Monsieur le Secrétaire Général,
Mes chères et chers collègues,
C’est un grand plaisir pour moi d’intervenir aujourd’hui devant le réseau parlementaire mondial de l’OCDE, en tant que représentante de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, que j’ai l’honneur de présider. Et ce, d’autant plus que l’orateur qui m’a précédée, le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel GURRIA, est un ami de longue date de notre Assemblée.
La relation entre l’OCDE et l’APCE repose sur une coopération institutionnelle longue de 56 années, durant lesquelles l’Assemblée a été un espace public de débat démocratique ainsi qu’un laboratoire de nouvelles d’idées mais aussi une plateforme unique pour l’examen parlementaire des activités de l’OCDE.
Il y a 26 ans, nous avons vu la naissance, à Strasbourg, d’une Assemblée parlementaire « élargie » pour permettre aux parlementaires venant des États membres de l’OCDE qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe -comme par exemple le Canada, le Chili ou le Japon- de participer à nos débats annuels sur l’OCDE.
Notre relation privilégiée connaît aujourd’hui un développement majeur, puisque notre Assemblée participe, pour la première fois en tant que partenaire institutionnel, au Réseau parlementaire de l’OCDE.
L’OCDE et le Conseil de l’Europe, qui vient de fêter ses 70 ans, ont développé des domaines d’action différents, tout en ayant beaucoup en commun puisque nous partageons les mêmes valeurs et que nous visons les mêmes objectifs : sauvegarder la dignité humaine, défendre le principe de l’universalité des droits fondamentaux des êtres humains, promouvoir l’égalité et agir au quotidien pour le bien-être de l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens.
Face aux défis de la globalisation, face aux doutes qui planent sur la pertinence et l’efficacité des mécanismes multilatéraux de coopération internationale, nos deux organisations doivent agir de concert, afin d’offrir une perspective réelle d’un futur démocratique et prospère, dans un contexte de développement durable.
Dans cette perspective, il est donc tout à fait naturel que la mise en œuvre des Objectifs de développement durable des Nations Unies soit au cœur de notre discussion. Ce sujet est une priorité d’action de notre Assemblée, comme en témoigne le débat que nous y avons consacré au mois d’avril de cette année.
Pour introduire nos débats d’aujourd’hui, permettez-moi d’évoquer 3 sujets : la base normative pour la réalisation du Programme 2030 des Nations Unies, les flux migratoires et l’intelligence artificielle.
Mesdames et Messieurs,
En mettant pour la première fois l’accent sur les droits humains, l’État de droit et la bonne gouvernance à travers les institutions démocratiques en tant qu’éléments indispensables du développement durable, le Programme 2030 est entré en corrélation directe avec les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe et son acquis normatif.
225 conventions ont été élaborées au sein de notre Organisation, dont 166 sont ouvertes aux États non membres et donc à tous les États membres de l’OCDE. Notons par exemple la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul), la Convention sur la cybercriminalité (la Convention de Budapest) ou encore la Convention pénale sur la corruption. En tant que parlementaires, nous devons promouvoir cet acquis normatif en tant que cadre de référence et en tant que modèle pour une réglementation globale.
Par ailleurs, nous entretenons un lien direct et privilégié avec la société civile, les organisations professionnelles, les autorités locales et régionales. Nous pouvons ainsi assurer l’inclusivité du Programme 2030 tout en soutenant et en surveillant sa mise en œuvre par nos gouvernements.
Nous devons enfin mettre l’accent sur des dossiers transversaux du Programme 2030, comme par exemple l’égalité entre femmes et hommes, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Le sexisme, le harcèlement et la violence envers les femmes sont des conséquences directes de l’inégalité que la Convention d’Istanbul vise à éradiquer.
Il y a un an, notre Assemblée a lancé une campagne #PasDansMonParlement – #NotInMyParliament pour sensibiliser les parlementaires et les fonctionnaires aux phénomènes de sexisme et de harcèlement afin de les éliminer définitivement de l’enceinte parlementaire. Je compte sur votre soutien pour diffuser cette initiative.
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Mesdames et Messieurs,
Pour ce qui est de la question de la migration, la situation en Méditerranée est toujours tendue. Selon l’OIM, 72,263 migrant·e·s ont débarqué en Europe depuis le début de l’année. Il s’agit certes d’une diminution de 14% par rapport à l’année dernière, mais le chiffre reste important, surtout si l’on considère que 78% de ces personnes arrivent dans deux pays, en Grèce et en Espagne, souvent en mettant leur vie en réel danger.
Pas plus tard que la semaine dernière, notre Assemblée a tenu un débat d'urgence sur ce sujet et a appelé les États membres à placer le sauvetage des femmes, des enfants et des hommes en Méditerranée au-dessus de toute considération politique, car il est impératif de porter assistance aux personnes en danger de mort.
De plus, nous avons appelé au lancement d’une nouvelle mission de sauvetage sous l’égide de l'Union européenne. En outre, depuis 2015 nous menons une campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants. J’espère que nos débats permettront d’identifier de nouvelles pistes d’action pour mettre fin à la tragédie que des milliers de personnes vivent pour arriver sur le sol européen.
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Mesdames et Messieurs,
J’aborde le thème de l’intelligence artificielle et je me réjouis du fait qu’une session spéciale y sera consacrée demain, avec la participation des acteurs clé de notre Assemblée.
Pour ma part, je tiens à souligner que nous ne pouvons pas laisser la place à l'autorégulation, à travers des codes éthiques établis et définis par les seules grandes sociétés des technologies de l'information. Il est impératif de disposer d’un cadre normatif uniforme ! Le Conseil de l'Europe y contribue déjà avec, par exemple, ses conventions en matière de protection des données (Convention 108) ou de droits de humains et de biomédecine (Convention d'Oviedo, ouverte aux États non membres). Mais il faut faire plus.
Ainsi, il y a un mois, des travaux ont été lancés afin d’examiner la faisabilité, sur la base de consultations multipartites, y compris avec l’OCDE, « d’un cadre juridique pour le développement, la conception et l’application de l’intelligence artificielle fondée sur les normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’État de droit ».
L'Assemblée parlementaire contribue pleinement à ce processus en soutenant une approche sensible aux droits humains dans les travaux sur l’intelligence artificielle. En plus de la mise en place d’une sous-commission spéciale, plusieurs dossiers en cours traitent des différents aspects de l'utilisation de l'intelligence artificielle allant de la nécessité d’assurer une gouvernance démocratique aux questions liées à la protection des droits humains dans l'utilisation des algorithmes dans des milieux aussi divers que le marché du travail, la justice, la santé, ou à la prévention des discriminations, en particulier contre les femmes et les groupes vulnérables. Un débat joint sur ces différents aspects est prévu au courant de 2020.
Je suis convaincue que les discussions pendant ces deux jours nous aideront à avancer dans nos travaux réciproques.
Je vous remercie de votre attention.