Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Secrétaire d'État,
Vos Excellences, Mesdames et Messieurs, Chers collègues,
Je suis très honoré de l'occasion qui m'a été donnée de m'adresser à vous aujourd'hui et je voudrais remercier tout particulièrement notre hôte, - le Président de l'Assemblée Nationale, - mais aussi notre cher collègue et ami, M. Réné Rouquet, Président de la délégation française auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui a été à l'origine de ce colloque.
« La défense des droits de l'homme en Europe, une idée dépassée ?», tel est le thème de notre rencontre.
Je crois qu'il nous suffit de jeter un regard rapide autour de nous pour avoir notre réponse :
- une tentative de coup d'état contre un pays souverain, membre de notre organisation ;
- des attaques terroristes qui frappent aveuglement et impitoyablement de plus en plus souvent ;
- la guerre, aux portes de l'Europe ;
- des millions de réfugiés et de migrants provenant de la Syrie et d'autres pays de la région.
A tout cela s'ajoutent d'autres défis, non moins importants, notamment la montée de l'extrémisme - de gauche et de droite - et de la rhétorique populiste, et la persistance de conflits gelés non résolus. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier les grands défis de société, comme la nécessité de garantir un futur professionnel aux jeunes et de les aider à s'épanouir pleinement au sein de nos sociétés.
Tous ces éléments prouvent que les droits de l'homme restent plus que jamais un enjeu de premier plan dans l'Europe d'aujourd'hui.
Et c'est dans ce contexte extrêmement tendu que nous nous demandons :
Le Conseil de l'Europe est-il en mesure de jouer pleinement son rôle en matière de défense et de protection des droits de l'homme, démocratie et état de droit?
Quel est l'avenir de notre organisation ?
Quel est l'avenir des autres organisations internationales et régionales dans l'architecture européenne ?
Depuis sa création, l'objectif du Conseil de l'Europe est d'encourager une union plus étroite entre les Etats membres afin de sauvegarder les principes et les valeurs communes européennes.
Soixante-sept ans après sa création, cette union est remise en question.
Nous le voyons, par exemple, dans les conflits, gelés ou non, entre nos États membres ; nous le voyons sur la question des réfugiés, où l'Europe n'a pas fait suffisamment preuve de solidarité, et certains pays comme, tour à tour, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et la Turquie, se sentent abandonnés à leur sort face à l'ampleur de ce phénomène. Mais nous le voyons aussi au sein de notre Assemblée parlementaire, où aujourd'hui seulement quarante-six, et non quarante-sept, délégations parlementaires dialoguent et échangent des bonnes pratiques, étant donné que la délégation russe ne participe pas actuellement à nos travaux.
Mais le fait que nous ayons des problèmes ne signifie pas que nous avons échoué. Cela signifie qu'aujourd'hui, plus que jamais, nous avons besoin de l'Europe, de dynamisme, et d'unité pour répondre à ces défis.
C'est dans cet esprit que j'étais à Ankara, il y a deux semaines, pour manifester notre solidarité avec la Turquie et le peuple turc au lendemain d'une tentative inacceptable de coup d'Etat ; de même, depuis mon élection je me suis rendu à trois reprises en Russie, afin de construire des ponts entre le Parlement russe et l'Assemblée parlementaire. L'unité entre quarante-six Etats ne sera jamais complète, il nous faut assurer que tous les états membres travaillent ensemble sur la défense de nos valeurs.
Vos Excellences, Mesdames et Messieurs,
L'objectif de ma brève intervention aujourd'hui est aussi de lancer, ensemble avec vous, un débat sur les moyens politiques de donner une nouvelle impulsion à notre organisation. Permettez-moi alors de souligner trois aspects autour desquels je crois que notre stratégie pourrait s'articuler :
1. Tout d'abord, il s'agirait de renforcer les ponts entre notre organisation, les organismes nationaux et les citoyens – spécialement les jeunes - afin de rendre notre travail plus efficace et ainsi mieux répondre aux préoccupations et besoins de nos citoyens.
Les extrémistes cherchent à détruire nos libertés, toute coexistence, les ponts entre les gens. Notre travail est d'empêcher cette destruction. Ceci est un travail quotidien, qui passe principalement par l'éducation, la sensibilisation et la compréhension.
Il est de notre devoir d'être aux côtés des 820 millions d'Européens, leur montrer l'exemple, les écouter, comprendre leurs besoins, leurs attentes, et y répondre.
Seulement une Europe près de ses citoyens peut avoir un impact réel et durable.
Une des actions que j'ai menée dans ce sens est ma nouvelle initiative « Terrorisme : #NiHaineNiPeur » afin de rassurer nos électeurs, défendre avec une vigueur accrue nos libertés et nos valeurs fondamentale, et créer un mouvement large contre la haine et la peur face à la menace terroriste.
2. Deuxièmement, il est nécessaire de renforcer davantage les synergies entre le Conseil de l'Europe et les autres organisations régionales et internationales.
La question de la place du Conseil de l'Europe parmi les autres organisations n'est pas nouvelle, mais dans la construction d'une Europe stable et unie, toutes les institutions visant ce même objectif doivent se compléter et coopérer efficacement.
Cette coopération doit se traduire en des actions concrètes, et pas seulement en des mots sur une page.
Pour vous donner quelques exemples d'activités efficaces déjà en place, je tiens à mentionner la coopération soutenue avec l'ODIHR, le Parlement Européen et les assemblées parlementaire de l'OTAN et de l'OSCE dans le domaine de l'observation des élections, ainsi que la mise en œuvre par le Conseil de l'Europe de programmes financés en grande partie par l'Union Européenne, tels que le Programme Sud et la Facilité horizontale pour les Balkans occidentaux et la Turquie.
Mais nous pouvons faire encore plus. Beaucoup plus.
3. En dernier lieu, il faut retrouver nos plus profondes valeurs, afin de mieux nous projeter dans l'avenir.
Le Conseil de l'Europe a été créé en 1949, avec siège à Strasbourg - ville-pont entre la France et l'Allemagne, symbole de la réconciliation entre ces deux pays après la seconde guerre mondiale - pour dire d'une voix forte et résolue : « plus jamais ».
Plus jamais la guerre.
Plus jamais avoir à connaître de telles atrocités.
Plus jamais l'intolérance.
Aujourd'hui, confrontés à une série de crises inédites, plus que jamais il nous est indispensable de revenir à cet esprit et lui trouver un nouveau sens.
Il n'existe pas de solutions faciles. Mais cela ne signifie pas que nous devons renoncer ou nous laisser décourager, bien au contraire. D'autant plus que le Conseil de l'Europe possède les bons outils : nombreuses conventions, mécanismes de suivi indépendants, et forum de dialogue politique entre les élus nationaux, locaux et régionaux.
Je suis sûr qu'il y a des milliers de moyens d'utiliser encore mieux ces outils, et le travail mené par notre Secrétaire Général sur la préparation des rapports est une excellente piste de travail.
L'Assemblée, de son côté, continuera à jouer pleinement son rôle, aussi dans le cadre du débat coordonné par notre ami Michele Nicoletti sur l'organisation d'un sommet du Conseil de l'Europe pour défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe.
Je me réjouis d'avoir avec vous un échange de vues sur comment nous pouvons améliorer notre travail.
Je vous remercie.