EMBARGO JUSQU'AU PRONONCE
30.09.2008

Communication du Comité des Ministres

présentée par Frank BELFRAGE

Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de la Suède, représentant la présidence du Comité des Ministres

à l’occasion de la 4e partie de la session ordinaire de 2008 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

(Strasbourg, 29 septembre-3 octobre 2008)


Monsieur le président, M. le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi d’être ici à Strasbourg et de m’adresser à vous tous au sein de cette Assemblée, au nom de la Présidence suédoise du Comité des Ministres.

En tant que représentant de la Présidence, il me semble approprié de replacer mon rapport dans le contexte des valeurs qui constituent les fondements du Conseil de l’Europe depuis près de 60 ans – la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit.

La raison d’être du Conseil de l'Europe est - comme nous le savons tous -d’assurer la paix et la prospérité dans notre région du monde. Le Ministre des Affaires étrangères Carl Bildt nous a rappelé dans son discours du mois de juin que l’on ne peut jamais tenir la paix pour acquise.

Il y a près de vingt ans, le Président Gorbatchev s’est exprimé devant cette Assemblée en évoquant la « maison européenne commune ».

Les événements tragiques de cet été en Géorgie nous ont montré que nous avons encore beaucoup à faire pour construire la « maison européenne commune » et à quel point il est bon de nous rappeler que la paix ne peut jamais être considérée comme acquise.

Le conflit en Géorgie et entre la Fédération de Russie et la Géorgie est un sérieux défi à relever pour l’ensemble de la communauté internationale – mettant en danger la paix et la stabilité de l’Europe – et, par voie de conséquence, c’est aussi un sérieux défi à relever pour le Conseil de l'Europe et les valeurs qu’il défend.

Le statut de l’Organisation ainsi que les obligations et engagements contractés par les deux Etats membres ont fait l’objet de violations.

L’engagement à régler les conflits par des moyens pacifiques, ainsi que d’autres engagements concrets pris par la Fédération de Russie et la Géorgie lors de leur adhésion, ont été ignorés.

Les principes fondamentaux de coopération et de respect du droit international énoncés dans le Statut, et plus particulièrement la souveraineté d’un Etat, le droit à son intégrité territoriale et l’inviolabilité de ses frontières, ont été bafoués par le recours à des opérations militaires.

Le Président estime que les opérations géorgiennes sur son territoire doivent être jugées à la lumière des obligations de la Géorgie au regard des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Les méthodes employées par la Géorgie pour contrôler son territoire suscitent de graves inquiétudes quant à leur compatibilité avec ses obligations.

Toutefois, les opérations militaires menées par la Géorgie sur son territoire ne peuvent absolument pas être considérées comme une agression vis-à-vis de la Fédération de Russie, déclenchant le droit à l’autodéfense de cette dernière. Il est, en outre, manifeste que puisqu’un Etat enfreint le droit international lorsqu’il recourt à la force militaire pour protéger ses ressortissants dans un autre Etat, l’autodéfense ne peut servir de justification aux opérations militaires de grande ampleur lancées par la Fédération de Russie en Géorgie.

En droit international, la protection des forces de maintien de la paix ne peut pas non plus servir de fondement au recours à la force. Le recours aux armes par les forces de maintien de la paix et pour les soutenir est régi par le mandat conféré et d’autres règles y afférentes. Les vastes opérations militaires lancées par la Fédération de Russie contre la Géorgie ne sont pas justifiables sur ces bases.

Le Comité des Ministres a accordé toute son attention au conflit en Géorgie. Le Président a conclu, je cite : « Le conflit armé entre la Fédération de Russie et la Géorgie sur le territoire de cette dernière et ses conséquences pour le respect des principes et des normes du Conseil de l’Europe sont tout particulièrement préoccupants. La situation constitue un défi sérieux pour l’Organisation et les valeurs qu’elle défend. La sécurité et le développement doivent être fondés sur le règlement pacifique des conflits nationaux et internationaux ainsi que le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats. Continuer comme si de rien n’était n’est pas de mise pour une Organisation dont la mission est de protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.

Suite à la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Fédération de Russie, le Président a fait une déclaration dans laquelle il a condamné cette décision et souligné qu’elle compromettait gravement les chances de parvenir à un règlement pacifique du conflit conformément aux principes du droit international et était en contradiction flagrante avec les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe.

