Monsieur le Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe,
Mesdames et Messieurs les élu·e·s locaux et régionaux,
Monsieur le Secrétaire Général du Congrès,
Chères et chers ami·e·s,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous aujourd'hui à l'occasion de la 36ème session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Je souhaite, tout d'abord, remercier chaleureusement le Président Anders Knape pour son aimable invitation à cet échange de vues.
Je dois dire que je me sens vraiment à l'aise ici avec vous, du fait que j'ai commencé ma carrière politique au niveau local, en tant que conseillère municipale à Veyrier, Genève (Parlement de commune), de 1983 à 1992, puis au niveau régional, dans le Parlement du Canton de Genève, le Grand Conseil, avant d'entamer ma carrière nationale. C'est ainsi avec beaucoup d'émotion que je remonte le temps et me replonge dans le travail, les importantes responsabilités, et les défis quotidiens des représentantes et représentants locaux et régionaux.
Mes chères et chers collègues – puisque je peux ainsi le dire,
Je me réjouis également de cette opportunité car, depuis mon élection en juin de l'année dernière, je me suis investie avec détermination pour renforcer davantage la coopération entre l'Assemblée parlementaire et toutes les autres institutions du Conseil de l'Europe, y compris votre Congrès.
Je vois notre collaboration dans l'esprit d'une équipe sportive. Chaque institution, chaque organe, a son propre rôle et son autonomie, ainsi que ses propres prérogatives et priorités, mais nous agissons toutes et tous dans le même but : poursuivre la construction d'un espace commun de protection et de promotion de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits humains.
J'ai ainsi eu l'occasion d'accueillir votre ancienne Présidente, Mme Gudrun Mosler-Törnström, lors de notre partie de session du mois d'octobre. Je suis également ravie de voir que la Présidente de notre Commission des questions juridiques et des droits de l'homme, Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir, a participé à vos débats cette semaine. Enfin, je crois savoir que la collaboration avec notre rapporteur général sur les pouvoirs locaux et régionaux, M. Jean-Pierre Grin, est fructueuse. J'ai l'intention de poursuivre sur cette voie réjouissante et je suis sûre qu'avec votre soutien et votre engagement, nous continuerons à développer davantage nos relations. Dans ce contexte, je vous proposerai tout à l'heure quelques pistes de réflexions pour l'avenir.
Mes Chères et chers collègues,
Une coopération accrue entre nos deux Assemblées est d'autant plus importante que notre organisation s'apprête à fêter, le mois prochain, ses 70 ans.
Né sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil de l'Europe a su rassembler sous un même toit la quasi-totalité du continent européen. Des Etats, qui « hier » se considéraient comme des ennemis et s'affrontaient dans deux camps opposés, font aujourd'hui partie de ce foyer des valeurs qu'est le Conseil de l'Europe, et apportent leur contribution en travaillant côte à côte pour bâtir une Europe unie autour de valeurs communes et partagées.
« Veillons et travaillons à ce que ces forces ne s'affrontent plus jamais les unes les autres, mais à ce qu'elles agissent en commun, pour maintenir la paix et la liberté, pour sauvegarder notre Europe et le monde libre ». Ces paroles expriment le souhait de Konrad Adenauer, Chancelier fédéral et Ministre des affaires étrangères de la République Fédérale d'Allemagne, qui s'est adressé à l'Assemblée parlementaire en 1954.
Ce qui était à l'époque une utopie, une vision, est aujourd'hui une réalité. Paix, réconciliation, liberté, sécurité démocratique : tels sont les piliers autour desquels le Conseil de l'Europe a mené son action ces 70 dernières années.
Cependant, chères et chers collègues, ne pensons pas à tort que la paix a été acquise une fois pour toutes. Il faut la défendre et la construire jour après jour. Cette pensée doit guider nos actions au quotidien. Soyons alors pleinement conscient·e·s que chaque fois que nous tendons la main à celles et ceux qui ont besoin d'aide, que nous nous asseyons à la même table pour débattre, comprendre et écouter nos points de vue respectifs, chaque fois que – même à toute petite échelle – nous refusons l'injustice, la violence ou l'intolérance, c'est précisément là que nous contribuons à la réussite du projet qui honore le Conseil de l'Europe, et que le Chancelier Adenauer a mis en avant dans son discours. Alors, mes chères et chers ami·e·s, soyons fiers de ce que nous faisons et continuons, ensemble, à travailler dans cette direction.
