Allocution d'ouverture à l'occasion de la Conférence européenne des Présidents de Parlement de 2016
Strasbourg, jeudi 15 septembre 2016

Chères Présidentes, Chers Présidents, Excellences, Chers collègues,

C'est un honneur pour moi que de déclarer ouverte la Conférence européenne des Présidents de Parlement et de vous accueillir à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Aujourd'hui, 15 septembre, c'est la Journée internationale de la démocratie.

Je ne saurais imaginer un lieu plus approprié pour célébrer cette journée. Dans cette Assemblée, depuis plus de six décennies, les représentants des citoyens européens, élus démocratiquement, se réunissent, débattent, se forgent peu à peu une même conscience de ce que signifient la démocratie, les droits de l'homme et l'Etat de droit, et construisent une identité européenne commune.

Je ne saurais imaginer meilleure compagnie pour célébrer cette journée, avec la présence de si nombreux Présidents de Parlement.

Chers collègues,

Certaines dates définissent notre histoire et façonnent notre mémoire collective, nos perceptions et nos réactions.

Il y a exactement deux mois, le 15 juillet, une tentative de coup d'Etat a eu lieu en Turquie. Nous avons tous assisté à ces événements dramatiques au fur et à mesure qu'ils se déroulaient : la violence, le sang, les chars, les fusillades, le bombardement de la Grande Assemblée nationale, une tentative d'assassinat visant les dirigeants politiques du pays et une tentative d'anéantissement de la démocratie. Nous avons assisté aussi à la réaction de simples citoyens, à la détermination de la population turque, qui est descendue dans la rue en montrant un exemple exceptionnel de courage qui lui a permis de déjouer la tentative de coup d'Etat.

Ce qui s'est passé en Turquie nous rappelle que nous ne devons jamais prendre la démocratie pour acquise et que la meilleure défense contre les atteintes à la démocratie consiste à renforcer, et non pas à restreindre, la démocratie et le respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit. C'est un message que j'ai transmis avec fermeté lorsque je me suis rendu à Ankara il y a 15 jours.

Une autre date déterminante a été celle du 13 novembre 2015. Les attentats de Paris, notamment au Bataclan, ont conduit à une brutale prise de conscience des gens ordinaires dans toute l'Europe, en leur faisant comprendre que c'étaient EUX qui constituaient la cible principale. Ce n'était pourtant ni le premier ni le dernier attentat terroriste en Europe, mais cela a changé notre compréhension du danger.

Malgré le sentiment omniprésent de menace, la peur et la haine ne doivent pas régner en maîtres.

En tant qu'hommes et femmes politiques et en tant que personnalités publiques, nous devons montrer l'exemple. Nous devons être fermes dans notre condamnation du terrorisme, et en même temps équilibrés dans nos réactions et dans le respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit, qui ne sont pas négociables. Peu après avoir pris mes fonctions de Président de cette Assemblée, j'ai lancé une campagne sous le hashtag Terrorisme : #NiHaineNiPeur. Je vous invite tous à vous joindre à moi dans cette initiative et à témoigner de notre engagement dans la lutte contre le terrorisme tout en restant fidèles à nos valeurs.

L'incertitude et le manque de confiance sont devenus une caractéristique commune en Europe, en raison aussi des conséquences de la crise économique et des mesures d'austérité qui ont été mises en place pour y faire face. Cela a conduit à un manque de confiance de l'électorat dans les forces politiques « traditionnelles », et cela a été à l'origine d'un soutien considérable vis-à-vis de nouveaux mouvements et partis. Certains de ces mouvements et de ces partis sont le reflet d'un engagement civique authentique et de la volonté d'apporter un renouveau en politique. Cela dit, dans le même temps, l'extrémisme et le populisme ont augmenté tant à droite qu'à gauche de l'échiquier politique. De même, l'euroscepticisme aussi a pris de l'ampleur tandis que les attitudes nationalistes sont réapparues et se sont renforcées.

Ces tendances sont, pour moi, un grave sujet de préoccupation.

Les défis que doit relever l'Europe sont tellement diversifiés et de taille qu'aucun pays ne peut y faire face seul. Aucun pays ne peut ériger un mur contre le terrorisme ou la crise économique. Aucun pays ne peut construire une barrière pour maintenir à l'extérieur l'instabilité due à des conflits gelés ou en cours, qui sont à l'origine de l'occupation et de l'annexion de territoires appartenant à des Etats membres. La seule façon de nous protéger et d'aller de l'avant consiste à être conscients de notre interdépendance et à nous concentrer sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise, en privilégiant le dialogue par rapport à la confrontation.

