Allocution d'ouverture pour la Partie de session d'avril 2014
Strasbourg, lundi 7 avril 2014

Mesdames et Messieurs, Chères/Chers collègues,

Notre Organisation et l'Europe toute entière doivent faire face aujourd'hui à une crise grave. Une crise qui représente un défi immense pour les valeurs et les principes que nous défendons, pour la paix et la coopération internationale, qui, aux termes du Statut, sont les objectifs de notre Organisation. L'annexion de la Crimée – territoire ukrainien – par la Fédération de Russie, est inacceptable et constitue une violation grave du droit international. En tant que Présidente de l'Assemblée, j'ai condamné fermement cette action de la Russie le 18 mars 2014. Le Comité des Ministres, ainsi que le Congrès des pouvoirs locaux, ont également réagi dans les mêmes termes. Il appartient aujourd'hui à notre Assemblée de prendre position.

Il est de notre devoir, Chères/Chers collègues, de réagir face aux actions de l'un de nos Etats membres – la Russie. Le respect de l'intégrité territoriale est l'une de nos règles les plus fondamentales, et l'un des engagements qui incombent à tous les Etats membres, et je voudrais le souligner, à tous les Etats membres. Nous devons donc, pendant cette partie de session, discuter des conséquences de l'annexion de la Crimée. Comme vous le savez, deux motions concernant la contestation des pouvoirs de la délégation russe ont été déposées.

Il appartient à l'Assemblée de trancher quelles actions nous allons prendre. Chères/chers collègues, je tiens à vous informer que, pour ma part, j'ai pris l'initiative de contacter par téléphone aussi bien le Président de la Douma, que le Président de la Verkhovna Rada. La semaine dernière, j'ai eu de longs entretiens avec les ambassadeurs russe et ukrainien. Le dialogue étant l'un des instruments de prédilection de cette organisation, j'ai également eu un contact avec le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-moon, afin d'identifier quelle contribution nous pourrions apporter nous-mêmes, en tant que Représentants des Organisations internationales, à la recherche de solutions  à cette grave crise.

Chères/Chers collègues,

De ma mission en Ukraine, effectuée conjointement avec les membres du Comité des Présidents et les co-rapporteurs, il me reste en mémoire une image forte, un symbole de ma visite à Maïdan. A la vue de ces tentes et ces barricades, qui sont pour moi un symbole et un mémorial, avec les gens recueillis autour, j'ai entendu comme un appel lancé à nous tous afin que la perte de plus de 100 vies humaines n'ait pas été vaine.

Lors de cette visite du Comité des Présidents à Kyiv, Donetsk et Lviv, du 21 au 24 mars 2014, nous avons pu mesurer toute l'ampleur et la complexité des défis à soulever. Les priorités sont bien connues: il s'agit de la réforme constitutionnelle, de la réforme électorale et de celle de la décentralisation, de la réforme de la justice, de la lutte contre la corruption, pour ne donner que quelques exemples. Les co-rapporteurs de la Commission de suivi feront le point sur toutes ces initiatives dans le débat sur « les développements récents en Ukraine: menaces pour le fonctionnement des institutions démocratiques ».

Nous devons également saluer l'action de notre Secrétaire Général, qui est activement impliqué dans les recherches de solutions à la crise. Notre débat doit donner une impulsion politique à l'action de notre Organisation vis-à-vis de l'Ukraine, notamment dans le cadre des mesures immédiates d'assistance proposées par le Secrétaire Général, la semaine dernière, au Comité des Ministres.

Aujourd'hui, afin que nos débats se déroulent de façon digne et respectueuse, j'en appelle à la responsabilité de chacun d'entre nous, afin que tous gardent à l'esprit que nos valeurs et standards doivent prévaloir dans nos paroles, nos pensées et nos actions.