Mesdames et Messieurs,
Si la recherche de la paix et de la sécurité démocratique reste une exigence constante, nombreux sont aussi les nouveaux défis qui nous incombent au présent, à la veille de ce 70ème anniversaire. Je pense notamment aux questions liées à la migration et à l'accueil des personnes réfugiées, à la montée du populisme et de la méfiance face aux institutions démocratiques, ou encore au fléau du terrorisme et de l'extrémisme violent et à la défiance croissante entre nos Etats membres. A tout cela, comme vous le savez, s'ajoutent aussi des défis internes à notre organisation.
Comment faut-il alors y répondre ?
En tant que représentantes et représentants locaux et régionaux, vous jouissez d'une relation privilégiée avec nos concitoyennes et concitoyens. Vous êtes les premières personnes auxquelles ces femmes et ces hommes s'adressent quand ils ont besoin d'être rassuré·e·s et écouté·e·s. Chaque jour, vous assistez, sur le terrain, à l'expression la plus authentique de leurs préoccupations et de leurs besoins. Ce canal de communication direct est tel que vous jouez un rôle primordial dans la réponse à ces défis. Permettez-moi d'en citer quelques exemples.
Si on considère notamment la question des flux migratoires et de l'accueil des personnes réfugiées, nous le savons très bien, les flux migratoires ont une incidence toute particulière au niveau local. Les collectivités territoriales ont un rôle de premier plan, car elles sont les points d'entrée et de sortie des personnes migrantes et des personnes nécessitant une protection. Elles sont ainsi confrontées à des énormes défis pour répondre à leurs besoins fondamentaux, comme leur garantir un abri, des produits alimentaires, et les services de santé de base et d'éducation. Tout cela, souvent, avec des moyens très limités.
Il est tout aussi important de rappeler leur rôle dans l'intégration des personnes migrantes et dans la préparation de la population à l'accueil de ces personnes, particulièrement dans le changement des attitudes négatives vis-à-vis des « étrangers ». Vous avez mis en lumière certains de ces aspects dans plusieurs de vos Résolutions, notamment les résolutions suivantes : « régions frontalières face au phénomène migratoire » ; « de l'accueil à l'intégration : le rôle des collectivités locales face aux migrations » ; et, tout récemment, « enfants réfugiés non accompagnés : rôle et responsabilité des collectivités locales ».
Pour ce qui concerne le populisme et la méfiance face aux institutions démocratiques : gardiennes et gardiens de la démocratie de proximité, vous jouez un rôle important dans le rapprochement entre nos concitoyennes et concitoyens et les institutions. Cela est d'autant plus important dans cette période difficile, où la politique est de plus en plus vue par la population comme détachée des vrais problèmes de société, avec pour conséquence la perte de confiance en l'ensemble des politicien·ne·s à laquelle nous assistons aujourd'hui.
Votre rôle ne se limite pas à préserver cette confiance en nos institutions démocratiques mais il est déterminant pour permettre l'émergence d'une forte « conscience civique collective », capable aussi de stimuler davantage une participation populaire aux débats de société. Plus la population jouera un rôle actif dans ces débats et dans la prise de décisions, plus nous - actrices et acteurs politiques au niveau local, régional ou national - seront aussi capables de mieux répondre à ses besoins.
Vous avez abordé, sous un certain angle, cette thématique lors de votre débat de cette semaine sur « Gouvernement ouvert à l'échelon régional » et, notamment, sur « les mécanismes pour renforcer le dialogue et l'engagement des citoyens ». Votre initiative des « jeunes délégué·e·s » visant à faire mieux entendre la voix des jeunes au sein de votre institution, mérite aussi d'être saluée.
Venons-en ainsi au rôle et à l'avenir de notre organisation.
Notre union étroite est aujourd'hui menacée par la résurgence de conflits anciens, et par l'émergence de conflits plus récents, de divisons politiques et d'une méfiance croissante entre nos Etats, ainsi que par des défis que j'ai énoncés tout à l'heure -migration, terrorisme et extrémisme - et qui dépassent les frontières de notre continent.
Quel est alors le rôle de notre organisation dans cet environnement tendu, et comment répondre à ces pressions ?