Cette démarche, ainsi que les mesures prises par d’autres organes du Conseil de l'Europe, notamment l’Assemblée parlementaire et le Commissaire aux droits de l’homme, sont exposées en détail dans le rapport soumis par la Présidence à la réunion informelle extraordinaire du Comité des Ministres qui s’est tenue le 24 septembre à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, et à laquelle ont participé 32 ministres. Je crois savoir que le rapport vous a été distribué ainsi que le résumé de la réunion par le Président.

En bref, la réunion a réaffirmé la gravité du conflit et de ses conséquences. Le conflit a causé des pertes en vies humaines et de grandes souffrances parmi les populations, y compris le déplacement d’un nombre important de personnes, sans compter ses conséquences pour la sécurité démocratique dans la région. Cela requiert une réponse claire de la part du Comité des Ministres dans le droit fil de l’objectif central du Conseil de l’Europe qui est de préserver et de promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Le résumé recommande que le Comité des Ministres assure un suivi renforcé des obligations et engagements contractés par la Fédération de Russie et la Géorgie vis-à-vis du Conseil de l'Europe. Les résultats devraient servir de base au Comité des Ministres pour déterminer les mesures à prendre, notamment en matière de coopération et d’assistance, afin de garantir le respect des principes et normes de l’Organisation. Il faudrait intensifier la coopération entre le Conseil de l'Europe et la Fédération de Russie, d’une part, et la Géorgie, d’autre part, afin de consolider la mise en œuvre des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Une présence renforcée du Conseil de l'Europe dans les deux pays pourrait s’avérer nécessaire. Cela implique une réaffectation des ressources. Les participants à la réunion ont soutenu les six principes visant à garantir une protection d’urgence des droits de l’homme et de la sécurité humanitaire, énoncés par le Commissaire dans son rapport spécial publié le 8 septembre 2008. La contribution que le Conseil de l'Europe peut apporter à leur mise en œuvre fait l’objet d’une attention particulière.

La Présidence suit de près le débat d’urgence que votre Assemblée tient cette semaine sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie. La contribution de l'Assemblée à la collecte d’informations à propos de la situation actuelle sur le terrain et à l’élaboration de propositions pour de futures actions est précieuse pour le Comité des Ministres.

Tout au long de la crise, la Présidence a eu des contacts très étroits avec les autres organisations internationales concernées, notamment les Nations Unies, l’Union européenne et l’OSCE.

Le 15 septembre, M. le Ministre Carl Bildt a rencontré le Président en exercice de l’OSCE, M. Alexander Stubb, Ministre des Affaires étrangères de la Finlande, pour une réunion à haut niveau entre les deux organisations ; ils ont appelé au strict respect de l’accord de cessez-le-feu en six points négocié par la présidence française de l’Union européenne.

Conformément au plan en six points, ils ont noté qu’il est essentiel que les troupes de la Fédération de Russie se replient sur leurs positions d’avant le 7 août. Ils ont aussi rappelé qu’en qualité d’Etats membres du Conseil de l'Europe et d’Etats participants de l’OSCE, la Russie comme la Géorgie étaient liées, en matière de droits de l'homme, par des obligations et engagements qu’elles devaient respecter en toutes circonstances.

Monsieur le Président, je suppose que vous avez tous reçu la communication écrite de la Présidence suédoise qui vous donne des précisions sur l’état d’avancement des travaux du Comité au cours des derniers mois. Je soulignerai un ou deux points qui sont également particulièrement importants pour la Présidence suédoise.

La Suède continue d’agir dans le droit fil de notre principale priorité, à savoir appliquer la décision de Varsovie de se concentrer sur des questions clés - de faire en sorte que le respect de leurs droits devienne, pour les citoyens européens, une réalité.

La Présidence suédoise poursuit son action en faveur d’une consolidation du système du Conseil de l'Europe en matière de protection des droits de l'homme. Suite au colloque intitulé « Vers une mise en oeuvre plus efficace de la Convention européenne des Droits de l'Homme au niveau national » qui s’est tenu les 9 et 10 juin, à Stockholm, des propositions concrètes d’action seront soumises au Comité des Ministres la semaine prochaine.

Il est extrêmement important de déployer des efforts pour mettre en œuvre la Convention au niveau national. Si les droits sont garantis au niveau national, les citoyens n’auront pas besoin de se tourner vers Strasbourg pour obtenir de l’aide.

La Convention européenne des Droits de l’Homme et la Cour européenne des Droits de l’Homme sont les instruments les plus importants dont nous disposons pour y parvenir. C’est pourquoi nous estimons qu’il est essentiel de ratifier le Protocole n° 14 afin que nous puissions aller de l’avant avec les réformes requises pour rendre la Cour plus efficace.