Chers collègues,

Lors de cette conférence, nous nous demanderons comment mieux coopérer pour protéger la démocratie, les droits de l'homme et l'Etat de droit. Cette question sera omniprésente dans toutes nos discussions mais nous l'étudierons expressément en tant que thème parmi ceux de cet après-midi.

J'aimerais aussi dire quelques mots d'un autre de nos trois thèmes : les migrations et la crise des réfugiés.

Aucun d'entre nous ne pourra oublier Aylan, un petit garçon syrien âgé de trois ans qui s'est noyé en essayant d'atteindre les rivages de l'Europe. C'est il y a à peine plus d'un an, le 2 septembre 2015, qu'Aylan est devenu le symbole d'une tragédie humaine à laquelle l'Europe ne peut pas trouver de réponse. Comme la tragédie du Bataclan, ce n'est pas la première tragédie de ce genre, mais c'en est une qui est devenue un moment déterminant aux yeux de la population européenne.

La question de savoir comment faire face aux flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée est à l'origine de clivages entre les Etats membres du Conseil de l'Europe et d'autres Etats, et elle a mis en lumière les tensions entre les intérêts nationaux et la nécessité de la solidarité et du partage des responsabilités. Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent s'efforcer de résoudre les problèmes posés par le phénomène migratoire et la crise des réfugiés. De même, ils ont tous des obligations car ils sont liés par le principe du non-refoulement et par la Convention européenne des droits de l'homme.

J'espère que le débat sur ce thème reflétera nos différentes opinions et sensibilités. Mais j'espère aussi qu'il ouvrira la voie à des solutions réalistes, viables et humaines, pleinement conformes aux engagements moraux et juridiques de nos Etats.

L'unité de l'Europe a volé en éclats sur la question des migrations, mais il ne s'agit pas là d'un phénomène nouveau pour notre continent. Malheureusement, nos efforts pour parvenir à ce que plusieurs générations d'immigrés aient le sentiment de faire partie intégrante de nos sociétés n'ont pas toujours été couronnés de succès. Dans nos sociétés, les minorités, les immigrés et les citoyens d'origine immigrée ont souvent été particulièrement vulnérables à la stigmatisation, à la discrimination et à l'exclusion sociale. Et pourtant, c'est l'acceptation de la diversité par la société qui constitue le rempart le plus fort contre le pouvoir de la propagande extrémiste.

Cela me conduit au troisième thème de notre conférence, qui sera abordé demain matin : la mobilisation des parlements contre la haine, pour des sociétés inclusives et non racistes. Les sociétés sont plus fortes et plus soudées lorsque la diversité est NON SEULEMENT acceptée MAIS AUSSI RESPECTÉE ET APPRÉCIÉE en tant que richesse.

Dans ce domaine, les parlements et la classe politique ont un rôle à jouer en adoptant des positions claires et nettes pour éradiquer l'intolérance, le racisme et la haine, sous toutes leurs formes et dans toutes leurs manifestations.

Encore une date. Nous n'oublierons pas ce qui s'est passé à Utøya le 22 juillet 2011 : la haine extrémiste qui a conduit à l'assassinat de tant de jeunes gens.

Je suis convaincu que les orateurs principaux qui interviendront sur ce thème nous donneront l'inspiration nécessaire pour nous mobiliser et prendre des mesures concrètes.

Au-delà des thèmes qui figurent au programme, cette conférence nous offre une tribune pour un dialogue PANeuropéen, auquel TOUS les Etats membres du Conseil de l'Europe PARTICIPENT.

Elle nous offre aussi une perspective POLITIQUE ET GÉOGRAPHIQUE PLUS VASTE, grâce à la participation de représentants politiques de pays voisins de l'Europe ainsi que d'autres assemblées internationales et interparlementaires.

Chers collègues, Chers amis,

N'oublions pas une dernière date, la fin de la Seconde Guerre mondiale - le 8 ou le 9 mai, en fonction de l'histoire de nos pays respectifs.

Le Conseil de l'Europe a émergé des cendres de la Seconde Guerre mondiale pour réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de préserver et de concrétiser les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun.

Le Conseil de l'Europe a été établi pour assurer la paix et la stabilité en Europe. C'est un défi permanent cependant, si nous continuons à revenir sur ce que l'histoire nous a enseignés, nous pourrons aller de l'avant et trouver ensemble des solutions.

Je vous remercie.