Mesdames et Messieurs,

Malgré les difficultés auxquelles notre Organisation doit faire face, le Conseil de l'Europe reste aujourd'hui un guide pour tous ceux qui, en Europe et dans le monde, s'emploient à protéger les droits de l'homme, à instaurer la démocratie et à maintenir l'Etat de droit. Nos valeurs et nos normes sont une force d'attraction puissante et je suis très heureuse de constater que, ces dernières années, nous avons réussi à prendre des mesures décisives pour promouvoir dans notre voisinage les valeurs que nous partageons. Demain, nous allons examiner la demande de statut de Partenaire pour la démocratie déposée par le Parlement kirghize, premier parlement de notre voisinage oriental à nous adresser cette demande. Je me félicite de la détermination de nos collègues à établir des institutions démocratiques fortes. En tant que pionnier dans la région, le Kirghizstan a une responsabilité considérable à assumer. Il n'a pas droit à l'échec ! Par conséquent, les réformes en cours doivent se poursuivre de façon régulière conformément aux recommandations de nos rapporteurs. De notre côté, nous devons aussi être à la hauteur de nos responsabilités, en offrant à ce pays le soutien et l'expertise politiques nécessaires. J'espère que l'octroi du statut de Partenaire pour la démocratie ouvrira une nouvelle ère de coopération entre le Conseil de l'Europe et la République kirghize au niveau de l'Assemblée comme des nombreux comités d'experts et institutions du Conseil de l'Europe.

Chères/Chers collègues,

Si le Conseil de l'Europe est ce qu'il est aujourd'hui, c'est grâce à l'action de femmes et d'hommes ambitieux qui croient en la valeur des droits de l'homme et agissent au quotidien partout où les droits et les libertés des individus sont menacés. Notre collègue, M. José Mendes Bota, est certainement l'une de ces personnes et son engagement mérite toute notre reconnaissance. Lors de ma récente participation à la 58ème session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, aux côtés de la Secrétaire Générale Adjointe, j'ai pu voir comment nos instruments juridiques, à savoir la Convention d'Istanbul et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, pouvaient être utilisés pour diffuser dans le monde entier l'acquis du Conseil de l'Europe. Dans ce contexte, j'attends avec intérêt le débat sur le rapport de M. Mendes Bota relatif à la prostitution, à la traite et à l'esclavage moderne en Europe.

J'attends avec intérêt aussi le rapport de notre Commissaire aux droits de l'homme, M. Nils Muižnieks. Son engagement à défendre et à promouvoir les droits de l'homme, sa capacité et sa volonté de réagir promptement lorsque les droits de l'homme sont en péril, comme il l'a fait en se rendant récemment en Ukraine, son style ouvert et direct sont très appréciés des membres de l'Assemblée et laissent présager un débat stimulant.

Cela dit, pour rendre l'action du Conseil de l'Europe réellement efficace, nous avons besoin du soutien de tous nos Etats membres et de leurs dirigeants, leurs Chefs d'Etats. Il y a dix jours environ, j'ai eu l'honneur et le privilège de recevoir, à Strasbourg, son Altesse royale le Grand-Duc Henri de Luxembourg et son Altesse royale la Grande Duchesse. Dans son discours devant la Cour européenne des droits de l'homme, le Grand-Duc a fait passer un message fort de soutien au Conseil de l'Europe et à nos valeurs. Cette semaine, nous nous réjouissons à la perspective d'écouter le Président de la République fédérale d'Autriche, M. Heinz Fischer, qui s'exprimera devant l'Assemblée alors que l'Autriche assure la présidence du Comité des Ministres. Je suis certaine que notre échange de vues sur les questions les plus brûlantes d'actualité de la politique européenne sera à la fois intéressant et utile pour l'Assemblée.

Permettez-moi de conclure mon discours par une autre remarque concernant les droits de l'homme : dans moins d'un mois expirera le délai pour les nominations au Prix des droits de l'homme Václav Havel. Ce prix adresse au monde entier un message fort de soutien à nos valeurs. Je vous invite donc tous à soumettre, à temps, les candidatures de tous ceux qui méritent de recevoir ce prix pour leur action remarquable en faveur des droits de l'homme.

Un autre événement a lieu cette semaine. Demain, nous allons décerner notre traditionnel Prix du Musée qui est hautement symbolique pour le Conseil de l'Europe, une Organisation dont l'objectif est de renforcer l'unité européenne sur la base de valeurs partagées et d'un patrimoine historique et culturel commun. Cette fois, nous remettons ce Prix au Musée Baksi de Turquie et je tiens à féliciter nos collègues turcs ainsi que le Musée d'avoir remporté ce Prix prestigieux.

Avant de conclure, je souhaiterais que nous rendions un hommage à la mémoire des victimes du génocide du Rwanda, en cette journée de commémoration du 20ème anniversaire, qui nous rappelle ces événements atroces.

A présent, Chères/Chers collègues, alors que nous sommes au seuil d'une partie de session où des questions sensibles vont être traitées, permettez-moi de tous et toutes vous appeler à contribuer à un climat de respect mutuel et d'apaisement.