C’est aux 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, collectivement, qu’incombe la responsabilité d’assurer le fonctionnement efficace du système de la Convention. La ratification du Protocole n° 14 par la Fédération de Russie reste d’une importance capitale pour protéger la Cour contre une charge de travail excessive et, une fois de plus, j’exhorte la Fédération de Russie à ratifier le protocole.

Un grand nombre de requêtes individuelles liées au conflit en Géorgie ont été déposées devant la Cour. Des requêtes interétatiques lui ont également été soumises. Cela appellera une attention particulière et la mobilisation de ressources significatives pendant plusieurs années, ce qui ne fait qu’augmenter le besoin de réformes.

Si la mise en œuvre du Protocole n° 14 reste en suspens, je pense que les pays qui veulent se doter d’une Cour efficace et croient en l’importance de celle-ci devront trouver un autre moyen d’aller de l’avant.

De l’avis de la Présidence suédoise, une coordination accrue entre organisations internationales sur les questions liées aux droits de l’homme et à l’Etat de droit est importante. Nos priorités ont donc été de convoquer des réunions à haut niveau avec l’OSCE et l’Union européenne pendant notre présidence.

Comme je l’ai déjà dit, une réunion à haut niveau entre le Conseil de l'Europe et l’OSCE s’est tenue le 15 septembre. Outre la discussion qui a eu lieu sur la Géorgie et les mesures prises par les deux organisations, la coopération entre elles et les questions liées aux élections ont également été débattues.

Le 20 octobre, une réunion quadripartite avec l’Union européenne se tiendra à Strasbourg.

La coopération avec l’ONU est également importante. Un projet de résolution sur la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l'Europe a été approuvé par les Délégués des Ministres et transmis au Secrétariat des Nations Unies en vue de son examen par l’Assemblée générale des Nations Unies à l’automne. La Présidence suédoise déploiera tous ses efforts pour faire en sorte qu’une résolution soit adoptée par consensus.

J’aimerais aborder une question qui vous tient à cœur, tout comme à la Présidence suédoise. Il s’agit de la nécessité de rendre les droits tangibles pour tous les jeunes citoyens européens - ceux de moins de 18 ans, les enfants qui vont façonner notre avenir commun.

Lors d’une conférence à haut niveau intitulée « Construire une Europe pour et avec les enfants - stratégie pour 2009-2011 », organisée à Stockholm en septembre en tant qu’événement de notre présidence, il a été débattu d’une stratégie future pour les droits des enfants au sein du Conseil de l’Europe.

Les conclusions de cette conférence ont identifié trois domaines prioritaires de l'action qui devrait être menée par le Conseil de l'Europe au cours des années à venir : la promotion de l’accès des enfants à la justice, la suppression de toute forme de violence à l'égard des enfants, ainsi que la participation et l'influence des enfants au sein de la société.

Fondée sur les conclusions de cette conférence, une stratégie pour 2009-2011 va maintenant être élaborée par les Délégués des Ministres en vue de son adoption lors de la réunion de passation de la Présidence du Comité des Ministres de la Suède à l'Espagne, le 27 novembre. La campagne du Conseil de l'Europe « Levez la main contre la fessée ! » a été évoquée de manière approfondie lors de la conférence ; Sa Majesté la Reine Silvia et plus de vingt membres des gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe ont signé les cartes postales qui symbolisent l'engagement du Conseil de l'Europe en faveur de la suppression de toute forme de châtiment corporel des enfants.

Cette démarche s'inscrit dans la droite ligne de l'appel lancé par cette Assemblée pour que l'Europe devienne un espace sans châtiment corporel des enfants. Elle vise à rendre les droits tangibles pour les enfants de la même manière qu’ils le sont pour les adultes.

Des préparatifs sont actuellement en cours pour deux autres conférences que tiendra notre présidence. Tout d’abord, la conférence « Protéger et promouvoir les droits des personnes handicapées en Europe : vers leur pleine participation, leur inclusion et l'amélioration de leur autonomie », organisée conjointement avec le Conseil nordique des ministres, aura lieu les 29 et 30 octobre à Strasbourg. Ensuite, une conférence sur une action systématique en faveur de l'application des droits de l'homme, intitulée : « Les droits en action », se tiendra à Stockholm début novembre.

La présidence suédoise organisera conjointement avec la présidence de l’Union européenne un événement pour mettre en avant la Journée mondiale contre la peine de mort, le 10 octobre. C’est une cause à laquelle nous sommes très attachés, tout comme l’est le Conseil de l'Europe ; nous avons donc fait un effort pour mettre cette journée en valeur pendant notre Présidence.