C'est dans ce contexte que s'inscrit pleinement la contribution du Congrès à la réflexion du Conseil de l'Europe sur son avenir, que vous venez d'adopter cette semaine, et où vous soulignez à juste titre que « la crise n'est pas la fin de la société, elle est le moment critique d'une transition ». Vous voyez notamment l'avenir de notre Organisation dans le renforcement du rôle du Conseil de l'Europe afin d'assurer la stabilité démocratique sur notre continent, en mettant aussi en avant la dimension territoriale de la démocratie européenne.
Mes chères et chers collègues,
Tout comme vous, je suis convaincue que le Conseil de l'Europe sera à la hauteur des défis d'aujourd'hui. Face aux difficultés, une piste en particulier doit être privilégiée : celle du renforcement du dialogue et de la coopération, afin de surmonter les défis auxquels nous sommes confronté·e·s et poursuivre l'objectif qui se trouve au cœur du travail de notre organisation. Travaillons et allons de l'avant car ce qui nous unit est beaucoup plus fort que les divisions qui transparaissent et auxquelles, j'en suis convaincue, nous trouverons une réponse, ensemble.
Mesdames et Messieurs,
En parlant d'unité, je voudrais conclure mon discours avec deux sujets sur lesquels, je pense, nos deux Assemblées pourraient coopérer davantage.
Le premier est la contribution à l'Agenda 2030 et à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies. En tant que femmes et hommes politiques, il est de notre responsabilité collective de soutenir activement la concrétisation de l'Agenda 2030.
Votre Congrès est déjà fortement engagé dans la promotion de l'ensemble des objectifs de développement durable. Si je pense aux rapports sur la fracture entre les villes et le monde rural, et sur la participation politique et la représentation des femmes aux niveaux local et régional, ou, encore, à vos nombreuses activités concernant la promotion du dialogue interculturel et interreligieux et à l'alliance des villes européenne contre l'extrémisme violent.
Nous pourrions intensifier davantage ces actions et conjuguer nos efforts, afin que la vision d'un avenir plus juste, plus équitable et plus écologique, au cœur de l'Agenda 2030, devienne une réalité. La semaine prochaine, notre Assemblée parlementaire débattra d'un rapport préparé par Mme Jennifer de Temmerman sur la « Mise en œuvre des Objectifs de développement durable : la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités locales ». Le projet de Résolution contient également un appel à nos Etats membres à associer « les parlementaires, les représentants des autorités locales et régionales et la société civile aux organes de pilotage/coordination de mise en œuvre des objectifs », ainsi qu'une invitation adressée à votre Congrès à « intégrer davantage les Objectifs de Développement Durable dans votre travail ».
En deuxième lieu – et en fait cette thématique est strictement liée à l'objectif de développement durable n.5 « égalité entre les sexes » - je voudrais vous proposer de rejoindre et soutenir l'initiative lancée sur les réseaux sociaux : #PasDansMonParlement.
La promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes est l'une de mes priorités politiques, en tant que femme parlementaire de longue date et Présidente de l'Assemblée. Vous le savez, aujourd'hui, la violence à l'égard des femmes reste l'une des violations les plus méprisables des droits humains et la conséquence la plus lourde des inégalités persistantes entre femme et homme. Ainsi, suite à la publication d'une étude menée conjointement par l'Union Interparlementaire et l'Assemblée parlementaire, qui a révélé que le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes sont massivement répandus dans les parlements d'Europe, j'ai décidé de lancer l'initiative #PasDansMonParlement. A travers cette initiative, nous avons la possibilité de faire un premier pas vers un changement d'ère, qui amènerait tous les Parlements européens à s'unir dans un effort commun : celui de dire NON à toute intimidation, à tout comportement sexiste, harcèlement et violence fondés sur le genre.
Bien évidemment, les parlements ne sont qu'un microcosme de nos sociétés. Ainsi, cette initiative ne doit nullement se limiter au milieu parlementaire. Si nous, parlementaires, nous engageons pour mettre fin à des comportements inacceptables, c'est, d'abord, parce que c'est notre responsabilité d'agir dans notre milieu de travail et d'activité. Mais c'est aussi en espérant ainsi inciter tous les autres milieux à faire de même. Je vous invite toutes et tous à décliner ce mot-dièse à votre guise et à utiliser, par exemple, les formules suivantes : #PasDansMonCongrès, #PasDansMaVille, #PasDansMaRégion, #PasDansMonBureau.
Je vous remercie de votre attention et reste, bien entendu, à votre disposition pour répondre à vos questions.