le 31e membre du Conseil de l’Europe. L’orateur était alors présent à Strasbourg en qualité de Président du Parlement slovaque ; il s’y trouve aujourd’hui en tant que chef de l’Etat qui assure la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

A première vue, on pourrait penser que l’adhésion de deux Etats indépendants ne devrait pas poser de problème particulier. Mais en fait, le Conseil de l’Europe s’est montré très exigeant à l’égard de la République slovaque, compte tenu du fait qu’un de ses voisins s’opposait à cette candidature en mettant en doute la capacité de la Slovaquie à assurer le respect des droits des minorités nationales. Il est à espérer que ces doutes sont aujourd’hui complètement écartés.

La République slovaque a participé à l’élaboration de la convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des droits des minorités nationales. Lors de son adhésion, elle a intégré à sa législation non seulement les conventions du Conseil de l’Europe, mais également les recommandations de l’Assemblée parlementaire sur les droits des minorités nationales, reprises sous forme d’un traité.juridiquement contraignant. La Slovaquie respecte pleinement les droits des minorités nationales et regrette les tentatives de certains de chercher des problèmes là où il n’y en a pas.

Les Roms représentent en Slovaquie une minorité importante, à la fois par leur nombre et leurs spécificités. Ils sont souvent victimes de préjugés et stéréotypes dus à la méconnaissance de leur histoire et de leur culture. Il est vrai que la communication avec cette communauté n’est pas toujours aisée : les réflexes nationalistes de certains les ont encouragés à une attitude de repli, voire de passivité.

L’orateur se félicite de l’initiative prise par le Conseil de l’Europe de mettre sur pied le Forum européen pour les Roms. De son côté, la Slovaquie cherche à résoudre les problèmes de cette communauté, et a mis en place un certain nombre d’actions en ce sens: programme de travail social pour améliorer leurs chances de promotion, programme de logements à long terme pour améliorer leur habitat.

Aujourd’hui la République slovaque est l’un des pays les plus dynamiques qui soit sur le plan économique. Les citoyens sont conscients des bienfaits de l’économie de marché mais aussi de la nécessité de faire un certain nombre de sacrifices. En dépit des efforts accomplis, des disparités demeurent. C’est pourquoi il importe de promouvoir un Etat providence et d’atténuer par différentes politiques sociales les conséquences de la politique de transformation économique qu’il était par ailleurs indispensable de mener.

En 1993, le Conseil de l’Europe a dû relever le défi de la réunification d’un continent longtemps divisé par le rideau de fer. Le nombre d’Etats membres est ainsi passé de 26 à 47, si bien que les valeurs défendues par le Conseil sont désormais présentes sur l’ensemble du continent. Il faut maintenant que le Conseil de l’Europe préserve sa place dans l’architecture européenne. C’est une question stratégique. En 1993, année où la République slovaque a adhéré, le Conseil de l’Europe était la seule organisation à promouvoir la protection des droits de l’homme, la démocratie pluraliste et la primauté du droit. Aujourd’hui, d’autres organisations internationales veulent agir sur ce terrain. Le Conseil risque donc, en dépit de son expérience, de perdre sa place. Il ne doit pas pour autant partir à la recherche de nouvelles sphères d’activité. Son avenir réside plutôt dans l’approfondissement et le renforcement de sa spécificité, qui consiste à défendre ses fondamentales.

L’avenir de l’Europe doit se fonder sur la coexistence, le bon voisinage et l’élimination des facteurs de division. Aussi l’orateur lance-t-il un appel aux membres de l’Assemblée: il faut distinguer les questions qui unifient l’Europe de celles, obsolètes et subversives, qui la divisent.

Lorsque la République slovaque a signé le Protocole 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, chacun savait que la Cour européenne des Droits de l’Homme n’allait pas tout résoudre.

Aujourd’hui ce protocole n’est toujours pas opérationnel, des solutions doivent donc être trouvées ailleurs, non en recourant à des groupes de sages, d’avocats ou d’experts, mais en faisant en sorte que chaque pays respecte en son sein les principes du droit. Si les citoyens trouvent dans leur propre pays le niveau de protection que préconise le Conseil de l’Europe, ils auront moins de raison d’avoir recours à la Cour européenne de Strasbourg.

En République slovaque, un amendement constitutionnel a introduit dans la législation un remède efficace : une plainte pour violation des droits de l’homme peut être déposée devant la Cour constitutionnelle et entraîner réparation financière. Le ministère de la Justice a d’autre part annoncé que l’appareil judiciaire serait renforcé par la nomination de 50 nouveaux juges. La Charte des libertés et des droits fondamentaux ainsi que la Convention européenne de Droits de l’Homme font désormais partie intégrante du système juridique slovaque et priment sur la législation nationale. La République slovaque sera d’ailleurs candidate, aux élections de mai, à New York, au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

En tant qu’avocat, l’orateur se dit préoccupé par l’érosion des principes du droit international, qui est finalement un système très fragile. D’ailleurs plusieurs conventions adoptées par le Conseil de l’Europe sont restées lettres mortes ou n’auront eu qu’une durée de vie très courte. Les plus récentes ont néanmoins permis de tirer le signal d’alarme sur certaines questions.

Outre ses tâches principales, le Conseil de l’Europe déploie ses efforts dans d’autres domaines. Il ne sera cependant sans doute pas possible de garder toutes les activités du passé. On constate en effet que les dépenses d’administration et de personnel, en particulier celles de la Cour européenne des Droits de l’Homme, prennent de plus en plus d’importance, alors que les dépenses consacrées aux programmes, séminaires et réunions des différents organes du Conseil de l’Europe baissent d’année en année. Il faut éliminer les doubles emplois au sein des différentes structures, mieux utiliser certaines ressources et viser à une croissance zéro des dépenses.

En conclusion, l’orateur se dit convaincu que des efforts communs permettront de continuer à améliorer la qualité de vie de tous, dans la paix et la compréhension mutuelle sur tout le continent. (Applaudissements).