Les attentes de la communauté internationale en faveur d’élections libres et démocratiques au Bélarus n’ont malheureusement pas été comblées. Les rapports publiés hier par l’OSCE et le BIDDH sont à cet égard très clairs. La Présidence suédoise unit sa voix à tous ceux qui regrettent sincèrement que le régime du Bélarus n’ait pas saisi cette occasion pour prendre de nouvelles mesures en faveur d’un plus grand respect des valeurs démocratiques et des droits de l’homme.

Les élections au Bélarus démontrent clairement la nécessité de continuer à soutenir les forces démocratiques, la liberté des médias et la société civile dans le pays ; elles montrent que la communauté internationale doit s’employer à renforcer son engagement, ainsi que le dialogue et les contacts avec le Bélarus. Le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer à cet égard. Nous devons également poursuivre nos efforts en faveur du développement démocratique au Bélarus de manière à faciliter son adhésion au Conseil de l’Europe.

Cet été, nous avons été les témoins de très graves événements en Turquie. La Cour constitutionnelle de Turquie enquêtait sur la question de savoir si le parti au pouvoir, le Parti AK, avait enfreint la Constitution. Dans sa décision, la Cour n’a finalement pas interdit le Parti AK au pouvoir. Il est important que le Conseil de l'Europe suive de près cette décision car je pense qu’elle ouvre la voie à d’autres réformes ; je rappelle à cet égard l’invitation du Ministre Bildt aux autorités turques afin qu’elles utilisent l’expertise du Conseil de l'Europe.

Les élections dans l’ « ex-République yougoslave de Macédoine » un peu plus tôt cet été ont révélé des signes inquiétants. De graves actes de violence et d'intimidation ont eu lieu même si les élections étaient techniquement bien organisées. Nous devons poursuivre nos efforts pour aider l’« ex-République yougoslave de Macédoine » dans ses réformes démocratiques et sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne.

Le 15 octobre aura lieu l’élection présidentielle en Azerbaïdjan. Elle sera suivie attentivement par le Comité des Ministres et nous espérons qu’elle se déroulera conformément aux normes internationales. Cette élection montrera si les autorités sont prêtes ou non à respecter les normes internationales relatives à des élections libres et équitables.

Pour ce qui concerne le futur proche du Conseil de l'Europe dans son ensemble, et de l’Assemblée en particulier, une question importante est l’élection d’un nouveau Secrétaire Général. Il convient de trouver un bon Secrétaire Général qui respecte les « critères Juncker ». Afin d’initier ce processus, le Ministre Bildt a envoyé une lettre à ses collègues en juillet leur demandant de commencer à rechercher un nouveau Secrétaire Général en identifiant des candidats adéquats dans leurs pays respectifs.

Quant au Kosovo, la Suède se tient à son engagement de garantir une transition pacifique et stable vers un Etat indépendant sous surveillance internationale. La Résolution 1244 s’applique toujours et la reconfiguration de la présence civile internationale est enfin en cours, à l’initiative du Secrétaire Général de l’ONU. Je ne ferai que rappeler la position du Ministre Bildt sur cette question, qu’il avait présentée dans son discours devant cette Assemblée en juin dernier, où il se félicitait sincèrement de la transition de la MINUK à l’ICO et à l’EULEX, dans tous les domaines. Les gouvernements ne sont pas tous de cet avis, mais la majorité des membres du Conseil le sont. A cet égard, j’aimerais souligner qu’il est capital de permettre au Conseil de l'Europe, ainsi qu’à l’OSCE de poursuivre leurs activités.

Enfin, j’aimerais soulever la nécessité d’intensifier le renforcement des principes de la prééminence du droit dans les Etats membres. Une stratégie sur ce thème est en cours de discussion au sein du Comité des Ministres. Nous espérons qu’elle sera adoptée au cours de la Présidence suédoise. Les travaux sur cette question doivent se faire en étroite coopération avec d’autres acteurs internationaux comme l’ONU, l’UE et l’OSCE. La prééminence du droit était une question thématique de la réunion du Comité en mai dernier, qui a essentiellement porté sur l’Europe du Sud-Est, et cela reste un sujet de préoccupation majeur.

En tant que membres du Conseil de l'Europe, nous devons agir de manière responsable et sauvegarder les possibilités qu’offre l’Organisation. L’Assemblée parlementaire joue un rôle clé dans nos efforts communs pour promouvoir les valeurs démocratiques en Europe.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.