15.04.2008

Intervention de

Thomas HAMMARBERG

Commissaire aux Droits de l’Homme

du Conseil de l’Europe

(Strasbourg, 14-18 avril 2008)


M. le Président, Messieurs les membres de l'Assemblée parlementaire,

La discussion que vous avez eue en octobre à propos de mon mandat – sur la base d’un rapport rédigé par M. Gardetto – a été pour moi l'un des moments importants de l'année écoulée. J'ai écouté vos conseils, tout comme j'écouterai aujourd'hui attentivement vos commentaires sur le rapport annuel d'activité 2007 de mon Bureau.

Au mois d'octobre, vous avez souligné l'importance de l’indépendance de ma fonction. Je suis heureux de vous faire savoir que les Gouvernements membres sont en effet respectueux de l'autonomie et de l'intégrité de mon mandat. Aucun risque ne semble menacer notre indépendance mais si un quelconque problème devait surgir, soyez certains que je défendrais avec vigueur cette qualité fondamentale de l'institution.

Le document CommDH (2008)10 REV rend compte précisément du travail accompli. Nous n'avons pas le temps d’entrer ici dans le détail. Vous l'aurez remarqué, le plus gros de nos ressources et de notre énergie est toujours consacré à l'évaluation et aux visites de contacts dans les pays membres. Ce faisant, nous avons dégagé des questions transversales qui méritent un examen approfondi et qui pourraient justifier de nouvelles recommandations. Nous avons considérablement étendu notre coopération avec les structures nationales de défense des droits de l'homme.

Il n'est pas surprenant que la situation actuelle dans les Etats membres du Conseil de l'Europe continue de susciter certaines inquiétudes quant au respect des droits de l'homme.

L’enjeu prioritaire des droits de l'homme est de mettre en oeuvre des normes établies et de faire des droits de l'homme une réalité pour tous, notamment ceux qui - pour diverses raisons - sont souvent exclus et marginalisés. Comme le dit le rapport, nous n’aurons de cesse que ceux dont les droits de l'homme doivent être protégés puissent bénéficier des normes et des procédures adoptées pour protéger les droits de chacun. L'accès à la justice pour tous est une priorité essentielle.

Après deux ans dans mes fonctions, je ressens le besoin de partager avec vous certaines réflexions sur la manière dont nous pourrions renforcer les relations de travail entre nos deux institutions – l'Assemblée parlementaire et le Commissariat aux droits de l'homme. Bien entendu, nos grands objectifs sont convergents mais nos rôles et donc, nos possibilités d’intervention, sont différents.

Je suis certain qu'il existe des domaines et des circonstances dans lesquels une complémentarité mieux comprise pourrait renforcer encore l’efficacité de nos institutions respectives. L’indépendance n’empêche pas la coordination. J’aimerais vous donner quelques exemples.

- Nous pourrions partager et recouper nos informations dans un esprit de synergie.

Je suis enchanté de l'habitude prise par l’Assemblée et vos commissions d'inviter mon Bureau à participer à certaines séances, comme celle récente sur la reconnaissance des couples homosexuels ou aux travaux actuels sur les droits humains des migrants irréguliers. Au vu des missions et des visites que nous avons effectuées dans un grand nombre d’institutions où les droits de l'homme sont en danger, j’estime que nous sommes en mesure de fournir des données utiles et de contribuer à une analyse des tendances en ce domaine.

Avant d’entreprendre une mission, je vérifie nos résolutions et rapports – par exemple, ceux du Comité de suivi – pour étoffer ma base de connaissances. Je suis sûr que vos représentants en font de même.

J’ai délibérément évité de mettre en place un système de suivi des élections ; les parlementaires sont mieux placés pour cela. En revanche, nos rapports sont utiles dans la mesure où ils donnent un aperçu plus général de la situation des droits de l'homme, surtout concernant la liberté d’expression et de réunion.

- Nous pourrions, si nécessaire, partager et recouper nos informations dans un esprit de synergie.

L’indépendance de mon Bureau ne nous empêche évidemment pas de faire fond sur vos conclusions que je reprends souvent en dialoguant avec des représentants gouvernementaux. Par exemple, vos recommandations et vos résolutions sur la dépénalisation de la diffamation et du blasphème, des insultes à caractère religieux et de l’incitation à la haine pour des motifs religieux m’aident beaucoup sur un plan politique et intellectuel lorsque je discute de ces questions épineuses avec les Etats membres, que je fais part de mes inquiétudes et de mes suggestions et que j’exprime mon point de vue dans les médias.

Le Comité de suivi m’a rendu un grand service en invitant les Etats membres à prendre en compte mes recommandations. Mon autorité s’en trouve renforcée quand il s’agit de contrôler les suites données à mes recommandations.

- Nous pourrions mettre au point une stratégie de planification pour garantir un résultat optimal.

Le choix du moment adéquat est essentiel, aussi les différents acteurs doivent-ils coordonner leurs actions pour être efficaces. Ceci vaut particulièrement dans les situations de crise. En voici un bon exemple ; la coordination des récentes missions en Arménie. John Prescott - avec son message politique - et mon équipe, avec nos recommandations sur les droits de l'homme, ont démontré ensemble que l’Arménie pouvait espérer une réponse sérieuse, honnête et constructive du Conseil de l'Europe.

- En votre qualité de parlementaires, vous pouvez faire passer le message en faveur des droits de l'homme au niveau national.

Nous pouvons également envisager avec vous, en votre qualité de parlementaires nationaux, une plus grande complémentarité d’action pour favoriser la prise de conscience et le changement. Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer dans la ratification des traités relatifs aux droits de l'homme et l’adoption de nouvelles lois ou politiques contribuant à un plus grand respect des droits de l'homme. Ce soutien est aussi précieux pour les campagnes internationales en faveur des droits de l'homme, comme celle actuellement en cours pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, y compris dans leur foyer.

J’ai l’espoir qu’en tant que membres de vos parlements nationaux, vous puissiez vous faire l’écho des recommandations émanant de mon Bureau. J’ai constaté que les parlements dotés de commissions des droits de l'homme ont grandement bénéficié des connaissances que d’anciens membres actifs de l’APCE ont transmises à ces commissions.

Vous disposez d’un pouvoir politique. Vous êtes en prise avec votre électorat, vous avez voix au chapitre concernant l’activité législative et vous exercez un contrôle sur l’exécutif politique. Vous êtes sans aucun doute un partenaire privilégié pour un Commissaire.

Je contribue pour ma part en m’appuyant sur les normes européennes en vigueur dans le domaine des droits de l'homme, un mandat indépendant, une attitude constructive et critique vis-à-vis des efforts des gouvernements, les relations de travail avec les structures nationales des droits de l'homme et la société civile.

J’ai également l’intime conviction qu’il faut intensifier les efforts pour nous permettre de répondre aux attentes de tous ceux qui ont placé leur espoir en nous.

Je vous remercie.